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UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, ADMINISTRATIVES ET POLITIQUES
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SEMINAIRE DOCTORAL DE
RENFORCEMENT DES CAPACITES
METHODOLOGIQUES
Assuré par
Objectifs du séminaire
Objectif général
L’objectif général de ce séminaire doctoral est d’introduire les
étudiants et étudiantes aux grands débats méthodologiques,
épistémologiques et théoriques.
Objectifs secondaires
Pour y arriver les étudiants doivent être capables :
Introduction
L
a recherche scientifique est un processus dynamique ou une
démarche rationnelle qui permet d’examiner des
phénomènes, des problèmes à résoudre, et d’obtenir des
réponses précises à partir d’investigations. Ce processus se caractérise
par le fait qu’il est systématique et rigoureux et conduit à l’acquisition
de nouvelles connaissances.
Tout travail de recherche repose sur une certaine vision du monde, utilise
une méthodologie, propose des résultats visant à comprendre, expliquer, prédire
ou transformer. Une explicitation de ces présupposés épistémologiques permet
de contrôler la démarche de recherche, d’accroître la valeur de la connaissance
qui en est issue, mais également de mieux saisir nombre de débats entre courants
théoriques en management.
L’homme, en tant qu’il est conçu précisément, vit à travers l’ordre social
la pression de tous les autres ordres. L’homme, soumis à cet ordre, est le produit
d’un environnement qui le conditionne. Il ne peut agir, il est agi. Pour lui, le
monde est fait de nécessités. Il y a alors assujettissement de la liberté à des lois
invariables qui expriment la nature déterministe du monde social. La notion
durkheimienne de contrainte sociale 1 est une bonne illustration du lien entre le
principe de réalité extérieure et celui de déterminisme.
1
(…) Tout ce qui est réel a une nature définie qui s’impose, avec laquelle il faut compter et qui, alors même
qu’on parvient à la neutraliser, n’est jamais complètement vaincue. Et, au fond, c’est là ce qu’il y a de pus
essentiel dans la contrainte sociale. Car tout ce qu’elle implique, c’est que les manières collectives d’agir ou de
penser ont une réalité en dehors des individus qui, à chaque moment du temps, s’y conforment. Ce sont des
choses qui ont leur existence propre. L’individu les trouve toutes formées et il ne peut pas faire qu’elles ne
soient pas ou qu’elles soient autrement qu’elles ne sont.
9
Dit autrement, et pour reprendre une expression célèbre qui formule que
« la carte n’est pas le territoire », si la nature différenciée de la carte
(connaissance) et du territoire (réalité) est aujourd’hui acquise, le statut de la
carte et de sa relation au territoire reste l’objet de nombreuses controverses que
l’opposition objectivisme/relativisme permet d’appréhender.
doivent être traités comme des choses – proposition qui est à la base même de notre méthode – est de celles qui
ont provoqué le plus de contradictions. ( …). Qu’est-ce en effet qu’une chose ? La chose s’oppose à l’idée
comme ce que l’on connaît du dehors à ce que l’on connait du dedans. Est chose tout ce que l’esprit ne peut
arriver à comprendre qu’à condition de sortir de lui-même, par voie d’observations et d’expérimentations (Emile
Durkheim 1894)
13
Ce principe d’objectivité est défini par Popper (1972, 1991) comme suit :
« La connaissance en ce sens objectif est totalement indépendante de la
prétention de quiconque à la connaissance ; elle est aussi indépendante de la
croyance ou de la disposition à l’assentiment (ou à l’affirmation, à l’action) de
qui que ce soit. La connaissance au sens objectif est une connaissance sans
connaisseur ; c’est une connaissance sans sujet connaissant ».
Dès lors, la connaissance sera dite objective dans la mesure où elle peut
garantir l’indépendance du sujet à l’égard de l’objet de connaissance, ou du
moins limiter les interférences entre le sujet et l’objet.
4 Les épistémologies réalistes contemporaines s’écartent de cette vision idéalisée de la s cience et de la vérité. Le
réalisme critique reconnaît que les objets que nous étudions en sciences sociales évoluent dans ou sont
constitués par des systèmes ouverts pouvant difficilement être répliqués en laboratoire. Les tenants de ce
paradigme suggèrent donc d’amender les ambitions méthodologiques positivistes et de préférer, à
l’expérimentation et aux enquêtes statistiques, des méthodes qualitatives permettant l’élaboration de conjectures
et la mise en évidence des mécanismes générateurs du réel profond et leurs modes d’activation.
5 Dans son acception forte, le relativisme désigne soit l’impossibilité de prouver qu’une théorie scientifique
vaut mieux qu’une autre, soit qu’il est impossible de justifier la supériorité de la science par rapport à d’autres
formes de connaissances.
14
Parce que la réalité humaine et sociale est contingente des contextes dans
lesquels elle se construit (Passeron, 1991), et parce qu’elle est le fruit de nos
expériences, de nos sens et de nos interactions, la connaissance produite sur
cette réalité est donc nécessairement relative à ces contextes, ces intentions, ces
processus de construction de sens. Elle est de ce fait beaucoup plus instable,
changeante et diverse que celle visée par le réalisme.
Ainsi, le « réel est construit par l’acte de connaître plutôt que donné par
la perception objective du monde » (Le Moigne 1995). Sous cette hypothèse, le
chemin de la connaissance n’existe pas à priori, il se construit en marchant, et
est susceptible d’emprunter des méthodologies variées.
Introduction
L
a science politique se caractérise par une grande variété
d’approches. Cette diversité s’exprime dans les postures
épistémologiques possibles. Par ailleurs, les outils
méthodologiques à disposition du chercheur en sciences sociales sont multiples.
Au- delà du choix des outils de collecte et d’analyse de données, une série
de questions transversales se posent sur la posture méthodologique à adopter
dans la recherche. Des questions comme le rapport entre empirie et théorie
(induction- déduction), le choix de l’échelle d’analyse (micro- méso- macro), du
nombre de cas ou du rapport à la temporalité (stratégie de recherche transversale
vs. longitudinale) doivent être abordées par le doctorant ou doctorante dès le
début d’une nouvelle étude.
réalité. Il commence par aller sur le terrain, vierge de tout a priori théorique, et
va tenter de déceler des régularités dans ce qu’il observe. Ces régularités seront
ensuite confrontées à la théorie, aux travaux existants, afin de voir si les
observations faites confirment ou remettent en cause les résultats des recherches
précédentes.
L’abduction est une logique de raisonnement qui suppose un va- et- vient
permanent entre la théorie et l’observation de la réalité empirique. Les attentes
18
L’échelle méso place quant à elle l’analyse au niveau des groupes, des
associations d’individus. Il s’agira le plus souvent d’associations formelles
comme les partis, les syndicats, ou les mouvements sociaux.
C’est l’individu, ses comportements et ses attitudes qui sont la source des
phénomènes politiques. À l’inverse, le structuralisme s’intéresse au poids des
grandes structures sociales, économiques, culturelles et historiques. Ce
paradigme cherchera donc plutôt à expliquer les phénomènes politiques au
niveau macro.
21
Dans ses expressions les plus extrêmes, cette tendance va jusqu’à affirmer
que l’individu n’a pas d’existence propre en dehors de l’existence concrète de la
société à laquelle il appartient et qu’il n’est qu’une sorte de réalité dérivée, de
réalité "seconde" par rapport à celle-ci. Ainsi, chez les auteurs organicistes,
héritiers de Spencer, comme Lilienfield ou De Greef, ou dans l’école allemande
de "l’ontologie de la communauté".
Sous une forme plus ambiguë, cette position est aussi celle de Marx
(1818-1883) ou celle de Durkheim (1858-1917). Pour Durkheim la société
constitue une réalité morale qualitativement distincte des individus qui la
composent : c’est un être vivant avec ses intérêts, ses idées, son vouloir propre,
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Cette complémentarité des deux approches est d’autant plus évidente que
dans la réalité ces trois plans s’interpénètrent et se conjuguent : les sociétés
globales sont formées de groupements particuliers ; sociétés globales et
groupements particuliers se constituent à partir de différents types de liaisons
sociales.
Les données peuvent donc être collectées au niveau micro alors que
l’analyse se situe au niveau méso ou macro.
C’est aussi le cas des expériences. Dans une expérience, on expose des
sujets à un stimulus et on mesure leurs attitudes ou comportements avant et
après l’exposition au stimulus.
Toutefois, le chercheur peut aussi opter pour ce que l’on appelle une
enquête par panel. Dans un échantillon de répondants est constitué et ce même
échantillon est interrogé à plusieurs reprises. On peut donner comme exemple
les enquêtes électorales qui interrogent les mêmes électeurs ou électrices à
plusieurs reprises avant et après les élections. Cela permet, par exemple, de
saisir leurs évolutions au fil de la campagne électorale.
Le champ d’analyse
Il faut éviter de porter un choix sur des sujets très larges. Cette erreur est
souvent l’œuvre des chercheurs débutants.
L’échantillon
La population d’étude est l’ensemble des éléments sur lequel porte l’étude.
En effet, les éléments qui composent une population peuvent être simples
(une personne interrogée sur ses opinions, ses désirs, ses comportements, etc) ou
composés (une entreprise interrogée sur ses pratiques ou ses projets).
La population est définie par les caractéristiques des individus qui les
rendent aptes à participer à l’enquête.
Par exemple :
- Il peut soit recueillir des données et faire finalement porter ses analyses
sur la totalité de la population couverte par ce cham ;
- Soit n’étudier que certaines composantes très typiques, bien que non
représentatifs, de cette population.
Le mot « population » doit être compris ici dans son sens le plus large,
celui d’ensemble d’éléments constituant un tout :
Cette formule s’impose souvent dans deux cas qui se situent aux antipodes
l’un de l’autre :
- Soit lorsque la population considérée est très réduite et peut être étudiée
entièrement en elle-même.
Ainsi, dans une recherche intensive sur les différents modes de réaction
d’une population à la rénovation de son quartier, on cherchera à diversifier au
maximum les types de personnes interrogées à l’intérieur de cette population, en
tenant compte notamment de critères d’âge, de genre, de situation familiale,
d’occupation, de condition socio-économique et d’origine culturelle.
32
6 Campenhoudt, LV, et Quivy, R., Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 2011. (4 e édition).
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3e séance doctorale
La théorisation
Note introductive
S
elon Guy Bédard, trois idées auront marqué les débats et les
controverses concernant les fondements de la connaissance
scientifique au cours du siècle qui s’achève. Plus exactement,
elles auront joué le rôle de principes générateurs des positions et des oppositions
qui se manifestent aujourd’hui. Toute réflexion sur les fondements de la science
politique ne saurait faire l’économie d’une confrontation avec ces idées 7.
La deuxième idée consiste à penser que les rapports que nous entretenons
avec le monde, y compris ceux que la science tente d’établir, sont entièrement
médiatisés par le langage.
La troisième idée qui est sous-entendue par la précédente, est qu’il n’y a
pas d’observation sans théorie susceptible de l’établir. « Mon point de vue est
que notre langage ordinaire est plein de théories, que l’observation est toujours
une observation faite à la lumière de théories.. », disait Karl Popper.
7Sur ces notions, lire avec intérêt les écrits de Karl Popper, de Imre Lakatos, de Paul Feyereband. Il faut niter
que les deux derniers étaient les élèves de Karl Popper. Lire aussi Thomas S. Khun.
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I. La notion de théorie
Positif ou normatif ?
Quand on évoque le mot théorie, on fait allusion soit aux énoncés qui
décrivent ce qui est (que l’on appelle positifs), et ceux qui prescrivent ce qui
devrait être (les énoncés dits normatifs).
En revanche, un énoncé normatif ne peut pas être prouvé par les faits. Il
contient un jugement de valeurs sur ce que devrait être la réalité, ce qui est bien
ou mauvais, ce qui est désirable ou ce qui ne l’est pas. Ainsi peut-on souvent
entendre des énoncés normatifs qui peuvent exprimer des jugements de valeurs
divergents, comme par exemple : «il est juste de taxer les riches plus que les
pauvres» là où d’autres trouvent qu’ « il est injuste de taxer les riches
proportionnellement plus que les pauvres ». Aucun de ces énoncés ne pourra
être prouvé ou désapprouvé par les faits. Ils expriment simplement des visions
différentes de ce que devrait être la société.
Ainsi donc, les théories explicatives, ou positives, sont celles qui visent
l’unification des connaissances et l’organisation de la recherche empirique en
proposant, par abstraction, des modèles simplifiés qui établissent des liens de
causalité entre les phénomènes observables et facilitent la prévision des
événements particuliers ».
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Alors que les théories normatives, ou évaluatives, sont celles qui portent
sur la réalité un jugement de valeur, et/ou confrontent à l’être observé un
devoir-être systématisé8 »
8Caré,S., La théorie politique contemporaine. Courants, auteurs, débats, Paris, Armand Colin, coll. « U Science
Politique », 2021, 301 p., ISBN : 978-2-200-62581-8.).
9 Loubet des Bayle, J.L., Initiation aux méthodes des sciences sociales, Paris – Montréal, L’Harmattan, 2000.
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10Il cite comme exemple la théorie de l’électricité, la théorie de la chaleur, la théorie de la gravitation. Dans les
sciences de la nature, on étudie les théories après les lois car les théories visent à rattacher les lois découvertes à
des principes plus généraux. Par exemple, la théorie de l’électricité tend à rendre compte de toutes les lois
relatives aux phénomènes électriques. L’un des buts principaux d’une théorie est donc de relier ensemble les
connaissances déjà acquises.
38
sens que les idées sont formulées avec un souci de coordination, de cohérence,
d’articulation logique, en tentant d’ordonner l’ensemble autour d’un noyau
central unificateur.
Par ailleurs une théorie n’est jamais définitive, elle est fondée sur un bilan
provisoire des connaissances acquises à un moment donné, mais elle peut
toujours être remise en question par le progrès des connaissances empiriques ou
par celui de la réflexion scientifique. De ce fait, une théorie est un outil à utiliser
s’il fait progresser la connaissance du réel ou à rejeter s’il devient un carcan
dogmatique faisant obstacle à ce progrès11.
11 De la notion de théorie on peut rapprocher celle de modèle, au sens scientifique du terme, qui n’est pas celui
d’un idéal à imiter. Cette notion est aujourd’hui très utilisée dans les sciences sociales et il arrive assez
fréquemment que l’exposé d’une théorie se traduise par la construction d’un modèle. De manière générale, on
peut définir un modèle comme une représentation simplifiée des relations qui unissent [238] plusieurs ensembles
de données. Dans son essence, le modèle constitue une image schématique de la réalité destinée à en faciliter la
compréhension et l’explication.
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Les outils dont nous disposons actuellement ne sont pas parfaits. Ils ne
nous permettent pas de tout expliquer ou de trouver des recettes magiques pour
résoudre tous les problèmes. Mais ils nous aident à organiser les faits et à mieux
intégrer les informations disparates qui nous submergent quotidiennement. Les
théories nous aident à juger les événements et à être plus lucides dans
l'observation de la vie sociopolitique ou économique12.
En somme, on peut dire que la théorie est un moyen qui permet de tenir le
monde dans sa tête. Mais il y a plusieurs façons de se représenter l'univers.
12 Monière, D. et Guay, J.H., Introduction aux théories politiques, Montréal, Québec/Amérique, Éditeur, 1987.
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13 La théorie peut être ainsi une source de questions, d’hypothèses stimulant l’observation. Par ailleurs, la
théorie, en fournissant aux chercheurs une réserve de concepts et d’hypothèses de recherche, participe au
processus de construction de l’objet dont on a évoqué précédemment la nécessité dans le processus de
l’observation. Comme le note T. Parsons, "la localisation de l’intérêt (du chercheur) sera canalisée par la
structure logique du système théorique... La théorie ne formule pas seulement ce que nous savons mais aussi
nous dit ce que nous voulons savoir, c’est-à-dire nous donne les questions dont nous cherchons la réponse"
14 Certes il y a là un risque de voir fausser la recherche par des théories erronées, mais, à condition de rester
lucide sur l’existence de ce risque, la théorisation n’en reste pas moins indispensable.
Les théories ont donc une valeur heuristique incontestable : "Elles donnent un tableau cohérent des faits
connus, elles indiquent comment ils sont organisés et structurés, elles les expliquent, les prévoient et fournissent
ainsi des points de repères pour l’observation des faits nouveaux".
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C’est dire qu’à mes yeux, dit Beaud, il n’y a de place, dans le travail de
connaissance : ni pour le « travail théorique pur » (coupé de toute référence à un
objet ou à une réalité dont il s’agit de rendre compte) ; ni pour l’« empirisme
descriptif pur » (faisant l’impasse sur l’indispensable effort d’élaboration
théorique et de conceptualisation).
- Quels sont les principaux auteurs ? Comment leurs filiations ont –elle
été établies ? Quels sont les apports de chaque auteur ?
- Quelles sont les controverses majeures sur le sujet, et quels en furent les
principaux protagonistes ? Quelles furent les principales idées, les principaux
concepts formulés ?
Quel courant ?
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Quels auteurs ?
Quels concepts ?
Mais d’autre part, il s’agit en outre d’une rigueur empirique, qui porte sur
le rapport entre les virtuosités interprétatives et leur ancrage empirique, entre les
théories produites et « leur réel de référence », c’est-à-dire le petit « morceau »
d’espace social et de temps social dont le chercheur veut rendre compte et qu’il
se donne pour tâche de comprendre. Cette exigence d’une combinaison de
rigueur logique et de rigueur empirique se retrouve dans toutes les sciences
sociales fondées sur l’enquête (Jean Pierre Olivier De Sardan 2008).
Jean Pierre Olivier de Sardan a donc des mots justes lorsqu’il déclare que
la rigueur empirique de l’anthropologie, et plus généralement du chercheur en
sciences sociales, est indexée à un double rapport d’adéquation : a) le rapport
d’adéquation entre l’argumentation et les données d’enquête ; b) le rapport
d’adéquation entre les données d’enquête et le « réel de référence »15.
15Olivier de Sardan, J.P., La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l’interprétation socio -
anthropologique, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, 2008.
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Une théorie scientifique est avant tout une synthèse destinée à expliquer
un ensemble de phénomènes. Toutefois l’étendue et la portée de cette synthèse
peuvent varier ce qui peut permettre de différencier plusieurs types de théorie en
fonction de leur extension : théories moyennes et théories générales.
Au sens large, les théories sont des paradigmes, elles offrent une
explication générale des phénomènes et un cadre d’analyse des pratiques
sociales. De ce point de vue, les théories sont des systèmes cohérents de
conjectures orientant la recherche par voie de déductions dans l’étude des
données. Il s’agit alors des grandes constructions logiques, de schémas
conceptuels et de paradigmes.
Pour Merton, ces théories sont censées permettre d’établir un lien plus
étroit entre les hypothèses et les données d’observation.
16 Assez curieusement, dit Loubet des Bayle, c’est à l’époque de la naissance des sciences sociales, au XIXe
siècle, qu’ont été surtout élaborées des théories de ce type. Ceci est assez paradoxal car, logiquement, cette
formulation de théories générales aurait dû apparaître plus tardivement, après avoir procédé à une exploration
aussi complète que possible de la réalité sociale. Au contraire, la progression des recherches empiriques au XXe
siècle s’est accompagnée d’une méfiance croissante pour les tentatives de théorie générale. Pourtant, l’existence
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d’une théorie générale pourrait ne pas être inutile pour permettre une synthèse des résultats acquis, en
rassemblant les éléments plus ou moins regroupés dans des lois, des théories particulières ou moyennes, en
suggérant aussi des pistes de recherche, des hypothèses pour des recherches nouvelles.
Mais, inversement, l’expérience acquise avec les théories générales déjà élaborées incite à la prudence. Celles
qui ont déjà été construites dans le passé - le marxisme par exemple - ont révélé leurs limites et leurs dangers.
Une première limite est constituée par le danger de croire que la théorie générale épuise la connaissance du réel
et que donc les recherches sur la réalité ne sont guère utiles puisqu’elles viendront confirmer les principes de la
théorie. Ainsi, en U.R.S.S., la recherche empirique a-t-elle été en partie stérilisée par l’emprise de la théorie
marxiste. Une seconde limite réside dans le contenu de ces théories et dans le fait qu’elles conduisent souvent à
une simplification caricaturale de la complexité de la réalité sociale. C’est ainsi que de nombreuses théories du
XIXe siècle ont été construites sur le schéma du facteur dominant, consistant à ramener toute explication de la
réalité sociale à l’influence déterminante d’un facteur unique : facteur géographique par exemple dans la théorie
de Ratzel. Or, de telles simplifications aboutissent à fausser la représentation de la réalité.
Enfin, une troisième limite tient au fait qu’à ce niveau de généralité, grand est le risque de voir se glisser dans
ces théories des éléments extra-scientifiques d’ordre philosophique ou idéologique, ce qui est, par exemple, le
cas du marxisme.
17 Littlejohn, S.W., Theories of Human Comunication, Belmont, Ca, Wadsworth Publishing Company, 1989.
48
18Il faut noter qu’une loi scientifique est un énoncé théorique à propos de relations de cause à effet entre des
variables. Ces relations doivent être observables dans un grand nombre de situations. Le pouvoir explicatif et
prédictif d’une loi est Puissant.
49
A l’opposé, l’analyse de type nomothétique (de nomos qui veut dire loi en
grec et thesis, action de poser), cherche, à partir de régularités, l’explication
d’événements suivant des lois, des règles ou encore des conditions d’apparition.
Il appelle l’élaboration d’un discours théorique qui tente de justifier un rapport
de stricte causalité ou de probabilité.
Les sciences nomothétiques selon Jean Piaget, sont les disciplines qui
cherchent à dégager des « lois » au sens parfois de relations quantitatives
relativement constantes et expérimentales sous la forme de fonctions
mathématiques, mais au sens également de faits généraux ou de relations
ordinales, d’analyses structurales, etc., se traduisant au moyen du langage
courant ou d’un langage plus ou moins formalisé (logique, etc.).
51
4e séance doctorale
Définition
L
a problématique est l’approche ou la perspective théorique
qu’on décide d’adopter pour traiter le problème posé par la
question de départ. Les pistes théoriques qu’elle définit devront
être opérationnalisées de manière précise dans l’étape suivante de construction
du modèle d’analyse.
Il n’est pas facile pour des chercheurs novices ne maîtrisant pas des
courants théoriques qui meublent les sciences sociales de rendre une bonne
problématique. Il faut noter que ce n’est pas une entreprise aisée même pour des
53
chercheurs qui bénéficient d’une formation très avancée parce qu’étudier les
théories et les concepts dans un cours théorique est une chose, mais les mobiliser
avec discernement et pertinence dans une recherche concrète en est une autre.
C’est la théorie qui nous permet de jeter sur la réalité un regard éclairant
et ordonné, elle nous aide à nous poser des questions qui orienteront notre
investigation vers les meilleures pistes.
Exemple 1
Question de départ :
Problématique :
En d’autres termes,
Pourquoi les élections pluralistes de 2006 n’ont-elles pas donné lieu à une
démocratie sexuée ?
Exemple 2
Question de départ
Problématique
Quel est le lien entre l’expérience concrète de la justice par les citoyens et
leur représentation de la justice ?
Ou encore :
Problématique
« Moins la cohésion sociale est forte, plus le taux de suicide doit être
élevé », dit-il.
Ce avec quoi le phénomène est mis en relation est, au sens large, une «
cause » ; celle-ci participe donc à la phénoménalisation, c’est-à-dire au
processus qui aboutit à ce phénomène.
manière dont elles évoluent au fil de temps, les principaux débats internes à la
sous-discipline et ses perspectives les plus prometteuses.
Par exemple, le chercheur débutant qui se lance dans une recherche sur
l’échec scolaire découvrira vite que ce sujet a déjà été abordé à partir de diverses
problématiques, notamment :
Ou alors,
« Quelle est la vision des élèves sur l’institution scolaire, et quels en sont
les effets sur la réussite ou l’échec ? ».
Ceux qui ont une large expérience et sont bien outillés théoriquement,
doivent exploiter chaque approche avec dextérité, et éviter de former une méga-
59
Quelles sont les situations qui peuvent amener un chercheur à dégager une
problématique ?
absence de savoir avec une réalité intrigante, un état général de savoirs avec une
connaissance spécifique, mais contradictoire, un savoir actuel avec un savoir
attendu, une méthodologie d’acquisition de connaissances avec une autre
méthodologie différente, une constatation évidente avec une prédiction tentative,
une interprétation courante avec une interprétation inusitée. (Donald Long).
Poser l’hypothèse
Une hypothèse est une proposition qui anticipe une relation entre deux
termes qui, selon les cas, peuvent être des concepts ou des phénomènes. Elle est
donc une proposition provisoire, une présomption, qui demande à être vérifiée.
Dès lors, l’hypothèse sera confrontée, dans une étape ultérieure de la recherche,
à des données d’observation.
Nous postulons alors une relation entre deux concepts ou termes clés que
l’on peut représenter de la façon suivante :
Mais ces concepts opératoires sont encore trop larges pour faire l’objet
d’une recherche empirique, il faudra donc les préciser au moyen de variables et
d’indicateurs à l’étape de la construction du cadre opératoire ou du modèle
d’analyse.
Il importe à ce titre :
Dans ce cours nous avons estimé utile de prendre en charge le mot « cadre
opératoire » ou « modèle d’analyse ».
Du concept à la variable
Est une variable dont la valeur varie en fonction de celle des autres. C’est
la partie de l’équation qui varie de façon concomitante avec un changement ou
une variation dans la variable indépendante. C’est l’effet présumé dans une
relation de cause à effet et, en recherche expérimentale, c’est la variable qu’on
ne manipule pas mais qu’on observe pour évaluer les répercussions sur elle des
changements intervenus chez les autres variables.
Lorsqu’on postule une relation de cause à effet (ce qui est peu courant en
sciences sociales), la variable indépendante est alors la cause de l’effet présumé.
De la variable à l’indicateur
Un indicateur
REFERENCES
- ABERNOT, Y. et RAVESTEIN, J., 2009, Réussir son master en
sciences humaines et sociales. Problématique, méthodes, outils, Paris,
Dunod.
- ALALUF, M., Méthodes de recherche en sciences humaines, (Notes
de cours inédites).
- ARBORIO, AM, 2008, L’enquête et ses méthodes. L’observation
directe, Paris, Armand Colin.
- ARON, R., 1967, Les étapes de la pensée sociologique, Paris,
Gallimard.
- ATLANI-DUAULT, L. et VIDAL, L., 2009, Anthropologie de l’aide
humanitaire et du développement. Des pratiques aux savoirs, des
savoirs aux pratiques, Paris, Armand Colin.
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Professeur Ordinaire