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31(3):227-236
DOI : 10.37051/mir-00123
Résumé
L’entérocolite infectieuse est une cause rare d’admission en réanimation qui peut également se développer au cours
du séjour en réanimation. Elle recouvre des mécanismes physiopathologiques distincts qui doivent être connus par
les cliniciens.
La démarche diagnostique consiste en premier lieu à affirmer l’atteinte colique en se basant sur la présentation clinique
et sur l’analyse des données d’imagerie et d’endoscopie. Il faudra ensuite préciser le mécanisme infectieux de l’atteinte
intestinale en excluant les causes ischémiques, toxiques ou immunologiques. Parmi les causes infectieuses, il faudra
distinguer schématiquement quatre contextes : l’entérocolite bactérienne communautaire (Campylobacter, Salmonella,
Shigella, Yersinia, E coli), l’entérocolite bactérienne nosocomiale (Clostridioides difficile, Klebsiella oxytoca), la colite de
l’immunodéprimé, et la colite de retour d’un voyage en zone tropicale. L’évaluation de la sévérité portera sur l’identification
des défaillances d’organe secondaires à l’agent infectieux et au sepsis, et portera sur l’évaluation de l’atteinte intestinale
elle-même. En particulier, il faudra rechercher l’existence d’une colectasie et apprécier la viabilité de la paroi colique.
La prise en charge thérapeutique sera basée sur le traitement étiologique dirigé contre l’agent infectieux, la correction
des défaillances d’organe, et le recours à la chirurgie en cas de colite fulminante avec échec du traitement médical.
Mots-clés : Entérocolite infectieuse , clostridioides difficile, cytomegalovirus, colite neutropénique
Abstract
Infectious enterocolitis is a rare cause of ICU admission but can develop during ICU stay. Infectious enterocolitis encompasses
several mechanisms that should be known by clinicians. The diagnosis of colitis is based upon evidence of clinical colic signs
(mainly diarrhea, abdominal pain) and confirmed by analysis of ultrasonography, computed tomography, and possibly digestive
endoscopy. Infectious colitis should be distinguished from ischemic, toxic, and immunological enterocolitis. There are schematically
four distinct contexts of infectious colitis in the ICU : communautary bacterial colitis (Campylobacter, Salmonella, Shigella,Yersinia,
E coli), nosocomial bacterial colitis (Clostridioides difficile, Klebsiella oxytoca), infectious colitis in the immunocompromised patient,
and infectious colitis in the returning traveller. The evaluation of severity is based upon identification of organ failures and the
search for intestinal damage. In particular, colectasy should be identified, with search for parietal thickening. Therapy is based
upon etiological treatment directed against the bacteria or virus responsible for the colitis, the correction of organ failures, and
possibly colectomy in case of fulminant colitis refractory to the medical treatment.
Keywords: Infectious enterocolitis, clostridioides difficile, cytomegalovirus, Neutropenic colitis
*Gaël Piton
Service de Médecine Intensive Réanimation
CHRU de Besançon, Besançon, France
gpiton@chu-besancon.fr
La liste complète des auteurs est disponible à la fin de l’article.
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Introduction Abréviations
Examens bactériologique, virologique, et parasitologique par exemple, mais le diagnostic est en général fait sur
des selles la recherche de toxine de CD sans qu’il soit nécessaire
de réaliser une coloscopie), de réaliser des biopsies à
Le résumé des examens paracliniques en fonction du visée virologique (recherche du CMV), bactériologique
contexte clinique apparaît dans le Tableau 1. (Mycobacterium sp, K oxytoca [4]), parasitaire (amibiase)
• La réalisation de coprocultures sera toujours indi- ou fongique (candidose [5] ou mucormycose colique [6]),
quée en cas de suspicion d’entérocolite infectieuse anatomopathologie, notamment pour les diagnostics
grave, a fortiori dans le contexte communautaire. différentiels (maladie du greffon contre l’hôte, MICI).
Dans le contexte nosocomial, la valeur ajoutée des Cependant, les colites infectieuses peuvent être déli-
coprocultures est souvent faible et le résultat est en cates à distinguer d’une MICI lorsqu’il existe des lésions
général négatif [3]. Il est important de préciser le microscopiques aspécifiques.
contexte clinique au microbiologiste afin d’orienter les
recherches. De principe seront recherchés Campy- Biologie non spécifique
lobacter, Salmonella, Shigella ; en cas de syndrome
appendiculaire, ou chez le sujet jeune, recherche Les anomalies biologiques sont en général aspéci-
de Yersinia ; en cas de selles hémorragiques, ou de fiques, traduisant l’existence d’un sepsis, et son éventuel
syndrome hémolytique et urémique, recherche d’E coli retentissement sur les différents organes (rein, foie).
par PCR multiplex ; en cas de diarrhée hémorragique L’existence d’une anémie hémolytique avec thrombopénie
post-antibiothérapie, recherche de Klebsiella oxytoca et insuffisance rénale fera évoquer un syndrome hémo-
par culture. Dans le contexte d’immunodépression, des lytique et urémique (SHU). Une neutropénie profonde
recherches supplémentaires de type Mycobacterium et prolongée fera évoquer la colite neutropénique. Une
avium complex peuvent être réalisées (culture sur hyperleucocytose majeure à polynucléaires neutrophiles
biopsies coliques). fera évoquer une colite à CD.
• La recherche de toxine de CD doit être réalisée dans
les situations suivantes : Échographie abdominale
– diarrhée post-antibiothérapie ;
– diarrhée chez un patient porteur d’une maladie L’échographie abdominale semble être un outil de débrouil-
inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) ; lage intéressant, au lit du malade, pour identifier l’existence
– diarrhée communautaire persistante au-delà de
trois jours malgré un traitement symptomatique, ou
d’emblée en cas de signes de gravité ;
– contexte nosocomial ;
– bilan d’une colite pseudomembraneuse.
• Une recherche de virémie à CMV par technique de
PCR sur le sang sera réalisée chez les patients immu-
nodéprimés, ou porteur d’une MICI, en association
avec la réalisation de biopsies coliques.
• Un examen parasitologique des selles (EPS) à la
recherche d’une amibiase liée à Entemoeba histolytica,
ou d’une giardiase, sera réalisé chez les voyageurs
de retour d’un pays tropical (coloration et PCR). De
même, chez les patients immunodéprimés (surtout VIH
avec CD4 < 100), l’EPS recherchera Cryptosporidium
et Microsporidium. Une analyse mycologique pourra
être réalisée sur les biopsies coliques en complé-
ment de l’anatomopathologie pour les candidoses et
mucormycoses chez l’immunodéprimé.
Endoscopie digestive
d’une colite [7]. Eventuellement, l’échographie intestinale rectale ou rectocolique avec un bord supérieur dans la
pourrait permettre d’évoquer certains diagnostics (CD, RCH, en dehors des pancolites ; atteinte volontiers iléo-
colite neutropénique) [8–10]. L’échographie intestinale caecale dans le Crohn, avec possibilité de sténoses et
analyse le contenu de la lumière intestinale (lumière fistules digestives), et bien sûr l’aspect de la muqueuse
virtuelle ou remplie de liquide), l’existence d’un épais- en endoscopie et les biopsies.
sissement pariétal aux dépens de la sous-muqueuse
ou de la musculeuse, la présence d’air dans les parois, Maladie du greffon contre l’hôte digestive (GvH)
l’existence d’une ascite, l’existence d’une aéroportie
évoquant un mécanisme ischémique [11]. Un contexte d’allogreffe ou de greffe d’organe solide,
l’existence d’une diarrhée associée à une atteinte cutanée
Scanner abdominopelvien et hépatique (sauf en cas de transplantation hépatique)
seront évocateurs de ce diagnostic. L’échographie
L’examen clé, pour les formes graves (abdomen chirur- colique pourra montrer un épaississement important
gical ou état de choc) est le scanner abdominopelvien, de la sous-muqueuse. Les biopsies coliques orienteront
sans puis avec injection de produit de contraste, avec vers le diagnostic.
une analyse au temps artériel et surtout au temps portal.
Il permet de caractériser les entérocolites aiguës des Toxicité digestive
patients hospitalisés en réanimation. Il ne devra pas être
retardé par la réalisation d’une échographie, sauf si le De nombreux médicaments peuvent induire une toxicité
réanimateur peut la réaliser lui-même rapidement dans digestive : Metformine ou Mycophénolate mofétil (diar-
l’attente du scanner. Le scanner permettra de distinguer rhée en général peu sévère), AINS, chimiothérapie,
les mécanismes ischémiques, d’évoquer certaines infec- immunothérapie anti PD1 ou anti PDL1.
tions spécifiques (aspect typique en accordéon avec prise
de contraste intense de la sous-muqueuse en cas de Quatre cadres nosologiques sont à connaître en
CD), de retrouver des arguments en faveur de MICI, etc. réanimation
Les diagnostics différentiels d’entérocolite infectieuse • Entérocolite bactérienne communautaire
• Entérocolite infectieuse nosocomiale
Entérocolite ischémique • Entérocolite infectieuse chez l’immunodéprimé
• Entérocolite au retour d’un voyage en pays tropical
Il s’agit du principal diagnostic à éliminer face à une La démarche diagnostique selon le contexte est
entérocolite aiguë survenant en réanimation ou amenant précisée dans le Tableau 1.
un patient en réanimation [12, 13]. En effet, l’ischémie
intestinale est beaucoup plus fréquente que l’infection Entérocolite bactérienne communautaire
intestinale en réanimation. On distinguera l’ischémie
mésentérique aiguë occlusive (embolie ou thrombose Le diagnostic est porté sur l’existence d’un syndrome
des vaisseaux mésentériques, artériels ou veineux), et dysentérique présent à l’admission à l’hôpital, associé à
l’ischémie non occlusive (non occlusive mesenteric ische- une fièvre, et une éventuelle altération de l’état général.
mia, NOMI en anglais), ce dernier étant le mécanisme Le diagnostic est confirmé par la réalisation des copro-
le plus fréquent en réanimation. L’existence d’un terrain cultures. Le traitement est basé sur une antibiothérapie
vasculaire, d’une hypotension prolongée, ou la néces- par C3G ou quinolones, puis secondairement adapté
sité de fortes doses de vasopresseurs sont évocatrices sur l’antibiogramme.
du diagnostic. Le diagnostic d’entérocolite ischémique Selon les agents pathogènes impliqués, il peut exister
reste malgré tout difficile, notamment pour les formes des particularités [14].
non occlusives sur bas débit, aucun signe n’ayant une • Campylobacter jejuni : Gram négatif. Il s’agit de
sensibilité et une spécificité de 100 %. l’agent pathogène le plus fréquemment impliqué dans
l’entérocolite bactérienne communautaire. Incuba-
MICI tion de 24 à 72 heures La présentation associe une
diarrhée fébrile (90 %), des douleurs abdominales
L’antécédent de MICI est en général connu. Sinon, le (70 %), des rectorragies (50 %). L’infection à Cam-
début des symptômes chez un sujet jeune, un contexte pylobacter peut précéder la survenue d’un syndrome
d’arrêt (rectocolite hémorragique, RCH) ou de reprise du de Guillain-Barré, d’un SHU.
tabac (maladie de Crohn), un terrain d’auto-immunité, la • Salmonella (typhi, paratyphi, et non typhi) : Gram
topographie particulière des lésions au scanner (atteinte négatif. Incubation de 8 à 48 heures. En cas de fièvre
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Klebsiella oxytoca Si post antibiothérapie Si post antibiothérapie Si post antibiothérapie Si post antibiothérapie
Mycobactéries atypiques
Oui
(PCR/biopsies)
PCR CMV
Oui
biopsies coliques
Examen parasitologique Oui Oui
des selles Standard
(amibiase, giardiase)
Dépistage de la colite
Épaississement CD : aspect Épaississement
neutropénique
Échographie colique > 4 mm en double anneau > 4 mm
Gravité
Localisation évocateur Localisation
si épaisseur > 10 mm
Oui
Diagnostic micro-
biologique (virus,
Si forme grave parasite, fongique,
bactérien)
Endoscopie digestive Si forme grave Diagnostic différentiel Si forme grave
Sauf si suspicion CD (GvH, MICI)
(inutile)
Sauf si colite neutro-
pénique (risque de
perforation)
CD : Clostridioides difficile ; GvH : maladie du greffon contre l’hôte ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin
CMV : cytomegalovirus.
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typhoïde (S. typhi), il existe une fièvre à 40°C, une infections à CD. Les patients hospitalisés pour une
atteinte neurologique avec obnubilation, somnolence, poussée de MICI ont un risque très augmenté de
prostration (tuphos signifie torpeur en grec), et une présenter une infection à CD par rapport aux autres
diarrhée non sanglante. Les hémocultures sont patients [15]. L’ensemble du cadre colique peut être
positives dans plus de 10 % des cas, avec un risque touché [16].
de localisations à distance (méningite, endocardite, Le diagnostic est évoqué devant une diarrhée non
arthrite). Le diagnostic est porté sur les hémocultures, sanglante, dans un contexte d’antibiothérapie récente.
les biopsies, la coproculture. Les formes non typhi L’échographie colique peut mettre en évidence un
sont en général associées au contexte de TIAC. épaississement important de la paroi colique avec
La salmonellose est une pathologie à déclaration un aspect en « double anneau » [8]. Le scanner peut
obligatoire. montrer un épaississement important de la paroi,
• Shigella : Entérobactérie (Bacille gram négatif). avec une prise de contraste intense de la muqueuse
Incubation de 6 heures à 9 jours. Diarrhée aqueuse et de la sous-muqueuse, réalisant parfois un aspect
(Shigatoxine) puis dysentérie. Tableau volontiers évo- en « accordéon » [17]. Le diagnostic est confirmé par
cateur d’une poussée de RCH, devant la fréquence la mise en évidence de l’agent pathogène dans les
de l’atteinte rectosigmoïdienne et la fréquence des selles (expression de la glutamate deshydrogénase)
rectorragies. et par la mise en évidence de toxine A ou B dans
• Yersinia : Bacille gram négatif. Tableau volontiers les selles (technique ELISA ou PCR). Il n’est pas
évocateur d’une poussée de maladie de Crohn, ou nécessaire de réaliser une coloscopie, qui mettrait
d’un syndrome appendiculaire chez le sujet jeune, en évidence la présence de fausses membranes [18].
devant la fréquence de l’atteinte iléocolique droite. Le risque évolutif est la colite fulminante associant
• E. coli : Entérobactérie (Bacille gram négatif). On une colectasie (colon gauche ou transverse supérieur
recherchera le type (entéropathogène, entérotoxi- à 6 cm de diamètre) et un état de choc. Dans une
nogène, entérohémorragique, entéroinvasif), en série rétrospective comparant 115 CPM d’évolution
particulier devant l’existence d’une microangiopathie simple et 50 CPM d’évolution défavorable (choc,
thrombotique évoquant un SHU (E coli O157 : H7). colectomie, ou décès) Valiquette et al. ont identifié
Le SHU typique sera évoqué devant une anémie 5 facteurs pronostiques défavorables : immunodé-
hémolytique mécanique (présence de schizocytes), pression, albuminémie < 20 g/L, leucocyte > 30 G/L,
associée à une thrombopénie profonde, et à une épanchement pleural, épaisseur de paroi colique
insuffisance rénale aiguë, débutant quelques jours > 15 mm [16]. La pancolite, la colectasie, et l’épaisseur
après la diarrhée. de paroi portant sur plusieurs segments semblent
Même en contexte communautaire, C difficile et être associées à des évolutions défavorables [19].
K oxytoca seront recherchés en cas de diarrhée post- La thérapeutique est basée sur l’antibiothérapie par
antibiothérapie ou de signes de gravité. vancomycine par voie orale (125 mg X4/j) [20]. Il n’y
a plus de place pour le traitement par metronidazole
Entérocolite bactérienne nosocomiale per os pour les colites à CD en réanimation. Une
alternative est la fidaxomicine par voie orale. En cas
Il s’agit principalement des entérocolites post-antibio- d’évolution vers une forme grave, l’antibiothérapie par
thérapie, en général de type colites pseudomembra- vancomycine per os doit être augmentée à 500 mgX4/j
neuses (CPM). et associée à du metronidazole voie IV (500 mgX3/j).
• Clostridium difficile a été reclassé en Clostridioides Les lavements de vancomycine (500 mgX4/j) sont
difficile (CD) en 2016. indispensables si la voie orale est impossible notam-
Il s’agit d’un bacille Gram négatif anaérobie sporulé. ment en cas d’iléus [21]. Il conviendra dans la mesure
La pathogénicité de CD est liée à la sécrétion des du possible d’arrêter les antibiotiques en cause dans
toxines A et B. l’infection à CD, ainsi que les inhibiteurs de la pompe
L’infection à CD représente la première cause à proton. Les ralentisseurs du transit sont proscrits.
diarrhée nosocomiale chez l’adulte, 15-25 % des La prise en charge des formes graves est médi-
diarrhées post-antibiotique, 95 % des colites pseu- cochirurgicale, la colectomie est parfois nécessaire.
domembraneuses. • Klebsiella oxytoca.
Les facteurs de risque sont l’exposition préalable à Cette bactérie est également impliquée dans les
une antibiothérapie, mais aussi possiblement l’expo- diarrhées post-antibiothérapie. Contrairement à CD,
sition aux IPP, la baisse de l’acidité gastrique pouvant la diarrhée, est volontiers sanglante. Les biopsies
favoriser le développement de l’agent pathogène. coliques peuvent aider à confirmer le diagnostic
Environ 5 % des poussées de MICI sont en fait des [4, 22] .
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Entérocolite chez le patient immunodéprimé du virus sur des biopsies coliques (PCR CMV positive
et recherche d’un effet cytopathogène avec inclusion
• Toutes les causes impliquées chez l’immunocom- en œil de hibou), et par la mise en évidence d’une
pétent sont possibles chez l’immunodéprimé. virémie à CMV par PCR. La thérapeutique repose
sur le Ganciclovir par voie intraveineuse.
• Entérocolite neutropénique • Autres causes à rechercher chez l’immunodéprimé
L’entérocolite neutropénique, ou « typhlite », est une On recherchera des arguments pour une infection
atteinte colique d’origine infectieuse (bactéries et/ à mycobacterie atypique ; en dehors du CMV, pos-
ou candida), favorisée par des lésions coliques (en sibilité d’infection virale à HSV recherchée par PCR
général toxicité digestive de la chimiothérapie), et sur les biospies coliques ; infections parasitaires à
par la neutropénie profonde et prolongée [23]. La protozoaires, se présentant plutôt sur une forme de
colite neutropénique est en grande majorité locali- diarrhée chronique ; infections fongiques invasives,
sée à droite, mais peut toucher l’intégralité du colon notamment candidoses [5] et mucormycoses [6].
(Figure 2). Dans la grande majorité des cas la colite
neutropénique complique une leucémie aiguë myé- Entérocolite de retour d’un voyage en zone tropicale
loïde ou un lymphome, plus rarement une tumeur
solide ou un myélome [24]. Au retour d’un voyage en zone tropicale, il conviendra
Le diagnostic est évoqué devant l’association d’une de réaliser un EPS à la recherche d’une amibiase ou
douleur abdominale fébrile en fosse iliaque droite ou d’une giardiase. L’amibiase est la plus grave et la plus
du flanc droit, avec une diarrhée, et une neutropénie répandue des colites infectieuses parasitaires. Pos-
profonde < 0.1 G/L. On cherchera alors la confirmation sibilité d’évolution vers une perforation colique, et de
d’une colite, éventuellement par la réalisation d’une localisations hépatiques à type d’abcès par diffusion
échographie à la recherche d’un épaississement du parasite à travers la muqueuse colique vers la cir-
de la paroi colique > 4 mm [10], mais surtout par la culation porte. Confirmation sur l’EPS par coloration
réalisation d’un scanner abdominopelvien. Il n’est pas et PCR, également possible sur les biopsies coliques
recommandé de réaliser de coloscopie pour confirmer (mise en évidence du parasite dans la paroi). Le scanner
le diagnostic du fait du risque élevé de perforation montre typiquement une atteinte aux deux extrémités
colique [23]. du colon, rectale et caecale [26]. Le traitement repose
La thérapeutique est basée sur l’antibiothérapie sur le metronidazole.
à large spectre à visée digestive (par exemple pipe-
racilline-tazobactam ou carbapénème, selon les
résultats connus de bactériologie) et éventuellement
un traitement par caspofungine en cas d’atteinte
associée du grêle, facteur de risque de candidose
invasive.
Le risque évolutif est la perforation colique et la
péritonite qui doivent être traitées de façon non spéci-
fique, de la même manière que chez les patients non
neutropéniques. Un épaississement de paroi colique
> 10 mm est associé à une évolution défavorable et
une surmortalité [9].
• Colite à CMV
La colite à CMV doit être évoquée devant une
diarrhée survenant chez un patient présentant une
immunodépression portant sur les lymphocytes T
(corticothérapie, immunosuppresseurs…), mais peut
également survenir chez les patients immunocom-
pétents. Ainsi, chez l’immunocompétent, l’atteinte
colique est la plus fréquente des atteintes liées au
Figure 2 - Orientation diagnostique initiale selon la topo-
CMV, suivie de l’atteinte encéphalique [25]. Chez le
patient greffé sous immunosuppresseurs, le princi- graphie de l’atteinte colique.
pal diagnostic différentiel est la GvH digestive, qui Une atteinte iléocaecale isolée, ou limitée au rectosigmoïde, est
implique souvent d’autres organes (foie, peau…). Le évocatrice de certaines pathologies ou agents pathogènes.
diagnostic est porté sur la confirmation de la présence
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