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Volume 36, Nos 5-6, 2009

ISSN 0378-7958

Rédaction des ordonnances

L’efficacité et la sécurité d’utilisa- lors de la délivrance du médicament. prescrit sur une ordonnance ou
tion des médicaments dépendent Cet article expose des éléments sus- non et si la remise peut être renou-
des connaissances en pharmacolo- ceptibles de réduire le risque d’inci- velée. Elle est indiquée sur l’em-
gie du prescripteur (mode d’action, dents indésirables. ballage et dans la monographie
début et durée de l’effet, effets in- correspondante du Compendium
désirables, interactions, etc.), ainsi suisse des médicaments. Pour ce
que de la manière de transmettre
Eléments importants lors classement, Swissmedic se base sur :
l’information aux autres profes-
de la prescription en • l’effet pharmacologique ;
sionnels de la santé et aux patients
milieu ambulatoire • la toxicité aiguë et chronique ;
au travers de la prescription. Catégories de remise • les expériences cliniques, en par-
Les ordonnances ambulatoires des médicaments ticulier en relation avec la tolé-
sont utilisées pour la prescription Swissmedic, l’autorité d’enregistre- rance et les effets indésirables ;
lorsque les patients sortent de ment et de surveillance des pro- • le champ d’application ;
l’hôpital, ainsi que pour la méde- duits thérapeutiques en Suisse, classe • le risque d’usage abusif ;
cine de premier recours et de spé- les médicaments du marché suisse • la nécessité d’un diagnostic mé-
cialité. La précision et la rigueur en cinq catégories de remise (ta- dical ou d’une surveillance du
dans leur rédaction sont essentiel- bleau 1). La catégorie de remise traitement.
les pour l’efficacité et la sécurité du définit qui est habilité à délivrer
traitement; elles évitent les erreurs un médicament, si celui-ci doit être

Tableau 1. Catégories de remise selon l’Ordonnance sur les médicaments (OMéd, art. 20 à 27) et la Loi sur les produits thérapeutiques
(LPTh, art. 23 à 25)

Catégories Types de médicament Conditions de remise


A Soumis à ordonnance médicale non renouvelable Doivent être prescrits sur une ordonnance par un médecin et ne
peuvent en principe pas être renouvelés, sauf à titre exceptionnel si
le médecin autorise expressément un renouvellement (mention et
justification à ajouter sur l’ordonnance) ; ne peuvent être remis que
par un pharmacien
Les stupéfiants (à part certaines molécules soustraites partiellement
au contrôle comme les benzodiazépines ou la codéine) appartiennent
à une catégorie de remise dite A† : ils sont prescrits sur une ordon-
nance spéciale à plusieurs feuillets (voir section IV)
B Soumis à ordonnance médicale Doivent être prescrits sur une ordonnance par un médecin et peuvent
être renouvelés ; ne peuvent être remis que par un pharmacien
C Remis sur conseil d’une personne exerçant une Ne peuvent être remis que par un pharmacien ; le conseil dispensé
profession médicale (pharmacien) est en particulier requis lorsque des limitations d’emploi essentielles
ou d’importants effets indésirables de médicaments sont connus
ou prévisibles
D Remis sur conseil spécialisé Ne peuvent être remis que par un pharmacien ou un droguiste
E Remis sans conseil spécialisé Peuvent être remis par quiconque

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Conditions de remboursement tionnés ni dans la liste des spéciali- liaires sans action pharmacologi-
et limitations tés ni dans la liste négative sont que) et les techniques de fabrica-
La liste des spécialités (LS) est pu- considérés comme « hors liste » et tion peuvent générer des différen-
bliée par l’Office fédéral de la santé sont pris en charge par certaines ces biopharmaceutiques (vitesse et
publique (OFSP) et comprend les assurances complémentaires ou quantité d’absorption) entre un
médicaments qui sont pris en au cas par cas par l’assurance obli- générique et l’original. Ainsi, pour
charge par l’assurance obligatoire gatoire de soins après accord préa- être considéré comme interchan-
de soins. Ces médicaments sont lable du médecin-conseil de la caisse- geable avec l’original, un générique
choisis en fonction de leur efficacité, maladie. doit avoir une vitesse d’absorp-
leur adéquation et leur économi- Le médecin est soumis à un devoir tion superposable (même concen-
cité. Certains peuvent être assortis d’information qui comprend les tration maximale Cmax, même temps
d’une limitation se rapportant no- aspects économiques des presta- à la concentration maximale Tmax) et
t a mment à la quantité maximale tions, y inclus les médicaments. une quantité de principe actif
pouvant être prescrite, à la durée Dans une jurisprudence, la justice absorbé similaire (même aire sous
du traitement et aux indications genevoise a condamné un médec i n la courbe AUC). Les deux groupes
médicales. hospitalier à rembourser les coûts sont comparés à l’aide d’une mé-
Exemple : «Eprex (érythropoïétine supplémentaires engendrés par un thode statistique faisant intervenir
alpha). Remboursé par l’assurance médicament non pris en charge par l’intervalle de confiance à 90%, qui
obligatoire de soins. Limitations : (a) l’assurance du patient et prescrit à doit entièrement se trouver dans
Anémie rénale lors d’une insuffisance la sortie de l’hôpital. En effet, le mé- l’intervalle 80-125% par rapport à
rénale. (b) Traitement de l’anémie decin n’avait pas informé le patient la substance de référence. Si tel est
symptomatique chez les patients can- du remboursement non garanti du le cas, les deux substances sont ju-
céreux adultes ayant un taux d’hé- médicament par son assurance de gées bioéquivalentes. En principe,
moglobine inférieur à 10,5 g/dl et base et n’avait donc pas obtenu seule la conduite d’essais cliniques
pressentis pour une chimiothérapie son consentement pour ce traite- impliquant de nombreux patients
pendant une durée minimum de ment « hors liste des spécialités ». permettrait de conclure à une é q u i-
deux mois. (c) Avant intervention valence thérapeutique (profils d’ef-
programmée pour permettre des dons Médicaments originaux ficacité et de sécurité identiques).
de sang autologue chez des patients et génériques Cependant, le critère de la bioéqui-
anémiques ne pouvant tolérer aucun Les médicaments originaux sont valence est jugé suffisant pour
sang hétérologue pour des raisons des préparations dont le principe approuver la commercialisation d’un
immunologiques.» actif a été autorisé en premier par générique compte tenu du coût
En d’autres termes, rien ne con- Swissmedic. Il est alors protégé par élevé et des problèmes éthiques
traint les assurances maladie à rem- un brevet déposé au début de la liés à la conduite d’études clini-
bourser l’Eprex dans les autres in- phase préclinique et qui dure vingt ques n’apportant rien de nouveau
dications. ans (soit en général dix à quinze ans du point de vue thérapeutique. Il
après la mise sur le marché); seule est à noter que la bioéquivalence
La liste des spécialités et les limi- la firme pharmaceutique ayant dé- est le plus souvent démontrée chez
tations sont disponibles sur le site veloppé le médicament peut l’uti- le volontaire sain adulte (généra-
de l’OFSP www.bag.admin.ch liser durant cette période. lement 24 à 48 personnes) alors
(sous Thèmes, Assurance mala- A l’échéance du brevet, le principe que les génériques sont utilisés par
die, Prestations et tarifs, Médica- actif peut être commercialisé par des patients dont la pharmacociné-
ments). d’autres firmes pharmaceutiques tique est parfois altérée (insuffi-
sous la forme de médicaments gé- sance hépatique avec diminution
La liste négative ou liste des pro- nériques. Ceux-ci doivent égale- de l’effet de premier passage, insuf-
duits pharmaceutiques pour ap- ment être autorisés par Swissmedic fisance cardiaque avec diminution
plication spéciale (LPPA) est ré- mais selon une procédure plus lé- de l’absorption,…).
digée par Santésuisse, l’association gère. Ils sont considérés comme Depuis 2001, le pharmacien peut
faîtière des assureurs maladie, et semblables à l’original, parce que remplacer des préparations ori-
contient les médicaments qui ne possédant un principe actif, une ginales de la liste des spécialités par
sont jamais remboursés. Elle est forme galénique et un dosage des génériques moins chers de
disponible sur le site www.lppa.ch identiques. D’éventuelles variations cette liste, à moins que le médecin
Les médicaments qui ne sont men- dans les excipients (substances auxi- prescripteur n’exige expressément

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la délivrance d’une préparation ori- (malgré la bioéquivalence dé- dicament) est unique et impossible
ginale. Le pharmacien informe le montrée chez l’adulte sain) peu- à imiter du fait du nombre très
prescripteur de la préparation qu’il vent avoir des conséquences sur élevé de paramètres susceptibles
a délivrée, en général par l’intermé- l’effet ou la tolérance; d’entrer en ligne de compte et qui
diaire des offices de facturation • certaines formes galéniques ne sont pas toujours connus. Ainsi,
(Loi sur l’assurance maladie LAMal, (exemple : comprimés retard) : des changements même minimes
art. 52a). De plus, le médecin a les cinétiques de libération du dans le processus de fabrication
l’obligation d’informer le patient principe actif au cours du temps (milieu de culture, conditions de
lorsqu’au moins un générique in- sont très variables d’une forme production) peuvent engendrer des
terchangeable avec la préparation retard à une autre en fonction isoformes avec des propriétés bio-
originale figure dans la liste des des techniques de fabrication ; logiques potentiellement très diffé-
spécialités (Ordonnance sur les pres- • un manque d’acceptation du rentes de celles du produit stan-
tations de l’assurance des soins OPAS, patient pouvant affecter l’adhé- dard en matière d’activité et de to-
art. 38a). sion au traitement : certains pa- lérance. Il est possible pour une
Les patients participent aux coûts tients sont habitués à un produit firme de développer un médicament
des médicaments figurant sur la liste et se méfient des génériques ; dit biosimilaire dans les indications
des spécialités, à charge de l’assu- • un manque de compréhension approuvées pour le produit bio-
rance obligatoire de soins, en payant du patient pouvant engendrer pharmaceutique original. Ce bio-
une quote-part de 10% (LAMal, art. des problèmes de sécurité : cer- similaire doit posséder le même
64). Depuis 2006, cette quote-part tains patients qui reçoivent beau- mode d’action (me-too) et démon-
est augmentée à 20% pour les mé- coup de médicaments risquent trer une équivalence thérapeuti-
dicaments originaux lorsqu’exis- de prendre et le générique et le que grâce à des études cliniques. A
tent des génériques interchangea- médicament original ; ceci sur- titre d’exemple, le Binocrit est un
bles au moins 20% meilleur marché. vient en particulier lorsque nouveau biosimilaire de l’Eprex
Lorsque le médecin exige une pré- l’entretien de prescription a lieu (érythropoïétine alpha). De nom-
paration originale pour des raisons dans un contexte émotionnelle- breux autres produits de ce type
médicales justifiées, la quote-part ment chargé, avec des patients devraient être enregistrés ces pro-
est ramenée à 10%. Il doit alors non francophones ou souffrant chaines années.
spécifier sur l’ordonnance : « non de troubles cognitifs.
substituable pour raison médicale ». Renouvellements
La mention « sic » (ainsi) n’est pas Un même patient tolérera différem- La dispensation renouvelée de mé-
suffisante (Ordonnance sur les pres- ment un original et un générique, dicaments délivrés sur ordonnance
tations de l’assurance des soins OPAS, notamment lors d’allergie à un a pour but l’optimisation écono-
art. 38a). composant présent dans un médi- mique du traitement. La remise de
En pratique, les médicaments ori- cament et non dans l’autre (exem- médicaments des catégories B à E
ginaux peuvent très souvent être ple : colorant). Ceci peut selon les peut être renouvelée lorsque le mé-
remplacés par un générique. Le fait cas être à l’avantage de l’original decin le stipule sur l’ordonnance.
d’en utiliser un dès le début de la comme du générique. Il ne s’agit La remise de médicaments de caté-
prise en charge pose rarement pro- cependant pas d’un critère de choix, gorie A peut être renouvelée à titre
blème. Par contre, la substitution compte tenu de son caractère im- exceptionnel si le médecin l’auto-
en cours de traitement par un gé- prévisible et individuel, à moins de rise expressément (avec mention et
nérique doit être parfois considérée la présence d’allergènes reconnus. justification sur l’ordonnance).
avec prudence; elle n’est pas exclue, Les produits biotechnologiques Lorsqu’un renouvellement est sou-
mais doit faire l’objet d’une évalua- (exemple : érythropoïétine, inter- haité par le prescripteur, la durée
tion attentive ou d’un suivi plus férons, etc.) ne peuvent pas avoir du traitement et/ou le nombre
rapproché (clinique, biologique, de génériques puisque leur struc- d’emballages doivent être spécifiés
monitoring thérapeutique). Les ture moléculaire n’est caractérisée sur l’ordonnance (exemple : « à re-
principaux cas qui peuvent rendre que de manière incomplète, notam- nouveler deux fois » ou « à renou-
la substitution délicate sont : ment au niveau des conformations veler pour dix jours ») et pour une
• les médicaments à marge théra- tridimensionnelles. Le procédé de durée maximale de douze mois.
peutique étroite (exempe : di- fabrication du fournisseur (inser- La mention générale « à renouve-
goxine) : de faibles modifications tion d’une séquence d’ADN dans ler » donne droit à un renouvelle-
des concentrations plasmatiques une cellule hôte produisant le mé- ment durant six mois. En l’absence
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de mention de renouvellement, ont été enregistrés dans des pays sées dans l’importation de médica-
une nouvelle et unique dispensa- au système d’autorisation jugé équi- ments étrangers.
tion par le pharmacien correspon- valent (exemple : colchicine, enre- Le patient peut être confronté à
dant au maximum à la taille d’em- gistrée en France) (Loi sur les pro- des problèmes de remboursement
ballage prescrite est autorisée dans duits thérapeutiques LPTh, art. 9, par les caisses-maladie qui n’ont
des cas exceptionnels justifiés (avec al. 1). aucune obligation de rembourser
motif ajouté par le pharmacien sur Les médecins jouissent de la liberté de telles prescriptions. En pratique,
l’ordonnance) ; le prescripteur doit thérapeutique et peuvent donc dans les prescriptions hors AMM sont
donc ajouter la mention «non re- certains cas décider de prescrire des souvent remboursées car les cais-
nouvelable» lorsqu’un éventuel médicaments qui n’ont soit pas été ses-maladie n’ont en général pas
renouvellement n’est pas souhaité autorisés par Swissmedic (non enre- accès aux diagnostics et aux indica-
(Convention tarifaire RBP III, an- gistrés, unlicensed ), soit été auto- tions. Toutefois, il peut arriver que
nexe 3, art. 4 ; Règlement genevois risés mais en appliquant des moda- ces informations soient réclamées
sur les institutions de santé, art. 64). lités non officiellement approuvées et qu’un remboursement ne soit
(hors AMM, off label ). Cependant, accordé qu’avec l’accord du méde-
Prescription hors autorisation les médecins doivent appliquer ce cin-conseil de la caisse-maladie (si-
de mise sur le marché (AMM) que l’on appelle le devoir de dili- tuation clinique particulière, manque
ou de médicaments non enre- gence. La prescription de tels mé- d’alternative, aspect économique,
gistrés en Suisse dicaments n’est pas interdite, mais etc.). Les médicaments étrangers
La prescription de médicaments le médecin prescripteur : non enregistrés en Suisse ne sont
hors indications de l’AMM (en an- • engage sa responsabilité ; en principe pas remboursés, sauf
glais off label ) ou de médicaments • doit pouvoir justifier que sa pres- après accord préalable du méde-
non enregistrés (unlicensed) n’est cription est conforme aux bon- cin-conseil de la caisse-maladie,
pas rare en milieu hospitalier ; elle nes pratiques (données scienti- notamment en l’absence d’alterna-
est également possible en milieu fiques reconnues) et ne trans- tive locale.
ambulatoire. Elle s’accompagne gresse pas les règles de l’art
d’un certain nombre de contrain- (LPTh, art. 3 et 26) ; Préparations magistrales
tes qu’il convient de connaître. • est tenu d’informer au moins Il peut arriver qu’un patient ait be-
Elle concerne un médicament dont oralement le patient afin d’ob- soin d’un médicament à des doses
la mise sur le marché suisse a été tenir son consentement éclairé autres que celles disponibles dans
autorisée par Swissmedic, mais (Code civil suisse, devoir d’in- le commerce (pédiatrie, gériatrie,
s’écarte des modalités de l’infor- formation et protection de la insuffisance rénale, insuffisance
mation professionnelle qui a été personnalité) et de documenter hépatique, polymorphisme généti-
approuvée. Cette information pro- la transmission de cette infor- que, interactions médicamenteu-
fessionnelle précise les indications, mation par écrit. ses, etc.). Certains comprimés sont
les dosages (doses administrées, sécables mais d’autres ne le sont
laps de temps entre deux prises, vi- Si la prescription hors AMM ou de pas et leur division peut être aléa-
tesse de perfusion, etc.), les popu- médicaments non enregistrés passe toire (risque d’erreurs de dosage
lations de patients (âge, sexe, gros- souvent inaperçue en milieu hos- significatives pour les médicaments
sesse) et les instructions techni- pitalier, elle peut poser un certain à marge thérapeutique étroite). De
ques et pharmaceutiques (durée nombre de problèmes en ambula- plus, certaines formes galéniques
de conservation, utilisation de sol- toire. ne peuvent pas être fractionnées
vants, etc.). La majorité des pres- Le pharmacien d’officine peut être (capsules, formes gastrorésistan-
criptions hors AMM concernent confronté à des problèmes d’ap- tes, formes retard, principes actifs
une indication ou une population provisionnement si le médicament instables, principes actifs irritants).
de patients (exemple : enfants) non est étranger et non enregistré en En présence d’un rationnel scien-
approuvées. Suisse. Si l’obtention des médica- tifique et clinique à administrer des
Un médicament non enregistré ments français et allemands est en doses différentes de celles disponi-
(unlicensed) n’a jamais obtenu général relativement facile moyen- bles, le pharmacien peut modifier
d’autorisation de mise sur le mar- nant un délai de quelques jours, la forme d’un médicament et pré-
ché en Suisse. Une autorisation de elle peut s’avérer moins aisée parer des capsules, un sirop ou une
prescription exceptionnelle est ac- lorsqu’ils proviennent d’autres pays. suspension à partir du médicament
cordée pour les médicaments qui Certaines officines sont spéciali- du marché : c’est une préparation

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magistrale à prescrire sur une or- On rencontre souvent des impré- exister à plusieurs concentra-
donnance ordinaire. cisions : tions. La prescription en gout-
En principe, la préparation de cap- • Trop peu d’informations sur tes est à proscrire. L’adminis-
sules est toujours possible en phar- le patient : il est recommandé tration de ces médicaments doit
macie de ville et est par conséquent d’indiquer l’âge du patient (ou se faire en ml (conversion par le
la forme galénique la plus aisée à sa date de naissance), ainsi que pharmacien des mg en ml) plu-
obtenir. Il en va de même pour les le poids chez l’enfant ou chez un tôt qu’en gouttes car on observe
crèmes et les pommades. Si une of- adulte de poids extrême, pour une grande variabilité dans le
ficine de ville rencontre des diffi- la validation du dosage par le volume d’une goutte, selon le
cultés techniques, certaines officines pharmacien. niveau de remplissage du flacon
spécialisées peuvent s’en charger. • Absence de dosage : selon ou son inclinaison, rendant le
Lors de la prescription magistrale, l’usage établi, le pharmacien volume prélevé imprécis ; le
il est essentiel de préciser sur l’em- choisit alors le dosage le plus pharmacien peut mettre à dis-
ballage le ou les principes actifs faible, qui ne correspond pas position des seringues pour fa-
(en DCI), les doses, la posologie, toujours à la dose la plus cou- ciliter le prélèvement. Pour les
la durée du traitement (y compris ramment employée. médicaments à marge thérapeu-
d’éventuels renouvellements) et la • Absence d’indication de forme tique très large (exemple : vita-
quantité totale (nombre de cap- galénique : solution orale, com- mines) une prescription en gout-
sules, volume de solution ou de primés. tes est tout de même tolérée.
suspension). • Absence de la quantité à ad- • « Trop grande » précision suite
ministrer : Exemple : 3 x par à un calcul partant d’une dose
jour (s’agit-il d’un comprimé, en mg/kg (pédiatrie) : cette
Recommandations pour d’une mesurette, de la dose la précision n’a pas toujours de
la rédaction des ordon- plus courante ?). valeur clinique ; il vaut mieux
nances ambulatoires • Prescription des formes liqui- prescrire 200 mg plutôt que
Une ordonnance correctement li- des (sirop, gouttes) : il convient 195 mg, surtout si cela corres-
bellée devrait comporter les élé- de prescrire en mg plutôt qu’en pond à un comprimé du com-
ments détaillés dans la figure 1. ml, car une forme liquide peut merce ou à un volume en ml plus

Figure 1. Exemple d’ordonnance


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facile à prélever (par exemple : Tableau 2. Abréviations courantes


5 ml par rapport à 4,875 ml). aa De chaque, à part égales ml Millilitre
• Absence de la taille d’embal- ad Jusqu’à N° Nombre de doses unitaires
lage, de la durée du traitement à délivrer
ou de renouvellements : selon
amp Ampoule NR Ne pas renouveler
l’usage établi, le pharmacien dé-
conc Concentré Ph Helv 8 Pharmacopée helvétique 8
livre en général l’emballage le
plus petit, qui pourrait s’avérer cpr Comprimé qs Suffisamment
insuffisant pour couvrir la pé- comp Composé Rp Prenez
riode entre deux rendez-vous. caps Capsule S Etiquetez
• Abréviation utilisée à tort :
drg Dragée sir Sirop
«comp» pour comprimé, alors
qu’il s’agit aussi de l’abrévia- d tal dos Donnez ces doses supp Suppositoire
tion utilisée pour désigner une eo Emballage original sine conf Sans emballage
forme composée (tableau 2). (= le plus petit !)
g Gramme sine litt Sans littérature
Cas particulier des ordonnances gtt Goutte ung Pommade
pour stupéfiants
MDS Mélangez, délivrez, étiquetez càc Cuillère à café (5 ml)
(par exemple : opioïdes, stimulants
du SNC). MF Mélangez, préparez càd Cuillère à dessert (10 ml)
Les modalités de prescription sont mg Milligramme càs Cuillère à soupe (15 ml)
définies dans la Loi fédérale sur les µg Microgramme ! Attention, dose maximale
stupéfiants et les substances psycho- intentionnellement
tropes (LStup) et l’Ordonnance sur dépassée
les stupéfiants et les substances psy-
chotropes (OStup). La liste des stu-
péfiants est publiée par Swissmedic
(Ordonnance de Swissmedic sur les l’adresse complète et l’âge du pa- ordinaires. Pour plus de préci-
stupéfiants, OStup-Swissmedic) et tient, ainsi que le nombre de com- sions, voir le site www.swissme-
est disponible sur le site www. p r i m é s, suppositoires ou ampou- dic.ch (→ Spécialistes, Accès au
swissmedic.ch (sous Spécialistes, les à délivrer (et non le nombre marché, Stupéfiants).
Accès au marché, Stupéfiants). d’emballages). Le stupéfiant ne peut • Les stupéfiants présents dans
Les médecins ne peuvent prescrire être renouvelé qu’au moyen d’une l’appendice c de l’OStup-Swiss-
de stupéfiants qu’aux patients nouvelle ordonnance. Le patient medic (par exemple : codéine,
qu’ils ont examinés eux-mêmes. doit en remettre les deux premiers pholcodine) sont partiellement
Pour les patients ambulatoires, les exemplaires au pharmacien. Le der- soustraits au contrôle et peu-
stupéfiants ne peuvent être pres- nier exemplaire reste dans le carnet vent être délivrés sans ordon-
crits que sur les formules d’ordon- à souche (figure 2). nance par un pharmacien dans
nance officielles (triple exemplaire) la limite des doses autorisées
de l’Office fédéral de la santé pu- • Les stupéfiants présents dans par l’OStup-Swissmedic.
blique, appelées communément or- l’appendice b de l’OStup-Swiss- • Les stupéfiants présents dans
donnances à souche. medic (par exemple benzodia- l’appendice d de l’OStup-Swiss-
L’ordonnance pour des stupéfiants zépines) sont partiellement sous- medic (par exemple : héroïne,
doit porter la signature manuscrite traits au contrôle et peuvent être cannabis, acide lysergide) sont
du médecin. La quantité prescrite prescrits sur des ordonnances prohibés.
ne doit pas dépasser ce qui est né-
cessaire à un traitement d’une
durée d’un mois. Cette durée peut
exceptionnellement être prolon-
gée à trois mois si les circonstances
le justifient (ajout d’une mention
avec justification sur l’ordonnance).
Il est essentiel d’indiquer le nom,

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Figure 2. Exemple d’ordonnance à souches

Que retenir vent être prises en compte lors de en trois exemplaires ; celle-ci n’est
la rédaction de l’ordonnance et pas renouvelable, mais il est possi-
discutées avec le patient lors de la ble de prescrire une quantité suffi-
remise de la prescription. sante pour un traitement d’un mois
Les ordonnances ambulatoires doi- (éventuellement trois mois avec
vent contenir le nom et le numéro justification médicale).
Lors de la rédaction d’une ordon- de téléphone direct (lisibles !) du Le médecin est soumis au devoir
nance ambulatoire, la précision et prescripteur, pour faciliter les échan- d’information envers son patient
la rigueur sont d’autant plus im- ges avec le pharmacien. sur les aspects économiques décou-
portantes que le patient rentre à la Mentionner l’âge et/ou le poids lant de sa prescription également.
maison et échappe au regard du mé- du patient, le dosage du médica- Il doit s’assurer du consentement
decin jusqu’au prochain rendez- ment, la posologie, la durée du trai- du patient à payer d’éventuels mé-
vous. L’ordonnance ne doit don- tement, les renouvellements éven- dicaments non remboursés par
ner lieu à aucune ambiguïté. tuels, le refus de substitution par l’assurance maladie obligatoire.
L’existence de génériques,les con- un générique, etc.
ditions de remboursement ou les Les stupéfiants doivent être pres-
possibilités de renouvellement doi- crits sur une ordonnance à souche
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Références 7. OStup-Swissmedic : Ordonnance de Swissmedic au sujet de l’utilisation des


l’Institut suisse des produits thérapeuti- médicaments au sens de l’« off label
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médicaux (Loi sur les produits théra- pes (Ordonnance de Swissmedic sur les ques : panacée ou illusion ? Pharma-
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l’assurance maladie : www.admin.ch 9. Site de Swissmedic : www.swissmedic. 16. Guignard B, Vogt N. CAPP-Info n° 50 :
4. OPAS : Ordonnance du DFI du 29 sep- ch Rédaction des ordonnances commu-
tembre 1995 sur les prestations dans 10. Site de l’OFSP : www.bag.admin.ch nautaires. Septembre 2008. www.hcuge.
l’assurance obligatoire des soins en cas 11. Liste négative (médicaments non rem- ch/Pharmacie/infomedic/cappinfo/cap
de maladie : www.admin.ch boursés) : www.lppa.ch pinfo50.pdf
5. LStup : Loi fédérale du 3 octobre 1951 12. RBP III : « Rémunération basée sur les 17. Guignard B, Fonzo-Christe C, Vogt N.
sur les stupéfiants et les substances prestations III » : convention tarifaire entre Rédaction des ordonnances ambulatoi-
psychotropes (Loi sur les stupéfiants) : la Société suisse des pharmaciens res. Cahier de l’interne du Département
www.admin.ch (SSPh) et les assureurs maladie suisses de pédiatrie des HUG, février 2009.
6. OStup : Ordonnance sur les stupéfiants (Santésuisse) : www.pharmasuisse.org dea.hcuge.ch/enseignement/enseigne-
et les substances psychotropes : www. 13. Recommandations de l’Association des ment_medecine_cahier_interne.html
admin.ch pharmaciens cantonaux suisses et de

La rédaction remercie les Drs C. Fonzo-Christe, pharmacien et N. Vogt-Ferrier, médecin pharmacologue


pour leur contribution à ce numéro.

Toute correspondance éditoriale doit être adressée au Prof. J. Desmeules

Rédacteur responsable: Prof J. DESMEULES – E-mail: Jules.Desmeules@hcuge.ch


Comité de rédaction: Prof J. BIOLLAZ, Division de pharmacologie clinique, CHUV, Lausanne. Prof P. BONNABRY, Pharmacie des HUG, Genève. Dr T. BUCLIN,
Division de pharmacologie clinique, CHUV, Lausanne. Prof J. CORNUZ, Division d’évaluation et de coordination des soins, CHUV, Lausanne. Prof P. DAYER,
Service de pharmacologie et toxicologie cliniques, HUG, Genève. Prof J. DESMEULES, Service de pharmacologie et toxicologie cliniques, HUG, Genève.
Prof J. DIEZI, Institut de pharmacologie et toxicologie, Lausanne. Prof J.P. GUIGNARD, Service de pédiatrie, CHUV, Lausanne. Dr C. LUTHY, Clinique de méde-
cine interne de réhabilitation, Genève. Dr M. NENDAZ, Service de médecine interne, HUG, et UDREM, Genève. Dr P. SCHULZ, Unité de psychopharmaco-
logie clinique, Service de pharmacologie et toxicologie cliniques, HUG, Genève. Dr N. VOGT, Unité de gérontopharmacologie clinique, Service de pharma-
cologie et toxicologie cliniques, HUG, Genève.
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