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Méthodologie de recherche

Niveau S1: Master DDL et LFDL

Revue de littérature, cadre théorique et conceptuel

Quelques repères théoriques préliminaires

KH. RIZK
FLLA Kénitra
Principe général:

Le cadre théorique permet à l’étudiant-chercheur de circonscrire sa réflexion dans un ou plusieurs champs disciplinaires en rapport avec la
problématique de la recherche. Une recherche sans cadre théorique clair et bien délimité ressemble à une maison sans plan d’architecture et
sans fondations. Comme il y a plusieurs styles d’architecture pour construire une maison, il y en a plusieurs pour construire un sujet de
recherche.

Rappel !

Dans une recherche il y a deux opérations qui doivent aller de pair:

- La démarche intellectuelle qui permet à l’étudiant-chercheur de mettre à profit son savoir, savoir-faire et potentiel scientifique.
Concrètement, il doit posséder une vision personnelle sur le sujet qu’il veut aborder. Par ailleurs, une démarche intellectuelle originale est
tributaire du degré de motivation de l’étudiant-chercheur et de son savoir encyclopédique.
- La démarche méthodologique qui lui permet de mettre en pratique sa démarche intellectuelle personnelle en exploitant à bon escient la
littérature méthodologique qu’il peut trouver dans différents manuels de méthodologie. Cela est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui les
recommandations méthodologiques sont reprises de manière plus ou moins similaire qu’il est devenu difficile d’en attribuer la propriété à un
auteur précis. D’où la nécessité d’adapter cette littérature de manière individuelle. Cela dit, il faut s’éloigner des recettes toutes faites que l’on
ne peut appliquer littéralement à tous les sujets de recherche.

A retenir:

Quand la revue de littérature, le cadre théorique et conceptuel ne sont pas étroitement liés à la problématique de recherche, le travail
final est décousu.
L’élaboration du cadre théorique:

Le cadre théorique d’une recherche emprunte aux théories généralisées et confirmées les démarches et les arguments qui permettent à l’étudiant-
chercheur de créer les conditions nécessaires à l’étude de la problématique et à l’interprétation des résultats. Bien que « cadre théorique » et «
cadre conceptuel » soient très souvent substituables, il faut noter néanmoins que le cadre théorique est un dispositif plus général qui permet au
chercheur d’ordonner les idées principales et les concepts clés de sa recherche. Son rôle est d’établir les différentes connexions du raisonnements
qui sous-tendent l’analyse et l’interprétation des résultats obtenus. Autrement dit, dans un cadre théorique les concepts, combinés de telle ou telle
façon, permettent au chercheur d’opérationnaliser son (ses) référent(s) théorique(s) pour étudier les différents aspects de son sujet.

Le cadre de référence renvoie à une (des) discipline(s) ou à un (des) courant(s) de pensée déjà constitué (s). La plupart du temps il est construit
sur la base de théories confirmées par la communauté scientifique et académiques. Quand il renvoie, dans l’absolu, à des concepts isolés qui ne
sont pas définis avec précision par rapport à une théorie, il s’apparente plus à une terminologie que l’on peut manipuler sous réserve de la
définir en fonction de la perspective de recherche adoptée dans tel ou tel travail. Le travail du chercheur consiste à puiser dans la polysémie
d’un concept pour en choisir un sens précis dont il aura besoin pour conforter l’argumentation de son travail scientifique.

Dans cette optique, le cadre théorique est une construction intellectuelle abstraite ayant sa propre rhétorique, sa propre argumentation et ses
propres fondements épistémologiques. Par la lecture et l’analyse des théories et des recherches antérieures sur un sujet, l’étudiant-chercheur doit
faire preuve, dans la limite du possible, d’un esprit critique qui doit se traduire par une démarche argumentative ayant pour objectif de justifier le
bien-fondé de la question de recherche abordée et du cadre théorique lui correspondant.

Pour atteindre cet objectif, l’étudiant-chercheur, en s’appuyant sur une documentation scientifique, doit recouper trois types de
ressources qui constituent le noyau dur de son cadre théorique : les théories pour lesquelles il a une préférence (qui lui sont accessibles) ,
les travaux antérieurs dans le même domaine de recherche (la littérature grise, entre autres) et les concepts clés sur lesquels s’appuie le
cadre théorique choisi.
La définition des concepts clés d’une recherche doit aboutir à ce que l’on appelle la conceptualisation. Par la conceptualisation des concepts on
parvient à construire un modèle d’analyse ou à en adopter un au sein d’un cadre théorique pertinent et complet pour éviter les pièges des
affirmations hâtives et des impressions non fondées.

Le modèle d’analyse et son cadre conceptuel permettent à l’étudiant-chercheur d’ordonner rationnellement ses concepts et sous-concepts au
moment de la formulation de la ( les) question(s) de recherche pour mettre en place la démarche d’investigation, d’analyse et d’interprétation
des résultats obtenus.

Nous empruntons le schéma suivant pour illustrer l’opération de la construction du modèle d’analyse*:

Concepts + hypothèses articulés entre eux = cadre d’analyse cohérent et opérationnel


Concepts → hypothèses → modèle d’analyse → terrain → hypothèses
*Sophie Boutillier, Alban Goguel D’Allondans, Nelly Labère et Dimitri Uzunidis, Méthodologie de la thèse et du mémoire, Studyrama, 2018, p. 139.

De manière un peu simpliste : la construction d’un cadre conceptuel c’est comme le processus de fabrication d’une machine. On choisi et on
évalue les différentes pièces qui seront utilisées dans la fabrication et on détermine ensuite comment elles seront agencées pour avoir une idée
anticipée sur le produit fini. Par analogie, l’étudiant-chercheur sélectionne les concepts clés de son étude et évalue les relations entre eux par
rapport à l’objectif de sa recherche.

Dans les dictionnaires de langue, on définit plus ou moins de la même manière le vocable concept:
Une idée générale. Une représentation abstraite d'un objet ou d'un ensemble d'objets ayant des caractères communs : le concept de liberté, les
concepts scientifiques, philosophiques…
Donc, le cadre théorique est construit à partir d’une ou de plusieurs théories dont l’étudiant-chercheur a besoin pour réaliser sa recherche.

Le qualificatif théorique renvoie à la théorie comme composante essentielle de la pensée humaine. Qu’est-ce qu’une théorie alors?

« De manière un peu simpliste, une théorie est un dispositif cohérent d’idées, de concepts, de notions et de principes spécifiques à un domaine du
savoir. Chaque théorie dispose de son propre raisonnement et sa propre logique qui peuvent changer ou subir des révisions au fur et à mesure que
la recherche scientifique avance. Pour s’imprégner de la théorie dans laquelle s’inscrit son travail, l’étudiant-chercheur doit en faire le bilan et en
définir les concepts-clés en fonction de ses besoins de recherche. Concrètement, il s’agit d’un travail de documentation et de lecture pour lequel
il est censé réserver suffisamment de temps pour qu’il puisse partir sur des bases solides. »

Khalid Rizk, Manuel de méthodologie en sciences humaines. Approche didactique, rabat, Editions Al Halabi, 2020, pp. 74-76

Rappel !
Il vaut mieux réserver suffisamment de temps à cette étape de la recherche pour choisir un cadre théorique pertinent. Cela évitera à l’étudiant-
chercheur les incertitudes qui peuvent nuire au bon déroulement de sa recherche. Un cadre théorique pertinent permet au chercheur de construire
plus facilement son appareillage conceptuel et méthodologique (c’est-à-dire le dispositif qu’il va mettre en œuvre pendant la phase de
l’investigation). Il lui permettra de mener une réflexion cohérente, défendable et différente de celle du commun des mortels sur un sujet qui
intéresse toute la société.
Par exemple :

1- Si le chercheur travaille sur le rapport entre l’échec scolaire et le niveau socioprofessionnel des parents, il est tenu de faire appel à la
pédagogie pour définir avec précision l’échec scolaire et à la sociologie pour définir le niveau socioprofessionnel des parents.

Le défi que doit relever l’étudiant-chercheur ici est de combiner la (les) théorie(s) pédagogique(s) et sociologique(s) pour construire le cadre
théorique de sa recherche. Il doit être en mesure de faire le va-et-vient entre ces théories sans qu’il y ait confusion entre elles. Cela dit, il peut
faire ressortir les connexions entre les deux théories pédagogique et sociologique, surtout que la pédagogie a, entre autres, une dimension
sociologique ( la pédagogie traite de questions qui ont un aspect sociologique, dans la mesure où elle s’intéresse aux différents acteurs de ce
domaines et aux conditions dans lesquelles évoluent les apprenants, les enseignants, les parents, les inspecteurs pédagogiques…

Rappelons que les prérequis du chercheur dans tel ou tel domaine lui facilitent la tâche notamment à cette étape de la recherche où il cherche une
perspective pour aborder son sujet.

Khalid Rizk, Manuel de méthodologie en sciences humaines. Approche didactique, rabat, Editions Al Halabi, 2020, pp.74-76.

2- Prenons le sujet suivant: « la violence dans la société marocaine actuelle ».

Ce sujet peut être traité dans le cadre d’une recherche sociologique ou littéraire. Dans le premier cas, le vocable violence doit être défini par
rapport aux théories sociologiques existantes. Dans le second cas, il doit être étudié dans une ou plusieurs œuvres littéraires à la lumière des
approches et des théories littéraires adéquates. Cela veut dire que le concept « violence » n’aura pas la même signification dans les deux
recherches.
D’un point de vue pratique :

« Le cadre théorique est très utile pour au moins trois raisons :


- il permet à l’étudiant-chercheur d’ancrer sa problématique dans la littérature existante sur le sujet traité et d’utiliser les connaissances qui ont
déjà été produites ;
- il lui permet de positionner sa réflexion et son questionnement en privilégiant un angle d’analyse précis dans lequel il se sent à l’aise ;
- il lui permet d’articuler le savoir théorique avec les données du corpus et les résultats de l’investigation pour bâtir la stratégie argumentative
du travail de recherche et pour montrer éventuellement les limites du référent théorique adopté. C’est le cas notamment des doctorants, qui ont
en les moyens scientifiques et intellectuels, de mettre à mal une théorie et d’en proposer des améliorations. »

Khalid Rizk, Manuel de méthodologie en sciences humaines. Approche didactique, rabat, Editions Al Halabi, 2020, pp.74-76.

Trois cas de figure pour élaborer un cadre théorique :

- Adopter une théorie ou plusieurs, sans aucune intervention de la part du chercheur. Il s’agit de l’ application d’une théorie sur un corpus, un
échantillon… ( les chercheurs débutants particulièrement) ;
- Adapter une théorie ou plusieurs en apportant quelques amendements qui s’imposent. C’est le cas notamment des sujets où la théorie est
pauvre ou inadaptée au sujet de recherche sur lequel travaille l’étudiant-chercheur. Dans ce cas, il doit faire un effort pour apporter les
modifications qui vont lui permettre d’avoir un cadre théorique cohérent et complet.
Par exemple: en littérature on parle de la théorie de réception des œuvres littéraires, mais quand il s’agit d’oeuvres littéraires destinées aux
enfants et aux jeunes, cette théorie s’avère incomplète dans la mesure où elle est axée principalement sur la littérature destinée aux adultes. Il
faut donc adapter la théorie qui porte sur les œuvres destinées aux adultes à celles destinées aux enfants et aux jeunes, en apportant d’autres
éléments qui tiennent en ligne de compte les spécificités du jeune public (les dimensions psychopédagogique, éducative, morale, etc.) .
-Mettre à mal une théorie en en montrant les limites par rapport au sujet de recherche et aux avancées scientifiques dans tel ou tel domaine.
Dans ce cas de figure, le chercheur doit avoir des compétences intellectuelles et de l’expérience en matière de recherche scientifique.

Khalid Rizk, Manuel de méthodologie en sciences humaines. Approche didactique, rabat, Editions Al Halabi, 2020, pp.74-76.
Exercer un regard analytique et critique en travaillant sur une théorie, quand cela est possible, permettrait à l’étudiant-chercheur de soutenir une
thèse originale qui apporte une valeur ajoutée à la recherche scientifique. Les étudiants qui préparent un mémoire de licence ou de master se
contentent habituellement d’adopter les théories et, dans les meilleurs des cas, de les adapter aux particularités de leurs recherches.

Quel que soit le cas figure, il ne s’agit nullement de rédiger un résumé ou un compte rendu d’ouvrages théoriques qui ne seront pas exploités
dans le reste du mémoire ou de la thèse. L’étudiant-chercheur doit faire preuve d’une grande capacité de synthèse en combinant pertinemment,
la problématique, la question de recherche, les hypothèses, le corpus et le cadre conceptuel et théorique. La maitrise de ce dernier doit apparaitre
dans la présentation, la description, l’analyse et l’interprétation des résultats de la recherche.

Khalid Rizk, Manuel de méthodologie en sciences humaines. Approche didactique, rabat, Editions Al Halabi, 2020, pp.74-76.
Quelle place de l’hypothèse dans un cadre théorique?

Une fois que les concepts et les relations entre eux sont déterminés, on finalise la formulation des hypothèses de la recherche. Ces dernières
constituent les piliers de tout travail de recherche. Il s’agit d’énoncés qui avancent une explication anticipée ou une interprétation de la question
abordée. Le travail du chercheur a en démontrer la pertinence en gardant à l’esprit qu’elles décrivent les relations entre les concepts qu’on a
choisis toujours dans le cadre de la problématique. Dans une recherche on peut avoir plus d’une hypothèse. Néanmoins, il faut se garder d’en
avancer plusieurs au risque de se perdre après et de perdre le fil conducteur de la recherche.
Revenons un peu en arrière !

Avant le cadre théorique , le modèle d’analyse et les concepts…


Avant toute démarche de recherche…

Il y a une étape très importante : la revue de littérature

D’aucuns pensent que cette partie du mémoire ou de la thèse est une partie autonome. C’est pour cette raison que la plupart du temps, elle se présente dans les
travaux des étudiants-chercheurs comme un bloc indépendant constitué principalement de synthèses et de résumés de lectures faites ici et là au grès du hasard.

La revue de littérature, contrairement à ce que l’on pense, n’est pas un travail aisé, une simple formalité de la recherche académique. Il ne s’agit pas d’un simple
travail de compilation d’idées et d’informations. Au même titre que les autres parties de la recherche, elle doit permettre à l’étudiant-chercheur de faire valoir ses
compétences de lecteur averti capable de résumer, reformuler, synthétiser fidèlement et discuter les idées des autres chercheurs.

Loin d’être une partie consacrée à des citations et à des comptes-rendus de lecture, elle doit être sélective dans la mesure où tout ce qui n’a pas un rapport direct avec
la problématique doit être exclu. Par ailleurs, tout les documents consultés, lus et analysés doivent être justifiés par rapport au cadre théorique et conceptuel de la
recherche.

La revue de littérature doit être aussi une occasion pour le chercheur de montrer les insuffisances et les lacunes des travaux antérieurs. Cela suppose que le chercheur
ait un esprit critique et un savoir solide dans le domaine de recherche choisi.

La revue de littérature doit permettre aux évaluateurs du travail de l’étudiant de comprendre le bien-fondé de son cadre théorique par rapport aux autres qui ont été
écartés.

La revue de littérature permet au chercheur de proposer des hypothèses plausibles. Une bonne documentation sur le sujet de recherche lui permet d’avoir une vision
plus claire sur les réponses anticipées à la (les) question (s) de recherche, que ce soit dans une perspective hypothético-déductives ou inductives.

Hypothético-déductives:
Inductives:
Critères de choix des ressources :

L’étudiant-chercheur doit privilégier les références théoriques récentes qui font généralement l’état des lieux dans tel ou tel domaine. Cela lui
facilitera la tâche en lui donnant la possibilité de situer son sujet par rapport aux travaux antérieurs et en évaluer l’originalité.
Les quatre critères d’une bonne recherche: l’originalité, la pertinence, la faisabilité et l’impact.

Néanmoins dans toutes les disciplines, il y a des ouvrages incontournables : ce que l’on appelle des ouvrages fondateurs que le chercheur doit
connaitre même si ils sont anciens.
Conseil pratique :

De préférence, la revue de littérature ne doit pas être présentée dans une première partie isolée. L’idéal serait de l’incorporer au travail
d’investigation, d’analyse, d’explication et d’interprétation. L’étudiant, par la qualité de toutes ces opérations peut faire valoir son degré de
maitrise de son sujet et du modèle d’analyse adopté.
En conclusion

Dans la majorité des manuels de méthodologie nous retrouvons ce schéma méthodologique que l’on peut appréhender de deux manières:
1- la succession des opérations sur l’axe temporel de la recherche;
2- la configuration logique de ces opérations (la conception globale du sujet de recherche).

Il faut choisir un domaine de recherche dans lequel on a des prérequis suffisants → une thématique → un thème → un sujet de recherche →
une problématique → une (des) question(s) de recherche → une (des) hypothèse(s) → un cadre théorique ( avec définition des concepts
clés) → un appareillage théorique et conceptuel ( ce que l’on a pris dans telle ou telle théorie et la définition que l’on a donné à tel ou tel
concept au sein du même cadre théorique → un (des) outil(s) d’investigation (questionnaire, entretien, observation, etc.) → un (des) moyen(s)
de collecte des données → un canevas de présentation, analyse et interprétation des données → un canal de communication et de publication
des résultats.

Une règle à retenir : plus le sujet est circonscrit plus la recherche est facile : la fameuse technique de l’entonnoir.
Bien sûr, tous ces repères méthodologiques peuvent être adaptés à la nature du sujet de recherche et ne peuvent remplacer l’échange scientifique
avec le directeur de recherche.
Bibliographie

Khalid Rizk, Manuel de méthodologie en sciences humaines. Approche didactique, rabat, Editions Al Halabi, 2020.
Sophie Boutillier, Alban Goguel D’Allondans, Nelly Labère et Dimitri Uzunidis, Méthodologie de la thèse et du mémoire, Studyrama, 2018.
Bonne chance !

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