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Autrice : Mai LEQUAN
dissertation échappe à l'arbitraire subjectif. Elle obéit, en effet, à des règles générales de
construction. Un nombre relativement restreint de principes directeurs fondamentaux président à
son élaboration et forment un cadre rigide, à l'intérieur duquel chacun est libre. Il y a, en creux,
un cadre de la dissertation, qui est un idéal régulateur (à la fois accessible en droit et inaccessible
de fait, dont on cherche à se rapprocher asymptotiquement). Ca cadre n'est pas totalement
implicite. On peut tenter de le dessiner : c'est ce qui rend la dissertation réalisable et le progrès
possible. Parmi les principes formels qui constituent le cadre de la dissertation, on peut citer par
exemple, mais on y reviendra, les 5 étapes de l'Introduction : 1) présentation de la perspective
générale et du domaine du sujet, en une introduction non historique mais d'emblée conceptuelle,
2) analyse de l'énoncé : caractérisation ou définition de tous les termes du sujet, des termes
périphériques et des termes opposés, analyse des étymologies, des expressions courantes où
entrent les termes de l'énoncé, 3) délimitation de l'enjeu (présupposés en amont et conséquences
en aval) et mise à l'écart des hors-sujets possibles, 4) dramatisation, mise en crise du sujet :
évaluation du risque, de l'urgence, du degré de nécessité de la question, et énoncé de la
problématique : faisceau de questions reformulant et approfondissant la question formant
l'énoncé, et aboutissant à une question directrice (problématique proprement dite) qui sert d'axe à
l'ensemble de la démonstration et donne sa cohérence à toute la dissertation et 5) suggestion (et
non annonce scolaire) du plan en 3 parties, en maintenant la solution de la 3° et dernière partie
en suspens. La dissertation est une production close, conceptuellement accomplie, formant une
unité cohérente, et devant aboutir à une conclusion ferme, même si la réponse à la question que
la dissertation se pose à elle-même (problématique qu'elle reformule à partir de l'énoncé) est
provisoire, inachevée ou insatisfaisante et invite à des prolongements.
Cette méthode rend aussi l'apprentissage de l'art de disserter possible. Toutefois appliquer
la méthode n'est pas répéter mécaniquement une recette toute faite, mais travailler librement à
l'intérieur d'un cadre général, qu'il faut mettre en pratique à l'occasion de tel ou tel sujet. Les
"règles de l'art" en dissertation ne doivent jamais rester abstraites et formelles : elles doivent
informer des contenus de sens et des problèmes philosophiques déterminés. Elles doivent être
réappropriées par chacun, de manière vivante, souple et singulière, c'est-à-dire devenir un savoir-
faire personnel. Il n'y a pas de mode d'emploi général, valable pour tous les sujets uniformément.
Il n'y a pas davantage de rhétorique passe-partout (langue et pensée vont de pair, fond et forme
ne peuvent être désolidarisés), mais seulement des règles d'usage, des coups de mains, des
savoir-faire pour bien penser, bien écrire et remédier à ses défauts principaux. Mais si la maîtrise
de la langue est capitale pour la clarté et la lisibilité de la dissertation philosophique, on ne doit
jamais céder à un jargon philosophique intempestif (par exemple, le jargon de la
phénoménologie heideggerienne : "l'être-là du déval"). Veiller à rester intelligible à l'honnête
homme. Expliquer les termes techniques qu'on emploie (notamment empruntés à certains
auteurs), ne jamais supposer le sens d'un terme technique connu du lecteur. La dissertation est un
texte écrit, destiné à être lu et corrigé, donc qui doit être (relativement) autonome, autosuffisant,
et lisible (graphie et style).
La dissertation est un exercice de pensée sur un sujet philosophique, le plus souvent
implicitement présent dans l'énoncé. Le problème philosophique (la problématique) n'est presque
jamais l'énoncé lui-même, mais réside dans une reformulation sous-jacente, approfondie et
réinterprétée de l'énoncé. En vertu de sa fonction démonstrative, la dissertation se développe
dynamiquement à partir de raisonnements, d'exemples, d'analyses de concepts et de
commentaires (éventuellement critiques) de textes (philosophiques ou autres) et aboutit à une
conclusion (réponse à la problématique), qui énonce une prise de position, une thèse. La
dissertation consiste donc à démontrer cette thèse, étapes par étapes. Elle s'organise de manière
démonstrative, argumentée, rigoureuse et rationnelle, selon un mouvement de pensée unifiant.
Comme dans un corps organique, chaque partie doit s'articuler à la précédente, suivant un plan
qui doit être lui-même le reflet de la problématique. Chaque assertion doit être, dans la mesure
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du possible, interrogée en elle-même, dans ses présupposés et dans ses conséquences (implicites
ou explicites). L'ensemble du devoir suit un fil directeur (la problématique) et chemine d'un point
de départ (Introduction) à un point d'arrivée (Conclusion). La dissertation est un cheminement de
pensée qui suit un progrès. Son ton est globalement plus interrogatif, zététique (recherche),
critique, qu'affirmatif, assertorique, péremptoire ou dogmatique. Elle ouvre plus qu'elle ne clôt.
Elle interroge plus qu'elle ne répond (sauf en Conclusion).
La langue doit en être soignée. Respecter les règles de ponctuation, de synthaxe et
d'orthographe. Privilégier les phrases courtes, le style simple et clair, transparent, neutre, nuancé
mais ferme, une graphie lisible et une typographie aérée (aller à la ligne par idée – une idée par
paragraphe - et sauter 2 lignes entre 2 grandes parties). Proscrire les astérisques, étoiles, NB, PS,
dessins, schémas, traits de couleurs et autres signes. Ne souligner, pour les mettre en relief, que
les termes décisifs (par exemple les coordinations : A et B ; A ou B). Mettre des majuscules aux
noms propres et à certains termes consacrés (par exemple "Etat", "Eglise", "Dieu"). Mais ne pas
abuser des majuscules pour les noms communs qui sont des concepts généraux et justifier
chaque emploi de majuscule (par exemple "Justice", "Liberté" etc.). Respecter les règles de
typographie : souligner les titres d'ouvrage, écrire entre guillemets les titres de parties ou de
chapitres, souligner les expressions étrangères, ce qui équivaut à l'italique (par exemple aléthéia,
arété, hexis, praxis, poiesis, theoria, politeia, Begriff, Umwelt, Gegenstand, Grundsatz, Prinzip
etc.), même si elles sont entrées dans la langue française (par exemple hic et nunc, ad hominem,
ad hoc, nec plus ultra, a fortiori, conditio sine qua non, ex nihilo, a priori, a posteriori, ipso
facto, de jure, de facto, minimum, maximum etc.). N'utiliser aucune abréviation, par exemple càd
(c'est-à-dire), n° (numéro), § (paragraphe), ex (exemple), s. (siècle). Eviter les familiarités,
expressions inélégantes ou vulgaires (par exemple "être bien dans sa peau", en "avoir marre").
Proscrire les généralités vagues ("de tout temps les hommes ont pensé", "ce problème a depuis
toujours préoccupé les philosophes", "Platon, ce grand philosophe grec"). Eviter les lieux
communs ("Tous les hommes veulent être heureux"), à moins de les démontrer ou de les
critiquer. Eviter les expressions pédantes et égocentriques, en général l'emploi de la première
personne du singulier, sauf quand elle a, dans une analyse, une valeur impersonnelle et
universelle. Préférer les tournures impersonnelles, la troisième personne (par exemple "le
concept se déduit") ou le "on", le "nous" impersonnels. Eviter les néologismes ("injustifiabilité"),
les pléonasmes ("monter en haut de la hiérarchie") et les lourdeurs ("il est possible dans un
premier temps de se poser la question de savoir si, éventuellement, dans certaines conditions on
ne pourrait pas …"). Eviter les fausses nuances et les approximations non justifiées ("peut-être,
pour ainsi dire, en quelque sorte, vraisemblablement, il paraît, il semble, relativement, plus ou
moins, une espèce de, un certain"). Respecter les règles de la citation : pour chaque auteur qu'on
cite, donner la rélérence au texte avec un maximum de précision (titre de l'ouvrage, partie,
chapitre paragraphe, mais sans pagination, référence non universelle). Ne donner que des
citations exactes et fidèles. Ne pas inventer de citations. Indiquer que l'on tronque ou que l'on
modifie une citation d'auteur, pour l'adapter au contexte, par des [...]. Eviter la rhapsodie de
questions, d'exemples sans ordre, la juxtaposition de résumés de doctrines (surtout par ordre
chronologique) et le catalogue d'auteurs.
Travailler montre en main et minuter chaque étape du travail. Par exemple, pour une
épreuve de 7 heures (agrégation) : 2 h15 pour le travail préparatoire (lecture du sujet, brouillon
comprenant l'analyse des notions du sujet, les questions et l'esquisse d'une problématique, le
choix des exemples et des références aux auteurs, le plan détaillé avec les idées directrices de
chacune des 3 grandes parties et de leurs sous-parties) et la rédaction de l'Introduction au propre ;
1h15 pour la rédaction de chacune des 3 parties directement au propre ; 45 min. pour la rédaction
de la Conclusion (brouillon et version au propre) et 15 min. de relecture de l'ensemble du devoir.
Pour une épreuve de 4 heures : 1 h15 pour le travail préparatoire et la rédaction de l'Introduction
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au propre ; 45 min. pour chacune des 3 parties ; 20 min. pour la Conclusion (brouillon et version
au propre) et 10 min. de relecture de l'ensemble.
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simple convention arbitraire, ni l'enregistrement d'un usage linguistique contrôlé, mais le résultat
d'une démarche génétique visant à l'objectivité et à l'universalité. Elle doit donc en vérité venir
après la démonstration, et non avant elle. La dissertation certes part de définitions provisoires, à
titre de point de départ, mais ce n'est qu'en Conclusion qu'elle peut espérer aboutir à une vraie
définition (définitive). Distinguer les vraies définitions des définitions seulement approximatives.
"Définir, comme l'expression même l'indique, ne doit signifier proprement qu'exposer
originairement le concept explicite d'une chose, en la renfermant dans ses limites. Explicite
signifie la clarté et la suffisance des caractères ; les limites, la précision, de telle sorte qu'il n'y ait
pas plus de caractères que n'en contient le concept explicite ; et originairement veut dire que
cette détermination des limites ne soit pas dérivée d'ailleurs" (Kant, Critique de la raison pure,
"Méthodologie transcendantale", chap.1 "Discipline de la raison pure", Section 1 "Discipline de
la raison pure dans l'usage dogmatique", § 1 "Des définitions", Ak III, 477-478 ; Paris, GF 1987,
trad. Barni et Archambault, p. 556-557).
Il en résulte en premier lieu, qu'il n'existe pas, à proprement parler, de définitions
possibles pour les concepts empiriques, dont l'objet ne nous est connu que par l'expérience. Car
de tels concepts comprennent un nombre indéfini de propriétés ou de caractères (empiriques) que
la seule expérience ne suffit pas à énumérer de manière systématique et exhaustive, ni de
manière originaire et définitive (a priori), ni de manière universelle, nécessaire et objective. "Un
concept empirique ne peut jamais être défini, mais seulement expliqué" (ibid.). Par exemple, le
concept de l'or étant empirique ne peut être défini au sens strict. Tout d'abord, l'or recèle un
nombre indéfini de propriétés qu'on ne peut circonscrire en une liste finie et close (il est
malléable, fusible, inoxydable, doté d'un certain poids, d'une certaine densité, d'une certaine
couleur etc.). Ensuite, l'or ne peut être défini, posé au départ, a priori, antérieurement à ni
indépendamment de l'expérience. On ne peut connaître ce qu'est l'or que parce qu'on
l'expérimente (en physique, en chimie). On ne connaît de l'or que le petit nombre de caractères
qu'on a précisément expérimentés. Mais il en recèle peut-être d'autres. Chaque nouvelle
expérimentation est susceptible de modifier la connaissance scientifique que nous avons de
l'élément chimique or. "On ne se sert de certains caractères que tant qu'ils suffisent à la
distinction ; mais de nouvelles observations en font disparaître quelques uns et en ajoutent
d'autres, de telle sorte que le concept n'est jamais enfermé dans des limites certaines [...]. Le mot,
avec les quelques caractères qui s'y attachent, ne peut offrir qu'une désignation, et non un
concept d'une chose, d'où il suit que la prétendue définition n'est qu'une explication de mot"
(ibid.). Enfin, la définition de l'or n'est ni universelle, ni nécessaire. Pour certains hommes, l'or a
la propriété de ne pas rouiller. Pour certains autres, il est avant tout un métal précieux (éminent
par son prix marchand, sa valeur esthétique etc.).
"En second lieu, on ne peut même pas, à parler exactement, définir aucun concept a
priori, comme par exemple ceux de la substance, de la cause, du droit, de l'équité etc. [...]. [Ici],
l'exacte étendue de l'analyse de mon concept est toujours douteuse, et ne peut être rendue que
probable par un grand nombre d'exemples qui s'y rapportent, mais jamais apodictiquement [de
manière universelle, nécessaire, objective et indubitable] certaine. Au lieu du mot définition,
j'aimerais mieux employer celui d'exposition, qui est plus modeste" (ibid.). Ainsi, selon Kant, ni
les concepts empiriques (donnés a posteriori), ni les concepts donnés a priori ne sont
susceptibles d'être définis à proprement parler. Quels concepts reste-t-il alors à définir ?
En troisième lieu, "il n'y a plus que ceux qui sont arbitrairement pensés sur qui l'on puisse
tenter cette opération. Dans ce cas, je puis toujours définir mon concept ; car je dois bien savoir
ce que j'ai voulu penser, puisque je l'ai formé moi-même à dessein, et qu'il ne m'a été donné ni
par la nature de l'entendement [ou de la raison, a priori], ni par l'expérience [a posteriori], mais
je ne puis pas dire que j'ai défini par là un objet. En effet [...], je ne sais même pas si ce concept a
quelque part un objet [qui lui corresponde en réalité], et ma définition est plutôt une déclaration
(de mon projet) que la définition d'un objet" (ibid.). Par exemple, par le concept de "bouc-cerf",
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Aristote déclare, à titre de projet, penser (et non encore connaître un objet existant) un animal
possible, composé d'un corps de bouc et d'une tête de cerf, mais sans présager encore en rien de
l'existence de pareil animal. Les concepts faits, factices, fantastiques, chimériques (d'objets
seulement logiquement possibles mais non réellement possibles, voire réels), ne sont donc pas
définissables à proprement parler.
En quatrième lieu, "il ne reste donc pas d'autres concepts susceptibles d'être définis que
ceux qui contiennent une synthèse arbitraire pouvant être construite a priori [dans l'intuition pure
de l'espace et du temps] ; il n'y a par conséquent que les mathématiques qui aient des définitions"
(ibid.). Seuls les concepts mathématiques peuvent être définis au sens strict, c'est-à-dire
explicités dans leur clarté et distinction suffisantes, dans des limites, de façon a priori (sans
recourir à l'expérience) et de telle sorte qu'à de tels concepts mathématiques puissent en droit
correspondre des objets réels. Par exemple, le concept mathématique de "cercle" est une
définition au sens strict du cercle (comme l'ensemble des points équidistants d'un centre dans un
plan donné), car cette définition explicite ses caractères distinctifs propres, dans les limites d'une
liste finie, sans recourir à l'expérience, c'est-à-dire a priori et de telle sorte que le concept de
cercle soit expérimentable, qu'on puisse rencontrer des objets (des cercles) réellement existants
dans l'expérience correspondant à ce concept.
Durant le travail préparatoire à la dissertation, on doit donc rechercher des définitions des
termes du sujet, en se demandant pour chaque définition qu'on propose, s'il s'agit 1) d'une simple
explication-désignation (d'un concept empirique), 2) d'une simple exposition (d'un concept a
priori), 3) d'une simple déclaration (d'un concept arbitraire, imaginé, inventé, factice) ou 4)
d'une vraie définition (d'un concept mathématique, c'est-à-dire susceptible d'être posé dans
l'intuition pure spatio-temporelle, à défaut de l'être dans l'intuition empirique). Nommer les
limites, les défauts et les insuffisances des définitions qu'on propose. En général en philosophie,
les définitions sont rarement des définitions de type mathématique et il ne faut pas même
chercher à ce qu'elles le deviennent. Le fait qu'on ne puisse pas définir à proprement parler un
concept, à la façon des mathématiques, prouve au contraire la spécificité de la philosophie, que
Kant souligne. "Les définitions philosophiques ne sont que des expositions de concepts donnés
[par l'entendement ou la raison en leur spontanéité, c'est-à-dire des définitions de concepts a
priori, tels que substance, cause, équité etc.], tandis que les définitions mathématiques sont des
constructions de concepts originairement formés [c'est-à-dire des représentations de concepts
dans l'intuition pure]. Les premières ne sont faites qu'analytiquement par le moyen de la
décomposition (dont l'intégralité n'est jamais apodictiquement certaine) [c'est-à-dire en
remontant, selon l'ordre analytique régressif, du conditionné donné à ses conditions de possibilité
a priori], tandis que les secondes sont faites synthétiquement [c'est-à-dire en redescendant, selon
l'ordre synthétique progressif, des conditions de possibilité a priori au conditionné donné] et
constituent ainsi elles-mêmes le concept que les premières ne font qu'expliquer. D'où il suit : a)
qu'en philosophie on ne doit pas imiter les mathématiques en commençant par les définitions, à
moins que ce ne soit à titre de simple essai [c'est-à-dire à titre de point de départ provisoire,
comme c'est le cas dans l'Introduction d'une dissertation]. En effet, comme les définitions
philosophiques ne sont que des analyses de concepts donnés [a priori par l'entendement ou la
raison purs], ces concepts occupent le premier rang, bien que confus encore, et l'exposition
incomplète précède l'exposition complète [c'est exactement ce qui se produit au cours de la
dissertation, où l'on propose d'abord, en Introduction, des expositions incomplètes de concepts,
avant de donner ensuite, en Conclusion, une exposition complète et parfaite, qui vaut pour une
définition définitive] [...]. Dans la philosophie, la définition, comme clarté appropriée, doit plutôt
terminer l'œuvre que la commencer. Dans les mathématiques au contraire, nous n'avons aucun
concept qui précède la définition [a priori], puisque c'est par elle que le concept est d'abord
donné ; elles [les mathématiques] doivent et peuvent d'ailleurs toujours commencer par là [par
les définitions]. b) Les définitions mathématiques [synthétiques] ne peuvent jamais être fausses
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[...]. Les définitions analytiques [philosophiques] au contraire peuvent être fausses de plusieurs
manières, soit en introduisant des caractères qui n'étaient pas réellement dans le concept, soit en
manquant de cette exacte étendue qui est l'essentiel de la définition, car on n'est jamais
parfaitement sûr de l'intégrité [de l'exhaustivité] de son analyse. La philosophie fourmille de
définitions défectueuses, surtout de définitions qui contiennent bien réellement certains éléments
de la définition, mais non pas tous [...]. Mais [...] on peut aussi employer très utilement des
définitions incomplètes [ce qu'on fait dans l'Introduction et même parfois dans le Développement
de la dissertation], c'est-à-dire des propositions qui ne sont pas encore des définitions, mais qui
sont vraies par ailleurs et par conséquent s'en approchent. Dans les mathématiques, la définition
se rapporte à l'esse [à l'être, à ce qui est] ; dans la philosophie, au melius esse [à ce qui doit être, à
ce qu'il y a de mieux, à ce qui est le plus souhaitable]. Il est beau, mais souvent très difficile, d'y
parvenir" (ibid.).
La dissertation philosophique doit donc, comme l'indique Kant, tendre à proposer de
vraies définitions, c'est-à-dire non pas tant d'impossibles définitions mathématiques, que des
explications les plus complètes posibles, qui comportent tous les éléments requis d'une vraie
définition (mathématique) : explicitation (des caractères clairs et distincts), délimitation (liste
finie et exhaustive de caractères), originarité (a prioricité, indépendance par rapport à
l'expérience) et réalisabilité (concordance possible de l'objet défini avec l'expérience). La
dissertation doit donc tendre à proposer ultimement et analytiquement une définition complète et
proprement philosophique, qui ne soit ni une simple désignation (d'un concept empirique), ni une
simple exposition (d'un concept a priori), ni une simple déclaration (d'un concept arbitraire), ni
une simple définition mathématique (d'un concept construit), mais une explicitation délimitée,
originaire et réalisable. En matière de définitions philosophiques plus qu'en toute autre chose, à
l'impossible nul n'est tenu : il faut être modeste, prudent, patient et critique à l'égard des
définitions qu'on propose. En tout cas, il n'y a (ni en Introduction, ni en Conclusion) aucune
définition idéale définitive (de type mathématique), indépendante du contexte ou du problème,
coupée de toute élaboration dynamique et analytique, et qui mette un terme définitif au débat.
Kant résume ainsi sa pensée sur le rôle, la place et la nature des définitions en philosophie, qui
sont la principale, voire l'unique, tâche de la dissertation. "C'est une précaution qui mérite fort
d'être recommandée dans la philosophie tout entière, quoiqu'elle soit souvent négligée, que celle
de ne pas préjuger les questions par une définition hasardée, avant d'avoir fait du concept une
analyse complète, qui souvent n'est obtenue que très tard" (Kant, Critique de la raison pratique,
Préface, Ak V, 10 ; Paris, PUF, Quadrige, 1989, trad. F. Picavet, p. 7). Il n'est donc pas
nécessaire de vouloir à tout prix donner une définition d'un concept philosophique. Cela peut
même être parfois préjudiciable. A défaut de définition (mathématique idéale ou philosophique
complète), on doit préférer l'explication-désignation, l'exposition ou la déclaration.
Il faut en tout cas s'efforcer, dans l'Introduction et dans le Développement, de distinguer,
de différencier, de séparer, de discriminer les notions entre elles, au sens du krinein grec, qui
forme l'esprit critique selon Kant, tout en recherchant les points communs et les recoupement
entre notions. Il ne faut en effet jamais juxtaposer horizontalement, extérieurement les uns aux
autres, tous les sens possibles d'une notion, mais chercher à recouper, à hiérarchiser
(verticalement), à structurer tous ces sens. Sinon, selon Platon, on n'obtient pas une définition de
la vertu en général (en soi), mais seulement un "essaim" de vertus particulières. Il faut autant
décomposer, analyser la notion en ses multiples sens, en ses mutiples degrés et en ses multiples
domaines d'application, qu'à l'inverse réunir, recouper, synthétiser ces éléments. Pour Platon, la
philosophie dialectique est ce mouvement d'aller-retour du complexe au simple et du simple au
complexe par analyse puis synthèse (Philèbe). Il en va de même pour Descartes (Discours de la
méthode, Règles pour la direction de l'esprit) et pour Kant (Fondements de la métaphysique des
mœurs, Préface) : tous reconnaissent la distinction et la complémentarité entre méthode
analytique et méthode synthétique. Etablir les liens entre les sens et entre les notions : qu'y a t-il
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Autrice : Mai LEQUAN
de commun ou de différent entre les différents sens exposés d'une même notion ? par exemple
entre le travail comme aliénation, le travail comme libération, le travail comme labeur, effort
souffrance, le travail manuel, le travail intellectuel, le travail rémunérateur etc. ; entre la paix
comme pacification, la paix comme endormissement, la paix comme élément juridique, la paix
de l'âme, la paix comme trêve, la paix comme armistice, la "paix des lâches", la "paix des
braves", la "paix fourrée" etc. En quoi tel sens conduit-il génétiquement à tel autre sens de la
même notion ? En quoi tel sens s'oppose-t-il à tel autre, au point qu'ils soient incompatibles ?
Lequel de tous les sens distingués est le plus pertinent philosophiquement pour répondre à la
problématique du sujet ? Quel sens au contraire est limite hors-sujet et fait dériver la dissertation
vers une autre problématique ? Dans cette hiérarchie des sens et des notions, dessiner la
géographie du sujet. Par exemple, en quoi 2 notions sont-elles radicalement extérieures l'une à
l'autre, voire contraires, symétriques l'une de l'autre, se recoupent partiellement l'une l'autre et
délimitent une intersection commune ? Laquelle sert d'accès à l'espace de la seconde, comme une
porte ouvre sur une pièce ? Repérer, dans presque tous les sujets, la grande notion classique qui
fait "sujet de cours", qui détermine le domaine du sujet, en délimite le champ le plus large, et la
notion secondaire qui en détermine l'accès plus précis. Par exemple : dans "Qu'est-ce qu'un
homme libre ?", la grande notion classique de philosophie est la "liberté", mais l'étroite voie
d'accès, par laquelle on doit remonter vers la pièce de la liberté, est la porte "homme". Le sujet
n'est pas la liberté, mais un homme libre. Dans "Peut-on définir le temps ?", la grande notion
classique est "le temps", mais il faut arriver à cette pièce du temps par la porte étroite de la
"définition". Le sujet n'est pas le temps, mais la définition du temps. Dans "Peut-on prouver une
idée ?", la grande notion classique est "l'idée" et la porte d'accès est "prouver". Dans "Tout
pouvoir s'accompagne-t-il de violence ?", la grande notion classique est le "pouvoir", la porte
d'accès est la "violence". Dans "La nature a-t-elle une histoire ?", la grande notion classique est
"l'histoire", la porte d'accès est "la nature". La sujet n'est pas l'histoire en général, mais l'histoire
de la nature. Tout autre accès serait en effet hors-sujet.
6) Choisir des exemples et des références. Il faut trouver, dès le travail préparatoire
(brouillon), les principaux exemples qui seront analysés en détail dans la dissertation et
fourniront la matière à la dissertation. Il faut aussi sélectionner, dès l'étape du brouillon, les
références aux textes philosophiques (ou autres) qu'on analysera. Sur les exemples et les
références, cf. Rédaction, Développement.
6) L'ébauche du plan au brouillon (en 3 parties avec les idées directrices, les transitions
et les analyses prévues, par auteurs). Cf. Rédaction, Introduction.
III – La rédaction
A – L'Introduction
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prix marchand, économique, monnayable (les retombées financières de telles ou telles idées),
mais aussi au sens de la valeur théorique, pratique, religieuse, esthétique, idéologique des idées.
Dans "Qu'est-ce qu'un esprit libre ?", ne pas réduire l'expression large d' "esprit libre" à celle,
historiquement et culturellement beaucoup plus étroite, de "libre esprit", en référence au
mouvement des libertins du XVIIème siècle (forme de pensée athée des "esprits-forts"), au
mouvement de la libre pensée (les "libres penseurs") qui se développe au siècle des Lumières,
ou au mouvement libertaire en général (de défense des libertés fondamentales - liberté de penser,
de s'exprimer, de critiquer - et des droits de l'homme) ; ne pas réduire non plus l'expression d'
"esprit libre" au problème métaphysique cartésien de la liberté d'indifférence du libre-arbitre
humain. Bref, ne pas réduire d'emblée un problème ou une expression à un sens monolithique
tout fait et figé. Balayer tous les sens possibles de "esprit libre", par rapport à tous les sens
d' "esprit" et de "liberté". Ne pas réduire, par une lecture obtue, un sujet à un faux problème, sans
intérêt philosophique, qui serait une voie sans issue, une impasse (une aporia). Par exemple,
dans "L'homme fait-il l'histoire ?", ne pas réduire, de manière stérile, le terme "histoire" au récit
ou à la science historique, car dans ce cas, il est évident que l'homme fait l'histoire et le problème
n'a plus lieu d'être. Le problème se pose bien plutôt de savoir s'il est auteur et responsable de
l'histoire, entendue comme succession d'événements, devenir objectif du monde, réalité effective
du devenir humain. Dans "Le don doit-il être désintéressé ?", ne pas réduire le terme "don" à
talent inné naturel, mais à l'acte de donner. Dans "La fin de l'Etat", ne pas réduire la "fin" au
terme, achèvement, mais penser aussi à la finalité, au but, à la fin comme telos. Le faux-
problème ne peut avoir de fonction que s'il est repéré comme tel et analysé en tant que faux. Il
peut en effet être instructif d'analyser en quoi certains problèmes sont faux, c'est-à-dire soit
n'existent qu'en apparence, mais non en réalité, soit sont des apories qui méritent d'être
reformulées en d'autres termes.
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questions qu'on peut se poser sur le sujet ou autour du sujet. Mais ne pas multiplier pour autant
les questions rhétoriques, vagues, oiseuves ou formelles, en les juxtaposant sans ordre. Il faut
hiérarchiser les questions, comme on hiérarchise les notions et les exemples, et ne garder que
celles qui sont en rapport direct avec le sujet. Le questionnement, l'étonnement (le thaumatzein
grec par lequel commence, selon Platon et Aristote, toute philosophie) est essentiel. Il n'y a pas
de philosophie sans questionnement, sans interrogation, sans formulation d'un problème.
Quelques exemples de questions qui peuvent nourrir la question problématique centrale : a) la
question de la définition, de l'être ou de l'essence d'une chose : "Qu'est-ce que … ?", "Peut-on
définir … ?", "Doit-on définir … ainsi … ?", "Comment définir … ?", "Quel(s) sens donner à
… ?", "Quelle est la nature de … ?" ; b) la question de la distinction : "Comment distinguer A de
B ?", "Peut-on distinguer A de B ?", "Doit-on distinguer A de B ?", "Quelle(s) différence(s) y a-
t-il entre A et B ?", " En quoi A diffère-t-il de B ?", "A et B", "S'agit-il d'une différence de degré
ou de nature ?" ; c) la question des conditions de possibilité, du fondement et de l'origine : "Quel
est le fondement de … ?", "Quelle est la raison de … ?", "En vertu de quelle nécessité A est-il
B ?", "Pourquoi A est-il B ?", "A quelle(s) condition(s) A est-il possible ?" , "Dans quelle
mesure peut-on … ?", «Peut-on fonder A en raison ?", "Comment fonder A en raison ?", "Quels
motifs avons-nous de … ?" ; "D'où vient que … ?", "Comment A a t-il pu survenir ?", «Quelle
est la genèse de A ?", "Quel est son mode de production ?", "Comment A a-t-il été fait ou
pensé ?" ; d) la question de la finalité : "Pourquoi A ?", "En vue de quelle(s) fin(s) A a t-il été fait
ou pensé ?", "Où va-t-on si … ?", "Quelle est la destination de A ?", "Quel est le but de A ?",
"Quels sont les effets, les conséquences (théoriques, matérielles, morales) de A ?", "Qu'est-ce que
cela entraîne ?". Les questions posées en Introduction doivent rester suffisamment générales
pour permettre ensuite, dans le Développement, des références à n'importe quel auteur. Les
questions ne doivent pas encore, à ce niveau, être posées par des philosophes, ni renvoyer à des
doctrines ou à des systèmes de pensées déterminés. Les questions doivent laisser entière la future
liberté de référence et ne pas enfermer d'emblée la dissertation dans une unique doctrine. La
problématique fournit l'axe directeur, l'idée principale, la colonne vertébrale de l'organisme
qu'est la dissertation. C'est la question qui approfondit et oriente, en la réinterprétant, la question
ou la formule de l'énoncé. Elle sert d'axe à l'ensemble de la démonstration et donne sa cohérence,
son unité, argumentative et démonstrative, à la dissertation.
5) Suggestion du plan (et non annonce scolaire) en 3 parties. La ou les dernières phrases
de l'Introduction doivent esquisser le cheminement argumentatif dynamique, processuel, de la
dissertation et les principales étapes du Développement, en supprimant les échafaudages
rhétoriques ("dans un premier temps, on traitera la question …") et en ménageant une place pour
la découverte et l'étonnement. Laisser en suspens notamment la solution qui sera apportée dans la
troisième et dernière partie du Développement. Ne pas dévoiler tous les mécanismes, ni a fortiori
toutes les solutions aux questions posées en Introduction.
B – Le Développement
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Autrice : Mai LEQUAN
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Autrice : Mai LEQUAN
l'homme, animal rationale, et l'animal (ainsi que les autres êtres, Dieu, esprits etc.) ; la thèse,
faisant implicitement du langage un pouvoir supérieur, en rapport avec les facultés les plus
hautes de l'esprit humain, ne vaut donc qu'adossée à l'arrière-plan métaphysique d'une certaine
définition de la nature humaine en sa spécificité ; elle équivaut à un éloge du langage humain
comme qualité (cf. Descartes) ; 2) antithèse : mais si l'on met en question la différence
ontologique homme-animal, qui la sous-tend au plan métaphysique, la thèse disparaît et il
devient possible d'admettre des langages autres qu'humains. Il n'y aurait alors que des différences
de degrés, et non de nature, entre le langage humain d'une part (langage au sens propre, strict et
fort) et les langages animaux d'autre part, langages au sens impropre, faible et large, entendus
comme codes de communication (sur les langages animaux, gestuels et / ou chimiques, cf.
Condillac, Benvéniste, Karl von Frisch, Von Uexküll) ; 3) synthèse : en réalité, le langage
comme pouvoir ne serait ni proprement humain, ni proprement animal, mais exprimerait
l'inhumain, l'infra-humain, ce qui, en l'homme, échappe à la raison rationnelle ou raisonnable. Le
langage serait non un pouvoir de la raison logique (logos), mais le lieu d'expression d'une
certaine forme d'impuissance à dire. Le langage serait en tout cas, en creux, l'indice d'une
incapacité à tout dire, le signe d'une possible et fondamentale inadéquation entre le dire et l'être,
de telle sorte que cette inadéquation (cette déficience du langage) soit constitutive de l'être
humain. Ce qui distinguerait la capacité langagière de l'homme de celle de tout être raisonnable
ou même de tout animal, ce serait donc ultimement les failles mêmes du langage, le fond
d'impuissance et l'origine sans-fond sur lequel il s'élève. Le langage renverrait alors à une
spécificité proprement humaine, non plus au sens de la thèse, mais au sens où le langage serait
l'Abgrund (l'arrière-plan absolu, le fond, l'abîme sans fond) de la distinction même entre être
raisonnable et animal. Le langage serait au-delà de la différence ontologique homme-animal
désignant le fond sans fond proprement humain sur lequel se détache la différence ontologique
entre animal et être raisonnable. Le langage serait la marque essentielle de la finitude de l'être
humain, comme le montrent les philosophies fondées sur une critique du langage humain, sur ses
insuffisances (cf. Nietzsche, Bergson etc.).
B – Le plan par gradation d'intensité. Ce plan est l'équivalent du précédent, mais sous
une forme moins radicale et moins dramatique. Les transitions entre parties ne s'y effectuent pas
selon un renversement (dépassement-conservation dialectique) d'une thèse en son antithèse,
c'est-à-dire que ce plan ne progresse pas en mettant en évidence des différences de nature, voire
des oppositions, entre concepts ou entre thèses, mais selon une gradation plus progressive, en
mettant en évidence des différences de degrés entre concepts ou entre thèses. Ici on progresse
d'une partie à une autre en renforçant d'un degré ou d'un cran supplémentaire une qualité,
propriété ou caractéristique. On va, par exemple, d'un sens faible à un sens médian, puis à un
sens fort, voire extrême, ou d'une caractérisque apparente possible à une caractéristique réelle
jusqu'à une caractéristique nécessaire.
C – Le plan thématique libre. Ce plan vaut surtout pour les sujets-notions. Par exemple
"La représentation", "La tolérance", "Le défaut". Il consiste à choisir, à l'intérieur d'une notions
trois thèmes, problèmes ou points de vue (liés entre eux) qui épuisent la notion, comme trois
sous-parties d'un ensemble plus vaste. Aucune règle a priori ne dicte l'enchaînement des trois
aspects. Mais il faut justifier le choix de ces trois thèmes et souligner la nécessité de leur
enchaînement.
2) Les exemples du Développement. Les exemples sont nécessaires car ils fournissent la
matière, la substance de l'argumentation. Ils évitent une pensée purement abstraite. Ils permettent
de mettre la pensée (une thèse par exemple) à l'épreuve, de tester la validité d'une hypothèse ou
d'un raisonnement, en le confrontant à la réalité. Les exemples peuvent être le support, voire le
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Autrice : Mai LEQUAN
ressort, d'une thèse. L'analyse des exemples (positive ou critique) permet d'avancer et de faire
rebondir la question, en reformulant le problème de départ. Les exemples ne sont jamais des
vécus subjectifs singuliers, qui engageraient l'expérience personnelle de l'auteur de la copie. Ne
pas relater une expérience privée, contingente, arbitraire, aléatoire, sans valeur probante,
objective, générale. Eviter en général le "Je", sauf s'il a une valeur universelle. Ce sont le plus
souvent des exemples universels et typiques, analysés comme tels par des écrivains. Un exemple
de passion dévorante, exclusive, maladive, inguérissable peut être la passion de la séduction chez
le héros du Don Juan de Molière, ou la passion de l'avarice chez Harpagon dans l'Avare de
Molière. Il déploie et donne à voir une vérité concrète à portée générale (ici sur la passion). Les
exemples peuvent être tirés aussi de la culture générale classique, par exemple de l'histoire
politique d'un pays, de l'histoire des sciences, voire de l'épistémologie et des sciences elles-
mêmes (sciences formelles, comme la logique, sciences expérimentales comme la physique et la
chimie, sciences exactes, comme la mathématique, ou sciences humaines, comme l'histoire, la
sociologie, la psychologie, l'anthropologie, la psychanalyse, l'éthnologie etc.), de l'art, de la
littérature, de la religion (les religions), des mœurs etc. Eviter, ou alors les traiter très en détails
et avec un angle original ou critique, les grands exemples classiques et maintes fois rebattus de
l'histoire de la philosophie : le "morceau de cire" de Descartes, la "tour" carrée qui paraît ronde
de Spinoza, la "caverne" ou "l'anneau de Gygès" de Platon, la "honte" ou la mauvaise foi de
Sartre, les "cent thalers" de Kant etc. Eviter aussi les clichés : la "pomme de Newton", le "euréka
d'Archimède" etc. L'exemple en lui-même ne suffit pas, de même qu'une référence à un auteur
n'est pas une autorité suffisante. Encore faut-il l'analyser et c'est dans l'analyse qu'on en donne,
plus que dans l'exemple lui-même, que réside sa valeur argumentative. L'exemple doit préparer
ou relancer l'analyse conceptuelle, la réflexion critique, l'interrogation. Sans cela, il est sans
valeur. Eviter des rhapsodies d'exemples redondants, les "essaims" d'exemples, qui ne font pas
progresser le concept. Comme tel, l'exemple (l'avarice d'Harpagon) est encore infra-
philosophique. On doit donc amener le discours de l'exemple au niveau du discours conceptuel,
seul proprement philosophique.
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Autrice : Mai LEQUAN
moins d'auteurs, mais mieux) et qualitativement (les analyser longuement, et non par allusions,
en les resituant dans leurs contextes respectifs, en les interrogeant de manière critique et en les
articulant à la démonstration d'ensemble). Ne pas citer une formule d'auteur incomplète ou isolée
de son contexte, ce qui risque d'en pervertir le sens (par exemple le "On les forcera d'être libres"
de Rousseau ou "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" de Descartes). Ne citer
entre guillemets que les textes que l'on connaît par cœur, sans erreur et avec leurs références
complètes. Sinon, préférer la périphrase ou ne mettre entre guillemets que certaines expressions
ponctuelles. Pour chaque auteur, toujours citer la référence avec le maximum de précision : titre
de l'ouvrage souligné, titres des partie, chapitre, paragraphe (mais pas de pagination). Pour
chaque auteur analysé, rappeler le contexte de l'œuvre, la perspective, l'enjeu, les finalités, le
vocabulaire technique de l'auteur. Préférer toujours une citation d'auteur à une citation de
commentateur. Par exemple, mieux vaut citer Kant que Delbos ou Philonenko. Eviter en général
les histoires de la philosophie, les ouvrages de seconde main et de vulgarisation. S'en inspirer
éventuellement, mais sans jamais les citer. Pas de "topo", ni de résumé de doctrine : ne rappeler
de la doctrine de l'auteur que ce qui est nécessaire à la reformulation de la question. Ne pas
présenter les références et les auteurs de manière chronologique, comme si l'histoire de la
philosophie oébissait à un progrès linéaire où le dernier venu, parce qu'il est le dernier venu, a le
mot de la fin. Préférer le point de vue synchronique et atemporel au point de vue diachronique et
historiciste. Si la majorité des références du Développement sont philosophiques (commentaires
de textes philosophiques classiques), elles ne sont pas nécessairement toutes philosophiques. On
peut avec profit faire des références non philosophiques, on l'a vu, à des domaines divers de la
culture générale : à l'art (textes de musiciens, de sculpteurs, de peintres, d'architectes, de poètes
etc.), aux sciences (formelles, exactes, expérimentales, humaines etc.), aux textes fondamentaux
des religions (Coran, Bible, mythologies grecque, égyptienne etc.), aux textes juridico-politiques
(code civil napoléonien, constitutions politiques des régimes successifs de la France, Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen, traités de paix internationaux, discours politiques faisant
autorité : Démosthène, Thucydide, Thémistocle, Robespierre, Mirabeau, Lénine etc.). On peut
faire des références aussi à des œuvres universelles mi-littéraires, mi-philosophiques et y puiser
des exemples : dans la littérature française (Rabelais, Montaigne, Erasme, Montesquieu,
Rousseau, Diderot, Proust, Camus, Malraux, Aron), ou étrangère (Dostoïevski, Tolstoï,
Shakespeare, Mann, Hesse, Kakfa, Goethe, Schiller, Unamuno etc.). Mais, en tout état de cause,
éviter le catalogue rapide, défilé superficiel, rhapsodie d'auteurs : un tel a dit … ; mais un autre a
dit : … La dissertation n'est pas une série horizontale de références d'auteurs juxtaposées.
Travailler en profondeur plus qu'en accumulation.
C – La Conclusion
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Autrice : Mai LEQUAN
question. Le questionnement reste ouvert à l'indéfini, à la patience, de sorte que les définitions
philosophiques sont parfois très longtemps différées (cf. Kant). Mais que la réflexion
philosophique en général soit interminable et ouverte à l'indéfini ne signifie pas que la
dissertation et la copie doivent être sans fin. La Conclusion doit conclure, au moins
provisoirement. Elle ferme, clôt, termine, achève, termine et parfait un raisonnement, une
démonstration, en apportant une réponse partielle et provisoire à la question centrale (la
problématique). La Conclusion comprend 4 étapes :
1) Bilan récapitulatif, résumé synthétique de ce qui a été démontré dans la dissertation, le
rappel des acquis.
2) Réponse à la question posée (en problématique), par oui ou par non, mais toujours de
manière ferme et nuancée. Par exemple, essai de définition du concept contenu dans le libellé
"Qu'est-ce qu'un principe ?" : "Un principe, c'est …".
3) Critique (modérée et prudente) et autocritique du parcours effectué dans la
dissertation, justification a posteriori des options choisies et des aspects non traités ou non
développés de la question. Rendre raison de ses choix et de ses omissions (sans les présenter
comme telles). Eventuellement, critique du libellé du sujet, mais avec diplomatie. Montrer, par
exemple, qu'une formulation légèrement différente de la question aurait débouché sur une
réponse sensiblement différente et sur des conséquences autres.
4) Ouverture finale : élargissement de la problématique à une (ou plusieurs) autres
problématiques périphériques ou étroitement liées à la problématique centrale, qui n'ont pu être
qu'effleurées au cours du devoir. Toutefois éviter de conclure sur : "Mais ceci est un autre
problème". Eviter aussi de conclure sur une citation d'auteur, ou sur des arguments entièrement
nouveaux. L'ouverture ne se justifie que si elle est encore en continuité avec la problématique du
sujet. Ce ne doit pas être une ouverture cosmique sur tout et n'importe quoi (par exemple, "Mais
enfin, qu'est-ce que l'homme ?").
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