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Les diverses formes d'amour selon augustin d’hippone

Amour-cupiditas

Il y a deux formes d'amour désir (appetitus). Le premier, l'amour « convoitise (cupiditas) » revient


à aimer le monde, c'est-à-dire quelque chose de fuyant qui nous amène à nous disperser et qui,
en nous rendant dépendant de quelque chose d'extérieur, le monde, nous prive du se quærere,
c'est-à-dire de la recherche de nous-même. Augustin souligne dans son livre Du libre arbitre que
ce type d'amour nous fait perdre également notre autonomie. Il s'agit donc d'un faux amour qu'il
appelle « convoitise (cupiditas) »

Amour-caritas

En opposition, Augustin dresse l'amour-caritas : « l'amour juste qui aspire à l'éternité et à l'avenir


absolu ». Dans ce type d'amour, le désir est dirigé vers l'éternité, vers quelque chose de stable
en lien avec un Dieu autonome « qui ne dépend pas d'un monde, d'un dehors qui lui serait par
principe extérieur »172. Aussi, si « la charité fait le lien entre l'homme et Dieu, comme la convoitise
entre l'homme et le monde », elle le fait sans nous faire entrer en dépendance de Dieu, mais en
nous permettant de nous abstraire du monde, et de réaliser pleinement notre être intérieur.
Comme le note Hannah Arendt, pour Augustin, l'« amour de Dieu et amour de soi vont de pair et
ne se contredisent pas. Dans l'amour de Dieu, l'homme s'aime lui-même 173 ». « Augustin écrit à
ce propos : Lorsque j'aime mon Dieu, c'est la lumière, la voix, l'odeur […] de mon être intérieur
que j'aime. Là où resplendit la partie de mon âme que ne circonscrit pas le lieu, où résonne celle
que le temps n'emporte pas […] et où se fixe celle que le contentement ne disperse pas. Voilà ce
que j'aime lorsque j'aime mon Dieu174. »

Amour dilectio

L'amour dilectio n'est guidé ni par le désir (appetitus) ni par l'objet, mais n'est que « l'attitude
objective préassignée de l'homme qui, toujours là dans le monde, vit dans l'avenir absolu »175. Il
existe une hiérarchie de ce qu'il faut aimer : d'abord ce qui est au-dessus de nous (supra nos),
puis nous et ce qui est à côté (iuxta nos), le prochain (proximus), et ce qui est en dessous de
nous (infra nos), le corps venant en dernier. L'amour dilectio accomplit les commandements, les
lois dans une perfection qui est fonction de la grâce de Dieu et qui donc ne dépend pas que de
l'être humain176.
L'amour du prochain (dilectio proximi) est un amour-renoncement où après être entré dans un
amour-charité avec Dieu et l'éternité, on a renoncé à soi, ce qui pour Arendt signifie qu'on « aime
tous les hommes sans la moindre différence »177. Ce qui frappe Arendt dans l'amour du prochain
chez Augustin, c'est justement que les individus restent isolés, car dans ce type d'amour, on aime
l'amour : « Peut-il aimer son frère sans aimer l'amour ? Nécessairement il aime l'amour. En
aimant l'amour, il aime DieuN 11. » Cette solitude interroge Arendt, qui lie cette forme d'amour à
la Cité de Dieu, où les hommes sont également tenus de s'aimer mais où ce n'est plus le genre
humain qui compte, mais les êtres particuliers, et où « toute relation à l'autre devient un simple
passage vers la relation directe à Dieu »

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