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Claire et Jean-P?

arie DUPRE

Yves CAPY

BOLONDO

VILLAGE SENOUFO

UNE TRADITION FORTE EBRANLEE

PAR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Septembre 1975

Centre ORSTOM de Petit-Bassam

Sciences Humaines

Ecole Supérieure d'Agriculture

d'ANGERS
REMERCIEMENTS

Nous remercions, au seuil de cet ouvrage, les personnes ayant

contribué à mener à bien ce travail, Nous penL;ons plus particuliérement à :

-Messieurs les membres du Centre ORSTOM de Petit-Bassam qui.; en plus

de leur accueil, nous ont apporté leur expérience

-Messieurs les préfet et sous-préfet de Boundiali

-Konsieur Leroy, chercheur ORSTOM qui nous a aid& à amorcer notre


travail et introduits dans le village

-Kolotchalama Yéo notre interprète.


SOMMAIRE

Page
PREMIERE PARTIE : Présentation générale

Introduction

Le département de Boundiali

1. Le milieu naturel

II. Le milieu humain

Le village Bolondo

1. Historique

II. Démographie

III. Morphologie sociale

IV. Le terroir

DEUXIEME PARTIE : Structures de reproduction

Les fondements de la reproduction sociale 15

1. Le pôro 15

II. Le pouvoir politique et juridique 16

III. La religion 10

Les fondements de la reproduction individuelle 20

1. Parenté, filiation, résidence 20

II. Le mariage . 20

III. La mort 22

TRCISIEME PARTIE : Structures de production

Les facteurs de production 2s

. 1. L'unité de production et de consommation le segnon 25

II. Le sénoufo et la terre 28

III. Le sénoufo et le travail 57

La gestion du produit 41

1. Stockage des produits 41

II. Consommation 41

III. Constitution des réserves 42

IV. Vente des produits 42

V. Utilisation des revenus 43

QUATRIEME PARTIE : Quelques aspects de l'évolution des structures


1. Segmentation de la concession 46

II. Introduction des cultures de rente, multiplication


des champs individuels 47
III. Et demain ? 49
CONCLUSION 52
Bibliographie

N.E. Les astérisques placées a la suite de certains mots renvoient au vocabulaire en


debut d'annexe.
PR EM 1 ERE PARTIE

PRESENTATION GENERALE

LE DEPARTEKENT - LE VILLAGE
5
INTRODUCTION

Dans le cadre de nos études à l'école supérieure d'Agriculture d'Angers,

il nous est propose, en fin de troisiéme année, une étude à caractere sociologique

d'une communauté rurale. Nous avons choisi, grâce à Xavier Leroy, alors sur le
terrain, un village senoufo du nord-ouest de la Côte-dlIvoire.
Avec l’accord du ministère de la Recherche scientifique en Côte-d'Ivoire,

nous avons beneficié de l'accueil, de l'appui matériel et des conseils du Centra


ORSTOM*de Petit-Bassam, secteur "Sciences humaines", d'Abidjan.

Nous avons établi, en France, un projet de recherche, dont l'hypothèse

principale était : "Les structures de parenté conditionnent les structures


agricoles, que l’introduction de cultures de rente modifie en faveur de l'indivi-

dualisme.

La demande de 1'ORSTOM concernait l’introduction de la culture attelee


dans le nord de la Côte-d’Ivoire. Le sujet s’inscrivait bien dans notre hypothèse

de départ, puisque la culture attelée concerne surtout le coton, culture de rente

encadrée par la CIDT?

Après 10 jours de pré-enquête sur le terrain nous avons pu compléter

notre projet de recherche en l'adaptant au milieu. Plonsieur Leroy, qui nous a

introduit sur le terrain, nous a conseillé pour plus d’efficacité, de nous centrer
sur quelques unit& d'exploitation, une Ctude exhaustive du village étant impos-

sible en deux mois de terrain. Les difficultés rencontrees au cours de la préen-


quête nous ont expliqué pourquoi une monographie de village demandait plus d'un

an à un chercheur : il n'existe en effet rien d’écrit; les relations entre


cléments sont pour nous très complexes et tres difficiles à saisir; la QtJalit6 et

la precision des informations sont telles que tout doit être sans cesse vérifie,
recoupe.
Nous avons tenté de degager des mécanismes généraux au niveau de tout

le village, mais avons, sur certains points, limité notre enquête à 4 unités

d'exploitation.

La pré-enquête nous a conduit 3 poser quatre hypothèses secondaires :


-les structures agricoles sont essentiellement $3 caractère collectif,
-sur les champs collectifs, le mode et l’importance des cultures de rente
sont fonction du nombre et de la qualité des personnes de l'unité d'exploi-

tation,

-les cultures de rente se juxtaposant aux cultures vivriéres traditionnelles


-les champs individuels sont en culture de rente.
6

Ne comprenant pas la langue sénoufo et n'ayant aucun document

sur le village, nous procéderons principalement par questionnaires, à repenses


oui-non, pour essayer d’éviter les malentendus. Toutefois, nous essaierons au

maximum de pratiquer des entretiens non directifs, bien que la présence d'un

interprete ne facilite pas la spontanéité.

C!utre les chefs d'unités d'exploitation, nos informateurs privilégiés


seront les vieux du village, notre interprete pour des questions d’ordre général,
et les personnes du village que nous voyons le plus souvent et connaissons le

mieux.

Après une présentation du village, dans la region et en lui même,

nous étudierons en premier lieu, les fondements de la reproduction sociale et


individuelle et en second lieu, les fondements de la production. Dans une derniére
partie, nous tenterons de faire quelques, rapprochements entre ces deux aspects
de la société, notamment à la lumiere de quelques faits marquants de l’évolution
actuelle. Ceci nous permettra, nous l’espérons, de vérifier le bien fondé de nos

hypothèses.
LE DEPARTEi<lENT DE BOUNDIALI

1. LE MILIEU
__-__--------_--- NATUREL
_----_-~---_~_~~~

Situé dans le nord de la Côte-d'Ivoire, le département de Boundiali

est marqué par un climat tropical subhumide. Alors que le sud est soumis à un

régime de deux saisons des pluies, le nord de la Côte-d'Ivoire n'en regoit qu'une

ayant son intensité maximum au mois d'aoGt. L'unique saison sèche qui dure 8 mois,

de novembre à juin, est marquée par lac présence de l’harmattan, vent chaud et sec

du Nord-Est, responsable d'une baisse brutale de l'humidite relative.

La pluviométrie annuelle à Boundiali est de 1.433 mm (moyenne 1530-1!366),

Les précipitations mensuelles pour le départoment sont représentées en annexe

(C.3). Elles atteignent 325 mm en août pour la région de notre village : Bolondo.

La carte des déficits hydriques cumulés (annexe C.4) donne une idée de l'intensité

de la saison seche. Elle permet d’autre part de situer la région dans la zone de

végétation subsoudanaise.
l

Cette végétation est caractérisée par des forêts claires, sèches, et

des savanes. Il en résulte deux strates de végetation : l'une arborescente (petits


arbres de 8 à 15 mètres), l'autre herbacée constituée surtout de hautes graminées.
Selon l’importance du peuplement forestier, les savanes prennent le nom de :
savane boisée, savane arborée, savane arbustive ou savane herbeuse (annexe C-5).

Les jacheres qui durent 20 à 40 ans représentent tous les stades de savanes
suivant leur âge. De savanes herbeuses au début, elles redeviennent savanes

arborées avant d’être de nouveau cultivées.

La monotonie de ce grand plateau formé de granites et de schistes est

rompue par endroits par l’émergence d’inselbergs. On peut distinguer deux grands
types de sol qui se caractérisent par leur couleur, leur structure physique et
leur degré d’induration.

-Les sols de plateau sont rouges, gravillonnaires et à structure argilo-


sableuse. Ils sont souvent de bonne qualité quand ils ne presentent pas de cuiras-
se formée par suite d’érosion prolongée, avec mise si nu des horizons indurés. Ils
conviennent bien à la culture traditionnelle.

-Les sols des bas-fonds (plaines inondées) sont bruns, allant jusqu'au

noir, sablo-limoneux ou argileux, souvent hydromorphes. Ils sont d'autant plus

fertiles qu'ils ont une teneur en argile élevée. Ces sols doivent être labourés
et sont exploités en riziculture inondée.
II. LE MILIEU
___----_-------_ HUKAIN
----------------

1. Les ethnies

Les occupants de la region sont les Sénoufo (Chiénawa) qui forment un

groupe relativement homogène. Ce sont des cultivateurs trbs attachés à leur

terroir, renfermés et peu colrmunicatifs avec l’etranger e La recherche de la

sécurité collective a été.longte;nps pour eux, dans l’histoire, une nécessité, ce

qui explique parfois une certaine réticence aux innovations. Ils vivent pour une

large part sous le régime de l’Économie de subsistance et dans la religion


animiste de leurs ancêtres. Ces Sénoufo sont répartis en plusieurs sous-ethnies

(ou tribus) dont la sous-ethnie GEIATO, au sud de fioundiali, dans laquelle se

trouve Bolondo (annexe C.6). Les membres d’une même sous-ethnie possèdent tous

un ancêtre commun et le langaqe de chaque sous-ethnie diffère quelque peu, aussi

bien dans les intonations que dans certains mots.

Une minorité de Dioula, très différente des Sénoufo, est présente dans

le département. Le nom de Dioula ne comporte en soi aucune specification ethnique

ouisqu’il signifie simplement: “commerçant”. En réalité, le terme est utilisé pour


désigner les musulmans d’origine malinké, quelle que soit leur profession et leur

ethnie precise.

2. Les divisions administratives

Depuis l’indépendance, la Côte-d’Ivoirc est divisée en préfectures et


sous-préfectures. Boundiali , préfecture du département est aussi une sous-préfec-
ture dans laquelle se trouve Bolondo. La sous-ethnie dos Senoufo Gbatobelé se
trouve à cheval sur les sous-prefoctures de Dianra et de Boundiali (annexe C.7).

3. Les villaqes

Bolondo se trouve dans une zone do densité de population faible

(7 habitants/km2) (annexe C.9). Les villages dont la population moyenne est de


580 habitants sont disséminés dans toute la brousse (annexe C.8). Les grands axes
de communication passent par les plus importants (El00 à 1.500 hab.) et les village

plus petits, comme Bolondo (403 hab.) sont un pou en retrait des grandes pistes.
64 $ des villages sont composés de Sénoufo autochtones, ce qui est le

cas de Bolondo. Dans les autres villages, les Dioula sont venus s’installer B
côté des Sénoufo en fondant un quartier séparé.
9

4. Les activités

Les Senoufo sont des cultivateurs. Aussi l'activité dominante reste

l'agriculture qui comprend trois grandes catégories de culture :


-les cultures wivrières traditionnelles (igname, riz, sorgho, maïs...),
-les cultures de rente, (arachide, riz inondé, coton),

-les cultures de cases (tomates, piments, gombos, tabac, patates douces...)

Au sud de Boundiali, l’artisanat est peu deweloppé. ~Juelques villages

abritent des sculpteurs 'de bois, potiers et forgerons, regroupés en castes

suivant leur activité.

Les activités économiques sont représentees par toutes les sociétés

de développement telles que la CIDT*, la SGDERIZ*, la SODEPRA*, la SATFIACI, dont

le râle est de promouvoir et d’encadrer respectivement le coton, le riz, l’élevage


(la SATFÎACI s'occupant des défrichements et travaux motorisés pour le riz).

LE VILLAGE : BOLONDC

1. HISTORIQUE
---_----__
----------

Bolondo se situe dans une zone qui fut de tout temps soumise & diverses
invasions, et ceci par le fait que les gens ne s'étaient ralliés à aucun des

grands chefs de guerre de la région. Ceci explique pourquoi, traditionnement,


nous sommes dans une zone peu dense, les gens s'étant exilés dans l’espoir de

trouver un lieu plus tranquille.

Bien avant la guerre de Samory, deux grands chasseurs amis étaient

chefs de deux villages : l'un, Karafine, situé entre Ganaoni et Kambiala, l’autre
situé entre le Bolondo actuel et Zangaha. Ces deux hommes chassaient de gros
oiseaux (marabouts) appelés bolondo. Les Kassoulouba, genies de Karafiné, ont

chassé les habitants de ce village (Karafiné fut à plusieurs reprises détruit

par le feu), Leur chef, Yfl?, alla demander a son ami le chef SORO s'il pouvait
s’installer auprès.de lui. Celui-ci lui conseilla de s’installer auprès de la

mare aux "bolondo", lui disant qu'il irait le rejoindre ultérieurement. Quelques

temps plus tard, le chef SORO vint s’installer en fondant un quartier séparé.
Les deux amis baptisèrent le village ET!LONDO, du nom des oiseaux. Le chef YEO,

bien qu'installe le premier, donna au chef SORO la chefferie du village car c’est
lui qui avait accepté de l’accueillir et décide de l'endroit. Six chefs !?@RD se

succédérent avant la destruction du village lors de la guerre de Sarnory (1090).


Les survivants se cacherent dans la brousse.
10

A l'arrivée des français qui marqua la fin de Samory, ils

reconstruisirent le village en respectant la séparation entre les deux quartiers.


Le plus âgé des survivants SORO, jetiine encore, Nanga, reprit la chefferie du

village. Depuis les chefs ont été : Nanga, Gonan, Fonan et enfin Posouhan, neveu

de Nanga et chef actuel,

II . DEIYOGRAPHIE
-_---__--__
-----------

Pour les 403 habitants, la notion d'âge s'exprime par un système de

classe d'âge lié au Pore*, toujours en vigueur dans le village. Nous utiliserons
cette classification tout au long de notre exposé. Pour trouver l'équivalent en

annees de ces classes d'âge, nous nous sommes basés sur des personnes Qtant nées

une année oi, eut lieu un fait connu (déclaration de la liberté de travail 1944,
l'indépendance 1960, l’introduction de la culture du coton CFDT* 1963). Nous avons

ainsi obtenu le classement suivant :

-de 0 à 7 ans : classe des Goundarabelé disparue aujourd’hui


-de 7à14 " : classe des Siandionhon aussi disparue
-de14à21 " : classe des Plakorolé
-de 21 à 28 " : classe des Plali! (cultivateurs)
-de 27 à 35 " : classe des Kangbarlé
-de 35 à 42 " : classe des Tiololé (i'iitiation)

-de 42 à 49 " : classe des Kafoye

-de 49 à 56 " : classe de, Télélé

-de 56 et plus : classe des Oliélé

1. Une pyramide tourmentéo

En regardant le tableau qui nous montre la répartition de la population

(annexe T.l), nous remarquons que les femmes sont moins nombreuses que les hommes

(ISO contre 213) malgré un taux de polygamie de 1,455 femme/homme marié (annexe
T3,l). Si nous prenons les hommes et femmes en âge d’être mariés, nous avons 94
femmes (plus de 18 ans) pour 81 hommes (+ de 28 ans). P,;ous voyons donc que le

manque d'effectif féminin se situe surtout dans le jcunc âge.

La pyramide des âges nous montra une figure très particulière. Le trou
remarqué au niveau des plakorolé-plalé (14-25 ans) s’explique,pour ies garçons,
par le fait que la grande majorité part en basse-côte où ils trouvent à travailler
11

dans les grandes plantations en gagnant plus d'argent qu'au village. Quelques

filles agissent de même. Les garçons reviennent vers 26-JO ans pour faire le Poro
et ceux qui se sont mariés ramenent leurs femines. Le trou, s'il s'explique

facilement pour les garçons, demeure obscur en ce qui concerne les filles. A ce

niveau, il devrait être moindre. Toutefois, nous sommes dans une région oh la
surmortalite féminine dans le jeune âge (-de 15 ans) a été maintes fois constatée

(273 $,). Ceci peut expliquer la faiblesse démographique des femmes on général.

Au niveau Kangbarlé, Tiololé (28-42 ans), nous avons plus de femmes que

d'hommes. s'il est vrai qu'une Premiere femme est généralement plus jeune d’une
classe d’âge que son mari, les secondes ou troisièmes femmes des hommes de plus

de 50 ans sont le plus souvent Kangbarlé, Tiololé ou Kafoyé. Donc, ces classes
d'âge correspondent aux femmes des hommes de 35-49 ans et aux secondes femmes

des vieux (annexe T2,1,).

Quoiqu'il en soit,.cette pyramide concerne un petit nombre d'individus,

aussi nous ne pouvons tenir compte de varistions jouant sur une ou deux personnes,
le hasard restanttrès grand. Pour développer exhaustivement l'aspect demographi-
que du village, il aurait fallu effectuer des recherches plus poussées.

2. Une structure jeune

La structure pâr âge est, quant h elle, celle d'une population jeune :

46,9 $ de moins de 14 ans et Y,4 $ seulement de plus de 50 ans, cc qui est

caractéristique des societés africaines.

Les femmes mariées ont en moyenne 2,83 enfants vivants (annexe T3,2).

Si l’on considere les femmes ménooausées, nous arrivons à 4,14 enfants vivants

par femme. Ce chiffre est important puisque la mortinatalité et la mortalité

infantile sont très élevées.


%~US remarquons par ailleurs une diminution de 20 $ entre les enfants

de moins de 7 ans (105) et ceux de 7 à 14 ans (84). Cette baisse d'effectif

semble provenir d'une épidémie de variole qui a frappe la r6gion en 1967-1968.

En somme, nous avons à faire 3 une démographie perturbée et par des

facteurs naturels (épidémie), et par des facteurs sociaux (départs en Basse-Côte,


échanges de femmes...).
12

III. MORPHOLOGIE
_____----_------eV...
___---------------- SOCIALE

1. A l’intérieur du villaqe

-Un ensemble structure


---------------------

Le village (Kahâ) est divisé en deux quartiers : (pinhin), l’un YEO

de 246 habitants, l’autre SGRO de 157 personnes (annexe C.‘lO). Celui-ci est plus

aéré. Ceci peut s’expliquer par les dissentions ayant existe entre les membres
du lignage principal SORO (69 personnes); les gens ont preféré prendre leurs

distances. Nous ne pouvons cependant en conclure que l’harmonie est loi dans le

quartier YEO, mais les dissentions, si elles existent, n’ont pas eu les mêmes

conséquences.

Dans chaque quartier nous avons 5 concessions (Katiolo). Elles

.regroupent les membres d’un meme lignage. Les effectifs par concessions sont

très variables (annexe T.4), leur importance étant le signe d’une implantation

plus ancienne dans le village. Le lignage fondateur est le plus important du

quartier SORU. Il est dirigé par le chef du village. Du côti! YEC!, c’est la

concession du chef de quartier qui est la plus importante, Ceci confirme la


corrélation effectif-ancienneté. D’autre part, la taille moyenne des concessions

YEO est de 46,2 personnes. Les lignages y seraient donc plus anciens que du côté

SORO où ils ne comptent que 29,2 personnes en moyenne. Effectivement dans ce

quartier, à part deux concessions de 69 et 40 personnes, les autres sont peu

importantes et correspondent à des étrangers venus s’installer assez récemment


(moins de 30 ans).

Ces concessions sont divisées en segnons (ou unités d’exploitation)

qui sont des unités de production et de consommation basees sur la parenté,

L’habitat
---------

3 types de cases apparaissent dans le village (annexe C.11).

-Les cases rondes en banco (torchis de latérite) recouvertes de chaume

sont les plus anciennes. Aujourd’hui, elles sont occupées par les femmes. Plus

spacieuses que les autres, elles permettent de loger davantage de personnes et


conviennent donc aux femmes qui gardent-avec elles leurs enfants jusqu’a l’â,ge

de 13 ans pour les garçons et jusqu’au mariage pour les filles (;E ans).

-Les cases rectangulaires en banco et recouvertes de chaume sont


occupées par les hommes. Ces cases comportent deux pieces, une servant de

chambre & coucher, l’autre faisant office de salle à manger-salon-entrepôt.

-Les cases rectangulaires en ciment et recouvertes de tôle Ondul&e


ont les mêmes caractéristiques que les précédentes. Elles sont coûteuses mais
le toit dure plus longtemps et les risques d’incendie,sont moindres. Au nombre

de 10, elles sont le signe d’une certaine richesse.


13

La langue
---------
Le s é n o u f o g b a t o e s t In l a n g u e d u v i l l a g e . Le d i o u l a , l a n g u e c o m m e r c i a l e ,
est p a r l é p a r quclques dizaines de personnes, celles SE d é p l a ç a n t ou s ' é t a n t
d é p l a c é e s l a p l u s s o u v e n t . Le f r a n ç a i s , l m g u c o f f i c i e l l E , e s t p l u s OU moins
p a r l é p a r 8 e n f a n t s s c o l a r i s Q s ( d o n t un2 f i l l e ) , q u e l q u o s j e u n e s e t 3 v i e u x ,
anciens cmbattants.

Les activités
-------------
Hormis l ' a c t i v i t é p r i n c i p a l e du S é n o u f o , l ' a g r i c u l t u r e , deux f o r g e r o n s
s o n t vsnus s'installer au villagL e t f ab r i q u en t des outils pour t r a v a i l l e r la
t e r r e a i n s i Q u e d e e c o u t e a u x e t m n c h c t t e s . I l s p o s s h d e n l q u a n d m h e t o u s d e u x un
champ d e c o t o n ,

L ' é l e v a g e b o v i n du v i l l a g e e s t SOUS la s u r v c i l l a n c e d ' u n b o u v i o r


s é n o u f o q u i , élevé p a r u n e communauté P e u l h a a p p r i s 2 c o n d u i r e l e s t r o u p e a u x .
En e f f e t , les s é n o u f o , a g r i c u l t e u r s , n ' o n t j a i n a i s aimQ l ' é l e v a g e e t o n k même u n
peu p e u r d e s b o v i n s . Les P e u l h , nomades p a r e x c e l l e n c e , o n t t o u j o u r s c o n d u i t d e s
t r o u p e a u x e t c o n s i d è r e n t l a t r a v a i l d e la t a r r o comme d é g r a d a n t . Le terme p e u l h
e s t s o u v e n t e m p l o y é , p a r lcs Ç é n o b f o , à l a p l a c e d e b o u v i e r .

P r e s q u e t o u s les a g r i c u l t e u r s p o s s é d c n t u n f u s i l ( s o u v e n t f u s i l d e
t r a i t e ) avec l e q u e l ils p r o t è g e n t l e u r s c u l t u r e s , notaminerit c o n t r ; . l e s s i n g e s ,
o i s e a u x st l a p i n s . Tous p r a t i q u e n t u n c cliassc d e d é f c n s o d o n t l e p r o d u i t e s t
u t i l i s é d a n s 1 ~ ssa u c e s a c c o m p a g n a n t l e s r o p a s .

Lû c u e i l l e t t e e s t s u r t o u t u n s a c t i v i t é d e s femmes e t d e s e n f a n t s e t
c o n c e r n e les m a n g u e s , l a s a n ô c a . r d o s ( n o i x d a c a j o u ) , los p a p a y e s e t l a k a r i t é
(servant ??I f a i r e un beurre q u i e s t l a m a t i é r c g r a s s e e m p l o y é e d a n s l a c u i s i n e ) .
Q u e l q u e s v i e u x , e t , c e r t a i n s hommes les J w r s d e r e p o s , c o n f e c t i o n n a n t
d e s p a n i e r s , p o u l a i l l e r s c t v a n s a v e c d c ç b r a n c h e s d e p a l m i e r . Ces p r o d u i t s s o n t
wandus Èi des marchands q u i p a s s e n t r é g u l i & r m e n t d a n s l e v i l l a g o .

Le v i l l a g e d e G a n a o n i s i t u é à 4 !.mi a b r i t o l ' é c o l e , où v o n t l e s 8
e n f a n t s d e B o l o n d o , e t u n m a r c h é h e b d o m a d a i r e . Les hommes s ' y r e n d e n t . , e n q u a t e
d e vêtements, t a b a c . .., c t l c s femmes p o u r v c n d r e q u c l q u e s f r u i t s e t t o m a t e s ,
o u p o u r a c h e t e r d e s c o n d i m e n t s et, u s t e n s i l e s d e c u i s i n e .
14

Le réseau de pistes comprend une multitude de sentiers reliant Bolondo

à ses champs et aux villages environnants (Kambiala, Mafoun, Zangaha...). Il


n'existe que deux pistes importantes : l'une, tout juste carrossable, reliant

Bolondo à Ganaoni, l'autre plus importante rejoignant la piste principale Ganaoni-

Boundiali.

Les moyens de locomotion sont limites. Les seuls véhiculas du village

sont 57 vélos et 15 mobylettes, Los grands déplacements (Plus do 50 km) se font

en taxi-brousse,

Recemment, un lac artificiel a été créé par la SODERIZ pour promouvoir


la culture du riz inondé. Si Bolondo no bénéficie pas du réseau de cannaux d’ir-
rigation, ses habitants peuvent y pôchor, mais cette activité n'en est qu'hi ses

débuts.

En ce qui concerne las rapports entre Bolondo et les autorités a'dminis-

tratives, deux secretaires du PDCI (parti unique de CZte-d’ivoire) se chargent de

faire circuler dans le village les informations qu’ils reçoivent du secrétariat


gé&éral du parti ou de la sous-préfcctura de Boundiali.

IV. LE TERROIR
-_---_----
--------_-

Le terroir de Bolondo est limite par ceux de Zangaha et Nafoun a l'est,

celui de Kambiala au nord, celui de Ganaoni au sud ct par la piste Boundiali


Ganaoni à l'ouest. Il est grossierament découpé on deux partios, une par quartier

(annexe C.10). Le côte est du territoire est occupé par le quartier SORO tandis

que le quartier YEO occupe le côté ouest, La limite entre CQS deux parties n'est

pas réellement définie et il existe des zones de recoupement,

Les champs sont dissémines sur l'ensemble du terroir, chaque sognon

ayant un bloc de culture. Pour le riz inondé, la necessite de cultiver dans un


bas-fond fait que les rizières inondées transgressent la loi de séparation en
deux du terroir. Il en est de même pour un bloc de culture de 9 hectares
défriché au bulldozer par la CIDT.

Les jachères sont de l’ordre de 20 à 40 ans suivant la qualite du sol.

Ceci no ooso pas de problèmes de place car le terroir est grand par rapport aux
surfaces cultivées. Toutefois, une partie des terres est envahie par les eaux du
lac ce qui a obligé le déplacement do cortnins champs,

Aprhs avoir situé 1~ village dans rln cadre: général, voyons-en les

structures qui lui permettent de subsister ou niveau social d’abord, puis au

niveau production.
OEUXIEIYE PARTIE

LES STRUCTURES DE REPRODUCTION

LES FONDEKENTS DE Lfi REPRODUCTION SOCIALE

LES FONDEMENTS DE LA REPRODUCTION INDIVIDUELLE


15

STRUCTURES
-------------__----------- DE REPRODUCTION
_-_----------___-----~-~--

LES FONDEMENT:; DE LA REPRODUCTION


----------------_-.-.---------~----..--....-..-....-- SOCIALE
_-----_----------~~_~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

1. LE PORO

Le terme "pôro" désigna 51 la fois un3 institution qui, par le système

de classes d'âge englobe toute la sociéte senoufo, et à la fois une manifsstation

Particulière à une classe d'âge : l'initiation. Cette dernière étant secrète, il


est difficile! de se faire une opinion quant à sa nature et à sun sens, si on n'y

a pas participé. Or celui qui y a participé n'a pas le droit d'on Parler I

Le p6ro est une institution qui régit tout lc; comportement social du

sénoufo de son adolescence à sa mort en lui fixant des droits et des devoirs selon
son age. C'est, selon un vieux, “pour maîtriser les jeunes, pour pouvoir les
obliger ù fairo des choses que sans ça ils ne feraient pas". Le pôro est réservé
aux hommes; les femmes peuvent Ctrc toutefois initiees, mais seulornent après la
ménopause. Sinon, "elles ne sauraient pas garder le secret” !

1. Les classes d'âge


-------------__-_

Tous les sept ans se constitue une classe d'âge les Plakorolé, ayant

théoriquement entre ‘13 et 20 ans environ. Les deux premières classes d'âge du

pôro : les goundarabélé (de 0 à 6 ans) nt les sandionhon (de 6 à 43 ans) sont

aujourd'hui tombées en désuékude à Bolondo.

L’écart d’âge, 13-20 ans, au départ pour les Plakorolé est théorique o en effet

plusieurs frères de même mère ne peuvent être ensemble dans une même promotion :

ainsi si il y a trois fréres d’âge proche, le premier sors avancé et aura moins
de 13 ans à son entrée, le cadet sera inclu normalement et le troisième sera
retardé à la promotion suivante et se trouvera avoir plus de 20 ans lorsqu’il
deviendra PlakorolÉ. Au bout de sopt ans ceux-ci Passent Plalé, puis sePt ans
encore, ils deviennent Kangbarlé pour un an pendant lequel ils seront préparés

c1 l'initiation ou pôro, à l'issue duquel ils sont Tiolole pour sept ans, puis de
sept ans en soPt ûns MafayÉ, Télé16 et enfin Oliéle, c'est-à-dire "vieux" au
sommet de la hiérarchie sociale.

2. L'initiation
------------

Si le stade Olié est le plus haut degré do la hiérarchie, la phase la

plus importante semble être l'initiation per laquelle l'homme devient un homme
accompli, majeur, social, responsaûlo de la marche du village, dëtenteur de
secrets. Elle est en quelque sorte le "label" senoufo.
16

I c i , l ' i n i t i a t i o n n ' e s t pas l i é e , comme d a n s d'autres s o c i é t é s


a f r i c a i n e s à l a c i r c o n c i s i o n ou à l ' e x c i s i o n . La c i r c o n c i s i o n a l i e u u n e semaine
a p r è s l a naissance e t l ' e x c i s i o n vers s e p t - h u i t a n s ,
L ' i n i t i a t i o n s e d é r o u l s s u r s e p t ans, mais l a p h a s e l a p l u s i m p o r t a n t e
L

d u r e t r o i s mois : t o u t d ' a b o r d , p e n d a n t u n s semairie, l e s nouveaux i n i t i é s reste-


1

r o n t d a n s l e b o i s sacré s o u s l a c o u p e l l e d o s n o u v e a u x K a f o y é q i i i l e u r transmet-
t t r o n t l e u r s a v o i r , a i n s i q u e d u r a n t t r c i s m o i s 00 les i n i t i é s p e u v e n t d u r a n t l a
j o u r n é e s o r t i r d u b o i s s a c r é mais s a n s p a r l e r à p e r s o n n e s d ' a u t r e q u e c e u x d é j à
i n i t i é s . Durant l e s s e p t années q u i s u i v r o n t , d ' a u t r e s cérémonies complhtent cet
a p p r e n t i s s a g e secret.
I l s e m b l e , s o u s t o u t e s r é s e r v e s q u e c e t a p p r e n t i s s a g e s o i t , en p l u s
d ' é p r e u v e s p h y s i q u e s , u n e é c o l e , avec s a l a n g u e p r o p r e , s u r le c o m p o r t e m e n t
s o c i a l , l a r e l i g i o n , les l o i s , les r e l a t i o n s avec l a n a t u r e ( t e c h n i q u e s d e p ê c h e ,
de chasse...), l a d é f e n s e du v i l l a g o , l a d é f e n s e c o n t r e l e s f o r c e s malfaisantes,
l l ' a r t , l'artisanat, l'esthétique. ..

i
Chaque c l a s s e d ' â g a e s t sourniso à l ' a u t o r i t é d e s p r é c é d e n t e s e n v e r s
l e s q u e l l e s elle a d e s d e v o i r s . A i n s i l e s P l a l é , c l a s s e d e s l a b o u r e u r s , d e v r o n t
a l l e r c u l t i v e r e n s e m b l e c h e z c h a c u n ides v i e u x du v i l l a q e . Les T i o l o l é , o u
n o u v e a u x i n i t i é s , d e v r o n t e u x a u s s i c u l t i v e r c h e z les v i k u x ; ce s o n t eux q u i s o n t

i
c h a r g é s d e l ' o r g a n i s a t i o n d a s f u n é r a i l l e s , d o s c é r é m o n i e s . En p l u s d e ces r e d e -
vances en t r a v a i l il en e x i s t e d ' a u t r e s en n a t u r o ou e n a r g e n t : e l l e s p e u v e n t
ê t r e p a r e x e m p l e d e s a m e n d e s p o u r u n e f a u t e ; e t même s i c e n ' e s t q u ' u n s e u l
individu qui B f a i t l a f a u t e , c'est l ' e n s e m b l e d e l a classe q u i p a i e r a .

I l e s t é v i d e n t q u o ces d e v o i r s c t r e d e v a n c e s SE t r â r i s f o r m e n t en d r o i t s
l o r s q u ' o n g r a v i t les é c h e l o n s d e c e t t e o r g a n i s a t i o n .

4 . ----------_____-
F o n c t i o n du p Ô r o
i
1
LE p Ô r o a p p a r a î t d o n c comme u n s y s t è m e d ' o r g a n i s a t i o n s o c i a l e , p a r
l e q u e l t o u t i n d i v i d u d o i t p a s s e r pour a v o i r d r o i t au r e s p e c t , à l a c o n s i d é r a t i o n ,
aux r e s p o n s a b i l i t é s . Ce s y s t è m e m a i n t i e n t l a c o h é s i o n du v i l l a g e , f a i s a n t p a s s e r
l e sens d e la c o l l e c t i v i t é a v a n t c e l u i d e l ' i n d i v i d u .
Il é t a b l i t u n e h i é r a r c h i e f o n d o s s u r l ' â g e e t l e s c o n n a i s s a n c e s , u n e é g a l i t S
e n t r e l e s hommes d e môme c l a s s e d ' â g e e t ne p e r m e t g u g r e a u n i v r i a u s o c i a l
l ' i n i t i a t i v e individuelle.

I I . LE POUVOIR P f l L I T I U U E ET JU9IDIqUE

A p r k s a v o i r vu d a n s l e p 8 r o u n moyen d ' o r q a n i s e r l a s o c i é t é v i l l a g e o i s e ,
v o y o n s à q u i s o n t c o n f i é a s l e s r e s p o n s a b i l i t é s ; l a r é p o n s e est,comrne d a n s
b e a u c o u o d e s o c i é t 6 s a f r i c a i n e s : les v - o u x .
17

1. A l'intérieur
----_---_--------------- du village

Le pouvoir se partage cntro différents chefs qui peuvent être, mais

pas nécessairement, les mêmes personnes. Le chef du village (kahafolo), actuel-

lement Posuhan Fô est le plus vieux du lignage fondateur du villaga. Il est

l’autorité qui a l’initiative des réunions et transmet les décisions prises en

accord avec les autres vieux du village. Il s'agit donc d'une gérontocratie, Les

vieilles sont consultées à part. Posuhan FÔ est aussi-chef du quartier SORO,

Nambé Kéo celui du quartier YCO. Leur responsabilité concerne les affaires

intérieures à chaque quartier (hahitat, fête, travaux...). LES chefs de quartier


(pinhinfolo) sont aussi chefs de terre (tarafolo). C’est à eux qu'"appartient"

la terre, qui en fait est un patrimoine plus qu'une propriéte. Le tarafolo est
chargé de distribuer la terre à ceux qui veulent la cultiver; un étranger qui

veut s’installer doit s’adresser a lui. Il lui prêtora la terre mais ne peut la

louer. C’est lui qui résoud les conflits fonciers.

Les chefs de concession (katiolofolo) sont les plus vieux de chaque

lignage et reglent les problèmes de famille. Les chefs de segnon (séhéfolo) sont

toujours les plus vieux de chaque segnon; ils décident des terrains cultivables,

des cultures pratiquées, distribuent le travail et gèrent la recolte.

Nambe K~O, déjà chef de quartier, de terre, de concession et de segnon

est aussi, parce que le plus vieux du village, chef du pôro ou chef du bois sacré
(sizangofolo); toute affeiru concernant le pôro passe par lui.

L'autorité de ces chefs s'appuie sur des lois dont il est bien difficile

de connaître la teneur. Elles sont coutumières, orales, transmises pour une grande
part par le pôro. Un meurtre s’il n'est pas passé sous silence par une concerta-

tion génerale est maintenant du ressort de l'administration; il en est de même

pour les vols importants; pour les potits vols, c’est le conscil des vieux qui
decide ou l'ancien chef de canton de Ganaoni.

2. ----------------------
L’extérieur du village

Administrativement, le village est soumis à la préfecture et à la sous-


préfecture de Boundiali ainsi qu'au secrétariat général du PUCI de cette ville.

Les relations avec ces organismes se font par l’intermédiaire de deux secrétaires
du PDCI, un dans chaque quartier, eius pour cinq ans. Ils sont chargés des af-

faires administratives et economiquos. Actuellement les relations sont encore


assez épisodiques - 1 fois par mois on moyenne - ce qui montre le caractère
encore autonome du village quant & son administration.
11 faut noter ici aussi quelques idées marquantes du Code Civil

promulgué en 1964. Nous verrons plus loin quel a pu 8tre leur impact :

-la terre e celui qui la cultive

-1ibcrté de travail
-liberté de mariage

-suppression de la polygamie, de l'excision.

III. LA RELIGION

Le terme caractéristique par lequel on définit la religion sénoufo est

l'animisme. En fait c’est une religion monothéiste, animiste, naturiste et


fétichiste. '

Un dieu unique, Kolotchala (le terme désignant à la fois dieu et le

ciel); il est la puissance créatrice et qui règle l’ordre du monde; il peut faire
du bien ou du mal; c'est à lui seul quo sont faits les sacrifices pour ,demander
des faveurs (santé, travail... ). Individucllcmcnt les sacrifices sont faits le
jeudi et le dimanche, et la vendredi s’ils concernent tout le village. La réponse
à une demande est donnée par la manière dont retombe une noix de cola jetée à

terre. Les souhaits d'une personne à l’autre se font toujours en citant Dieu.

Les intermédiaires entre Dieu et les hommes sont les âmes des anc8tres.
L’esprit d'un homme apres sa mort reste présent; c’est un génie que l'on invoque

pour être aide. La terre appartient à ces génies; en conséquence pour la cultiver,

il faut demander leur autorisation.


En plus de ces génies-âmos dus ancêtres il on existe d’autres malfai-

sants, les génies de la brousse; ce sont eux qui sont rcsponsablcs d'une maladie,

d'un accident... Seuls les enfants ne sachant pas parler voient les genies; les

autres personnes meurent lorsqu’ils en voient.

La religion est naturiste on ce que les sénoufo vénèrent les forces de


la nature, l’eau, la terre, le feu, et fetichistc dans lr; pouvoir attribué à
certains objets ou fétiches, mais sans liaison avec las genicsg le fétiche peut

être par exemple une peau d'animal, remplie d’objets connus du féticheur seul

( racine, feuilles, plumes d'oiseaux...) par lesquels s’exerce le pouvoir.

En plus du féticheur, d’eutros personnes jouent un rôle dans le mani-


ement des forces de la nature ou dans les relations avec 10s ancêtres. Le guéris-

seur est celui qui par ou avec SI:S ancêtres connaît lc pouvoir de plantes
médicinales. Le devin, souvent aussi féticheur, voit l’avenir ot découvre les
sorciers. Le sorcier c’est celui qui, sciemment ou non a un pouvoir magique, le
plus souvent malfaisant; il peut tuer une personne, celle-ci continuant cependant
une vie normale. Autrefois quand on découvrait un sorcier, il etait tué ou chasse

du village; maintenant on fait des sacrifices pour s'en protéger ou on se confie

à ia garde des ancêtres.


Différents interdits sont en vigueur : de lignaga, interdit alimen-

taire ayant trait à l'ancêtre connu du lignage; ainsi les Fô ne mangent pas du

serpent, les Kéo ne mangent pas de singe noir. Interdit de village ou de terroir :
on ne peut travailler awec un outil sur les champs collectifs un jour de repos.
Interdit de sexe t les femmes ne pcuwont regarder le masque du pôro sous peine de

devenir stériles. Enfin des interdits lies à un secret, une connaissance, un

pouvoir, ou des interdits concernant des gestes : ne pas manger avec la main

gauche, ne pas s’asseoir sur un mortier, sur le pas d'une porte...

Cette religion animiste est dominanto dans le village, qui compte aussi

cinq homme musulmans et dix huit protestants baptistes, surtout femmes et enfants;

parmi eux se trouve un ménage et ses enfants. Leur religion et l'éloignement de

leur champ les a fait se séparer du village. Il semble donc par cet exemple que

la religion soit un facteur de cohésion sociale,


20

1. PARENTE - FILIATION - RESIDENCE

,
1 . ----------
LE l i g n a g e

S i l a s o u s e t h n i e s e d 6 f i n i t p a r l e r a t t a c h e m c n t d e s e s membres à u n
a n c ê t r e commun, l o i n t a i n e t s o u v e n t m y t h i q u e , le l i g n a g e e s t un g r o u p e c o n s t i t u é
p a r t o u s les i n d i v i d u s d e s c e n d a n t e n l i g n e u t é r i n e d ' u n a n c E t r o c o n n u . Le l i g n a g e
e s t l e c a d r e d e b a s e de la p a r e n t é . I l pcut comprendre d e s branches dans d i f f é r e n t
l v i l l a g e s ; à l ' i n t 6 r i e u r d ' u n v i l l a g e , il f o r m e u n e c o n c e s s i o n ou k a t i o l o . A
l ' i n t é r i e u r du k a t i o l o , l a p a r e n t é e s t c l a s s i f i c a t o i r e , c ' e s - à - d i r e q u e les g e n s
d e même âge s o n t t o u s " f r è r e s " ou "soeiirs".

La f i l i a t i o n e s t b i l i n é a i r c à t e n d a n c e m a t r i l i n é a i r e . En E f f e t l a
f i l i a t i o n si! f a i t p a r l e s femmes, c ' o s t - à - d i r c que l e s c n f a n t s a p p a r t i e n n e n t au
l i g n a g e d e l e u r mère, mais l e nom, l ' h é r i t a g e SC?.t r a n s m e t t e n t . d e p è r e à f i s . C'est
l ' o n c l e m a t e r n e l , f r è r a a î n é d e l a mère, q u i p o u r les f i l i e s j o u e le r ô l e du p è r e ;
p o u r u n e d e s f i l l e s il p e u t d é l é g u e r s o n a u t o r i t é a u p è r e ; t a n d i s q u e c ' e s t
l ' i n v e r s e p o u r les g a r ç o n s , l ' a u t o r i t é é t a n t d é v o l u au p è r e , s a u f p o u r un g a r ç o n
q u i p e u t ê t r e c o n f i é 3 l ' o n c l n m a t e r n e l , c h e z q u i g é n é r a l e m e n t il h a b i t e r a e t
p o u r q u i il t r a v a i l l e r a . Ce d e r n i e r c a s t s n d c e p e n d a n t à d i s p a r a î t r e . S i l a
d é c i s i o n r e v i e n t t o u j o u r s à l ' o n c l e ou au p è r e s a l o n 1 ~ c:a s , il y a c e p e n d a n t
c o n c e r t a t i o n e n t r e ces deux p e r s o n n e s e t l e s c h e f s d e l i g n a g e c o n c e r n é s .
I
l
! < ------------
3 . La résidence

i
La, r é s i d e n c e d e s é p o u x e s t v i r i l o c a l e , c ' e s t - 8 - d i r s dans l a concession
du mari. A u t r e f o i s l a c o n c e s s i o n é t a i t à l a f o i s u n i t é f a m i l i a l e , t i n i i d d ' e x p l o i -
t a t i o n e t u n i - t é d ' h a b i t a t e t u n i t é d e c o n s o m m a t i o n , l e s hommes p r e n a n t l e u r r e p a s
c h e z le p l u s â g é , les femmes c h e z l a p l u s â g é e , Sous l ' i n f l u e n c e d e d i v e r s
l

f a c t e u r s qua nous e x p l i c i t e r o n s p l u s l o i n , c e t t e u n i t é d ' e x p l o i t a t i o n s ' e s t


s c i n d é e e n p l u s i e u r s s o u s u n i t É s , lcs s e g n o n s , f a i s a n t d e même é c l a t e r l ' u n i t é
d'habitat. I l n e r e s t e a u j o u r d ' h u i du k a t i o l o q u e l ' u n i t 6 f a m i l i a l e .

i 1 . Base du m a r i a g e
---__------__--

'(i La p o s s i b i l i t 6 p o u r un homme p r o d u c t i f d e b é n é f i c i e r d a n s s a v i e i l l e s s E
i
e s t s u b o r d o n n é e d ' u n e p a r t à 13 r e a r o d u c t i o n d e l ' o r o a n i s a t i o n s o o i a l n pt. rip la
21

production, d'autre part au nombre de personnes qui travailleront pour lui. On

conçoit donc que la considération soit basée sur le nombre d'enfants qu'un homme

peut avoir, Or ce nombre d6pend des capacités procréatrices de la femme sur les-
quelles on ne peut guère influer, sinon en mariant les filles jeunes, mais surtout

dépend du nombre de femmes qu'un homme peut avoir. La considératicn passe 'aussi

par le nombre de femmes.

Alors que les deuxième et troisième mariages sont surtout des unions

entre individus, le premier est avant tout l'alliance entre deux lignagesp c'est

un pacte de bonnes relations, Avec l’accord des autres membres de la concession

c'est l'oncle ou le père qui décide de ce premier mariage.

Le mariage est basé sur le “service rendu”, un service tel que rien

d’autre qu'un femme ne puisse le compenser. Du fait de relations préétablies entre


les katinlo, un homme voulant se marier ira travailler dans une concession et

recevra en retour une des filles, mais pas nécessairement celle qu’il aurait pu

désirer et qu'il pourra s’il le veut, redonner à un de ses petits frères ou un


de ses enfants, Le mariage peut avoir aussi lieu entre rnembres d'une même conces-

sion, le seul interdit concernt: 2 personnes de même père ou de même mére.

Théoriquement et légalement un jeune homme ou une jeune fille peut

refuser d’être marié avec quelqu’un qu’il ne désire pas.’ Dans les faits ceci ne

joue qu'en cas de rasistanco opiniâtre du sa part; l’autorité et l'opinion des

vieux étant souvent prises plus en considération que celles du jeune homme ou de

la fille,

2. L’aire matrimoniale
------------_------

De par les circonstances historiques, les sénoufo ont appris h ne pas

nouer des alliances très loin hors du village. Il s’ensuit qu’aujourd’hui encore
près de 80 $ des mariages se font entre gens du village; on comprend ainsi la
possibilité de se marier à l’intérieur du lignage. Les 20 7, restants se répartis-
sent sur une aire matrimoniale d’une douzaine de kilomètres dz rayon, ce qui est

assez restreint dans une région comptant seulement sept habitants au kilomètre
carré : ce sont les villages de Ganaoni, Plériméri, Kambiala, Konoumon, et Zengaha

(1 seul cas avec ce dernier village d’une autre sous-ethnie : les Kafibélé).

Alors que dans d’autres societés les transferts de femme sont soumis

à des règles strictes d'échange, il ne nous est pas apparu qu’à Bolondo le don

d’une femme entraînait nécessairement un transfert en retour, même différé. On

peut supposer comme raison à cela que la majorité des mariages se faisant à
l’intérieur du village il doit à long terme s’établir un équilibre dans les

transferts entre les différentes concessions,


21

3. La dot - la
-_------------------- cérémonie

Le mariage est basé sur lc service rendu, Ce service, travail ou aide,

de la part de l'homme constitue la majeure partie de la dot, Il n'y a pas de

quantification précise de ce que l'homme doit faire; ceci est laisse à la décision

du chef de concession ou de l'oncle de la fille. Lorsque la fille est Présent&e,

l'homme (ou son père) donne 500 Frs CFF: ou 2.000 cauris*, tue et prépare un poulet

qu'il donne à la famille de la femme. La dot n'a donc pas ici de valeur très
élevée ni de valeur de prestige.

De même,peu,d'éclat est attaché à la cérémonie du mariage; le jour


fixé,la concession de la femme l'accompagne jusqu'à la demeure de l'époux qui les

reçoit avec du tiapalo (boisson pimentée et alcooliséo à base de maïs) et un

repas comportant deux poulets, Les femmes chantent et dansent. Le lendemain, le

mari envoie un repas signifiant par là qu'il a bien reçu la fille. Ce sont les

seules obligations auxquelles le mari est astreint. D’autres cadeaux ou d’autres


services peuvent intervenir avant ou après le mariage mais n'ont pas de caractère
obligatoire.

Pendant une semaine la mariée doit coucher chez une des femmes de la

concession du mari. Elle pourra par la suite rejoindre son mari pour la nuit, mais

continuera d'habiter chez cette femme tant que l'époux ne lui aura pas trouvé une

maison. Le seul cadeau de mariage obligatoire qu'un homms doit faire à sa femme

est la jarre qui sort à stocker l'eau dans la case.

4. L'âge au mariage
--------------------__________I_ et la polygamie

Le mariage pour les filles a lieu à partir de 18 ans et de 28 pour les

hommes. Cette differonce entre homme et femme explique quo les femmes des premiers
mariages soient toujours plus jounes,d'au moins une classe d'âge,que leur mari
(voir tableau 2). Il n'y a qu'un cas où la femme puisse $tre plus âgé que l'homme:

quand un homme meurt, son potit frere est tenu de reprendre sa femme, même si

celle-ci est plus âgée quo lui. On voit là un souci de ne pas laisser perdre les
capacités procréatrices de la femme.

Pour les deuxième, troisième ou quatriéme mariages, l'homme bénéficie

toujours d'une femme jeune; il s'ensuit qu'en moyenne l’écart d'âge entre homme

et femme est plus important chez les vieux que chez les jeunes.

Le tableau 3 montre le nombre de femmes par homma ot le taux de poly-

garnie : sur 96 hommes, 24 ne sont pas marigs, 47 ont une seule femme, 19 ont deux
femmes, 5 ont 3 femmes, '1 à 4 femrnes. Cela donne un nombre moyen par homme marié
de 1,45 femme, qui correspond à un taux de polygamie de 3U $. Ce taux se répartit
en 36 $ en dessous de 42 ans, 25 y- de 42 à 49 ans, 38 $ de 49 à 56 ans et 59 $
22

au-dessus de 56 ans. On constate donc que le nombre moyen de femme par homme

marié augmente avec l'âge de l'homme. Ceci est donc un facteur de plus à la

considération envers les vieux.

La différence d'âge au mariage explique que la polygamie soit possible,

En effet l'effectif de femmes en âge d’être mariées est supérieur à celui des
hommes dans la même situation puisqu'ils se marient plus tardivement. C’est
l'effectif de femmes de 18 à 28 ans qui alimente la polygamie.

5. ----_-----_----c------ le
L'adultère, divorce

Un homme surpris en adultére doit on première reparation au mari,,deux


poulets. Il peut Etre interdit de sejour dans le quartier ou même dans le village

si c’est un étranger. S’il récidive, le mari peut le battre, la honte faisant le

reste de la correction.

En cas de séparation entre un homme et une femme, les deux katiolo

concernés vont tenter de les réconcilier. En cas d'échec, les parents s’inclinent
et il y a séparation. L'homme peut alors demander à la famille de sa femme le

remboursement monétaire de la dot et des travaux qu'il a effectués pour elle.

III. LA IYORT

1. L’enterrement.
--------------c----_----------Les funérailles

si le mariage n’est pas l’occasion de grandes fêtes, par contre la mort


d'une personne donne lieu ~3 d’importantes cérémonies qui marquent le passage de

l'âme de l'individu vivant à l'âme des sncgtros. Plus la personne est élevée dans
la hierarchie sociale, plus les funérailles seront importantes. Nous decrirons ces
céremonies dans le détail pour donner un excmplo du rituel d'une fête.

Il n’y a funérailles qu'à partir des Plakorolé, c’est-à-dire à partir


de 13-14 ans. En deça, l’enterrement a lieu sans cérémonies dans les quelques

heures qui suivent le décès.

Si un homme meurt pendant la nuit, au matin, le déces est annoncé par


des coups de fusil et un délégué des Tiololé part annoncer lti déc8s dans le

village.. Le balafon commence à jouer et les femmes de la concession du mort se


mettent à.danser et à chanter les louanges du mort à travers 10 village. Le corps

embelli est emmené sous la maison des morts entre les deux quartiers. Les tambours
:
tiépré, du bois sacré commencent à résonner sur un rythme très lent, qui durera
jusqu'à la veillée, jour et nuit. Ces Plalé partent crouscr la tombe dans le
cimetiére à l'ouest du village; ils doivent emporter avec eux un poulet.

Durant la journée, des étrangers arrivent, venus assister la famille

du défunt. Ils ont apporté des pagnes et des aliments. Pour eux des repas seront
23

prépares, ewec toujours de la viande : c’est l’occasicn de sacrifier un boeuf.

Tout le temps que dureront les cQrémonies,la femme du défunt nc pourra manger que

dans l'autre quartier du village; ~110 est assistée de deux vieilles, chargées de

la surveiller; elle ne peut être wôtuo quo d'un pagne de feuilles et a une canne

en forme d’arc. Elle a son feu à part. Tout l'argent qu'on lui apportera revient

aux vieilles.

Le deuxième jour, les Plalé qui sont allés creuser la tombe reviannent
disant qu'ils ont “trouvé un trou”, c’est-à-dira que la tombe est prête. Suivant

l'heuro de la mort, le corps peut être enterré avant la weillee qui a lieu le soir
du deuxième jour ou le jour suivant. Si c'est avant la veillée, le corps sera
représenté par la suite par un bout de bois.

Le corps est transporté vers la tombe, accompagne des doux tarnbours du balafon. Il

est mis en terre et recouvert des pagnes qu'il a accumulés au cours de sa vie, de

ceux que les étrangers ont apporté; dc plus chaque chef de concession doit donner
un pagne, plus un cabri s'il a dans sa concession une femme de la concession du

défunt - les pagnes sont souvent au nombre d'une centaine -. La tombe est reformée,
une salve de fusil annonçant la fin de l'enterrement.

Les funérailles propreincnt dites commencent par 1~ veillée. pondant

toute la nuit,autour du feu,,toutes les promotions du pôro doivent être représentée:


et danser au son du balafon. 'La femme du défunt est là, chantant 10s louanges de

son mari et sa douleur. A SOS pieds, il y a un igname percé d'un couteau, symbo-

lisant la plaie incurable qu'est la perte de son mari.

A l'aube, le balafon va faire le tour du corps ou du bois le représen-


tant sous la maison des morts, puis durant la journée continuo épisodiquement &

jouer. Quatre fois durant le jour, lo masque du pôro sort et se promène dans
le village, accompagné duo masquus parlants qui quémandent dc l’argent et distri-
buent des statuettes aux enfants, KJurant la soirée les fornmes mariées de la
concession font un repas organise par leurs Imoris, qui doiwcnt leur donner un
pagne, un poulet enroulé dans uno bande blanchc, 25 F.CFA en cauris ou en argent,
et cinq francs en cauris qu'ellos donneront aux inities. La môme scène peut se

produire awec une fille de la concession ct un vieux avec qui on la mariera,mais


qui,s'i.l est trop ;ieux,,la redonnera h un autre membre de sa famille (toujours
dans un souci d’utiliser les capacites génésiques de la femme). C'est sur ce
repas quo se terminent les funbrailles.

2. L'héritage
----------

Une grande partie des biens du défunt sont utilisés au cours des
funérailles. CEUX qui subsistent reviennent au plus âgé des fils travaillant awec
1ui;s'il n'y a pas d'enfants9 c'est à l'epouse et s’il. n'y a pas d'épouse, cela

revient aux parents ou au frère.


24

On peut s'étonner de ce qui semble gtre un gaspillage lors de l'enter-

rement ou des funérailles, Les biens sorwcnt aux repas de funérailles, aux ca-

deaux; c'est une véritable fortune en pagnes qui est enfouie dans la tombe avec

le défunt. C'est là une marque du désintéressement vis ci vis de la capitalisation

de biens matériels; non pas vis à vis do la capitalisaticn on elle même, puisque

l'homme accumule durant sa vie de nombreux pagnes, mois plus vis B vis de la

transmission de ce capital à un sùccosscur qui, sans en $trc responsable, accéde-


rait h un statut social.élevé. Or l’esprit du pôro vout qu'il n'y ait d’autre
Bgalité entre les hommes que 10 courage, que le statut social soit basé sur l'âge

et la sagesse et non sur 1~ possession do biens matériels.

Nous verrons maintenant quelles sont les conditions do la production des biens

et leur cadre traditicnnel; comment sous l'influence des cultures de rente les

anciennes structures de production commencent à se modifior, notamment dans la

multiplication des champs indiwiduols.

Nous tenterons alors ensuite de voir quelles conséquences cette

modification des conditions de production peut avoir sur les structures de


\
reproduction sociale ou indiwiduello.
TR 0 1 S 1 EME PARTIE

STRUCTURES DE PRODUCTION

FACTEURS DE PRODUCTIONS - GESTIGN DU PRODUIT


25

LES FACTEUHS DE PRODUCTION

1. L'UNITE DE PRODUCTION ET DE CONSCMATIGK : LE SEGNON


===============================;======================

1. Une triple unité

Le segnon correspond tout d 'abord à l'tinité de travail et de production.

Il rassemble 1~s individus travaillant sur le même champ collectif (Gbarrama Séhé

ou Sekpôho), sous l’autorité de l'homme le Plus âgé. Certains membras de l'unité

peuvent, en plus du travail sur le ch,:?rnp collectif, cultiver un champ individuel

(Chondia Séhé ou Séplé).

L'unité de consommation coïncida avec l'unité de production. Les membres


d'un même segnon mangent ensemble, les deux sexes séparément. Les repas sont

préparés par les femmes à partir des produits du champ collectif, stockes collec-

tivement et gérés par 1~; chef do segnon.

Généralement peu éloignées les unes des autres, les cases d'une même
.
unité d'exploitation ne forment pas cependant une unité d'habitation.

2, Composition du seqnon

Unité baseo sur la parenté ut issue de la segmentation progressive de

la concession, le segnon ne comprend actuellement plus que :

+le chef d'exploitation avec sa ou ses femmes et leurs jeunes enfants.

Lorsque ceux-ci sont mariés avec eux-mErnos dos enfants, ils peuvent former un

segnon à part;

+le ou les petits frères de même père du chef de segnon avec ‘leurs femmes

et leurs enfants (toujours dans le cas où ces frères-n’ont pas formé de segnon

à part);

+un neveu ut6rin du chef peut s'ajouter à l'offcctif, Ce neveu a les mêmes

droits que les autres membres du segnon;

+il peut y avoir aussi la mère veuve du chef d'exploitation, une soeur
non mariée, VCUVE ou divorcee, la femme ot les enfants d'un frbrc mort qui formait
auparavant un segnon différent.

L'unité d'exploitation peut & tout moment se scinder si un ou plusieurs


membres le désirent.

L'importance des segnons varie de 2 à 20 personnes, la moyenne se

situant à 9,25.
1
l

I 26

I
t Il y a en moyenne 4 , 7 3 a c t i f s de p l u s d e 1 4 ans c t 5 , 6 8 a c t i f s de p l u s
de IO ans p a r segnon ( 1 ) .
1

P
L ' â g e moysn du c h o f d e ssgnon e s t de 55 ans. On dénombre :
I
l - 21 c h e f s de segnons O l i é l s , ( p l u s de 56 a n s ) (moycnne 63 a n s ) , soit la
t moitié
1

! - 10 t é l é l é ( 4 9 - 5 6 a n s )
i
- 4 kafoyé ( 4 2 - 4 9 ans)
- 3 t i o l o l é (35-42 a n s )
- 2 kangbarlé (28-35 ansj,

L a c o r n p o s i t i o n des segnons s u i t l e schéma s u i v a n t :


- 22 segnons d ' u n seul ménage, dont, la p l u p a r t o n t à l e u r t a t e un vieux
- IO segnons de 2 ménagos (5 : p è r e + fils; 4, f r k r e + f r è r e ; 1, p è r e +
neveu)
- 6 segnons de 3 ménages (2, pBre + f r è r e + f i l s ; 2,pèrc + 2 f i l s ; 1,
père + frère + neveu; 1, 3 f r è r e s )
- 2 segnons de 4 mén2,gEs (1, p è r e + '3 f i l s ; 1 phrc + 2 fils + neveu).

Le nombre d e segnons 3 u n seul niénage d é c r o i t avec l'âge du c h e f


d'oxploitation. C e c i s ' e x p l i q u e psr l e f a i t q u e l e s hommes n c s e d é t e c h e n t du
segnon de l e u r p o r e ( o u de l e u r f r ' i r o a î n é ) que l o r s q u ' i l s o n t u n c e r t a i n nombre
d ' e n f a n t s en âge d e t r a v a i l l e r p o u r p o u v o i r c u l t i w c r à p a r t .

3. Les q u a t r e seqnons c h o i r i s

Nos 4 sciqnons o n t é t é c h o i s i s s e l o n l e s c r i t è r e s s u i v a n t s :
-l'âge du c h e f d ' e x p l o i t a t i o n . '2 sur 4 s o n t dcs v i e u x , c e q u i r e s p e c t e
l a p r o p o r t i o n o b s e r v 6 e dans l a v i l l a g e
. -l'appartenance à l ' u n OLI à l ' a u t r e q u a r t i e r : 2 segnons dans chsqua

quartior
- l e s c u l t u r e s p r a t i q u é e s . 9 scgnons s u r 4 0 n e c u l t i v e n t pas de c o t o n . 1
segnon sur 2 c u l t i v e du r i z i n o i i d é awec une m a j o r i t g q u i u t i l i s e l e d é f r i c h e m e n t
motcrisé. R i z sec, maïs e t igname s o n t p r é s e n t s p a r t o u t .
-Le mode de c u l t u r e . Il n c u s f a l l a i t u n segnon u t i l i s a n t l a c u l t u r e a t t e l é e
i
( p o u r r k p o n d r u à l a demande de l . ' O H Ç T O M e t p o u r v o i r comment s ' o r g a n i s e c e
nouveau modc de c u l t u r e ) .
- L ' a b o n d a n c e d c champs i n d i w i d u a l s qui auyments ~ W L Cl a t a i l l e du sagnon.

Les 4 sr-gnons o b t c n u s , dont l a c o m p o s i t i o n farniliz1i.J a s t représantée


en annexe T.5, sont :

( 1 ) Les é t r a n g e r s ( 2 f o r g e r o n s , 1 b o c i w i c r , 1 cornmerqant) f o r m e n t 4 u n i t é s un
peu d i f f é r e n t o , leur a c t i w i t i i p r i n c i p e l e n ' é t a n t pas l ' a g r i c u l t u r a . Ces
u n i t b s o n t u n e f f r i c t i f r c s p o c t i f de 9, 6, 2, 2 p e r s o n n e s (moyenne 4 , 7 5 ) .
Mous no l e s c o n s i d é r e r o n s p a s commc das sognons.
l- Segnon de Yalourga KEO o quartier YELI, 4 personnes dont un ménage

2- Segnon do Kafouna FO D quartier SORC, 6 personnes dont deux ménages

3- Segnon de Karityonwin SITIONnN : quartier SORO, 11 personnes dont un

menage

4- Segnon de Fongboho KEO : quartier YEO, 20 personnes dont trois ménages.

Cultures
-------------------pratiquées

+Le seqnon 1 :

Il n'y a pas de coton. Tout le resto est cultivé à la main (igname, riz
sec, maïs, arachides) hormis uno rizière inondée défri,chée par un tractoristo
privé (surfaces : annexo 1.6-1).

Le frère de Yalourga est mort au début de l'année, laissant une femme

et 5 enfants de 3 a 20 ans. Ces 6 personnes ont et6 incorporées dans le segnon

durant le mois d'août, rnais cela no mocifio rien pour les criteres : surface
cultiwAe, gestion des produits.

+Le seqnon 2 :

Coton, igname, riz sec, maïs, arachides sont cultivés sur le champ

collectif, La femme de Kafouns a une rizière inondée dont elle fait faire le
labour par un tractoriste privé (surfaces : annexe T.6-2).

Les champs du sugnon ont 6t6 touches par la création du lac de Nafoun.

Le champ de vivrier s’est trouvé presque cntièromcnt inondé. Il a fallu le

déplacer. Cette annbc, Kafouna Û récupéré dos tcrros abandonnées par d’autres
segnons, donc peu productives ot un pou dispersées. Le systeme de succession

de cultures ne pourra donc ôtre etudié chez lui quii d'une façon théorique.

Kafouna a acheté un broyeur qu'il a confié a son fils Donican pour


inciter celui-ci, parti en basse Côto-d’ivoire à rovcnir au village. Les
femmes qui le desiront y font broyer du maïs et des noix de karité contre
une certaine somme.

Enfin, ce segnon possède 13 bovins et une plantatioli (1 ha) de tacks,

manguicrs, orangcrs et anacardiors.

+Le seqnon 3:

Coton, igname, riz sec, maïs et arachides sont cultivés sur le champ

collectif ainsi qu'une riziere inondée (labour motorisé). Il n'y a pas de

champs individuels (surface : annexe T.fi-3).


28

+Le scqnon 4 :
Ce segnon pratique la culture attelée depuis 1'375. C'est Fangboho qui

a introduit ce mode de culture à Bolondo. Ii a acheté 3 boeufs dont un est

mort depuis et cultive ainsi 4,5 ha de coton (ce qui est très important), 1

ha de maïs et 0,50 ha de riz sec. Il a donc étendu la culture attelée à ses

productions vivrières et investit beaucoup en temps, intérêt et espoir sur


ce mode d'exploitation (1 a rizière inondée fut labourée partiellement avec
les boeufs), Le champ de vivriors se trouve par contre coup un peu delaissé

et a diminué d’importance. On y trouve cependant les cultures traditionnelles:


igname, riz sec, maïs, arachides.

Au champ collectif s'ajoutent :

+2 champs individuols de coton (Nayéne, Lenipkélé)

+'2 champs individuels d'ignamu (?layené, TchebÉna;

+2 champs individuels de rizières inondees (Légnina, Kinténé)

+3 champs individuels d’arachides (Légnina, Tiéporo, Wawilion).

Lénipkélé FO est un cousin originairo d'un autre village, venu à Bolondo

en 1975 pour se faire soignor. Gueri, il est reste travailler et a fait un

champ de coton. Il ne sait combien de temps il restera au village.

II. LE SENOUFO ET
----_~------------__-~ LA TERRE
----~-~-----------_---

1. Aspects fonciers

.La terre appartient aux ancêtres. Elle est un patrimoine commun au

village et il n’y a pas d’appropriation. Tout le monde a le droit de cultiver


et celui qui veut lc faire demande, en quelque sorte, l’usufruit de la terra aux
ancêtres par l’intermsdiaire du chef de terre. Il n’y a pas de ceremonie parti-
culière lors du défrichement d'un nouveau champ.

Les ancetres sont représentés par des génies. Pour les respecter, on

observe un jour de repos qui, chez les sénoufo, revient tous les six jours. Si
on travaille ce jour-là, les g6nies qui rôdent ocuvcnt appnrter le malheur. Ce
jour de repos est le mcmc pour uno zono de terroir donne. Il est respecté à

Dolondo, oar tous sauf Fangboho qui n'.!n tient pas compte.

La terre est cultivée pendant quelques années (theoriqucment 4) avant

d’être rendue aux génies pendant 1~ temps de la jachère (20-40 ans). A Bolondo,

le terroir est suffisamment grand pour la population et il n’y a pas de problèmes


de place ni de conflits particuliers.
29

2. Aspects aqraires

-Les cultures
----------------------- pratiquées

+L’IGNANE est une plante d'origine africaine. C’est uno dioscoreacée qui donne

des tubercules rougeâtres pesant de 2 à 5 kgs. Cette plante occupe le sol

pondant 8 mois et demande un climat chaud et humide (1.860 mm d'eau).

Cultivée dans des buttes hautes de 0,OO metrc, elle doit toujours etre
mise en place au moins 15 jours ûwûnt les autres plantes associées (riz-

maïs). La multiplication se fait par boutures, Avec les variétes hâtives

employées, on peut faire deux récoltes. La première en août est effectuée

de toile sorte qu'une partie de la racine est laissée on terre, Trois mois

plus tard, la seconde récolte a lieu. Les randamonts sont de l’ordre


10 tonnes/ha.

+LE RIZ SEC appelé encore riz pluvial. Tres souvont en association avec l'igname

et/ou le maïs, le riz soc doit se contenter des pluios, ce qui rend les
résultats forts irréguliers. Lc semis a lieu au début de la saison des

pluies. Après deux sarclages destines h maintenir la rizière tres propre,


la récolte se fait en coupant les panicules qui sont liés cn bottillons

(ou paddy). Le rendement moyen est do 5C0 kgs de paddy/ha.

+LE RIZ INONDE : Le somis s'effectue, en oebut de saison des pluies, sur un sol

parf aitemcnt labouré. (Plus raremont 9 on fait une pepinière dont les plants

seront repiques dès que le terrain i:st suffisament humide).

Un premier désherbage a lieu avant l’arriwee de l'inondation. Les suivants

sont effectués dans l'eau, ce qui rend le travail trés penible. La récolte
a lieu d’octobre à décembre pour les variétés précoces et en décembre,
janvier pour les variétés semi-tardives. Les rondemonts sont de l’ordre de

900 à 1.200 kgs/ha.

+LE K,qIS 0 Le maïs est très souvent cultive en association (ignamo, riz) sur
buttes ou sur billons. Somé en debut de saison des pluios, il est désherbe
à la houe et demande très souvent un rabuttage ou un rebillonnage à cause
de l'intensité des pluies. La rccolte a lieu on novembre-decembre avec les
rendemonts variant de 800 & 1.200 kgs/ha. Le maïs est utilisé dans l'ali-

mentation do l'homrnc (plats ou boisson). On emploie surtout du maïs "dent

de cheval" aux grains blancs, applatis et de grando taille,

+L'ARACHIDE : Légumineuse originaire du Brésil, cette plante annuelle papilionact

donne des gousses de 3 à 5 cm contenant unc à sept graines selon les

variétés. Ces gousses sont des ovaires qui se sont enfoncés dans le sol

après fécondation. Dans notre région, ce sont 10s arachides rampantes du

tYPo "Soudan" qui sont cultivées. Demandant 1 .2110 mm d'eau répartis sur
trois mois, cette culture ost bion adapteo à la région, Fait sur petits
30

billons, le sGrnis a lieu ::n avril, mai, juin suivant les variétés. On

sème des paquets do 3 à 5 graines, Apres deux sarclages, la récolte

s'effectue :;n arrachant le pied, et les gousses sont séparées des fanes,
Les rendements varient de 500 à 1,OûO kgs/ha.

-UNE CULTURE ENCADREE : LE COTON : Plante arbustiwe de la famille des Malwacées,

le cotonnier est une plantti annuelle, S racines pivotantes profondes. Les

semis sont faits en debut do saison des pluies, sur billons et par paquets

de cinq grainos pour pallier les nccidrnts de levec. Un premier binage a

lieu au stade 4 feuilles. Le démariage est effectue au même moment ne

laissant qui: les deux pieds 10s plus vigoureux. Un deuxieme sarclage est

fait 3 semaines aprés 10 prcmicr et un troisieme, un mois après le second.

Ces deux derniers sarclages sont accompagnés de rcbillonnage.

La CIDT encadre la culture du coton de manière assez stricte, afin

d’assurer des rendements suffisants, Ella impose des techniques précises


et un calendrier cultural pour chaque année, Un moniteur est chargé de

venir dans le village à chacune des opdrations importantes. Il surveille


les champs et conseille les planteurs.

-Le semis doit Gtre rénlisé avant le 30 juin (il y a eu 10 jours de délai

cette année à cause de la séchcrosse), sans quoi le planteur ne sera pas

enregistré et ne bénéficiera pas des engrais et produits dti traitement,

-L’engrais (10-18-18) est distribue 3 chaque: planteur h raison de 200 kgs/

ha. Son prix est déduit lors de la vente du coton.

.-Les traitements insecticides (Endrine) sont réalisés sous la direction

du moniteur, Il y a 8 Qpandages h datas imposées. Les produits sont


gratuits.

L'étalement des récoltas nhcossite deux ramassages espacés d'un mois.

Tous les travaux nécessaires à cette culture font qu'elle demande


beaucoup plus de travail que les autres.

Pour situer Bolondo par rapport & une zone CIDT de 10 villages, nous

avons relevé les données suivantes pour Bolondo :

! ! ! !
! 1972 ; 1973 ; 1974 , 1975 1976
! !
I ! 1 ! ! !
Manuel , fGanuc1 ; Manuel , Manuel ,Cult.attel.~Manueljcult.att.,
!
! ! ! ! ! ! i
Surf ace 31 2g ! 4” ! 40 i 2 ,451 10,
! ! !
1 Production ! 26.454 kg ! 27.063 kg ! 48.244 kg ! 32.641 kg ! 1.736kg! _ ! _ !
! ! ! ! !
Rendement ; 853 kg/ha , 933 kg/ha j1.005 kg/hai 816 kg/ha i 868 kg/ha !
! ! !
! ! ! ! --. ! ! ! ! !
31

En 1976 :-Il y a en moyenne 2,9 planteurs en culture attelée par village, avec

2,36 ha/planteur. Bolondo est donc au-dessus de la moyenne (3 plontours avec

3,33 ha/pl.).

-11 y a 108 plantcurs en culture manuelle avec C,83 ha/pl. Or la

population moyenna des 10 villages est 896 habitants, Avec 54 plantours et


O,E35 ha/plantour, Bolondo est dans la moyenne

Le tableau ci-avant donne une idée gén&rale dc la culture à Eolondo


depuis 4 ans. La tendance est à l’augmentation.

répartition
-La---_----------------------- des cultures

L’enquête realisée auprés de tous les chefs de segnon a permis de

déterminer quelles etaient les cultures pratiquées 6 Bolondo, sur les champs

collectifs d’une part, sur les champs individuels d’autre part. Les résultats
généraux apparaissent dans le tableau T.7.

Nous voyons que les 40 segnons cultivent riz sec, mals et igname (1).

Le coton et l’arachide sont présents dans 77 :& des segnons, le riz inondé dans

45 $.

Les cultures individuelles sont, par importance en nombre de champs :

-le riz inonde, culture surtout féminine

-l’arachide , ” Il 11

-le coton, culture exclusivement masculine

-igname, riz sec et maïs sont peu représentés.

De ceci nous pouvons definir le champ collectif comme un champ de

vivriers oti apparaissent les trois cultures principales. Il s’y ajoute de

l’arachide, culture commerciale, dans 77 7; des cas. Ces quatre cultures sont
rassemblées sauf exception dans un même bloc.

Le champ de coton et/ou la rizière ont un emplacement variable par


rapport à ce bloc.
Les 139 champs individuels sont composés de :

-coton et arachide : 68 champs en culture de rente


-riz inondé : 55 champs en culture de rente et/ou uivrière
-riz sec, maïs, igname : 16 champs en culture viwrière, rarement vendue,

(1) Le chiffre 41 provient du fait qu’un chef de segnon est mort en juillet. Sa
famille a été réintégree dans un autre segnon, qui avait’donc à sa charge les
deux champs.
Le chiffre 42 provient du même fait, auquel s’ajoute le “double” champ de
Fangboho (vivrier traditionnel/culture attelée).
32

La teinte dominante du champ individuel est donc la culture de rente,

alors que le champ collectif est orienté vers le wivrier : il est avant tout la

base de la nourriture familiale.

Essayons de voir plus précisément ce que sont les champs individuels,

et quelle importance ils ont dans le village : qui en posséde, hommes ou femmes,

et à partir de quel âge. Pour en créer un, il faut l’autorisation du chef de

segnon, et le travail sur ce champ est généralement réglementé : on doit travail-


ler d’abord sur le champ collectif, et il ne reste que certains jours pour le
sien propre. On peut y travailler seul ou se faire aider par les autres membres
du segnon,

C’est le responsable du champ qui décide de la culture et de la desti-

nation du produit (vente, consommation), mais celui-ci ne lui revient pas néces-

sairement dans son entier.

Les hommes susceptibles d’avoir un champ individuel ne sont pas chefs

de segnon et ont entre 21 et 56 ans (tous les vieux, étant chefs de segnon). La

plupart sont mariés, sauf quelques jeunes et un sourd-muet. Ils sont au nombre de

56. Le tableau T.8-1 montre que 54 $ d’entre eux possèdent un champ individuel,

mais cette proportion varie selon la classe d’âge : elle augmente quand l’homme
vieillit. Effectivement, il a alors plus de poids dans la collectivité et pourra
plus facilement outirir un champ, surtout s’il sait qu’il a des enfants pour l’ai-
der à travailler. Sur les 30 hommes possedant un champ individuel

16 n’ont qu’une seule culture


11 ont deux cultures
1 a trois cultures
2 ont quatre cultures

Le coton est de loin la pius répandue, puisqu’il se trouve dans 83 $

des champs, ce qui représente 44 % des hommes de 21 à 56 ans non chefs de segnon
(T&2).

Les femmes doivent être mariées pour avoir un champ individuel. A part

une femme PlakorolB, elles ont ‘toutes plus de 21 ans et ont au moins un enfant.

La proportion de femmes ayant un champ individuel est forte : 67 r/i, elle


augmente avec leur ?~GP. (la b aisse observée chez les vieilles est dûe aux non-
actives).
Chez ces 6G femmes, la culture qui vient largement en tête est le riz inondd,

puisque 50 d’entre elles en cultivent (ce qui représente par ailleurs 60 $ des
femmes mariées) voir tableau T.9.

-Le mode de culture


------..-----------

Il est donné pour chaque culture dans le tableau général T.7.


33

. la culture à la daba* : tous les travaux sont effectués avec des

outils manuels. La daba est utilisée pour le défrichement, le buttage (igname,

maïs), le billonnage (coton, arachide), Des houes de taille variable, à manche

court, sont utilisées pour le sarclage.

Les machettes sont utilisées pendant les récoltes, et pour abattre les

arbres de taille moyenne dans les nouveaux défrichements.

. la culture attelée : le bloc de culture attelée à Bolondo a êté

défriché au bulldozer par la CIDT en 1974. Les bénéficiaires n'ont rien eu à payer,
cette action ayant pour but d’encourager la culture attelée.

Les.boeufs sont utilisés pour les travaux de labour, preparation du sol,

semis, billonnage avec les outils suivants :

-une charrue à soc


-un cultivateur
-un semoir
-une billonneuse : soc à double face qui rejette la terre de part et

d’autre tout en désherbant l’interligne.


Il y a cependant des désherbages B faire à la main, ainsi que le démariage pour
le coton.

L'investissement à faire pour 1'8quipement en culture attelée est

important. Fangboho, par exemple, a paye ses 3 boeufs 7S.OLlO Frs en tout, qu'il

a dû verser à l'achat. Le matériel lui sst revenu à gCl.@OL Frs qu'il rembourse
en trois annuités constantes.

. la motorisation : les habitants de Bolondo font appel aux machines

pour leurs rizières de bas-fonds. Le premier défrichement est fait au bulldozer.


Puis chaque année sont pratiqués
-un labour avec une charrue & disques

-un hersage
-semis

Désherbage et récolte sont faits i6?anuellement.

Les prix pratiqués par les tractoristes privés de Boundiali sont les suivants :

labour + hersage 6 à 10 .COO F/ha

semis 2 & 5.000 F/ha


Il faut généralement payer comptant sitôt le travail fait. Certains tractoristes
permettent cependant de fractionner le paiement E une moitié est payée lors du
travail, l’autre moitié après la récolte. Le contrat avec la SATMACI revient à
15.000 F/ha, le crédit est possible jusqu'à la récolte. La semence et l’engrais
sont fournis, et leur prix sera déduit du montant de la récolte. La vente à la

SATIYIACI est obligatoire.


Qui utilise la motorisation ? Parmi les rizières collectjves 76 y< sont
labourées mécaniquement, et parmi les rizières individuelles 24 5 seulement. Ceci
s'explique par le fait qu'une personne seule dispose de moins d’argent qu'un segnon
34

-Le système de culture


------------------C--.

Les engrais, d’introduction nouvelle et limitée, ne sont utilisds que

sur le coton et les rizihres inondées (ainsi que sur l’ensemble du bloc de culture
attelée).

Les terres ne sont cultivées en principe que 4 ans, parfois plus

lorsque la terre est bonne et que l’on espère cbtenir encore de bws rsndements.
L’appauvrissement rapide de la terre, favorisant l’invasion des mauvaise5 herbes,
nécessite d’abandonner les champs à la jachbre; C’est donc une culture itinérante
qui est pratiqude. Il faut faire chaque année un nouveau défrichement qui a lieu

en saison des pluies.

La zone est d’abord débroussaillée et déshfibée à la daba, les herbes


étant laissées sur le sol. Lors du buttage qui suit, elles sont enfouies, consti-

tuant un engrais vert. Les buissons ont été arrachés tandis que les arbustes sont

seulement coupés à hauteur d’homme, et les arbres laissés intacts, Les buttes

seront désherbées une fois et plantées en iqname avant la saison des pluies

suivante. Une terre est donc toujours cultivée en igname la premiére année. Entre

les rangées de buttes on sème ensuite du riz, puis du-maïs sur le flanc des buttes.

Les 4 chefs de segnon interrogés su? leur succession.de culture ont

r6pondu de la même façon, et ont semblé dire que ce principe était général :
Ière année : igname f riz f maïs
2ème année : maïs

3ème annde : riz + maïs ou igname + riz ou igname + riz + maïs


4ème année : arachide.

Les cartes C.12 donnent le plan des champs de vivriers pour les 4 segnons
Les chiffres de 1 à 5 indiquent en quelle année de culture se trouve la parcelle.
La succession des cultures. ne peut être étudiée chez Kafouna puisque son champ a

ét6 perturbé, mais nous essaierons de voir ce que donne le schéma théorique dans

les 3 autres segnons.

Chez Yalourga il est respecté jusqu’8 la troisième année, mais on

trouve du riz-maïs en quatrigme année, et de l’arachide en cinquiome : voyant que


sa terre était bonne il a décidé qu’il pouvait cultiver encore du maïs-riz, puis

de l’arachide, reculant d’un an la mise en jachère de la parcelle. Les surfaces


défrichées chaque année ont donc été

1971 : 1 ha
1972 : 1,19 ha
1973 : 1,66 ha
1974 : 1,5R ha
1975 : 0,84 ha.
35

On vcit qu'elles ont eu plutôt tendance à augmenter jusqu'à I~annÉe dernière. La

diminution de 1975 s'explique par le fait que Yalourga compte délaisser ce champ

qu'il trouve de plus en plus envahi de termites, Il pensait donc pour cette année

défricher une surface importante dans un autre endroit, mais la mort de son frère
va lui permettre d’augmenter ses surfaces sans défricher plus que d'habitude.

Chez Karityonwin le schéma theoriquo semble respecté. La parcelle en

troisième année de culture a été divisee en deux, une partie en igname-riz-maïs


l’autre en riz-mals. Cependant, bien qu'il nous ait dit que sa parceJ.le d’arachide
était en 4~ année de culture, nous pensons au vu de sa surface qu'il s’agit de

4éme et Sème années,

Ceci donnerait, en surfaces defrichées chaque année :

1971 : 1,57 +x )
) 3,15 ha
1972 :
Ifs7 ix >
1973 : 1,30 ha

1974 : 1,15 ha

1973 : 1,05 ha

Nous avons pu localiser le défrichement 1976 qui avoisinait l’hectare.

Chez Fangboho le schéma est complique par le fait que ses surfaces ont

diminue, surtout depuis qu'il pratique la culture attelée, Une partie du défriche-

ment de 1975 n'a pas reçu d'igname, et la parcelle en 48me année n'est que partiel-

lement cultivée en arachide.

Nous voyons que l'association de plusieurs cultures sur une même parcelle
est très pratiquée.
Apres les 4 (ou 5) ans de culture, la terre est laissée en jachère au
moins 20 ans, parfois plus avant de pouvoir être de nouveau cultivge. La progres-
sion du défrichement ne semble pas suivre de loi fixe, il y en a une cependant qui

est respectée : lorsqu’il y a uno pente, le défrichement la remonte, les terres


plus anciennes se situant en bas.

3. L'élevaqe

Le troupeau bovin de Bolondo est composé de 44 bêtes :

1 taureau
5 taurillons appartenant B 11 propriétaires différents

26 vaches
12 veaux

Comme nous l'avons vu, Kefouna en poss4de IC., dont le taureau, c'est donc une
part importante. Les autres ont 2,6 bGtes en moyenne. Ce sont tous das chefs de

segnon, à part la femme de Kofouna qui en possède doux.


36

-L'encadrement StlDEPRA*
_--------------------

La SLlDEPRA a pour objectif d'augmen ter la production de viande dans la

région par une amelioration de la valeur genétique des animaux, de l'état sani-

taire des troupeaux et des techniques d'élevage,

L.es actions de la SODEPRA au niveau du village sont :

-don de barbelés pour la construction d'un parc réalisÉe par les


propriétaires des animaux

-delégation d'un encadreur qui vient 2 à 4 fois par mois slon la saison

-approvisionnement en produits véterinaires gratuit


-castration des jeunes mâles pour la culture attelée.
L’encadreur a pour rôle de conseiller les éleveurs au niveau de la conduite du

troupeau : achat de blocs de sel... Il essaio de leur apprendre à soigner les


blessures diverses; il supervise les traitements prophylactiques et curatifs sur

tout le'troupeau. Ce sont :

-un traitement antiparasitaire interne, renouvelé en principe 2 fois par


an sur tout l'effectif. Les jeunes sont traites systématiquement B la

naissance

-un déparasitage-dgtiquage 4 fois par mois en saison des pluies, 2 fois

par mois en saison sèche.

La SODEPRA enfin achète les animaux à un prix supbrisur à celui que le propriétaire

obtiendrait par ses proPres moyens (13 à 17.000 Frs CFA pour une génisse de 30

mois, jusqu'à 23.000 pour une Saoulé).

-Conduite du troupeau
------------------_-

Le bouvier a la responsabilité du troupeau, Il reçoit des propriétaires


100 Frs CFA par animal adulte et par mois. Il peut recevoir une partie en nourw
riture.

Les animaux passent la nuit dans le parc. Le matin, le bouvier trait


3 ou 4 litres de lait qu'il vend dans le village. Cette pratique est déconseillée
par la SODEPRA qui veut faire garder tout le lait pour la croissance des veaux,

mais permet au bouvier de foire l'appoint.

Il ouvre ensuite le parc et emmkne la trpupaau dans une zone suffisam-

ment éloignk des champs. Généralement il les laisse et vient les surveiller de
temps en temps au cours de la journée. Il les rentre le soir.
Pour boire, il les emmene au marigot situé au sud du village, sauf
quand la saison des pluies apporte suffisamment d'eau pour que le sol en soit

gorge et recouvert de mares.


i 37
I
!
Il n e p r a t i q u e p a s l a t c c h n i q u r ! d u b r û l i s d e s p â t u r a g e s en s a i s o n
s h c h e ; il l ' u t i l i s e c e p e n d a n t à p e t i t e é c h e l l e , s u r l o s premiers p a c a g e s a u n o r d
i
! d u v i l l a g e , l o r s q u e l ' h e r b e s è c h e . Mais i l . E s t é v i d e n t que l a n o u r r i t u r e en sai-
s o n s è c h e s e r a r é f i e c o n s i d é r a b l e m e n t , s u f f i s a n t B p e i n e à l'entretien d e s a n i m a u x
I
l Le b o u v i e r s o i g n e les p l a i e s e t les p i q û r e s d ' i n s e c t e s avec l e s m é d i c a -
i
ments ÇGDEPRA. Il s o i g n e é g a l e m e n t c e r t a i n s i n c i d e n t s : une; v a c h a p e u t p a r e x e m p l e
I
t a v a l u r d e p e t i t s c r a p a u d s c a c h é s d a n s l ' h e r b e c t sa p a n s r , g o n f l e . Il f a u t l u i
! f a i r e b o i r e du c i t r o n .
1
1

- F....................
onction du troupeau
i
l
I
La SGDEPRA s ' e f f o r c e d ' i n t é r e s s e r l o s F r o p r i G t a i r - s à leurs a n i m a u x e t
t

I1
d e l e u r d o n n e r le g o û t d e l ' é l e v a g e , p o u r l a v e n t e . En r É a l i t 6 l e s a n i m a u x s o n t
d a v a n t a g e pour EUX u n e s o r t e de p l a c e m e n t , d e b a n q u e , I l s c o n s t i t u e n t un c a p i t a l
i
s t a b l e c t r e l a t i v e m e n t sûr ( s a u f en c a s d e m a l a d i e ) q u i s e r v i r a L l e s d é p a n n a r

,
1 q u a n d i l s a u r o n t b e s o i n d ' a r g e n t . Ils s e r v e n t é g a l e m e n t a u x f e s t i n s a c c o m p a g n a P t
1
t l e s f u n É r a i l l c s e t h c e r t a i n s g r a n d s s a c r i f i c e s c o n c e r n a n t le v i l l a g e ( p a r e x e m p l e

j pour demander l a p l u i e ) .
j

1
1
L e S é n o u f o n e f a i t d o n c p a s d e son é l e v s i e u n e s p é c u l a t i o n , mais u n e

a c t i v i t é d ' a p p o i n t q u ' i l c o n f i e a u b0iJvi.r.

1
i

1
. ----------------
Lep e t i t élevage

LE v i l l a g e e s t p e u p l é d e pcircs, c a p r i n s , o v i n s e t v o l a i l l e s d i v e r s e s
l
q u i c o u r e n t cn l i b e r t é . Ces d c r n i g r e s s o n t g é n é r a l e m a n t b i e n s o i g n é e s ; o n l e u r
Il
c o n s t r u i t d e s p o u l a i l l e r s t r a n s p o r t a b l o s d a n s l n ç q u c i s o n p e u t les rrnrriener a u
i champ o ù e l l e s t r o u v e n t d a v a n t a r j e à m a n g e r . Cin l e u r a p p o r t e a u v i l l a ç i : d e s
! f r a g m e n t s d e t e r m i t i è r e s p o u r l o s n o u r r i r . Les o e u f s n e s o n t p a s c o n s o m m é s , l e s
l a n i m a u x s o n t u t i l i s é s p o u r d e s s a c r i f i c e s , d e s f ô t E s , d e s f u n a r a i l l e s , lors de
r l ' i n i t i a t i o n ou p o u r f a i r e d e s c a d e a u x .
1
l
l Les p o r c s , c a p r i n s e t o v i n s s o n t p a r c o n t r s l a i s s é s h eux-mêmes. Leur

i v i a n d e n ' e s t q u e r a r e m e n t c o n s o m m 6 e 9 lors d e s f g t o s e t f u n é r a i l l e s . Ils p r o l i f è -


î rent d o n c a b c r i d a m m e n t , t o u t e n p a r t i c i p a n t h l a p r o p r e t é d u v i l l a g e p a r leurs
I
1 recherches de nourriture.
I
ll
i
i
i
I I I . LE 5ENOUFG ET LE TRAVAIL

l L e c a l e n d r i u r d e t r a v a i l ( C 1 3 ) m o n t r e que l e s t r a v a u x a g r i c o l e s
I
1 s ' é t a l e n t s u r 1 0 m o i s , mais l ' i n t e n s i t 8 maximum SB s i t u e pondant l a s a i s o n dcs
:
p l u i e s : j u i l l e t , a o û t , s c p t e m b r a û v c c l e s b u t t a g c s , les r e b i l l o n n a g c s a t l e s
i
s a r c l a g e s q u i s o n t les p l u s d u r s t r a v a u x .
Les récoltes sont généralement étalées dans le temps selon le cycle des

différentes, cultur&s, il en est de même pour les semis.

La repartition des tâches est établie de manière assez constante entre


les sexes et salon les âges.
Les enfants sont chargés de la surveillance des cultures, Ils partent
au champ le matin et y restent toute la journée, parfois sans leurs parents,
éloignant les oisoaux et les singes avec des cris et des lance-pierres. Ils y font
eux-rn&os leur rapas de midi. Cortains couchent môme au champ, lorsqu’il est loin
du village, pendant toute la duréo de la saison des pluies (dans la hutte).

Des qu'un enfant est capable de faire un travail, il aide ses parents :

il commencera par les semis, le démariage, le désherbage. A partir de 10 ans un

garçon fait tous les travaux d'un hommo sauf le buttago de l'ignamo qu'il ne

commencera quo vers 14 ans.

En dehors de ce qui concerne les cultures, les enfants aident leur mbre
à tous les travaux ménagers : cuisine, lessive, transport de bois...

Les travaux exclusivement masculins sont : le buttage de l'ignams et

du maïs; le billonnoge du coton et de l’arachide, les traitements insecticides

sur le coton.

Le buttaqo de l'ignama est le travail 1~ plus pénible. Il se fait

toujours en groupe pour la plus grande part, le même groupe circulant dans un
certain nombre dc segnons pendant la saison, Il est pour tous un moment impcrtant,
une victoire durement gagnée sur la terre. Il cst le symbole de la force. physique,

et les travailleurs sont stimulés tout au long do la journée par les baiafonistes

qui viennent souvent jouer, par les compétitions qu'ils organisent entre eux ou
que le chef d'exploitation provoque. Cette stimulation permet de maintenir un

rythme soutenu et une ardeur au travail sans lesquels celui-ci paraîtrait doux

fois plus pénible.

Les travaux généralement masculins sont : le sernis du riz et du coton,

la plantation de l’igname Et la majorité dos travaux concernant 10 coton.

l-es travaux féminins sont tous les travaux ménagers : la ramassage et


le transport du bois, le transport de l'eau, la cuisine, la lcssiwe. ies femmes
portcnt ainsi des charges att.éignant facilement 2P kgs et parfois plus. Les repas
sont longs à préparer, et piler est fatigant. Çi elles travaillent moins dans les
champs et font des efforts moins violents que les hommes, leur labeur est d'une

façon générak plus soutenu au cours de la journée. Cl.5 plus elles portent conti-
nuellement un enfant : soit en elles lorsqu’elles sont enceintes, soit sur le
dos lorsqu’il est né et jusqu'à 2 ans.
Pour les cultures, elles sont chargées du semis de l'arachide et du

maïs, de tous les travaux sur rizière inondée, de la récolte de l’arachide.

Les travaux mixtes sont : la récolte du riz, du maïs.

Le désherbage de toutes les cultures est fait le plus souvent par les femmes, et

les hommes les aident lorsqu’ils ne sont pas au buttage.

Les vieux diminuent petit à petit leur intensité de travail. Quand ils
.
ne vont plus au champ il leur reste l’activité de vannerie qui peut les occuper
des journées entières.

-Champ collectif et champ individuel

Sur le champ collectif, il y a généralement 2 à 3 jours de repos par


semaine. Le repos du vendredi est observé par tous, et celui du lundi par un

certain nombre (jour de marché à Ganaoni).

Comme nous l'avons vu, les génies de la terre imposont un jour de repos
tous les six jours : ce jour s'ajoute donc ou se superpose au vendredi. On ne doit

effectuer aucun travail avec une daba ou une houe, mais on peut faire de petits

travaux. Parfois le cycle est de 3 jours. Ces jours de repos ne sont plus observés
aussi strictement qu'avant.

Les possesseurs de champs individuels sont géneralement accaparés par


le travail sur le champ collectif. Ils profitent donc des jours de repos pour
cultiver & leur compte.

Lors de notre enquête auprès de tous les chefs de segnon nous avons

demandé si les détenteurs do champs individuels y travaillaient seuls. Nous avons

aussi interrogé plus à fond quelques jeunes concernés. Il en ressort que o

-chez les hommes la plupart sont aidés par les autres personnes du

segnon. Ce sont surtout ses proches, sur qui il a davantage d'influente (peti,ts

frères, femme, enfants)

-chez les femmes les 4/5 environ se font aider par les autres personnes
du segnon sur leur champ d'arachide, notamment au niveau du billonnage.

Elles travaillent davantage seules sur les rizières, même pour le


défrichement puisquo la moitié d’entre elles seulement se font aider. Nous avons

essayé de voir s’il existait une corrélation positive entre le fait que le

défrichement soit motorisé et le fait qu'elles travaillent seules. C’est en fait

le contraire qui se produit : il y a une proportion plus forte de femmes trevail-


lant seules dans les champs défrichés à la main. Ceci se justifie en ce que les
surfaces defrichées à la machine peuvent 6tro plus grandes, et le désherbage qui

doit être fait rapidement demande plus de main-d’oeuvre.


40

Le travail des autres membres du segnon sur le champ individuel pourra


influencer la répartition du produit qui on es t issu, comme nous le verrons plus
loin.

-L’entraide

Elle se pratique au niveau de toutes les cultures et de tous les


travaux, mais le plus souvent pour :
-le buttage de l'igname )
) formation de groupes importants
-les récoltes \
I
-les sarclages : formation de petits groupes.

Le principe de l'entraide est qu'il y a dans l'échange, égalité sur la quantité

de travail, mais pas nécessairement sur la nature du travail ou la personne qui

l'effectue. Par exemple une journéo d'homme au buttage Fout équivaloir à 3 jour-
nées de femmes au désherbage. Il sxistc aussi des échanges d’argent contre travail:
une journée de récolte du riz : 200 F.CFA

une journée de désherbage (homme ou femme) 150 F.CFA

une journée de buttage de l'igname : 4 à 500 F.CFA.

Il ne semble pas y avoir d'échange privilégié entre deux ou plusieurs segnons,


ou à l’intérieur d'un quartier. Les échanges sillonnent tout le village et peuvent

être ternaires.

Nous avons tenté de suivre les quatre segnons pour évaluer l'intensité

et l'égalité de ces échanges I nous les avons interrogés pendant 38 jours sur
leur emploi du temps, Les journées de travaux d'une ou plusieurs personnes du

segnon chez un autre ont occupé la moitié du temps en inoyenne. I'lais $ucunc con-
clusion nette n'a pu litre tirée, tant à cause dc la qualité de l'informaticn que

de la briBvete de la periodc étudiée : sur les quatre segnons, un d’entre eux a


récupéré plus de travail qu'il n'en a donné (20 journées d'hommes au buttage +

18 journées de femmes au désherbage, contre 9 journées d'hommes au buttage et 1

journée de femme au désherbage). Les trois autres en ont donné beaucoup plus
qu'ils n'en ont récupéré.

La seule conclusion possible de nos recherches est que les échanges


ne sont pas immediats mais différés dans le temps, co qui a rendu leur étude
impossible pour nous,
41

LA GESTIDN DL! PRODUIT

1. STOCKAGE
_---_---------------- DES
___----_-----~___---- pRODUITS
,

La récolte d'igname est stockée au champ et ramenee au willagc au fur

et à mesure des besoins. Four le maïs et le riz, une partie est-ramenée dans les

greniors du village.
Ces greniers (voir plan C 11) ont 2,50 m de hauteur, Ils n'ont aucune

ouverture à la base ou sur le côte : pour y charger ou décharger le grain on monte

et on soulèwo le toit de chaume.

Le reste est laissé au champ sur des petits échafaudages en bois et


.
protégé par une couverture de chaume.

La récolte d'arachide dant la grande partie est vendue, est ramenée au


village dans des sacs aprÈs sechage sur le champ. Elle est vendue à des Dioula

qui passent.

II. CUNSOPP.ATION
------------
~---~---_--_

La nourriture est organisée collectiwoment à l’intérieur du segnon.

Los repas du matin et du soir sont de m^ernonoturo o plat de riz, de maïs ou

d'igname pilé avec une sauce. Ils nécessitant chacun environ 2 heures de prépara-
tion. Ceci explique que le repas du soir se mange tard en saison dc travail, la

femme commençant à Filer lorsqu’elle revient du champ à la tombéo de la nuit,

Elle doit d’autre part piler tard le soir ou des l’aube pour le repas du matin.

A part les vieilles qui ne cuisinent plus, toutes les femmes d'un

segnon doivent préparer ces deux repas chaque jour, à partir dos produits collec-
tifs. Cependant, dans certains sognons, lorsqu'un homme a travaillé dans son

champ individuel pendant la journée, il donne à sa femme pour préparer le repas


du soir, le produit de son champ 5 (puisqu'il n'a pas travaillé pour le segnon,

il apporte sa part de nourriture).

La quantité préparée par chaque femme ne dépend pas du nombre d'enfants

qu'elle a, c’est la même pour toutes les femmes du segnon. La femrne qui a des

ressuurces propres (de par son champ individuel) doit généralement s’occuper alle-
même de l’achat des condiments de sauce. Elle gère égalemont le stock d'arachide

de son champ. Lorsqu’elle a une rizihrc inondée dont elle garde une partie de la

récolte, ce riz servira soit pour tout 10 segflon (par exemple le jour où le
ménage ne travaille pas sur le champ collectif) scit pour le ménagc seulement.
Chaque f e m m e apport(; son p l a t e t s a s a u c e à t o u s l e s hommcs dii segnon
q u i mangent onserribla ( m a i s pas t o u j o u r s au mene moment). S i lss r e p a s ne son-t pas
p r z t s sri meme temps, CE q u i E s t s o u v e n t l e cas, lcs hommes mangcnt en p l u s i e u r s
repas fractionnés.
Les femmtis mangcnt ensemble, ou chacuiifi dans s a c a s e avac s e s e n f r i n t s .

En s a i s c r i de t r a v a i l , la nourriturc.: e s t p r i s e au champ p e n d a n t l a
journée. Une o u doux femmes q u i t t c n t le t r a v a i l du champ p o u r p r é p a r e r à manger
a u t r e s c o n t i n u e n t j u s q u ' a u r o p a s , V e r s 11 h. on f a i t une pûusc e t
t a n d i s qiucr l ~ s
le "casse-croûte" e s t c o n s t i t u é de g r a i n s d e maïs i J o u i l l i s $ dc mclnioc ou d ' i g n a m e
braisés
Un r e p a s de même n a t u r e que c e l u i du s o i r E s t p r é p a r é p o u r 1 5 h.

E l l e s e f a i t l o r s q u ' i l y a s u r p l u s . C ' e s t l e maïs e t l e r i z q u i s u n t


gardés, l'ignamc nG s e c o n s e r v a n t p a s a u - d e l à de s i x m o i s . En t h e o r i o u n segnon
d o i t a v c i r deux ans de r é s e r v e dans s e s g r o n i e r s p o u r p a l l i e r les s é c h e r e s s e s
é v e n t u e l l e s , Dans l a r é a l i t é , c e t t e q u a n t i t é n ' e s t pri.s s o u v o n t a t t e i n t e , surtout
d e p u i s l e s t r o i s d e r n i è r e s années où l a s é c h e r e s s e r e l a t i v e a d i m i n u é l e s r 6 c o l t c s

1 ) Les p r s d u i t s du champ c o l l e c t i f

- Vivrier : les p r o d u i t s v i v r i e r s s o n t r a r s m s n t vendus, s u r t o u t d e p u i s que


l ' i n t r o d u c t i o n du Goton en a d i m i n u é l e s s u r f a c e s c u l t i v é e s . S i 13 c h e f de segnon
juge les réserves suffisantGs, il d é c i d e r a de v e n d r e . Y a l o u r g a p a r exemple, q u i
n e f a i t p a s de c o t o n e t a une s u r f a c e v i v r i e r e i m p o r t a n t s , vend du m a ï s e t du r i z .

- A r a c h i d e : t u u t c s t vendu s a u f c e q u i s c r t à la semence E t aux sauces.

- Coton

- V a n n i e r s : i l s s o n t vendus 1~ p l u s s o u v e n t 3 d c s gcns q u i p a s s e n t o u dans l o s


v i l l a g c s v o i s i n s (marché de Ganafini).
L ' a r g e n t r e s t e aux m a i n s du c h e f d ' e x p l o i t a t i o n q u i o f f o c t u c t o u s l e s a c h a t s p o u r
l e segnon ou donne aux membres dc l ' t i n i t é s e l o n leurs b e s o i n s ,

2 ) Les p r o d u i t s du champ i n d i v i d u e l

- Igname - Fiiz sec - Piaïs : ces c ~ ~ l t u r es so n t p r a t i q u é e s 10 p l u s s o u v e n t p o u r u n


complément de n o u r r i t u r e , donc p o u vcndues.
L ---,-.,, -.-.
43

Lorsqu'elles sont cultivées pour la vente, c’est parce qu'elles

permettent un etalement dans le temps des revenus, dû à l'étalement des récoltes.

- Riz inondé u la plus grande part est gardée


chez les femmes par exemple 34 gardent tout pour la nourriture, 11 gardent une

partie et vendent le surplus, r5 vendent la ta-talité.

- Arachide : tout sauf cc qui est consommé dans lus sauces.

- Coton.

V. UTILISATION
-_~-___----_-------____ CIES RCVENUS
------------_-----_----

1. fiaturc des dépenses

Nous n'avons pu faire une étude quantitative dos dépenses (réticence

des gens, imprécisions des repenses) mais nous avons déterminé la nature des

dépensos, qut; nous avons classées par rubriques. CES rubriques se trouvent etre
tout à fait semblables & celles qu'a distinguées 6. SflRY dans une étude faite à

Syonfan, village sénoufo de 243 habitants (“Formation ot utilisation des rewenus


monétaires à Syonf an"). Les caractéristiques des deux villages paraissent SE
rapprocher, nous avons pensé qu'il pouvait être bon d'indiquer ici les chiffres
de Syonfan pour donner une idée de l’importance do chaque rubrique. Ces chiffres
ne sont donc présents qu'à titre indicatif, et figurent entre parenthéses. Ils
portent sur toute une année et pour tout un village.

- Nourriture (21 $ dos dépenses villageoises) : condiments de sauce, céréales


d'appoint, poissons séchds, tabac, noix de cola

- Habillement : (17 $) : pagnes, chaussures, vGtemonts divers, bijoux

- Equipement ménager (13 $) : ustensiles de cuisine, éclnirngc, literie

- Habitat (5 y$,) : portes des cases, construction des maisons en dur

- Transports (7 $) : wélos, mobylettes, essence, grands déplacements

- DQpenses d'exPloitstion (8 $) : salaires agricblos versés, engrais, défrichement:


motorises...

- Divers (15 $) : dons (poro) 9 cartes PDCI, médicaments...

2. Qui dépense et avec quel arqent ?

L'argent collectif, entre les mains du chef do scgnon, sert aux


"dépenses communes". Fiais la notion de "dépenses communes" varie d'un segnon à

l’autre selon qu'il y a présence! ou absence de champ individuel, et selon la


44

destination de l'argent qui en est issu, La prtirnierc quosticn à se poser est

donc : à qui va l'argent du champ individuel ?

Chez les femmes 8 versent l'argent au segnon

15 gardent l’argent pour elles I


19 donnent une partie au segnon.
Il n'y a pas de corrélation ontrù le fait que la femme travaille seule et le fait

qu'elle garde l’argent pour elle.

Chez les hommes 0 versent l’argent au scgnon (1)

Ii’ gardent l’argent pour eux.


Il semble y avoir une corrélation entre le fait de se faire aider et celui de
partager l’argent.

Naintenant, que veut dire gardor l’argent pour soi ? En d’autres termes,
à quoi sert l’argent.
- Chez les femmes, il sert à acheter le ndcessairo de cuisine, les

condiments de sauce, des vêtements pour elles et leurs enfants. 13 peut servir
aussi à leurs "petits plaisirs”, mais en faible proportion semble-t-il, Nous

n'avons rencontré qu'une femme qui n'aie aucun équipement ménager a acheter avec
son argent (la femme de'Kafouna).

Ces ressources semblent donc servir surtout à dggrever le ssgnon d'une

charge qu'il assume lorsqu'il n'y a pas de champ individuel:l';ais il sert sans
doute par le mÊme coup à amélicrar le niveau de vie du ménage, puisque le revenu
SC trouve augmenté. De plus, la femme a ainsi une indépendancc plus grande.

- Chez les hommes, l’utilisation do l’argent individuel est beaucoup

plus variable.
Lorsque l'homme a femme et enfants, qu'il fait partio d'un grand segnon,

il paie lui-m6me les wGtoments du menago et l'équipement ménagers. Quand ceux-ci

sont payes par le sognon (ce qui est plus souvent le cas dans une unité de taille

moyenne) l’argent individuel lui sert à payer ses déplacements, ses vêtements

supplémentaires (européens), les redevances du poro et diverses choses pour le


ménage,

Lorsqu’il n'est pas marié, scs moyens de transports sont généralement

payés par le sognon (vélo, taxi-brousse...). L'argent individuel lui sert à


s’acheter du tabac, des wêtcmcnts européens, un lit, une radio. . . et à payer les
redevances du poro.

(1) Nous n'avons pu les interroger tous.


45

Chaque segnon a donc sa manière propre d'organiser les depenses, de

distinguer le collectif de l'individuel. De la même façon la notion de "champ

individuel" n'est pas homogene, les seuls concepts communs à l'ensemble du village

étant ceux de responsabilité et dc gérance autonome.

D’une façon génf$rzle, l’argent collectif ne paie quo Ce qui Est consi-

déré comme nécessaire à la vie courante par le chef d'exploitation. Ce qui est

vu comme "petit plG.sir” sera le fait de l’argent individuG1. Il s'agit le plus

souvent de produits qu'on ne trouvait pas auparavant dans lo vill:!go, et qui de

plus en plus paraissent indispcnsablcs aux jduncs, surtout lorsqu’ils ont Ate en

Basse-Côte. Ce sont les produits de la civilisation mbdcrne. Les vieux approuvent


peu ce genre de dépenses, c’est pourquoi le jeune aspire à avoir ses propres
moyens de production pour gagner son indépendance. P(ais la part de son produit
qui lui revient n'est pas toujours aussi importante qu'il le voudrait. Son

independance reste relative, nous y rcwiendrons dans la partie qui va suiwro.


Celle-ci va nous permettrs d’approfondir les notions de responsabilité et contrôle

do la production, d'individualisme, de cohésion sociale...


QUATRIEME PARTIE

QUELQUES ASPECTS DE L'EVOLTUION DES STRUCTURES


46

INTRODUCTION

Dans une communauté agricole telle quo colle que nous avons étudieeS

production et reproduction sont intimement liées, Las vieux, comme l'a montré

Yleillassoux (l), fondent au départ leur autorité sur la nécessité de gestion de

la production. Ce rôle leur revient parce qu'ils sont les aînés dans le cycle

d'avanc,;s et de restitutions’entre productifs et' improductifs. Ayant en main cette

gestion de la production, ils sont les mieux Flacés pour assurer le contrôle de

la reproduction par la circulation des femmes. Nous tenterons ici d'examiner de

quelles façons les évolutions récentes ou actucllos peuvent modifier les deux

aspects de la société, ot principalement, comment la modification des structuras


de production par l’arrivée du coton industriol retentit sur.la reproduction
sociale et individuelle.

1. SEGP~ENTATION DE LA CONCESSION

Apres les guerres de Samory (190@), les survivants do chaque lignage

se sont regroupés p'our reconstruire le village. La concession comprend alors un

petit nombre de personnes mangeant ensemble, travaillant tous sur un champ col-
lectif dont le produit est géré par le plus vieux. Cotte unité basée sur la
parenté s’agrandit ct il arrive un moment où le nombre d'individus est tel que la

gestion de la production devient très lourdc.

Les Français avaient instauré le travail forcé qui prenait, pour six

mois, las hommes valides du village. Il était, donc difficile d'avoir un champ

individuel qui aurait été à l'abandon pondant six mois pendant que femmes et

unfants auraient été à la chargE: de la concession. En 1944, suppression du travail


forcé. A cette époque arrivent aussi au village des idéos d'indépendance et de

liberte de travail, véhiculées par les anciens combattant revenant de France et


ceux qui sont allés en Basse-Côte.

Ces facteurs historiques, auxquels so sont ajoutés les dissonsions antre


les vieux, ont Bté les catalyseurs de la segmentation do la concession; segmsnta-

tion rendue necessairc par l’accroissement du groupe.

Tout cela aboutit à la constitution de plusieurs sous-unités : les

scgnons. Kais cet éclatement du pouvoir de gestion ne concerne que la production;


le contrôle de la reproduction par l’arrangomnnt des mariages restant Encore la

prérogative du chef de concession, ce qui maintient un sentiment d'unité familiale.

(1) Femmes greniers et capitaux.


47

Ces segnons peuvent être composés d'un seul ménage. PÎais cet effectif

est trop restreint pour pallier les éventuels accidents ou maladies qui peuvent

entraver la production. De plus l’esprit de coll:ctivismo reste fort. Apparaissont


donc des segnons regroupant plusieurs personnes ou plusieurs ménages. Ycs porson-
nos travaillent ensemble et sur un même champ collectif, consomment onscmble le

produit de ce champ ot sont soumises h l'autorité du plus wioux.

A partir de ces critères, nous pouvons dire que lo segnon garde un


caractère collectif bien qu'il y ait segmentation do la Grande communauté qui est

la concession. De plus, la cohésion au niveau du village est maintenue par


l’entraide libre entre les différents segnons et 1 e travail collectif qu'offec-

tuent certaines classes d’âge du Pôro. Ceci varifie donc notre première hypothése

secondaire.

Avant l’introduction des cultures de rente, le segnon comportait aussi

des champs individuels de vivricrs permettant aux hommes et aux femmes d’swoir
une certaine indépendance vis à vis du chef d'exploitation. Faire seul un champ

de vitriers en même temps que travailler sur un champ collectif où il y a les


mêmes cultures ne prgsente d’intérgt que dans le sentiment d'indépendance que

l'homme peut en tirer. Aussi ces champs individuels étaient-ils pou nombreux et
de petite taille.

II. IIYTRCDUCT ION DES CULTURES DE RENTE. FULTIPLICATIUN DES CH,WIPS INDIVIDUELS

En 1960, la' Côte-d'Ivoirc devient Independante. En 1964, un code civil

calque sur lc code napoleonien est créé. Quels points y sont importants en ce qui

conccrne Bolondo.

-Liberté de travail, la terra à celui qui la travaille, liberté de


.
mariage, suppression de la polygamie et de l’sxcision.
Il faudra longtomps pour que ces lois soiont opgrantos.

Dans le môme temps, de nombreux jeunes du village (16-25 ans) vont

travailler en Basse-Côte, pour quelques annees, Ils s’imprsgnent des notions


nouvelles (liberté de travail, etc... ) et acquièrent de nouveaux besoins (vête-

ments, chaussures, transitors, lits, moustiquaires, vélos, mobylettes...).

Revenant au village pour le Pôro, certains s'installent définitivomcnt : mais


ils no peuvent plus accepter.comme avant de se soumettre sans conditions &

l’autorité des vieux. Ceux-ci no comprennent pas leurs nouveaux besoins, si


bien que les jeunes aspirent de plus en plus à acquérir une certaine autonomie

dans la production.
48

L'introduction du coton va leur pormettro d'acceder à cette autonomie

pour leurs besoins particuliers, tout en restant dépendants du champ collectif

pour la nourriture. Pourquoi les vieux ont-ils accepté cette évolution ? Les jeune:

ont maintenant un moyen de pression dans la monaco do partir ou de ropartir du

village. Le chsf de segnon, pour ne pas Perdre une force de travail intéressante,
accopto un compromis : il autorisera le jeune à faire un champ individuel tout en

essayant de limiter son indépendance. Par oxcmplo lc jeune devra compenser les
jours où il nr; travaille pas sur le champ collectif, ;n donnant uni: partie do sa
recolto en nature ou en argent. En quoi consiste alors cotte; indépendance ? C'est

tout d’abord une liberté dans le choix de la culture et une responsabilite person-

nelle dans la conduite de cette culture (le ccton introduit de nouvelles techni-

ques : engrais, produits de traitement, culture attolér...). C'est aussi un choix

des partenaires et des jours de travail - dans la limite autorisie. Pour ce qui

n'est pas donné au chef do scgnon c'est enfin un choix de la destination du

produit, c'est aussi une indépendance financiere vis à vis du vieux (pour satis-
faire ses besoins le jeune n'a plus à aller lui demander de l’argent). Cctto
indépendance des jeunes resto relative au niwcau du willagc parce qu'elle est

encore limitée à quolques-uns, et restreinte par le processus cité plus haut.

Nous avons verifié notre quatriemc hypothese socondairc. On pourra se


reporter à la troisieme partie de cette étude (page 31), où les ciliffres nous

montrent que la grande majorité des champs individuels sont cn culture de rente.

Nous awons aussi expliqué pourquoi, ct nous pourrons le souligner en rapportant


cette phrase d'un jeune homme : "Je fais du coton parce que je peux plus facile-

ment garder l’argent pour moi. La nourriture, jc devrais la partager”.

L'introduction du coton s'est faito aussi sur les champs collectifs, et

les cultures wivrières s’en sont trouvées réduites. Il SE Pose donc parfois des
problemos de nourriture D l’argent du coton, s’il en reste, sert à acheter des

céréales en periodc de soudure.

Au niveau collectif, nous avons donc lc remplacement d'une partie du


vivricr par la culture de rente.

Au niveau individuel, il s'agit d'une juxtaposition de la culture do


rente par rapport au système collectif. (Troisième hypothèse secondaire).
Nous n’avons pas approfondi la deuxième hypothèse; il apparaît cepondant

que, le coton demandant beaucoup de travail, un sognon de grando tailla aura plus
de facilité pour en cultiwor.
49

III. ET DEMAIN ?

On peut se demander quelles vont Etre les conséquences de cette

évolution des rapports de production.


Les jeunes se sentent de moins en moins soumis aux contraintes des

vieux, à la fois parce que les lois du pays les soutiennent et parce qu'ils

gagnent en autonomie au niveau de la production. Par contre-coup, les vieux

commencent à perdre autorité sur la reproduction individuelle. Ainsi, certains


jeunes hommes peuvent commencer à imposer leurs désirs pour le mariago, quittant

même le village si les vieux ne les satisfont pas (et ceux-ci cherchent à éviter
l'exode). 2’autre part 1,'introduction des cultures de rente augmente 10s échanges

et les relations avec l’extérieur : le villagc perd peu à peu son autonomie.

Cependant les anciennes institutions gardent oncoro de leur force o


ainsi la polygamie et l'excision restent en vigueur; las jeunes fillos sont encore
souwont mariées contre leur gré; enfin le pôro rcstc un facteur de cohésion

interne très puissant qui perpétue les anciennes valeurs : une hiérarchie fondée

sur l’Sge, la sagesse, la connaissance et une égalité entre personnes du merna âge,

C'est encore aujourd'hui un moyen de pression fort sur 1-s jtiuncs, mais c'est

aussi une organisation nécassairc à la vie collective du village. Ainsi, des

villages sénoufo ont abandonné le pôro ces dernières annees. Parmi E?UX, certains
ont décidé de remettre l'institution en vigueur, cor ils s’apercevaient que sans

elle lc village était beaucoup plus difficile à diriger, Les promotions du pôro
sont collectivement responsables de certaines tâches. Si elles disparaissent, qui

s’occupera dc l’organisation des funérailles, de la réparation d'un pont, etc...?

De plus, l'aspect ideologique de l'initiation roste très important dans l’esprit


des sénoufo. Les jeunes qui font des études, même si elles les emmènent à Korhogo
ou Abidjan, désirent encore recevoir le “label” de leur ethnie. Il existe d'ail-

leurs une forme modifiée de l'initiation que l'on r6sorvo.à ces jeunes et à

certains étrangers particulièrement intégrés au village. Ceci reste une supposi-

tion, mais nous pouvons penser, d’apres lus discussions que nous avons eues à

ce sujet, que dans cette initiation l'aspect coercitif perd de son importance.
Il no subsisterait alors que l'aspect initiation au sacré, à la sagesse des
anciens, aux “recette” des ancetrcs. Peut-être 10 pôro, s’il est battu en brechc
par l'évolution, pourra-t-il subsister sous cette forme.

Maintenant, qu'adviendra-t-il dos autres institutions ? Nous pensons

que la parenté va évoluer : elle a dejà commencé à le faire, les liens entre les
jeunes et leur oncle maternel devenant de plus en plus lâches, Do plus, la multi-

plication des déplacements va entraîner une extension do l’aire matrimoniale. Dans

ce cas, les enfants résidant chez le père, le contrôle de la famille maternelle


50

do plus en plus difficile. On peut alors penser que le système de parenté à

tendance mstrilinéaire s'orientera vers un système patrilineaire.

Sur un autre plan, l'independancc croissante des jeunes, lwrs


déplacements et l'introduction des lois ivoiriennes dans le villago améneront à
généraliser la liberté do imariagn. Nous no pouvons copendr;nt présager de
l'évolution de la polygamie, qui aurait plutôt tondancc à augmontcr actuellement

dans les villes comme Korhogo.

La transformation a laquelle rous nous sommos 1~ plus intéressés est


celle qui conccrnc les unités d'exploitation. Nous avens vu la segmentation de

la concession en segnons à l'intérieur desquels so multiplient maintenant les

champs individuols. Or les jaunes qui auront fondé un foyer selon leurs désirs
pourront de plus on plus rester indépendants dans 1~ système de production : ils
ont la possibilitb de capitaliser en argent (cultures do rente) ou en nature (le
riz SO substituant progrossivemant à l'igname du fait dos sécheresses qu'il

supporte mieux). Ceci diminue donc les risques cuncomittant .aux maladies ot
accidents. De plus, ils pourront former entre eux dos coopératives d'entraide,
comme on le voit dans d'autres societes ou même dans d'autres villages sénuufo.

Tout,cela favorisera un individuelismo du ménage au nivonu do la production.


51

CONCLUSION

Nous avons réussi à mettre en évidence quelques relations antre

structurr:s de production et de reproduction. Elles sont fortement lieos dans

la vio du village, c'est pourquoi une evolution des unes entraîne bien souvent

unti adaptation des autres,

De notre hypothése principale, nous pensons avoir vérifié le fait

quo l’introduction du coton favoriss l'individualisme. ['ais nous n'avons pas

démontr4 que les structures de parcnté conditionnaient les structures agricoles.


Tout au plus les avons nous mis en parallèle, elargissant la confrontation du

niveau parenté à celui de “reproduction” en genernl (reproduction de la sociéte :


lois, institutions; et des individus % parenté, mariage.. .), Nous avons ainsi

montré l'existence de relations entre les doux types de structures, plus souvent

d’ailleurs dans le sens production-reproduction quo dans le sens inverse. Nous

ne pouvons diro si cela correspond à une certain phase do l’histoire, ne connais-

sant pas assez l’histoire senoufo, et l'évolution des sociétes en général.

Beaucoup de questions SQ sont ouvertes à nous au cours de notre travail.


De nombreux aspects auraient mérité d’Ctre abordés ou approfondis, mais ne
pouvaient l’etre on si pou de temps.

Nous dirons donc, en conclusion, quo nous pansons avoir offect.ué en

cette étude une bonne pré-enqugte pour une véritable monographie de village.
BIBLIOGRAPHIE

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Publication ORSTOM, avril 1976.

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-6. SORY t Formation et utilisation des revenus monétairas à Syonfan.

Stage Sciences Economique. Publication ORSTOP1, octobre 1975.

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