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Un livre est un objet stable, immuable, que certains qualifient de « design cognitif parfait »
(Barbagelata et al., 2014), qui est davantage lié à une lecture savante, profonde et attentive,
une lecture « attendue », répondant aux critères dominants relatifs à la littérature
classique et patrimoniale. Le format d’un livre n’a d’ailleurs quasiment pas évolué. Il est aussi
perçu comme un objet « fétiche » ou encore « de résistance » face à un monde de plus en plus
numérique. Notre représentation de la lecture est, aujourd’hui encore, liée au papier et à la
posture corporelle qui y est associée. La « vraie lecture » est exigeante et ne permet pas de faire
autre chose en même temps.
La culture de l’écran s’impose dans notre quotidien, qui vient directement concurrencer les
pratiques de lecture traditionnelle dite « savante ». On constate particulièrement un abandon
important du livre dans les milieux populaires, et plus largement encore chez les hommes. En
effet, plus de 50 % des hommes ouvriers déclarent ne pas avoir lu de livre dans les 12 derniers
mois. Mais il est plus difficile d’évaluer le temps de lecture aujourd’hui car il est bien plus
fractionné qu’avant.
Si les jeunes déclarent moins lire de livres qu’avant, c’est aussi que cette lecture répond
aujourd’hui à une attente forte des parents (qui s’inquiètent de voir que leurs enfants ne lisent
pas) et est moins lié à la transgression d’un interdit (lire le soir à la lumière de la lampe de
poche), contrairement aux écrans.
En effet, la lecture à l’écran est souvent perçue négativement, notamment du fait de la fatigue
visuelle que cela engendre. Les recherches qui mettent en avant les indices négatifs (fatigue,
mouvements oculaires, etc.) datent d’il y a 25 ans. Les supports ont largement évolué depuis
avec les tablettes, les smartphones et les liseuses. À l’écran, le fait de perdre l’appréhension
physique d’un texte complet aurait des effets négatifs sur notre perception et sur la mémoire,
d’après certains psychologues cognitivistes. Aujourd’hui, au vu de l’état des recherches, il
n’est pas possible d’affirmer quoique ce soit en ce qui concerne les effets de la lecture à
l’écran.
Rémi Thibert
Veille et analyses
Institut français de
l’É ducation – ENS de Lyon
Janvier 2016