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L’itinérance comme
mode de vacances
Les atouts du camping-car
CHRISTOPHE DE CHASSEY
Chargé de mission
Odit France
[christophe.dechassey@odit-france.fr]
A
vec plus de 200 000 véhicules immatriculés en France et un marché en forte crois-
sance jusqu’en 2008, le camping-car séduit un nombre croissant d’utilisateurs, pro-
priétaires ou locataires, familles ou seniors en couple, adeptes de cette façon ori-
ginale de voyager qui conjugue liberté, autonomie et confort(1). Face à ce succès, les (1)
Cet article s’appuie
responsables et professionnels se dotent de moyens et de politiques adaptées pour accom- notamment sur
les éléments présentés
pagner le développement de ces vacances itinérantes et en maîtriser les impacts, dans un pays lors du Focus organisé
dans le cadre
réputé pour la forte attractivité de ses sites, patrimoines et paysages, ainsi que pour la qua- des Rencontres
d’Odit France
lité de son réseau routier. (15 octobre 2008) sur
les enjeux du tourisme
Qui sont ces adeptes d’un tourisme nomade ? Quelles sont leurs attentes et comment se en camping-car.
Sont intervenus :
décline cette autre façon de voyager ? Quel accueil et quelles réponses trouvent-ils dans François FEUILLET,
président d’Uni-VDL ;
les territoires qu’ils traversent ou qu’ils parcourent dans un esprit de détente et de décou- Lukaz SOUN, chargé
de mission au CDT
verte ? Comment peut évoluer ce secteur à l’heure où l’industrie automobile traverse une du Finistère ;
Jean-Charles CATEAU,
crise sans précédent ? Réseau France Passion ;
Georges DUDOUIT,
maire de Coudeville-
sur-mer, dans
LA DEMANDE : DÉCOUVERTE, AUTONOMIE ET CONFORT la Manche.
Depuis dix ans, la forte croissance de ce qui était un marché de niche est moins le
signe de l’émergence d’un nouveau mode de consommation touristique que la confirma-
tion d’un attachement toujours plus fort aux attributs qui ont fait la renommée du cam-
ping-car : la liberté et l’autonomie.
Cette formule de déplacement séduit indéniablement. Les caractéristiques intrinsèques de
Jeunes retraités
(2) Une étude clientèle(2) permet de mieux connaître ces clientèles. Ce sont majoritai-
Étude réalisée en avril
2007 par Ipsos pour le rement de jeunes retraités du papy boom qui, ayant élevé leurs enfants et pris un peu de
Sicverl, devenu depuis
Uni VDL (Syndicat des distance avec leurs activités passées, décident de vivre enfin la vie dont ils ont rêvé.
véhicules de loisirs).
L’analyse permet de distinguer ceux qui sont propriétaires et ceux qui louent leur véhicule.
Les premiers, qu’ils soient possesseurs d’un modèle neuf ou d’occasion, sont de gros rou-
leurs, qui utilisent leur véhicule plus de deux mois par an (76,7 jours en moyenne pour
ceux qui pratiquent ce mode de loisirs depuis trois ans au moins). Les locataires occasionnels
sont plus jeunes ou louent un véhicule pour se familiariser avant d’en acquérir un. La prise
en main nécessite un petit apprentissage, qui peut se traduire, pour certains, par le stress
de la perte de la caution !
Une autre analyse distingue ceux qui ont déjà une pratique de l’hébergement de plein air
et ceux qui ne l’ont pas. Tantôt cigales, tantôt fourmis, tantôt escargots, tantôt moutons,
les utilisateurs ont des pratiques multiples et représentent de vrais potentiels pour les ter-
ritoires qui souhaitent les attirer ou les fidéliser.
Traditionnellement et majoritairement composée de seniors, la clientèle du camping-car
s’est sensiblement rajeunie ces dernières années. Certains clients peuvent être attirés par
des véhicules dits low cost, dont le prix neuf s’établit autour de 40 000 euros, soit le prix
de véhicules d’occasion de milieu-haut de gamme. Bien que n’étant pas forcément adap-
tés à toutes les conditions de voyage, ces modèles low cost peuvent remettre en question
la pérennité du marché de l’occasion, voire celui de la location.
Côté matériels et véhicules, les produits récents sont pensés pour un usage touristique, avec
des moteurs à couples élevés plus performants et moins bruyants, des aménagements tou-
jours plus astucieux en termes d’espace et de fonctionnalité, un poste de conduite plus vaste
et plus ergonomique.
Un des avantages majeurs du camping-car est de pouvoir se déplacer en toute saison et
sur toutes les destinations. Nombreux sont les aficionados qui, aux premiers flocons, se
dirigent vers les stations d’altitude. Le littoral et l’intérieur, mais aussi les villes, sont des
terrains de découverte très prisés des camping-caristes.
Cette itinérance, possible tout au long de l’année, a pour effet, soit d’amplifier les phéno-
mènes migratoires saisonniers, soit, et c’est souvent le cas, de s’y inscrire à contre-courant.
L’accueil de camping-cars constitue ainsi une opportunité pour la fréquentation et l’ani-
mation touristiques sur les “ailes de saison”.
Autre avantage, c’est une pratique adaptée aux courts séjours de proximité, au fraction-
nement et à la multiplication des départs pour des périodes courtes. Ce n’est pas un hasard
si l’on trouve la plus forte propension d’utilisateurs et d’acheteurs de camping-cars en Bretagne,
région qui se prête parfaitement aux courts séjours, en raison de la qualité et de la variété
de ces paysages, et de la gratuité des axes routiers de liaison rapide.
Préparation et information
La liberté plébiscitée du camping-cariste s’exerce sous contrôle, et au prix de cer-
tains arbitrages. En effet, dans la pratique, l’utilisateur est amené à répondre à des aspi-
rations qui peuvent paraître contradictoires : aventure, liberté, autonomie, économie,
d’un côté, sécurité, respect de règles, préparation et organisation logistique de l’autre.
Le camping-car permet une approche, au plus près, du patrimoine que l’on souhaite
découvrir ou de l’activité de pleine nature que l’on souhaite pratiquer, sans les contraintes
de réservation, mais avec celles liées à la logistique préparatoire : gérer l’hivernage ; payer
les coûts d’assurance, de carburant, de parking ; prévoir le ravitaillement, le déplacement
via l’autoroute jusqu’au lieu d’itinérance…
Il est courant de voir les camping-caristes se regrouper pour des raisons règlementaires,
de convivialité ou de sécurité, à l’occasion de leur stationnement, la nuit ou le jour, ou emprun-
ter des itinéraires adaptés permettant de manœuvrer ce véhicule au gabarit particulier.
Adeptes du voyage à la carte qui se construit au gré des envies et des rencontres, les uti-
lisateurs de camping-cars ont à leur disposition une panoplie très complète d’informations
sur les parcours, sur les sites à ne pas manquer, sur les bonnes adresses. Les guides, revues
et cartes spécialisées, d’initiative publique ou privée, sont bien renseignés et très complets.
Parallèlement, c’est une communauté très présente sur internet (récit de voyages, conseils,
astuces…) et très en pointe sur les nouveaux outils technologiques et accessoires, liés notam-
ment au GPS (géolocalisation). Ces dispositifs, qui se perfectionnent sans cesse, permet-
tent, selon la position géographique, d’informer en temps réel l’utilisateur sur les lieux à
visiter, les activités à pratiquer, les restaurants à fréquenter, ainsi que sur toutes commo-
dités pour le ravitaillement et l’entretien du véhicule.
Solutions adaptées
En parallèle, la profession s’est organisée en publiant Le Camping-car à l’usage des
maires en 25 questions-réponses et le Guide du savoir-vivre : camping-car citoyen, édités
par l’UniVDL (qui rassemble et représente les entreprises de véhicules de loisirs), le CLC
(Comité de liaison du camping-car) et l’Association nationale des maires des stations clas-
sées et des communes touristiques. En 2003, Odit France a publié un Guide pour l’accueil
des camping-cars(3). (3)
Alain BARBANEL,
Quelles que soient les initiatives des fédérations et des opérateurs, c’est, en bout de chaîne, Nathalie Hermellin,
L’Accueil des camping-
le comportement des camping-caristes et le “respect” d’un code implicite de bonne cars dans les communes
touristiques, Coll. Guide
conduite qui est en jeu. Sans lui faire bénéficier de traitement exclusif, il faut néanmoins de savoir-faire, éd. Odit
France, 2003.
prendre en considération cette clientèle à part en entière qui a choisi de voyager avec sa
maison sur le dos, et qui a longtemps été pointée du doigt.
Désormais, les incompréhensions réciproques entre camping-caristes et gestionnaires de
camping s’estompent. Le camping-cariste n’est pas un campeur et, plutôt que de vouloir
qu’il change de nature, il convient de réfléchir aux moyens d’adapter les services du cam-
ping et l’offre des collectivités en vue de répondre à ses besoins, sans déséquilibrer le jeu
de la concurrence. C’est au produit de s’adapter au client. Les attentes du camping-cariste
vis-à-vis des sites d’hôtellerie de plein air tiennent avant tout au juste prix, à la sécurité,
aux commodités et services, aux jeux pour les enfants… et aux produits du terroir si l’épi-
cerie en propose.
Saint-Valéry-en-Caux, Charmes, Le Puy-en-Velay, Gréasque, Puy-Notre-Dame, Coudeville-
sur-mer, Rocamadour… On ne compte plus les communes qui s’intéressent à la clientèle
des camping-caristes et qui proposent des solutions adaptées, allant de la mise en place d’un
réseau (Étapes liberté), à des actions d’incitation à fréquenter les espaces aménagés, en pas-
sant par la réalisation d’une signalétique adaptée ou par l’aménagement de parkings à grande
échelle.
La démarche France Passion (accueil des camping-cars à la campagne) a ceci d’original qu’elle
s’appuie sur une démarche volontaire de vignerons et autres agriculteurs qui proposent un
accueil gratuit pour 24 heures, ainsi que la possibilité d’acheter la production de la pro-
priété ou d’en visiter les installations. Fondée sur l’échange et la convivialité, cette formule
connaît un fort développement ; elle est mise en œuvre dans 87 départements et le nombre
des invités qui adhèrent au réseau est en progression, avec des perspectives de développement
de clientèles européennes.
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Clients réputés pour leur pouvoir d’achat confortable, les campings-caristes sont cour-
tisés pour les retombées économiques qu’ils sont susceptibles de créer. Collectivités et pro-
fessionnels trouvent là un levier permettant d’améliorer les dépenses touristiques sur leur
territoire.
Face aux défis du renchérissement du coût des carburants et du renforcement des préoc-
cupations environnementales, les réponses des constructeurs pour des véhicules plus éco-
nomes, plus compacts, plus silencieux, moins polluants seront-elles suffisantes ? Le res-
pect des règles de sécurité et des normes automobiles, ainsi que l’augmentation des
exigences d’une clientèle avertie rendent difficile la mise au point de véhicules pouvant trou-
ver acquéreurs à des prix qui restent élevés. Les efforts portent à la fois sur les accessoires
(panneau solaire, lampe à leds…) et sur les services (traitement des déchets…).
Plus qu’un effet de mode, la progression du nombre de camping-caristes au cours de la
dernière décennie peut être interprétée comme le signe d’une évolution durable des com-
portements, qui a coïncidé avec l’arrivée à la retraite des premières générations du baby
boom. Les aspirations intrinsèques à la formule de “la maison sur le dos” constituent depuis
toujours ses principaux atouts. Aujourd’hui, les pratiques observées rejoignent les attentes
d’autres types de clientèles touristiques (confort, liberté, souhait du “sur mesure” et du “do
it yourself”…) dans des véhicules plus performants et plus respectueux de l’environnement.
Pour accueillir cette clientèle, les territoires, avec des sites et lieux publics devenus très sen-
sibles à la mixité des usages et aux effets de la surfréquentation, se sont progressivement
organisés pour une gestion raisonnée et économique de l’espace. Qualité de l’accueil et prise
en compte des spécificités du camping-cariste, dans le respect de la législation et de l’en-
vironnement, sont les leitmotivs de ces démarches complètes enchaînant diagnostic terri-
torial, état des lieux, recensement de l’offre, élaboration d’une stratégie, identification des
actions, mise en place d’une politique et des moyens d’aides à la création et à l’aménage-
ment d’espaces d’accueil et de service pour mailler efficacement le territoire, inciter les uti-
lisateurs à découvrir le pays et générer des retombées économiques et sociales.
Après une progression à deux chiffres au cours de la dernière décennie, le marché marque
une pause. Il est trop tôt pour savoir si l’on a passé un cap ou atteint un seuil dans le déve-
loppement de ce mode de déplacement. La question est de savoir aujourd’hui comment
le camping-car parviendra à tirer son épingle du jeu et à s’adapter aux enjeux d’un tou-
risme durable dans un environnement chahuté où l’on s’interroge sur les perspectives de
développement de l’industrie automobile. ❍