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In limine litis, il faut dire que la clef de voute de toutes ces éventuelles
mesures réside dans la configuration démographique du pays, telle qu’elle
apparait dans le rapport du recensement de 2003 et les projections
subséquentes réalisées par les autorités compétentes en cette matière.
Quand on a un pays où plus de 50% de la population ont moins de 21 ans et
où 59.2% vivent en milieu rural, on a du souci à se faire ; car les
conséquences sur les recettes fiscales sont énormes et, cela, pour deux
raisons au moins. Primo, les jeunes de moins de 21 ans sont à 95% soit en
situation d’apprentissage à l’école classique ou à l’université, soit en situation
de chômage ouvert ou déguisé, et plus de 50% d’entre eux ne paient même
pas une vignette ou un matricule fiscal. Secundo, 80% des Haïtien(ne)s vivant
dans les zones rurales sont totalement décapitalisé(e)s à cause (i) de la
destruction malveillante de leur cheptel porcin, (ii) du manque d’encadrement
leur permettant d’augmenter leur production agricole exportable (café, cacao,
pitre, vétiver, etc…), et (ii) du mépris scandaleux dont ils sont l’objet de la part
des dirigeants gouvernementaux. De ce fait, ils ne sont pas à même d’être
des contribuables sur qui l’Etat peut compter. Les autres 20% qui exercent
une activité génératrice de revenus opèrent dans le secteur informel de
l’économie nationale. On peut comprendre facilement que le fisc haïtien a une
marge de manœuvre extrêmement réduite dans sa détermination à
augmenter, malgré vents et marrées, les recettes de l’Etat.
Récemment, nous avions entendu quelqu’un dire, tout de go, que la
perception - l’an dernier - de 45 milliards de gourdes pour une population de
10 millions d’habitant est une piètre performance. C’est vrai que la douane a
des efforts à faire pour réduire le niveau de contrebande, si l’on tient compte
du fait que sur 15 milliards d’importation (dont une bonne partie transite par la
frontière commune avec la République Dominicaine) seulement 9 milliards ont
été taxés et, ce, avec tous les biais qu’on connait. Mais du côté de la Direction
Générale des Impôts, ce n’est pas tout à fait la même réalité. Déclarer sans
nuance que la collecte totale de 45 milliards de gourdes est carrément une
mauvaise performance c’est provoquer, peut-être inconsciemment, le risque
d’une réaction émotionnelle de la part des plus hautes autorités politiques et
l’élimination de l’eau de bain avec le bébé.
Par ailleurs, si l’on examine de plus près la pyramide des âges relative à la
population haïtienne, on peut se rendre compte que les potentiels
contribuables représentent moins de 40% de la population totale du pays, soit
moins de 4 millions d’habitants. De cette quantité, plus de la moitié opère
dans le secteur informel, donc ils sont propriétaires de négoces ou de petites
entreprises qui échappent complètement au contrôle du fisc. Une grande part
de l’autre moitié (à peu près 2 millions), sont des chômeurs ou des gens ayant
entre 25 et 35 ans qui sont peut-être détenteurs d’idées bancables, mais dont
l’accès au crédit est totalement fermé, faute de ne pas pouvoir exhiber les
garanties chimériques qui sont généralement exigés par notre système
bancaire. Au bas mot, la charge fiscale de tout le pays repose sur environ un
million de personnes et un nombre limité d’entreprises. Partant de ces
considérations sociodémographiques, la collecte de 45 milliards de gourdes
de l’année fiscale écoulée est en soi un résultat appréciable, surtout si l’on se
rappelle qu’on était seulement à deux ans du tremblement de terre
dévastateur du 12 janvier 20102.
Avec une population aussi jeune, les autorités auraient intérêt à formater leur
politique économique et fiscale de manière à intégrer progressivement les
jeunes dans le tissu économique. Il est aussi extrêmement important
d’envisager l’élaboration d’un programme de développement de
l’entreprenariat chez les jeunes, assorti d’un mécanisme approprié d’accès au
crédit pour la création de nouvelles entreprises. Dans ce cadre, l’âge serait un
critère déterminant dans la sélection des projets à financer, pour éviter que ce
soit la même minorité démographique qui s’impose comme le grand
bénéficiaire d’un tel programme. Une disposition économique de ce type
permettra d’augmenter le nombre effectif de contribuables et d’élargir ainsi
l’assiette fiscale du pays.
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