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Note de synthèse 1
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A partir des documents suivants, vous rédigerez, en quatre pages maximums, une note
de synthèse relative à la liberté d’expression.
Mais attendu qu’en statuant de la sorte, alors que, si les propos litigieux, qui avaient été tenus,
dans la suite des débats et du vote de la loi du 30 décembre 2004, ont pu heurter la sensibilité
de certaines personnes homosexuelles, leur contenu ne dépasse pas les limites de la liberté
d’expression, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes et principe ci-dessus
susvisés ;
D’où il suit que la cassation est encourue ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué
sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du Code de
l’organisation judiciaire ; Par ces motifs, casse et annule (...)
Considérant que le décret attaqué, qui prononce la dissolution du groupement de fait « Tribu
Ka », est fondé sur les dispositions de l'article 1er de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes
de combat et milices privées qui dispose : « Seront dissous, par décret rendu par le Président
de la République en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : (...)
6° (...) qui, soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une
personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de
leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit
propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette
haine ou cette violence (...) » ;
Considérant, en premier lieu, qu'en relevant que le groupement de fait « Tribu Ka », « à
travers ses communiqués de presse, les publications de son site internet et les déclarations de
ses responsables, se livre à la propagation d'idées et de théories tendant à justifier et à
encourager la discrimination, la haine et la violence raciales, notamment à l'encontre des
personnes qui ne sont pas de couleur noire, qu'il prône également l'antisémitisme et qu'il a
organisé des actions menaçantes à l'égard de personnes de confession juive », le décret
attaqué ne se borne pas à reprendre les dispositions précitées de la loi du 10 janvier 1936,
mais énonce les considérations de fait et de droit sur lesquels il est fondé ; qu'il est, par suite,
suffisamment motivé ;
Considérant, en deuxième lieu, que la « Tribu Ka », qui réunit au sein d'un groupe organisé
des personnes en vue de leur expression collective, et dont M. A se déclare le responsable,
constitue un groupement de fait au sens des dispositions précitées de la loi du 10 janvier
1936 ; qu'il ressort des pièces du dossier que par leurs déclarations, leurs communiqués de
presse et les messages diffusés sur leur site internet, ainsi que par une action collective à
caractère antisémite, concertée et organisée, commise le 28 mai 2006, rue des Rosiers, à Paris,
les membres de la « Tribu Ka » ont provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence
envers des personnes à raison de leur appartenance à une race ou une religion déterminée, et
propagé des idées ou théories à caractère raciste et antisémite ; que dès lors, sans que puisse y
faire obstacle la circonstance que ses membres n'auraient pas fait, à la date du décret attaqué,
l'objet de condamnations pénales pour les faits reprochés, le groupement de fait « Tribu Ka »
était susceptible d'être dissous en application du 6° de l'article 1er de la loi du 10 janvier
1936 ;
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que d'autres groupes extrémistes
auraient provoqué à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale sans faire l'objet d'un
décret de dissolution sur le fondement de l'article 1er de la loi du 10 janvier 1936, est sans
incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant enfin qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 10 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute
personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté
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de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir
ingérence d'autorités publiques (...) » ; que toutefois, le paragraphe 2 du même article prévoit
que l'exercice de ces libertés peut être soumis à des restrictions « prévues par la loi, qui
constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, (...) à la défense de
l'ordre » ; que le décret attaqué, eu égard aux considérations de fait et de droit sur lesquelles il
est fondé, n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en particulier, si la
dissolution critiquée a constitué une restriction à l'exercice de la liberté d'expression, cette
restriction est justifiée par la gravité des dangers pour l'ordre public et la sécurité publique
résultant des activités du groupement concerné ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation
du décret attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est
pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des
frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A, au Premier ministre et au ministre d'Etat,
ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de
l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus
de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
La liberté d'expression est un combat, mené depuis des siècles contre le despotisme, la
censure, l'Inquisition. On le croyait gagné, pour l'essentiel, dans les pays démocratiques. Le «
premier amendement » de la Constitution américaine en 1787, puis la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 n'avaient-ils pas solennellement proclamé cette liberté? Ce
combat, pourtant, n'est jamais terminé. Il requiert une vigilance constante, contre tous les
pouvoirs, tous les fanatismes, notamment religieux.
La genèse de cet attentat remonte, dix ans plus tôt, à la publication par un journal danois de
caricatures du prophète Mahomet, ensuite reproduits par Charlie Hebdo. Ces dessins avaient
déclenché la colère des musulmans dans le monde entier. Et c'est, à nouveau, au Danemark, le
14 février, qu'un djihadiste autoproclamé a attaqué un centre culturel de Copenhague où se
tenait un débat sur le blasphème et la liberté d'expression.
Grand texte libéral, cette loi saura s'adapter aux révolutions de la radio, de la télévision et de
l'Internet. Elle supprime tous les délits d'opinion et confie à la justice, et non plus au
législateur, le soin de poursuivre d'éventuels crimes ou délits commis par voie de presse
contre des particuliers (injure, atteinte à la vie privée, diffamation) ou des autorités publiques
(offense aux personnalités étrangères ou offense au chef de l'Etat, cette dernière abrogée en...
2004).
Sanctuarisée par le Conseil constitutionnel (en 1984 et 1986), cette liberté s'inscrit également,
comme le soulignent Robert Badinter et Mireille Delmas-Marty dans ce hors- série, dans le
cadre de la Convention européenne des droits de l'homme (1950) et de son article 10 : « toute
personne a droit à la liberté d'expression » . Pourtant, en dépit de ces références solennelles,
celle-ci n'a cessé d'être grignotée, au gré de processus historiques multiples. Ce furent les «
lois scélérates » de 1893-1894 contre les menées anarchistes; celle de 1936 sur la sûreté de
l'Etat; celle de 1951 sur l'apologie des crimes de guerre et des crimes ou délits de
collaboration avec l'ennemi; celle de 1972, qui introduit « la provocation à la haine, la
discrimination ou la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de
leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée » ; la
loi Gayssot de 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe; ou,
récemment encore, la loi de novembre 2014 relative à la lutte contre le terrorisme.
Quelles que soient les raisons de ces restrictions, les réserves qu'elles peuvent susciter ou
l'influence qu'elles exercent sur l'évolution de la jurisprudence, reste un principe
fondamental : c'est dans ce cadre juridique que peut et doit s'exercer la liberté d'expression.
C'est dans ce cadre, par exemple, qu'un journal satirique comme Charlie Hebdo a été
poursuivi à maintes reprises et parfois condamné, le plus souvent pour injures envers des
personnes, jamais pour ses charges contre les religions. C'est dans ce même cadre juridique
qu'un « humoriste » comme Dieudonné a été poursuivi et certains de ses spectacles interdits
dès lors que, dans ses propos, l'antisémitisme ou la négation de la Shoah étaient établis par la
justice.
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Salutaire égalité devant la loi dans une République, laïque de surcroît. Les limites à la liberté
d'expression y sont posées par la loi démocratique, non par le dogme religieux. Selon la
première, le délit de blasphème n'existe pas : s'il est interdit d'insulter les croyants, il est
autorisé de moquer les religions, de caricaturer le Prophète des musulmans comme le Dieu
des chrétiens ou des juifs.
Sauf à remettre en cause le fondement même de la République, la loi religieuse ne saurait
s'imposer à celle des hommes. Surtout quand elle sert de motif à l'assassinat de quiconque la
conteste. Face à cet obscurantisme, face à pareille menace, la défense de la liberté
d'expression reste un combat vital.
Sur le moyen unique : Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 1997), rendu sur
renvoi après cassation (Civ. 2, 22 juin 1994, bull. II, n° 165), sous le titre " Algérie : les
Français ont-ils été des criminels de guerre ? ", l'hebdomadaire " Y... " a publié un article sur
la guerre d'Algérie imputant au lieutenant X... des actes de torture ; que sa veuve et ses
enfants ont demandé, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à M. Z..., rédacteur de
l'article, et à la société éditrice de l'hebdomadaire la réparation du préjudice qu'ils estimaient
avoir subi du fait de cette publication ;
Attendu que les consorts X... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le
moyen,
qu'en leur refusant le droit de solliciter réparation, sur le fondement de l'article 1382 du Code
civil, du préjudice subi au seul motif que la publication litigieuse, bien qu'elle s'analyse en une
diffamation dirigée contre la mémoire de X..., ne manifeste pas l'intention de son auteur de
porter atteinte à leur honneur ou à leur considération, la cour d'appel a violé ce texte par refus
d'application ;
Mais attendu que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet
1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'ayant retenu
que la publication des propos litigieux relevait des dispositions de l'article 34, alinéa 1er, de
ladite loi, la cour d'appel a décidé à bon droit que les consorts X... ne pouvaient être admis à
se prévaloir de l'article 1382 dudit Code ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
1 - La liberté d'expression est « dévoyée dès lors qu'elle est le vecteur d'un marché ». Une
photographie de Bosnie ne vaut guère plus de 1 500 F. La série du baiser entre Lady Diana et
Dodi Al Fayed à Saint-Tropez aurait rapporté 10 millions de francs. Quels profits escomptés
par le harcèlement photographique de la princesse de Galles lors de sa poursuite qui a précédé
le drame ? Profits pour les patrons des magazines ; profits pour les agences qui sont engagées
dans une course effrénée au chiffre d'affaires ; profits pour les photographes qui foncent dans
cette course à la rentabilité ; profit pour les stars !... La mort tragique de la princesse a relancé
le débat de la photo volée, de la commercialisation de l'information, de l'exploitation du
sensationnel, de l'intime, de l'émotion. En quête d'évasion, parfois d'identification, les lecteurs
créent un marché que des professionnels exploitent.
2 - Au sein de la presse « news », par opposition à la presse « people », les titres qui résistent
le mieux à la crise ont, pour la plupart, misé sur un renforcement de la qualité éditoriale. Leur
réussite s'appuie sur « le respect des stricts principes démocratiques.. au juste milieu entre le
droit d'informer et le respect de la personne ; le retour à la rentabilité est indissociable d'une
politique d'exigence qui ne cède en rien à la facilité ».
3 - Protégeant l'intérêt général, la démocratie, la liberté d'expression défend aussi des intérêts
privés. La liberté d'opinion qui est l'un de ses éléments protège les deux. Nécessaire à
l'épanouissement de l'homme et au progrès de toute société dans les domaines culturel,
scientifique, littéraire, artistique..., elle est un des droits « les plus précieux de l'homme »
(Décl. dr. homme de 1789, art. 11). Son exercice est l'une des garanties essentielles du respect
des autres droits et libertés. Il aura fallu l'écho donné sur les ondes et dans la presse écrite à la
situation décrite par Véronique Vasseur, médecin chef à la maison de la santé, pour que soit
créée à l'unanimité une commission parlementaire d'enquête sur les prisons. La journée
mondiale pour la liberté de la presse nous rappelle, chaque année, pour le cas où nous
l'aurions oublié dans nos démocraties, qu'elle est « le chien de garde des droits de l'homme ».
4 - Rattachée, par une doctrine allemande, au droit général de la personnalité en raison de son
élément « subjectiviste » (la liberté des opinions), ce quatrième pouvoir devient à son tour
tyrannique lorsqu'il fait jouer à ceux qu'il nomme ou montre des rôles dans lesquels ils ne se
reconnaissent plus, lorsqu'il anéantit la continuité des personnes, brisant leur honneur ou
livrant leur intimité aux « cloportes du voyeurisme ». Chacun désire connaître chacun, tout
savoir comme si la transparence était aujourd'hui la vertu suprême. Parallèlement les valeurs
de la vie privée deviennent au cours de cette dernière décennie plus importantes que les
valeurs publiques ; les années 1980 sont marquées, selon le philosophe Luc Ferry, par la fin
de l'esprit « mai 1968 », la fin d'une illusion : celle du tout politique.
19 - Les juges français ont pleinement intégré, dans leurs décisions, les principes de finalité et
de proportionnalité qui gouvernent les restrictions aux droits et libertés protégés par la
Convention européenne des droits de l'homme. « L'ingérence doit viser un but légitime ». «
La limitation doit être nécessaire dans une société démocratique pour la protection des buts au
nom desquels elle est faite ». Elle est possible dans la stricte mesure où la situation l'impose.
Il faut rechercher si les moyens mis en oeuvre ne vont pas au-delà de ce que commandent les
circonstances. A cet égard les paparazzis peuvent faire leur examen de conscience ; certains
journalistes d'investigation aussi. La proportionnalité est encore appréciée par rapport au but
légitime poursuivi. Elle n'est pas non plus absente de la condamnation : le juge circonscrit la
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sanction à ce qui est nécessaire pour le respect des droits en conflit. L'intervention du juge des
référés, critiquée par les milieux de presse mais admise par la Cour européenne des droits de
l'homme, demeure conforme à ces principes. Une saisie est possible en vertu des art. 9, al. 2,
c. civ. et 809 NCPC mais elle est tout à fait exceptionnelle parce qu'elle constitue une grave
atteinte au principe de la liberté de la presse. La saisie du film « La dernière tentation du
Christ » n'a pas été prononcée en référé et le juge du principal s'est contenté de « demi-
mesures » : « Le principe de la liberté d'expression, notamment en matière de création
artistique, le droit de pratiquer sa religion et le respect dû aux croyances étant d'égale valeur,
il appartient au juge du fond de décider de mesures appropriées à faire respecter un nécessaire
équilibre (entre eux) ». La Cour de cassation (Cass. 1re civ., 29 oct. 1990, D. 1992, Somm. p.
72 , obs. T. Hassler) approuve la cour d'appel de ne pas avoir interdit la diffusion de ce film «
La dernière tentation du Christ » mais d'avoir pris des mesures de protection au profit des
consciences (organisation d'avertisseurs prévenant le public du caractère contesté de l'oeuvre ;
possibilité pour les milieux religieux concernés d'exprimer leur réticence). Les dommages et
intérêts sont eux aussi arrêtés en application d'un principe de proportionnalité. Ils sont
fonction de l'importance du dommage. Mais le préjudice moral est difficilement appréciable.
Aussi ne devraient-ils pas être proportionnés à la gravité de la faute d'autant qu'en cette
matière celle-ci rejaillit sur l'importance du préjudice subi ? L'efficacité de la condamnation
civile commanderait de les proportionner aux gains réalisés. Des atteintes à la vie privée
contribuent à accroître les ventes de la publication. Les dommages et intérêts ne diminuent
que faiblement les profits engrangés par des organes de presse. La protection de la
personnalité par les cours et tribunaux serait-elle « dévoyée », elle aussi, par les lois du
marché ?
20 - La meilleure protection (constitutionnelle, internationale, légale et juridictionnelle) risque
d'être inefficace si elle n'est pas accompagnée par une déontologie plus éclairée du monde de
l'information : « Le mot clef est sans doute celui de « responsabilité », indispensable
corollaire du concept de « liberté »... Les médias sont un instrument de démocratie, au sens
d'appropriation par le peuple de ce qui va fonder ses jugements et ses émotions... Les drames
sans images, sans visages, ont peine à atteindre la conscience collective... L'exigence
démocratique rejoint l'exigence éthique... Quand l'image, et surtout l'image télévisée, agit si
fortement sur les esprits, la désinformation, les manipulations de toute sorte ont des
conséquences graves. Le respect du public, la passion de la vérité sont les premiers des
devoirs. Il est fondamental que se développent des démarches d'autorégulation » (déclaration
du président de la République, J. Chirac, garant du respect des lois et du bon fonctionnement
de la démocratie à l'issue du Conseil international du Musée de la télévision et de la radio au
mois d'octobre 1999, reproduite par le Figaro du 12 oct. 1999). Tournons-nous vers les pays
étrangers qui ont délibérément pris ce parti.
- Document 10 - David Lévy, obs. sous Civ. 1re, 28 mars 2008, JCP 2008, I, 184, n°15.
l'impartialité de la juridiction dont la décision était attaquée et alléguant un lien avec l'avocat
de la partie adverse).
Pour autant, la liberté d'expression de l'avocat peut connaître des restrictions, qui sont
notamment liées à la protection de la réputation ou des droits d'autrui et à la garantie de
l'autorité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire (CE, 15 nov. 2006, n° 283475, Krikorian et
a. : JurisData n° 2006-071030 ; JCP A 2006, act. 988). À ce titre, ne sont pas protégés des
écrits outrageants étrangers à la cause (Cass. crim., 11 oct. 2005, n° 05-80.545 : Bull. crim.
2005, n° 255 ; Dr. pén. 2006, comm. 5, obs. M. Véron) ou un communiqué de presse d'un
avocat contestant les conditions de la tenue d'un procès (Cass. crim., 3 déc. 2002 : Bull. crim.
2002, n° 217 ; RJPF 2003, p. 12, obs. E. Putman). Il en va de même pour les attaques
personnelles à l'égard d'un magistrat. C'est ainsi que la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 28
mars 2008, n° 05-18.598 : JurisData n° 2008-043387 ; JCP G 2008, II, 10123, note J.
Lefèbvre) qualifie les propos tenus par un avocat à l'endroit d'un conseiller, à l'issue d'une
audience d'assises, dans le bureau du président de la juridiction, comme étant « ad hominem
et manifestant exclusivement une animosité personnelle, sans traduire une idée, une opinion
ou une information susceptible d'alimenter une réflexion ou un débat d'intérêt général ». Ne
leur accordant pas la protection garantie à la liberté d'expression au titre de l'article 10 CEDH,
texte au visa duquel l'arrêt est rendu, la Cour de cassation retient que ces propos constituent «
un manquement à la délicatesse et entrent comme tels dans les prévisions des textes régissant
spécialement la discipline de la profession ». La peine d'avertissement infligée par le conseil
de discipline à l'avocat est alors confirmée.
- Document 11 –
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un
procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles
prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une
personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des
intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le
consentement de ceux-ci est présumé ».
« Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance
du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou
document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.
Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou
audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont
applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ».
« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un
fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires
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et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier
de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y
donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à
l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45000
euros d'amende.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive,
d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou
que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.
En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la
pertinence des accusations portées par celui-ci ».
« Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel
qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter
gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de
trois ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible
d'être vu ou perçu par un mineur.
Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse
écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions
particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la
détermination des personnes responsables ».
13 Note de synthèse
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que les propos litigieux caractérisaient
une diffamation, en l'absence d'imputation ou d'allégation de faits suffisamment précis, l'arrêt
n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que, ainsi que la Cour de cassation est en mesure
de s'en assurer, les paroles injurieuses incriminées, prononcées, dans le contexte d'un débat
politique, par le maire, chargé de la police de l'assemblée municipale, s'analysaient en une
critique du comportement de l'un de ses membres dans l'exercice de son mandat public, et ne
dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression, qui ne peut connaître
d'ingérence ou de restriction, en une telle circonstance, que pour des motifs impérieux, dont
l'existence n'est pas établie ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi
15 Note de synthèse
Sommaire
La commission Guinchard sur « la répartition des contentieux » a présenté à la ministre de la
Justice, garde des Sceaux, soixante-cinq propositions (Rapport remis le 30 juin 2008. - V.
Entretien avec N. Fricéro, « Rendre la justice civile plus lisible et plus proche du justiciable,
l'adapter aux évolutions de la société » : JCP G 2008, I, 162 et en Annexes, les 65
propositions du rapport) dont les vingt-trois premières ont pour objet l'organisation judiciaire,
notamment en réalisant un regroupement de certains contentieux au sein de juridictions
spécialisées.
Une des mesures envisagées est la création d' « un pôle civil diffamation et injure »
(dépénalisées) dans chaque tribunal de grande instance. Ce « pôle civil » fait l'objet de deux
dispositions qui, à vrai dire, n'ont pas grand-chose à voir avec les pôles d'attraction judiciaire
qu'envisage la commission. L'une, mineure, souhaite la suppression de la compétence
résiduelle du tribunal d'instance pour les diffamations et injures non publiques ; il n'en sera
pas fait état. L'autre, très importante, est énoncée par la proposition n° 12, alinéa 1, ainsi
rédigée : « La commission préconise la dépénalisation de la diffamation [par mégarde
probablement, l'injure est omise, mais apparaît lors des développements explicatifs ultérieurs
(p. 238), conformément à notre tradition et à la législation sur la presse qui les associent
toujours ; on ne voit pas pourquoi la diffamation et non l'injure serait seule dépénalisée] à
l'exception des diffamations présentant un caractère discriminant (raciste, sexiste,...). Ainsi
seule la voie civile (référé, demande au fond de dommages et intérêts et autres mesures
civiles) sera possible ».
Inutile de souligner l'importance de cette proposition. Elle met en cause la liberté de la presse,
que prosaïquement et sans excessive poésie, la Cour EDH qualifie souvent de « chien de
garde de la démocratie ». Dépénaliser la diffamation et l'injure en matière civile serait les
soumettre exclusivement au droit civil, celui de la responsabilité, sans les fortes contraintes
que la loi pénale a instaurées pour protéger la liberté de la presse.
De grandes autorités judiciaires ont appuyé la proposition ; elles connaissent bien la question,
ses difficultés, ses enjeux et sa portée. M. Bruno Cotte, président de la chambre criminelle de
la Cour de cassation, M. Laurent Le Mesle, procureur général près la cour d'appel de Paris et
M. Jean-Claude Marin, procureur près le tribunal de grande instance de Paris. En dehors de
l'argument d'autorité, il y a aussi de fortes raisons de fond pour défendre cette dépénalisation.
Au contraire, un autre haut magistrat n'y est pas favorable : M. Jean-Yves Montfort, président
du tribunal de grande instance de Versailles, comme Me Jean-Yves Dupeux, avocat à la cour
de Paris. Et il y a aussi de fortes raisons de fond pour s'opposer à cette proposition.
Dans une matière aussi sensible, aussi grave et aussi difficile, la discussion est féconde, ce
qu'entend engager la présente note. Le soussigné est convaincu que si importants soient les
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avantages présentés par la proposition et les inconvénients du statu quo, doit être maintenu le
droit actuel dont les avantages l'emportent sur les inconvénients. Le caractère pénal des
conséquences civiles de la diffamation et de l'injure est une garantie de la liberté de la presse
et de son difficile équilibre avec les droits des victimes atteintes par une diffamation ou une
injure, garantie et équilibre qui sont des pièces essentielles de nos structures sociales.
Commençons par l'argument d'autorité. Un seul auteur sera ici invoqué contre la proposition
mais son opinion a un poids considérable. Voici maintenant plus de cinquante ans, Jean
Carbonnier publia une chronique dont le beau titre dépassait la richesse des symboles : « Le
silence et la gloire » (J. Carbonnier, Le silence et la gloire : D. 1951, chron. p. 119 ; la
chronique critiquait l'arrêt Branly [Cass. civ., 26 févr. 1951 : D. 1951, jurispr. p. 629, note H.
Desbois] qui impliquait la condamnation d'un journaliste n'ayant pas, dans un article sur la
TSF, cité Branly parmi ses inventeurs) : le temps ne l'a aucunement vieillie et l'a même
rajeunie grâce au débat qu'ouvre maintenant la proposition discutée, à laquelle répondent par
anticipation sa séduction et sa dialectique nourries d'histoire, de droit comparé, de science, de
bon sens et de politique juridique circonstanciée. Depuis, on n'a pas fait mieux. Il suffit d'en
citer quelques lignes, alors que tout le reste - ou presque - pourrait être mis dans le débat. « Si
la liberté de la presse doit être garantie, ne faut-il pas qu'elle le soit au regard des actions en
dommages-intérêts autant que de la répression pénale ? ». « Dans la théorie pénale de la
diffamation et de l'injure, elle [la jurisprudence] trouvait une philosophie toute élaborée, le
produit de réflexions séculaires sur les bienfaits et les méfaits de la langue des hommes, sur
les aveuglements respectifs de l'envie et de l'amour-propre, etc., tandis que l'article 1382 ne
pouvait lui offrir qu'un schéma sec, dépouillé (...) ». « Un système de délits spéciaux,
concrets, fragmentaires, comme en a connu le droit romain, comme en connaît encore le droit
anglais, permet de traiter plus exactement les divers types sociologiques et psychologiques de
fautes civiles et se trouve ainsi, malgré son archaïsme, plus proche des préoccupations
scientifiques modernes » (Jean Carbonnier a eu souvent la conviction que parfois le droit
tournait en rond, que c'était un bien et que même il progressait en revenant ainsi à son passé).
Depuis l'arrêt Branly, la Cour de cassation a changé sa jurisprudence et pose maintenant un
principe nouveau très souvent réitéré : « les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés
par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 » (Cass.
ass. plén., 12 juill. 2000, n° 98-10.160, Cts. Erulin : JurisData n° 2000-002950 ; Bull. civ. ass.
plén., 2000, n° 8, 2e arrêt ; D. 2000, somm. p. 643, obs. P. Jourdain ; JCP G 2000, I, 280, n°
2, obs. G. Viney). Les inconvénients de la règle prétorienne nouvelle (plusieurs auteurs
regrettent et critiquent cet abandon de l'article 1382 ; ex. E. Dreyer, Disparition de la
responsabilité civile en matière de presse : D. 2006, p. 1337) sont d'abord la conséquence
immédiate de son objectif : la liberté de la presse doit être garantie autant en matière civile
(dommages-intérêts, publication de communiqués, saisies) que pénale (répression). Dans l'état
actuel de notre droit, la réparation civile du dommage causé à la personne par la diffamation
et l'injure et ce que pudiquement la Cour de cassation appelle « les abus de la liberté
d'expression », doit, même lorsqu'elle est portée devant une juridiction civile, être, comme
l'action pénale, soumise au parcours semé d'embûches et de chausse-trapes fixé par la loi de
1881 (formalisme méticuleux de la procédure, brève prescription de trois mois, modes
particuliers de preuve et de défense). Est-ce vraiment un inconvénient ? N'est-il pas opportun
de dissuader les actions abusives des innombrables grincheux qui se croient diffamés ou
insultés parce que les médias ont parlé d'eux ou publié leur image d'une manière qui ne leur
plaît pas ? Et surtout, ce qui est le leitmotiv de la matière, n'est-il pas opportun de garantir la
liberté de la presse contre le risque de mesures civiles dissuasives ? Là-dessus, la proposition
de dépénalisation ne dit rien.
L'actuelle pénalisation des conséquences civiles de la diffamation et de l'injure présente un
autre inconvénient, peut-être plus grave, bien que purement technique, l'enchevêtrement de
17 Note de synthèse
(...) Sur le moyen unique, pris en sa première branche :• Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt
d'avoir dit qu'en associant des images de mort à la reproduction des marques A et A Areva,
dont la société Areva était titulaire, les associations Greenpeace France et Greenpeace New-
Zealand avaient commis des actes de dénigrement au préjudice de cette dernière et d'avoir, en
conséquence, interdit la poursuite de ses agissements sous astreinte, condamné ces
associations à payer la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts à la société et autorisé
celle-ci à faire publier le dispositif de l'arrêt alors, selon le moyen, que l'action qui vise
l'atteinte à la réputation d'une société par l'utilisation de sa marque et de son image a pour
effet de la soumettre aux conditions dérogatoires du droit de la presse de la loi du 29 juillet
1881 ; qu'en l'espèce en relevant expressément que la représentation des marques de la société
SPCEA Areva associée à une tête de mort et à un poisson au caractère maladif associait ces
marques à la mort, ce qui conduisait à penser que tout produit ou service diffusé sous ce sigle
était mortel, la cour d'appel caractérisait des imputations portant sur des faits précis et visant
la société SPCEA Areva elle-même ; qu'il s'en déduisait que l'action de celle-ci visait l'atteinte
à sa réputation par l'utilisation de son image par les associations Greenpeace, ce qui la
soumettait aux conditions dérogatoires du droit de la presse ; qu'au surplus, les abus de la
liberté d'expression envers les personnes ne peuvent être poursuivis sur le fondement de
l'article 1382 du Code civil ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité des associations
Greenpeace sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 29
de la loi du 29 juillet 1881, ainsi que l'article 1382 du code civil par fausse application ;
• Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que les actes reprochés aux
associations par l'utilisation litigieuse de ses marques ne visaient pas la société mais les
marques déposées par elle et en conséquence les produits ou services qu'elles servent à
distinguer, de sorte qu'il était porté atteinte à ses activités et services et non à l'honneur ou à la
considération de la personne morale ; que le moyen, pris en sa première branche, n'est pas
fondé ;
• Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :Vu les articles 1382 du Code civil,
ensemble l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
• Attendu que pour, condamner ces associations à payer la somme d'un euro à titre de
dommages-intérêts à la société et autoriser celle-ci à faire publier le dispositif de l'arrêt, la
cour d'appel a énoncé qu'en l'espèce la représentation des marques de la société, associées à
une tête de mort et à un poisson au caractère maladif, symboles que les associations
admettaient avoir choisis pour « frapper immédiatement » l'esprit du public sur le danger du
nucléaire, en ce qu'elle associait les marques A et A Areva déposées pour divers produits et
19 Note de synthèse
services, et non seulement le nucléaire, à la mort, conduisait à penser que tout produit ou
service diffusé sous ce sigle était mortel ; que, de ce fait, en raison de la généralisation
qu'elles introduisaient sur l'ensemble des activités de la société, les associations allaient au-
delà de la liberté d'expression permise, puisqu'elles incluaient des activités qui n'étaient pas
concernées par le but qu'elles poursuivaient en l'espèce, c'est-à-dire la lutte contre les déchets
nucléaires ; qu'elles avaient, par cette généralisation, abusé du droit à la liberté d'expression,
portant un discrédit sur l'ensemble des produits et services de la société et avaient ainsi
commis des actes fautifs dont elles devaient réparation ;
• Qu'en statuant ainsi, alors que ces associations agissant conformément à leur objet, dans un
but d'intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin, n'avaient
pas abusé de leur droit de libre expression, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
• Et attendu que, conformément à l'article 627, alinéa 2, du Code de procédure civile, la Cour
est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
Par ces motifs :Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que les associations avaient
abusé de leur droit de libre expression, l'arrêt rendu le 17 novembre 2006, entre les parties,
par la cour d'appel de Paris ;
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à le réparer ».
« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion
et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y
avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article
n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de
télévision à un régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à
certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent
des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité
territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la
protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui,
pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et
l'impartialité du pouvoir judiciaire ».
Sur le moyen unique : Vu les articles 29, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le journal " Lyon Capitale " a publié dans son numéro du 23
au 29 janvier 2002, dans une rubrique intitulée " Politique présidentielle 2002 " sous le titre "
Y... humoriste et candidat aux présidentielles.Y... existe-t-il ? ", un entretien au cours duquel,
M.X... dit Y..., en réponse à la question " que pensez-vous de la montée de l'antisémitisme
parmi certains jeunes beurs ? " a déclaré " Le racisme a été inventé par Abraham. " Le peuple
élu ", c'est le début du racisme. Les musulmans aujourd'hui renvoient la réponse du berger à la
bergère. Juifs et musulmans pour moi, ça n'existe pas. Donc antisémite n'existe pas, parce que
juif n'existe pas. Ce sont deux notions aussi stupides l'une que l'autre. Personne n'est juif ou
alors tout le monde. Je ne comprends rien à cette histoire. Pour moi, les juifs, c'est une secte,
une escroquerie. C'est une des plus graves parce que c'est la première. Certains musulmans
prennent la même voie en ranimant des concepts comme " la guerre sainte... " ; que sur plainte
de l'Union des étudiants juifs de France, le procureur de la République a fait citer directement
M.X... devant le tribunal correctionnel pour y répondre notamment du délit d'injure publique
raciale ; que le Consistoire central union des communautés juives de France s'est constitué
partie civile ; Attendu que, pour débouter la partie civile, l'arrêt retient que, replacés dans leur
contexte, les termes " les juifs, c'est une secte, c'est une escroquerie " relèvent d'un débat
théorique sur l'influence des religions et ne constituent pas une attaque dirigée contre la
communauté juive en tant que communauté humaine ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'affirmation " les juifs, c'est une secte, une escroquerie. C'est
une des plus graves parce que c'est la première ", ne relève pas de la libre critique du fait
religieux, participant d'un débat d'intérêt général mais constitue une injure visant un groupe de
personnes en raison de son origine, dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté
d'expression dans une société démocratique, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des
propos incriminés et les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant débouté le
Consistoire central union des communautés juives de France de son action civile du chef
d'injure publique raciale, l'arrêt rendu le 9 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de
Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se
21 Note de synthèse
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Versailles
LA COUR - (...)
o Considérant que M. N. Sarkozy fait valoir que, si une grande liberté d'expression est admise
dans les livres, rien n'autorise l'utilisation de son image dans le but purement mercantile qui
est celui de la poupée de tissu offerte comme « un petit plus au lecteur » ; que cette poupée
qui n'est qu'un gadget, s'apparente à la prime d'une vente avec prime et n'est nullement le
prolongement indissociable du manuel ; qu'ainsi qu'il résulte des mentions portées sur le
coffret, le consommateur reçoit à titre gratuit la poupée et les douze aiguilles, biens distincts
de l'ouvrage vendu ; qu'il s'agit donc d'une utilisation purement commerciale de son image ;
o Qu'il fait valoir encore que la poupée litigieuse dépasse par ailleurs les limites autorisées de
l'oeuvre caricaturale en ce que la poupée vaudou est dans l'imagerie populaire considérée
comme un instrument magique de torture destiné, par une vengeance à distance, à jeter un sort
non pas contre des idées mais contre la personne désignée qui est censée souffrir là où la
poupée est atteinte et que c'est non pas à ses idées mais à sa personne même que le public est
invité à s'en prendre, que le fait de planter des aiguilles sur une poupée à son effigie constitue
une atteinte à sa personne et à la dignité de la personne humaine ;
o Considérant que la société Tear Prod fait valoir qu'il s'agit de brocarder les expressions
cultes prononcées dans le cadre de la campagne électorale ou après, ainsi que les
comportements notoires de Mme Royal ou de M. Sarkozy (...) qu'une caricature même
grossière et provocante participe de la liberté d'expression et de la communication de la
pensée et des opinions ; que la poupée est un livre-objet qui forme un ensemble indissociable
avec le manuel, une oeuvre de l'esprit et un vecteur d'information ; que seuls les idées et
comportements sont visés mais non pas la personne elle-même, aucun lecteur ne pouvant
prendre au sérieux cette poupée ; que le caractère outrancier et caricatural de l'oeuvre impose
une lecture au second degré ;
o Considérant, ceci exposé, que les dispositions des articles 8 et 10 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont une égale
valeur normative ;
o Qu'aux termes de l'article 8 de cette convention, comme des articles 9 et 16 du code civil,
toute personne a droit au respect de sa vie privée, droit qui inclut le droit à la protection de
son image ainsi qu'au respect de sa personne elle-même et de sa dignité ;
o Qu'aux termes de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a également droit à la liberté
d'expression et ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de
communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques ;
o Que la caricature et la satire, même délibérément provocantes ou grossières, participent de
la liberté d'expression et de la communication des opinions ;
o Considérant, toutefois, que ces deux droits doivent se concilier et que si l'action politique
doit nécessairement autoriser une large critique sous toutes ses formes y compris la dérision et
le sarcasme et autoriser une encore plus grande liberté d'expression, il n'en demeure pas moins
une limite, toute personne, quelles que soient ses fonctions, ayant droit à la protection des
atteintes à la dignité de sa personne ;
o Considérant qu'il convient de rechercher si, en l'espèce, cette limite a été dépassée ;
22 Note de synthèse
FAITS ET PROCÉDURE
Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon, professeur d’université
d’histoire du droit, est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Montpellier sur le
fondement des articles 23, 29, alinéa 2 et 33, alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 et de l’article
5 de la loi du 23 février 2005, à l’issue d’une information, pour avoir, le 11 février 2006 à
Montpellier, lors d’une manifestation publique ayant pour objet la commémoration de
l’assassinat de Jacques Roseau, délégué des rapatriés, déclaré à des représentants de la
communauté harkie qui entendaient lui faire part de leur mécontentement relatif au
relogement de plusieurs familles dans de nouveaux logements sociaux : « vous faites partie de
ces harkis qui ont vocation à être cocus jusqu’à la fin des temps... Vous êtes des sous-hommes
! Vous êtes sans honneur ».
Georges Frêche est également poursuivi sur le fondement de l’article 33, alinéa 3 de la loi du
29 juillet 1881 devant le tribunal correctionnel de Montpellier sur citation directe de 37
personnes de la communauté harkie, dont Akdelkader Chebaiki, présent sur les lieux de la
manifestation et ayant eu une altercation verbale avec l’intéressé, pour avoir dans les mêmes
circonstances de temps et de lieu tenu les propos suivants : « vous faites partie des harkis qui
ont vocation à être cocus jusqu’à la fin des temps... Vous êtes des sous-hommes, vous n’avez
aucun honneur, dégagez !... Allez rejoindre vos frères, les gaullistes, qui ont laissé massacrer
les vôtres, qui ont été égorgés comme des porcs. Allez leur lécher les bottes ».
Les poursuites sont jointes. Par jugement du 25 janvier 2007, le tribunal déclare la prévention
établie. Sur appel de Georges Frêche et du ministère public, la cour d’appel de Montpellier,
chambre correctionnelle, infirme ce jugement dans un arrêt du 13 septembre 2007, déclarant
le prévenu non coupable du délit d’injures raciales envers un groupe de harkis. Constatant que
les propos litigieux constituaient des injures commises avec l’intention de nuire qui ne
pouvaient être justifiées par la liberté d’expression ou par une provocation, la juridiction
observe d’abord qu’il n’appartient pas au juge, en application des articles 111-2 et 111-3 du
Code pénal, d’adjoindre une peine à une loi qui aurait omis d’en prévoir ; les juges du fond
estiment ensuite que l’article 5 de la loi du 23 février 2005, qui prohibe toute injure ou
diffamation envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou
supposée de harki, se borne à indiquer que l’État assure le respect de ce principe dans le cadre
des lois en vigueur sans renvoyer aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 dont
l’application a été exclue lors des travaux parlementaires. En conséquence, les expressions
litigieuses ne tombaient pas sous le coup de l’article 33, alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881
incriminant l’injure raciale envers un groupe mais étaient constitutives du délit d’injure envers
les particuliers, qualification non évoquée par la citation et ainsi inapplicable à l’espèce en
vertu des principes procéduraux du droit de la presse (L. 29 juillet 1881, art. 50 et 53).
Dans un moyen unique de cassation, les pourvois soutiennent dans une première branche que
si l’article 5 de la loi du 23 février 2005 n’implique aucune extension des dispositions de la
loi sur la liberté de la presse en faveur de la communauté des harkis, elle n’édicte pas pour
autant à leur détriment une quelconque restriction à l’application de cette loi et que, par
conséquent, les harkis sont recevables à invoquer les dispositions de l’article 33, alinéa 3 de la
loi du 29 juillet 1881 dès lors qu’ils ont été injuriés à raison de leur origine, de leur
appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée.
La deuxième branche du moyen expose que la Cour de cassation était en mesure de s’assurer
que le propos dont était saisie la juridiction correctionnelle fustigeait les harkis à raison de
leur origine ethnique ou de leur religion et que, par conséquent, l’arrêt ne pouvait refuser
d’entrer en voie de condamnation.
24 Note de synthèse
Il est enfin soutenu dans la troisième branche du moyen que la cour d’appel avait statué par
des motifs contradictoires, dès lors qu’elle avait refusé de condamner le prévenu sur le
fondement de l’article 33, alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 tout en relevant que les
expressions litigieuses étaient outrageantes et que le prévenu ne pouvait justifier de dénier la
qualité humaine à l’ensemble de la communauté harkie et de prononcer des injures
gravissimes à l’encontre de celle-ci.
SOLUTION
Rejetant les pourvois, la Cour de cassation observe d’abord que la cour d’appel a exactement
apprécié le sens et la portée des propos incriminés. Elle juge ensuite que la décision est
justifiée dès lors que, d’une part, la communauté des harkis ne constitue pas un groupe de
personnes entrant dans l’une des catégories limitativement énumérées par l’article 33, alinéa 3
de la loi du 29 juillet 1881 et que, d’autre part, l’interdiction de toute injure envers les harkis
posée par l’article 5 de la loi du 23 février 2005 n’est assortie d’aucune sanction pénale.
ANALYSE
À l’origine, la loi du 29 juillet 1881 ne contenait aucune disposition incriminant les propos
racistes ou sectaires. C’est avec le décret-loi « Marchandeau » du 21 avril 1939, abrogé sous
le régime de Vichy puis rétabli, que la diffamation et l’injure raciale furent pénalement
sanctionnées dès lors qu’elles étaient publiques et qu’elles avaient pour but d’exciter la haine
entre les citoyens et les habitants. Ces conditions restrictives ne permettaient pas de lutter
efficacement contre la discrimination raciale, ainsi que la France s’y était engagée par la
ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
du 21 décembre 1965. Elles furent ainsi supprimées par la loi no 72-545 du 1er juillet 1972,
qui apporta également d’autres modifications à la loi du 29 juillet 1881 et introduisit le délit
de discrimination raciale dans le Code pénal. Depuis cette réforme, l’incrimination des
diffamations et injures raciales trouvent respectivement leur fondement dans les articles 32,
alinéa 2 et 33, alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881.
S’agissant de délits de presse, l’application de ces textes suppose d’abord de caractériser la
diffamation ou l’injure dans les termes du droit commun, « la seule différence se situant sur le
terrain de la raison qui les a fait proférer » (M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, Dalloz, 2006, 5e
éd, no 496). Bien que la qualification d’injure ne fût pas discutée, la Cour de cassation
rappelle ainsi naturellement que « la cour d’appel a exactement apprécié le sens et la portée
des propos litigieux ». Cette incise signifie que les expressions en cause ont été justement
qualifiées d’injures au sens de l’article 29, alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, qui les définit
comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme
l’imputation d’aucun fait ». La cour d’appel avait pris soin de relever la gravité et la brutalité
des propos incriminés en ce que, notamment, ils déniaient la qualité humaine à l’ensemble de
la communauté harkie. Injurieuses par nature, les expressions ne pouvaient ensuite se justifier
par le contexte. Il fut ainsi relevé que les injures retenues dans la prévention n’avaient pas été
proférées dans le cadre d’un débat sur des questions d’intérêt général ou d’une recherche de la
vérité historique, mais d’une cérémonie publique et pour reprocher à des harkis de s’être
rendus le même jour à une réunion publique organisée par les adversaires politiques du
prévenu.
Cette double appréciation est conforme au droit positif. D’un côté, ne comportant l’imputation
d’aucun fait précis, les différentes expressions ne constituaient pas une diffamation, mais des
injures dès lors qu’elles présentaient assurément un caractère méprisant, outrageant et
dévalorisant et qu’elles portaient atteinte à la dignité des personnes concernées. D’un autre
côté, si « l’appréciation du caractère outrageant de certains propos doit être effectué en
fonction de leur contexte » (Cass. crim., 4 déc. 1973, no 73-90.513, Bull. crim., no 448) en
tenant compte des nécessités de la discussion, notamment lorsqu’elle revêt un caractère
polémique ou conflictuel, il reste que la circonstance qu’une injure s’est produite dans un
25 Note de synthèse
contexte électoral ne saurait en modifier le caractère (Cass. crim., 20 oct. 1992, no 91-84.253,
Bull. crim., no 329).
Si, par conséquent, la qualification d’injure ne souffrait aucune discussion, il restait à
déterminer si elle avait été exprimée, selon les termes de l’article 33, alinéa 3, « envers une
personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de
leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Cette
formule implique d’abord que l’expression vise un destinataire : une personne ou un groupe
de personnes. L’incrimination présente alors une originalité au regard de l’injure de droit
commun dite « envers les particuliers » (art. 33, al. 2). Dans ce cas, en effet, le destinataire de
l’injure est une personne physique ou morale, non un groupe. Il est ainsi jugé que des attaques
indéterminées contre des collectivités, telles que le clergé, ne sauraient constituer le délit
d’injures publiques à l’égard de ses membres (Cass. crim., 9 avr. 1937, Bull. crim., no 68 ;
comp., pour un positionnement différent de la question, Cass. crim., 14 févr. 2006, no 05-
81.932, RJPF-2006-6/18, Dr. pén. 2006, comm. 135). La Cour de cassation atténue cependant
ce principe : « dès lors que l’injure formulée de manière générale vise une pluralité de
personnes formant un groupe restreint, chaque membre de ce groupe atteint par l’injure
dispose d’un droit individuel à demander réparation du préjudice qui lui a été causé » (Cass.
crim., 12 sept. 2000, no 99-82.281, Dr. pén. 2001, comm. 32, obs. M. Véron). Malgré tout,
l’injure reste une atteinte personnelle (E. Dreyer, Responsabilité civile et pénale des médias,
Litec, 2e éd., 2008, no 226) ; elle ne peut viser qu’une personne déterminée ou déterminable
qui, éventuellement, peut faire partie d’un groupe restreint permettant son identification (pour
la diffamation, Cass. crim., 29 janv. 2008, no 06-86.474, JCP G 2008, IV, 1485).
Mais si la protection de l’honneur et de la considération d’un groupe de personnes
indéterminées ne justifie pas une limitation de la liberté d’expression, il reste précisément que
le principe de non-discrimination implique de réprimer l’injure, dirigée contre un groupe de
personnes non mises en cause à titre individuel, et proférée à raison de leur origine ou de leur
appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée. Les groupes même sans personnalité morale bénéficient alors de la protection
spéciale (Cass. crim., 8 oct. 1991, no 90-83.336, D. 1992, I.R., p. 46), alors même que leurs
membres ne sont pas identifiés par le propos. Mais l’équilibre entre la liberté d’expression et
le principe de non-discrimination conduit à exiger que ces groupes soient suffisamment
déterminés (ce n’est pas le cas des « beurs » : CA Paris, 11e ch., sect. A, 30 nov. 1991, JCP G
1991, IV, p. 207) et, surtout, que leur mise en cause soit associée à un critère discriminatoire
légalement déterminé : l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion. Échappe ainsi à
l’application de la loi le propos discriminatoire portant sur un groupe social non visé par le
texte. Ainsi, avant la loi du 30 décembre 2004 (introduisant un alinéa 4 à l’article 33 de la loi
du 29 juillet 1881 incriminant l’injure commise envers une personne ou un groupe de
personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap), les
homosexuels ne constituaient pas un groupe protégé par la loi pénale (CA Colmar, 27 juin
1983, D. 1983, jur., p. 550, note Koering-Joulin).
Les harkis forment-ils un groupe à raison de leur origine, ethnie, nation, race ou religion ?
L’arrêt commenté répond négativement : « la communauté des harkis ne constitue pas un
groupe de personnes entrant dans les catégories limitativement énumérées par l’article 33,
alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 ». Nette, la formule interroge cependant sur ses
fondements que l’on trouve dans un arrêt de cassation antérieur déclarant non punissables au
titre d’injure raciale des propos qui « fustigeaient les Français musulmans non à raison de leur
origine religieuse ou ethnique, mais à raison de leur choix politique au moment de la guerre
d’Algérie en les qualifiant “de traîtres à la patrie” » (Cass. crim., 12 sept. 2000, no 99-82.281,
Dr. pén. 2001, comm. 32).
26 Note de synthèse
Si l’arrêt commenté s’inscrit certainement dans cette tendance, il reste que cette interprétation
stricte, et en réalité restrictive, peut ne pas convaincre au regard la définition du harki. À
l’origine, ce terme désigne un individu servant dans une harka et vient du mot araka signifiant
littéralement « mouvement », le vocable étant utilisé au sens figuré pour désigner de petits
affrontements. Dans le langage courant, en France, le terme désigne une personne d’origine
algérienne ayant servi comme supplétif dans l’armée française de 1954 à 1962 au moment de
la guerre d’Algérie. Par extension, on nomme harkis tous les Algériens musulmans ayant
soutenu le rattachement de l’Algérie à la République française. S’il est donc certain que cette
communauté se caractérise par un choix politique, il reste que ce choix fut exprimé par des
personnes de la même « origine » et qu’il se traduisit par « l’appartenance » à la France et « la
non-appartenance » à l’Algérie, c’est-à-dire à une « nation ». Or, ces critères sont évidemment
visés par le texte d’incrimination (pour une application à des attaques injurieuses envers les
Algériens, Cass. crim., 20 nov. 1978, no 75-92.333, Bull. crim., no 321). En définitive, et à
moins d’exiger de manière absurde que le terme harki figure littéralement dans la loi du 29
juillet 1881, il convient d’admettre que le groupe des harkis constitue un groupe protégé
puisque cette communauté est fondée sur l’origine algérienne de ses membres et leur
appartenance à la nation française.
La négation de cette évidence conduit à une autre orientation du débat. N’étant pas, selon la
Cour de cassation, un groupe protégé au sens de l’article 33, alinéa 3 de la loi du 29 juillet
1881, les harkis sont en revanche expressément visés par la loi no 2005-158 du 23 février
2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français
rapatriés. Plus précisément, l’article 5 déclare interdites, d’une part, « toute injure ou
diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité
vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés » et,
d’autre part, « toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des
formations supplétives après les accords d’Évian ». Le texte ajoute in fine que « l’État assure
le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur ».
Se pose alors la question de savoir quelle est la nature et l’incidence de ce texte sur la
poursuite ? Aucune, selon la Cour de cassation, puisque « l’interdiction de toute injure envers
les harkis posée par l’article 5 de la loi du 23 février 2005 n’est assortie d’aucune sanction
pénale ». Posée en ces termes, l’affirmation ne souffre évidemment d’aucune discussion. La
loi en question appartient en effet à cette catégorie discutée des lois mémorielles (B. Accoyer,
Rassembler la nation autour d’une mémoire partagée, Rapp. inf. AN no 1262, 2008-2009,
nov. 2008) ; il ne s’agit pas d’une loi pénale et il n’appartient pas au juge judiciaire, en
application des articles 111-2 et 111-3 du Code pénal, d’adjoindre une peine à un texte qui
n’en prévoit pas. De ce point de vue, on peut alors souligner l’hypocrisie du législateur qui a
bien voulu rendre hommage aux rapatriés d’Algérie, mais s’est bien gardé de consacrer une
nouvelle hypothèse de diffamation ou d’injure spéciales (E. Dreyer, op. cit., no 694).
Mais la véritable question, à laquelle la Cour de cassation n’a guère répondu, était en réalité
de savoir si une interprétation globale des dispositions des lois du 29 juillet 1881 et du 23
février 2005 était envisageable sans trahir les principes de la légalité criminelle et
d’interprétation stricte de la loi pénale. La cour d’appel s’était d’ailleurs livrée à une telle
analyse pour la récuser. Elle jugea, d’une part, que la loi du 23 février 2005 se borne à
indiquer que l’État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur sans
renvoyer aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et, d’autre part, que les travaux
parlementaires ont conduit à la suppression de modifications envisagées de la loi du 29 juillet
1881.
Ces conclusions peuvent encore ne pas convaincre. La référence aux travaux parlementaires
paraît d’abord peu pertinente à raison de leur obscurité. Certes, la proposition d’introduire un
article 23 bis à la loi du 29 juillet 1881, prévoyant que « les dispositions des articles 23, 24,
27 Note de synthèse
48-2 et 65-3 sont applicables aux crimes contre les harkis et les membres des formations
supplétives après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 », fut écartée. Mais la suppression de cette
disposition s’explique par la réécriture de l’actuel article 5 qui, dans sa rédaction initiale, ne
visaient que « les allégations injurieuses » envers les harkis et qui, après modification,
distingua, d’un côté, les injure et diffamation et, d’un autre côté, l’apologie de crimes commis
contre les harkis ; lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, il fut alors conclu que
l’actuel article 5 de la loi du 23 février 2005 reprend, « dans une rédaction juridiquement plus
efficiente », les dispositions initialement prévues dans la proposition de modification de la loi
du 29 juillet 1881. Peut-on vraiment en déduire une volonté législative d’exclure toute
application des infractions de presse ? On peut en douter.
Mais au-delà de cette discussion stérile sur l’esprit du législateur, la lettre de la loi du 23
février 2005 qui, dans son article 5, dispose que « l’État assure le respect de ce principe dans
le cadre des lois en vigueur » implique nécessairement un renvoi à la loi du 29 juillet 1881, à
moins de juger que cette dernière n’est plus en vigueur pour les harkis... Plus précisément, il
convient naturellement non de transformer l’article 5 de la loi du 23 février 2005 en un texte
incriminateur, mais seulement d’interpréter les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, et
spécialement en l’espèce l’article 33, alinéa 3, à la lumière de la loi mémorielle. Cette œuvre
d’interprétation, qui n’est pas étrangère à la Cour de cassation lorsqu’elle vise par exemple un
texte « à la lumière » d’une directive communautaire, ou deux textes de droit interne «
ensemble », permet à nouveau de qualifier les harkis de groupe (règle impliquée par la loi
mémorielle) protégé par la loi du 29 juillet 1881 (loi en vigueur). En cloisonnant au contraire
l’interprétation des deux lois et en proposant une interprétation aveugle ne reposant que sur
son autorité, la Cour de cassation prive de tout effet une loi mémorielle dont l’objectif
essentiel est de préserver la dignité de combattant et affaiblit considérablement le poids de la
loi du 29 juillet 1881 dans la lutte contre la discrimination. Est-ce vraiment la fonction de
l’autorité judiciaire, garante des libertés individuelles ?
En réalité, le point d’équilibre entre la liberté d’expression et la protection des communautés
contre la discrimination ne réside pas uniquement dans la qualification du groupe, mais dans
celle de l’injure. Il convient en effet de se souvenir que la mise en cause d’un groupe protégé
par la loi – comme les harkis – n’est pas à elle seule punissable ; elle ne le devient qu’à la
condition non seulement de porter atteinte à l’honneur et à la considération mais de le faire à
raison d’un des critères prohibés. C’est à cette condition que la qualification d’injure raciale
est pertinente.
(Note 1) L’auteur remercie Mme le conseiller Dominique Guirimand pour lui avoir
communiqué son rapport.
dénonciation téméraire caractérisant une faute dont M.nZ... était fondé à demander réparation
au vu des dispositions de l’article 1382 du code civil ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi
du 29 juillet 1881 tels que, comme en l’espèce, les propos litigieux, qui portent atteinte à la
considération et constituent donc des diffamations, ne peuvent être réparés sur le fondement
de l’article 1382 du code civil, la cour d’appel a violé les textes susvisés, le premier par refus
d’application et le second par fausse application ;
Et vu l’article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que la prescription de trois mois édictée par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881
qui n’a pas été interrompue par des actes de poursuite réguliers au regard des dispositions de
cette loi se trouve acquise de sorte qu’il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2009, entre les
parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare l’action prescrite ;
La loi du 29 juillet 1881 sur la presse punit l'injure envers une personne ou un groupe de
personnes notamment à raison de leur appartenance à une religion déterminée. - L'étude de la
jurisprudence démontre la volonté des cours et tribunaux de parvenir à des solutions
équilibrées pour concilier liberté d'expression et respect des croyances religieuses. - Dans
cette recherche d'équilibre, une tendance se dégage dans un sens très favorable à la liberté
d'expression. - Dans le domaine particulier de la caricature avec l'affaire Charlie Hebdo jugée
par le tribunal de Paris en 2007, une approche libérale se manifeste clairement
Sommaire
Voici près de 250 ans, le 1er juillet 1766, le chevalier de la Barre, âgé de 19 ans, convaincu de
blasphème pour avoir chanté des chansons irréligieuses et pour avoir refusé de se décoiffer
lors d'une procession du Saint Sacrement était condamné à être torturé, décapité et brulé. La
découverte à son domicile d'une oeuvre de Voltaire n'avait pas été de nature à inciter les juges
à la clémence.
La notion de blasphème n'a plus sa place dans notre société démocratique dont la laïcité, qui
repose sur la séparation du religieux et de l'État, constitue un des piliers.
La critique de la religion y est admise et le fait d'outrager la divinité ou la religion n'y est pas
réprimé.
Le massacre perpétré par des islamistes intégristes dans les locaux de Charlie Hebdo, pour «
venger le Prophète » outragé par les caricatures de Mahomet parues dans cet hebdomadaire
voici plus de 7 ans nous invite, au-delà du sentiment d'horreur qu'il suscite, à comprendre
comment notre droit, qui exprime nos valeurs, concilie la liberté du droit d'expression avec le
respect des croyances.
29 Note de synthèse
L'étude de la jurisprudence française révèle que si le respect de toutes les croyances va de pair
avec la liberté de critiquer les religions, cette critique souffre une limite : la loi du 29 juillet
1881 sur la presse punit l'injure envers une personne ou un groupe de personnes notamment à
raison de leur appartenance à une religion déterminée, l'injure étant entendue comme « toute
expression outrageante, terme de mépris ou invective ».
Les décisions des cours et tribunaux manifestent très généralement le souci de parvenir à des
solutions équilibrées permettant de concilier liberté d'expression et respect des croyances
religieuses. Les juges recherchent si le prononcé d'une sanction dans une telle occurrence
constituerait une restriction excessive à la liberté d'expression ou au contraire serait
proportionné à un besoin social impérieux.
Dans cette recherche d'équilibre toujours délicat une tendance se dégage dans un sens très
favorable à la liberté d'expression. C'est ainsi que la Cour de cassation (Cass. crim., 14 févr.
2006, n° 05-81.932 : JurisData n° 2006-032591 ; Bull. crim. 2006, n° 42 ; Dr. pénal 2006,
comm. 67, obs. M. Véron) a considéré, contrairement aux juges d ‘appel, que le prospectus
qui annonçait une manifestation d' information et de prévention du SIDA sur lequel était
représentée en buste une religieuse associée à l'image d'un angelot muni d'un arc et d'une
flèche et de deux préservatifs avec la légende « Sainte capote protège nous ! », s'il pouvait
heurter la sensibilité de certains catholiques, ne constituait pas pour autant un outrage à la
communauté catholique dans son ensemble.
C'est ainsi encore que dans une banderole publicitaire de plusieurs dizaines de mètres
déployée sur une place parisienne par un fabricant de sous-vêtements et inspirée de la Cène de
Léonard de Vinci, la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 14 nov. 2006, n° 05-15.822, 05-16.001
: JurisData n° 2006- 035890 ; JCP G 2007, II 10041, note P. Malaurie) censurant la cour
d'appel de Paris, est allée à l'extrême limite de l'exercice d'équilibre entre les deux impératifs
précités en considérant que cette parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène par
suite de l'inversion de tous ses symboles, n'avait pas pour objectif d'outrager les fidèles de
confession catholique ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience et
qu'elle n'était dès lors pas constitutive de l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre
un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse.
Et c'est une approche plus libérale encore qui se manifeste en jurisprudence dans le domaine
particulier de la caricature, comme l'illustre l'affaire Charlie Hebdo jugée par le tribunal de
Paris en 2007 (TGI Paris, 17e ch. corr., 22 mars 2007, n° 0621308076 et 0620808086 : Juris-
Data n° 2007-327959 ; JCP G 2007, act. 146 , obs. J.-Y. Maréchal ; JCP G 2007, II 10079,
note E. Derieux ; Dr. pénal 2007, comm. 66, obs. A. Lepage), saisi par une association
musulmane du chef d'injure en raison de l'appartenance à une religion du fait de la publication
des « caricatures de Mahomet » dans cet hebdomadaire.
La première caricature représentait le Prophète se tenant la tête dans les mains en disant : «
C'est dur d'être aimé par des cons », dans la seconde le Prophète accueillait des terroristes sur
un nuage avec ces paroles : « Arrêtez, arrêtez, nous n'avons plus de vierges ! » enfin la
troisième représentait un homme barbu au visage sévère coiffé d'un turban en forme de bombe
à la mèche allumée et sur lequel était inscrit en arabe la profession de foi de l'Islam. Pour
relaxer le journal des fins de la poursuite le tribunal de Paris relevait tout d'abord que «
Charlie Hebdo est un journal satirique contenant de nombreuses caricatures, que nul n'est
obligé d'acheter ou de lire, à la différence d'autres supports telles les affiches exposées sur la
voie publique » que «… toute caricature s'analyse en un portrait qui s'affranchit du bon goût
30 Note de synthèse
pour remplir une fonction parodique, que ce soit sur le mode burlesque ou grotesque,
l'exagération fonctionne alors à la manière du mot d'esprit qui permet de contourner la
censure, d'utiliser l'ironie comme un instrument de critique sociale et politique en faisant
appel au jugement et au débat » ; les juges relevaient encore que « le genre littéraire de la
caricature, bien que délibérément provoquant, participe à ce titre de la liberté d'expression et
de communication des pensées et des opinions » et que « du fait même de son contenu
volontairement irrévérencieux, il doit être tenu compte de l'exagération et de la subjectivité
inhérentes à ce mode d'expression pour analyser le sens et la portée des dessins litigieux ».
Recherchant si la critique et l'humour étaient restés, en l'espèce, dans des limites acceptables,
les juges parisiens retenaient, s'agissant des deux premiers dessins, que « les intégristes ne se
confondent pas avec l'ensemble des musulmans » mais avec « les plus fondamentalistes
d'entre eux qui amènent le Prophète au désespoir en constatant le dévoiement de son message
».
Notre droit positif consacre ainsi les principes essentiels qui fondent notre République laïque
dans son rapport avec les croyances.
Le martyr du Chevalier de la Barre, que l'on croyait appartenir à un lointain et honteux passé
de notre histoire religieuse, le récent massacre des journalistes de Charlie Hebdo ne sont, à
presque trois siècles de distance, que la manifestation du même fanatisme religieux qui ne
peut tolérer la liberté.
Article 23
Modifié par Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 - art. 2 JORF 22 juin 2004
Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des
discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits,
imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de
31 Note de synthèse
la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou
réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par
tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué
l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet.
Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que
d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal.
Article 24
Modifié par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 71 (V)
Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un
des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette
provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et
les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires
dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.
Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits
portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du
code pénal, seront punis des mêmes peines.
Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront
fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre
l'humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en
esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi, y compris si ces crimes n'ont
pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs.
Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de
l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.
Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à
la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur
origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une
race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros
d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.
Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens,
auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de
personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur
handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par
les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.
En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le
tribunal pourra en outre ordonner :
1° Sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de
l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas
de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la
privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de
cinq ans au plus ;
2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par
l'article 131-35 du code pénal.
Article 24 bis
Modifié par LOI n°2017-86 du 27 janvier 2017 - art. 173
32 Note de synthèse
Seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ceux qui auront contesté,
par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre
l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international
annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une
organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne
reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.
Seront punis des mêmes peines ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon
outrancière, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un crime de génocide autre
que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d'un autre crime contre l'humanité,
d'un crime de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou
d'un crime de guerre défini aux articles 6,7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale
signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3,224-1 A à 224-1 C et 461-1 à
461-31 du code pénal, lorsque :
1° Ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou
internationale ;
[Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil
constitutionnel n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017.]
Le tribunal pourra en outre ordonner :
1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par
l'article 131-35 du code pénal.
Article 25 (abrogé) En savoir plus sur cet article...
Modifié par Loi du 12 décembre 1893, v. init.
Abrogé par Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 - art. 248 (V) JORF 23 décembre 1992
en vigueur le 1er mars 1994
Article 26 (abrogé)
Article 27
Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22
septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002
Article 28 (abrogé)
Article 29
Modifié par Ordonnance du 6 mai 1944 - art. 4
Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération
de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe
33 Note de synthèse
ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si
elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément
nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris,
menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation
d'aucun fait est une injure.
Article 30
Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22
septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002
La diffamation commise par l'un des moyens énoncés en l'article 23 envers les cours, les
tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l'air, les corps constitués et les administrations
publiques, sera punie d'une amende de 45 000 euros.
Article 31
Modifié par LOI n°2013-711 du 5 août 2013 - art. 21 (V)
Sera punie de la même peine, la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de
leurs fonctions ou de leur qualité, envers le Président de la République, un ou plusieurs
membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre Chambre, un
fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des
cultes salariés par l'Etat, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou
permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition.
La diffamation contre les mêmes personnes concernant la vie privée relève de l'article 32
ci-après.
Article 32
Modifié par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 71 (V)
La diffamation commise envers les particuliers par l'un des moyens énoncés en l'article 23
sera punie d'une amende de 12 000 euros.
La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de
personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une
ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d'un an d'emprisonnement
et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.
Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes
moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur
orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.
En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le
tribunal pourra en outre ordonner :
1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par
l'article 131-35 du code pénal ;
2° (Abrogé).
Article 33
Modifié par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 71 (V)
L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les
articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12 000 euros.
34 Note de synthèse
L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été
précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros.
Sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende l'injure commise par les
mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de
leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une
religion déterminée.
Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise dans les mêmes
conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur
orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.
En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le
tribunal pourra en outre ordonner :
1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par
l'article 131-35 du code pénal ;
2° (Abrogé).