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Biocapteurs M2 - Instr. Bio.

[Université Batna 2 - 2022/2023]

CHAPITRE 1
Les Biocapteurs : Généralités

1.1. Introduction :
La détection rapide, simple et fiable de différentes biomolécules dans les aliments, l’environnement ou
surtout en domaine biomédical a été perçue comme réponse à des demandes accrues. Face à cette
problématique, un intérêt grandissant a été porté durant ces dernières années aux nouveaux dispositifs
révolutionnaires à la taille et au prix réduit dits biocapteurs autorisant
l’exploration d’un grand nombre
d’échantillons et l’identification ou le dosage d’une large gamme de substances cibles.

1.2. Définition et principe :


Selon IUPAC (l’International Union of Pure and Applied Chemistry), « Il s’agit d’un appareil autonome
et intégré, capable de fournir une mesure spécifique, quantitative ou semi-quantitative, d’un analyte, par
le moyen d’un élément biologique de reconnaissance, directement en contact avec un élément de
transduction ».
D’une façon simple, « Le biocapteur est un composant qui convertit un signal biologique ou biochimique
(le mesurande), détecté en entrée en un signal électrique mesurable en sortie ».

Comme on peut le constater sur la figure 1.1, le biocapteur est constitué essentiellement de 04 parties
différentes :
a-L’analyte : ou élément à détecter/analyser : Il peut être de nature biologique, chimique, ou
biochimique: éléments simples, métaux, enzymes, protéines, anticorps, cellules entières, antigènes, ADN,
biomarqueurs, métabolite, médicaments etc..
b-Le biorécepteur : c’est l’élément sensible qui est constitué par un matériau biologique, il assure la
reconnaissance de l’élément qu’on désire analyser (analyte). Et émet un signal physique tel qu’un courant
électrique, une déformation ou une vibration mécanique, un signal thermique, une polarisation, etc...
Plusieurs entités biologiques sont susceptibles d’être employées telles que les enzymes, les anticorps, les
antigènes, les cellules, les tissus, l’ADN.…..
c-Le transducteur : est l’élément physique qui sert à exploiter la modification biochimique issue d’une
interaction entre un analyte et le biorecépteur pour la transformer en signal électrique. Ce composant peut
être des électrodes, des thermistors, des cristaux piézoélectriques, un transistor FET, des nanofils, des
nanotubes, des nanoparticules,...
Le type de transducteur sera choisi en fonction des modifications biochimiques se produisant au niveau
du biorecépteur. Cette adéquation entre le transducteur et l’élément biologique permettra d’obtenir un
signal sensible et facilement exploitable.
d-Un système de traitement du signal en sortie : amplification, filtrage, affichage…

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Le principe de fonctionnement d’un biocapteur peut se résumer en :
1. L’entité biologique se fixe sur le biorécepteur de même nature,
2. Une réaction biochimique se produit et un signal biophysique est émis par le biorécepteur.
3. Cette information qui provient du biorécepteur, est captée par le transducteur qui se charge de la
convertir en un signal électrique mesurable (courant, tension,..).
4. Le signal émis en sortie du transducteur est de très faible intensité. Il sera transmis pour traitement et
affichage.

Figure 1.2 : Principe de biocapteur.

1.3. Historique des biocapteurs :


L’histoire des biocapteurs débute en 1960 suite aux premiers travaux réalisés par Clark et Lyon pour la
détection du glucose, Ces études ont été approfondies vers 1967 suite à la naissance du premier
biocapteur réalisé par Updicke et Hicks, Ce biocapteur est une électrode à enzyme pour le dosage du
glucose basée sur l’immobilisation de la glucose-oxydase dans un gel de polyamide. A la fin des années
70 (1969), George Guilbault a crée un dispositif pour doser l'urée dans le sang et l'urine. La réalisation de
ces premiers dispositifs était simple et basée sur l’immobilisation physique de l’enzyme soluble à la
surface d’un transducteur électrochimique. Quelques années plus tard, ces systèmes sont devenus de plus
en plus complexes suite au couplage direct de l’enzyme avec le transducteur ce qui peut réduire
partiellement ou totalement son activité biologique. Pour cette raison, il était important de mettre au point
des méthodes d'immobilisation de l’enzyme qui perturbent le moins possible ses propriétés catalytiques.

1.3. Domaines d’applications des biocapteurs :


Les biocapteurs constituent une solution attractive permettant de fournir des systèmes simples et sélectifs
pour l’analyse de différents composés. Ces instruments analytiques, peuvent apporter des solutions
efficaces à des problèmes concernant de nombreux domaines : médecine, agro-alimentaire,
pharmaceutique, environnement, recherches scientifique...

a-Le domaine médical : c’est le domaine qui a été pionnier dans les technologies de biocapteurs. Les
applications potentielles sont multiples comme le diagnostic (du diabète, cancer, dyslipidémie,...), le suivi
des différentes maladies par mesure : du glucose, des sécrétions d’enzymes, de l'urée, du cholestérol, des
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ions minéraux, du pH, de p(O2) du sang…, les recherches en médecine…

b-Le contrôle de l’environnement : Depuis quelques années, les biocapteurs commencent à faire leur
apparition dans le domaine de l'environnement. Ils vont permettre la détection et l’analyse de molécules
(air, gaz, rejets industriels, entités chimiques, entités biologiques,..). La détection rapide de toxiques
permet d'intervenir plus rapidement en cas de pollution. L’eau est aujourd’hui encore la principale
application pour le monitoring environnemental.

c-L’industrie agroalimentaire : a besoin de techniques analytiques pour contrôler ses procédés de


transformation et vérifier la composition et la qualité des produits générés. Les biocapteurs permettent la
détection et/ou la quantification de sucres, acides, alcools, édulcorants et acides aminés dans les aliments.
Plus récemment, de nouvelles applications portant sur les contaminants des aliments (toxines, pesticides,
résidus, microorganismes pathogènes…) ont été développées.

- le secteur automobile (contrôle de la combustion, des gaz polluants). - l'agriculture (analyse des sols et
des eaux d'irrigation) - la domotique pour la surveillance de fuites de gaz et émanations toxiques, la
qualité de l'eau, humidité, teneur en CO2,…

1.4. Classification des biocapteurs


Les biocapteurs sont classés soit selon le type du biorécepteur employé ou bien selon le type du
transducteur :

Figure 1.2 : Classification des biocapteurs selon le type du biorécepteur et la transduction.

1.4.1. Selon le type du biorécepteur :


On distingue :
a-Les enzymes : utilisent des enzymes spécifiques pour la capture et la génération catalytique d’un
produit qui est alors directement mesuré grâce à une large gamme de transducteurs.
b-Les anticorps : Les Ac sont des protéines qui possèdent des sites capables de reconnaitre
spécifiquement une substance cible. Puis on procède à mesurer le signal physique induit par la formation
du complexe immun.
c-L'ADN : (acide désoxyribonucléique) renferme l'information nécessaire pour la synthèse des protéines.
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d-Les microorganismes ou cellules : Pour remédier aux problèmes posés par les enzymes, la solution est
d'utiliser directement le tissu ou le microorganisme contentant l'enzyme. La stabilité et l'activité de ces
enzymes dans la cellule sont plus grandes que celle des enzymes purifiées

1.4.2. Selon le principe du transducteur :


De nombreux transducteurs ont été utilisés pour développer des biocapteurs. Le type du transducteur sert
souvent de base pour la classification des différents biocapteurs.

a-Biocapteurs électrochimiques :
Les transducteurs électrochimiques transforment l’interaction électrochimique entre l’analyte et
l’électrode en un signal électrique. Leur principe de fonctionnement est basé sur le fait que certaines
molécules électro-actives en solution peuvent échanger les électrons avec la surface de l’électrode selon
le potentiel auquel cet échange a lieu. Les transducteurs électrochimiques restent les plus utilisés grâce à
leurs principaux avantages liés à leur simplicité, leur coût faible et leur rapidité de réponse. Dans cette
catégorie nous distinguons : les transducteurs potentiométriques, ampérométriques, impédimétriques,
conductimétriques et voltammétriques.

b-Biocapteurs optiques :
Les transducteurs optiques sont devenus populaires durant ces dernières années avec plusieurs dispositifs
commercialement disponibles. Ils se sont basés sur certains phénomènes tels que la fluorescence, la
résonance plasmonique de surface, le radiomarquage et les ondes évanescentes, la variation de l’indice de
réfraction, ou d'autres paramètres optiques. Ce type de transducteur permet d’effectuer des mesures in situ
et en temps réel avec une bonne sensibilité, une robustesse et des faibles temps de réponse. Une autre
particularité est leur miniaturisation ainsi que leur capacité de détection simultanée de plusieurs analytes.

c-Biocapteurs piézoélectriques :
Ce type de transducteur a été mis au point par Shons et al. en 1972. Il repose sur le phénomène
piézoélectrique, qui induit à l’apparition d’un potentiel électrique à la surface d’un matériau lorsque celui-
ci subit une contrainte mécanique. Le biocapteur à effet piézoélectrique le plus utilisé est connu sous le
nom de microbalance à quartz (QCM). Il est basé sur la mesure de l’oscillation d’un cristal de quartz
immergé dans un liquide et sur lequel est immobilisé le composé biologique. Par la suite ce système
entraîne un changement de masse à la surface du cristal provoquant un changement quantifiable de la
fréquence de résonance.
d-Biocapteurs thermiques :
Aussi appelés capteurs enthalpimétriques, ont été développés dans les années 1970. Ils sont destinés à
déterminer la concentration d’un substrat par la variation d’enthalpie associée à des réactions exo ou
endothermiques. Leur principe est basé sur l’immobilisation des récepteurs biologiques qui sont reliés à
un microcalorimètre ou à une résistance thermique capable de mesurer les changements d’enthalpie ou de
température dues aux réactions avec l’analyte.
e-Biocapteurs manométriques :
Mesurent les changements de pression d’un gaz. Il s’agit de biocapteurs utilisant comme ligand une
enzyme capable d’hydrolyser l’analyte en un gaz.
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1.5. Les critères de performance :


Les biocapteurs doivent répondre à un certain nombre de critères. En outre de ceux qui sont liés aux
qualités demandées, assez générales à tout type de composants comme : la robustesse (résistance à
l’usage) ; la durée de vie ; la fiabilité ; la résistance aux traitements thermiques ou chimiques… Les
critères les plus importants à connaître pour en faire une bonne utilisation sont propres à leur fonction de
mesure (caractéristiques métrologiques).
Ces critères métrologiques, sont étudiés en effectuant l’étalonnage du biocapteur.

1.5.1. L'étalonnage du biocapteur :


L'étalonnage (calibration) du biocapteur comprend l'ensemble des opérations expérimentales qui
permettent d'établir, sous forme graphique ou algébrique, la relation entre les valeurs du mesurande (c’est
la quantité d’analytes à détecter) et celles du signal de sortie (généralement électrique), compte tenu de
tous les paramètres additionnels susceptibles de modifier la réponse du biocapteur.
Pour cela, on observe la relation entre des valeurs parfaitement déterminées du mesurande (valeur réelle)
et les valeurs mesurées par le biocapteur en réalisant une courbe d'étalonnage qui permet d’établir la
relation : Valeur_Mesurée=f(Mesurande).

1.5.2. La sensibilité :
La sensibilité S est définie comme étant le rapport de la variation de la grandeur de sortie Δs, à la
variation du mesurande Δm. S= Δs/Δm. Elle correspond à la pente de la courbe de d’étalonnage.
Dans le meilleur des cas, i.e. si la fonction est linéaire, S est alors constante, quelle que soit la valeur du
mesurande.
Dans le cas d’une courbe non-linéaire, on peut définir des plages de sensibilité sur des intervalles de
valeurs du mesurande. On peut alors définir un écart à la linéarité (en %) entre la réponse réelle et la
droite de réponse obtenue, par exemple par une méthode des moindres carrés.
saturation
Droite de régression
Plage linéaire

Concentration en analytes Concentration en analytes


Figure 1.3 : La sensibilité des biocapteurs.

La valeur de la sensibilité, dans des conditions d'emploi spécifiées est généralement fournie par le
constructeur ; elle permet à l'utilisateur d'estimer l'ordre de grandeur de la réponse, connaissant l'ordre de
grandeur des variations du mesurande.

1.5.3. La linéarité :
Un biocapteur est dit linéaire si sa sensibilité est indépendante de la valeur du mesurande ; le signal de
sortie reste proportionnel à la variation du mesurande. Il en résulte alors une plus grande simplicité dans

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le traitement du signal permettant d'accéder à la valeur numérique de la variation du mesurande.
Mais en réalité, l’étalonnage du biocapteur fournit un certain nombre de points (n) qui ne sont pas
forcément tous alignés (même dans le cas idéal) du fait de l'imprécision des mesures ou des imperfections
dans la réalisation. Cependant, il est possible, de trouver l'équation de la droite qui en est la représentation
la plus bonne (s = am+b), telle que la somme des carrés des écarts des divers points à cette droite soit
minimale où :

L'écart de linéarité permet d'apprécier la linéarité d'une courbe d'étalonnage : il est défini à partir de l'écart
maximum entre la courbe d'étalonnage et la meilleure droite, cet écart étant exprimé en % de la valeur
maximale de la grandeur de sortie dans la plage considérée.

1.5.4. La rapidité, et le temps de réponse :


La rapidité c’est la qualité d’un biocapteur à suivre les
variations de la mesurande. La grandeur utilisée pour
définir quantitativement la rapidité est le temps de
réponse.
Le temps de réponse noté tα correspond au temps
nécessaire pour que le biocapteur délivre une certaine
proportion α de la pleine amplitude du signal.
s(tα) = α × s(t→∞)

Cette proportion α doit être précisée dans sa définition, par


exemple, t0,9 ou t0,99 (90% ou 99 %).
Figure 1.4 : Le temps de réponse entre à 10 et 90 %
Parfois on définit le temps de réponse entre deux points, de l'amplitude stationnaire du signal.

Un capteur est d'autant plus rapide que son temps de réponse est plus court.
Le temps de réponse dépend des phénomènes physico-chimiques (adsorption, désorption, diffusion sur les
parois...),

1.5.5. La précision : justesse et répétabilité :


- La justesse est la qualité d'un biocapteur à délivrer au cours de plusieurs expérimentations, des mesures
proches, à une incertitude près, de la valeur réelle du mesurande.
- La répétabilité (fidélité) est la qualité d’un biocapteur à délivrer une mesure répétitive sans erreurs.
L’écart type dont l'importance reflète la dispersion des résultats correspondant à une mesurande constante
est souvent considéré comme l'erreur de répétabilité : il permet ainsi une appréciation quantitative de la
répétabilité.
La précision qualifie l'aptitude du biocapteur à donner des résultats qui, individuellement, sont proches de
la valeur vraie du mesurande. Ainsi un biocapteur précis aura à la fois une bonne répétabilité et une bonne
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justesse.

Figure 1.5 : Représentation par analogie avec un tir sur cible des notions de :
fidélité (a), justesse (b) et précision (c).

La précision peut être spécifiée numériquement par l'erreur de précision qui, compte tenu de toutes les
causes d'erreur, délimite l'intervalle autour de la valeur mesurée, à l'intérieur duquel on est assuré de
trouver la valeur vraie ; elle se traduit par des résultats de mesurage groupés autour de leur valeur
moyenne : m = ± Δm (où est la valeur moyenne du mesurande).
On peut également l'exprimer en valeur relative par Δm/ , (généralement en %).

1.5.6. La sélectivité :
La sélectivité du biocapteur correspond à la capacité de mesurer un analyte particulier dans un échantillon
biologique dans lequel se trouve une quantité élevée d’analytes de différents types ;
En d’autres termes, d’être le plus insensible aux autres grandeurs qui ne font pas l’objet de la mesure.
Lorsque celles-ci peuvent donner un signal de sensibilité, on les appelle des interférents.
Même si des recherches sont conduites pour améliorer la sélectivité, par utilisation de matériaux
spécifiques, il y a toujours une interférence aussi faible soit-elle. Il est donc nécessaire de caractériser ce
phénomène pour une espèce principale p et des interférents i, par la formule suivante :

Sel=f(ap+∑kpi × ain)

Où :Kp,i est le coefficient de sélectivité (sensible à p en présence d'interférents i). Le paramètre n dépend
des espèces (dans les cas simples il vaut 1). Plus ces coefficients K sont faibles et plus le capteur est
sélectif.

Figure 1.6 : Représentation schématique de l’interférence (triangle équilatéral : analyte ;


losange : espèce fortement interférente).

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