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… logiques
d’aujourd’hui
p. 257-267
TEXTE NOTES
TEXTE INTÉGRAL
1Il est difficile de faire débuter les logiques d’aujourd’hui à
partir d’une date précise. En tout cas, elles ne coïncident
jamais avec les découpages établis par l’histoire officielle qui
font de l’indépendance le début d’une nouvelle logique. Pour
Kenadsa, les « nouvelles logiques » datent au moins de
l’époque où Sîdî ‘Abd ar-Rahmân accède à la tête de
la zâwiya, voilà plus d’un demi-siècle. Quant au Gourara, « les
logiques d’aujourd’hui » ont commencé bien après
l’indépendance, au début des années 1970. En effet, c’est
avec l’application de l’ordonnance portant la mention
« révolution agraire » que commence la transformation
radicale des logiques spatiales ancestrales.
LE GOURARA
AUJOURD’HUI
26Au Gourara aussi se retrouve cette permanence du sacré
dans la structuration de l’espace. Nous avons choisi de
l’illustrer à travers deux exemples pris dans la période de
post-indépendance : la « révolution agraire » et la création
d’un lotissement.
27L’Algérie indépendante s’est empressée de déployer les
signes de sa souveraineté sur des territoires éloignés de la
capitale et convoités par les voisins (le sud du Sahara, par les
Touaregs, l’est, par la Libye, et l’ouest, par le Maroc). Elle
créera des commues dans des lieux-dits et plantera le
drapeau national sur des bâtisses menaçant ruine, hâtivement
élevées à la dignité de mairies. Avec le découpage
administratif de 1974, où le nombre des départements
(wilayates) est passé de 15 à 31, l’ancien département de la
Saoura qui englobait nos deux terrains s’est trouvé scindé en
trois wilayates (Tindouf, Adrar et Béchar). Le Gourara est
devenu une sous-préfecture (daïra) du département (wilaya)
d’Adrar ; et Timimoun le chef-lieu de cette sous-préfecture.
Cette « nationalisation » administrative va apporter du
nouveau quant à la stratification sociale.
28Les anciens propriétaires d’eau deviennent des notables et
font partie des différentes assemblées. Les hrâtîn-s,
anciens khammâs, se transforment en gharrâs ;
le khammâsaa pratiquement disparu.
29Les chantiers déstabilisent à la fois l’agriculture et la
structure sociale. L’argent permet le reclassement social.
L’école a créé de nouvelles couches. Les enfants des familles
anciennement assujetties sont de plus en plus émancipés.
30C’est à Timimoun que ces transformations sont le plus
visibles. Avec sa population actuelle, elle est la plus grande
agglomération de la région (21543 habitants en 1987).
Cependant, il faut préciser que cette importance
démographique est due à des facteurs exogènes et à une
conjoncture historique qui ont foncièrement bouleversé la
dynamique endogène de la cité.
31La colonisation avait déjà opéré une transformation dans la
logique d’établissement et d’accroissement du ksar. L’ancien
noyau s’est trouvé marginalisé par une ville qui s’est
développée à l’est du ksar avec ses grandes avenues et son
architecture coloniale volontairement inspirée de
l’architecture soudanaise. Elle conserve certes son ksar
d’origine, mais de plus en plus il se transforme et devient un
simple quartier : ce n’est plus un ksar au sens premier du
terme, c’est une sorte de vieille ville.
La « révolution agraire »
32Dans le cadre des grands projets socialistes, l’Algérie des
années 1970 avait lancé une large et profonde restructuration
de l’agriculture. L’ordonnance du 8 novembre 1971 instituant
la « révolution agraire » (RA) avait pour principe
fondamental : « la terre à ceux qui la travaillent ». Elle s’était
fixé pour objectif de lutter contre le morcellement des
exploitations et donc d’organiser le remembrement et la
modernisation de l’agriculture. Sans vouloir revenir sur les
péripéties d’une telle entreprise, disons tout simplement
qu’elle fut un échec patent partout et porta un coup fatal à
l’agriculture algérienne.
33« La terre à ceux qui la travaillent » ne signifie rien quand
c’est l’eau qui possède le caractère foncier. Au Gourara, les
choses ont pris des allures parfois absurdes. En effet, que
veut dire être attributaire d’une terre qui n’est pas irriguée
quand l’eau est la propriété d’un autre que l’attributaire ? Car
ici le principal facteur de production demeure l’eau. C’est elle
qui a le caractère foncier – tous les actes de propriété nous le
rappellent. On vend la terre ilâ hadd al-manfi‘a (« jusqu’à
limite du profitable »). Or le profitable se définit par l’eau. Là
où l’eau arrive, la terre est susceptible d’être profitable.
34Remembrer (premier objectif technique de la RA) au sud ne
veut rien dire : toutes les parcelles cultivées, du fait de la
rareté de l’eau, se trouvent déjà réunies au niveau de
l’affleurement de l’eau. Ici, la tâche prioritaire n’est pas le
remembrement, mais la bonification de nouvelles terres.
Cependant, malgré son faible impact, la RA a créé des
situations dignes qu’on s’y attarde.
• 9 Il s’agit de biens dévolus à une œuvre caritative
(mosquée, zâwiya, etc.). Ainsi, certains jardins (...)
11 Nahlû, par exemple, qui est une fête mixte, a été supprimé
par les autorités officielles algériennes qui y voyaient
l’expression d’un paganisme à combattre.