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Public Disclosure Authorized

Les prix de transfert dans


l’industrie minière, avec
focalisation sur l’Afrique
Public Disclosure Authorized

Note de synthèse

Version abrégée par Pietro Guj, Stéphanie Martin


et Alexandra Readhead
Public Disclosure Authorized

Janvier 2017
Public Disclosure Authorized
NOTES :
1 – Cette publication est une synthèse du manuel intitulé « Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec
focalisation sur l’Afrique : guide de référence pour les fiscalistes » qui doit être publié conjointement à la fin de
l’année 2017 par :
•  le Groupe de la Banque mondiale (GBM),
•  le Centre for Exploration Targeting (CET) et
•  le Centre international de l’industrie minière pour le développement (IM4DC).

2 – Le Guide a été co-rédigé par un groupe international d’experts en fiscalité des industries minières,
dont :
•  le professeur Pietro Guj, CET — Université d’Australie-Occidentale (auteur principal) ;
•  Mme Stéphanie Martin — Consultant fiscal ;
•  M. Bryan Maybee, CET – Curtin University ;
•  le professeur Frederick Cawood — Université de Witwatersrand ;
•  M. Boubacar Bocoum — Groupe de la Banque mondiale ;
•  Mme Nishana Gosai — Administration fiscale sud-africaine (South African Revenue Service) et
•  M. Steef Huibregtse — (Transfert Pricing Associates (Global)), Pays-Bas.

3 – Cette synthèse a été rédigée par le professeur Pietro Guj, Mme Stéphanie Martin et Mme Alexandra
Readhead.

4 – La rédaction de la présente note de synthèse a été facilitée par la Deutsche Gesellschaft für internationale
Zusammenarbeit GmbH (GIZ).
Note de synthèse sur les prix de transfert dans
l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

Version abrégée par Pietro Guj1, Stéphanie Martin2 et Alexandra Readhead3

Résumé analytique
Cette note de synthèse résume les résultats des recherches sur les prix de transfert menées dans
le cadre spécifique de l’industrie minière en Afrique. L’étude a été commanditée en 2015-2016
par le Groupe de la Banque mondiale (GBM) en coopération avec le Centre international de
l’industrie minière pour le développement (IM4DC)4 et réalisée par une équipe internationale
d’experts en fiscalité et dans les industries minières5 dirigée par le Centre for Exploration
Targeting (CET)6. Les résultats de cette étude seront publiés dans un manuel intitulé «  Les
prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique  : Guide de référence pour
les fiscalistes  », accompagné d’un matériel pédagogique pratique, actuellement en cours
d’élaboration, qui servira de support à une série d’ateliers sur les prix de transfert destinés
aux agents des administrations fiscales africaines pour le début de l’année 2017. Ce guide de
référence constitue également un complément, spécifique à l’industrie minière, d’une boîte à
outils générale sur les prix de transfert intitulée « Transfert Pricing and Developing Economies » (en
anglais) réalisée par l’équipe internationale sur la fiscalité du Groupe de la Banque mondiale.
Importance de l’activité minière pour l’Afrique
Au cours des dernières années, la contribution du secteur minier à l’économie de nombreux
pays africains a augmenté bien plus rapidement que celle d’autres secteurs, accentuant
ainsi l’importance de cette industrie comme mécanisme de développement et de croissance
économiques. Les ressources minérales de l’Afrique sont devenues un pôle d’attraction pour les
investissements directs étrangers (IDE) dans les domaines de l’exploration et du développement
minier. En 20137, l’Afrique a attiré 2,9 milliards USD, soit 17 % des investissements mondiaux en
matière de prospection minière, et était le principal producteur mondial de cobalt, de platine,
de diamants et de chrome ainsi qu’un important producteur d’or, d’uranium et de cuivre.
Bien que l’investissement dans les industries minières ait diminué au cours des deux dernières
années en raison de la chute des prix des matières premières, il va inévitablement reprendre
à plus long terme. Les 301 mines en production, les 333 projets en développement aux stades
de conception ou d’étude de faisabilité et les 938 projets8 d’exploration en Afrique pourraient
stimuler davantage la collecte de recettes nationales sur un continent où plusieurs pays luttent

1
Professeur chercheur (auteur principal), The Centre for Exploration Targeting (CET), e-mail : pietro.guj@ uwa.
edu.au
2
Consultante, précédemment commissaire adjointe en charge de la fiscalité, Administration fiscale australienne
(Australian Tax Office)
3
Consultante en gouvernance des ressources naturelles, GIZ/NRGI.
4
Financé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce d’Australie.
5
Avec aux côtés de Prof. P. Guj et Mme S. Martin, M. B. Maybee, Prof. F. Cawood (Université de Witwatersrand),
M. B. Bocoum (GBM), Mme M. Gosai (Administration fiscale sud-africaine) et M. S. Huibregtse (Transfer Pric-
ing Associates).
6
CET est une initiative conjointe de l’Université d’Australie-Occidentale, de la Curtin University et de l’industrie
minière.
7
Metals and Mining de SNL, 2014 (en anglais).
8
Nombre provenant du RIU, 2014.
iii
iv Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

pour atteindre un ratio de recettes fiscales par rapport au PIB de 15 %, alors que ce ratio est
de plus de 33,6  % en moyenne pour les pays de l’OCDE depuis 2000. Il est donc essentiel
que les juridictions africaines continuent à élaborer des réglementations et régimes fiscaux
miniers qui, tout en attirant les investissements directs étrangers, puissent être appliqués par
leur administration, en veillant à ce que l’industrie minière soit sûre et responsable sur le plan
social et écologique, et qu’elle paye un montant équitable d’impôt sur les bénéfices générés
dans le pays producteur.
Structures d’entreprise utilisées par les multinationales minières et leurs éventuelles
conséquences sur le plan fiscal
La plupart des pays africains exigent que les projets miniers appliquent des mesures de
séparation, c.-à-d., qu’ils soient détenus et exploités par la filiale d’une entreprise multinationale
(EMN) qui les contrôle, et que cette filiale soit dûment enregistrée et imposable dans le pays
hôte. Les EMN ont eu tendance à structurer leurs activités en consolidant des fonctions à forte
valeur et des actifs incorporels y associés au sein de centres qui fournissent des produits et
des services à leurs exploitations à l’échelle mondiale, et en les situant dans des juridictions à
faible imposition ou dans des juridictions où il est possible d’établir des entités à but spécial
imposées à des taux préférentiels.
Les EMN soutiennent que la consolidation de la fourniture de services au sein de ces centres
est déterminée principalement par l’objectif consistant à maximiser la valeur pour l’actionnaire
grâce à l’atteinte d’une masse critique à travers la gestion centralisée de ressources spécialisées,
la proximité avec la clientèle, les centres de services de commercialisation et de transport ou
de recherche. Cependant, l’extrême complexité et l’artificialité de certaines de ces structures
à plusieurs niveaux et les preuves que certaines sociétés relais ne sont effectivement que des
« boîtes postales » sans aucune finalité commerciale et qu’elles n’ajoutent que peu ou pas de
valeur, indiquent qu’elles sont probablement conçues principalement pour minimiser l’impôt
des EMN au niveau consolidé. Ce point de vue est corroboré par le chalandage fiscal9 et la
rapidité avec laquelle certaines EMN modifient leurs structures afin de lutter contre la clôture
par les gouvernements de certains vides juridiques en matière fiscale. Bien que ces pratiques
fiscales puissent être techniquement légales, on peut affirmer qu’elles sont discutables d’un
point de vue déontologique.
Les conséquences de l’utilisation des structures d’entreprise globales par les EMN en Afrique
sont les suivantes :
■■ l’assiette fiscale du pays accueillant l’activité minière peut être érodée, car les profits
sont transférés à l’étranger ;
■■ les fonctions des filiales minières des EMN sont le plus souvent réduites à des activités
de routine utilisant principalement du personnel moins qualifié et des actifs corporels ;
■■ peu de sociétés minières sont entièrement intégrées verticalement et exportent souvent
du minerai concassé et criblé (par ex., du minerai de fer et du charbon) ou des métaux
de base et autres concentrés ou des produits intermédiaires, après une transformation
limitée dans leurs fonderies ou leurs centres de services de commercialisation et
■■ les sociétés minières concluent de plus en plus de transactions transfrontalières pour
la fourniture de services et d’actifs spécialisés à forte valeur ou des financements, dont
nombre sont effectuées par des entités liées faisant partie de la même EMN.

Les autorités fiscales doivent déterminer si les bénéfices des filiales minières et leurs clients ou
prestataires de service à l’étranger correspondent à la valeur effectivement ajoutée par chaque
entité, tout au long de la chaîne de valeur de l’industrie minière. Un redressement fiscal peut
être justifié lorsque l’aspect économique ne correspond pas au type d’arrangement relatif aux
prestations.

Des réseaux complexes des sociétés relais liées établies dans des juridictions soigneusement sélectionnées pour
9

des raisons fiscales qui n’auraient pas autrement été possibles en raison d’un réseau limité de conventions
préventives de la double imposition (CPDI) en Afrique.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique v

Les cas extrêmes peuvent justifier une requalification des transactions entre parties liées pour
refléter les conditions qui auraient été convenues entre parties non liées dans des transactions
sur le marché libre. Logiquement, si les sociétés minières agissaient selon le principe de la
pleine concurrence, elles ne concluraient aucun accord dont les dispositions signifieraient un
taux de rentabilité inacceptable ou même une perte à long terme. Elles n’accepteraient pas
non plus d’accorder de gros escomptes sur les ventes de produits miniers ou de payer des
prix exagérément supérieurs au marché pour des biens et services de commercialisation, de
financement, techniques, de R&D et autres. De même, elles ne cèderaient pas d’actifs, parfois bien
au-dessous de leurs valeurs de marché, à une entité, pour ensuite payer des frais de traitement ou
des redevances pour leur utilisation. Les contribuables affirment que la requalification est faite
en raison du risque de double taxation. Toutefois, cette objection pourrait être exagérée, car la
plupart des juridictions proposent des crédits d’impôt étrangers ou des exemptions. Pour traiter
plus efficacement ces problèmes, le Royaume-Uni a déjà introduit un « impôt sur les bénéfices
détournés » et l’Australie a récemment annoncé l’introduction d’un impôt similaire.
Prix de transfert et application du principe de pleine concurrence
Le principe de pleine concurrence est la pierre angulaire des règles internationales qui
permettent de définir les prix de transfert dans le cadre d’opérations contrôlées ou entre parties
liées. Il exige que les prix de transfert soient établis comme si les parties étaient indépendantes,
fonctionnant en pleine concurrence et s’engageant dans des transactions comparables dans
des conditions et une situation économique similaires. Bien que les EMN soient censées fixer
leurs prix de transfert en appliquant le principe de la pleine concurrence, là où ce ne serait
pas le cas, il pourrait être nécessaire d’ajuster les impôts. Cinq méthodes sont présentées pour
l’application du principe de pleine concurrence dans les « Principes de l’OCDE en matière de prix
de transfert »10 de l’OCDE (un texte qui doit être mis à jour conformément aux recommandations
des Rapports finaux BEPS 2015 de l’OCDE/G20). L’étude a confirmé que l’abus des prix de
transfert représente un risque fiscal majeur dans le cadre des opérations des filiales minières
des EMN en Afrique, parce que ce secteur représente souvent une source importante de recettes
et que les transactions individuelles peuvent comporter des flux de trésorerie et des complexités
importants. Cela a été confirmé par une analyse détaillée de la composition des revenus et des
coûts des opérations minières en cours (classés par matière première, taille et type d’exploitation
minière, à ciel ouvert ou souterraine) pour les principaux minerais extraits en Afrique. Le
transfert de bénéfices au moyen de manipulation frauduleuse des prix peut provenir :
■■ d’une sous-facturation des produits miniers exportés transférés à des parties liées et
■■ d’une surfacturation pour la fourniture de biens et services de routine (par ex.,
la plupart des services d’entreprise) et pour la fourniture de biens et de services
spécialisés (par ex., commercialisation, trésorerie, financement, assurances, logistique,
services techniques et de R&D),

ce qui vient réduire le bénéfice de la filiale minière et donc l’impôt perçu dans le pays hôte.
La CEA11 a estimé que la fuite illicite de capitaux en provenance d’Afrique en raison de la
manipulation frauduleuse des prix s’élevait à 50 milliards USD par an, la BAD ayant identifié
«  … l’imposition inefficace des activités extractives et l’incapacité de lutter contre les abus
constatés concernant les prix de transfert dont bénéficient les sociétés multinationales  »12
comme une cause importante de l’érosion de l’assiette fiscale dans les pays en développement.
Les abus en matière de prix de transfert ne sont pas limités aux pays en développement, comme

10
Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises EMN et des administrations
fiscales, 2012.
11
Rapport  2014 du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur les flux financiers illicites en provenance
d’Afrique intitulé « Localisez-les ! Neutralisez-les ! Recouvrez-les ! ».
12
Groupe de la Banque africaine de développement, Mobilisation des ressources intérieures à travers l’Afrique  :
tendances, défis et possibilités d’action, Washington D.C., 2010
vi Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

l’on montré les récents ajustements d’impôts sur le revenu et de redevances de plusieurs
millions de dollars payés par une société minière australienne qui vendait ses produits par le
biais d’un centre de services de commercialisation basé à Singapour.
Étant donné le risque encouru par rapport aux recettes, il est essentiel que les administrations
fiscales africaines aient les pouvoirs et la capacité de s’assurer que les prix de transfert sont vraiment
établis selon le principe de la pleine concurrence, au moyen du respect systématique des processus
de gestion des risques pour les prix de transfert. Les discussions à propos des prix de transfert
tournent souvent autour de l’audit d’un cas particulier, qui n’est qu’un aspect du vaste processus
permettant d’aborder efficacement les risques sur les prix de transfert, avec entre autres :
■■ Phase 1 : la sélection des cas — sélectionner qui doit être examiné et dans quel ordre ;
■■ Phase 2 : l’évaluation des risques — sélectionner les problèmes à examiner dans les
EMN identifiées ;
■■ Phase 3 : l’audit — identifier et prendre les mesures nécessaires pour gérer les risques
spécifiques au contribuable par l’intermédiaire d’un éventuel ajustement fiscal et
■■ Phase 4 : la résolution tant des problèmes passés que des risques futurs.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) et
autres organisations de la société civile (OSC) dans la sensibilisation de l’opinion publique aux
abus possibles des règles de prix de transfert par les EMN. Leurs allégations, généralement très
directes, mais la plupart du temps basées sur des éléments circonstanciés, ont souvent pour
effet de précipiter les enquêtes et les interventions gouvernementales.

La plupart des pays africains n’ont pas la capacité d’entreprendre des audits efficaces
sur les prix de transfert
Malgré la présence d’une législation sur les prix de transfert généralement adéquate, les pays
africains ont été incapables – à quelques exceptions près – de l’appliquer de manière efficace.
Par conséquent, peu d’audits sur les prix de transfert sont effectués et ceux spécifiques à
l’industrie minière sont encore plus rares. Cela est dû à un certain nombre de raisons dont :
■■ l’insuffisance générale de ressources des administrations fiscales et le manque
d’expertise en prix de transfert en particulier, auxquels vient s’ajouter un niveau de
connaissances inadéquat de l’industrie minière, de ses activités et de ses processus ;
■■ la complexité inhérente de certaines transactions liées à l’exploitation minière (ce qui
crée de l’opacité et des occasions de manipulation) qui peuvent être dû au fait que :
• la plupart des produits miniers d’un groupe transférés vers des fonderies ou
des centres de services de commercialisation partenaires sont des produits
intermédiaires pour lesquels il n’existe pas de normes spécifiques rigoureuses et de
prix du marché facilement disponibles. Même dans le cas de métaux négociés dans
les marchés finaux, les modalités de détermination des prix dans les conventions
d’écoulement de la production (« off-take agreement ») peuvent présenter des
difficultés lors des ajustements effectués pour atteindre une comparabilité aux
prix de référence (par ex., ceux de la LME) ;
• certaines transactions (particulièrement celles impliquant les savoir-faire spécialisés de
commercialisation, techniques et de R&D, de gestion et juridiques et les actifs incorporels
et propriétés intellectuelles difficiles à valoriser) sont souvent difficiles à vérifier étant
donné que les administrations fiscales peuvent se voir refuser l’accès aux informations
financières spécifiques concernant les prestataires de services associés à l’étranger ;
• comme certains services miniers ne sont pas disponibles dans le pays, les autorités
fiscales n’ont pas accès à des prix comparables sur le marché libre local et elles sont
contraintes d’ajuster des éléments de comparaison étrangers, qui dans la plupart
des cas sont sans rapport avec l’industrie minière et l’Afrique ;
• les difficultés à accéder aux renseignements financiers pertinents concernant les
parties liées à l’étranger à propos des opérations impliquant les prix de transfert,
en dépit d’une législation nationale qui exige la mise à jour et la divulgation sur
demande de la documentation contemporaine y relative et
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique vii

• les montants importants de capitaux reçus par les entreprises minières, qui génèrent
des questions complexes sur les prix de transfert, telles que la détermination des
primes de risque adéquates relative aux intérêts sur les prêts et les commissions de
garantie intragroupe, celles-ci n’étant pas suffisamment prises en compte par les
dispositions trop élémentaires des règles de sous-capitalisation ;
■■ compte tenu des antécédents en matière d’évasion fiscale et d’accords parfois
défavorables dans le secteur minier, les administrations fiscales ont eu tendance à
adopter des attitudes menant à des confrontations et des litiges avec les contribuables.
Ceci en dépit du fait que, dans de nombreux cas, il peut être plus efficace de parvenir
à une solution par le biais d’approches et de négociations faisant appel à un esprit de
coopération, en évitant de gaspiller des ressources et du temps en actions judiciaires
pouvant conduire à des résultats défavorables.

Pour surmonter certaines de ces complexités, les gouvernements africains ont eu tendance à
s’approprier une plus grande proportion des bénéfices en appliquant des niveaux relativement
élevés de retenues à la source sur les paiements à l’étranger de dividendes, d’intérêts, de
redevances, de frais de service, etc.
Recommandations sur la marche à suivre
Les gouvernements africains doivent répondre au grand besoin de renforcement des capacités
dans le domaine de l’administration fiscale en général et des prix de transfert en particulier,
ainsi qu’en matière d’amélioration de leurs connaissances des structures, des caractéristiques
des chaînes de valeur et des processus de l’industrie minière. Bien que la plupart des
juridictions aient déjà une législation adéquate en matière de prix de transfert, l’enjeu est d’en
assurer maintenant une application efficace par la mise en place de règlements d’application,
de structures et de capacités administratives adéquates.
Sur la base de notre étude, nous proposons la mise en œuvre des recommandations suivantes  :
Administrations fiscales africaines
1 Poursuite de l’élaboration et de l’affinage des dispositions législatives relatives aux prix de transfert,
en particulier leurs règlements d’application favorisant un respect et une conformité accrus à la loi, y
compris concernant les documents appropriés.
2 En fonction de l’assiette fiscale du pays, détermination des meilleurs arrangements de structure
institutionnelle relatifs aux prix de transfert :
• par la mise en place de départements chargés des gros contribuables (comme c’est souvent le
cas actuellement) avec des sections fonctionnelles spécifiques (y compris pour les prix de transfert)
apportant des bénéfices, notamment en termes d’efficacité, mais en évitant autant que possible le
risque d’isolement culturel du reste de l’organisation et la duplication des fonctions internes et des
efforts ou
• une structure basée sur les types de taxe ou les fonctions (en particulier si les ressources
spécialisées sont rares) qui pourrait traiter des problèmes relatifs aux prix de transfert dans le cadre
d’audits généraux ou avec l’appui de spécialistes internes en prix de transfert ou
• à la limite, une unité spécialisée autonome pour effectuer certains audits sur les prix de transfert.
Cette approche est actuellement rare en Afrique, mais peut être plus justifiable à l’avenir.
3 Prise en considération de l’établissement d’une équipe d’audit spécifique au secteur minier. Cela
dépendra de l’importance des recettes que ce secteur génère. En ce qui concerne les prix de
transfert, l’équipe d’audit spécialisée dans l’industrie minière interagira soit avec l’unité autonome, soit
avec certains spécialistes qui lui seront adjoints.
4 Développement d’une meilleure compréhension des caractéristiques de l’industrie et, en particulier, de la
chaîne de valeur des industries minières en ce qui concerne les produits minéraux extraits dans le pays,
ainsi que les recettes potentielles et les principaux éléments de coût pour chaque exploitation minière.
5 Négociation de conventions d’échange de renseignements avec les principales juridictions fiscales de
résidence des prestataires de services liés.
6 Évaluation de la pertinence de l’utilisation de la « sixième » méthode pour le transfert de produits
miniers vers les centres de services de commercialisation liés.
viii Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

Administrations fiscales africaines


7 Examen de la pertinence de l’utilisation de mesures de simplification comme les « régimes de
protection » pour les fonctions routinières et négociation d’accords préalables en matière de prix de
transfert (APP) avec les principaux producteurs, en particulier pour le prix d’exportation de minerais, si
nécessaire avec l’aide de consultants extérieurs spécialisés.
8 Adoption des recommandations du Rapport final BEPS 2015 sur l’Action 4 de l’OCDE, en vue de plafonner
les intérêts déductibles à un pourcentage fixe de l’EBIT (de l’ordre de 10 % à 30 %) d’une entité
individuelle (règle du taux fixe) ou attribution de la déduction des intérêts à diverses filiales en
proportion de leur contribution aux comptes consolidés de l’EMN (règle du taux de groupe).
Organisations internationales
9 Mise à disposition d’un éventail de possibilités de formation et de renforcement des capacités aux
administrations fiscales africaines pour la constitution d’un inventaire de compétences approprié sur les
prix de transfert comprenant :

• des ateliers internationaux axés sur les problèmes relatifs aux prix de transfert dans le secteur
minier qui sont actuellement organisés par le GBM, en coopération avec un certain nombre
d’institutions internationales, notamment la CEA, la GIZ et la MEfDA, et qui doivent être mis en
œuvre à partir de du début de l’année 2017. Ces ateliers pourraient également être ouverts aux
OSC et aux ONG ;
• une participation, possiblement cautionnée, à des cours universitaires diplômants ou non diplômants
appropriés ;
• des affectations de court et moyen terme vers des juridictions fiscales plus avancées ;
• l’utilisation temporaire de spécialistes fiscaux externes provenant d’autres juridictions fiscales ou du
secteur privé pour travailler aux côtés des ressources internes en mettant l’accent sur le transfert
de connaissances et
• la mise en place d’un suivi efficace des programmes de parrainage et plans de développement de
carrière clairement définis.
10 Focalisation sur la formation pour communiquer, s’engager et négocier efficacement avec les
contribuables, en promouvant une meilleure compréhension des règles d’imposition et le respect
volontaire de celles-ci, et réduisant ainsi les contentieux, ce qui nécessite :
• une amélioration des relations avec les contribuables grâce à une meilleure communication et
consultation ;
• une réduction de la tendance actuelle de prise de positions conflictuelles et
• un renforcement significatif des compétences en matière de communication et de négociation des
administrateurs fiscaux.
11 Création et soutien d’initiatives de coopération entre juridictions comme solution pragmatique provisoire
aux contraintes actuelles de capacité pour les prix de transfert. Parmi celles-ci figurent :
• la création d’Unités Multinationales de Prix de Transfert (UMPT) ponctuelles ou régionales mettant
en commun l’expertise de divers pays en fonction de règles de hiérarchisation et de partage des
coûts convenues ;
• le soutien de la mise en œuvre de l’initiative « Inspecteurs des impôts sans frontières » de l’OCDE ;
• l’acquisition en commun et le partage de bases de données comparables clés et de plates-formes
de partage des connaissances et d’apprentissage en ligne, qui seraient autrement hors de prix pour
les administrations fiscales individuelles au travers d’une institution de coordination (par exemple, le
Forum africain sur l’Administration fiscale (ATAF)) ;
• l’élargissement du réseau d’accords bilatéraux et multilatéraux internationaux d’échanges de
renseignements avec les pays africains, à l’aide de capacités informatiques améliorées et de la mise
en œuvre de l’initiative de déclaration pays par pays du projet BEPS.
12 Soutien et systématisation des efforts actuels consentis en faveur de la reconnaissance de l’affectation
des bénéfices provenant des avantages compétitifs liés à la localisation dans les pays producteurs, qui
dans le secteur minier comprendrait la valeur des « ressources minérales prêtes à l’accès » en Afrique.

En substance, les améliorations importantes à apporter à l’effectivité et à l’efficacité de


l’administration des règles relatives aux prix de transfert, qui pourront garantir que les pays
africains recueillent leur juste part de rentes tirées des ressources minérales provenant d’une
rapide expansion de l’industrie minière mondiale, nécessiteront beaucoup de temps et de
ressources financières, ainsi que des efforts concertés au niveau national, soutenus par une aide
internationale continue.
Table des matières

Résumé analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iii


1.  Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
2.  L’industrie minière et les prix de transfert en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2.1  Profil de l’industrie minière en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2.2  Analyse fonctionnelle : la chaîne de valeur minière et ses fonctions, actifs et risques 8
2.2.1  La chaîne de valeur minière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.2.2  Les fonctions réalisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2.3  Les actifs utilisés dans l’exercice des fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2.4  Les risques pris dans l’exécution des fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.3  Les quatre phases de conformité aux prix de transfert et les processus d’audit . . . . . 15
3.  Les risques pour les recettes de l’État découlant de la structure des EMN et des abus de
prix de transfert entre parties liées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3.1  Structures organisationnelles utilisées par les EMN du secteur minier et leurs
conséquences fiscales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3.2  Centres de services intégrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.3  Matrice des risques sur les recettes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.4  Centres de services de commercialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
3.5  Centres de services financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.5.1  Détermination des taux d’intérêt appropriés pour l’industrie minière . . . . . . . . . . . . . 28
3.5.2  Questions relatives à la sous-capitalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.5.3  Requalification de transactions d’emprunt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
4.  Développement et mise en œuvre de législations en matière de prix de transfert en
Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.1  Difficultés dans l’application de la législation sur les prix de transfert en Afrique . . . 34
4.2  Accès à des bases de données comparables et autres informations essentielles
d’audit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
4.3  Nécessité d’améliorer la communication et la coopération avec les parties
prenantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
4.3.1  Traiter et négocier efficacement avec les contribuables du secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
4.3.2  Traiter avec les organisations de la société civile et les communautés . . . . . . . . . . . . . . 37
4.4  Stratégies de simplification possibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
4.4.1  Régimes de protection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
4.4.2  Accords préalables en matière de prix de transfert (APP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
4.5  Problèmes découlant des conventions préventives de la double imposition (CPDI)
et du chalandage fiscal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
5.  Recommandations sur la marche à suivre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Annexe A. Sources principales de conseils dans les phases de vérification et d’audit
en matière de prix de transfert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

ix
1
Introduction

L a contribution du secteur minier à l’économie de nombreux pays africains a augmenté


bien plus rapidement ces dernières années que celle d’autres secteurs, accentuant ainsi
la dépendance de leur développement et de leur croissance économiques à cette l’industrie.
L’activité économique de l’Afrique associée aux industries minières est estimée à environ 20
pour cent13. Cet état de fait n’est pas surprenant, étant donné la richesse, la variété en minéraux
et compte tenu du potentiel indiscutable du continent, qui, au cours du dernier boom minier, a
fortement attiré l’investissement direct étranger (IDE) axé sur l’exploration et le développement
minier. On estime qu’en 201314, l’Afrique a attiré 2,9 milliards USD, soit 17 % des investissements
mondiaux en matière de prospection minière, principalement pour l’or, les métaux de base et
le fer. Lors du dernier décompte15 en 2013, à l’exclusion des mines artisanales, 301 mines en
exploitation en Afrique dominaient la production mondiale en cobalt (70,9 %), en platine (63,5
%), en diamants (53,8 %) et en chrome (48,2 %), et représentaient une part importante de la
production mondiale en or (18,9 %), en uranium (17,2 %) et en cuivre (10,5 %).
Bien que l’investissement dans l’industrie minière ait diminué au cours des deux dernières
années en raison d’importantes baisses des prix des matières premières, ceci semble s’être
maintenant stabilisé, ou même dans le cas de certaines matières premières semble avoir
augmenté. La réduction de la production et les retards dans le développement de nouveaux
projets (y compris les 333 projets africains au stade de l’étude de faisabilité et d’étude
approfondie) pourraient conduire à moyen terme à des pénuries d’approvisionnement qui
devraient aider à la remontée des prix et à ce que l’IDE dans le secteur minier puisse reprendre
sa tendance à la hausse. Il est donc essentiel que les juridictions africaines continuent à élaborer
un cadre réglementaire pour le secteur minier et des régimes fiscaux suffisamment efficaces pour
attirer les investissements directs étrangers dans l’exploration et le développement miniers. De
plus, il faudrait que ces régimes soient à même d’être appliqués sur le plan administratif, ce qui
garantirait que l’industrie minière des pays concernés soit sûre, responsable sur le plan social
et environnemental et qu’elles s’acquittent d’un montant équitable d’impôt sur les bénéfices
générés dans le pays producteur.
La nature globale de l’industrie minière, son appétit pour le capital-développement et la
pénurie générale en capitaux locaux et en expertise spécialisée font que la plupart des projets
miniers africains sont détenus et exploités par les filiales minières d’entreprises multinationales
(EMN) intégrées verticalement, couvrant la totalité de la chaîne de valeur minière et opérant
dans de nombreux pays, souvent par l’intermédiaire de différentes entités du groupe. Leurs
filiales minières exportent généralement la majorité de leurs produits minéraux et importent
des capitaux ainsi que d’autres biens et services. Le plus souvent, cela est rendu possible
par des transactions transfrontalières avec des compagnies associées qui font partie d’un

13
Mining in Africa - Towards 2020, KPMG 2012 (en anglais).
14
Metals and Mining de SNL, 2014 (en anglais).
15
Resource Information Unit, 2014 Register of African Mines (en anglais).

1
2 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

même groupe multinational, souvent établi dans les juridictions à faible imposition, ou
permettant la création d’entités à but spécial. La CNUCED16 (2015) estime qu’environ 30 % de
l’investissement transfrontalier à l’échelle mondiale passe par l’intermédiaire de ces centres de
services internationaux qui créent des possibilités d’évasion fiscale sur les revenus provenant
de ces investissements.
Le prix de transfert est le processus de détermination du prix des produits, des services et
des biens vendus entre parties liées au sein d’une EMN. Par exemple, si une filiale minière
vend des produits minéraux à une société mère, le prix payé pour ces marchandises à la filiale
s’appelle le prix de transfert. Le prix de transfert est une pratique normale dans le domaine
de la comptabilité d’entreprise. Cependant, certaines EMN peuvent utiliser les opérations de
transfert pour faire passer les bénéfices dans des juridictions à faible imposition afin de réduire
leur charge fiscale dans le pays où se trouvent les exploitations minières. Ceci est considéré
comme une manipulation et donc désigné sous le terme de « abus des prix de transferts ». Dans
le secteur minier, l’abus des prix de transfert est généralement dû à :
■■ une sous-facturation des produits miniers exportés à des parties liées et
■■ une surfacturation des transferts intrants (et une sous-facturation des transferts
extrants) pour des biens et des services de l’étranger fournis par des parties liées,
notamment pour des services de commercialisation et des services financiers, des
services aux entreprises et de soutien, des actifs corporels et incorporels, en particulier
le savoir-faire exclusif, les droits de propriété intellectuelle et la recherche et le
développement (R&D).

Dans cet ensemble de circonstances, il est essentiel pour les autorités fiscales d’être en mesure
de déterminer si les prix de transfert utilisés sont définis en conformité avec le «  principe
de la pleine concurrence  ». Ce principe est la pierre angulaire des règles internationales
d’examen des prix de transfert dans les transactions contrôlées entre des parties liées ou
associées1718. Ce principe requiert que le prix des transactions soit établi comme si les parties
étaient indépendantes, dans une situation de pleine concurrence, et s’engageaient dans des
transactions comparables dans des conditions et circonstances économiques semblables. Pour
appliquer le principe de pleine concurrence, il est nécessaire d’identifier une transaction entre
parties non liées suffisamment similaire, à partir de laquelle il est possible de dégager des
données comparables sur les prix et de les comparer aux prix de transfert appliqués dans la
transaction concernée avec une partie liée. Il peut être nécessaire de procéder à un ajustement
fiscal, là où le prix de transfert s’écarte de celui utilisé comme référence.
Cependant, il est souvent difficile de déterminer si une transaction a été évaluée selon le
principe de la pleine concurrence, dans les cas où les caractéristiques du produit minéral
transféré à des parties liées à l’étranger diffèrent sensiblement du produit finalement vendu à
une tierce partie indépendant ou sur le marché libre et que la transaction porte sur des actifs
incorporels difficiles à valoriser pour lesquels des données comparables, des connaissances et
l’expérience spécifiques à l’industrie pourraient ne pas être facilement disponibles au sein des
administrations fiscales.

16
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Rapport sur l’investissement
dans le monde 2015, Réformer la gouvernance de l’investissement international.
17
Pour de plus amples détails sur les actifs corporels et incorporels, consulter la publication « Prix de transfert
dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique : Guide de référence pour les fiscalistes ».
18
Deux entreprises sont associées (ou liées) l’une à l’autre si l’une des entreprises répond aux conditions figurant
dans l’article 9 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE, c.-à-d., si elle participe directement ou indirectement
à la gestion, au contrôle ou au capital de l’autre entreprise.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 3

Le principe de pleine concurrence est utilisé dans les modèles de conventions fiscales élaborés
par l’OCDE et l’ONU, et il est maintenant présent dans la législation nationale de la plupart
des pays en développement. Une conformité cohérente et appropriée au principe de pleine
concurrence corrobore les résultats en concordance avec les activités créatrices de valeur des
différents membres du groupe multinational, tout en réduisant le risque de double imposition.
L’ouvrage « Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises
multinationales et des administrations fiscales » de l’OCDE, actuellement en cours de mise à jour
pour tenir compte du Rapport final 2015 BEPS sur les actions 8 à 10, présente cinq méthodes qui
peuvent être utilisées pour appliquer le principe de la pleine concurrence, dont :
■■ la méthode du prix comparable sur le marché libre,
■■ la méthode du prix de revente,
■■ la méthode du prix du coût majoré,
■■ la méthode transactionnelle de marge nette (MTMN) et
■■ la méthode transactionnelle de partage des bénéfices (MTPB).

Certains pays en développement utilisent également de ce qu’on appelle la « sixième méthode »


qui implique l’utilisation obligatoire du cours des minerais cotés à leur date d’expédition à une
partie liée. Bien que cette méthode ait l’avantage de fournir des points de repère clairs et certains,
elle n’exige pas la considération des circonstances précises entourant la transaction proprement
dite, ce qui la rend moins compatible avec le prix de pleine concurrence. Cependant, l’OCDE
a indiqué que cette méthode peut être considérée comme une approche anti-abus appropriée
pour les pays en développement, en raison de difficultés à obtenir des données comparables
ainsi que pour sa simplicité administrative.
Les entités d’une EMN qui suivent l’approche énoncée dans les « Principes applicables en matière
de prix de transfert » de l’OCDE seraient tenues d’appliquer le principe de la pleine concurrence
dans la détermination des prix pour leurs transactions avec les parties liées. Il serait également
attendu qu’elles mettent à jour et à disposition leur documentation sur les prix de transfert, en
démontrant la manière dont elles ont choisi la méthode la plus appropriée, la façon dont le prix
de transfert a été calculé et la façon dont les résultats des diverses entités de l’EMN concernées
sont conformes aux activités de création de valeur. Cependant, dans la pratique, cela pourrait
ne pas être le cas, car les informations pourraient parfois ne pas exister, ou ne pas avoir été
mises à la disposition des administrations fiscales. Sans cette documentation, il est presque
impossible pour les administrations fiscales d’évaluer si les filiales sont parvenues à dégager
une estimation fiable du prix de transfert, selon le principe de la pleine concurrence. Certains
pays ont donc resserré leurs exigences législatives de façon à ce que les contribuables tiennent
à jour leurs documentations sur les prix de transfert et les fournissent automatiquement ou
sur demande. Dans le Rapport final 2015 BEPS, l’Action 13 sur la déclaration pays par pays de
l’OCDE recommande l’adoption par les administrations fiscales d’une approche à plusieurs
niveaux à la documentation relative aux prix de transfert : un fichier principal contenant des
informations sur l’ensemble de l’EMN et un fichier local qui se rapporte précisément aux
opérations entre parties liées qui ont lieu dans le pays hôte. La négociation d’accords d’échange
de renseignements avec les pays de résidence des filiales concernées des EMN et, à défaut, des
règles de présomption à appliquer lorsque les renseignements ne sont pas fournis peuvent être
des moyens efficaces de régler certaines de ces difficultés.
2
L’industrie minière et les prix de
transfert en Afrique

2.1  Profil de l’industrie minière en Afrique


De nombreuses économies africaines riches en minéraux ne sont pas bien diversifiées et sont,
dans de nombreux cas, fortement tributaires des industries minières. L’« indice de dépendance
des pays au secteur minier »19 du PNUD (sur la base de trois indicateurs : (i) la part du revenu
total des exportations provenant des industries extractives ; (ii) la part des industries extractives
dans le total des recettes publiques ; et (iii) la valeur ajoutée des industries extractives exprimée
en pourcentage du total) indique clairement la façon dont la plupart des pays d’Afrique
subsaharienne (par ex., la Namibie, la République centrafricaine, la RDC, la Zambie, le Mali,
etc.) sont fortement tributaires des activités minières. Cette conclusion est étayée par une
série d’indicateurs additionnels, y compris les recettes et les exportations de produits miniers
représentant au moins 20 % du total des recettes fiscales et des exportations (FMI), les recettes
moyennes sur 5 ans de ces ressources qui représentent plus de 20 % des recettes fiscales, et des
bénéfices tirés des rentes s’élevant à plus de 10 % du PIB (McKinsey Global Institute).
L’évasion fiscale par les sociétés minières dans les pays riches en ressources pourrait avoir
un effet désastreux sur les recettes générées et elle nécessite, par conséquent, une attention
particulière des administrations fiscales, qui doivent régulièrement évaluer les risques posés
par les prix de transfert dans le secteur minier et examiner leur stratégie de conformité et
l’affectation ultérieure des ressources, de façon à rester dynamiques en cas de modification
de la situation de l’industrie. Il est essentiel que l’expertise fort restreinte à la disposition
des audits sur les prix de transfert soit dirigée vers des transactions à risque élevé, tout en
favorisant le maintien d’une conformité générale par l’amélioration de la communication et
le développement de procédures simplifiées dans le traitement des transactions de routine.
Pour ce faire, les administrations fiscales doivent rechercher et analyser des renseignements
pertinents sur les opérations en se servant de critères fondés sur le risque pour identifier les
entreprises minières qui pourraient justifier une attention particulière.
Les administrations fiscales doivent, par conséquent, comprendre les caractéristiques de
l’industrie et, en particulier, le rôle spécifique que leur pays joue dans l’industrie à l’échelle
mondiale, ainsi que la chaîne de valeur pour certaines matières minérales extraites dans leur
pays. Cela implique l’obtention d’informations sur les éléments suivants :
■■ les EMN effectuant des opérations minières dans le pays, y compris le type de minéraux
extraits avec la forme et le volume des exportations, ainsi qu’une comparaison du
chiffre d’affaires et des flux de trésorerie ;

19
Hailu, D. et Kipgen, C., 2015. The Extractives Dependency Index, Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) (en anglais).

4
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 5

■■ la dynamique du marché permettant de déterminer la fourchette de prix


raisonnablement attendue lors de la vente de produits minéraux à une tierce partie
indépendante ;
■■ la structure des activités (tant juridique qu’opérationnelle) utilisée par chaque EMN
pour ses activités minières dans le pays et la façon dont cette structure s’inscrit dans la
structure globale de cette EMN ;
■■ la performance financière de haut niveau des EMN à l’échelle mondiale et la
contribution faite par les filiales minières et les autres entités liées opérant dans les
pays individuels et
■■ la comparaison de la performance financière des EMN à celle des sociétés minières
actives dans les pays individuels, afin d’acquérir des connaissances permettant de
distinguer celles dont le manque de performance pourrait être dû à l’abus des prix de
transfert ou à d’autres raisons (par exemple, une mauvaise gestion, une insuffisance
en capacités administratives, des facteurs relatifs aux activités). Cependant, tout en
éveillant l’attention de l’administration fiscale à la manipulation potentielle des prix
de transferts, un historique de faibles rendements récurrents ou même de pertes pris
isolément ne constitue pas pour autant une preuve.

Pour évaluer le risque d’abus des prix de transfert, il est également nécessaire de comprendre
le potentiel de recettes et les principaux éléments de coût de chaque exploitation minière. Le
type de matière première en sera le principal facteur, car les différentes matières premières ont
des caractéristiques différentes très marquées, telles que :
■■ la technologie d’extraction impliquée ;
■■ le niveau de production de tonnage de minerai ;
■■ le coût en capital initial ;
■■ le coût de production unitaire récurrent ;
■■ le traitement nécessaire en aval et les besoins énergétiques associés ;
■■ la dépendance au transport et à la logistique en tant qu’intrant majeur et
■■ les spécifications et les caractéristiques de commercialisation des minerais.

Par exemple, les caractéristiques de coûts seront très différentes entre les mines souterraines
et celles à ciel ouvert, particulièrement pour les matières premières en vrac (c.-à-d. fer et
charbon). Les mines à ciel ouvert présentent aussi des niveaux de revenus et de coût en capital
bien plus élevés du fait de leur production relativement importante en tonnage de minerai.
Les matières premières en vrac nécessitent d’importants investissements en infrastructures
portuaires et de transport, capables de convoyer de grandes quantités de minerai vers des
marchés d’exportation. Dans le contexte africain, il peut s’agir d’installations ferroviaires
transfrontalières qui nécessitent d’importantes négociations et une coopération étroite entre
les pays. Toutefois, en compensation, elles présentent généralement des coûts unitaires de
production plus faibles, en raison des économies d’échelle qu’elles dégagent.
Pour soutenir cet aspect du processus de profilage, l’étude comprend une base de données sur
les ressources minérales actuelles20 et de toutes les principales matières premières minérales en
exploitation dans chaque pays africain21, comme illustré dans le tableau 1 pour le cuivre. La
base de données catégorise les mines en fonction :
■■ des minéraux produits (p. ex., or, métaux de base, charbon, etc.) ;
■■ du type d’exploitation minière (à ciel ouvert ou souterraine) ;

20
Les informations proviennent des publications de l’US Geological Survey (USGS) et de la British Geological
Survey (BGS), de MinEx Consulting, ainsi que du site Internet de différentes sociétés et de groupes du secteur.
21
Informations extraites principalement du Register of African Mines 2014 de la Resource Information Unit (RIU)
et de diverses autres sources publiées et non publiées. Pour de plus amples détails, consulter la publication
« Prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique : Guide de référence pour les fiscalistes ».
6 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

Tableau 1 : Répartition géographique des exploitations minières de cuivre en Afrique


(jaune = « petite », vert clair = « moyenne » et vert foncé = « grande »)

À ciel ouvert et
À ciel ouvert Souterraine souterraine

Moyenne

Moyenne

Moyenne
Grande

Grande

Grande
Petite

Petite

Petite
Étude
Pays approfondie Expl.
Afrique du — — — 1 1 — — — —  2
Sud
Angola — — — — — — — — —  1 —
Botswana 1 1 — — — — 1 — —  3  7
Burkina Faso — — — — — — — — — —  1
Côte d’Ivoire — — — — — — — — — —  1
Érythrée — 1 — — — — — — — —  2
Éthiopie — — — — — — — — — —  1
Guinée — — — — — — — — — —  1
Kenya — — — — — — — — — —  2
Maroc — — — — — — — — —  1  3
Mauritanie — 1 — — — — — — — — —
Mozambique — — — — — — — — — —  2
Namibie — — — 1 — — — — —  7 12
Ouganda — — — — — — — — — —  2
RDC 2 5 1 — — — 1 1 — 11 20
Tanzanie — — — — — — — — —  1  5
Zambie — — 2 1 4 1 — — —  5 18
Totaux 3 8 3 2 5 2 2 1 — 29 79

■■ de leur taille (classée comme « petite », « moyenne » et « grande » selon qu’elles tombent
respectivement au-dessous, entre ou au-dessus du premier et du troisième quartile
de la capacité quotidienne de production, avec la catégorie «  grande  » représentant
généralement un gisement majeur ou de classe mondiale) et
■■ du nombre et de l’importance des projets de développement actuels et du potentiel
d’exploration.

De manière caractéristique, les capacités de milieu de gamme ont été ensuite utilisées pour
identifier un ratio-type du volume de matières à dégager pour chaque tonne de minerai extrait
(«  ratio de décapage  ») et la méthode d’exploitation respective des opérations à ciel ouvert
et souterraines. Sur cette base, l’ordre de grandeur des recettes attendues et les principaux
éléments de coûts, dont les éléments du capital et des dépenses récurrentes, ont été évalués
pour chaque opération-type. Le détail de ces coûts, illustré au tableau 2, fournit une première
indication des activités et des transactions financières importantes dans différents types de
mines et qui devraient être traitées en priorité en raison de leur sensibilité potentielle à des
Tableau 2 : Attribution des coûts pour les opérations minières africaines « types » à ciel ouvert

Opérations d’une mine à ciel ouvert type


Matière première Or Cuivre Minerai de fer Charbon Diamants

Ratio de décapage 4 pour 1 4 pour 1 4 pour 1 20,2 pour 1 4 pour 1


Dépenses d’exploitation 72 981 000 $ 88 099 200 $ 212 868 006 $ 204 481 977 $ 43 315 200 $
annuelles totales
Fournitures et 29 673 000 $ 41 % 34 029 000 $ 39 % 7 315 200 $ 3 % 23 000 630 $ 11 % 7 315 200 $ 17 %
consommables
Main-d’œuvre et opération 30 915 000 $ 42 % 38 782 800 $ 44 % 28 080 000 $ 13 % 50 015 923 $ 24 % 28 080 000 $ 65 %
de l’équipement
Administration 5 751 000 $ 8 % 7 284 600 $ 8 % 3 974 400 $ 2 % 7 603 200 $ 4 % 3 974 400 $ 9 %
Transport – $ 0 % – $ 0 % 169 552 806 $ 80 % 116 364 605 $ 57 % – $ 0 %
Divers 6 642 000 $ 9 % 8 002 800 $ 9 % 3 945 600 $ 2 % 7 281 619 $ 4 % 3 945 600 $ 9 %
Total des dépenses en 202 717 700 $ 191 801 100 $ 96 491 400 $ 254 699 100 $ 96 491 400 $
capital
Achats et installation 93 576 900 $ 46 % 87 273 200 $ 46 % 45 976 600 $ 48 % 171 682 100 $ 67 % 45 976 600 $ 48 %
d’équipements
Préproduction et 7 239 800 $ 4 % 7 239 800 $ 4 % 7 239 800 $ 8 % 18 079 900 $ 7 % 7 239 800 $ 8 %
préparation du site
Installations et bâtiments 35 737 500 $ 18 % 32 777 700 $ 17 % 11 683 700 $ 12 % 13 838 300 $ 5 % 11 683 700 $ 12 %
Conception et gestion 22 387 400 $ 11 % 21 337 400 $ 11 % 12 149 100 $ 13 % 24 414 000 $ 10 % 12 149 100 $ 13 %
Installation de traitement 17 379 000 $ 9 % 17 511 200 $ 9 % – $ 0 % – $ 0 % – $ 0 %
des stériles
Capital de croissance et 18 692 200 $ 9 % 17 956 900 $ 9 % 11 737 300 $ 12 % 6 493 400 $ 3 % 11 737 300 $ 12 %
fonds de roulement
Divers 7 704 900 $ 4 % 7 704 900 $ 4 % 7 704 900 $ 8 % 20 192 400 $ 8 % 7 704 900 $ 8 %
8 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

problèmes de prix de transfert lors du passage en revue des principaux types de risques pour
les recettes publiques22.
Il est important de noter que les différentes matières premières ont diverses caractéristiques
marquées qui dépendent :
■■ de la technologie d’extraction utilisée ;
■■ du niveau de production de tonnage de minerai ;
■■ du coût en capital initial ;
■■ du coût de production unitaire récurrent ;
■■ du traitement nécessaire en aval et les besoins énergétiques associés ;
■■ de la dépendance au transport et à la logistique en tant qu’intrant majeur et
■■ des spécifications et les caractéristiques de commercialisation des minerais.

Comme le montre le tableau 2, contrairement à l’extraction en vrac, qui en général conduit à


la production et l’exportation du minerai concassé et criblé avec peu ou pas d’enrichissement,
certains métaux, tels que le cuivre, et dans une moindre mesure l’or, nécessitent des
investissements importants dans la transformation en aval et l’élimination des déchets tels
que les digues à stériles, et ils sont souvent commercialisés en tant que concentrés (par ex., le
concentré de cuivre aurifère) ou les métaux bruts et affinés (par ex., cuivre brut, doré).
Comme examiné plus en détail ci-dessous, lorsqu’il s’agit de centres de services de
commercialisation, les spécifications des produits vont du très strict pour les métaux affinés
vendus sur les marchés finaux (par ex., la London Metals Exchange) à plus variable pour les
concentrés et les produits intermédiaires, jusqu’aux spécifications du client pour les métaux
spéciaux et aux minéraux industriels et aux spécifications strictement basées sur la qualité
pour les diamants et les pierres précieuses en général. Ces différences de marché et la nature
des conventions d’écoulement de la production (« off-take contract ») peuvent être la source
de difficultés importantes pour l’administration fiscale dans la détermination de la conformité
des prix de transfert avec le principe de pleine concurrence.

2.2 Analyse fonctionnelle : la chaîne de valeur minière et ses fonctions,


actifs et risques
Le point de départ de l’analyse des prix de transfert est l’identification des conditions réelles
des accords entre les parties liées, en déterminant à quel point ces conditions reflètent vraiment
la réalité économique de chacune des parties. Pour les identifier, la phase d’audit donne lieu
à un processus rigoureux d’analyse fonctionnelle de la chaîne de valeur minière. Cette phase
permet d’analyser les fonctions (F) effectuées, les actifs (A) utilisés et les risques (R) assumés
par chacune des parties dans la réalisation de ces fonctions. Les auditeurs devront poser
des questions et obtenir les documents afin qu’ils puissent vérifier si ce qui est rapporté est
exact (des questionnaires détaillés ont été mis au point à cet effet dans le guide sur les prix de
transfert). Le mieux est de le faire directement dans les bureaux de l’exploitation minière avec
le personnel plutôt que par l’entremise d’un intermédiaire (comme un expert-comptable ou un
avocat), étant donné que l’objectif consiste à établir les faits visant à permettre l’identification des
parties responsables des principales activités à valeur ajoutée. Il peut être nécessaire d’obtenir
des informations auprès d’autres sources, y compris en échangeant des renseignements en
provenance d’autres pays, dans les cas où les entités minières ont apparemment des activités
à valeur ajoutée limitées. Le processus exige une connaissance approfondie de la chaîne de
valeur de l’industrie minière et de ses divers produits minéraux, processus et procédures.

22
Les informations sur les coûts proviennent de la base de données de CostMine.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 9

Figure 1 : Chaîne de valeur ajoutée du cycle minier montrant la nature et la


chronologie des transactions possibles entre parties liées

TRANSFERT DE PRODUITS MINÉRAUX

Transport Négoce,
Acquisition Construction Exploitation Fonte
Commercia-
et et et Routier, ferroviaire, et
lisation et
prospection développement Concentration portuaire et affinage
ventes
maritime

Services d'entreprise

CENTRE DE SERVICES DE COMMERCIALISATION

CENTRE DE SERVICES FINANCIERS

CENTRE DE SERVICES SCIENTIFIQUES, TECHNIQUES ET D'INGÉNIERIE

CENTRE DE SERVICES D’ASSURANCES

2.2.1 La chaîne de valeur minière


La figure 1 illustre les étapes typiques de la chaîne de valeur minière depuis l’exploration initiale
jusqu’à la commercialisation de métaux affinés sur les marchés finaux. Le degré d’intégration
verticale au sein d’une même entité imposable dépend de la nature des produits minéraux
vendus, et est fonction du degré de transformation entrepris en amont, qui va :
■■ du minerai concassé et criblé avec peu ou pas d’enrichissement, par exemple, les
matières en vrac telles que le minerai de fer, le charbon, la roche phosphatée, etc. ;
■■ aux concentrés minéraux et autres, partiellement transformés en aval, produits
minéraux (par ex., les métaux de base et concentrés de nickel ainsi que divers autres
produits intermédiaires) et
■■ jusqu’aux métaux après fusion et affinage.

C’est à ces différents niveaux de ventes à des entités non liées dans un marché libre, ou de
transferts à une entité liée faisant partie de l’EMN propriétaire de la société minière, que les
bénéfices imposables dans le pays producteur sont générés.
10 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

Les cas dans lesquels une EMN mène son activité minière dans un pays en développement, en
son nom à travers une succursale minière locale, sont relativement rares, car la plupart des pays
africains exigent que les projets miniers soient séparés23, c.-à-d., que chaque projet soit détenu
et opéré par une filiale minière spécifique de l’EMN (hormis des investissements publics
souvent minoritaires (généralement autour de 10 %)), dûment enregistrée et imposable dans le
pays hôte. L’utilisation de succursales par les EMN, même si elle est permise, est généralement
découragée par l’application de taux d’imposition très différents, ce qui reflète peut-être le
réseau limité de conventions préventives de la double imposition (CPDI) en Afrique.
Même lorsqu’un projet minier est entièrement intégré verticalement depuis la phase
d’exploration jusqu’à la commercialisation des métaux affinés, il est peu probable que tous
les intrants à la chaîne de valeur ajoutée soient fournis par des unités fonctionnelles internes.
Son processus de production impliquerait souvent des transactions client-fournisseur avec des
fournisseurs liés, c’est-à-dire des entités (des filiales ou des succursales) qui sont la propriété
et sous le contrôle de l’EMN qui détient aussi le projet minier.
2.2.2 Les fonctions réalisées
Les fonctions peuvent être classées comme suit :
■■ les fonctions primaires, c.-à-d., celles directement associées à des activités de base
comme l’exploration, l’extraction, le traitement et la vente des produits minéraux
indiqués en vert sur la figure 2, et
■■ les fonctions secondaires, c.-à-d., les fonctions d’appui qui ne sont pas directement
liées à la découverte, l’extraction et l’élimination des minéraux, comme les services
à l’entreprise (comptabilité, finances, gestion des ressources humaines (RH),
technologies de l’information (TI), assurances, services juridiques, etc.), en orange.
Elles comprennent aussi des fonctions de routine et spéciales.

La figure  1 montre comment les transactions avec des parties liées peuvent se produire à
n’importe quelle étape de la chaîne de valeur minière et peuvent être réparties comme suit :
■■ les transferts sortants de produits minéraux vers une partie liée, et
■■ les transferts (entrants et extrants) de biens et services entre parties liées.

Les fonctions peuvent être effectuées par une partie liée pour différentes raisons, y compris
pour des questions de capacité, d’économies d’échelle et de fiscalité. Parmi les fonctions les
plus communes ayant cours dans le secteur minier, on relève les suivantes :
■■ recherche et développement (R&D) et services techniques au cours de la phase
d’exploration ;
■■ conception, ingénierie, approvisionnement, transport, logistique, trésorerie, assurance
et services juridiques au cours de la phase de développement et de construction  ;
■■ développement de la propriété intellectuelle, acquisition ou location du matériel
d’extraction et transport, logistique, ingénierie et services techniques, trésorerie,
assurance, services juridiques et de relations publiques (RP) au cours des étapes
d’extraction minière et de concentration et

Il faut faire remarquer qu’alors que les dispositions pour la séparation des exploitations les unes des autres
23

sont généralement appliquées dans le monde dans le contexte des redevances minières, cela n’est pas la norme
pour l’impôt sur les sociétés dans les pays développés, où les pertes peuvent généralement être contrebalancées
par des revenus imposables produits par une entreprise liée.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 11

Figure 2 : Diagramme montrant une opération minière complètement intégrée


verticalement, délimitée en rouge, et ses relations possibles avec des centres
prestataires de services (adapté du Manuel des industries extractives de TPA)

Services de RH, de comptabilité, de TI, juridiques et de RP Siège social


Services d'entreprise

Services d’expédition
Centre de
et de distribution pour
services de
la commercialisation
commercialisation
Services de trésorerie et de financement, provision de prêts et de garanties

Transfert du minerai Transfert du Centre de services


et des concentrés produit fini financiers

Exploitation, Transport
Fonte et Commercialisation Ventes des Clients
concentration, routier,
affinage et produits finis externes
R&D ferroviaire,
ventes
portuaire

Centre de services
d’assurances
Services de courtage en assurance et d’assurance captive
EPC/EPCM

Centre de services
scientifiques, techniques
Licence d’utilisation de la Services techniques, d’ingénierie, et d’ingénierie
propriété intellectuelle incorporelle de R&D et de laboratoire

Entité imposable dans le pays producteur

■■ ventes, relation clients, engagements, entreposage, expédition, assurance, logistique


et services de gestion des opérations de change au cours des étapes de négoce, de
commercialisation et de vente.

Les détails de certaines de ces fonctions varient évidemment par rapport à la conception de
la mine et son échelle et, surtout, à la nature des matières extraites et des matières premières
minérales obtenues et vendues, ce qui amène à des différences potentiellement importantes
dans les techniques de traitement utilisées et leurs caractéristiques de commercialisation.
Les problèmes relatifs aux prix de transfert peuvent apparaître lorsque le rendement des
fonctions effectivement exercées dans le pays hôte par la filiale minière est prétendument
accompli ailleurs par la multinationale, souvent dans des juridictions à faible imposition ou
lorsque le prix de ces fonctions ne respecte pas le principe de la pleine concurrence.
Compte tenu de l’échelle du secteur minier, l’importance financière de certains transferts
et transactions intrants et extrants avec des parties liées peut être très élevée. Cela pose des
problèmes cruciaux pour les estimations des prix de transfert. Pour les recettes découlant de
ces estimations, le risque varie de relativement faible dans le cas de transactions de routine
où des éléments de comparaison pertinents peuvent être facilement disponibles, à très élevé
pour des transactions plus complexes impliquant le transfert de matières premières minérales
12 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

intermédiaires difficiles à évaluer avec des prix normalement non cotés sur les marchés finaux,
ou des biens incorporels tels que la R&D et la propriété intellectuelle, les brevets et licences, etc.
2.2.3 Les actifs utilisés dans l’exercice des fonctions
Le tableau  3 dresse la liste des actifs courants utilisés par les industries minières. Dans le
secteur minier, la majorité des actifs corporels est utilisée dans les opérations quotidiennes
et est facilement identifiable, car susceptible d’être située dans le pays hôte et d’appartenir à
la filiale minière. Les biens corporels sont généralement financés et amortis sur leur durée de
vie utile, à des taux fixés par la législation fiscale. Il est possible que certains équipements et
installations soient loués auprès de tiers indépendants (ce qui fournit des informations utiles
sur l’application du principe de pleine concurrence) ou auprès d’entités liées.
Les actifs incorporels utilisés par les industries minières (c.-à-d. des actifs non physiques ou
financiers susceptibles d’être détenus ou contrôlés) comprennent les droits miniers qui, d’un
point de vue économique, sont les plus importants et qui sont généralement accordés par le
gouvernement ou acquis. Les autres biens incorporels peuvent être utilisés, généralement pour
l’exercice de fonctions spécialisées et non routinières qui normalement exigent également des
compétences et une expertise professionnelle particulières. Les problèmes de prix de transfert
peuvent apparaître lorsque les actifs sont transférés entre parties liées dans des conditions ou
à des prix qui ne respectent pas la pleine concurrence.
La compensation pour l’utilisation d’actifs incorporels difficiles à valoriser dans l’industrie
minière (généralement pour des fonctions primaires d’extraction) donne souvent lieu à des
revendications comportant des marges importantes, soumises à travers des licences ou des
redevances d’utilisation. Elles comprennent :
■■ les concessions d’exploration et d’exploitation minière, ainsi que d’autres licences
offrant un accès juridique à des réserves et ressources minières de valeur ;
■■ la propriété intellectuelle et les brevets couvrant les inventions, les méthodes, les
procédés et prototypes industriels innovants, les logiciels et bases de données, etc. ;
■■ le savoir-faire et l’expertise gestionnaire spécialisés (par ex., géosciences, conception,
développement et construction des mines, méthodes d’extraction et technologies de
production et de traitement métallurgiques, etc.) et les capacités en matière de R & D et
■■ les compétences d’expertise et d’intelligence spécialisées dans l’identification et la
satisfaction des exigences et spécifications uniques des clients pour les minerais qui ne
sont pas couramment négociés dans les marchés finaux, créant ainsi une valorisation
dans l’utilisation et la capture de précieux marchés de niche, et les brevets et marques
de commerce s’y rattachant, etc.

L’examen de ces revendications est un défi pour les administrations fiscales, car le processus
est souvent entravé par le manque de données comparables disponibles. Cette situation
est particulièrement prononcée dans les pays en développement en raison de la rareté des
entreprises indépendantes et des transactions sur le marché libre. Fait important, le Rapport final
BEPS 2015 sur les Actions 8 à 10 fournit des lignes directrices mises à jour pour l’établissement
des prix dans les situations de pleine concurrence pour les biens incorporels, qui tiennent
notamment compte du fait que la propriété juridique ne « détermine » pas les rendements des
biens incorporels.
Ce que l’on appelle « les avantages spécifiques liés à la localisation » constitue une catégorie
spéciale de biens incorporels. Malheureusement, les règles de comptabilité ne prévoient
pas jusqu’à maintenant de normes de capitalisation pour les avantages spécifiques liés à la
localisation individuels comprenant, dans le cas des pays en développement riches en minéraux,
un accès facile aux ressources minérales et des obstacles environnementaux et réglementaires
moindres en matière de développement des mines et de leur exploitation, ainsi que d’autres
« synergies », telles que la disponibilité d’une main-d’œuvre comparativement moins chère,
mais compétente, etc. Par conséquent, leur valeur n’est que partiellement et occasionnellement
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 13

Tableau 3 : Principaux types d’actifs d’une entreprise minière

Construction et Négoce,
Exploration et développement Exploitation Enrichissement, commercialisation
découverte de la mine de la mine fusion et affinage et vente
Licences et droits Conception Techniques Procédés Portefeuilles et
d’exploration et technique (I) d’exploitation (I) d’enrichissement relations clients (I)
d’exploitation (I)
minière, (I)
Droits d’accès et Machinerie Installations, Installations Activités de
de surface (I) technique (C) équipement et et équipement commercialisation
infrastructure d’enrichissement et de distribution
d’exploitation (C) (C) (I + C)
Droits de forage Savoir-faire en Gestion et Gestion et Gestion et
(I) conception, infrastructure infrastructure infrastructure
approvisionnement logistiques (I +C) logistiques (I +C) logistiques (I + C)
et gestion de
projet (I)
Équipement Installations et Installation, Propriété Expédition et
et machines équipement de équipement et intellectuelle en entreposage (C)
d’exploration et construction, infrastructure pour relation avec
de laboratoire (C) de forage et le transport (C) les procédés
d’excavation (C) et protocoles
de fusion et
d’affinage (I)
Études Camp de Valeur des Installations Stocks de produits
topographiques (I) construction et ressources et équipement (C)
infrastructure minérales et des de fusion et
logistique (C) réserves incluses d’affinage (C)
dans le prix
d’acquisition des
droits d’exploi-
tation auprès
d’une tierce partie
(pas par le biais
de la découverte)
(I)
Études Développement de Inventaire et piles Inventaire et piles Savoir-faire en
géologiques (I) la mine (C) de stockage de de stockage de commercialisation (I)
minerai abattu (C) concentré, de
minerai, et de
métaux (C)
Études Logiciel / centres
géochimiques (I) de commerce (I)
Études Aspects spécialisés
géophysiques (I) de la gestion de la
chaîne d’approvi-
sionnement (I)
Équipements de Procédés
transport et de d’innovation des
communication et produits (I)
installations du
camp (C)
Techniques Droits de
et savoir-faire distribution (I)
d’exploration (I)

(suite)
14 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

Tableau 3 : Suite

Construction et Négoce,
Exploration et développement Exploitation Enrichissement, commercialisation
découverte de la mine de la mine fusion et affinage et vente
Propriété Savoir-faire dans la
intellectuelle négociation des prix
relative à la pour les matières
télédétection et premières peu
aux techniques courantes (I)
des SIG et bases
de données
associées (I)
Propriété propriété
intellectuelle intellectuelle
relative à la relative à la
négociation, à la négociation, à la
structuration des structuration des
contrats et à la contrats et à la
gestion des co- gestion des co-
entreprises (I) entreprises (I)

I = actifs incorporels, C = actifs corporels, I + C = actifs incorporels et corporels


comptabilisée sous la dénomination générale «d’écart d’acquisition » (« goodwill » en anglais).
Le débat sur les avantages spécifiques liés à la localisation se poursuit et il subsiste des vues
divergentes sur le plan international quant à la mesure dans laquelle ces avantages pourraient
et devraient être considérés comme importants pour les résultats sur les bénéfices au niveau de
l’entité dans un pays donné. Dans la mise à jour des « Principes de l’OCDE applicables en matière
de prix de transfert », le Rapport final BEPS 2015 sur les actions 8 à 10 indique que l’existence et
la répartition des avantages spécifiques liés à la localisation entre les membres d’une EMN
devraient être fondées sur une analyse fonctionnelle avec des ajustements de comparabilité, à
réaliser le cas échéant24.
2.2.4 Les risques pris dans l’exécution des fonctions
Il est nécessaire d’établir une compréhension claire de la nature des risques (R) que les sociétés
minières sont susceptibles d’affronter le long de la chaîne de valeur minière et de savoir qui
assume ou gère précisément ou d’office ces risques. Ceci est crucial pour la détermination de la
partie dans une transaction qui devrait avoir droit à une plus grande – ou plus petite – part des
avantages économiques qui en découlent, afin d’équilibrer le risque par rapport à la rentabilité,
et de déterminer la méthode de prix de transfert appropriée qui reflète le risque dans une
situation de pleine concurrence.
Par exemple, un centre de services de commercialisation à l’étranger peut devenir détenteur
légal d’un produit minéral venant de la filiale et le vendre à son tour à ses propres clients non
liés. Dans ce cas, le centre de services assume un certain nombre de risques, y compris le risque
sur le prix (c.-à-d., qu’il est responsable de la négociation des contrats avec des tiers), le risque
du marché (c.-à-d., une baisse éventuelle de la demande de la matière première), et le risque
sur l’approvisionnement (c.-à-d., l’incapacité de la filiale à produire le volume que le centre
de services a déjà vendu aux clients). Le niveau de risque pris par le centre de services de
commercialisation peut justifier une rémunération plus élevée que s’il donnait simplement des
informations sur les conditions du marché et l’identification des clients.

24
Pages 43–44, Rapport final BEPS 2015 sur les Actions 8 à 10.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 15

Tableau 4 : Principaux types de risques rencontrés par une entreprise minière (Source :
TPA Global).

Acquisition / Traitement du Commercialisation /


Risques Exploration Exploitation minerai Négoce Vente
Risques exogènes
Risques de marché — x x X X
Risques de change X X x x x
Risques sociaux, X X x — —
politiques, souverains et
juridiques
Risques de catastrophes X X x — —
naturelles
Risques X X x — —
environnementaux
Risques endogènes
Risques d’exploration X — — — —
Risques d’exploitation x x x x x
Risques de traitement — X X — —
Risques de sous- — x x x —
utilisation et de
disponibilité des
capacités
Risques de transport — X X X X
Risques liés aux stocks — X X X X
Risques de — X X X X
responsabilités associées
aux produits
Risques de crédit — X X X X

— = risque limité, x = risque modéré, X = risque élevé

Le tableau 4 présente les principaux risques (R) qui se posent aux différents stades de la chaîne de
valeur minière. Les risques sont regroupés en deux catégories principales de risques exogènes
(c.-à-d., externes à l’entreprise) et endogènes (c.-à-d., inhérents à la nature de l’entreprise et à
ses opérations et activités).

2.3 Les quatre phases de conformité aux prix de transfert et les


processus d’audit
Souvent, les discussions à propos des prix de transfert portent sur l’audit d’un cas particulier,
mais les administrations fiscales ont beaucoup plus qu’un simple audit à faire pour s’attaquer
efficacement aux prix de transfert. Les administrations fiscales ont des ressources limitées et
avant que celles-ci ne soient utilisées d’une manière permettant d’obtenir le meilleur résultat
pour le pays hôte de l’exploitation minière, les mécanismes pratiques suivants doivent être en
place :
16 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

■■ Phase  1, la sélection de cas – sélection de l’entreprise à vérifier en définissant les


risques importants à traiter et leurs niveaux de priorité, et quels groupes économiques,
industries ou contribuables peuvent présenter de tels risques ;
■■ Phase 2, l’évaluation du risque – sélection des questions devant trouver réponse dans
la vérification des EMN identifiées ;
■■ Phase 3, l’audit – identification et réalisation de l’action nécessaire à la gestion des
risques spécifiques au contribuable concerné allant jusqu’au redressement (si
nécessaire), qui comprend la détermination de facteurs comparables par une analyse
fonctionnelle (considérant les fonctions exercées, les actifs utilisés et les risques assumés
par les différentes parties dans les transactions le long de la chaîne de valeur minière)
de l’exploitation et du traitement jusqu’au transfert de produits minéraux, en passant
par les modalités du contrat, les stratégies d’affaires et la conjoncture économique ;
■■ Phase  4, la résolution – résolution des risques passés et futurs, avec la négociation
comme activité clé pendant cette phase qui peut impliquer l’arbitrage, le contentieux,
des mécanismes de résolution des doubles impositions, voire des accords préalables
en matière de prix de transfert (APP).

Les principales caractéristiques de ces processus sont résumées dans le tableau 5, tandis que
les principales sources d’instructions relatives aux quatre phases de la vérification et d’audit en
matière de prix de transfert sont schématisées dans l’annexe A.
Il est très important pour les administrations fiscales de revoir leur gestion des risques et leurs
décisions relatives à la répartition des ressources dans le secteur minier à intervalles réguliers,
car elles peuvent s’enliser dans le passé et ne pas parvenir à identifier et à traiter les risques
découlant de la modification fréquente apportée par les EMN à leurs dispositions. Les audits
portant sur les prix de transfert miniers peuvent prendre plusieurs années à finaliser et, durant
cette période, il est possible de manquer des occasions de mettre en œuvre des changements
politiques et législatifs ou administratifs visant à réduire les risques de non-conformité future.
Il faut trouver le bon équilibre entre « punir le passé » et « corriger l’avenir ».
Tableau 5 : Phases et étapes dans la vérification et les audits de prix de transfert
Analyse de l’industrie
Phase dans son ensemble Analyse du marché Analyse commerciale Analyse de rentabilité Analyse fonctionnelle
Phase 1 Analyse de l’industrie afin Analyse du marché (par ex. Analyse de l’activité Analyse de la rentabilité Analyse des fonctions
Qui est concerné d’identifier les produits l’approche des cinq forces commerciale par rapport à entre EMN. réalisées dans la
minés et exportés et qui de Porter) pour connaître ces contemporains et aux juridiction à un niveau
Identification de celles
est impliqué. Recherche les prix et les coûts résultats déclarés passés. élevé. Identification
qui semblent avoir
de la compréhension raisonnablement prévus pour de celles qui ont des
Compréhension de qui un faible niveau de
des comportements produits minés et exportés. opérations importantes
a réalisé d’importantes rentabilité par rapport à
et résultats fiscaux Identification de qui semble dans le pays.
quantités de transactions leurs concurrentes.
attendus. Identification bien diverger par rapport aux
des caractéristiques qui résultats de l’analyse. entre parties liées.
peuvent signaler des
préoccupations fiscales.
Phase 2 Recherche de la Recherche de la Recherche de la Examen des états Réalisation d’un
Quels sont compréhension de compréhension du marché compréhension de la financiers sur plusieurs examen fonctionnel
les problèmes la chaîne de valeur et de son impact sur performance économique années. Recherche initial pour identifier les
présents ? de l’industrie et des la probabilité et les et fiscale de l’activité de la compréhension fonctions qui semblent
problèmes fiscaux conséquences de la commerciale. des raisons pour la être importantes et
associés et des présence de problèmes performance fiscale préoccupantes.
Recherche de la
indicateurs qui en fiscaux. inférieure aux prévisions
compréhension des raisons
révèlent l’existence. raisonnables.
pour toute divergence
entre les principaux ratios
et les résultats.
Phase 3 Un processus similaire aux quatre étapes suivantes devrait être utilisé lors d’un audit sur les prix de transfert :
Vérifier les pièces Étape 1 : Identification des conditions réelles. Recueil et examen des faits et pièces justificatives.
justificatives Étape 2 : Analyse, identification et ajustement pour des circonstances comparables pertinentes dans des conditions de pleine
concurrence, sélection de la meilleure méthode de pleine concurrence.
Étape 3 : Application des règles de prix de transfert pour assurer la cohérence les lignes directrices concernées (par ex., OCDE, ONU,
spécifiques au pays).
Étape 4 : Mise à jour ou modification des prix de transfert si nécessaire, décision d’un éventuel report en arrière ou en avant, surveillance
de la conformité continue.
Phase 4 Résolution de l’ajustement avec le contribuable et les autres administrations fiscales (procédures amiables).
Résoudre les Identification des autres entités dans l’industrie ou le marché ayant des problèmes similaires et considération de la provision
problèmes d’instructions supplémentaires ou d’une action justifiée pour garantir la conformité.
Liens https://www.ato.gov.au/Business/Large-business/In-detail/Large-business-bulletin/Current-edition/Large-business-bulletin-September-
2014/?page=5 (en anglais) (pour un exemple d’analyse générale du secteur de l’énergie et des ressources et d’une stratégie applicable).
https://www.ato.gov.au/WorkArea/DownloadAsset.aspx?id=37943 (en anglais).
3
Les risques pour les recettes de
l’État découlant de la structure
des EMN et des abus de prix de
transfert entre parties liées

3.1 Structures organisationnelles utilisées par les EMN du secteur


minier et leurs conséquences fiscales
La chaîne d’exploitation minière se compose d’une série d’activités reliées entre elles comprenant
l’exploitation, la logistique et la commercialisation. Les EMN peuvent introduire des structures
internationales complexes lors de la configuration de leur structure en vue d’un investissement
dans une entreprise minière ou à la suite d’une restructuration d’arrangements existants, ce afin
d’optimiser leur activité. Il en résulte une fragmentation de la chaîne d’approvisionnement, qui
peut mener au transfert des bénéfices hors du pays hôte où ont lieu les activités minières.
Ceci est dû au fait que les processus d’optimisation des activités commerciales ont tendance
à regrouper la majeure partie des actifs incorporels spécialisés d’une EMN ainsi que ses
capacités non routinières d’ajout de valeur dans des centres de services intégrés ou des filiales
situées à l’étranger, souvent dans des juridictions à faible imposition. Il en résulte une érosion
de la base d’imposition du pays hôte et un transfert des bénéfices dans des juridictions à faible
imposition, ce qui réduit l’impôt total payé par l’EMN au niveau consolidé.
Il existe une « substance économique » à ces accords lorsque les pays choisis disposent de
conditions favorables aux entreprises telles, par exemple :
■■ des centres de commerce établis à proximité des clients et des installations d’entreposage
et d’expédition en soutien aux activités de commercialisation et de distribution ou
■■ une bonne infrastructure de recherche (universités, centres de recherche, etc.) qui
soutient les activités d’ingénierie spécialisée, scientifiques et de R&D technique.

Lorsqu’il y a une justification économique, et que les biens et services fournis par les centres
ajoutent de la valeur, la question est alors simplement de déterminer si les prix de transfert
utilisés pour les transactions entre parties liées sont des prix de pleine concurrence.
Dans d’autres cas, il peut être plus difficile de déterminer dans quelle mesure les diverses entités
de l’EMN ajoutent de la valeur, particulièrement quand elles sont des holdings ou des sociétés
relais. Bien qu’il soit souvent soutenu que ce sont les considérations relatives à l’entreprise qui
prévalent, les opportunités d’exploitation fiscales sont représentées, par exemple à travers :

18
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 19

■■ l’arbitrage du taux d’imposition entre des juridictions dont les taux d’imposition
diffèrent ;
■■ des avantages fiscaux spécifiques fournis dans certains pays (par exemple, les Pays-
Bas, Singapour et le Luxembourg) ;
■■ la possibilité d’utiliser des pertes fiscales en compensation des profits et
■■ des occasions de réduire les retenues à la source payables par les EMN tirant parti des
réseaux de CPDI (c.-à-d., le « chalandage fiscal »).

La figure 3 illustre le cas d’une EMN minière basée en Australie (StéMère) qui possède
(en dehors d’une participation limitée détenue par l’État) et exploite des mines dans deux
pays africains (StéMine A et StéMine B) par l’entremise de deux holdings relais distinctes
enregistrées dans un pays européen (Sté Relais Europe) et dans un pays insulaire d’Afrique
(Sté Relais Afrique). Les services de financement aux sociétés minières sont également fournis
à travers ces juridictions. Comme aucune de ces holdings n’a de personnel permanent dans le
pays d’établissement, une question de forme par rapport à la substance économique se pose,
et il peut être justifié de supposer que l’EMN a enregistré les deux sociétés pour deux projets
distincts dans deux pays distincts parce que :
■■ le pays A possède un traité bilatéral préventif de la double imposition avec les Pays-
Bas et le pays B avec le pays insulaire d’Afrique, ce qui a pour effet de réduire ou
d’éliminer les retenues à la source à payer, et
■■ tant le pays européen dans lequel la société est enregistrée que le pays insulaire
d’Afrique sont des pays à faible taux d’imposition ayant conclu des traités avec
l’Australie.

Le résultat net est que l’obligation fiscale de StéMère est largement réduite au niveau de
l’entreprise consolidée.

Figure 3 : Représentation schématique d’une structure d’entreprise visant à minimiser


son imposition

StéMère
Australie

Sté Relais Afrique


Sté Relais Europe Faible niveau d’imposition dans ces pays Pays insulaire
d’Afrique

Une CPDI entre


Une CPDI entre Pays africain
Gouvernement du Gouvernement du
Pays africain A Pays B et Pays insulaire
pays africain A pays africain B
europeen réduit les d’Afrique réduit les
retenues à la source retenues à la source

StéMine A StéMine B
Pays africain A Pays africain B
20 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

3.2  Centres de services intégrés


Les sociétés minières utilisent des centres pour la prestation d’une gamme de services comme
la commercialisation, le financement, l’assurance, la technique et l’ingénierie, la R&D, les
approvisionnements, et les services aux entreprises. La structure utilisée par les EMN pour
leurs centres de services varie considérablement. Dans certains cas, les services sont fournis par
la société mère, alors que dans d’autres cas, ils peuvent être fournis par un groupe centralisé
ou intégré qui exécute une fonction particulière à travers toute l’EMN, ou dans une région
particulière, voire une combinaison des deux. La tendance vers une plus grande utilisation des
centres de services intégrés supposés fournir des services à forte valeur ajoutée aux entreprises
minières liées soulève de sérieux problèmes relatifs aux prix de transfert qui méritent un
examen attentif, et elle a été l’un des facteurs de la mise à jour du texte des « Principes de
l’OCDE applicables en matière de prix de transfert » dans le cadre du Rapport final BEPS sur les
Actions 8 à 10.
Les autorités fiscales doivent se demander si les bénéfices attribués à la filiale minière dans
le pays hôte et ceux attribués à des centres de services liés correspondent bien à la valeur
effectivement ajoutée par chacun d’eux le long de la chaîne de valeur minière. Un ajustement
fiscal pourrait s’avérer nécessaire lorsque la substance économique ne correspond pas au type
d’arrangement prévu.
Les cas extrêmes peuvent nécessiter une requalification des transactions entre parties liées
destinée à refléter les conditions qui auraient dû être convenues entre parties non liées sur
un marché libre. Logiquement, si les sociétés minières agissaient selon le principe de la pleine
concurrence, elles ne concluraient aucun accord dont les dispositions signifieraient un taux de
rentabilité inacceptable ou même une perte à long terme. Elles n’accepteraient pas d’accorder
de gros escomptes sur les ventes de produits miniers ou de payer des prix exagérément
supérieurs au marché pour des services de commercialisation, de financement (y compris en
termes d’intérêts et de frais sur des emprunts et des garanties), techniques et de R&D, aux
entreprises et autres biens et services. De même, elles ne cèderaient pas d’actifs, parfois bien
au-dessous de leur valeur de marché, pour une entité pour ensuite payer à cette même entité
des frais de traitement ou des redevances pour leur utilisation. Les contribuables affirment que
la requalification est faite en raison du risque de double imposition. Toutefois, cette objection
pourrait être exagérée car la plupart des juridictions proposent des crédits d’impôt étrangers ou
des exemptions. Pour traiter plus efficacement ces problèmes, le Royaume-Uni a déjà introduit
un « impôt sur les bénéfices détournés » et l’Australie a récemment annoncé l’introduction
d’un impôt similaire.

3.3  Matrice des risques sur les recettes


Notre recherche (y compris les réponses à un questionnaire sur les prix de transferts envoyé
aux agents des administrations fiscales des pays riches en minéraux de la majeure partie de
l’Afrique subsaharienne) indique qu’il existe une inquiétude particulière des possibilités d’abus
significatif des prix de transferts qui pourrait intervenir dans le cadre de centres des services de
commercialisation et de services financiers d’EMN offrant des services à leurs filiales minières. Ceci
est dû à l’importance financière et à la nature très complexe de leurs transactions liées dues aux
caractéristiques uniques de l’exportation de matières premières minérales et aux exigences de la
structure de financement du secteur minier. C’est pour ces raisons que les opérations de ces centres
de services sont abordées plus en détail ci-dessous. Pour les autres opérations, qui montrent plus
de similitudes avec différents secteurs de l’économie, le lecteur est invité à se référer à la publication
plus complète du GBM : « Prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique : Guide
de référence pour les fiscalistes » et « Transfer pricing and developing economies » (Prix de transfert et
économies en développement, uniquement disponible en anglais).
Le degré de risque pour les recettes lié aux prix de transfert posé par divers types de centres
de services à différentes étapes de la chaîne de valeur minière est résumé dans la matrice des
risques du tableau 6.
Tableau 6 : Description de la matrice des risques les plus courants rencontrés à différentes
étapes de la chaîne de valeur minière

Commercia-
Étapes de la chaîne de Acquisition Développement Extraction et Fusion et lisation et
valeur Prospection Construction concentration Transports affinage ventes
Centre de
services de
commercialisation
Services de E
commercialisation
Services E E-M
d’expédition et de
distribution
Services M M
d’assurance de
marchandises
Centre de services
financiers
Services de M E M-B M-B
trésorerie
Services financiers M-B E M-B M-B M-B E

Centre de services
d’assurances
Services de B M-B M-B
courtage en
assurances
Services M E E E E E
de captive
d’assurance
Centre de services
scientifiques,
techniques et
d’ingénierie
Contrats EPC/ E M-B M-B M-B
EPCM
Services E M M M
techniques et
scientifiques
Brevets et autres E E M M M
droits de propriété
intellectuelle
Centre de services
d’entreprise
RH, comptabilité, M-B M-E M-B M-B M-B M-B
juridique, etc.

Légende : E, M, B se réfèrent au niveau de risque (élevé, moyen ou bas) ; couleur rouge = flux
élevés ; couleur verte = niveau élevé d’actifs incorporels.
22 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

3.4  Centres de services de commercialisation


Les fonctions assurées par un prestataire de services de commercialisation peuvent aller d’un
soutien à la commercialisation en passant par le rôle de commissionnaire ou d’agent commercial
jusqu’à celui d’un distributeur à part entière. La détermination des rôles assumés parmi
ceux mentionnés ci-dessus doit être basée sur les faits, notamment de savoir si le centre est
financièrement et physiquement complètement équipé pour remplir ces fonctions, s’il assume
la propriété et prend livraison des minéraux et s’il est en mesure d’assumer effectivement les
risques associés. Par conséquent, les fonctions réalisées par le centre peuvent inclure — ou non
— les fonctions suivantes :
■■ les services de commercialisation impliquant :
• les relations clients ;
• le traitement des commandes ;
• le traitement des transactions financières associées ;
• la provision d’assistance pour les produits commercialisés ;
• le développement de systèmes et de stratégies de commercialisation novateurs,
particulièrement pour les produits minéraux qui ne sont pas couramment négociés
dans les marchés finaux, répondant à des spécifications propres à chaque client ;
■■ les services d’expédition et de distribution impliquant :
• l’organisation de l’affrètement de minéraliers ou autres vaisseaux et éventuellement
du transbordement ;
• l’entreposage et l’emballage des produits pour l’expédition et la distribution aux
clients ;
• la négociation de la commission d’adresse25, faux fret, frais de soute et surestarie26 ;
• la provision d’assurance de transport fréquemment captive, comme discuté plus
loin.

Nombre des centres de services de commercialisation affirment ajouter une plus grande valeur
économique, ce qui à leurs yeux justifie que la rémunération s’éloigne de la base du coût majoré
(généralement associé au profil fonctionnel d’un centre de coûts) pour aller vers des formes
de rémunération plus élevées (généralement associées au profil fonctionnel d’un centre de
profits). Les contrats entre la compagnie minière et un centre de services de commercialisation
lié peuvent comporter des dispositions en matière de changements dans la propriété des
minerais au-delà du stade de leur exportation et couvrant leur vente ultérieure à des parties
tierces. La question est de savoir si de tels accords contractuels représentent une fonction de
commercialisation ou de distribution complète, surtout si le produit minéral concerné est
expédié directement depuis le pays hôte à l’acheteur étranger, c’est-à-dire vendu en « haute
mer » dans une transaction dite « triangulaire », comme illustré à la Figure 4. Dans de nombreux
cas, indépendamment du fait que le centre de commercialisation devient propriétaire des
minéraux ou pas, la gestion des stocks, l’entreposage et l’embarquement sur les navires, c.-à-d.,
le côté physique de la distribution, sont généralement effectués par l’entreprise minière ou une
entité associée.

25
Il s’agit d’une commission généralement de l’ordre de quelques pour cent imputée par l’affréteur au propriétaire
du vaisseau en plus de toute autre commission imputée par un consignataire possible. Le propriétaire du
vaisseau aura tendance à ajouter ces commissions aux frais de port par tonne de fret à facturer à l’affréteur.
Il s’agit d’un mécanisme grâce auquel les affréteurs peuvent canaliser des revenus pour couvrir les frais de
fonctionnement de leur département, qui peut parfois échapper à l’attention des autorités fiscales concernées.
26
La surestarie au port d’exportation est généralement comptabilisée dans le cadre des frais de fonctionnement,
et au port de destination dans le cadre des frais de commercialisation et d’expédition.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 23

Figure 4 : Représentation schématique d’une transaction « triangulaire » de transfert


ou de vente
Pays producteur Autre juridiction fiscale

Livraison physique du produit minéral


Société minière Client externe
non lié

Juridiction à faible imposition


Transfert interne Transfert externe
contrôlé au PRIX non contrôlé au
DE TRANSFERT Société de PRIX DU MARCHÉ
commercialisation
liée

SERVICES :
• Commercialisation et négoce
• Expédition
• Assurance

La question fondamentale du point de vue d’une autorité fiscale a trait à la mesure dans laquelle
le centre de services de commercialisation peut et ajoute effectivement de la valeur en influant
sur le cours de la matière première sous-jacente, le coût de production et de transport ou les
quantités vendues. S’il est vrai que les activités de commerce peuvent ajouter une certaine
valeur, la mesure dans laquelle elles le font dépend en premier lieu, comme le montre le
tableau 7, de la nature du produit vendu. La valeur ajoutée peut être très variée. À un extrême,
elle sera très faible pour les ventes de métaux précieux et de métaux de base affinés dans les
marchés finaux (où leurs spécifications strictes sont principalement respectées et fournies par
les opérations de production de l’entreprise minière). À l’autre extrême, elle sera très forte
dans le cas de certains métaux précieux et de certains minéraux non métalliques spécialisés
(où la commercialisation nécessite l’identification et la satisfaction de spécifications uniques et
strictes définies par les clients potentiels sur la base de leur valeur d’utilité). La valeur ajoutée
par la commercialisation peut être très forte dans le cas de certaines pierres précieuses (par ex.,
diamants roses) dont la demande a été créée par des campagnes publicitaires astucieuses et par
une approche sélective, sur invitation, de la participation à leurs enchères dans des maisons de
haute mode à New York et à Paris.
Des marges très élevées, de plus de 2,5  % de la valeur des ventes, ont été signalées27 pour
des centres de services de commercialisation vendant du minerai de fer et du charbon basés
à Singapour, ce qui dans le cas de l’un des principaux producteurs australiens, a généré une
moyenne de près de 1 milliard USD de recettes pour le centre au cours des dernières années.
Ils ont fait l’objet d’une enquête qui a donné lieu à des ajustements de 522 millions AUS dans
l’imposition payée par l’entité australienne et de 288 millions  AUS sur sa redevance sur le
minerai.
Outre la détermination de critères pour l’établissement des frais de commercialisation,
notamment en vue de savoir si les services comprennent une utilisation possible de la

27
Australian Financial Review (en anglais) du 22 avril 2015 et du 7 avril 2015
Tableau 7 : Spécification, modalités de commercialisation et détermination des prix de
diverses matières premières, sources de renseignements les concernant et valeur indicative
des actifs incorporels de commercialisation

métaux Produits intermédiaires


de base et Produits Minéraux
Produits précieux Minerais en Concentrés métallurgiques et industriels non Pierres
minéraux affinés vrac physiques métaux spéciaux métalliques précieuses
Produits Cu, Pb, Zn, Fer, charbon Cu (Au), Zn Cuivre brut, Bien qu’il existe Diamants bruts,
minéraux Ni, Co, Sn, métallurgique (Ag), Pb (Ag), matte de nickel, une grande autres pierres
typiques Al, Au, Ag, ou thermique, Zn-Pb, Co, Mo, alumine, doré, gamme de précieuses
Pt, Pl minerai de Ni, minéraux oxydes de terres minéraux non
manganèse, lourds (Ti, Zr), rares mélangés, métalliques
phosphate magnétite, pentoxyde de utilisés
naturel magnétite vanadium, éponge localement, seule
titanifère, de titane, zircone une minorité fait
chromite, et dioxyde, l’objet d’échanges
cassitérite, ferroalliage U3O8, transfrontaliers
colombite- carbonate de (par ex., baryte,
tantalite lithium, chromite fluorine, graphite,
diamants
industriels, béryl,
etc.)
Spécifications Standards, Plusieurs Plusieurs Plusieurs normes, Définies par les Basées sur
strictes et normes, normes, flexibles et clients et basées plusieurs
inflexibles flexibles et flexibles et assujetties à des sur la valeur attributs de
assujetties à assujetties à escomptes et des d’utilité qualité ou des
des escomptes des escomptes primes de qualité tendances de la
et des primes et des primes mode
de qualité de qualité
Marchés Marchés Contrats Contrats sur Ventes à Achat ou ventes Vendues aux
finaux des d’achat de plusieurs des fondeurs en disponible à enchères dans
matières moyen à années avec et affineurs des utilisateurs des marchés
premières long terme des fondeurs individuels finaux individuels spécialisés en
et ventes avec des prix et affineurs dans le cadre assortiments
libres renégociés à individuels de formules ou en pierres
des intervalles dans le cadre contractuelles individuelles
fréquents, de formules moins normalisées
accessoirement contractuelles
ventes en raisonnablement
disponible standards,
ventes en
disponible
limitées
Prix Cours Indices des Prix hybrides Prix négociés Listes de prix Listes des prix
quotidiens prix quotidiens négociés, des producteurs des producteurs
pour les c.-à-d., et prix négociés et prix d’offres
teneurs LME moins avec une
sélectionnées traitement, intermédiation
affinage et fonte importante des
négociants
Sources Facilement Facilement Publiés dans Magazines Magazines Diamond Trading
obtenus disponibles les journaux commerciaux commerciaux Corporation
auprès auprès de et magazines spécialisés, World spécialisés, par (DTC) (De Beers)
de LME, Platts, Metal spécialisés de Bureau of Metal ex., Industrial Price Book,
NYMEX, Bulletin, Metals l’industrie, CRU, Statistics Minerals liste des prix
LBMA, and Minerals, AME, Reuters, et Mineral des diamants
LPPM, John globalCOAL, Bloomberg PriceWatch Rapaport,
Mathey et etc. Gemmological
Kitco, etc. Institute of
America (GIA)
Valeur des Faible Faible à Moyenne Moyenne à forte Forte Très forte
services de moyenne
commerciali-
sation et actifs
incorporels
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 25

Tableau 8 : Propension à effectuer les règlements mensuels aux jours correspondants au


cours le plus bas du London PM Fix

Août USD/oz Octobre USD/oz Décembre USD/oz


1/08/2011 1623 3/10/2011 1656 1/12/2011 1752
2/08/2011 1638 4/10/2011 1638 2/12/2011 1747
3/08/2011 1669 5/10/2011 1617 3/12/2011 1744
……. ……. ……. ……. ……. …….
24/08/2011 1770 26/10/2011 1715 29/12/2011 1531
25/08/2011 1729 27/10/2011 1718    
26/08/2011 1788 28/10/2011 1741    
27/08/2011 1825 29/10/2011 1722    
28/08/2011 1814        
Minimum mensuel 1/08/2011 1623 5/10/2011 1617 29/12/2011 1531
Prix convenu 1/08/2011 1623 5/10/2011 1617 29/12/2011 1531

propriété intellectuelle spécialisée et d’autres biens incorporels, les conditions générales des
conventions d’écoulement de la production (« off-take contract ») peuvent également rendre
l’analyse de comparabilité plus complexe en raison d’un éventail de problèmes, tels que :
■■ la détermination des teneurs à payer, les crédits pour les métaux précieux, les pénalités
pour les impuretés, etc., dans les concentrés ;
■■ la pertinence et la justification des escomptes pour les actionnaires et autres remises
de prix ;
■■ les modes et délais de paiement, la création de possibilités de crédit sans intérêt ; et
■■ la détermination du moment où, durant la « période couverte par le cours », la propriété
du minéral est réellement transférée, ce qui, compte tenu de la volatilité des prix des
produits, peut influencer le prix de transfert applicable28, comme l’illustre le tableau 8,
qui affiche les dates de transfert sélectionnées dans les transferts de doré d’une mine
d’or d’Amérique du Sud à un centre de commercialisation étranger. Ces questions ont
fait l’objet d’une amélioration lors de la récente révision du chapitre II des « Principes de
l’OCDE applicables en matière de prix de transfert » figurant dans l’ensemble des Rapports
finaux 2015 BEPS et portant sur les dates présumées de détermination des prix.

Par respect pour la transparence, il semblerait normal que l’EMN soumette à l’examen
de l’administration fiscale le contrat d’achat de matière première minérale entre l’entité de
commercialisation et l’acheteur indépendant. Cependant, les EMN omettent souvent de
le faire, affirmant qu’elles ne sont pas les détentrices légales de l’information ou que son
caractère commercial et confidentiel n’en permet pas la diffusion. Ces deux arguments ne sont
pas valables en vue du fait que l’EMN est le contrôleur ultime de l’information et que les
administrations fiscales sont liées par des dispositions relatives au secret.
Dans certaines juridictions, la loi comporte des dispositions afférentes aux présomptions, c.-à-d.
la capacité d’ignorer les conditions réelles de l’accord et de les remplacer par des « conditions
de pleine concurrence » compatibles avec les conditions générales que l’on peut noter pour les

28
La publication du projet BEPS récemment publiée par l’OCDE et intitulée « Aligner les prix de transfert calculés
sur la création de valeur, Actions 8-10 - Rapports finaux 2015 » traite expressément de ce type de risque.
26 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

transactions entre parties tierces, en gardant à l’esprit qu’il peut y avoir quelques différences si
des ventes indépendantes en disponibles sont réalisées aux prix du cours. Il faudrait notamment
examiner la capacité du centre à assumer le risque et sa capacité à atténuer ou à lutter contre
les facteurs de risque pour déterminer si le niveau des risques figurant implicitement dans le
contrat est ancré dans la réalité29. Certains des risques financiers à considérer sont :
1. les risques de crédit, qui comprennent les risques de défaut de paiement, et, dans le
contexte de l’exploitation minière, certains des facteurs à examiner sont :
a. la probabilité de défaut de paiement compte tenu de la solvabilité des acheteurs (car
de nombreux achats, par ex. d’acheteurs chinois, sont garantis par l’État) ;
b. les actions entreprises pour atténuer les conséquences (par ex., en exigeant le paiement
d’une avance, d’un paiement partiel, d’une caution ou de dépôts de garantie) ;
2. les risques de transport, qui comprennent le risque de perte pendant l’expédition et,
dans le contexte des produits miniers, ce risque est souvent traité par voie d’assurance,
qui peut être fournie par une partie liée captive d’assurance, pouvant elle-même être
couverte par réassurance ;
3. les risques de stocks, qui incluent le risque d’avoir des stocks lorsque la demande ralentit
ou que les prix baissent, mais ce risque ne se présente que lorsque le revendeur est aussi
un véritable distributeur et qu’il possède des stocks ;
4. les risques relatifs aux ressources humaines, comme la perte de personnel essentiel qui
peut aussi signifier la perte de clients vitaux.
Par exemple, dans la figure 5, les filiales commerciales (Sté Commerce 1 et 2) d’un important
producteur de minerai de fer africain, enregistrées respectivement comme sociétés étrangères
contrôlées (SÉC) dans un pays asiatique et un pays européen, étaient à l’origine qualifiées
comme des agences de commercialisation, mais elles ont été plus tard été requalifiées comme
des revendeurs à part entière en raison du transfert formel de la propriété des cargaisons de
minerai de fer. Ceci signifie qu’elles réalisent une plus grande part de leurs bénéfices dans
les juridictions à faible imposition du pays européen et du pays asiatique bien que le nombre
d’employés basé dans ces juridictions soit relativement faible.

3.5  Centres de services financiers


L’exploitation minière est une activité nécessitant d’importants capitaux. Des activités à
haut risque, telles que l’exploration minière, sont financées principalement au moyen de
participation en fonds propres, et les investisseurs peuvent être rémunérés par une plus-value
si le projet est cédé, ou de dividendes futurs si la prospection aboutit à une exploitation minière
profitable. Toutefois, si la prospection est fructueuse, il faut avancer d’importants montants
en capital à travers une combinaison de fonds propres et de dettes pour le développement
du gisement et la construction de la mine. En raison du risque élevé et de la nature en grande
partie non liquide des actifs et du caractère circonscrit des actifs dans un endroit donné, le ratio
d’endettement moyen de l’industrie minière est beaucoup plus faible que celui de la plupart
des autres secteurs.

29
À la page 6 de « PwC Transfer pricing perspectives, Resolutions, moving towards certainty » (en anglais), citation
du représentant des États-Unis présentant le thème dans la Note 1 du projet de discussion intitulé « Discussion
Draft on Transfer Pricing Aspects of Business Restructurings », consultation publique de deux journées, les 9 et 10
juin 2009.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 27

Figure 5 : Exemple schématique d’une structure de propriété à plusieurs niveaux


d’une EMN minière impliquant des entreprises relais et commerciales alimentant les
bénéfices de la société mère en Afrique australe en passant par deux juridictions à
faible imposition

StéMère Afrique

74 %

Livraison physique de minerai de fer


StéMinière Afrique

Transfert du HoldCo Pays


1.2 % européen
minerai de fer

StéCommerce 1
Pays européen 98.8 %

Clients tiers en StéCommerce 2 Sté Transport Clients tiers en


Europe Pays asiatique Pays asiatique Asie

Bien que du capital puisse être facilement levé au niveau d’EMN mères solvables, les
financement par dettes au niveau des projets sont parfois difficilement obtenus auprès de
tierces parties dans certains pays en développement, ou peuvent entraîner des taux d’intérêt
beaucoup plus élevés pour compenser les primes de risques beaucoup plus élevées. En outre,
pendant la période de pré-production qui peut durer un certain nombre d’années, la plupart des
prêts sont remboursés, alors que le projet ne génère aucun revenu qui permettrait de déduire
les frais d’intérêts. Ces frais ne peuvent pas non plus être déduits du revenu imposable d’une
entité liée en raison des mesures de séparation fiscale du projet. Ce problème a été reconnu par
le Rapport final BEPS 2015 sur l’action 4, qui recommande que les intérêts non déduits puissent
être reportés sur les années suivantes. Les projets miniers nécessitent aussi d’importantes
injections de fonds de roulement au cours des premières étapes, lorsque la production de la
mine s’accélère pour atteindre la capacité planifiée, et pendant la phase de productivité de la
mine afin de maintenir sa capacité opérationnelle et de financer son expansion ou d’autres
modifications dans la conception de la mine.
Ainsi, il n’est pas surprenant que de nombreuses EMN optimisent le coût global du financement
au niveau consolidé d’une manière fiscalement efficace par une levée de capitaux de manière
centralisée et en fournissant des services financiers par l’intermédiaire d’un financement en
interne du groupe de l’EMN, appelé centre de services financiers, qui peut fournir :
28 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

■■ des services de trésorerie qui incluent :


• des conseils financiers ;
• la levée de fonds, sous forme de fonds propres et de dette au moyen
— d’appels publics, d’émissions et de placements d’actions, et
— de contrats de prêt;
• la gestion du risque des taux d’intérêts et de change ;
• le refinancement ;
• l’affacturage et
■■ des services de financement qui incluent :
• la fourniture de prêts internes ;
• la supervision des flux de trésorerie et de la solvabilité ;
• la gestion centralisée de la trésorerie ;
• les garanties collatérales et de prêt et
• les opérations de couverture.

En matière de prix de transfert, les services financiers s’avèrent extrêmement vulnérables. La


déductibilité des frais d’intérêt incite les entreprises à exploiter le levier de la dette dans la
structure de leur capital, et la taille importante du financement nécessaire à une entreprise
minière signifie que même une infime manipulation des prix peut avoir une incidence
conséquente sur la rentabilité. De plus, la complexité du secteur peut être amplifiée par la
détermination de ce qui constitue la dette et les fonds propres, ainsi que le traitement complexe
d’instruments hybrides qui peuvent être utilisés pour profiter d’opportunités d’arbitrage entre
les régimes fiscaux en vigueur dans différents pays.
3.5.1 Détermination des taux d’intérêt appropriés pour l’industrie minière
À l’échelle mondiale, le ratio moyen d’endettement de l’industrie minière (à 0,84 ou 45,7  %
du total des fonds) est relativement faible en comparaison d’autres secteurs (CSIMarkets,
2015). Compte tenu de l’importance du risque généralement plus élevé dans les pays en
développement, la logique exige également que
■■ les taux d’intérêt applicables aux sociétés minières doivent être plus élevés en raison
des primes de risque plus élevées qui sont appliquées et
■■ leur ratio d’endettement devrait être inférieur à la moyenne, ce qui signifie qu’il faut
utiliser davantage de fonds propres dans la structure de leur capital. Toutefois, comme
la dette est fréquemment fournie par des centres de services financiers (utilisant les
prêts transfrontaliers à des parties liées comme un moyen fiscalement avantageux
d’optimiser les frais en capital au niveau consolidé de l’EMN), ce n’est pas souvent
le cas et, par conséquent, les projets miniers dans les pays en développement sont
souvent « sous-capitalisés » et exposés à un risque financier considérable.

La détermination d’une prime de risque appropriée à inclure dans la définition du taux


d’intérêt imputé à la filiale minière dans un pays en développement est une question largement
débattue. Le GBM30 fournit un tableau à jour des taux d’intérêt indicatifs des prêts bancaires
qui en général satisfait les besoins de financement à court et moyen terme du secteur privé

30
http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FR.INR.LEND
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 29

de divers pays. Bien entendu, les taux varient en fonction du secteur économique et de la
solvabilité de l’emprunteur, le secteur minier se situant vers le haut de la gamme31.
Pour contrer les frais excessifs des services de financement qui viennent augmenter les écarts
dans les taux d’intérêt, de nombreuses administrations fiscales africaines ont adopté une série
de mesures intérimaires dans leur législation nationale, dont :
■■ le plafonnement du taux d’intérêt maximal permis :
• en l’évaluant par rapport aux tarifs internationaux observables comme le LIBOR,
en ajoutant une marge appropriée à leur pays ou
• en exigeant que le taux d’intérêt imputé à la filiale minière dans leurs pays soit
situé dans la moyenne, ou dans une autre proportion préétablie du taux d’intérêt
encouru par la multinationale au niveau consolidé ;
■■ en percevant des taux relativement élevés de retenues à la source sur les paiements
d’intérêts versés aux prêteurs liés établis à l’étranger.

De nombreuses administrations fiscales dans les pays en développement soutiennent que, peu
importe si les taux d’intérêt ajustés au risque ont été déterminés sur une base théorique pour
diverses juridictions où l’EMN exerce ses activités, le total des déductions des dépenses en
intérêts cumulées pour toutes les filiales de l’EMN ne doit pas être supérieur au montant total
net consolidé des frais d’emprunt encourus par l’EMN. Si cette optique devait être appliquée,
il faudrait alors légiférer pour n’autoriser que des déductions sur les frais d’intérêt fondées sur
le même taux d’intérêt que celui payé par le holding de l’EMN sur les emprunts externes au
niveau consolidé.
Il existe un cas particulièrement intéressant, celui où une filiale emprunte de l’argent et paie
des intérêts à l’une des parties liées disposant de beaucoup de liquidités qui n’a pas emprunté
et a rétrocédé un montant donné à une autre entité liée. Dans de telles conditions, l’EMN dans
son ensemble n’a pas encouru de frais d’intérêts en lien avec une source externe. Un strict
respect du principe selon lequel les déductions d’intérêt cumulées pour l’ensemble des filiales
ne devraient pas dépasser les frais d’intérêt consolidé de l’EMN conduirait au fait que les
frais d’intérêt susmentionnés ne seraient pas acceptés comme déduction. Comme le « prêt »
à la filiale minière n’augmenterait pas l’endettement de l’EMN au niveau consolidé, ce serait
en fait une forme de contribution en fonds propres qui transformerait «  l’intérêt  » payé en
« dividendes », et qui par conséquent ne serait pas déductible dans l’établissement du revenu
imposable. Certains affirment que ce serait injuste, car l’entité prêteuse encourrait alors un coût
d’opportunités pour lequel elle ne serait pas indemnisée.

31
Il est intéressant de noter qu’il n’existe aucun chiffre pour nombre de pays africains, ce qui indique
probablement que les services financiers pertinents ne sont pas suffisamment développés dans certains de ces
pays. Cette hypothèse est étayée par le taux d’accès par habitant à une branche de banque commerciale qui dans
l’Afrique subsaharienne est de 3 pour 100 000 personnes, contre 38 en Europe. Parmi les pays africains pour
lesquels des taux sont mentionnés, certains semblent être extrêmement élevés par rapport à la norme des pays
développés (par ex., de 20 à 60 %). Ceci peut provenir à la fois des forts taux d’inflation, des primes de risque
de pays et des très grands écarts, d’environ 11 %, entre taux de dépôt et taux des prêts.
30 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

3.5.2 Questions relatives à la sous-capitalisation


La majorité des pays africains ont traité jusqu’à maintenant le problème de la sous-capitalisation
en déterminant un niveau approprié de dette ou de déductions d’intérêts admissibles au
travers de toute une série d’approches, y compris :
■■ Des règles applicables à la sous-capitalisation en fixant une limite au rapport entre les
emprunts et les fonds propres (généralement dans la proportion de 2 pour 1, ou de 3
pour 1, c’est à dire respectivement 66,67 % ou 75 % du total des fonds, qui sont tous
deux, cependant, sensiblement plus élevés que les ratios d’endettement qui prévalent
dans l’industrie minière). Toute dette d’emprunt située au-delà du ratio autorisé doit
être considérée comme des fonds propres et les frais d’intérêts y relatifs comme des
dividendes, et ils ne seraient donc plus déductibles. Les règles afférentes à la sous-
capitalisation permettent généralement d’éviter l’application du principe de pleine
concurrence au cas par cas et elles agissent comme « régime de protection » lorsque
le ratio d’endettement autorisé n’est pas dépassé. Malgré cela, certains pays comme
l’Afrique du Sud appliquent le test du principe de la pleine concurrence, et même
en Australie, pays qui dispose de règles sur la sous-capitalisation, le test du principe
de la pleine concurrence s’applique si le taux afférent au « régime de protection » est
dépassé.
■■ Des règles de plafonnement qui limitent le montant de l’intérêt qui peut être déduit
par l’entité pour des raisons fiscales au cours d’un exercice donné en proportion de ses
revenus bruts, ou EBIT.
■■ Des règles à l’échelle du groupe qui répartissent les frais d’intérêt en fonction des
contributions de chacune des filiales au chiffre d’affaires consolidé ou aux bénéfices
de l’EMN32.

L’ampleur du défi administratif que représentent les questions ci-dessus peut s’atténuer à
l’avenir si les dispositions s’appliquant au plafonnement des intérêts recommandées par l’OCDE
dans son Rapport final 2015 BEPS sur l’action 4 sont largement appliquées. Elles comprennent
entre autres un seuil monétaire optionnel de minimis pour filtrer les entités à faible risque et
un plafond basé sur la règle du taux fixe, permettant la déduction des frais d’intérêts nets de
l’entité jusqu’à un pourcentage de référence de son excédent brut d’exploitation (EBITDA).
Ce taux doit être défini dans une fourchette allant de 10  % à 30  % en fonction des cas. Les
recommandations prévoient également une disposition en faveur de l’adoption d’une règle du
taux de groupe facultative lorsque ce taux est supérieur au taux fixé pour l’entité, et l’application
à celui-ci d’une hausse jusqu’à 10 %, si cela devient nécessaire pour éviter tout risque de
double imposition éventuelle. Le taux peut aussi être dépassé lorsque l’emprunt se rapporte
spécifiquement à la génération de recettes publiques. La recommandation pour la règle du
taux fixe ne doit pas être incompatible avec l’application du principe de la pleine concurrence
et empêcher l’utilisation simultanée d’autres options de meilleure pratique contenues dans
la législation fiscale de chaque pays, telles que celles relatives à la sous-capitalisation et au
plafonnement de taux d’intérêt applicables spécifiques.
Le tableau  9 montre comment une société minière indépendante empruntant à une banque
non liée peut être limitée par les contraintes du marché à ne financer que 40 % de ses besoins
en capital de 100 millions USD au moyen d’un prêt à un taux d’intérêt de, disons, 5 % l’an.
En supposant qu’elle dégage des recettes annuelles de 15 millions  USD et doit financer
des coûts de 5 millions  USD, la société paierait 2 millions  USD en impôt sur les sociétés et
conserverait 6 millions USD de gains dans une juridiction minière avec un taux d’imposition

Voir l’annexe 3 pour des exemples dans le projet de discussion du BEPS sur l’action 4 : déductions d’intérêts
32

et autres paiements financiers.


Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 31

Tableau 9 : Calcul des redevances fiscales payables par une entreprise minière
indépendante empruntant selon le principe de la pleine concurrence auprès d’une banque
non liée

Entreprise minière indépendante


Besoins en capital, en millions USD 100
Pourcentage de fonds propres 60 %
Pourcentage de créances 40 %
millions USD
Revenu d’exploitation 15
Coût de fonctionnement 5
EBIT 10
Intérêt à 5 % l’an 2
Impôt sur les sociétés à 25 % 2
Résultats non distribués, en millions USD 6

de 25 %. La société minière ne pourrait pas effectivement bénéficier d’un niveau de dette élevé,
indépendamment du fait que la juridiction permet une capitalisation de 3 pour 1.
En revanche, la figure 6 montre une situation où la compagnie minière emprunte 40 % des
fonds dont elle a besoin à une banque non liée – mais l’emprunt est garanti par la société mère
de l’EMN et implique des frais de garantie à hauteur de 1 million de dollars – et 35 % des fonds
d’un centre de services financiers lié, tirant ainsi profit du rapport de capitalisation de 3 pour
1 qui est autorisé.
Il convient de noter qu’en vertu de cette structure de financement, les revenus retenus par la
société minière sont plus faibles que ceux du cas présenté dans le tableau 9 (par ex. 3,94 millions
contre 4,69 millions USD), bien que l’impôt payé par l’entité minière (et par conséquent par
l’EMN au niveau consolidé) soit plus faible (soit, de 1,31 million contre 2,0 millions  USD).
Bien qu’un taux d’intérêt de 5  % ait été retenu dans les deux exemples ci-dessus, une
demande de hausse des taux d’intérêt intégrant une prime pour compenser le risque financier
supplémentaire (par ex., un risque sur le crédit) est souvent présentée aux administrations
fiscales, en plus de la commission sur la garantie33.
Les autorités fiscales doivent également remettre en question la légitimité de la déduction
d’une commission de garantie si une forte prime de risque a été intégrée dans le taux d’intérêt
sur un prêt qui ne respecte pas le principe de la pleine concurrence par une partie liée à une
filiale minière dont le ratio d’endettement est très élevé, en raison de l’augmentation du risque
financier. Concernant les services d’assurance captive, où dans certains cas, le risque n’a pas
été effectivement transféré à l’extérieur du groupe de l’EMN dans son ensemble, il est difficile
de savoir si des frais devraient être conservés et être déductibles lors du transfert hors de la
filiale minière.
Plus généralement, la couverture de risque par l’intermédiaire d’instruments dérivés (par
ex., la couverture des taux d’intérêt, la couverture des taux de change, etc.) est également
devenue une norme au cours de la dernière décennie, et cela peut compliquer encore l’analyse

33
Dans de nombreux cas, ces niveaux de dette seront accompagnés de paiements de commissions de garantie
de l’entreprise à une partie liée afin de protéger le prêt et les intérêts dans ce scénario prétendu à haut risque.
32 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

Figure 6 : Calcul des redevances fiscales exigibles d’une société empruntant 75 % des fonds
nécessaires, en partie (40 %) auprès d’une banque non liée, mais assortis d’une garantie de
la société mère de l’EMN et en partie (35 %) auprès d’un centre financier de l’EMN
Dette : 35 millions USD

Société mère Centre financier


Frais et intérêts

Dette : 35 millions USD


Fonds propres :
Garantie financière
25 millions $ Dividendes Frais et intérêts

Commission de
garantie
Dette :
40 millions
USD Besoins en capital
Banque Société minière (en millions USD) 100
Pourcentage de fonds propres 25%
Pourcentage de créances 75%
Frais et intérêts millions USD
Revenu d’exploitation 15
Coût de fonctionnement 5
Commission de garantie 1
EBIT 9
Intérêts à 5 % l’an 3,75
Impôt sur les sociétés à 25 % 1,31
Résultats non distribués
(en millions USD) 3,94

des conditions réelles par l’administration fiscale, car les contreparties peuvent ne pas être
connues, et ce type de transaction peut déclencher des événements qui pourraient être toujours
contrôlés par l’EMN.
3.5.3 Requalification de transactions d’emprunt
Le pouvoir et la pratique des administrations fiscales d’ignorer ou de restructurer les
contrats qui n’auraient pas été convenus entre parties non liées dans ces circonstances est
l’une des questions les plus litigieuses dans les discussions sur les prix de transfert entre les
administrations fiscales et les entreprises. À cet égard, les Rapports finaux  2015 BEPS sur les
actions 8 à 10 prorogent la possibilité que des accords entre parties liées soient ignorés lorsque
des circonstances exceptionnelles d’irrationalité commerciale s’appliquent. Le simple fait
qu’une transaction entre parties non liées puisse ne pas être respectée n’est pas suffisant ; la
question clé est de déterminer si l’arrangement conclu comporte une rationalité commerciale
et aurait pu être convenue entre des parties non liées, dans des circonstances économiques
similaires. Par exemple, en considérant le niveau des emprunts de la filiale d’une EMN, les
administrations fiscales doivent considérer si la filiale peut, d’un point de vue rationnel et
commercial, maintenir ce niveau de dette en fonction de sa rentabilité, sa solvabilité et ses
objectifs commerciaux. Autrement, il est possible que la dette ait été effectivement « rejetée »
sur la filiale pour minimiser l’imposition, et l’administration fiscale doit se poser la question de
savoir si la dette doit être ignorée ou traitée comme fonds propres à des fins fiscales.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 33

L’interaction entre les règles de sous-capitalisation et la requalification d’une transaction


d’emprunt en vertu des règles sur les prix de transfert est illustrée par la Décision fiscale
de l’administration fiscale australienne (ATO) TR2014/634. Le taux d’intérêt est calculé sur
l’hypothèse d’une pleine concurrence et de l’application subséquente d’un taux de marché au
capital emprunté réellement émis par l’entreprise (et autorisé dans le cadre des dispositions
concernant la sous-capitalisation), au lieu de l’intérêt sur la créance qui aurait été émis si les
conditions de pleine concurrence avaient été appliquées à la détermination du niveau approprié
de capital emprunté.
Dans l’exemple 1 (paragraphes 69-76) de la Décision fiscale de l’ATO : 2014/6 :
■■ Sté Africaine est résidente dans un pays africain et est filiale de Sté Étrangère, la société
mère résidente dans un autre pays ;
■■ le pays africain a des dispositions relatives à la sous-capitalisation avec un ratio
d’endettement de 3 pour 1 ;
■■ Sté Africaine emprunte 300 millions USD auprès de Sté Étrangère à un taux d’intérêt
annuel de 15 % ;
■■ pour des raisons de sous-capitalisation, Sté Africaine a une dette sous régime de
protection d’un montant de 300 millions USD (et 100 millions USD en fonds propres) ;
■■ ceci signifie que Sté Africaine a déclaré 45 millions USD de déductions de dettes pour
l’exercice fiscal ;
■■ dans le pays africain de résidence, il est possible de faire des emprunts à 10 % annuel
auprès de parties indépendantes qui peuvent être utilisés à titre de comparaison ;
■■ de plus, l’analyse des taux de référence du marché pour un emprunt de cette taille et
la cote de crédit que les marchés des capitaux accorderaient à Sté Africaine indiquent
que, dans les circonstances, un emprunt de 250 millions USD maximum (et non 300
millions USD) pourrait réellement être obtenu auprès de prêteurs indépendants ;
■■ l’analyse peut montrer que le prêt obtenu auprès de Sté Étrangère n’aurait
raisonnablement pas été convenu entre des parties indépendantes opérant sur le
marché libre, car cet accord n’aurait pas eu de raison d’être commerciale pour Sté
Africaine (et pour Sté Étrangère), par exemple, en raison des impacts sur Sté Africaine
des coûts relativement élevés du prêt sur la rentabilité, la viabilité ou la compétitivité
de son activité, et il est donc évident que Sté Africaine n’aurait pas convenu d’un tel
accord avec une partie non liée ;
■■ comme précédemment indiqué, les renseignements disponibles indiquent que le
scénario d’emprunt le plus proche sur le marché libre entre des parties indépendantes
négociant en pleine concurrence est un prêt de 250 millions USD à 10 % nécessitant la
levée de 50 millions USD en fonds propres ;
■■ Sur cette base, s’il n’existait aucun « ratio de dette sous régime de protection » dans
les dispositions relatives à la sous-capitalisation, une déduction d’intérêts de 25
millions USD (c.-à-d. 10 % du montant de la dette de 250 millions USD) serait autorisée
en appliquant les principes de la pleine concurrence. Si par contre il existait un ratio
de dette sous régime de protection de 3 pour 1, alors en combinaison avec le principe
de la pleine concurrence, une déduction d’intérêts de 30 millions USD aurait pu être
déclarée, car les dispositions relatives à la sous-capitalisation s’appliqueraient pour
protéger les intérêts sur le marché libre des 50 millions  USD de dette qui en leur
absence auraient été reclassés comme fonds propres.

Taxation Ruling 2014/6 Income tax: transfer pricing – l’application de la section 815-130 de la Loi sur l’évaluation
34

de l’impôt sur le revenu de 1997 (Income Tax Assessment Act 1997) (en anglais)
4
Développement et mise en œuvre
de législations en matière de prix
de transfert en Afrique

4.1  Difficultés dans l’application de la législation sur les prix de transfert


en Afrique
Le développement de la législation sur les prix de transfert en Afrique est un processus
dynamique d’amélioration continue, et l’état actuel de développement est progressivement
actualisé et communiqué par les grands cabinets internationaux d’expertise comptable.
L’analyse de ces sources d’information, complétée par les résultats d’un questionnaire complet
sur les prix de transfert35, rempli par un certain nombre de hauts fonctionnaires des ministères
des Mines et des Finances d’une quarantaine de pays africains, a révélé que, même si la plupart
des juridictions font référence au principe de pleine concurrence dans leur législation fiscale
ou leur législation spécifique sur les prix de transfert en place, que seul un petit nombre sont
en mesure de l’appliquer de façon appréciable. En conséquence, les activités de conformité
telles que des audits sur les problèmes relatifs aux prix de transfert sont rarement menées,
et lorsqu’elles le sont, c’est surtout dans un cadre de vérifications générales qui, à quelques
exceptions près, concernent rarement les sociétés minières.
Il y a plusieurs raisons à cela :
■■ dans certains cas, la législation n’est pas encore complétée par des règlements
d’applications ou directives et par des systèmes pour sa mise en œuvre effective ;
■■ la plupart des autorités fiscales n’ont pas les capacités et systèmes administratifs et
manquent d’expertise spécifique sur les prix de transfert ;
■■ il y a un manque ou un accès limité aux bases de données comparables fiables relatives
au secteur minier dans les pays en développement ;
■■ seules quelques juridictions ont des unités spécifiques pour les prix de transfert au
sein de leurs administrations fiscales et
■■ la connaissance de l’industrie minière au sein de certaines administrations fiscales est souvent
insuffisante et, par conséquent, les questions sur les prix de transferts propres à ce secteur
peuvent ne pas être pleinement identifiées ou comprises et donc abordées.

Environ la moitié des juridictions exigent que les contribuables réunissent un dossier complet
à jour sur les prix de transfert ; dans certains cas, elles comportent des dispositions en matière
de pénalité et d’obligation de preuve. Les contribuables doivent communiquer ce dossier
annuellement, ou le produire plus fréquemment sur demande. En dépit de cela, de nombreuses

De plus amples détails sont fournis dans la publication « Prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation
35

sur l’Afrique : Guide de référence pour les fiscalistes »

34
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 35

juridictions rapportent une réticence des EMN à fournir des renseignements dans un délai
convenable pour les audits.
Fait intéressant, de nombreuses juridictions semblent prévoir des accords préalables en matière
de prix de transfert (APP) et d’autres formes de régimes de protection, mais comme nous le
verrons plus loin, ils n’ont à ce jour pas encore été mis en œuvre en Afrique.

4.2 Accès à des bases de données comparables et autres informations


essentielles d’audit
Une fois qu’une compréhension claire des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques
assumés par les parties lors d’une transaction sous examen a été atteinte, il est nécessaire
d’accéder aux informations clés et aux bases de données comparables. Ceci est fondamental
pour déterminer si la méthode choisie par le contribuable pour déterminer le prix de transfert
est appropriée et dans quelle mesure les prix de transfert adoptés sont conformes au principe
de pleine concurrence.
Malheureusement, le fait que certains des fournisseurs de services étrangers liés refusent de
livrer des éléments d’information clés et, comme le reconnaît l’OCDE36, le manque de données
comparables pertinentes n’améliore pas cette asymétrie inhérente de l’information. Bien que
des bases de données comparables situées à l’étranger soient disponibles (par ex., Bureau
van Dijk, Orbis, Amadeus et autres), elles sont chères et alimentées par des données nord-
américaines ou européennes, ce qui les rend en grande partie non pertinentes pour l’Afrique et
en particulier pour le secteur minier.
En revanche, certaines bases de données, telles que celles de Bloomberg, Platt’s et du Metal
Bulletin, se concentrent spécifiquement sur les produits miniers et, compte tenu de la taille des
flux de trésorerie liés au transfert des produits miniers, sont extrêmement utiles pour résoudre
des problèmes liés à l’établissement des prix et des revenus. Des informations utiles relatives
aux sociétés minières actives en Afrique peuvent aussi provenir des rapports financiers et autres
qu’elles communiquent à diverses bourses, c.-à-d., la Bourse australienne, la Bourse de Toronto,
« l’Alternative Investment Market » et certaines bourses régionales, sur lesquelles la plupart des
sociétés minières ayant des intérêts en Afrique sont répertoriées ou négociées.
En fait, à quelques exceptions près, la complexité des processus de prix de transfert ainsi
que la capacité technique limitée et la connaissance l’industrie minière de la plupart des
administrations fiscales, auxquelles s’ajoutent le coût élevé d’acquisition de l’information
pertinente et la mise en œuvre d’un programme de conformité efficace des prix de transfert
sont les principales raisons de la faiblesse de la mise en œuvre de règles pour ces prix.

4.3 Nécessité d’améliorer la communication et la coopération avec les


parties prenantes
Une conformité efficace en matière de prix de transfert nécessite un engagement et une
communication avec un éventail de parties prenantes à différentes étapes du processus, y
compris :
■■ les concepteurs de politiques et autres décideurs au sein du gouvernement et leurs
conseillers ;
■■ les observateurs de la société civile et des ONG sur l’industrie minière et les activités
fiscales en Afrique ;

36
Transfer pricing comparability data and developing countries, 2014 (en anglais).
36 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

■■ la collectivité, en particulier les autres contribuables qui veulent être assurés de l’équité
du système fiscal ;
■■ les organismes de l’industrie minière en Afrique et
■■ les filiales minières contribuables exerçant dans le pays hôte ainsi que leurs EMN.

4.3.1 Traiter et négocier efficacement avec les contribuables du secteur


Pour être en mesure de se conformer à la politique sur les prix de transfert, la législation et les
directives administratives, les contribuables (et le groupe de leur EMN) doivent connaître et
comprendre la position de l’administration fiscale. Si les contribuables sont en désaccord avec
cette position, ils devraient être en mesure de le contester de manière transparente. Ainsi, les
administrations fiscales doivent faire connaître clairement leur position sur des questions clés
et avoir en place des processus pour négocier et traiter les différends (y compris au tribunal si
nécessaire) de manière professionnelle et diligente.
Les communications et les relations entre les administrations fiscales et les EMN minières sur
les problèmes relatifs aux prix de transfert sont souvent problématiques du point de vue des
deux parties. Alors qu’un degré de tension entre professionnels se posera inévitablement, la
relation peut atteindre un point de rupture, qui peut mener à un processus prolongé et à des
résultats indésirables. Par conséquent, il est important que des efforts soient faits pour éviter
cette situation dans la mesure du possible.
Dans une tentative d’améliorer les relations et d’éviter de tels problèmes, de nombreuses
administrations fiscales ont publié les meilleures pratiques de leurs codes déontologiques pour
régir la conduite de leurs agents (y compris les auditeurs) et clarifier ce à quoi les contribuables
peuvent s’attendre durant un audit, ainsi que les autres interactions avec les administrations
fiscales. Comme la phase d’audit de cas relatifs aux prix de transfert est particulièrement difficile et
complexe, il est important que les auditeurs soient formés et connaissent bien ce qu’on appelle les
compétences relationnelles et la capacité de mener un audit vers une issue positive, conforme à la
législation sur les prix de transferts du pays hôte. Les administrations fiscales et les contribuables
peuvent avoir des positions différentes pendant les audits, et l’une ou l’autre ou les deux parties
peuvent faire jouer un éventail de tactiques délibérées ou instinctives.
Alors que de nombreuses EMN minières respectent la législation et les processus de prix de
transfert, il n’est pas rare que certaines utilisent des tactiques pour perturber l’efficacité et
l’opportunité des audits en cours. Les auditeurs doivent être en mesure de faire face à de telles
tactiques qui peuvent inclure :
■■ des contestations de la validité du rôle des administrations fiscales et, en particulier,
celui des contrôleurs fiscaux : les administrations fiscales doivent renforcer la confiance
des auditeurs, entre autres, au moyen de formations afin qu’ils soient en mesure de
faire face à ces défis et soient inébranlables dans leur rôle consistant à rassurer la société
civile et l’État qu’à chaque fois que nécessaire, la législation sur les prix de transfert est
vérifiée et appliquée de manière professionnelle, impartiale et transparente ;
■■ des réponses parfois défensives et agressives de la filiale minière et de l’EMN auxquelles
les vérificateurs peuvent mieux faire face quand ils connaissent et comprennent le
rôle et les antécédents des gens avec qui ils ont affaire, en particulier s’ils en sont les
initiateurs ou s’ils agissent sur ordre d’autrui, afin qu’ils puissent dans une certaine
mesure prévoir leurs tactiques ;
■■ des demandes d’intervention auprès des hauts fonctionnaires du gouvernement et
de l’administration fiscale (y compris les ministres), et il n’est pas rare que certaines
EMN minières se plaignent à propos des audits sur les prix de transfert et obtiennent
l’arrêt de l’audit ou le retrait des vérificateurs de l’affaire, mais cette tactique peut être
prévenue par des séances d’information sur les meilleures pratiques pour les hauts
fonctionnaires, afin de les informer régulièrement et préventivement des activités sur
la conformité des prix de transfert, de façon à ce qu’ils soient en mesure de soutenir
ces activités et d’éviter des réactions involontaires qui peuvent nuire à la validité de
l’audit ;
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 37

■■ des problèmes d’obtention des renseignements et documents nécessaires et des revendications


générales sur le secret professionnel, qui sont des problèmes chroniques souvent rencontrés
au cours des audits sur les prix de transfert dans le secteur minier et qui peuvent paralyser
les audits pendant des années, dans certains cas, pour faire face à des litiges collatéraux,
ce qui demande aux auditeurs d’être créatif afin de chercher d’autres moyens de procéder
à l’audit en temps utile, par exemple à travers un arbitrage indépendant, des sources
différentes d’obtention d’informations ou la préparation d’un redressement fiscal fondé sur
des hypothèses raisonnables ;
■■ la proposition de compromis, pour lesquels il est important que les vérificateurs soient en
mesure de les identifier et soient prêts à les accepter (ou les proposer) pour peu qu’ils soient
justifiables, en reconnaissant que les questions sur les prix de transfert sont intrinsèquement
complexes et que de nombreux problèmes sont discutables. Les compromis doivent être faits
de bonne foi, sous réserve de bonne gouvernance, et être bien documentés.

4.3.2 Traiter avec les organisations de la société civile et les communautés


Certains considèrent que les industries minières en Afrique n’ont pas réussi à assurer la
transformation économique auxquels les citoyens s’attendaient, parfois en raison d’accords
inégaux avec les compagnies minières, en raison de mauvaise gouvernance, et d’évasion fiscale.
Les organisations de la société civile (OSC) et les organisations non gouvernementales (ONG)
sont intervenues pour soutenir les processus demandant à être améliorés et faire respecter
les obligations minières, ou encore pour contrôler directement la conformité de l’entreprise.
Cela a donné des résultats positifs. Dans de nombreux pays africains, les contrats miniers sont
maintenant publics, il existe une plus grande transparence sur les recettes et sur l’examen des
négociations minières37.
Les interventions des organisations bilatérales et multilatérales (telles que le Groupe de la
Banque mondiale et le Fonds monétaire international) associées aux plaidoyers des OSC et des
ONG, dont beaucoup sont internationales, ont suscité une plus grande prise de conscience du
problème au sein des gouvernements, des citoyens et des partenaires au développement.
Le plaidoyer des OSC et des ONG a joué un rôle dans les enquêtes sur l’évasion fiscale, même
si leurs contributions ne sont pas nécessairement toujours bien documentées et crédibles. Étant
donné l’influence considérable des OCS et des ONG sur l’opinion publique, il est important
que leurs revendications concernant d’éventuels abus de prix de transfert soient fondées sur
des preuves fiables et une analyse éclairée.
Comme les prix de transfert sont un sujet relativement nouveau et très technique, il n’est pas
surprenant que les OSC et les ONG puissent être potentiellement mal informées en raison d’un
manque de capacités techniques. Si les OSC et les ONG doivent collaborer efficacement et jouer
leur rôle dans la lutte contre les problèmes relatifs aux prix de transfert, des efforts doivent
être faits pour améliorer leur compréhension de ces prix, et comment cela est susceptible de
se manifester en pratique dans le secteur minier. Leur capacité a été améliorée au cours des
dernières années par une série d’initiatives de formation y compris, par exemple, celles réalisées
par le Groupe de la Banque mondiale et le Natural Resource Governance Institute (NRGI). Le
renforcement des capacités est nécessaire dans les domaines suivants :
■■ les principes de base des prix de transfert et autres mesures de réduction des charges
fiscales ;
■■ la formation spécifique sur les prix de transfert dans l’industrie minière en Afrique, les
arrangements institutionnels et les mécanismes de responsabilisation ;
■■ l’évaluation des risques en matière de prix de transfert et

37
Erin Smith et Peter Rosenblum. Government and Citizen Oversight of Mining: Enforcing the Rules, (Revenue
Watch Institute, 2011) p. 4 (en anglais).
38 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

■■ des conseils pour mieux utiliser l’ITIE et les autres données publiques existantes pour
évaluer les risques liés aux prix de transfert.

Si les OSC et ONG sont correctement informées et formées, leurs activités peuvent être à la
fois synergiques et bénéfiques (plutôt que concurrentes) aux efforts des gouvernements pour
assurer l’application efficace des prix de transfert au sein du secteur minier africain. Elles font
partie de réseaux mondiaux qui peuvent constituer un levier d’accès aux renseignements
provenant d’autres administrations fiscales sur les activités minières des EMN au niveau
mondial, qui pourraient autrement ne pas être mises en lumière. Comme les ONG et les OSC
jouissent souvent de la confiance du grand public, elles peuvent, si elles sont bien formées et
informées par les autorités compétentes, devenir un moyen efficace d’information du public
sur ce qui est fait pour régler et gérer les problèmes relatifs aux prix de transfert et gérer les
attentes peu réalistes tout en accordant leur soutien à l’amélioration de la responsabilisation et
de la transparence.
Bien que la confidentialité du contribuable doive être respectée, les gouvernements et les
administrations fiscales pourraient partager davantage d’informations sur les prix de transfert
dans l’industrie minière, afin d’améliorer la qualité et le niveau du débat public. Une plus
grande transparence et un partage de l’information sont essentiels dans la promotion d’une
approche plus collaborative avec le public, les OSC et les ONG, et à la réussite globale d’un
programme de conformité efficace sur les prix de transfert.

4.4  Stratégies de simplification possibles


Le respect des règles sur les prix de transfert et du principe de la pleine concurrence peuvent
avoir un coût élevé pour les contribuables et les administrations fiscales. Il y a cependant
certaines stratégies que les administrations fiscales peuvent éventuellement utiliser, si elles
sont pertinentes, pour réduire ces coûts tout en améliorant potentiellement la conformité.
4.4.1 Régimes de protection
Les régimes de protection administratifs ou législatifs peuvent s’appliquer à une catégorie de
contribuables (par ex., ceux avec un chiffre d’affaires en dessous d’un niveau spécifique) ou à
des transactions (par ex., des services de soutien intégrés à faible valeur), en vue de fournir un
allégement de certaines des complexités et des obligations qui découlent de l’application de la
réglementation relative aux prix de transfert. Offrir un régime de protection pour les fonctions
à faible risque peut conférer plus de certitude pour les contribuables, réduire la nécessité
d’effectuer des études de comparabilité en vertu du principe de la pleine concurrence et libérer
des ressources, de sorte que les administrations fiscales et les contribuables puissent se concentrer
sur les problèmes relatifs aux prix de transfert plus importants et présentant un grand risque.
Accepter un prix en pleine concurrence pour des services de soutien à faible valeur entre parties
liées en s’assurant que la marge bénéficiaire ne dépasse pas 5 % pourrait être une illustration de
telles mesures de protection. L’aide des experts du secteur peut être très utile dans l’identification
des normes du secteur et les seuils pour les régimes de protection potentiels (un mécanisme
utilisé en Afrique du Sud).
Les régimes de protection devraient être accompagnés par des obligations d’information, un
examen et des exigences d’admissibilité strictes pour empêcher d’éventuels abus.
4.4.2 Accords préalables en matière de prix de transfert (APP)
Un APP détermine, préalablement à des transactions contrôlées, un ensemble de critères
permettant d’établir le prix en pleine concurrence pour des transactions réalisées au cours
d’une période précise. Les critères peuvent comprendre des questions telles que la méthode, des
transactions comparables spécifiques acceptables et des ajustements, ainsi que des hypothèses
essentielles concernant des événements futurs. Les APP peuvent être unilatéraux, impliquant
une administration fiscale et une multinationale et ses filiales, ou multilatéraux, en impliquant
deux ou plusieurs administrations fiscales.
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 39

Les APP peuvent apporter plus de certitude dans un esprit plus coopératif qu’un audit,
fournissant ainsi une manière plus sûre et plus rapide d’examiner les pièces justificatives et
parvenir à un accord sur les prix en pleine concurrence. Ils peuvent également revenir aux années
antérieures (qui, autrement, pourraient exiger un audit) ou s’étaler dans l’avenir. Cependant, ils
sont plus adaptés aux plus gros contribuables, car ils constituent une approche de conformité
demandant des ressources assez importantes en temps, coût et qualification professionnelle et

Figure 7 : Étape du processus de conformité en matière de prix de transfert axées


sur la cooperation
Pas approuvé pour un APP pour l'instant…
Phase 1 :
Un APP, tout comme un audit, ne doit être utilisé que
Qui est concerné ?
lorsque l'investissement est justifié (pas de problème
(sélection des candidats)
majeur ou capacités insuffisantes).
Problèmes potentiels
identifiés
Phase 3 :
Phase 2 : Quels sont leurs Phase 4 :
Vérification des pièces PA pour réduire la
problèmes ?
justificatives Résolution des problèmes
double imposition
(Évaluation des risques)
(Audit) (résolution)

Examen fonctionnel Étape 1 : identification des Accord sur le Oui


conditions réelles processus de Surveillance des
initial - qui fait
concernant les questions résolution et le prix implications politiques
quoi, où relatives aux prix de transfert qui en résulte ?

Non

Examen des comptes Étape 2 :


Traitement des
et de la documentation analyse de
objections / appel
en matière de prix de comparabilité et
(indépendant)
transfert ajustements

Renversé Confirmé

Compatibilité initiale Étape 3 : application de la


– industrie / marché meilleure méthode d’établissement Tribunal - gain de
des prix de transfert pour obtenir la cause ? Oui
gamme de prix ou de bénéfices

Non

Résultats réalistes Renverser


(pleine Étape 4 : accord l'amendement /
concurrence) ? sur prix de transfert fermeture du
Non Non
dossier

Oui Oui Implications politiques

Clore l’examen des Clore l’audit sur les Envisager une


prix de transfert - prix de transfert - modification de la
documents en APP documents en APP législation si besoin est

de 3 à 6 mois ~ environ 1 an de 2 à 3 ans plus de 3 ans


40 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

nécessitant une expertise en matière d’industrie minière et de prix de transfert. Les processus
de coopération impliqués dans la négociation d’un APP sont représentés schématiquement
dans la Figure 7. Ils nécessitent également des niveaux élevés de compétences en négociation
ainsi qu’un engagement de ressources pour entreprendre les travaux d’examen annuel. Le coût
d’un programme d’APP est similaire à celui d’un programme d’audit (mais plus rapide), ce qui
donne à penser qu’il devrait idéalement être rendu disponible aux contribuables des industries
minières présentant un risque plus élevé. L’intensité des ressources et les compétences
spécialisées en prix de transfert nécessaires pour conclure un APP sont la principale raison
pour laquelle ils n’ont pas encore été mis en œuvre à grande échelle en Afrique.

4.5 Problèmes découlant des conventions préventives de la double


imposition (CPDI) et du chalandage fiscal
Le réseau de conventions fiscales des pays africains est actuellement assez restreint, et la plupart
des traités actuels s’appliquent à une échelle régionale. En dépit de certaines revendications
selon lesquelles il est nécessaire de disposer d’un vaste réseau de conventions fiscales pour
attirer les investissements, les preuves empiriques sur les effets de l’IDE sont mitigées, car la
plupart des pays exportateurs de capitaux ont des régimes d’exonération ou de crédit en place
pour réduire ou éliminer les doubles impositions.
La conclusion d’une CPDI exige habituellement l’abandon ou le partage de certains droits
d’imposition et la réduction des retenues à la source dans les pays producteurs, et ceci devrait
être justifié par une compensation des avantages économiques ou stratégiques.
La question sur la manière de structurer et de négocier une CPDI plus équilibrée entre pays
développés et pays en développement est encore loin d’être résolue. L’OCDE et l’ONU
disposent de modèles de conventions fiscales internationales, le modèle de l’ONU conservant
une plus grande part de capacité de taxation pour les pays en développement. Daurer et Krever

Figure 8 : Schéma de chalandage fiscal (modifié du FMI, 2014)


Pas de traité = retenues à
PAYS C la source élevées PAYS A
Sté Mère Sté Minière

Traité = faibles
retenues à la source Traité = faibles
retenues à la source

PAYS D
PAYS B
à faible imposition
Sté Relais 1
Sté Relais 2
Traité = faibles retenues
à la source
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 41

(2012)38 comparent ces deux modèles dans une présentation sur les CPDI expressément dans
le contexte africain.
La décision de conclure des conventions fiscales doit être fondée sur des raisons économiques
et de politique générale (pas seulement pour des raisons de prix de transfert), équilibrant les
avantages attendus et les coûts. Le FMI note que tout pays en développement qui conclut
une convention fiscale doit être prudent39, car il peut obtenir davantage par évolution de sa
législation nationale que par les bénéfices d’une convention fiscale réciproque.
Même s’il n’existe pas de CPDI entre le pays hôte de l’exploitation minière (A dans la
figure 8) et le pays de résidence de la multinationale (C), cette dernière peut réduire le taux
effectif d’imposition au niveau consolidé par « chalandage fiscal », c’est à dire, en canalisant
l’investissement indirectement, par l’intermédiaire d’une entité, vers un pays à faible
imposition qui a une convention avec le pays hôte (B). Dans la pratique, on constate souvent
que l’investissement étranger passe par une juridiction favorable à faible imposition.
Avec le risque toujours présent de chalandage fiscal, les pays en développement voudront
probablement être prudents sur la création de réseaux de conventions fiscales et inclure
une disposition anti-abus telle qu’un article sur la « limitation des avantages » dans toute
convention qu’ils signent.
L’article des CPDI sur les échanges de renseignements est un aspect particulièrement
souhaitable (dans les deux modèles de l’OCDE et les Nations Unies) pour l’administration
des problèmes relatifs aux prix de transfert. En dépit des améliorations à venir dans la
soumission d’informations comme recommandé dans le Rapport final BEPS sur l’action 13
de 2015, et l’initiative ITIE40, certaines difficultés demeureront concernant l’accès dans un
délai convenable à suffisamment de données pour les activités de conformité des prix de
transfert. Fait important, les dispositions d’échange de renseignements sont accessibles sans
entrer dans des conventions bilatérales — elles sont disponibles lorsqu’un pays conclut des
accords d’échange de renseignements fiscaux ou en devient signataire du Traité multilatéral
de l’OCDE41 sur l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (dont 6 pays africains
sont déjà signataires).

38
Veronika Daurer et Richard Krever, 2012. « Choosing between the UN and OECD Tax Policy Models: An African
Case Study », European University Institute, Florence, Working Paper RSCAS 2012/60 (en anglais).
39
FMI – Spillovers in International Corporate Taxation, 9 mai 2014, publié le 25 juin 2014 (paras 24 à 40) (en anglais).
40
L’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) est une norme mondiale qui promeut la
gestion transparente et responsable des ressources naturelles. Son objectif est de renforcer les systèmes des
gouvernements et des entreprises, à informer le débat public et à rehausser la confiance. Site Internet (en
anglais) : https://eiti.org/
41
Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, qui est entrée en
vigueur le 1er juin 2011.
5
Recommandations
sur la marche à suivre

N otre recherche corroborée par le questionnaire de l’étude a clairement mis en évidence


un fort besoin de renforcement de capacités dans le domaine des prix de transfert sur
tout le continent africain en général et pour l’amélioration de la connaissance des structures
spécifiques, des caractéristiques de la chaîne de valeur et des processus des industries
minières au sein des administrations fiscales, en particulier dans les pays riches en minéraux
connaissant un développement rapide. Bien que significative, ceci ne constitue bien entendu
qu’une des facettes d’un problème plus vaste du renforcement de de la capacité du continent
africain en matière d’administration et de collecte des impôts miniers en général et ces deux
priorités devraient être considérées comme complémentaires. L’aide fournie par les institutions
internationales garantit que la plupart des pays africains disposeront progressivement d’une
base législative adéquate pour aborder les problèmes relatifs aux prix de transfert. Le principal
défi est maintenant de mettre en place des règlements d’application, des structures et des
capacités administratives adéquates afin d’en assurer une application efficace.
L’actuelle pénurie d’experts en prix de transfert peut être surmontée progressivement, malgré
les contraintes en matière de ressources, en proposant une gamme de possibilités de formation
et de renforcement des capacités pour construire un inventaire de compétences en interne.
Toutefois, ces personnels spécialisés seront également en forte demande en général, et le
gouvernement pourrait avoir des difficultés à les retenir, car leurs conditions d’emploi sont
moins compétitives que celles offertes par le secteur privé. Les gouvernements ne doivent
ménager aucun effort pour se présenter comme un «  employeur de choix  » en mettant en
avant la sécurité de l’emploi, des possibilités de parrainage externes et sur le lieu de travail, de
formation professionnelle, de mentorat et de développement de carrière clairement définie au
sein du ministère concerné ou à l’échelle de la fonction publique en général. Les initiatives de
coopération entre juridictions peuvent offrir une solution pragmatique provisoire en fonction
des contraintes actuelles de capacité pour les prix de transfert.
En nous basant sur notre étude, nous présentons les recommandations suivantes42 pour
leur examen par les administrations fiscales africaines et les organisations internationales
concernées :

Administrations fiscales africaines


1 Poursuite de l’élaboration et de l’affinage des dispositions législatives relatives aux prix
de transfert, en particulier leurs règlements d’application favorisant un respect et une
conformité accrus à la loi, y compris concernant les documents appropriés.

De plus amples recommandations sont fournies dans la publication « Prix de transfert dans l’industrie minière
42

avec focalisation sur l’Afrique : Guide de référence pour les fiscalistes »

42
Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique 43

Administrations fiscales africaines


2 En fonction de l’assiette fiscale du pays, détermination des meilleurs arrangements de
structure institutionnelle relatifs aux prix de transfert :
• par la mise en place des départements chargés des gros contribuables (comme c’est
souvent le cas actuellement) avec des sections fonctionnelles spécifiques (y compris
pour les prix de transfert) apportant des bénéfices, notamment en termes d’efficacité,
mais en évitant autant que possible le risque d’isolement culturel du reste de
l’organisation et la duplication des fonctions internes et des efforts ou
• une structure basée sur les types de taxe ou les fonctions (en particulier si les
ressources spécialisées sont rares) qui pourrait traiter des problèmes relatifs aux prix
de transfert dans le cadre d’audits généraux ou avec l’appui de spécialistes internes en
prix de transfert ou
• à la limite, une unité spécialisée autonome pour effectuer certains audits sur les prix de
transfert. Cette approche est actuellement rare en Afrique, mais peut être plus justifiable
à l’avenir.
3 Prise en considération de l’établissement d’une équipe d’audit spécifique au secteur minier.
Cela dépendra de l’importance des recettes que ce secteur génère. En ce qui concerne
les prix de transfert, l’équipe d’audit spécialisée dans l’industrie minière interagira soit avec
l’unité autonome, soit avec certains spécialistes qui lui seront adjoints.
4 Développement d’une meilleure compréhension des caractéristiques de l’industrie et, en
particulier, de la chaîne de valeur des industries minières en ce qui concerne les produits
minéraux extraits dans le pays, ainsi que les recettes potentielles et les principaux
éléments de coût pour chaque exploitation minière.
5 Négociation de conventions d’échange de renseignements avec les principales juridictions
fiscales de résidence des prestataires de services liés.
6 Évaluation de la pertinence de l’utilisation de la « sixième » méthode pour le transfert de
produits miniers vers les centres de services de commercialisation liés.
7 Examen de la pertinence de l’utilisation de mesures de simplification comme les «régimes
de protection » pour les fonctions routinières et négociation d’accords préalables en
matière de prix de transfert (APP) avec les principaux producteurs, en particulier pour
le prix d’exportation de minerais, si nécessaire avec l’aide de consultants extérieurs
spécialisés.
8 Adoption des recommandations du Rapport final BEPS 2015 sur l’Action 4 de l’OCDE, en vue
de plafonner les intérêts déductibles à un pourcentage fixe de l’EBIT (de l’ordre de 10 %
à 30 %) d’une entité individuelle (règle du taux fixe) ou attribution de la déduction des
intérêts à diverses filiales en proportion de leur contribution aux comptes consolidés de
l’EMN (règle du taux
de groupe).
Organisations internationales
9 Mise à disposition d’un éventail de possibilités de formation et de renforcement des
capacités aux administrations fiscales africaines pour la constitution d’un inventaire de
compétences approprié sur les prix de transfert comprenant :

• des ateliers internationaux axés sur les problèmes relatifs aux prix de transfert dans
le secteur minier qui sont actuellement organisés par le GBM, en coopération avec un
certain nombre d’institutions internationales, notamment la CEA, la GIZ et la MEfDA,
et qui doivent être mis en œuvre à partir du début de l’année 2017. Ces ateliers
pourraient également être ouverts aux OSC et aux ONG ;
• une participation, possiblement cautionnée, à des cours universitaires diplômants ou non
diplômants appropriés ;
• des affectations de court et moyen terme vers des juridictions fiscales plus avancées ;
• l’utilisation temporaire de spécialistes fiscaux externes provenant d’autres juridictions
fiscales ou du secteur privé pour travailler aux côtés des ressources internes en mettant
l’accent sur le transfert de connaissances et
• la mise en place d’un suivi efficace des programmes de parrainage et de plans de
développement de carrière clairement définis.
44 Les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique

Administrations fiscales africaines


10 Focalisation sur la formation pour communiquer, s’engager et négocier efficacement avec
les contribuables, en promouvant une meilleure compréhension des règles d’imposition et
le respect volontaire de celles-ci, et réduisant ainsi les contentieux, ce qui nécessite :
• une amélioration des relations avec les contribuables grâce à une meilleure
communication et consultation ;
• une réduction de la tendance actuelle de prise de positions conflictuelles et
• un renforcement significatif des compétences en matière de communication et de
négociation des administrateurs fiscaux.
11 Création et soutien d’initiatives de coopération entre juridictions comme solution
pragmatique provisoire aux contraintes actuelles de capacité pour les prix de transfert.
Parmi celles-ci figurent :
• la création d’Unités Multinationales de Prix de Transfert (UMPT) ponctuelles ou
régionales mettant en commun l’expertise de divers pays en fonction de règles de
hiérarchisation et de partage des coûts convenues ;
• le soutien de la mise en œuvre de l’initiative « Inspecteurs des impôts sans frontières »
de l’OCDE ;
• l’acquisition en commun et le partage de bases de données comparables clés et de
plates-formes de partage des connaissances et d’apprentissage en ligne, qui seraient
autrement hors de prix pour les administrations fiscales individuelles au travers d’une
institution de coordination (par exemple, le Forum africain sur l’Administration fiscale
(ATAF)) ;
• l’élargissement du réseau d’accords bilatéraux et multilatéraux internationaux d’échanges
de renseignements avec les pays africains, à l’aide de capacités informatiques
améliorées et de la mise en œuvre de l’initiative de déclaration pays par pays du projet
BEPS.
12 Soutien et systématisation des efforts actuels consentis en faveur de la reconnaissance de
l’affectation des bénéfices provenant des avantages compétitifs liés à la localisation dans
les pays producteurs, qui dans le secteur minier comprendrait la valeur des « ressources
minérales prêtes à l’accès » en Afrique.

En substance, les améliorations importantes de l’effectivité et de l’efficacité de l’administration


des règles sur les prix de transfert, nécessaires pour s’assurer que les pays africains recueillent
leur juste part des bénéfices tirés des ressources minérales provenant d’une rapide expansion
de l’industrie minière mondiale, coûteront du temps, de l’argent et des efforts concertés au
niveau national, soutenus par une aide internationale continue.
ANNEXE A
Sources principales de conseils dans les phases de
vérification et d’audit en matière de prix de transfert
« Practical Manual
on Transfer Pricing
for Developing Exemple de « Transfer Exemple de « Large Business Norme
Countries » (en Pricing Audit Roadmap » and Tax Compliance » de l’ATO internationale
Phase Principes de l’OCDE anglais) de l’ONU de l’IRS (en anglais) (en anglais) d’audit

Phase 1 « Dealing Effectively with the 8.3. « Selection of « Pre-Examination « Case Selection » (Sélection Sans objet
Qui est Challenges of Transfer Pricing » Taxpayers for Transfer Analysis » (Analyse de du cas) / définir le profil de
concerné ? (Traiter efficacement les enjeux Pricing Examination: pré-examen) risque
de l’établissement des prix Risk Assessment »
de transfert ) chapitre 2 : (Sélection des
« Selecting the right cases » contribuables pour
(Sélectionner les cas appropriés) l’examen des prix de
transfert : évaluation
« Draft Handbook » (Projet de des risques)
manuel) chapitre 5

Phase 2 « Dealing Effectively » (Opérations 8.5 « Preliminary « Initial Risk Analysis » « Risk Review » ISA 200
Quels sont efficaces) chapitre 3 « Getting off Examination » (Analyse initiale des (Examen des risques en
problèmes to a good start » (Partir sur de (Examen préliminaire) risques) matière de prix de transfert) ISA 315
présents ? bonnes bases)

« Handbook » (Manuel) chapitre 3


« Practical Manual
on Transfer Pricing
for Developing Exemple de « Transfer Exemple de « Large Business Norme
Countries » (en Pricing Audit Roadmap » and Tax Compliance » de l’ATO internationale
Phase Principes de l’OCDE anglais) de l’ONU de l’IRS (en anglais) (en anglais) d’audit

Phase 3 « Lignes directrices pour les « Execution » (Exécution) « Audit »


Vérifier prix de transfert aux EMN et aux
les pièces administrations fiscales »
justificatives 8.6 « Audit Recueil des faits Recueil des faits et d’identifier ISA 500
Chapitre I : Le principe de pleine Procedure » les conditions réelles présentes ISA 520
Ajuster les concurrence (Procédure d’audit) Réalisation de l’analyse ISA 530
questions si fonctionnelle et de la Sélection de la méthode fiable ISA 550
nécessaire D.1.2 Facteurs déterminant la 8.7 « Narrowing of comparabilité la plus appropriée et la plus
comparabilité Issues: Development sûre ISA 700
Conseiller sur of Tax Authorities’ Réalisation de l’analyse
les traitements • Caractéristiques Position » économique Application des règles de prix
futurs • Analyse fonctionnelle (Rapprochement des de transfert
• Clauses contractuelles positions : définition Réalisation de l’analyse
• Circonstances économiques de la position des juridique, l’ajustement Ajustement si nécessaire et
• Stratégies d’affaires autorités fiscales) proposé surveillance

Chapitre III : Analyse de
comparabilité

Phase 4 Opérations efficaces… : 9 « Dispute Avoidance Résolution Règlement des différends/


Résoudre les and Resolution » accords
problèmes Chapitre 6 « Parvenir à un point (Prévention et
de décision » résolution des
différends)
Lignes directrices pour les prix
de transfert : Chapitre IV

Liens http://www.oecd.org/site/ctpfta/ http://www.un.org/esa/ http://www.irs.gov/pub/irs- https://www.ato.gov. http://


49428070.pdf et voir http://www. ffd/documents/UN_ utl/FinalTrfPrcRoadMap. au/ uploadedFiles/ en.wikipedia.
oecd.org/tax/transfer- pricing/ Manual_TransferPricing. pdf Content/ LB_I/downloads/ org/wiki/
Draft-Handbook-TP-Risk- pdf BUS16985lrgbustaxcomp.pdf International_
Assessment-ENG.pdf Standards_on_
Auditing

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