Finances locales

Dossier
> F inances publiques
et crises

Maurin ALMEIDA FALCÃO

Professeur à l’Université Catholique
de Brasília

La crise des finances publiques au Brésil

et le cas du Covid

Mots-clés : Brésil - finances publiques -crise - covid-19 - mesures d’urgence -

fédéralisme

Cet article analyse la crise des finances publiques au Brésil qui persiste
depuis 2013 et est aggravée par les effets de la Covid. Malgré les contraintes
budgétaires imposées par le cadre constitutionnel, le Gouvernement fédéral
a déployé des moyens importants vers les entités fédérées pour faire face à la
pandémie. Un régime financier d’urgence a visé à contrecarrer la pénurie, le
chômage et les effets du confinement. Le pacte fédératif en ressort renforcé,
sachant qu’une décision de la Cour suprême a rappelé que les organes
fédérés et les municipalités ont une compétence concurrente en matière
sanitaire, ce qui dilue politiquement le pouvoir fédéral.

À
la crise des finances publiques au Brésil
se sont ajoutés les effets inattendus de
la Covid-19. En effet, cette crise sévit de-
puis les sept dernières années et a conduit à une
baisse du PIB et, par conséquent, des recettes
publiques. Malgré les efforts de réduction des
dépenses publiques et l’augmentation de la
pression fiscale, le pays reste toujours dans la
crise, si bien que le déficit primaire est devenu
un cauchemar pour les autorités en charge de
l’économie.
Avec l’arrivée de la pandémie de la Covid, la si-
tuation s’est aggravée en raison de la nécessité

doi:10.3166/gfp.2021.4.017

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de venir en aide aux plus démunis par le biais
de politiques publiques de transfert de reve-
nus. De cette façon, il a fallu mettre en place
des mécanismes juridiques pour contourner la
rigidité de la « Loi de responsabilité financière »
et des dispositifs constitutionnels concernant les
finances publiques. Cette situation d’urgence a
justifié des mesures de suspension des valeurs
et normes financières, notamment en matière de
règle d’or de l’équilibre financier et de plafonne-
ment des dépenses publiques.
Le cadre constitutionnel des finances publiques
au Brésil organise les compétences de chaque
entité fédérale et repose sur la solidarité entre
les membres de la fédération. Dans le souci de
garantir l’équilibre du pacte fédératif, le Gouver-
nement fédéral est venu en aide aux États fédé-
rés et aux municipalités. Ainsi, les transferts de
ressources du pouvoir central et la suspension
du remboursement de la dette de ces entités ont
procuré une marge de manœuvre considérable
aux finances locales. Cependant, l’Union fédérale
a vu son déficit primaire augmenter, ce qui rend
1 Le cadre constitutionnel des finances publiques au Brésil
Le système politique fédéral adopté au Brésil
suppose le partage de plusieurs compétences,
selon les dispositions de la Constitution fédérale
de 1988. En ce sens, le législateur constitution-
nel a mis en place des mécanismes juridiques
pour éviter qu’une entité entre dans le champ
de compétence d’une autre entité. Cette archi-
tecture concerne également le pouvoir fiscal et
budgétaire dont dispose chaque entité fédérale.
Ainsi le Titre VI, dans les articles 145 à 169, est
relatif à la répartition des compétences en ma-
tière fiscale et budgétaire entre l’Union fédérale,
les États fédérés et les municipalités brésiliennes.
En ce qui concerne la fiscalité, par exemple, le
chapitre 1 est consacré au système fiscal natio-
nal (articles 145 à 162) et énonce les principes
constitutionnels en cette matière, l’ensemble
des prélèvements obligatoires prévus, les impôts
attribués à chaque entité fédérale et le système
de répartition des recettes fiscales. Cette répar-
tition s’effectue à partir de l’Union fédérale vers
les autres entités, puis des États fédérés vers les
municipalités. Il faut noter que ce système de pé-
réquation vise à garantir l’autonomie des entités
fédérées et suppose la participation de celles-ci
dans l’ensemble des recettes fiscales. En outre,
cette répartition répond à l’objectif majeur d’éli-
miner les inégalités régionales, tout en favorisant
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Finances locales
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encore plus difficile la résolution du problème de > F inances publiques
la crise des finances publiques. et crises
À l’heure actuelle, où la reprise de la pandémie
demande des nouvelles actions du Gouverne-
ment fédéral pour pallier la crise, le scénario est
moins optimiste. La chute du PIB en 2020 a réduit
la marge de manœuvre pour mettre en place un
nouveau programme d’aide publique. Toutefois,
la population est déjà dans l’attente de l’annonce
des dates pour recevoir concrètement cette aide.
L’autorisation législative est en cours et le mi-
nistre de l’économie travaille maintenant sur les
solutions budgétaires pour la mettre en œuvre.
Cet article propose dans un premier temps, de
présenter l’organisation des finances publiques
au Brésil, la structure constitutionnelle et le
partage des compétences en matière fiscale et
financière. Ensuite, il s’attache à analyser com-
ment la crise des finances publiques au Brésil est
aggravée par les effets de la Covid, en relation
avec l’effort réalisé pour soutenir la société bré-
silienne.
la circulation de la richesse des régions nanties
vers les régions pauvres. C’est une garantie pour
la stabilité du pacte fédératif et un moyen d’as-
surer la cohésion sociale autour de la fédération.
Il est important de remarquer que l’Union fédé-
rale n’a pas de marge de manœuvre pour ré-
duire les transferts car il s’agit des dispositions
constitutionnelles qui prévoient, entre autres, la
participation obligatoire d’une entité dans les re-
cettes fiscales d’une autre entité : la répartition
est un moyen pour assurer l’autonomie des États
fédérés et des municipalités ; toutefois, l’Union
fédérale garde toujours des moyens de négocia-
tions parallèles pour des accords politiques.
Ces fonds constitutionnels de répartition des
recettes fiscales sont alimentés par des impôts
fédéraux d’envergure tels que l’impôt sur le re-
venu (incluant l’impôt sur le revenu sur des per-
sonnes morales, qui est l’équivalent français de
l’impôt sur les sociétés, et l’impôt sur les produits
industrialisés). De cette façon, des exonérations
fiscales et d’autres régimes dérogatoires autori-
sés par le Gouvernement fédéral peuvent entraî-
ner des pertes pour les autres entités. Il en va de
même pour la politique économique ayant des
effets sur le PIB. Le cas récent de la chute de 4,1%
du PIB en 2020, en raison des effets de la Covid,
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Finances locales
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> Finances publiques entraînera, bien évidemment, une chute des
et crises recettes fiscales dans un moment difficile pour
les entités fédérées, qui dans les années précé-
dentes étaient déjà soumises à des restrictions
budgétaires importantes dans un contexte, an-
cien, de crise fiscale.
De ce fait, il est possible de constater que la ré-
duction du PIB, mentionnée plus haut, peut avoir
des conséquences capitales pour l’équilibre
économique et politique du pays. Ce contexte,
dont nous parlerons plus loin, explique le souci
du Gouvernement fédéral de trouver un équilibre
entre le besoin de politiques d’aides publiques
et le manque de ressources, surtout en présence
d’une loi de responsabilité financière qui consti-
tue pour le pouvoir central une épée de Damo-
clès.
Néanmoins, il faut revenir aux dispositions de
la Constitution fédérale de 1998 qui, dans son
article 3, rappelle que parmi les objectifs de la
République fédérative du Brésil, se trouve la
construction d’une société libre, juste et soli-
daire, ainsi que l’élimination de la pauvreté et la
réduction des inégalités régionales. Alors, com-
ment mettre en œuvre ces dispositions constitu-
tionnelles face à la crise financière aggravée par
la pandémie de la Covid ? C’est la question qui
s’impose à l’heure actuelle au sein du Pouvoir
législatif, et le président de la République s’em-
ploie à trouver un consensus, étant donné l’ur-
gence de l’aide publique.
Après ce bref aperçu du système fiscal brési-
lien, revenons aux dispositions constitution-
nelles concernant les finances publiques. Tout
d’abord il est important d’expliquer qu’en droit
constitutionnel brésilien, l’expression « finances
publiques » concerne seulement les grands
principes, les modalités budgétaires et les fon-
dements de l’activité financière de l’État. Sans
aucun doute, l’expression « finances publiques
» dans le sens large du terme concerne aussi la
fiscalité. En effet, en raison de son organisation
politique, il a fallu mettre en place un système
particulier de répartition des compétences fis-
cales, comme nous l’avons vu plus haut, et, pour
cette raison, le législateur constitutionnel a été
amené à prévoir un chapitre spécifique.
Par la suite, le législateur constitutionnel a conçu
le chapitre 2 du Titre VI, lequel porte d’abord,
dans les articles 163 et 164, sur les principes gé-
néraux des finances publiques. Les articles 165 et
suivants énumèrent ensuite les procédures bud-
gétaires, visant à ce que chaque entité prenne les
mesures nécessaires, et dans les délais constitu-
tionnels, pour élaborer leurs budgets. En réalité,
126
ces dispositions participent à l’autonomie poli-
tique des entités fédérées.
Il convient de souligner que dans un pays fédéral
comme le Brésil, il existe des lois fédérales pour
tout ce qui concerne les affaires placées sous la
compétence du Gouvernement fédéral. Néan-
moins, des lois nationales interviennent sur la
compétence commune à toutes les entités.
Tel est le cas de la Loi organique 101du 04 mai
2000, dite Loi de responsabilité financière (LRF),
qui a pour but, parmi d’autres objectifs, d’établir
un contrôle des dépenses publiques de l’Union
fédérale, des États fédérés et des municipalités
en fonction des recettes fiscales. Dès lors, cette
camisole de force s’est imposée dans le paysage
politique comme une limite aux dérives finan-
cières des administrateurs publics : elle a été à
l’origine de la destitution du président brésilien
en 2016 pour un crime de responsabilité finan-
cière.
En quête d’insertion internationale, le Brésil
a adopté la Loi de responsabilité financière, à
l’instar de plusieurs pays, en se conformant aux
exigences du Fonds monétaire international. De
toute évidence, l’introduction d’une nouvelle
culture dans l’administration publique, basée sur
des instruments comme la planification, la trans-
parence, l’équilibre des comptes publics, la fixa-
tion de limites à l’endettement et aux dépenses,
s’inscrivait dans la recherche d’une meilleure sta-
bilité du secteur public, conformément aux direc-
tives du système international. La crise interna-
tionale initiée à partir des années 1970 a imposé
le modèle de réduction des dépenses publiques
et de la taille de l’État interventionniste. Dans la
ligne de ces changements, la mise en place de
moyens de contrôle des dépenses publiques
était une priorité. C’est ainsi que plusieurs me-
sures ont été définies afin de concrétiser ces in-
jonctions des organismes internationaux pour les
économies nationales.
Pour cette raison, le Brésil, en tant que pays en
transition ayant des besoins d’investissements
étrangers, s’est soumis à ces injonctions et se
trouve aujourd’hui parmi les économies les plus
attrayantes pour les capitaux externes. Cepen-
dant, il y a toujours un prix à payer. Les limites
aux dépenses publiques seraient ainsi peut-être
à l’origine de la crise économique et, bien évi-
demment, de la crise fiscale. Précisons qu’il n’y
avait pas d’autre choix.
À l’heure actuelle, la lutte contre la pandémie
demande un effort énorme du gouvernement
fédéral, lequel se trouve coincé par les limites
de la Loi de responsabilité financière. Pourtant,
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non seulement les inégalités sociales sont colos-
sales au Brésil, mais la réouverture de l’économie
après les périodes de confinement (lockdown)
2 L’impact de la pandémie sur la crise brésilienne des finances
publiques
La crise des finances publiques au Brésil a débuté
en 2013 : les sept années successives de crise
budgétaire ont entraîné un déficit primaire de
l’ordre de 0,84 % du PIB en 2019, donc avant la
pandémie. Il faut noter que dans la période entre
2014 et 2016 la crise s’est aggravée en raison de
problèmes structurels empêchant la reprise de la
croissance économique : celle-ci a été de 0,2 %
seulement entre 2010 et 2020, ce qui rappelle la
décennie perdue (1980-1990) qui affichait quand
même un taux de 1,6 % de croissance.
La chute de 4,1 % du PIB en 2020 a fait perdre au
Brésil la huitième place qu’il occupait dans l’éco-
nomie mondiale. Depuis les trente dernières an-
nées, ce résultat est le pire pour l’économie na-
tionale. La perte de croissance économique a eu
des effets sur le montant des recettes publiques.
Ainsi, le remboursement de la dette publique,
avec une pression sur le résultat primaire de
l’économie, a demandé un effort extraordinaire
de réduction des dépenses publiques et d’aug-
mentation de la charge fiscale, un diptyque qui
est d’ailleurs en œuvre depuis la crise internatio-
nale des années 1970.
La réduction des dépenses publiques pèse lour-
dement sur le bilan social et la croissance écono-
mique. L’augmentation de la pauvreté est visible,
ce qui accentue les inégalités sociales. La baisse
du montant des recettes publiques a également
contribué à ce panorama sombre. De fait, on
constate une réduction de 32,9 % des recettes
publiques en mai 2020, par rapport à mai 2019,
ce qui se constitue le pire des résultats depuis
trente ans. De prime abord, nous ne pouvons
pas mettre en cause la pandémie puisqu’elle a
démarré au Brésil en mars 2020, ce mauvais résul-
tat découlant de la stagnation économique que
le pays connaît depuis des années. En effet, les
comptes publics ont cumulé les déficits primaires
plusieurs années de suite, ce qui paralyse les ef-
forts en vue de la reprise de la croissance écono-
mique. La réduction de l’activité industrielle de
31%, ajoutée à une chute de 27 % de la consom-
mation des biens et de 17 % de la consommation
des services, a eu des effets néfastes sur l’en-
semble des recettes publiques.
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demande des mesures d’urgence qui n’appa- > F inances publiques
raissent possibles que dans le cadre d’un pacte et crises
national.
Insistons sur le fait que ces réalités apparemment
distinctes cachent à la fois une inertie gouverne-
mentale pour sortir de la crise et le prix à payer
vis-à-vis du manque de responsabilité financière
dans le passé. À vrai dire, la faiblesse de la marge
de manœuvre pour le gouvernement est le ré-
sultat d’une croissance timide et de l’absence de
réformes structurelles profondes.
La réforme fiscale en est un bon exemple. La vé-
tusté du système fiscal brésilien, qui demande
depuis longtemps des réformes pour s’adapter
à la dynamique du tissu économique, se trouve
à l’origine de ce chaos. La logique de la spirale
prix-salaires et du poids insupportable de la
charge fiscale conduit à des effets pervers sur le
pouvoir d’achat, sur les coûts de production et
sur l’inflation qui se traduisent dans le ralentisse-
ment de l’activité économique. Dans l’autre sens,
un déficit primaire permanent entraîne la hausse
des taux d’intérêt et de l’inflation.
Il ne faut pas oublier non plus les effets sur le fi-
nancement des politiques publiques. Le Brésil,
malgré un tissu économique important, connaît
des inégalités toujours croissantes. Malgré la
mise en place des politiques publiques de ré-
partition de la richesse (impôt négatif), qui ont
contribué quand même à la réduction de la pau-
vreté, ces inégalités persistent, faute d’une poli-
tique robuste pour l’éducation et le développe-
ment. La question est donc de savoir comment
réaliser l’ajustement fiscal nécessaire à l’équilibre
des finances publiques, sans pour autant aug-
menter les conflits sociaux ?
Si on laisse de côté pour l’instant l’action pu-
blique de responsabilité (accountability) envers
les plus démunis, la question est : comment as-
surer les compromis constitutionnels au regard
des autres enjeux, tout aussi incontournables ?
Revenons, par exemple, aux investissements
étrangers dont a besoin le pays. Il est certain que
le déséquilibre des comptes publics freine l’ac-
cueil des capitaux ; si bien que, parmi d’autres
efforts, le Brésil a décidé de mettre en place,
comme nous l’avons vu, la Loi de responsabilité
financière (LRF). En effet, la situation, positive,
des soldes primaires des comptes publiques a
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Finances locales
Dossier
> Finances publiques
et crises
Au Brésil, trois documents
1
budgétaires principaux
existent : le plan pluriannuel
(PPA), la loi des directives
budgétaires (LDO) et la loi de
finances (LOA).
128
une place privilégiée pour les investisseurs et les
organismes internationaux. Mais cette politique
freine les dépenses sociales, d’où le dilemme.
A. Les effets de la Covid
Tout d’abord, il faut dire que la pandémie a sus-
cité un problème politique important vis-à-vis du
pacte fédératif prévu dans la constitution brési-
lienne. La Cour suprême brésilienne, l’instance
responsable pour l’interprétation de la Constitu-
tion fédérale, a pris une décision donnant com-
pétence aux États fédérés et aux municipalités
pour prendre des mesures contre la pandémie.
Selon cette décision du 15 avril 2020, la Cour,
après le dépôt d’une action directe d’inconstitu-
tionnalité par le Parti démocratique des travail-
leurs (ADI 6341), a statué pour rappeler que les
États fédérés et les municipalités conservent une
compétence concurrente en matière sanitaire.
Pour cette raison, l’Union fédérale a vu son pou-
voir de résolution de la crise réduit, ce qui pose
des problèmes politiques dans un moment dif-
ficile de la vie nationale. Face à l’ampleur prise
par la pandémie lors de la deuxième vague, le
problème est que les medias et une partie de la
population, au-delà des gouverneurs des États
fédérés et des maires, accusent le président de
la République de négligence. Or, dans le pay-
sage politique, les avis sont très partagés sur la
nature des mesures à prendre, si bien que la ré-
alisation d’un consensus apparaît de plus en plus
éloignée.
Dans cette perspective, la pandémie pose ainsi
deux problèmes majeurs : le premier est poli-
tique, le second financier.
Concernant l’enjeu financier, avant de traiter
la question de l’aide publique, il est important
de présenter les dégâts de la pandémie sur les
comptes publics, qui étaient comme on l’a dit
dans une situation de déficit avant même la crise
sanitaire. La chute des recettes fiscales conju-
guée à l’augmentation exceptionnelle des dé-
penses publiques a rendu le pays plus pauvre.
Par exemple, la part des personnes vivant dans
des conditions de pauvreté extrême est passée
début 2021 à 27 millions, sachant que le Brésil
a une population de 210 millions d’habitants, ce
qui représente un taux de 12,8 %.
Or, cette situation demande des mesures d’ur-
gence comme par exemple la suspension tem-
poraire des dispositifs de la Loi de responsabilité
financière (LRF)1. En outre, il a fallu chercher des
ressources qui n’étaient pas prévues dans les lois
budgétaires. Le Décret législatif 06/2020 a établi
l’état d’urgence et de calamité publique. Il en va
de même pour les États fédérés et pour les mu-
nicipalités. Ces mesures ont permis aussi la sus-
pension temporaire des objectifs fiscaux prévus
dans la « loi des directives budgétaires » et des
limitations de la LRF relatives à la hausse des dé-
penses publiques et à l’endettement.
Dans ces conditions, le Gouvernement fédéral a
pris des décisions pour la mise en œuvre d’une
aide publique au regard du confinement, en
particulier en matière de chômage, entre autres,
comme nous l’avons vu plus haut.
Faute de marge de manœuvre pour le finance-
ment de l’aide publique, le Gouvernement fédé-
ral a fait une sorte de chantage en exigeant l’ajus-
tement financier pour accorder l’aide à la popu-
lation. En 2020, plus de 65 millions de personnes
ont bénéficié d’une aide d’urgence d’un montant
mensuel d’environ 100 euros (R$ 600) pendant
trois mois. Un soutien a été également accordé
aux micro-entrepreneurs et aux travailleurs rele-
vant du secteur informel dans le cadre des dispo-
sitions du Décret présidentiel 10.313/2020.
Il est admis que l’injection de presque 41 Mds€
milliards d’euos (R$ 293 milliards) dans l’éco-
nomie au titre de l’aide d’urgence a soutenu la
croissance de la consommation des familles et a
réduit le ralentissement de l’économie. En outre,
elle a eu une incidence importante sur le PIB, de
l’ordre de 2,5%, a permis une amélioration du
coefficient de GINI, une réduction de la pauvreté
et une récupération du pouvoir d’achat.
Pour faire face aux effets de la pandémie, l’en-
dettement est apparu comme un moyen plus
commode, en dépit des dispositions constitu-
tionnelles et de la LRF. La contrainte est que la
Constitution fédérale n’autorise pas les emprunts
dont le montant dépasse les dépenses de capi-
tal. Pour y parvenir, un projet de loi organique
créant un programme fédératif pour faire face à
la Covid a vu le jour (PLP/2020). Ce projet prévoit
des modifications des dispositions de la LRF, la
suspension du remboursement de la dette des
États fédérés et des municipalités et une restruc-
turation des opérations de crédits internes et ex-
ternes. Finalement, la mise en place d’un amen-
dement constitutionnel 106/2020 (PEC 10/2020
ou bien PEC du budget de guerre) a permis de
mettre en place une structure plus flexible, une
sorte de budget parallèle, pour faire face à la
pandémie au moyen de l’augmentation des dé-
penses publiques et de l’endettement : cette mo-
dification s’applique tant que l’état d’urgence lié
à la crise sanitaire est présent.
Il est important de préciser que ces nouveaux dis-
positifs temporaires excluent la nécessité d’indi-
GFP N°4-2021 / Juillet-Août 2021

quer les sources de financement des dépenses
publiques, lesquelles pourront être financées
par l’emprunt ; la règle d’or (article 167, III) de la
Constitution fédérale, qui interdit l’endettement
public pour faire face aux dépenses courantes,
est donc suspendue.
Après l’année 2020, l’arrivée de la deuxième
vague de la pandémie début 2021 ouvre un autre
scénario financier. Un grand effort de maintien de
l’aide publique est nécessaire pour éviter le pire.
Cependant, la chute du PIB en 2020 constitue un
obstacle de taille par rapport à la volonté du gou-
vernement de mettre en place de nouveaux dis-
positifs, dans le cadre d’un « budget parallèle »,
pour combattre le fléau de la Covid.
Le ministre de l’économie brésilien, Paulo Gue-
des, a annoncé que l’aide d’urgence sera in-
férieure au montant de 2020, avec une valeur
moyenne de 40 euros (R$ 250). Le projet d’amen-
dement constitutionnel, approuvé par le Sénat,
est en cours d’examen par la Chambre des dé-
putés.
La grande innovation de la PEC de 2021 par rap-
port à celle de 2020 est d’établir des mécanismes
de limitation des dépenses publiques, et donc
de viser à équilibrer les comptes publics en fixant
la règle d’or et le plafonnement des dépenses
de l’Union fédérale aux ratios de l’année précé-
dente, augmentés de l’inflation. Néanmoins, au
cas où les dépenses publiques dépasseraient les
limites prévues, un déclencheur sera activé pour
assurer les dépenses obligatoires au niveau de
95 % de leur total.
Le ministre a ajouté que seule la vaccination de
toute la population et les réformes structurelles
pourront aider l’économie brésilienne. Selon lui,
la PEC d’urgence est à saluer car il s’agit d’un
compromis entre la santé et la responsabilité fi-
nancière du pays.
B. L’Union fédérale, le grand perdant
de la crise de la Covid ?
La crise sanitaire a été responsable du ralentisse-
ment de l’activité économique, ce qui a entraîné
des pertes importantes de recettes fiscales. Tou-
tefois, les États fédérés et les municipalités ont
été préservés de cet effet grâce à la loi organique
173/2020 qui fixe les règles relatives au transfert
GFP N° 4-2021 / Juillet-Août 2021
Finances locales
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de ressources du gouvernement fédéral à ces > F inances publiques
entités et par la suspension du remboursement et crises
de la dette auprès du Gouvernement fédéral.
Les transferts ont favorisé une amélioration du
résultat primaire des comptes publics des enti-
tés infra-fédérales. En effet, un compromis sur le
gel des traitements et une restructuration, de la
fonction publique ont créé un environnement fa-
vorable à l’investissement et amélioré l’épargne
financière.
Le choc produit par la Covid sur les comptes pu-
blics est indéniable. Néanmoins, l’Union fédérale
a fait tous les efforts pour réduire les effets sur les
entités infra-fédérales. Pour cette raison, le défi-
cit primaire s’est dégradé pour l’Union fédérale
alors que les entités infra-fédérales n’ont pas subi
de résultats négatifs.
Les effets indirects de la Covid sur les comptes
du Gouvernement fédéral découlent du ralentis-
sement de l’activité économique, comme sou-
ligné précédemment. À ce bilan, il faut ajouter
bien évidemment les transferts vers les entités fé-
dérées ayant pour objectif majeur de réduire les
effets économiques et sociaux de la pandémie.
En dépit de la crise permanente des finances
publiques, l’action politique menée par l’Union
fédérale en vue de porter une aide financière
aux entités fédérées a renforcé le pacte fédéra-
tif et la stabilité politique du pays. Néanmoins,
l’unanimité ne s’est pas faite en ce qui concerne
les mesures pour combattre la pandémie. Dans
les dernières semaines, des gouverneurs et des
maires ont exposé leur mécontentement sur la
gestion de la crise sanitaire par le gouvernement
fédéral. Il faut rappeler cependant ici que la Cour
suprême a habilité les maires et gouverneurs à
prendre les mesures nécessaires, ce qui a res-
treint les compétences du président de la Répu-
blique.
De toute évidence, le rôle de l’Union fédérale
dans la lutte contre la pandémie, soutenue par
une politique de transfert de ressources, en dépit
des contraintes financières posées par la LRF, a
donné aux entités fédérées un confort financier
extraordinaire. En ce sens, la négociation po-
litique menée avec le pouvoir législatif, en vue
d’obtenir un consensus constitutionnel et les
moyens d’agir contre la pandémie, relève d’une
action d’intérêt général pour le bien commun. ■
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