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Note de synthèse
Janvier 2017
Public Disclosure Authorized
NOTES :
1 – Cette publication est une synthèse du manuel intitulé « Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec
focalisation sur l’Afrique : guide de référence pour les fiscalistes » qui doit être publié conjointement à la fin de
l’année 2017 par :
• le Groupe de la Banque mondiale (GBM),
• le Centre for Exploration Targeting (CET) et
• le Centre international de l’industrie minière pour le développement (IM4DC).
2 – Le Guide a été co-rédigé par un groupe international d’experts en fiscalité des industries minières,
dont :
• le professeur Pietro Guj, CET — Université d’Australie-Occidentale (auteur principal) ;
• Mme Stéphanie Martin — Consultant fiscal ;
• M. Bryan Maybee, CET – Curtin University ;
• le professeur Frederick Cawood — Université de Witwatersrand ;
• M. Boubacar Bocoum — Groupe de la Banque mondiale ;
• Mme Nishana Gosai — Administration fiscale sud-africaine (South African Revenue Service) et
• M. Steef Huibregtse — (Transfert Pricing Associates (Global)), Pays-Bas.
3 – Cette synthèse a été rédigée par le professeur Pietro Guj, Mme Stéphanie Martin et Mme Alexandra
Readhead.
4 – La rédaction de la présente note de synthèse a été facilitée par la Deutsche Gesellschaft für internationale
Zusammenarbeit GmbH (GIZ).
Note de synthèse sur les prix de transfert dans
l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
Résumé analytique
Cette note de synthèse résume les résultats des recherches sur les prix de transfert menées dans
le cadre spécifique de l’industrie minière en Afrique. L’étude a été commanditée en 2015-2016
par le Groupe de la Banque mondiale (GBM) en coopération avec le Centre international de
l’industrie minière pour le développement (IM4DC)4 et réalisée par une équipe internationale
d’experts en fiscalité et dans les industries minières5 dirigée par le Centre for Exploration
Targeting (CET)6. Les résultats de cette étude seront publiés dans un manuel intitulé « Les
prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique : Guide de référence pour
les fiscalistes », accompagné d’un matériel pédagogique pratique, actuellement en cours
d’élaboration, qui servira de support à une série d’ateliers sur les prix de transfert destinés
aux agents des administrations fiscales africaines pour le début de l’année 2017. Ce guide de
référence constitue également un complément, spécifique à l’industrie minière, d’une boîte à
outils générale sur les prix de transfert intitulée « Transfert Pricing and Developing Economies » (en
anglais) réalisée par l’équipe internationale sur la fiscalité du Groupe de la Banque mondiale.
Importance de l’activité minière pour l’Afrique
Au cours des dernières années, la contribution du secteur minier à l’économie de nombreux
pays africains a augmenté bien plus rapidement que celle d’autres secteurs, accentuant
ainsi l’importance de cette industrie comme mécanisme de développement et de croissance
économiques. Les ressources minérales de l’Afrique sont devenues un pôle d’attraction pour les
investissements directs étrangers (IDE) dans les domaines de l’exploration et du développement
minier. En 20137, l’Afrique a attiré 2,9 milliards USD, soit 17 % des investissements mondiaux en
matière de prospection minière, et était le principal producteur mondial de cobalt, de platine,
de diamants et de chrome ainsi qu’un important producteur d’or, d’uranium et de cuivre.
Bien que l’investissement dans les industries minières ait diminué au cours des deux dernières
années en raison de la chute des prix des matières premières, il va inévitablement reprendre
à plus long terme. Les 301 mines en production, les 333 projets en développement aux stades
de conception ou d’étude de faisabilité et les 938 projets8 d’exploration en Afrique pourraient
stimuler davantage la collecte de recettes nationales sur un continent où plusieurs pays luttent
1
Professeur chercheur (auteur principal), The Centre for Exploration Targeting (CET), e-mail : pietro.guj@ uwa.
edu.au
2
Consultante, précédemment commissaire adjointe en charge de la fiscalité, Administration fiscale australienne
(Australian Tax Office)
3
Consultante en gouvernance des ressources naturelles, GIZ/NRGI.
4
Financé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce d’Australie.
5
Avec aux côtés de Prof. P. Guj et Mme S. Martin, M. B. Maybee, Prof. F. Cawood (Université de Witwatersrand),
M. B. Bocoum (GBM), Mme M. Gosai (Administration fiscale sud-africaine) et M. S. Huibregtse (Transfer Pric-
ing Associates).
6
CET est une initiative conjointe de l’Université d’Australie-Occidentale, de la Curtin University et de l’industrie
minière.
7
Metals and Mining de SNL, 2014 (en anglais).
8
Nombre provenant du RIU, 2014.
iii
iv Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
pour atteindre un ratio de recettes fiscales par rapport au PIB de 15 %, alors que ce ratio est
de plus de 33,6 % en moyenne pour les pays de l’OCDE depuis 2000. Il est donc essentiel
que les juridictions africaines continuent à élaborer des réglementations et régimes fiscaux
miniers qui, tout en attirant les investissements directs étrangers, puissent être appliqués par
leur administration, en veillant à ce que l’industrie minière soit sûre et responsable sur le plan
social et écologique, et qu’elle paye un montant équitable d’impôt sur les bénéfices générés
dans le pays producteur.
Structures d’entreprise utilisées par les multinationales minières et leurs éventuelles
conséquences sur le plan fiscal
La plupart des pays africains exigent que les projets miniers appliquent des mesures de
séparation, c.-à-d., qu’ils soient détenus et exploités par la filiale d’une entreprise multinationale
(EMN) qui les contrôle, et que cette filiale soit dûment enregistrée et imposable dans le pays
hôte. Les EMN ont eu tendance à structurer leurs activités en consolidant des fonctions à forte
valeur et des actifs incorporels y associés au sein de centres qui fournissent des produits et
des services à leurs exploitations à l’échelle mondiale, et en les situant dans des juridictions à
faible imposition ou dans des juridictions où il est possible d’établir des entités à but spécial
imposées à des taux préférentiels.
Les EMN soutiennent que la consolidation de la fourniture de services au sein de ces centres
est déterminée principalement par l’objectif consistant à maximiser la valeur pour l’actionnaire
grâce à l’atteinte d’une masse critique à travers la gestion centralisée de ressources spécialisées,
la proximité avec la clientèle, les centres de services de commercialisation et de transport ou
de recherche. Cependant, l’extrême complexité et l’artificialité de certaines de ces structures
à plusieurs niveaux et les preuves que certaines sociétés relais ne sont effectivement que des
« boîtes postales » sans aucune finalité commerciale et qu’elles n’ajoutent que peu ou pas de
valeur, indiquent qu’elles sont probablement conçues principalement pour minimiser l’impôt
des EMN au niveau consolidé. Ce point de vue est corroboré par le chalandage fiscal9 et la
rapidité avec laquelle certaines EMN modifient leurs structures afin de lutter contre la clôture
par les gouvernements de certains vides juridiques en matière fiscale. Bien que ces pratiques
fiscales puissent être techniquement légales, on peut affirmer qu’elles sont discutables d’un
point de vue déontologique.
Les conséquences de l’utilisation des structures d’entreprise globales par les EMN en Afrique
sont les suivantes :
■■ l’assiette fiscale du pays accueillant l’activité minière peut être érodée, car les profits
sont transférés à l’étranger ;
■■ les fonctions des filiales minières des EMN sont le plus souvent réduites à des activités
de routine utilisant principalement du personnel moins qualifié et des actifs corporels ;
■■ peu de sociétés minières sont entièrement intégrées verticalement et exportent souvent
du minerai concassé et criblé (par ex., du minerai de fer et du charbon) ou des métaux
de base et autres concentrés ou des produits intermédiaires, après une transformation
limitée dans leurs fonderies ou leurs centres de services de commercialisation et
■■ les sociétés minières concluent de plus en plus de transactions transfrontalières pour
la fourniture de services et d’actifs spécialisés à forte valeur ou des financements, dont
nombre sont effectuées par des entités liées faisant partie de la même EMN.
Les autorités fiscales doivent déterminer si les bénéfices des filiales minières et leurs clients ou
prestataires de service à l’étranger correspondent à la valeur effectivement ajoutée par chaque
entité, tout au long de la chaîne de valeur de l’industrie minière. Un redressement fiscal peut
être justifié lorsque l’aspect économique ne correspond pas au type d’arrangement relatif aux
prestations.
Des réseaux complexes des sociétés relais liées établies dans des juridictions soigneusement sélectionnées pour
9
des raisons fiscales qui n’auraient pas autrement été possibles en raison d’un réseau limité de conventions
préventives de la double imposition (CPDI) en Afrique.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique v
Les cas extrêmes peuvent justifier une requalification des transactions entre parties liées pour
refléter les conditions qui auraient été convenues entre parties non liées dans des transactions
sur le marché libre. Logiquement, si les sociétés minières agissaient selon le principe de la
pleine concurrence, elles ne concluraient aucun accord dont les dispositions signifieraient un
taux de rentabilité inacceptable ou même une perte à long terme. Elles n’accepteraient pas
non plus d’accorder de gros escomptes sur les ventes de produits miniers ou de payer des
prix exagérément supérieurs au marché pour des biens et services de commercialisation, de
financement, techniques, de R&D et autres. De même, elles ne cèderaient pas d’actifs, parfois bien
au-dessous de leurs valeurs de marché, à une entité, pour ensuite payer des frais de traitement ou
des redevances pour leur utilisation. Les contribuables affirment que la requalification est faite
en raison du risque de double taxation. Toutefois, cette objection pourrait être exagérée, car la
plupart des juridictions proposent des crédits d’impôt étrangers ou des exemptions. Pour traiter
plus efficacement ces problèmes, le Royaume-Uni a déjà introduit un « impôt sur les bénéfices
détournés » et l’Australie a récemment annoncé l’introduction d’un impôt similaire.
Prix de transfert et application du principe de pleine concurrence
Le principe de pleine concurrence est la pierre angulaire des règles internationales qui
permettent de définir les prix de transfert dans le cadre d’opérations contrôlées ou entre parties
liées. Il exige que les prix de transfert soient établis comme si les parties étaient indépendantes,
fonctionnant en pleine concurrence et s’engageant dans des transactions comparables dans
des conditions et une situation économique similaires. Bien que les EMN soient censées fixer
leurs prix de transfert en appliquant le principe de la pleine concurrence, là où ce ne serait
pas le cas, il pourrait être nécessaire d’ajuster les impôts. Cinq méthodes sont présentées pour
l’application du principe de pleine concurrence dans les « Principes de l’OCDE en matière de prix
de transfert »10 de l’OCDE (un texte qui doit être mis à jour conformément aux recommandations
des Rapports finaux BEPS 2015 de l’OCDE/G20). L’étude a confirmé que l’abus des prix de
transfert représente un risque fiscal majeur dans le cadre des opérations des filiales minières
des EMN en Afrique, parce que ce secteur représente souvent une source importante de recettes
et que les transactions individuelles peuvent comporter des flux de trésorerie et des complexités
importants. Cela a été confirmé par une analyse détaillée de la composition des revenus et des
coûts des opérations minières en cours (classés par matière première, taille et type d’exploitation
minière, à ciel ouvert ou souterraine) pour les principaux minerais extraits en Afrique. Le
transfert de bénéfices au moyen de manipulation frauduleuse des prix peut provenir :
■■ d’une sous-facturation des produits miniers exportés transférés à des parties liées et
■■ d’une surfacturation pour la fourniture de biens et services de routine (par ex.,
la plupart des services d’entreprise) et pour la fourniture de biens et de services
spécialisés (par ex., commercialisation, trésorerie, financement, assurances, logistique,
services techniques et de R&D),
ce qui vient réduire le bénéfice de la filiale minière et donc l’impôt perçu dans le pays hôte.
La CEA11 a estimé que la fuite illicite de capitaux en provenance d’Afrique en raison de la
manipulation frauduleuse des prix s’élevait à 50 milliards USD par an, la BAD ayant identifié
« … l’imposition inefficace des activités extractives et l’incapacité de lutter contre les abus
constatés concernant les prix de transfert dont bénéficient les sociétés multinationales »12
comme une cause importante de l’érosion de l’assiette fiscale dans les pays en développement.
Les abus en matière de prix de transfert ne sont pas limités aux pays en développement, comme
10
Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises EMN et des administrations
fiscales, 2012.
11
Rapport 2014 du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur les flux financiers illicites en provenance
d’Afrique intitulé « Localisez-les ! Neutralisez-les ! Recouvrez-les ! ».
12
Groupe de la Banque africaine de développement, Mobilisation des ressources intérieures à travers l’Afrique :
tendances, défis et possibilités d’action, Washington D.C., 2010
vi Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
l’on montré les récents ajustements d’impôts sur le revenu et de redevances de plusieurs
millions de dollars payés par une société minière australienne qui vendait ses produits par le
biais d’un centre de services de commercialisation basé à Singapour.
Étant donné le risque encouru par rapport aux recettes, il est essentiel que les administrations
fiscales africaines aient les pouvoirs et la capacité de s’assurer que les prix de transfert sont vraiment
établis selon le principe de la pleine concurrence, au moyen du respect systématique des processus
de gestion des risques pour les prix de transfert. Les discussions à propos des prix de transfert
tournent souvent autour de l’audit d’un cas particulier, qui n’est qu’un aspect du vaste processus
permettant d’aborder efficacement les risques sur les prix de transfert, avec entre autres :
■■ Phase 1 : la sélection des cas — sélectionner qui doit être examiné et dans quel ordre ;
■■ Phase 2 : l’évaluation des risques — sélectionner les problèmes à examiner dans les
EMN identifiées ;
■■ Phase 3 : l’audit — identifier et prendre les mesures nécessaires pour gérer les risques
spécifiques au contribuable par l’intermédiaire d’un éventuel ajustement fiscal et
■■ Phase 4 : la résolution tant des problèmes passés que des risques futurs.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) et
autres organisations de la société civile (OSC) dans la sensibilisation de l’opinion publique aux
abus possibles des règles de prix de transfert par les EMN. Leurs allégations, généralement très
directes, mais la plupart du temps basées sur des éléments circonstanciés, ont souvent pour
effet de précipiter les enquêtes et les interventions gouvernementales.
La plupart des pays africains n’ont pas la capacité d’entreprendre des audits efficaces
sur les prix de transfert
Malgré la présence d’une législation sur les prix de transfert généralement adéquate, les pays
africains ont été incapables – à quelques exceptions près – de l’appliquer de manière efficace.
Par conséquent, peu d’audits sur les prix de transfert sont effectués et ceux spécifiques à
l’industrie minière sont encore plus rares. Cela est dû à un certain nombre de raisons dont :
■■ l’insuffisance générale de ressources des administrations fiscales et le manque
d’expertise en prix de transfert en particulier, auxquels vient s’ajouter un niveau de
connaissances inadéquat de l’industrie minière, de ses activités et de ses processus ;
■■ la complexité inhérente de certaines transactions liées à l’exploitation minière (ce qui
crée de l’opacité et des occasions de manipulation) qui peuvent être dû au fait que :
• la plupart des produits miniers d’un groupe transférés vers des fonderies ou
des centres de services de commercialisation partenaires sont des produits
intermédiaires pour lesquels il n’existe pas de normes spécifiques rigoureuses et de
prix du marché facilement disponibles. Même dans le cas de métaux négociés dans
les marchés finaux, les modalités de détermination des prix dans les conventions
d’écoulement de la production (« off-take agreement ») peuvent présenter des
difficultés lors des ajustements effectués pour atteindre une comparabilité aux
prix de référence (par ex., ceux de la LME) ;
• certaines transactions (particulièrement celles impliquant les savoir-faire spécialisés de
commercialisation, techniques et de R&D, de gestion et juridiques et les actifs incorporels
et propriétés intellectuelles difficiles à valoriser) sont souvent difficiles à vérifier étant
donné que les administrations fiscales peuvent se voir refuser l’accès aux informations
financières spécifiques concernant les prestataires de services associés à l’étranger ;
• comme certains services miniers ne sont pas disponibles dans le pays, les autorités
fiscales n’ont pas accès à des prix comparables sur le marché libre local et elles sont
contraintes d’ajuster des éléments de comparaison étrangers, qui dans la plupart
des cas sont sans rapport avec l’industrie minière et l’Afrique ;
• les difficultés à accéder aux renseignements financiers pertinents concernant les
parties liées à l’étranger à propos des opérations impliquant les prix de transfert,
en dépit d’une législation nationale qui exige la mise à jour et la divulgation sur
demande de la documentation contemporaine y relative et
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique vii
• les montants importants de capitaux reçus par les entreprises minières, qui génèrent
des questions complexes sur les prix de transfert, telles que la détermination des
primes de risque adéquates relative aux intérêts sur les prêts et les commissions de
garantie intragroupe, celles-ci n’étant pas suffisamment prises en compte par les
dispositions trop élémentaires des règles de sous-capitalisation ;
■■ compte tenu des antécédents en matière d’évasion fiscale et d’accords parfois
défavorables dans le secteur minier, les administrations fiscales ont eu tendance à
adopter des attitudes menant à des confrontations et des litiges avec les contribuables.
Ceci en dépit du fait que, dans de nombreux cas, il peut être plus efficace de parvenir
à une solution par le biais d’approches et de négociations faisant appel à un esprit de
coopération, en évitant de gaspiller des ressources et du temps en actions judiciaires
pouvant conduire à des résultats défavorables.
Pour surmonter certaines de ces complexités, les gouvernements africains ont eu tendance à
s’approprier une plus grande proportion des bénéfices en appliquant des niveaux relativement
élevés de retenues à la source sur les paiements à l’étranger de dividendes, d’intérêts, de
redevances, de frais de service, etc.
Recommandations sur la marche à suivre
Les gouvernements africains doivent répondre au grand besoin de renforcement des capacités
dans le domaine de l’administration fiscale en général et des prix de transfert en particulier,
ainsi qu’en matière d’amélioration de leurs connaissances des structures, des caractéristiques
des chaînes de valeur et des processus de l’industrie minière. Bien que la plupart des
juridictions aient déjà une législation adéquate en matière de prix de transfert, l’enjeu est d’en
assurer maintenant une application efficace par la mise en place de règlements d’application,
de structures et de capacités administratives adéquates.
Sur la base de notre étude, nous proposons la mise en œuvre des recommandations suivantes :
Administrations fiscales africaines
1 Poursuite de l’élaboration et de l’affinage des dispositions législatives relatives aux prix de transfert,
en particulier leurs règlements d’application favorisant un respect et une conformité accrus à la loi, y
compris concernant les documents appropriés.
2 En fonction de l’assiette fiscale du pays, détermination des meilleurs arrangements de structure
institutionnelle relatifs aux prix de transfert :
• par la mise en place de départements chargés des gros contribuables (comme c’est souvent le
cas actuellement) avec des sections fonctionnelles spécifiques (y compris pour les prix de transfert)
apportant des bénéfices, notamment en termes d’efficacité, mais en évitant autant que possible le
risque d’isolement culturel du reste de l’organisation et la duplication des fonctions internes et des
efforts ou
• une structure basée sur les types de taxe ou les fonctions (en particulier si les ressources
spécialisées sont rares) qui pourrait traiter des problèmes relatifs aux prix de transfert dans le cadre
d’audits généraux ou avec l’appui de spécialistes internes en prix de transfert ou
• à la limite, une unité spécialisée autonome pour effectuer certains audits sur les prix de transfert.
Cette approche est actuellement rare en Afrique, mais peut être plus justifiable à l’avenir.
3 Prise en considération de l’établissement d’une équipe d’audit spécifique au secteur minier. Cela
dépendra de l’importance des recettes que ce secteur génère. En ce qui concerne les prix de
transfert, l’équipe d’audit spécialisée dans l’industrie minière interagira soit avec l’unité autonome, soit
avec certains spécialistes qui lui seront adjoints.
4 Développement d’une meilleure compréhension des caractéristiques de l’industrie et, en particulier, de la
chaîne de valeur des industries minières en ce qui concerne les produits minéraux extraits dans le pays,
ainsi que les recettes potentielles et les principaux éléments de coût pour chaque exploitation minière.
5 Négociation de conventions d’échange de renseignements avec les principales juridictions fiscales de
résidence des prestataires de services liés.
6 Évaluation de la pertinence de l’utilisation de la « sixième » méthode pour le transfert de produits
miniers vers les centres de services de commercialisation liés.
viii Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
• des ateliers internationaux axés sur les problèmes relatifs aux prix de transfert dans le secteur
minier qui sont actuellement organisés par le GBM, en coopération avec un certain nombre
d’institutions internationales, notamment la CEA, la GIZ et la MEfDA, et qui doivent être mis en
œuvre à partir de du début de l’année 2017. Ces ateliers pourraient également être ouverts aux
OSC et aux ONG ;
• une participation, possiblement cautionnée, à des cours universitaires diplômants ou non diplômants
appropriés ;
• des affectations de court et moyen terme vers des juridictions fiscales plus avancées ;
• l’utilisation temporaire de spécialistes fiscaux externes provenant d’autres juridictions fiscales ou du
secteur privé pour travailler aux côtés des ressources internes en mettant l’accent sur le transfert
de connaissances et
• la mise en place d’un suivi efficace des programmes de parrainage et plans de développement de
carrière clairement définis.
10 Focalisation sur la formation pour communiquer, s’engager et négocier efficacement avec les
contribuables, en promouvant une meilleure compréhension des règles d’imposition et le respect
volontaire de celles-ci, et réduisant ainsi les contentieux, ce qui nécessite :
• une amélioration des relations avec les contribuables grâce à une meilleure communication et
consultation ;
• une réduction de la tendance actuelle de prise de positions conflictuelles et
• un renforcement significatif des compétences en matière de communication et de négociation des
administrateurs fiscaux.
11 Création et soutien d’initiatives de coopération entre juridictions comme solution pragmatique provisoire
aux contraintes actuelles de capacité pour les prix de transfert. Parmi celles-ci figurent :
• la création d’Unités Multinationales de Prix de Transfert (UMPT) ponctuelles ou régionales mettant
en commun l’expertise de divers pays en fonction de règles de hiérarchisation et de partage des
coûts convenues ;
• le soutien de la mise en œuvre de l’initiative « Inspecteurs des impôts sans frontières » de l’OCDE ;
• l’acquisition en commun et le partage de bases de données comparables clés et de plates-formes
de partage des connaissances et d’apprentissage en ligne, qui seraient autrement hors de prix pour
les administrations fiscales individuelles au travers d’une institution de coordination (par exemple, le
Forum africain sur l’Administration fiscale (ATAF)) ;
• l’élargissement du réseau d’accords bilatéraux et multilatéraux internationaux d’échanges de
renseignements avec les pays africains, à l’aide de capacités informatiques améliorées et de la mise
en œuvre de l’initiative de déclaration pays par pays du projet BEPS.
12 Soutien et systématisation des efforts actuels consentis en faveur de la reconnaissance de l’affectation
des bénéfices provenant des avantages compétitifs liés à la localisation dans les pays producteurs, qui
dans le secteur minier comprendrait la valeur des « ressources minérales prêtes à l’accès » en Afrique.
ix
1
Introduction
13
Mining in Africa - Towards 2020, KPMG 2012 (en anglais).
14
Metals and Mining de SNL, 2014 (en anglais).
15
Resource Information Unit, 2014 Register of African Mines (en anglais).
1
2 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
même groupe multinational, souvent établi dans les juridictions à faible imposition, ou
permettant la création d’entités à but spécial. La CNUCED16 (2015) estime qu’environ 30 % de
l’investissement transfrontalier à l’échelle mondiale passe par l’intermédiaire de ces centres de
services internationaux qui créent des possibilités d’évasion fiscale sur les revenus provenant
de ces investissements.
Le prix de transfert est le processus de détermination du prix des produits, des services et
des biens vendus entre parties liées au sein d’une EMN. Par exemple, si une filiale minière
vend des produits minéraux à une société mère, le prix payé pour ces marchandises à la filiale
s’appelle le prix de transfert. Le prix de transfert est une pratique normale dans le domaine
de la comptabilité d’entreprise. Cependant, certaines EMN peuvent utiliser les opérations de
transfert pour faire passer les bénéfices dans des juridictions à faible imposition afin de réduire
leur charge fiscale dans le pays où se trouvent les exploitations minières. Ceci est considéré
comme une manipulation et donc désigné sous le terme de « abus des prix de transferts ». Dans
le secteur minier, l’abus des prix de transfert est généralement dû à :
■■ une sous-facturation des produits miniers exportés à des parties liées et
■■ une surfacturation des transferts intrants (et une sous-facturation des transferts
extrants) pour des biens et des services de l’étranger fournis par des parties liées,
notamment pour des services de commercialisation et des services financiers, des
services aux entreprises et de soutien, des actifs corporels et incorporels, en particulier
le savoir-faire exclusif, les droits de propriété intellectuelle et la recherche et le
développement (R&D).
Dans cet ensemble de circonstances, il est essentiel pour les autorités fiscales d’être en mesure
de déterminer si les prix de transfert utilisés sont définis en conformité avec le « principe
de la pleine concurrence ». Ce principe est la pierre angulaire des règles internationales
d’examen des prix de transfert dans les transactions contrôlées entre des parties liées ou
associées1718. Ce principe requiert que le prix des transactions soit établi comme si les parties
étaient indépendantes, dans une situation de pleine concurrence, et s’engageaient dans des
transactions comparables dans des conditions et circonstances économiques semblables. Pour
appliquer le principe de pleine concurrence, il est nécessaire d’identifier une transaction entre
parties non liées suffisamment similaire, à partir de laquelle il est possible de dégager des
données comparables sur les prix et de les comparer aux prix de transfert appliqués dans la
transaction concernée avec une partie liée. Il peut être nécessaire de procéder à un ajustement
fiscal, là où le prix de transfert s’écarte de celui utilisé comme référence.
Cependant, il est souvent difficile de déterminer si une transaction a été évaluée selon le
principe de la pleine concurrence, dans les cas où les caractéristiques du produit minéral
transféré à des parties liées à l’étranger diffèrent sensiblement du produit finalement vendu à
une tierce partie indépendant ou sur le marché libre et que la transaction porte sur des actifs
incorporels difficiles à valoriser pour lesquels des données comparables, des connaissances et
l’expérience spécifiques à l’industrie pourraient ne pas être facilement disponibles au sein des
administrations fiscales.
16
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Rapport sur l’investissement
dans le monde 2015, Réformer la gouvernance de l’investissement international.
17
Pour de plus amples détails sur les actifs corporels et incorporels, consulter la publication « Prix de transfert
dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique : Guide de référence pour les fiscalistes ».
18
Deux entreprises sont associées (ou liées) l’une à l’autre si l’une des entreprises répond aux conditions figurant
dans l’article 9 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE, c.-à-d., si elle participe directement ou indirectement
à la gestion, au contrôle ou au capital de l’autre entreprise.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 3
Le principe de pleine concurrence est utilisé dans les modèles de conventions fiscales élaborés
par l’OCDE et l’ONU, et il est maintenant présent dans la législation nationale de la plupart
des pays en développement. Une conformité cohérente et appropriée au principe de pleine
concurrence corrobore les résultats en concordance avec les activités créatrices de valeur des
différents membres du groupe multinational, tout en réduisant le risque de double imposition.
L’ouvrage « Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises
multinationales et des administrations fiscales » de l’OCDE, actuellement en cours de mise à jour
pour tenir compte du Rapport final 2015 BEPS sur les actions 8 à 10, présente cinq méthodes qui
peuvent être utilisées pour appliquer le principe de la pleine concurrence, dont :
■■ la méthode du prix comparable sur le marché libre,
■■ la méthode du prix de revente,
■■ la méthode du prix du coût majoré,
■■ la méthode transactionnelle de marge nette (MTMN) et
■■ la méthode transactionnelle de partage des bénéfices (MTPB).
19
Hailu, D. et Kipgen, C., 2015. The Extractives Dependency Index, Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) (en anglais).
4
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 5
Pour évaluer le risque d’abus des prix de transfert, il est également nécessaire de comprendre
le potentiel de recettes et les principaux éléments de coût de chaque exploitation minière. Le
type de matière première en sera le principal facteur, car les différentes matières premières ont
des caractéristiques différentes très marquées, telles que :
■■ la technologie d’extraction impliquée ;
■■ le niveau de production de tonnage de minerai ;
■■ le coût en capital initial ;
■■ le coût de production unitaire récurrent ;
■■ le traitement nécessaire en aval et les besoins énergétiques associés ;
■■ la dépendance au transport et à la logistique en tant qu’intrant majeur et
■■ les spécifications et les caractéristiques de commercialisation des minerais.
Par exemple, les caractéristiques de coûts seront très différentes entre les mines souterraines
et celles à ciel ouvert, particulièrement pour les matières premières en vrac (c.-à-d. fer et
charbon). Les mines à ciel ouvert présentent aussi des niveaux de revenus et de coût en capital
bien plus élevés du fait de leur production relativement importante en tonnage de minerai.
Les matières premières en vrac nécessitent d’importants investissements en infrastructures
portuaires et de transport, capables de convoyer de grandes quantités de minerai vers des
marchés d’exportation. Dans le contexte africain, il peut s’agir d’installations ferroviaires
transfrontalières qui nécessitent d’importantes négociations et une coopération étroite entre
les pays. Toutefois, en compensation, elles présentent généralement des coûts unitaires de
production plus faibles, en raison des économies d’échelle qu’elles dégagent.
Pour soutenir cet aspect du processus de profilage, l’étude comprend une base de données sur
les ressources minérales actuelles20 et de toutes les principales matières premières minérales en
exploitation dans chaque pays africain21, comme illustré dans le tableau 1 pour le cuivre. La
base de données catégorise les mines en fonction :
■■ des minéraux produits (p. ex., or, métaux de base, charbon, etc.) ;
■■ du type d’exploitation minière (à ciel ouvert ou souterraine) ;
20
Les informations proviennent des publications de l’US Geological Survey (USGS) et de la British Geological
Survey (BGS), de MinEx Consulting, ainsi que du site Internet de différentes sociétés et de groupes du secteur.
21
Informations extraites principalement du Register of African Mines 2014 de la Resource Information Unit (RIU)
et de diverses autres sources publiées et non publiées. Pour de plus amples détails, consulter la publication
« Prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique : Guide de référence pour les fiscalistes ».
6 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
À ciel ouvert et
À ciel ouvert Souterraine souterraine
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Grande
Grande
Grande
Petite
Petite
Petite
Étude
Pays approfondie Expl.
Afrique du — — — 1 1 — — — — 2
Sud
Angola — — — — — — — — — 1 —
Botswana 1 1 — — — — 1 — — 3 7
Burkina Faso — — — — — — — — — — 1
Côte d’Ivoire — — — — — — — — — — 1
Érythrée — 1 — — — — — — — — 2
Éthiopie — — — — — — — — — — 1
Guinée — — — — — — — — — — 1
Kenya — — — — — — — — — — 2
Maroc — — — — — — — — — 1 3
Mauritanie — 1 — — — — — — — — —
Mozambique — — — — — — — — — — 2
Namibie — — — 1 — — — — — 7 12
Ouganda — — — — — — — — — — 2
RDC 2 5 1 — — — 1 1 — 11 20
Tanzanie — — — — — — — — — 1 5
Zambie — — 2 1 4 1 — — — 5 18
Totaux 3 8 3 2 5 2 2 1 — 29 79
■■ de leur taille (classée comme « petite », « moyenne » et « grande » selon qu’elles tombent
respectivement au-dessous, entre ou au-dessus du premier et du troisième quartile
de la capacité quotidienne de production, avec la catégorie « grande » représentant
généralement un gisement majeur ou de classe mondiale) et
■■ du nombre et de l’importance des projets de développement actuels et du potentiel
d’exploration.
De manière caractéristique, les capacités de milieu de gamme ont été ensuite utilisées pour
identifier un ratio-type du volume de matières à dégager pour chaque tonne de minerai extrait
(« ratio de décapage ») et la méthode d’exploitation respective des opérations à ciel ouvert
et souterraines. Sur cette base, l’ordre de grandeur des recettes attendues et les principaux
éléments de coûts, dont les éléments du capital et des dépenses récurrentes, ont été évalués
pour chaque opération-type. Le détail de ces coûts, illustré au tableau 2, fournit une première
indication des activités et des transactions financières importantes dans différents types de
mines et qui devraient être traitées en priorité en raison de leur sensibilité potentielle à des
Tableau 2 : Attribution des coûts pour les opérations minières africaines « types » à ciel ouvert
problèmes de prix de transfert lors du passage en revue des principaux types de risques pour
les recettes publiques22.
Il est important de noter que les différentes matières premières ont diverses caractéristiques
marquées qui dépendent :
■■ de la technologie d’extraction utilisée ;
■■ du niveau de production de tonnage de minerai ;
■■ du coût en capital initial ;
■■ du coût de production unitaire récurrent ;
■■ du traitement nécessaire en aval et les besoins énergétiques associés ;
■■ de la dépendance au transport et à la logistique en tant qu’intrant majeur et
■■ des spécifications et les caractéristiques de commercialisation des minerais.
22
Les informations sur les coûts proviennent de la base de données de CostMine.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 9
Transport Négoce,
Acquisition Construction Exploitation Fonte
Commercia-
et et et Routier, ferroviaire, et
lisation et
prospection développement Concentration portuaire et affinage
ventes
maritime
Services d'entreprise
C’est à ces différents niveaux de ventes à des entités non liées dans un marché libre, ou de
transferts à une entité liée faisant partie de l’EMN propriétaire de la société minière, que les
bénéfices imposables dans le pays producteur sont générés.
10 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
Les cas dans lesquels une EMN mène son activité minière dans un pays en développement, en
son nom à travers une succursale minière locale, sont relativement rares, car la plupart des pays
africains exigent que les projets miniers soient séparés23, c.-à-d., que chaque projet soit détenu
et opéré par une filiale minière spécifique de l’EMN (hormis des investissements publics
souvent minoritaires (généralement autour de 10 %)), dûment enregistrée et imposable dans le
pays hôte. L’utilisation de succursales par les EMN, même si elle est permise, est généralement
découragée par l’application de taux d’imposition très différents, ce qui reflète peut-être le
réseau limité de conventions préventives de la double imposition (CPDI) en Afrique.
Même lorsqu’un projet minier est entièrement intégré verticalement depuis la phase
d’exploration jusqu’à la commercialisation des métaux affinés, il est peu probable que tous
les intrants à la chaîne de valeur ajoutée soient fournis par des unités fonctionnelles internes.
Son processus de production impliquerait souvent des transactions client-fournisseur avec des
fournisseurs liés, c’est-à-dire des entités (des filiales ou des succursales) qui sont la propriété
et sous le contrôle de l’EMN qui détient aussi le projet minier.
2.2.2 Les fonctions réalisées
Les fonctions peuvent être classées comme suit :
■■ les fonctions primaires, c.-à-d., celles directement associées à des activités de base
comme l’exploration, l’extraction, le traitement et la vente des produits minéraux
indiqués en vert sur la figure 2, et
■■ les fonctions secondaires, c.-à-d., les fonctions d’appui qui ne sont pas directement
liées à la découverte, l’extraction et l’élimination des minéraux, comme les services
à l’entreprise (comptabilité, finances, gestion des ressources humaines (RH),
technologies de l’information (TI), assurances, services juridiques, etc.), en orange.
Elles comprennent aussi des fonctions de routine et spéciales.
La figure 1 montre comment les transactions avec des parties liées peuvent se produire à
n’importe quelle étape de la chaîne de valeur minière et peuvent être réparties comme suit :
■■ les transferts sortants de produits minéraux vers une partie liée, et
■■ les transferts (entrants et extrants) de biens et services entre parties liées.
Les fonctions peuvent être effectuées par une partie liée pour différentes raisons, y compris
pour des questions de capacité, d’économies d’échelle et de fiscalité. Parmi les fonctions les
plus communes ayant cours dans le secteur minier, on relève les suivantes :
■■ recherche et développement (R&D) et services techniques au cours de la phase
d’exploration ;
■■ conception, ingénierie, approvisionnement, transport, logistique, trésorerie, assurance
et services juridiques au cours de la phase de développement et de construction ;
■■ développement de la propriété intellectuelle, acquisition ou location du matériel
d’extraction et transport, logistique, ingénierie et services techniques, trésorerie,
assurance, services juridiques et de relations publiques (RP) au cours des étapes
d’extraction minière et de concentration et
Il faut faire remarquer qu’alors que les dispositions pour la séparation des exploitations les unes des autres
23
sont généralement appliquées dans le monde dans le contexte des redevances minières, cela n’est pas la norme
pour l’impôt sur les sociétés dans les pays développés, où les pertes peuvent généralement être contrebalancées
par des revenus imposables produits par une entreprise liée.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 11
Services d’expédition
Centre de
et de distribution pour
services de
la commercialisation
commercialisation
Services de trésorerie et de financement, provision de prêts et de garanties
Exploitation, Transport
Fonte et Commercialisation Ventes des Clients
concentration, routier,
affinage et produits finis externes
R&D ferroviaire,
ventes
portuaire
Centre de services
d’assurances
Services de courtage en assurance et d’assurance captive
EPC/EPCM
Centre de services
scientifiques, techniques
Licence d’utilisation de la Services techniques, d’ingénierie, et d’ingénierie
propriété intellectuelle incorporelle de R&D et de laboratoire
Les détails de certaines de ces fonctions varient évidemment par rapport à la conception de
la mine et son échelle et, surtout, à la nature des matières extraites et des matières premières
minérales obtenues et vendues, ce qui amène à des différences potentiellement importantes
dans les techniques de traitement utilisées et leurs caractéristiques de commercialisation.
Les problèmes relatifs aux prix de transfert peuvent apparaître lorsque le rendement des
fonctions effectivement exercées dans le pays hôte par la filiale minière est prétendument
accompli ailleurs par la multinationale, souvent dans des juridictions à faible imposition ou
lorsque le prix de ces fonctions ne respecte pas le principe de la pleine concurrence.
Compte tenu de l’échelle du secteur minier, l’importance financière de certains transferts
et transactions intrants et extrants avec des parties liées peut être très élevée. Cela pose des
problèmes cruciaux pour les estimations des prix de transfert. Pour les recettes découlant de
ces estimations, le risque varie de relativement faible dans le cas de transactions de routine
où des éléments de comparaison pertinents peuvent être facilement disponibles, à très élevé
pour des transactions plus complexes impliquant le transfert de matières premières minérales
12 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
intermédiaires difficiles à évaluer avec des prix normalement non cotés sur les marchés finaux,
ou des biens incorporels tels que la R&D et la propriété intellectuelle, les brevets et licences, etc.
2.2.3 Les actifs utilisés dans l’exercice des fonctions
Le tableau 3 dresse la liste des actifs courants utilisés par les industries minières. Dans le
secteur minier, la majorité des actifs corporels est utilisée dans les opérations quotidiennes
et est facilement identifiable, car susceptible d’être située dans le pays hôte et d’appartenir à
la filiale minière. Les biens corporels sont généralement financés et amortis sur leur durée de
vie utile, à des taux fixés par la législation fiscale. Il est possible que certains équipements et
installations soient loués auprès de tiers indépendants (ce qui fournit des informations utiles
sur l’application du principe de pleine concurrence) ou auprès d’entités liées.
Les actifs incorporels utilisés par les industries minières (c.-à-d. des actifs non physiques ou
financiers susceptibles d’être détenus ou contrôlés) comprennent les droits miniers qui, d’un
point de vue économique, sont les plus importants et qui sont généralement accordés par le
gouvernement ou acquis. Les autres biens incorporels peuvent être utilisés, généralement pour
l’exercice de fonctions spécialisées et non routinières qui normalement exigent également des
compétences et une expertise professionnelle particulières. Les problèmes de prix de transfert
peuvent apparaître lorsque les actifs sont transférés entre parties liées dans des conditions ou
à des prix qui ne respectent pas la pleine concurrence.
La compensation pour l’utilisation d’actifs incorporels difficiles à valoriser dans l’industrie
minière (généralement pour des fonctions primaires d’extraction) donne souvent lieu à des
revendications comportant des marges importantes, soumises à travers des licences ou des
redevances d’utilisation. Elles comprennent :
■■ les concessions d’exploration et d’exploitation minière, ainsi que d’autres licences
offrant un accès juridique à des réserves et ressources minières de valeur ;
■■ la propriété intellectuelle et les brevets couvrant les inventions, les méthodes, les
procédés et prototypes industriels innovants, les logiciels et bases de données, etc. ;
■■ le savoir-faire et l’expertise gestionnaire spécialisés (par ex., géosciences, conception,
développement et construction des mines, méthodes d’extraction et technologies de
production et de traitement métallurgiques, etc.) et les capacités en matière de R & D et
■■ les compétences d’expertise et d’intelligence spécialisées dans l’identification et la
satisfaction des exigences et spécifications uniques des clients pour les minerais qui ne
sont pas couramment négociés dans les marchés finaux, créant ainsi une valorisation
dans l’utilisation et la capture de précieux marchés de niche, et les brevets et marques
de commerce s’y rattachant, etc.
L’examen de ces revendications est un défi pour les administrations fiscales, car le processus
est souvent entravé par le manque de données comparables disponibles. Cette situation
est particulièrement prononcée dans les pays en développement en raison de la rareté des
entreprises indépendantes et des transactions sur le marché libre. Fait important, le Rapport final
BEPS 2015 sur les Actions 8 à 10 fournit des lignes directrices mises à jour pour l’établissement
des prix dans les situations de pleine concurrence pour les biens incorporels, qui tiennent
notamment compte du fait que la propriété juridique ne « détermine » pas les rendements des
biens incorporels.
Ce que l’on appelle « les avantages spécifiques liés à la localisation » constitue une catégorie
spéciale de biens incorporels. Malheureusement, les règles de comptabilité ne prévoient
pas jusqu’à maintenant de normes de capitalisation pour les avantages spécifiques liés à la
localisation individuels comprenant, dans le cas des pays en développement riches en minéraux,
un accès facile aux ressources minérales et des obstacles environnementaux et réglementaires
moindres en matière de développement des mines et de leur exploitation, ainsi que d’autres
« synergies », telles que la disponibilité d’une main-d’œuvre comparativement moins chère,
mais compétente, etc. Par conséquent, leur valeur n’est que partiellement et occasionnellement
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 13
Construction et Négoce,
Exploration et développement Exploitation Enrichissement, commercialisation
découverte de la mine de la mine fusion et affinage et vente
Licences et droits Conception Techniques Procédés Portefeuilles et
d’exploration et technique (I) d’exploitation (I) d’enrichissement relations clients (I)
d’exploitation (I)
minière, (I)
Droits d’accès et Machinerie Installations, Installations Activités de
de surface (I) technique (C) équipement et et équipement commercialisation
infrastructure d’enrichissement et de distribution
d’exploitation (C) (C) (I + C)
Droits de forage Savoir-faire en Gestion et Gestion et Gestion et
(I) conception, infrastructure infrastructure infrastructure
approvisionnement logistiques (I +C) logistiques (I +C) logistiques (I + C)
et gestion de
projet (I)
Équipement Installations et Installation, Propriété Expédition et
et machines équipement de équipement et intellectuelle en entreposage (C)
d’exploration et construction, infrastructure pour relation avec
de laboratoire (C) de forage et le transport (C) les procédés
d’excavation (C) et protocoles
de fusion et
d’affinage (I)
Études Camp de Valeur des Installations Stocks de produits
topographiques (I) construction et ressources et équipement (C)
infrastructure minérales et des de fusion et
logistique (C) réserves incluses d’affinage (C)
dans le prix
d’acquisition des
droits d’exploi-
tation auprès
d’une tierce partie
(pas par le biais
de la découverte)
(I)
Études Développement de Inventaire et piles Inventaire et piles Savoir-faire en
géologiques (I) la mine (C) de stockage de de stockage de commercialisation (I)
minerai abattu (C) concentré, de
minerai, et de
métaux (C)
Études Logiciel / centres
géochimiques (I) de commerce (I)
Études Aspects spécialisés
géophysiques (I) de la gestion de la
chaîne d’approvi-
sionnement (I)
Équipements de Procédés
transport et de d’innovation des
communication et produits (I)
installations du
camp (C)
Techniques Droits de
et savoir-faire distribution (I)
d’exploration (I)
(suite)
14 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
Tableau 3 : Suite
Construction et Négoce,
Exploration et développement Exploitation Enrichissement, commercialisation
découverte de la mine de la mine fusion et affinage et vente
Propriété Savoir-faire dans la
intellectuelle négociation des prix
relative à la pour les matières
télédétection et premières peu
aux techniques courantes (I)
des SIG et bases
de données
associées (I)
Propriété propriété
intellectuelle intellectuelle
relative à la relative à la
négociation, à la négociation, à la
structuration des structuration des
contrats et à la contrats et à la
gestion des co- gestion des co-
entreprises (I) entreprises (I)
24
Pages 43–44, Rapport final BEPS 2015 sur les Actions 8 à 10.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 15
Tableau 4 : Principaux types de risques rencontrés par une entreprise minière (Source :
TPA Global).
Le tableau 4 présente les principaux risques (R) qui se posent aux différents stades de la chaîne de
valeur minière. Les risques sont regroupés en deux catégories principales de risques exogènes
(c.-à-d., externes à l’entreprise) et endogènes (c.-à-d., inhérents à la nature de l’entreprise et à
ses opérations et activités).
Les principales caractéristiques de ces processus sont résumées dans le tableau 5, tandis que
les principales sources d’instructions relatives aux quatre phases de la vérification et d’audit en
matière de prix de transfert sont schématisées dans l’annexe A.
Il est très important pour les administrations fiscales de revoir leur gestion des risques et leurs
décisions relatives à la répartition des ressources dans le secteur minier à intervalles réguliers,
car elles peuvent s’enliser dans le passé et ne pas parvenir à identifier et à traiter les risques
découlant de la modification fréquente apportée par les EMN à leurs dispositions. Les audits
portant sur les prix de transfert miniers peuvent prendre plusieurs années à finaliser et, durant
cette période, il est possible de manquer des occasions de mettre en œuvre des changements
politiques et législatifs ou administratifs visant à réduire les risques de non-conformité future.
Il faut trouver le bon équilibre entre « punir le passé » et « corriger l’avenir ».
Tableau 5 : Phases et étapes dans la vérification et les audits de prix de transfert
Analyse de l’industrie
Phase dans son ensemble Analyse du marché Analyse commerciale Analyse de rentabilité Analyse fonctionnelle
Phase 1 Analyse de l’industrie afin Analyse du marché (par ex. Analyse de l’activité Analyse de la rentabilité Analyse des fonctions
Qui est concerné d’identifier les produits l’approche des cinq forces commerciale par rapport à entre EMN. réalisées dans la
minés et exportés et qui de Porter) pour connaître ces contemporains et aux juridiction à un niveau
Identification de celles
est impliqué. Recherche les prix et les coûts résultats déclarés passés. élevé. Identification
qui semblent avoir
de la compréhension raisonnablement prévus pour de celles qui ont des
Compréhension de qui un faible niveau de
des comportements produits minés et exportés. opérations importantes
a réalisé d’importantes rentabilité par rapport à
et résultats fiscaux Identification de qui semble dans le pays.
quantités de transactions leurs concurrentes.
attendus. Identification bien diverger par rapport aux
des caractéristiques qui résultats de l’analyse. entre parties liées.
peuvent signaler des
préoccupations fiscales.
Phase 2 Recherche de la Recherche de la Recherche de la Examen des états Réalisation d’un
Quels sont compréhension de compréhension du marché compréhension de la financiers sur plusieurs examen fonctionnel
les problèmes la chaîne de valeur et de son impact sur performance économique années. Recherche initial pour identifier les
présents ? de l’industrie et des la probabilité et les et fiscale de l’activité de la compréhension fonctions qui semblent
problèmes fiscaux conséquences de la commerciale. des raisons pour la être importantes et
associés et des présence de problèmes performance fiscale préoccupantes.
Recherche de la
indicateurs qui en fiscaux. inférieure aux prévisions
compréhension des raisons
révèlent l’existence. raisonnables.
pour toute divergence
entre les principaux ratios
et les résultats.
Phase 3 Un processus similaire aux quatre étapes suivantes devrait être utilisé lors d’un audit sur les prix de transfert :
Vérifier les pièces Étape 1 : Identification des conditions réelles. Recueil et examen des faits et pièces justificatives.
justificatives Étape 2 : Analyse, identification et ajustement pour des circonstances comparables pertinentes dans des conditions de pleine
concurrence, sélection de la meilleure méthode de pleine concurrence.
Étape 3 : Application des règles de prix de transfert pour assurer la cohérence les lignes directrices concernées (par ex., OCDE, ONU,
spécifiques au pays).
Étape 4 : Mise à jour ou modification des prix de transfert si nécessaire, décision d’un éventuel report en arrière ou en avant, surveillance
de la conformité continue.
Phase 4 Résolution de l’ajustement avec le contribuable et les autres administrations fiscales (procédures amiables).
Résoudre les Identification des autres entités dans l’industrie ou le marché ayant des problèmes similaires et considération de la provision
problèmes d’instructions supplémentaires ou d’une action justifiée pour garantir la conformité.
Liens https://www.ato.gov.au/Business/Large-business/In-detail/Large-business-bulletin/Current-edition/Large-business-bulletin-September-
2014/?page=5 (en anglais) (pour un exemple d’analyse générale du secteur de l’énergie et des ressources et d’une stratégie applicable).
https://www.ato.gov.au/WorkArea/DownloadAsset.aspx?id=37943 (en anglais).
3
Les risques pour les recettes de
l’État découlant de la structure
des EMN et des abus de prix de
transfert entre parties liées
Lorsqu’il y a une justification économique, et que les biens et services fournis par les centres
ajoutent de la valeur, la question est alors simplement de déterminer si les prix de transfert
utilisés pour les transactions entre parties liées sont des prix de pleine concurrence.
Dans d’autres cas, il peut être plus difficile de déterminer dans quelle mesure les diverses entités
de l’EMN ajoutent de la valeur, particulièrement quand elles sont des holdings ou des sociétés
relais. Bien qu’il soit souvent soutenu que ce sont les considérations relatives à l’entreprise qui
prévalent, les opportunités d’exploitation fiscales sont représentées, par exemple à travers :
18
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 19
■■ l’arbitrage du taux d’imposition entre des juridictions dont les taux d’imposition
diffèrent ;
■■ des avantages fiscaux spécifiques fournis dans certains pays (par exemple, les Pays-
Bas, Singapour et le Luxembourg) ;
■■ la possibilité d’utiliser des pertes fiscales en compensation des profits et
■■ des occasions de réduire les retenues à la source payables par les EMN tirant parti des
réseaux de CPDI (c.-à-d., le « chalandage fiscal »).
La figure 3 illustre le cas d’une EMN minière basée en Australie (StéMère) qui possède
(en dehors d’une participation limitée détenue par l’État) et exploite des mines dans deux
pays africains (StéMine A et StéMine B) par l’entremise de deux holdings relais distinctes
enregistrées dans un pays européen (Sté Relais Europe) et dans un pays insulaire d’Afrique
(Sté Relais Afrique). Les services de financement aux sociétés minières sont également fournis
à travers ces juridictions. Comme aucune de ces holdings n’a de personnel permanent dans le
pays d’établissement, une question de forme par rapport à la substance économique se pose,
et il peut être justifié de supposer que l’EMN a enregistré les deux sociétés pour deux projets
distincts dans deux pays distincts parce que :
■■ le pays A possède un traité bilatéral préventif de la double imposition avec les Pays-
Bas et le pays B avec le pays insulaire d’Afrique, ce qui a pour effet de réduire ou
d’éliminer les retenues à la source à payer, et
■■ tant le pays européen dans lequel la société est enregistrée que le pays insulaire
d’Afrique sont des pays à faible taux d’imposition ayant conclu des traités avec
l’Australie.
Le résultat net est que l’obligation fiscale de StéMère est largement réduite au niveau de
l’entreprise consolidée.
StéMère
Australie
StéMine A StéMine B
Pays africain A Pays africain B
20 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
Commercia-
Étapes de la chaîne de Acquisition Développement Extraction et Fusion et lisation et
valeur Prospection Construction concentration Transports affinage ventes
Centre de
services de
commercialisation
Services de E
commercialisation
Services E E-M
d’expédition et de
distribution
Services M M
d’assurance de
marchandises
Centre de services
financiers
Services de M E M-B M-B
trésorerie
Services financiers M-B E M-B M-B M-B E
Centre de services
d’assurances
Services de B M-B M-B
courtage en
assurances
Services M E E E E E
de captive
d’assurance
Centre de services
scientifiques,
techniques et
d’ingénierie
Contrats EPC/ E M-B M-B M-B
EPCM
Services E M M M
techniques et
scientifiques
Brevets et autres E E M M M
droits de propriété
intellectuelle
Centre de services
d’entreprise
RH, comptabilité, M-B M-E M-B M-B M-B M-B
juridique, etc.
Légende : E, M, B se réfèrent au niveau de risque (élevé, moyen ou bas) ; couleur rouge = flux
élevés ; couleur verte = niveau élevé d’actifs incorporels.
22 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
Nombre des centres de services de commercialisation affirment ajouter une plus grande valeur
économique, ce qui à leurs yeux justifie que la rémunération s’éloigne de la base du coût majoré
(généralement associé au profil fonctionnel d’un centre de coûts) pour aller vers des formes
de rémunération plus élevées (généralement associées au profil fonctionnel d’un centre de
profits). Les contrats entre la compagnie minière et un centre de services de commercialisation
lié peuvent comporter des dispositions en matière de changements dans la propriété des
minerais au-delà du stade de leur exportation et couvrant leur vente ultérieure à des parties
tierces. La question est de savoir si de tels accords contractuels représentent une fonction de
commercialisation ou de distribution complète, surtout si le produit minéral concerné est
expédié directement depuis le pays hôte à l’acheteur étranger, c’est-à-dire vendu en « haute
mer » dans une transaction dite « triangulaire », comme illustré à la Figure 4. Dans de nombreux
cas, indépendamment du fait que le centre de commercialisation devient propriétaire des
minéraux ou pas, la gestion des stocks, l’entreposage et l’embarquement sur les navires, c.-à-d.,
le côté physique de la distribution, sont généralement effectués par l’entreprise minière ou une
entité associée.
25
Il s’agit d’une commission généralement de l’ordre de quelques pour cent imputée par l’affréteur au propriétaire
du vaisseau en plus de toute autre commission imputée par un consignataire possible. Le propriétaire du
vaisseau aura tendance à ajouter ces commissions aux frais de port par tonne de fret à facturer à l’affréteur.
Il s’agit d’un mécanisme grâce auquel les affréteurs peuvent canaliser des revenus pour couvrir les frais de
fonctionnement de leur département, qui peut parfois échapper à l’attention des autorités fiscales concernées.
26
La surestarie au port d’exportation est généralement comptabilisée dans le cadre des frais de fonctionnement,
et au port de destination dans le cadre des frais de commercialisation et d’expédition.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 23
SERVICES :
• Commercialisation et négoce
• Expédition
• Assurance
La question fondamentale du point de vue d’une autorité fiscale a trait à la mesure dans laquelle
le centre de services de commercialisation peut et ajoute effectivement de la valeur en influant
sur le cours de la matière première sous-jacente, le coût de production et de transport ou les
quantités vendues. S’il est vrai que les activités de commerce peuvent ajouter une certaine
valeur, la mesure dans laquelle elles le font dépend en premier lieu, comme le montre le
tableau 7, de la nature du produit vendu. La valeur ajoutée peut être très variée. À un extrême,
elle sera très faible pour les ventes de métaux précieux et de métaux de base affinés dans les
marchés finaux (où leurs spécifications strictes sont principalement respectées et fournies par
les opérations de production de l’entreprise minière). À l’autre extrême, elle sera très forte
dans le cas de certains métaux précieux et de certains minéraux non métalliques spécialisés
(où la commercialisation nécessite l’identification et la satisfaction de spécifications uniques et
strictes définies par les clients potentiels sur la base de leur valeur d’utilité). La valeur ajoutée
par la commercialisation peut être très forte dans le cas de certaines pierres précieuses (par ex.,
diamants roses) dont la demande a été créée par des campagnes publicitaires astucieuses et par
une approche sélective, sur invitation, de la participation à leurs enchères dans des maisons de
haute mode à New York et à Paris.
Des marges très élevées, de plus de 2,5 % de la valeur des ventes, ont été signalées27 pour
des centres de services de commercialisation vendant du minerai de fer et du charbon basés
à Singapour, ce qui dans le cas de l’un des principaux producteurs australiens, a généré une
moyenne de près de 1 milliard USD de recettes pour le centre au cours des dernières années.
Ils ont fait l’objet d’une enquête qui a donné lieu à des ajustements de 522 millions AUS dans
l’imposition payée par l’entité australienne et de 288 millions AUS sur sa redevance sur le
minerai.
Outre la détermination de critères pour l’établissement des frais de commercialisation,
notamment en vue de savoir si les services comprennent une utilisation possible de la
27
Australian Financial Review (en anglais) du 22 avril 2015 et du 7 avril 2015
Tableau 7 : Spécification, modalités de commercialisation et détermination des prix de
diverses matières premières, sources de renseignements les concernant et valeur indicative
des actifs incorporels de commercialisation
propriété intellectuelle spécialisée et d’autres biens incorporels, les conditions générales des
conventions d’écoulement de la production (« off-take contract ») peuvent également rendre
l’analyse de comparabilité plus complexe en raison d’un éventail de problèmes, tels que :
■■ la détermination des teneurs à payer, les crédits pour les métaux précieux, les pénalités
pour les impuretés, etc., dans les concentrés ;
■■ la pertinence et la justification des escomptes pour les actionnaires et autres remises
de prix ;
■■ les modes et délais de paiement, la création de possibilités de crédit sans intérêt ; et
■■ la détermination du moment où, durant la « période couverte par le cours », la propriété
du minéral est réellement transférée, ce qui, compte tenu de la volatilité des prix des
produits, peut influencer le prix de transfert applicable28, comme l’illustre le tableau 8,
qui affiche les dates de transfert sélectionnées dans les transferts de doré d’une mine
d’or d’Amérique du Sud à un centre de commercialisation étranger. Ces questions ont
fait l’objet d’une amélioration lors de la récente révision du chapitre II des « Principes de
l’OCDE applicables en matière de prix de transfert » figurant dans l’ensemble des Rapports
finaux 2015 BEPS et portant sur les dates présumées de détermination des prix.
Par respect pour la transparence, il semblerait normal que l’EMN soumette à l’examen
de l’administration fiscale le contrat d’achat de matière première minérale entre l’entité de
commercialisation et l’acheteur indépendant. Cependant, les EMN omettent souvent de
le faire, affirmant qu’elles ne sont pas les détentrices légales de l’information ou que son
caractère commercial et confidentiel n’en permet pas la diffusion. Ces deux arguments ne sont
pas valables en vue du fait que l’EMN est le contrôleur ultime de l’information et que les
administrations fiscales sont liées par des dispositions relatives au secret.
Dans certaines juridictions, la loi comporte des dispositions afférentes aux présomptions, c.-à-d.
la capacité d’ignorer les conditions réelles de l’accord et de les remplacer par des « conditions
de pleine concurrence » compatibles avec les conditions générales que l’on peut noter pour les
28
La publication du projet BEPS récemment publiée par l’OCDE et intitulée « Aligner les prix de transfert calculés
sur la création de valeur, Actions 8-10 - Rapports finaux 2015 » traite expressément de ce type de risque.
26 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
transactions entre parties tierces, en gardant à l’esprit qu’il peut y avoir quelques différences si
des ventes indépendantes en disponibles sont réalisées aux prix du cours. Il faudrait notamment
examiner la capacité du centre à assumer le risque et sa capacité à atténuer ou à lutter contre
les facteurs de risque pour déterminer si le niveau des risques figurant implicitement dans le
contrat est ancré dans la réalité29. Certains des risques financiers à considérer sont :
1. les risques de crédit, qui comprennent les risques de défaut de paiement, et, dans le
contexte de l’exploitation minière, certains des facteurs à examiner sont :
a. la probabilité de défaut de paiement compte tenu de la solvabilité des acheteurs (car
de nombreux achats, par ex. d’acheteurs chinois, sont garantis par l’État) ;
b. les actions entreprises pour atténuer les conséquences (par ex., en exigeant le paiement
d’une avance, d’un paiement partiel, d’une caution ou de dépôts de garantie) ;
2. les risques de transport, qui comprennent le risque de perte pendant l’expédition et,
dans le contexte des produits miniers, ce risque est souvent traité par voie d’assurance,
qui peut être fournie par une partie liée captive d’assurance, pouvant elle-même être
couverte par réassurance ;
3. les risques de stocks, qui incluent le risque d’avoir des stocks lorsque la demande ralentit
ou que les prix baissent, mais ce risque ne se présente que lorsque le revendeur est aussi
un véritable distributeur et qu’il possède des stocks ;
4. les risques relatifs aux ressources humaines, comme la perte de personnel essentiel qui
peut aussi signifier la perte de clients vitaux.
Par exemple, dans la figure 5, les filiales commerciales (Sté Commerce 1 et 2) d’un important
producteur de minerai de fer africain, enregistrées respectivement comme sociétés étrangères
contrôlées (SÉC) dans un pays asiatique et un pays européen, étaient à l’origine qualifiées
comme des agences de commercialisation, mais elles ont été plus tard été requalifiées comme
des revendeurs à part entière en raison du transfert formel de la propriété des cargaisons de
minerai de fer. Ceci signifie qu’elles réalisent une plus grande part de leurs bénéfices dans
les juridictions à faible imposition du pays européen et du pays asiatique bien que le nombre
d’employés basé dans ces juridictions soit relativement faible.
29
À la page 6 de « PwC Transfer pricing perspectives, Resolutions, moving towards certainty » (en anglais), citation
du représentant des États-Unis présentant le thème dans la Note 1 du projet de discussion intitulé « Discussion
Draft on Transfer Pricing Aspects of Business Restructurings », consultation publique de deux journées, les 9 et 10
juin 2009.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 27
StéMère Afrique
74 %
StéCommerce 1
Pays européen 98.8 %
Bien que du capital puisse être facilement levé au niveau d’EMN mères solvables, les
financement par dettes au niveau des projets sont parfois difficilement obtenus auprès de
tierces parties dans certains pays en développement, ou peuvent entraîner des taux d’intérêt
beaucoup plus élevés pour compenser les primes de risques beaucoup plus élevées. En outre,
pendant la période de pré-production qui peut durer un certain nombre d’années, la plupart des
prêts sont remboursés, alors que le projet ne génère aucun revenu qui permettrait de déduire
les frais d’intérêts. Ces frais ne peuvent pas non plus être déduits du revenu imposable d’une
entité liée en raison des mesures de séparation fiscale du projet. Ce problème a été reconnu par
le Rapport final BEPS 2015 sur l’action 4, qui recommande que les intérêts non déduits puissent
être reportés sur les années suivantes. Les projets miniers nécessitent aussi d’importantes
injections de fonds de roulement au cours des premières étapes, lorsque la production de la
mine s’accélère pour atteindre la capacité planifiée, et pendant la phase de productivité de la
mine afin de maintenir sa capacité opérationnelle et de financer son expansion ou d’autres
modifications dans la conception de la mine.
Ainsi, il n’est pas surprenant que de nombreuses EMN optimisent le coût global du financement
au niveau consolidé d’une manière fiscalement efficace par une levée de capitaux de manière
centralisée et en fournissant des services financiers par l’intermédiaire d’un financement en
interne du groupe de l’EMN, appelé centre de services financiers, qui peut fournir :
28 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
30
http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FR.INR.LEND
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 29
de divers pays. Bien entendu, les taux varient en fonction du secteur économique et de la
solvabilité de l’emprunteur, le secteur minier se situant vers le haut de la gamme31.
Pour contrer les frais excessifs des services de financement qui viennent augmenter les écarts
dans les taux d’intérêt, de nombreuses administrations fiscales africaines ont adopté une série
de mesures intérimaires dans leur législation nationale, dont :
■■ le plafonnement du taux d’intérêt maximal permis :
• en l’évaluant par rapport aux tarifs internationaux observables comme le LIBOR,
en ajoutant une marge appropriée à leur pays ou
• en exigeant que le taux d’intérêt imputé à la filiale minière dans leurs pays soit
situé dans la moyenne, ou dans une autre proportion préétablie du taux d’intérêt
encouru par la multinationale au niveau consolidé ;
■■ en percevant des taux relativement élevés de retenues à la source sur les paiements
d’intérêts versés aux prêteurs liés établis à l’étranger.
De nombreuses administrations fiscales dans les pays en développement soutiennent que, peu
importe si les taux d’intérêt ajustés au risque ont été déterminés sur une base théorique pour
diverses juridictions où l’EMN exerce ses activités, le total des déductions des dépenses en
intérêts cumulées pour toutes les filiales de l’EMN ne doit pas être supérieur au montant total
net consolidé des frais d’emprunt encourus par l’EMN. Si cette optique devait être appliquée,
il faudrait alors légiférer pour n’autoriser que des déductions sur les frais d’intérêt fondées sur
le même taux d’intérêt que celui payé par le holding de l’EMN sur les emprunts externes au
niveau consolidé.
Il existe un cas particulièrement intéressant, celui où une filiale emprunte de l’argent et paie
des intérêts à l’une des parties liées disposant de beaucoup de liquidités qui n’a pas emprunté
et a rétrocédé un montant donné à une autre entité liée. Dans de telles conditions, l’EMN dans
son ensemble n’a pas encouru de frais d’intérêts en lien avec une source externe. Un strict
respect du principe selon lequel les déductions d’intérêt cumulées pour l’ensemble des filiales
ne devraient pas dépasser les frais d’intérêt consolidé de l’EMN conduirait au fait que les
frais d’intérêt susmentionnés ne seraient pas acceptés comme déduction. Comme le « prêt »
à la filiale minière n’augmenterait pas l’endettement de l’EMN au niveau consolidé, ce serait
en fait une forme de contribution en fonds propres qui transformerait « l’intérêt » payé en
« dividendes », et qui par conséquent ne serait pas déductible dans l’établissement du revenu
imposable. Certains affirment que ce serait injuste, car l’entité prêteuse encourrait alors un coût
d’opportunités pour lequel elle ne serait pas indemnisée.
31
Il est intéressant de noter qu’il n’existe aucun chiffre pour nombre de pays africains, ce qui indique
probablement que les services financiers pertinents ne sont pas suffisamment développés dans certains de ces
pays. Cette hypothèse est étayée par le taux d’accès par habitant à une branche de banque commerciale qui dans
l’Afrique subsaharienne est de 3 pour 100 000 personnes, contre 38 en Europe. Parmi les pays africains pour
lesquels des taux sont mentionnés, certains semblent être extrêmement élevés par rapport à la norme des pays
développés (par ex., de 20 à 60 %). Ceci peut provenir à la fois des forts taux d’inflation, des primes de risque
de pays et des très grands écarts, d’environ 11 %, entre taux de dépôt et taux des prêts.
30 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
L’ampleur du défi administratif que représentent les questions ci-dessus peut s’atténuer à
l’avenir si les dispositions s’appliquant au plafonnement des intérêts recommandées par l’OCDE
dans son Rapport final 2015 BEPS sur l’action 4 sont largement appliquées. Elles comprennent
entre autres un seuil monétaire optionnel de minimis pour filtrer les entités à faible risque et
un plafond basé sur la règle du taux fixe, permettant la déduction des frais d’intérêts nets de
l’entité jusqu’à un pourcentage de référence de son excédent brut d’exploitation (EBITDA).
Ce taux doit être défini dans une fourchette allant de 10 % à 30 % en fonction des cas. Les
recommandations prévoient également une disposition en faveur de l’adoption d’une règle du
taux de groupe facultative lorsque ce taux est supérieur au taux fixé pour l’entité, et l’application
à celui-ci d’une hausse jusqu’à 10 %, si cela devient nécessaire pour éviter tout risque de
double imposition éventuelle. Le taux peut aussi être dépassé lorsque l’emprunt se rapporte
spécifiquement à la génération de recettes publiques. La recommandation pour la règle du
taux fixe ne doit pas être incompatible avec l’application du principe de la pleine concurrence
et empêcher l’utilisation simultanée d’autres options de meilleure pratique contenues dans
la législation fiscale de chaque pays, telles que celles relatives à la sous-capitalisation et au
plafonnement de taux d’intérêt applicables spécifiques.
Le tableau 9 montre comment une société minière indépendante empruntant à une banque
non liée peut être limitée par les contraintes du marché à ne financer que 40 % de ses besoins
en capital de 100 millions USD au moyen d’un prêt à un taux d’intérêt de, disons, 5 % l’an.
En supposant qu’elle dégage des recettes annuelles de 15 millions USD et doit financer
des coûts de 5 millions USD, la société paierait 2 millions USD en impôt sur les sociétés et
conserverait 6 millions USD de gains dans une juridiction minière avec un taux d’imposition
Voir l’annexe 3 pour des exemples dans le projet de discussion du BEPS sur l’action 4 : déductions d’intérêts
32
Tableau 9 : Calcul des redevances fiscales payables par une entreprise minière
indépendante empruntant selon le principe de la pleine concurrence auprès d’une banque
non liée
de 25 %. La société minière ne pourrait pas effectivement bénéficier d’un niveau de dette élevé,
indépendamment du fait que la juridiction permet une capitalisation de 3 pour 1.
En revanche, la figure 6 montre une situation où la compagnie minière emprunte 40 % des
fonds dont elle a besoin à une banque non liée – mais l’emprunt est garanti par la société mère
de l’EMN et implique des frais de garantie à hauteur de 1 million de dollars – et 35 % des fonds
d’un centre de services financiers lié, tirant ainsi profit du rapport de capitalisation de 3 pour
1 qui est autorisé.
Il convient de noter qu’en vertu de cette structure de financement, les revenus retenus par la
société minière sont plus faibles que ceux du cas présenté dans le tableau 9 (par ex. 3,94 millions
contre 4,69 millions USD), bien que l’impôt payé par l’entité minière (et par conséquent par
l’EMN au niveau consolidé) soit plus faible (soit, de 1,31 million contre 2,0 millions USD).
Bien qu’un taux d’intérêt de 5 % ait été retenu dans les deux exemples ci-dessus, une
demande de hausse des taux d’intérêt intégrant une prime pour compenser le risque financier
supplémentaire (par ex., un risque sur le crédit) est souvent présentée aux administrations
fiscales, en plus de la commission sur la garantie33.
Les autorités fiscales doivent également remettre en question la légitimité de la déduction
d’une commission de garantie si une forte prime de risque a été intégrée dans le taux d’intérêt
sur un prêt qui ne respecte pas le principe de la pleine concurrence par une partie liée à une
filiale minière dont le ratio d’endettement est très élevé, en raison de l’augmentation du risque
financier. Concernant les services d’assurance captive, où dans certains cas, le risque n’a pas
été effectivement transféré à l’extérieur du groupe de l’EMN dans son ensemble, il est difficile
de savoir si des frais devraient être conservés et être déductibles lors du transfert hors de la
filiale minière.
Plus généralement, la couverture de risque par l’intermédiaire d’instruments dérivés (par
ex., la couverture des taux d’intérêt, la couverture des taux de change, etc.) est également
devenue une norme au cours de la dernière décennie, et cela peut compliquer encore l’analyse
33
Dans de nombreux cas, ces niveaux de dette seront accompagnés de paiements de commissions de garantie
de l’entreprise à une partie liée afin de protéger le prêt et les intérêts dans ce scénario prétendu à haut risque.
32 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
Figure 6 : Calcul des redevances fiscales exigibles d’une société empruntant 75 % des fonds
nécessaires, en partie (40 %) auprès d’une banque non liée, mais assortis d’une garantie de
la société mère de l’EMN et en partie (35 %) auprès d’un centre financier de l’EMN
Dette : 35 millions USD
Commission de
garantie
Dette :
40 millions
USD Besoins en capital
Banque Société minière (en millions USD) 100
Pourcentage de fonds propres 25%
Pourcentage de créances 75%
Frais et intérêts millions USD
Revenu d’exploitation 15
Coût de fonctionnement 5
Commission de garantie 1
EBIT 9
Intérêts à 5 % l’an 3,75
Impôt sur les sociétés à 25 % 1,31
Résultats non distribués
(en millions USD) 3,94
des conditions réelles par l’administration fiscale, car les contreparties peuvent ne pas être
connues, et ce type de transaction peut déclencher des événements qui pourraient être toujours
contrôlés par l’EMN.
3.5.3 Requalification de transactions d’emprunt
Le pouvoir et la pratique des administrations fiscales d’ignorer ou de restructurer les
contrats qui n’auraient pas été convenus entre parties non liées dans ces circonstances est
l’une des questions les plus litigieuses dans les discussions sur les prix de transfert entre les
administrations fiscales et les entreprises. À cet égard, les Rapports finaux 2015 BEPS sur les
actions 8 à 10 prorogent la possibilité que des accords entre parties liées soient ignorés lorsque
des circonstances exceptionnelles d’irrationalité commerciale s’appliquent. Le simple fait
qu’une transaction entre parties non liées puisse ne pas être respectée n’est pas suffisant ; la
question clé est de déterminer si l’arrangement conclu comporte une rationalité commerciale
et aurait pu être convenue entre des parties non liées, dans des circonstances économiques
similaires. Par exemple, en considérant le niveau des emprunts de la filiale d’une EMN, les
administrations fiscales doivent considérer si la filiale peut, d’un point de vue rationnel et
commercial, maintenir ce niveau de dette en fonction de sa rentabilité, sa solvabilité et ses
objectifs commerciaux. Autrement, il est possible que la dette ait été effectivement « rejetée »
sur la filiale pour minimiser l’imposition, et l’administration fiscale doit se poser la question de
savoir si la dette doit être ignorée ou traitée comme fonds propres à des fins fiscales.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 33
Taxation Ruling 2014/6 Income tax: transfer pricing – l’application de la section 815-130 de la Loi sur l’évaluation
34
de l’impôt sur le revenu de 1997 (Income Tax Assessment Act 1997) (en anglais)
4
Développement et mise en œuvre
de législations en matière de prix
de transfert en Afrique
Environ la moitié des juridictions exigent que les contribuables réunissent un dossier complet
à jour sur les prix de transfert ; dans certains cas, elles comportent des dispositions en matière
de pénalité et d’obligation de preuve. Les contribuables doivent communiquer ce dossier
annuellement, ou le produire plus fréquemment sur demande. En dépit de cela, de nombreuses
De plus amples détails sont fournis dans la publication « Prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation
35
34
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 35
juridictions rapportent une réticence des EMN à fournir des renseignements dans un délai
convenable pour les audits.
Fait intéressant, de nombreuses juridictions semblent prévoir des accords préalables en matière
de prix de transfert (APP) et d’autres formes de régimes de protection, mais comme nous le
verrons plus loin, ils n’ont à ce jour pas encore été mis en œuvre en Afrique.
36
Transfer pricing comparability data and developing countries, 2014 (en anglais).
36 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
■■ la collectivité, en particulier les autres contribuables qui veulent être assurés de l’équité
du système fiscal ;
■■ les organismes de l’industrie minière en Afrique et
■■ les filiales minières contribuables exerçant dans le pays hôte ainsi que leurs EMN.
37
Erin Smith et Peter Rosenblum. Government and Citizen Oversight of Mining: Enforcing the Rules, (Revenue
Watch Institute, 2011) p. 4 (en anglais).
38 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
■■ des conseils pour mieux utiliser l’ITIE et les autres données publiques existantes pour
évaluer les risques liés aux prix de transfert.
Si les OSC et ONG sont correctement informées et formées, leurs activités peuvent être à la
fois synergiques et bénéfiques (plutôt que concurrentes) aux efforts des gouvernements pour
assurer l’application efficace des prix de transfert au sein du secteur minier africain. Elles font
partie de réseaux mondiaux qui peuvent constituer un levier d’accès aux renseignements
provenant d’autres administrations fiscales sur les activités minières des EMN au niveau
mondial, qui pourraient autrement ne pas être mises en lumière. Comme les ONG et les OSC
jouissent souvent de la confiance du grand public, elles peuvent, si elles sont bien formées et
informées par les autorités compétentes, devenir un moyen efficace d’information du public
sur ce qui est fait pour régler et gérer les problèmes relatifs aux prix de transfert et gérer les
attentes peu réalistes tout en accordant leur soutien à l’amélioration de la responsabilisation et
de la transparence.
Bien que la confidentialité du contribuable doive être respectée, les gouvernements et les
administrations fiscales pourraient partager davantage d’informations sur les prix de transfert
dans l’industrie minière, afin d’améliorer la qualité et le niveau du débat public. Une plus
grande transparence et un partage de l’information sont essentiels dans la promotion d’une
approche plus collaborative avec le public, les OSC et les ONG, et à la réussite globale d’un
programme de conformité efficace sur les prix de transfert.
Les APP peuvent apporter plus de certitude dans un esprit plus coopératif qu’un audit,
fournissant ainsi une manière plus sûre et plus rapide d’examiner les pièces justificatives et
parvenir à un accord sur les prix en pleine concurrence. Ils peuvent également revenir aux années
antérieures (qui, autrement, pourraient exiger un audit) ou s’étaler dans l’avenir. Cependant, ils
sont plus adaptés aux plus gros contribuables, car ils constituent une approche de conformité
demandant des ressources assez importantes en temps, coût et qualification professionnelle et
Non
Renversé Confirmé
Non
nécessitant une expertise en matière d’industrie minière et de prix de transfert. Les processus
de coopération impliqués dans la négociation d’un APP sont représentés schématiquement
dans la Figure 7. Ils nécessitent également des niveaux élevés de compétences en négociation
ainsi qu’un engagement de ressources pour entreprendre les travaux d’examen annuel. Le coût
d’un programme d’APP est similaire à celui d’un programme d’audit (mais plus rapide), ce qui
donne à penser qu’il devrait idéalement être rendu disponible aux contribuables des industries
minières présentant un risque plus élevé. L’intensité des ressources et les compétences
spécialisées en prix de transfert nécessaires pour conclure un APP sont la principale raison
pour laquelle ils n’ont pas encore été mis en œuvre à grande échelle en Afrique.
Traité = faibles
retenues à la source Traité = faibles
retenues à la source
PAYS D
PAYS B
à faible imposition
Sté Relais 1
Sté Relais 2
Traité = faibles retenues
à la source
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 41
(2012)38 comparent ces deux modèles dans une présentation sur les CPDI expressément dans
le contexte africain.
La décision de conclure des conventions fiscales doit être fondée sur des raisons économiques
et de politique générale (pas seulement pour des raisons de prix de transfert), équilibrant les
avantages attendus et les coûts. Le FMI note que tout pays en développement qui conclut
une convention fiscale doit être prudent39, car il peut obtenir davantage par évolution de sa
législation nationale que par les bénéfices d’une convention fiscale réciproque.
Même s’il n’existe pas de CPDI entre le pays hôte de l’exploitation minière (A dans la
figure 8) et le pays de résidence de la multinationale (C), cette dernière peut réduire le taux
effectif d’imposition au niveau consolidé par « chalandage fiscal », c’est à dire, en canalisant
l’investissement indirectement, par l’intermédiaire d’une entité, vers un pays à faible
imposition qui a une convention avec le pays hôte (B). Dans la pratique, on constate souvent
que l’investissement étranger passe par une juridiction favorable à faible imposition.
Avec le risque toujours présent de chalandage fiscal, les pays en développement voudront
probablement être prudents sur la création de réseaux de conventions fiscales et inclure
une disposition anti-abus telle qu’un article sur la « limitation des avantages » dans toute
convention qu’ils signent.
L’article des CPDI sur les échanges de renseignements est un aspect particulièrement
souhaitable (dans les deux modèles de l’OCDE et les Nations Unies) pour l’administration
des problèmes relatifs aux prix de transfert. En dépit des améliorations à venir dans la
soumission d’informations comme recommandé dans le Rapport final BEPS sur l’action 13
de 2015, et l’initiative ITIE40, certaines difficultés demeureront concernant l’accès dans un
délai convenable à suffisamment de données pour les activités de conformité des prix de
transfert. Fait important, les dispositions d’échange de renseignements sont accessibles sans
entrer dans des conventions bilatérales — elles sont disponibles lorsqu’un pays conclut des
accords d’échange de renseignements fiscaux ou en devient signataire du Traité multilatéral
de l’OCDE41 sur l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (dont 6 pays africains
sont déjà signataires).
38
Veronika Daurer et Richard Krever, 2012. « Choosing between the UN and OECD Tax Policy Models: An African
Case Study », European University Institute, Florence, Working Paper RSCAS 2012/60 (en anglais).
39
FMI – Spillovers in International Corporate Taxation, 9 mai 2014, publié le 25 juin 2014 (paras 24 à 40) (en anglais).
40
L’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) est une norme mondiale qui promeut la
gestion transparente et responsable des ressources naturelles. Son objectif est de renforcer les systèmes des
gouvernements et des entreprises, à informer le débat public et à rehausser la confiance. Site Internet (en
anglais) : https://eiti.org/
41
Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, qui est entrée en
vigueur le 1er juin 2011.
5
Recommandations
sur la marche à suivre
De plus amples recommandations sont fournies dans la publication « Prix de transfert dans l’industrie minière
42
42
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 43
• des ateliers internationaux axés sur les problèmes relatifs aux prix de transfert dans
le secteur minier qui sont actuellement organisés par le GBM, en coopération avec un
certain nombre d’institutions internationales, notamment la CEA, la GIZ et la MEfDA,
et qui doivent être mis en œuvre à partir du début de l’année 2017. Ces ateliers
pourraient également être ouverts aux OSC et aux ONG ;
• une participation, possiblement cautionnée, à des cours universitaires diplômants ou non
diplômants appropriés ;
• des affectations de court et moyen terme vers des juridictions fiscales plus avancées ;
• l’utilisation temporaire de spécialistes fiscaux externes provenant d’autres juridictions
fiscales ou du secteur privé pour travailler aux côtés des ressources internes en mettant
l’accent sur le transfert de connaissances et
• la mise en place d’un suivi efficace des programmes de parrainage et de plans de
développement de carrière clairement définis.
44 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique
Phase 1 « Dealing Effectively with the 8.3. « Selection of « Pre-Examination « Case Selection » (Sélection Sans objet
Qui est Challenges of Transfer Pricing » Taxpayers for Transfer Analysis » (Analyse de du cas) / définir le profil de
concerné ? (Traiter efficacement les enjeux Pricing Examination: pré-examen) risque
de l’établissement des prix Risk Assessment »
de transfert ) chapitre 2 : (Sélection des
« Selecting the right cases » contribuables pour
(Sélectionner les cas appropriés) l’examen des prix de
transfert : évaluation
« Draft Handbook » (Projet de des risques)
manuel) chapitre 5
Phase 2 « Dealing Effectively » (Opérations 8.5 « Preliminary « Initial Risk Analysis » « Risk Review » ISA 200
Quels sont efficaces) chapitre 3 « Getting off Examination » (Analyse initiale des (Examen des risques en
problèmes to a good start » (Partir sur de (Examen préliminaire) risques) matière de prix de transfert) ISA 315
présents ? bonnes bases)
Chapitre III : Analyse de
comparabilité