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CHAPITRE VI : Les liaisons chimiques ; La théorie de la liaison et la géométrie


moléculaire

1. Introduction

Les forces qui assurent la cohésion des atomes d’une molécule et des ions
d’un composé ionique solide sont appelées liaisons chimiques.

La plupart des propriétés d’une substance dépendent de la nature des liaisons


chimiques que cette substance entretient avec ses constituants. Les concepts
portant sur les liaisons chimiques permettent d’expliquer la formation des molécules
et des composés, et de répondre à des questions importantes liées aux propriétés
physiques et chimiques des substances.

Les liaisons chimiques sont des forces électriques qui reflètent l’équilibre
existant entre les forces d’attraction et les forces de répulsion qu’exercent les
unes sur les autres les particules portant des charges électriques.

Une approche simple des liaisons chimiques, encore largement utilisée aujourd’hui, a
été élaborée par Gilbert Newton Lewis. Mais l’approche initiale de Lewis ne permet
pas de rendre compte de certaines observations expérimentales telles que : la
géométrie des molécules, le caractère polaire ou non de certaines molécules
comportant plus deux atomes, la formation de certaines liaisons covalentes et le
magnétisme lié aux molécules.

Trois approches basées sur la mécanique quantique sont utilisées à cet effet :

- la méthode de répulsion des paires d’électrons de valence (modèle


RPEV ou VSEPR),
- la théorie de la liaison de valence (hybridation des atomes)
- la théorie des orbitales moléculaires.

2. La théorie de Lewis sur les liaisons chimiques


 Quand des atomes interagissent pour former une liaison chimique, seules
leurs couches périphériques entrent en contact. C’est pourquoi, dans l’étude
des liaisons chimiques, ce sont les électrons de valence qui nous intéressent.
2

 Pour rendre compte du comportement des électrons de valence dans une


réaction chimique et s’assurer que le nombre total d’électrons ne change pas,
on utilise la notation de Lewis.

La notation de Lewis est une représentation d’un élément par son symbole
entouré de points qui représentent les électrons de valence.

 Lorsqu’ils perdent, reçoivent ou partagent des électrons au cours de la


formation de liaisons chimiques, les atomes acquièrent généralement la
configuration électronique d’un gaz noble. C’est la règle de gaz rare.
L’hydrogène, le lithium et le béryllium prennent habituellement la configuration
de l’hélium, soit 1s2 : ils sont régis par la règle du doublet.
Les autres éléments des groupes principaux acquièrent en général une
configuration électronique semblable à celle des autres gaz nobles, qui
comportent huit électrons dans la couche de valence : 𝑛𝑠 2 𝑛𝑝6 (où n = 2, 3,
…). On dit qu’ils sont régis par la règle de l’octet.
Cette règle est plus difficile à appliquer aux éléments de transition,
essentiellement parce que la configuration électronique de la plupart des ions
des métaux de transition appartenant à la série de transition n’est pas celle
d’un gaz noble.
3. Les liaisons ioniques et les cristaux ioniques

Les liaisons ioniques se forment entre atomes ayant des électronégativités très
différentes, entre des atomes de métaux qui peuvent céder des électrons à des
atomes de non-métaux. Elles sont formées par attraction électrostatique entre ions
de signe contraire. Elles sont très fortes. De vraies liaisons ioniques se forment entre
éléments extrêmes du tableau périodique, notamment entre les métaux alcalins et
les halogènes. Examinons la formation du chlorure de sodium, entre les ions Na+ et
Cl−.

Réaction du sodium et du chlore

Les résultantes des forces électrostatiques d’attraction qui maintiennent les cations
et les anions ensemble sont appelées liaisons ioniques, et l’assemblage solide, très
structuré, d’ions est appelé cristal ionique. En général, un cristal est constitué, à
l’échelle microscopique, d’un arrangement distinctif de particules qui se répète, de
3

manière à former une structure solide caractérisée, à l’échelle macroscopique, par


des surfaces planes, des arêtes vives et une forme géométrique régulière.

4. Les liaisons covalentes

La formation de la liaison covalente se produit par la mise en commun des électrons


fournis par les atomes qui se lient. Les paires électroniques formées appartiennent
au nouvel édifice et sont soumises à l’attraction des deux noyaux des atomes de
départ.

4.1. Les structures de Lewis de quelques molécules simples

 Molécule de H2

 Molécule de F2

 Molécule de CH4

 Molécule de NH3

 Molécule de H2O
4

 Les liaisons covalentes de coordinence

 Les liaisons covalentes multiples

4.2. Les liaisons covalentes polaires et l’électronégativité

Dans les paragraphes précédents, nous avons vu :

- comment des atomes de métaux peuvent céder des électrons à des atomes
de non-métaux de manière à former des liaisons ioniques ;
- comment des atomes identiques (ou des atomes différents, essentiellement
ceux appartenant aux éléments de la deuxième période, se combinent en
partageant des doublets d’électrons au moyen de liaisons covalentes.

La question qui se pose est de savoir quelle sorte de liaisons on peut former entre
des atomes différents, mais pas assez dissemblables pour s’unir au moyen de
liaisons ioniques. Pour répondre à cette question, il faut d’abord étudier le concept
d’électronégativité.

a) L’électronégativité
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L’électronégativité (EN) d’un atome est fonction de l’énergie d’ionisation et de


l’affinité électronique : c’est l’intensité de la force d’attraction qu’un atome exerce sur
des électrons contenus dans une liaison d’une molécule.

 Plus l’électronégativité d’un atome est grande, plus cet atome attire
intensément les électrons d’une liaison dans une molécule.
 A l’intérieur d’une période, l’électronégativité croît généralement de gauche à
droite.
 A l’intérieur d’un groupe, l’électronégativité croît généralement de bas en haut.
b) La différence d’électronégativité des atomes et la nature de leurs
liaisons

La différence d’électronégativité (ΔEN) qui existe entre les atomes liés permet de
distinguer les liaisons covalentes non polaires de celles qui sont polaires.

 Liaisons covalentes non polaires : atomes identiques ayant la même


électronégativité et atomes non identiques dont la différence
d’électronégativité est relativement petite

 Liaisons covalentes polaires entre les atomes dont la différence


d’électronégativité est grande

4.3. Les stratégies d’écriture des structures de Lewis et la charge


formelle
a) Ecriture des structures de Lewis

Les étapes de base sont les suivantes :

1. Etablir la structure squelettique du composé en utilisant les symboles


chimiques et en plaçant côte à côte les atomes liés. Pour les composés
simples, cette étape est facile. Pour ce qui est des composés plus complexes,
si l’information ne nous est pas donnée, on utilise l’hypothèse la plus
plausible. En général, l’atome le moins électronégatif occupe la position
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centrale. L’hydrogène et le fluor sont habituellement placés aux extrémités de


la structure.
2. Comptez le nombre total d’électrons de valence. Dans le cas d’un anion
polyatomique, ajouter le nombre de charges négatives au total (par
exemple pour 𝐶𝑂32− , il faut ajouter deux électrons parce que la charge –2
indique qu’il y a deux électrons de plus que dans le composé neutre). Dans le
cas d’un cation polyatomique, soustraire le nombre de charges positives du
total (par exemple, pour NH4+, il faut soustraire un électron parce que la
charge +1 indique que le composé neutre a perdu un électron).
3. Tracer une liaison simple covalente entre l’atome central et chacun des
atomes qui l’entourent. Compléter les octets des atomes liés à l’atome central
(pour H, la couche de valence est complète à deux électrons). Les électrons
qui appartiennent à l’atome central ou aux atomes qui y sont liés et qui ne
participent pas aux liaisons doivent être illustrés sous forme de doublets libres.
Le nombre total d’électrons illustrés doit être celui qui a été déterminé à
l’étape 2.

Exercice 1:

1) Ecrivez la structure de Lewis du trifluorure d’azote (NF3), où les trois


atomes F sont liés à l’atome N.
2) Ecrivez la structure de Lewis de l’ion carbonate (𝑪𝑶𝟐−
𝟑 ).

b) La charge formelle et la structure de Lewis

Ce concept de charge formelle est un outil additionnel pour déterminer la structure de


Lewis adéquate d’un composé. En effet, en comparant le nombre d’électrons
contenus dans un atome isolé et le nombre d’électrons associés à ce même atome
dans uns structure de Lewis, on peut déterminer la distribution des électrons dans la
molécule et établir la structure la plus plausible.

La charge formelle (CF) d’un atome est égale à la différence entre le nombre
d’électrons de valence contenus dans un atome isolé et le nombre d’électrons
associés à ce même atome dans une structure de Lewis.
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CF = nombre total d’électrons de valence dans l’atome isolé – nombre total


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d’électrons non liants – 2 (𝑛𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙 𝑑′ é𝑙𝑒𝑐𝑡𝑟𝑜𝑛𝑠 𝑙𝑖𝑎𝑛𝑡𝑠)

Pour déterminer la charge formelle globale d’un édifice moléculaire, les règles
suivantes sont utiles :

 Dans le cas d’une molécule neutre, la somme des charges formelles doit être
égale à zéro.
 Dans le cas d’un cation, la somme des charges formelles doit être égale à la
charge positive de l’ion.
 Dans le cas d’un anion, la somme des charges formelles doit être égale à la
charge négative de l’ion.

Exercice 2: 1) Déterminez le charges formelles dans l’ion carbonate. 2)


Inscrivez les charges formelles dans la structure de Lewis de l’ion
nitrite (𝑵𝑶−
𝟐 ).

Ce sont les charges formelles qui permettent de choisir la structure de Lewis la plus
vraisemblable pour un composé donné. Les règles à suivre sont les suivantes :

 Dans le cas d’une molécule neutre, une structure de Lewis qui ne comprend
aucune charge formelle est préférable à une autre qui en comprend.
 Une structure de Lewis qui comprend des charges formelles élevées (+2, +3,
et/ou −2, −3, etc) est moins plausible qu’une autre dans laquelle ces charges
sont plus petites.
 Si les structures de Lewis ont une distribution similaire de charges formelles,
la plus plausible est celle dans laquelle les charges formelles négatives sont
placées sur les atomes les plus électronégatifs.

Exercice 3 : On utilise traditionnellement le formaldéhyde, un liquide à odeur


désagréable, pour conserver les cadavres d’animaux. Sa formule moléculaire
est CH2O. Ecrivez la structure de Lewis la plus vraisemblable de ce composé.

4.4. Les molécules non régies par la règle de l’octet


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La structure de Lewis des molécules dont les atomes constitutifs sont ceux
d’éléments provenant des groupes principaux respecte généralement la règle de
l’octet. Il existe des exceptions, que l’on peut classer en trois catégories en fonction
de caractéristiques structurales.

 Les molécules dont le nombre d’électrons de valence est impair

 Les molécules ayant des octets incomplets

 Les structures aux couches de valence étendues


4.5. La liaison : sa longueur et son énergie

Si on considère une liaison entre deux atomes donnés, plus il y a d’électrons qui
prennent part à la liaison, plus les atomes sont unis fortement. Plus la densité de
charge électronique est grande dans une liaison, plus les noyaux peuvent
s’approcher l’un de l’autre.

Liaison longueur (10-12 m)


C–H 109
C–C 154
CC 134
C – C (benzène)
139
C=C (benzène)
CC 120
C–O 140
C=O 122
O–H 96
N–H 101

5. La géométrie moléculaire

On décrit la géométrie moléculaire, ou la forme d’une molécule, grâce à la figure


résultant de la réunion de noyaux atomiques au moyen de segments de droites
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appropriés. La géométrie moléculaire réelle est déterminée expérimentalement, mais


on peut prédire la forme de plusieurs molécules ou ions polyatomiques.

5.1. La méthode de répulsion des paires d’électrons de valence


(RPEV)

Elle repose sur le fait que les doublets d’électrons de valence d’un atome lié se
repoussent mutuellement. Ainsi les doublets d’électrons sont aussi éloignés que
possible les uns des autres. Il en résulte que l’énergie de répulsion est minimale, ce
qui correspond au niveau d’énergie le plus faible de la molécule ou de l’ion
polyatomique. La géométrie des atomes périphériques par rapport à l’atome central
auquel ils sont liés dépend du nombre de doublets d’électrons de valence et de leur
nature (doublets liants ou libres). L’orientation des doublets libres ou liants détermine
la forme distinctive de la molécule ou de l’ion polyatomique.

 La géométrie de répulsion

La méthode RPEV s’appuie sur le concept de groupes d’électrons de valence et la


géométrie de répulsion qui en résulte.

 Un groupe d’électrons de valence désigne tout ensemble d’électrons de


valence situé dans une région voisine d’un atome central et qui exerce une
force de répulsion sur d’autres ensembles d’électrons de valence. Un groupe
d’électrons de valence appartient à l’une des catégories suivantes : un seul
électron ; un doublet libre ; un doublet liant d’électrons prenant part à une
liaison covalente simple ; deux doublets d’électrons liants prenant part à une
liaison covalente double ; trois doublets liants d’électrons prenant part à une
liaison covalente triple.
 Un atome central peut être entouré de 2, 3, 4, 5 ou 6 groupes d’électrons. Les
forces de répulsion exercées par les groupes d’électrons les uns sur les autres
orientent ces groupes en fonction de ce qu’on appelle la géométrie de
répulsion. La géométrie de répulsion est dite :
 linéaire lorsqu’il y a deux groupes d’électrons ;
 triangulaire plane lorsqu’il y a trois groupes d’électrons ;
 tétraédrique lorsqu’il quatre groupes d’électrons ;
 bipyramidale à base triangulaire lorsqu’il y a cinq groupes d’électrons ;
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 octaédrique lorsqu’il y a six groupes d’électrons.

La géométrie de répulsion décrit donc la disposition de groupes d’électrons de


valence autour d’un noyau central.

 La notation de la géométrie moléculaire

La géométrie moléculaire décrit la disposition d’atomes liés autour d’un même atome
central. On désigne l’atome central de la structure par A, les atomes périphériques
par X, et les doublets libres par E.

Exemple : Indiquer la notation de la molécule d’eau.

 Stratégie d’application de la méthode RPEV – Tableau récapitulatif


indiquant la notation RPEV, la géométrie de répulsion et la géométrie
moléculaire

p n m type figure de géométrie angles exemple


répulsion
2 2 0 AX2 droite linéaire 180° BeCl2, CO2,

HCN

2 1 1 AXE droite linéaire 180°


3 3 0 AX3 Triangle équilatéral Triangle équilatéral 120° BF3, AlCl3

3 2 1 AX2E Triangle équilatéral coudée (forme en 120° SO2, SnCl2, O3


V)
3 1 2 AXE2 Triangle équilatéral linéaire 180°
4 4 0 AX4 Tétraèdre Tétraèdre 109,5° CH4, NH4+, SO42
4 3 1 AX3E Tétraèdre Pyramide déformée 109,5° NH3, H3O+

4 2 2 AX2E2 Tétraèdre Coudée (forme de 109,5° H2O, H2S


V)
4 1 3 AXE3 Tétraèdre Linéaire 180°
5 5 0 AX5 Bi-pyramide Bi-pyramide 120 et PCl5
triangle triangle 90
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5 4 1 AX4E Bi-pyramide pyramide déformée 120 et SF4, TeCl4


triangle 90
5 3 2 AX3E2 Bi-pyramide forme de T 90 ICl3, ClF3
triangle
5 2 3 AX2E3 Bi-pyramide linéaire (3 atomes) 180° I3, XeF2, ICl2
triangle
5 1 4 AXE4 Bi-pyramide linéaire (2 atomes) 180°
triangle
6 6 0 AX6 Octaèdre octaèdre 90° SF6
6 5 1 AX5E Octaèdre pyramide base 90° BrF5, IF5
carrée
6 4 2 AX4E2 Octaèdre carré plane 90° XeF4, BrF4
6 3 3 AX3E3 Octaèdre forme de T 90°
6 2 4 AX2E2 Octaèdre linéaire 180°

Exercice 4 : après avoir traité les molécules CH4 et H2O selon la méthode
RPEV, résumez les étapes d’application de la méthode en quatre étapes.

5.2. Les molécules polaires et le moment dipolaire

Lorsque des atomes unis par une liaison covalente n’ont pas la même
électronégativité, les extrémités de la liaison acquièrent une petite charge électrique,
ce qui est représenté par les symboles 𝛿 + et 𝛿 − dans la structure de Lewis. La
liaison est dite covalente polaire.

Exemple des molécules de HCl, HF, etc

On représente le déplacement de la paire d’électrons par une flèche barrée :


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On appelle molécule polaire, une molécule dans laquelle les densités de charges
positive (𝛿 +) et négative (𝛿 −) sont séparées : 𝛿 est le symbole d’une charge
partielle. C’est le comportement des molécules en présence d’un champ électrique
externe qui est à l’origine de cette notion de charges partielles. Dans un champ
électrique, les molécules de HF orientent leurs régions positives vers la plaque
négative, et leurs régions négatives vers la plaque positive. Cet alignement des
molécules se mesure expérimentalement.

La grandeur appelée moment dipolaire (µ) décrit l’importance de cette séparation


de densité de charges. Le moment dipolaire d’une molécule est égal au produit de
l’intensité de la charge (𝛿) et de la distance entre les centres respectifs des charges
positive et négative.

µ = 𝜹 × 𝒅
𝛿 est coulomb et d est en mètres, d’où µ est en coulomb-mètre (C.m). Pour des
raisons pratiques, on utilise le debye pour exprimer le moment dipolaire. Un debye
(D) est égal à 3,34 × 10−30 C.m. Donc une molécule est polaire si son moment
dipolaire n’est pas nul, et elle non polaire si µ = 0.
 Le dipôle de liaison et le dipôle moléculaire

Il ne faut pas confondre le dipôle d’une liaison et le dipôle d’une molécule. Un dipôle
de liaison, présent dans toute liaison covalente polaire, résulte de la séparation des
charges positive et négative dans une liaison donnée. Un dipôle moléculaire résulte
de la séparation des charges d’une molécule considérée comme un tout, et
l’ensemble des liaisons doit être étudié. En d’autres termes, c’est la combinaison
(non nulle) des dipôles de liaison qui produit un moment dipolaire dans une
molécule.
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 La forme d’une molécule et le moment dipolaire

Une méthode en trois étapes permet de déterminer si une molécule est polaire ou
non.

1. On prédit l’existence de dipôles de liaison à l’aide des valeurs de


l’électronégativité.
2. On prédit la forme de la molécule à l’aide de la méthode RPEV.
3. On détermine, d’après la forme de la molécule, si les dipôles de liaison
s’annulent, de sorte que la molécule est non polaire, ou s’ils se combinent de
manière que le moment dipolaire résultant de la molécule ne soit pas nul.

Exercice 4 : Expliquez pourquoi chacune des molécules suivantes est polaire


ou non polaire : a) CCl4 ; b) CHCl3.

6. La théorie de la liaison de valence (ou théorie de l’hybridation)

Cette approche est basée sur la mécanique quantique. Elle considère toujours les
atomes d’une molécule du point de vue de leurs orbitales atomiques, et on
s’intéresse plus particulièrement aux orbitales qui jouent un rôle dans la formation
d’une liaison covalente. C’est une théorie descriptive de la liaison chimique qui eut,
et a encore, un grand succès en chimie organique, car elle rend assez bien compte
de faits expérimentaux, absolument incompréhensibles par la théorie de LEWIS, tels
que l’existence de liaisons σ et π. C’est également une théorie qui a ses limites.

6.1. L’hybridation des orbitales


a) l’hybridation sp3

On partira d’un exemple illustrant la méthode générale: la molécule de méthane,


CH4.

Comment expliquer la formation d’une telle molécule à partir de la structure


électronique de l’atome de carbone? La mécanique quantique des années 1920 a
mis en évidence la structure électronique suivante pour l’atome de l’élément carbone,
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pris dans son état fondamental, le numéro atomique Z du carbone étant égal à 6:
1s22s22p2.

La présence de deux électrons non appariés dans la sous-couche 2p de l’atome de


carbone ne permet pas de comprendre la tétravalence du carbone dans le méthane.
Linus Pauling a alors l’idée suivante.

Etant donné que les sous-couches (orbitales atomiques) 2s et 2p de l’atome de


l’élément carbone sont très proches en énergie on va, dans la théorie de la
liaison de valence, les "hybrider", c’est à dire les "mélanger", afin de "créer de
nouvelles espèces", qu’on appellera orbitales atomiques hybrides de l’atome
central. Ainsi, on écrira :

1 orbitale atomique 2s + 3 orbitales atomiques 2p 4 orbitales atomiques


hybrides "sp3"

Les quatre électrons qui se trouvaient dans les deux sous-couches 2s et 2p se


retrouvent, maintenant, répartis de façon uniforme dans chacune des quatre orbitales
atomiques hybrides sp3. Cette répartition uniforme des quatre électrons est
justifiée ("expliquée") par l’équivalence des quatre liaisons chimiques dans la
molécule de méthane. Les quatre électrons, contenus chacun dans une
orbitale hybride sp3, se positionneront dans quatre directions faisant entre
elles, deux à deux, des angles de 109°28'.

C’est la façon qui minimise au maximum les répulsions inter électroniques entre
quatre charges ponctuelles de même nature dans l’espace. On retrouve les
résultats de la méthode RPEV qui classent les molécules comme CH 4 dans la
classe AX4. La géométrie imposée, pour la future molécule de méthane, sera
alors la géométrie tétraédrique.

Une fois les quatre orbitales atomiques hybrides "sp 3" construites, on terminera la
construction de la molécule de méthane en unissant chaque orbitale atomique
hybride sp3 à une orbitale 1s, provenant d’un atome d’hydrogène, porteur d’un
électron célibataire.
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On créera ainsi quatre orbitales moléculaires de type σ, grâce à la fusion axiale de


chaque orbitale atomique hybride sp3 avec une orbitale atomique 1s (voir figure).

Molécule de méthane, CH4.

4 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de


type , entre une orbitale atomique hybride
sp3 et une orbitale atomique 1s, à chaque fois.
Fusion axiale.

On respectera le principe d’exclusion de Pauli pour les deux électrons de la liaison


chimique créée à chaque fois.

b) Cas de l’hybridation sp2

L’exemple sera illustré par la molécule d’éthylène (éthène, très officiellement) C 2H4.

On travaillera sur l’un des deux atomes de la molécule. Par symétrie, on traitera alors
le second atome de carbone. En écrivant la structure électronique de l’atome de
carbone, pris dans son état fondamental, on ne comprend toujours pas, comme pour
l'exemple du méthane précédemment, la tétravalence du carbone dans la molécule
C2H4. Ainsi on imagine la structure électronique 1s22s12p3 pour l’atome de
carbone, au lieu de 1s22s22p2. A partir de là on hybride les orbitales atomiques
suivantes de l’atome de carbone: 2s, 2px et 2py. On laisse volontairement, et
arbitrairement, l’orbitale 2pz non hybridée.

On réalise alors la combinaison suivante pour les trois orbitales atomiques, d’énergie
voisine, de l’atome de carbone:

1 orbitale atomique 2s + 2 orbitales atomiques 2p 3 orbitales atomiques hybrides


"sp2"

Chacune de ces orbitales hybrides contient dès lors un électron. La façon de


répartir dans l’espace trois électrons de manière à minimiser au maximum les
répulsions inter électroniques obéit à une géométrie plane avec, entre chacune
des directions choisies, un angle de 120 °. L’orbitale 2pz n’étant pas touchée par
l’hybridation des trois orbitales précédentes, elle occupe une direction
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perpendiculaire au plan où se situent les trois orbitales hybrides sp 2. Cette orbitale


contient elle aussi un électron. On recommence la même opération pour l’atome de
carbone numéro deux de la future molécule d’éthylène.

Entre les deux orbitales atomiques hybrides sp2, provenant chacune d’un
atome de carbone différent, entrant en fusion axiale on crée ce que l’on appelle
une liaison σ.

Entre les deux orbitales atomiques non hybridées 2pz, provenant chacune d’un
atome de carbone différent, possédant chacune un électron, on crée ce qu’on
appelle une "liaison π". La fusion entre ces deux orbitales atomiques 2p z est une
fusion latérale.

On remarque dès lors, contrairement à ce que permettait d’expliquer la théorie de


LEWIS, que les deux liaisons carbone-carbone, dans la molécule d’éthylène, sont de
nature essentiellement différente. C’est là une très grande avancée par rapport à la
théorie de LEWIS.

Pour terminer la construction de la molécule d'éthylène on crée enfin quatre liaisons,


c'est à dire quatre orbitales moléculaires, de type " σ ", entre, d' une part, une orbitale
atomique hybride sp2 et, d'autre part, une orbitale atomique 1s provenant d’un atome
d’hydrogène. A chaque fois le principe d’exclusion de PAULI (spins antiparallèles)
doit être respecté (voir figure).

Molécule d'éthylène, C2H4.

4 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type , entre, à chaque fois,


une orbitale atomique hybride sp2 et une orbitale atomique 1s.
Fusion axiale.

1 orbitale moléculaire (liaison chimique) de type , entre deux orbitales


atomiques hybrides sp2. Fusion axiale.

1 orbitale moléculaire (liaison chimique) de type , entre deux orbitales


atomiques 2p. Fusion latérale.
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c) Cas de l’hybridation sp

On prendra le cas de la molécule d’acétylène (éthyne, très officiellement) C 2H2.


Comme précédemment, on ne comprend pas la tétravalence du carbone si l’on
n’imagine pas la structure électronique suivante pour ce dernier: 1s22s12p3.
A partir de là on choisit, le plus arbitrairement du monde, d’hybrider, pour chaque
atome de carbone, une orbitale atomique 2s avec une orbitale atomique 2p.
On laisse donc de côté, pour chaque atome de carbone, deux orbitales atomiques,
les orbitales atomiques 2px et 2pz.

On écrira donc:

1 orbitale atomique 2s + 1 orbitale atomique 2p 2 orbitales atomiques


hybrides "sp".

Comme chaque orbital hybride possède un électron, la seule façon qui


minimise au maximum les répulsions inter électroniques est... l’alignement des
deux orbitales hybrides, faisant entre elles un angle plat de 180°.

A partir de là, on construit la molécule d’acétylène en réalisant:

1. Une fusion axiale de deux orbitales hybrides "sp", provenant chacune d'un
atome de carbone différent. On obtient ainsi une orbitale moléculaire de type
σ entre les deux atomes de carbone.
2. Une fusion latérale de deux orbitales non hybridées, 2px, provenant chacune
de deux atomes de carbone différents. On obtient ainsi une orbitale
moléculaire de type π entre les deux atomes de carbone.
3. Une seconde fusion latérale entre les deux orbitales atomiques non hybridées
2pz, provenant là aussi des deux atomes de carbone différents. On obtient
ainsi une seconde orbitale moléculaire de type π entre les deux atomes de
carbone. Bien entendu, à chaque fois, le principe d’exclusion de PAULI
s’appliquera.
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Molécule d’acétylène, C2H2.

2 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type , entre


une orbitale atomique hybride sp et une orbitale atomique 1s,
à chaque fois. Fusion axiale.

1 orbitale moléculaire de type , entre deux orbitales hybrides


sp. Fusion axiale.

2 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type , entre


deux orbitales atomiques 2p, prises deux à deux à chaque fois.
Fusion latérale.

c) Cas de l’hybridation sp3d

L’exemple sera illustré par la molécule de pentachlorure de phosphore, de formule


PCl5.

Voilà une molécule qui, au contraire des trois précédentes, n’existe pas si l’on s’en
tient au modèle de LEWIS: la règle de l’octet n’est pas satisfaite puisque le
phosphore est entouré de 10 électrons de valence, et non pas de huit (cf "octet").

Le phosphore P (Z = 15) a la structure électronique suivante, pris dans son état


fondamental: [Ne] 3s2 3p3

Le chlore Cl (Z = 17) a la structure électronique suivante, pris dans son état


fondamental: [Ne] 3s2 3p5

Afin d’expliquer la valence 5 du phosphore il est alors imaginé de réarranger les


électrons des sous-couches 3s et 3p du phosphore, en les combinant, le plus
arbitrairement qui soit, mais en tenant compte d’énergies voisines de ces différentes
sous-couches, avec une partie de la sous-couche 3d. On aura alors comme structure
électronique de l’atome de phosphore la structure suivante: [Ne] 3s1 3p3 3d1.

On aura alors :
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1 orbitale 3s + 3 orbitales 3p + 1 orbitale 3d 5 orbitales atomiques hybrides


"sp3d".

Chacune de ces cinq orbitales atomiques hybrides contiendra un électron, puisque le


phosphore contient cinq électrons sur sa couche externe.

La façon qui minimise au maximum les répulsions interélectroniques entre cinq


électrons est la disposition géométrique en forme de bipyramide à base triangulaire
(c’est-à-dire imaginer deux tétraèdres qui seraient collés par une face commune). On
obtient donc une figure géométrique à six faces.

La construction de la molécule de pentachlorure de phosphore se poursuit en créant,


entre chaque orbitale atomique hybride sp3d de l’atome de phosphore et l’orbitale
atomique 3p de l’atome de chlore possédant un électron célibataire, une orbitale
moléculaire de type σ, résultant d’une fusion axiale.

Molécule de pentachlorure de phosphore, PCl5.

5 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type,


entre une orbitale atomique hybride sp3d et une
orbitale atomique 3p. Fusion axiale.

Bien entendu le principe d’exclusion de PAULI s’applique lors de la création de


chacune des cinq liaisons chimiques (voir figure).

On remarque l’apport de la théorie de la liaison de valence à la description de la


liaison chimique: pour arbitraire qu’elle soit, cette théorie apporte, là aussi, des
compléments que la théorie de LEWIS se trouvait incapable d’expliquer.

d) Cas de l’hybridation sp3d2

On prendra l’exemple de l’ion hexachlorophosphore, PCl6.

Il faut, ici, tâcher d’expliquer la création de six liaisons chimiques autour de l’atome
de phosphore.
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On va procéder de la façon artificielle suivante: on va créditer l’atome de phosphore


d’un électron supplémentaire, de façon à créer l’ion formel P -. A cet ion P-, on va
ajouter six atomes de chlore Cl de façon à créer l’ion hexachlorophosphore, PCl 6-.

Afin de créer six liaisons à partir de l’ion formel P- on va réarranger arbitrairement


(en tenant compte malgré tout du fait que les sous-couches électroniques 3s, 3p et
3d sont proches en énergie) les six électrons de la couche externe du phosphore
auquel on a rajouté un électron supplémentaire en: [Ne] 3s1 3p3 3d2

Au niveau de l’hybridation entre les orbitales atomiques d’énergie voisine du


phosphore on écrira:

1 orbitale 3s + 3 orbitales 3p + 2 orbitales 3d 6 orbitales atomiques hybrides sp3


d2.

Afin de répartir dans l’espace de la façon qui minimise au maximum les répulsions
interélectroniques entre les six électrons contenus dans chacune de ces orbitales
atomiques hybrides, on crée une figure appelée octaèdre, qui correspond à deux
pyramides d’Egypte (à cinq faces en tout: les quatre faces externes et... la base) qui
seraient collées par la base. On se retrouve alors avec une figure géométrique à huit
faces, bref, un octaèdre.

A partir de là la construction de l’anion hexachlorophosphore se poursuit de la façon


suivante:
Chaque orbitale atomique hybride sp3 d2 contient un électron célibataire qui vient
s’unir, par fusion axiale, avec une orbitale 3p de chaque atome de chlore contenant
un électron célibataire. La fusion est axiale et on obtient une liaison de type σ à
chaque fois. Il s’en formera six en tout.

On respectera le principe d’exclusion de PAULI à chaque fois, bien entendu.

Anion hexachlorophosphore, PCl6-.

6 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type , entre une


orbitale atomique hybride sp3 d2 et une orbitale atomique 3p à
chaque fois. Fusion axiale.
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6.2. La prédiction des modèles d’hybridation

S’il existe des données expérimentales relatives à une structure moléculaire, le


modèle d’hybridation choisi pour décrire les liaisons de la structure doit concorder
avec les faits. Cependant, il arrive souvent que l’on ne dispose pas de données
expérimentales, et on doit alors prédire l’hybridation probable. Dans ce dernier cas,
la méthode suivante en quatre étapes donne généralement de bons résultats.

1. On écrit une structure de Lewis plausible pour la molécule ou l’ion.


2. A l’aide de la méthode RPEV, on prédit la géométrie de répulsion associée à
l’atome central.
3. On choisit le modèle d’hybridation qui correspond à la prédiction effectuée à
l’étape précédente. La géométrie symétrique des orbitales est identique à la
géométrie de répulsion prédite par la méthode RPEV comme l’indique le
tableau.
4. On décrit le recouvrement des orbitales et la géométrie moléculaire.

Géométrie des orbitales


Orbitale hybride Géométrie Exemple
sp linéaire BeCl2
sp2 triangulaire plane BF3
sp3 tétraédrique CH4
sp3d bipyramidale à base triangulaire PCl5
sp3d2 octaédrique SF6

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