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Groupe 2 :
Le rapport entre philosophie et Islam dans le
Discours décisif
Averroès (1126-1198)
Présenté par :
BITOTE Pascale
GUERDJINE Marie-Noëlle
NGOMOYO-GOLI Doris Charlène
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SOMMAIRE
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 5
D’ACTUALISATION .............................................................................................................. 18
CONCLUSION ........................................................................................................................ 29
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 30
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INTRODUCTION
Apparu au XVe sous la plume de l’humaniste Giovanni Andrea, le terme moyen-âge désigne la
période la plus longue de l’histoire de la philosophie présentée, très souvent et de façon
tronquée comme étant une période de synthèse entre la philosophie antique et le christianisme.
Or, au cours de cette période, il s’est aussi développé une philosophie juive et musulmane,
aussi bien en Orient qu’en Occident. Ce rapport de confrontation entre la philosophie antique
et l’Islam s’est retrouvé sous son inspiration dans christianisme.
En continuité avec les interrogations des Anciens qui cherchaient l’archè, le principe premier
qui faisait l’unité cosmique dans la nature, les médiévaux, partant de cette nature, ont plutôt
orienté leur recherche vers un absolu, un être transcendant, de qui tout procède et vers qui tout
converge, un être qui serait responsable de tout ce qui est, existe et vit. Dès lors, les médiévaux
vont se heurter à la philosophie qui, dans la mouvance d’un monde en pleine effervescence
intellectuelle, était considérée comme une connaissance supérieure, un savoir encyclopédique
à qui rien n’échappe et qui s’intéresse à tout : Dieu, le cosmos, l’homme etc. D’où la naissance
du conflit entre foi et raison, entre philosophie et religion. Cette grande confrontation va
s’effectuer dans toutes les religions monothéistes de l’époque. Mais nous allons nous intéresser
à celle qui a eu lieu dans l’Islam avec l’un de ses précurseurs. Averroès philosophe musulman,
en est un. Il s’est penché sur la question, en essayant d’établir un rapport entre les deux. A la
lumière du Coran et à travers son ouvrage le Discours décisif, il a essayé de montrer une
certaine conciliation entre foi et raison, entre philosophie et Islam et « de fonder en droit
l’existence du philosophe dans la cité musulmane » 1 d’Andalousie qui est la sienne.
L’extrait dudit texte, en ses pages 79 à 92 qui fait l’objet de notre étude, pose le problème de la
Loi révélée face à l’acte de philosopher. Autrement dit, la loi révélée est-elle favorable à l’acte
de philosopher ? Quel statut lui octroie-t-elle ? Et quelle est la relation qui pourrait exister
entre les deux ? Pour Averroès, la Loi révélée est favorable à l’acte de philosopher et l’inscrit
comme une obligation pour le musulman qui en est apte. Pour répondre aux questions sus-
évoquées, notre argumentation s’organisera en trois mouvements. Partant d’un survol
biographique de la vie d’Averroès et des thèmes majeurs qu’il aborde, nous ferons une analyse
graduelle de sa pensée, puis, nous ressortirons les implications de sa philosophie, avant
d’entreprendre une tentative d’actualisation.
1
Averroès, Islam et la raison, Paris, Flammarion, 2000, p.79.
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I. BIOGRAPHIE ET THEMES MAJEURES D’AVERROES
Combien de fois n’avons-nous pas dit que la vie d’un individu et ses idées sont intimement
liées ? Celle d’un philosophe et sa pensée le sont encore plus. Alors, pour pénétrer la teneur
épistémique d’une philosophie afin d’en faire une herméneutique juste, il nous semble
nécessaire, à travers un envol heuristique, d’aller à la découverte de l’auteur de cette
philosophie, en l’occurrence Averroès, pour mieux connaitre sa vie. C’est pourquoi, dans cette
première partie de notre travail, nous allons successivement effectuer un panorama sur la vie
d’Averroès, donner le contexte de rédaction et d’émergence de son ouvrage le Discours décisif
avant de faire ressortir les différentes thématiques qu’il aborde dans son œuvre.
A la fois Juriste, médecin et théologien du XIIe siècle, Averroès, de son vrai nom AbuIWalid
Muhammad bin Amad bin Rushd, ou simplement Ibn Rushd, est aussi un philosophe
musulman de langue arabe né le 14 Avril 1126 à Cordoue en Espagne, dans une grande famille
très connue et respectée de Cadis (juges), de tradition Malékite en Andalousie. Il naît dans une
période trouble marquée par la prise du pouvoir des Almohades2, occasionnant ainsi le déclin
des Almoravides3 avec lesquels la famille d’Averroès avait une certaine proximité. De « son
enfance on ne sait absolument rien »3 comme le dit Dominique Urvoy, l’un de ses biographes.
Cependant, nous savons qu’une formation solide acquise auprès de différents maîtres a fait
d’Averroès un génie aux connaissances étendues. Il commence sa formation avec l'étude du
Coran. Ensuite il va suivre des cours de grammaire, de poésie, d'écriture et de mathématiques
pour avoir quelques rudiments en calcul. Il étudiera aussi la physique, l'astronomie et la
médecine avec Avenzoar, avant d’entreprendre des études de philosophie auprès d’Ibn Bajja
qui l’initia à l’aristotélisme et le droit sous la direction d’Abu J’afar Haroon. Après une bonne
formation religieuse, il est initié à la jurisprudence musulmane par son père qui était lui-même
juge à Cordoue afin que le religieux et le juridique ne soient pas dissociés.
2
Dynastie berbère et musulmane qui règne sur le Maghreb et la péninsule Ibérique de 1147 à 1269 3
Dynastie berbère qui règne du XIe siècle au XIIe siècle, sur le Sahara, une partie du Maghreb et de la
péninsule Ibérique
3
Dominique Urvoy, Averroès : les ambitions d’un intellectuel, Paris, Flammarion, 1998, p.51.
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Averroès fut influencé par la philosophie d’Aristote, dont il en fut l’un des plus grands
commentateurs et celui qui chercha le plus, parmi les médiévaux, à retrouver ses écrits
originaux. Taxé d’hérétique par les tenants de l’orthodoxie religieuse de la religion musulmane
qui lui reprochaient de déformer les préceptes de la foi, ses livres seront brûlés, à l'exception
de ses ouvrages relatifs à la médecine et à l’astronomie. Bien qu’il n’ait pas eu de postérité
immédiate dans le monde musulman, il fut cependant très estimé des scholastiques qui
l’appelaient le « commentateur du philosophe » et pour lequel ils avaient une vénération
commune. Toutefois, il sera critiqué par Thomas d’Aquin et les néoplatoniciens de Florence,
qui lui reprocheront sa conception négative au sujet de l’immortalité de l’âme et de la pensée
de l’âme individuelle au profit d’un intellect unique qui active en tout homme des idées
intelligibles.
En tant que médecin influent et homme de principes, Averroès va échapper pour un temps aux
ennuis que lui valent ses prises de position philosophiques et son scepticisme religieux. Mais,
en raison de ses idées audacieuses auxquelles il est véritablement attaché, il va tomber en
disgrâce vers 1195 et devoir s’exiler pour vivre dans la clandestinité, écartée de son travail.
Plus tard, il sera rappelé à Marrakech au Maroc où il sera emprisonné, même si, peu de temps
avant sa mort, survenue le 12 décembre 1198, alors âgé de 72ans, il connaîtra un retour en
grâce. Ses cendres seront ramenées à Cordoue.
Nous pouvons constater que ce n'est ni comme juriste ni comme médecin qu'Averroès fut
connu du monde latin, mais comme "Commentateur" d'Aristote. Les sources de sa pensée sont
de deux ordres. D’une part, la philosophie d’Aristote par laquelle il voudrait éliminer les
interprétations passées faites par les musulmans ou les Grecs, et, d’autre part, l'Islam et son
livre saint le Coran.
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2. Contexte historique de rédaction et d’émergence du Discours décisif
Environ 557 ans après la naissance de l’Islam4, l’une des trois religions monothéistes à
l’époque médiévale, fondée par Mohamed-sur lui soit la paix-, lequel est considéré comme le
dernier prophète qui prône la soumission confiante et totale à Allah-exalté soit-il-. C’est une
religion simple, sans clergé qui enseigne que l’accession au paradis repose sur le respect de
cinq obligations, en référence aux cinq « piliers de l’Islam », contenu dans le Coran, le livre
sacré révélé directement au prophète Mohammed-sur lui soit la paix-, par l’ange Gabriel au
VIIe après Jésus-Christ. Ce dernier, en affirmant qu’il transmettait une parole révélée par Dieu
par l’entremise de son ange, affirmait ainsi détenir les paroles les plus sacrées, sur lesquelles il
valait mieux fonder son amour en Allah-exalté soit-il- et lui demeurer fidèle.
Pour cela, il ne fallait en aucun cas réfléchir sur cette loi révélée, mais plutôt l’accepter telle
quelle et y adhérer totalement. C’est face à ce dogmatisme qu’Averroès, alors grand cadi de
Séville, va écrire certains ouvrages. Nous avons le Discours décisif dans lequel « il s’agit de
fonder en droit, l’existence du philosophe dans la cité andalouse du XII e»5, et dont le rôle
serait de concilier philosophie et religion. Il y a également le Dévoilement des méthodes de
démonstration dogmatique ainsi que l’Incohérence de l’incohérence, dans lequel il adresse des
critiques à Al Ghazali.
Concernant son œuvre Le discours décisif qui constitue l’objet de notre étude et dans lequel il
met l’accent sur la nécessité pour les savants de pratiquer la philosophie et d’étudier la nature
créée par Dieu, Averroès y soulève aussi la problématique d’un possible dialogue qui soit
authentique entre philosophie et Islam, même si l’on suppose par définition que seule la Loi
venant de Dieu lui-même, contient la vérité intégrale. Interdisant à tout croyant musulman de
renoncer, voire nier la sacralité du Coran, considéré comme un texte sacré, il les encourage à y
trouver un sens spirituel au-delà des éventuelles erreurs ou contradictions qu’il pourrait avoir
dans le sens littéral de certains passages. Par exemple, on ne peut croire avec un esprit
scientifique au sens littéral de la création7 qui affirme que Dieu a fait le monde en six jours et
s’est arrêté le septième ; cela requière une interprétation en vue d’une bonne compréhension ;
d’où la nécessité de la philosophie.
4
Dont le début est marqué par l’Hégire en 622.
5
Averroès, op. cit., p.79.
7
Cf. Coran VII, 52
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Averroès pourra-t-il dans sa démarche apporter des solutions adéquates pour un croyant
musulman ? Pourra-t-il lui octroyer un espace pour accepter la science quelle que soit les
découvertes susceptible de le conduire à des hérésies ? Telles sont les questions auxquelles
Averroès s’est attelé à répondre dans Le discours décisif.
Le discours décisif, de son titre original fasl al maqal est l’œuvre soumise à notre étude. Pour
cela nous avons utilisé l’œuvre intitulé Averroès, L’Islam et la raison publiée en 2000 aux
éditions Flammarion, traduit par Marc Geoffroy et présentée par Alain de Libéra. Dans cette
œuvre, il s’agit d’une anthologie de textes juridiques, théologiques et polémiques et des
extraits de texte choisis dans Le discours décisif, Le Dévoilement des méthodes de
démonstration dogmatique et sur l’Incohérence de l’incohérence trois ouvrages écrits par
Averroès.
Dans Le discours décisif, Averroès voulait démontrer une certaine connexion entre la
philosophie et la révélation. En fait, il voulait donner une justification concernant la nécessité
d’une interprétation philosophique du coran, montrant ainsi le caractère obligatoire de l’acte de
philosopher qui n’est cependant pas l’apanage de tous, mais de ceux qui sont aptes à s’y
adonner, c’est-à-dire les savants comme il les appelle. Il profite pour réclamer un certain statut
social pour la pratique de la philosophie qui sera garanti par le pouvoir, entendu comme
gouvernement établi, tout en plaidant également pour qu’il ait une séparation radicale entre
philosophie et société.
Le droit musulman fixe les statuts d’un acte humain au nombre de cinq à savoir : « le permis,
l’obligatoire, le recommandé, le blâmable et l’interdit »6. Dans le Discours décisif Averroès
s’investit à rechercher lequel de ces statuts conviendrait à l’acte de philosopher dans son
rapport avec la religion musulmane. Il veut alors démontrer que, bien qu’étant de l’ordre du
recommandé, la philosophie est davantage une obligation, notamment pour le savant, le fidèle
capable de raisonner, à qui il est donné de comprendre et d’interpréter certaines sourates du
coran. On peut donc dire que le Discours décisif s’adresse à un public cultivé de son époque,
pour lui rappeler le devoir qui est le sien vis-à-vis de la philosophie. Il s’adresse
particulièrement aux juristes malikites, aux théologiens ash’arites et au dépositaire du pouvoir.
Notons qu’à ce moment, Averroès jouissait d’une certaine renommée lui attirant une certaine
6
Averroès, op. cit., p.80.
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considération de la part des autorités et du peuple. La valeur de la raison dans l’islam est la
thématique centrale autour de laquelle s’articule la fatwa d’Averroès. Il est question de «
rechercher dans la perspective de l’examen juridique, si l’étude de la philosophie et des
sciences de la logique est permise par la Loi révélée, ou bien condamnée par elle, ou bien
encore prescrite, soit en tant que recommandation, soit en tant qu’obligation »7. D’après Alain
de Libéra dans son introduction du Discours décisif, il présente les trois parties de
l’argumentation d’Averroès.
Dans la première partie il procède à un exposé de la thèse d’Averroès selon laquelle, l’acte de
raisonner est permis par l’islam parce qu’il permet de connaitre ; puisque, tout musulman a le
devoir de comprendre les fondements de sa foi. Cependant, seuls ceux qui ont la capacité de
raisonner par la démonstration sont invités, voire obliger par le coran à philosopher. Voilà
pourquoi dans le premier paragraphe, il présente d’un point de vue juridique la question de
l’activité philosophique vis-à-vis de la loi coranique qu’il va tenter de justifier de façon précise
dans les paragraphes 2-17.
Dans la seconde partie (des paragraphes 18 à 48), il propose une réponse concernant les
objections adressées à l’acte de philosopher qui, selon celles-ci serait en nette discordance
avec le Coran ou à cause de sa tendance à susciter des interprétations du Coran qui pourrait
s’avérer erronées, et pouvant entrainer certaines dérives.
C’est pourquoi, dans la troisième partie regroupant les paragraphes 49 à 72, bien que conscient
de ces dérives, Averroès examine les conséquences religieuses et sociales de sa fatwa sur tout
lecteur musulman du Coran, et même les répercutions politique que cela pourrait engendrer,
obligeant une certaine intervention du pouvoir pour ramener le calme.
A travers ce que dit la Loi sur le « statut de la philosophie », la « Loi révélée » considérée
comme une économie de la vérité et la gestion politique de cette Loi musulmane, Averroès
cherche à démontrer dans notre opuscule l’importance de la philosophie et son caractère
obligatoire pour les savants musulmans. Voilà les différents thèmes réunis sous les expressions
de Loi révélée et acte de philosopher que nous allons aborder dans la suite de notre travail.
7
Idem.
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II. LA LOI REVELEE ET L’ACTE DE PHILOSOPHER
Cet ouvrage, dont la présentation a été faite dans la première partie, repose sur le possible
rapport qui peut exister entre philosophie et l’Islam. En effet, Averroès l’un des philosophes
musulmans de son époque, s’intéressant à cette question, a essayé d’établir ce rapport qui
existe entre les deux. Ainsi, s’inspirant du Coran, il va à travers son ouvrage le Discours
décisif tenter une certaine conciliation entre foi et raison, entre philosophie et Islam et essayer
« de fonder en droit l’existence du philosophe dans la cité musulmane » 8 d’Andalousie. Alors
dans cette seconde partie nous verrons les différentes thématiques qu’il aborde pour soutenir
son argumentation.
D’entrée de jeu, Averroès, se référant constamment aux raisonnements des fuqaha dès les
lignes liminaires de son topo et tout au long de son argumentation, cherche à montrer «si
l’étude de la philosophie et des sciences de la logique est permise par la Loi révélée, ou bien
condamnée par elle, ou bien encore prescrite, soit en tant que recommandation, soit en tant
qu’obligation »9. En d’autres termes, il voudrait faire ressortir le statut que le coran devrait
octroyer à l’étude de la philosophie et des sciences de la logique. Cela pose la question d’un
possible rapport entre foi et raison, entre philosophie et religion islamique que certains
philosophes ou théologiens musulmans avaient déjà envisagé. S’inscrivant dans cette lignée,
Averroès avec une façon particulière va tenter de prouver qu’il est possible d’effectuer une
certaine conciliation entre Philosophie et Religion, et justifier la nécessité pour le musulman
de recourir à la réflexion et à la spéculation intellectuelle en vue de pénétrer le sens abstrait de
la Loi révélée. Aussi, il le fait en tant que bon musulman et au nom de sa formation de juriste.
Mais comment procède-t-il ?
C’est par une présentation très habile, lui donnant de prendre la mesure des résistances
auxquelles il devra faire face qu’il commence par se présenter comme juriste musulman et
comme juge très équitable avant d’exposer la raison qui l’a amené à produire son ouvrage.
Pour lui, « La philosophie ne contredit pas la loi divine qui appelle à étudier rationnellement
8
Averroès, op. cit., p.79.
9
Ibidem, p. 80
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les choses : on doit "unir le rationnel et le traditionnel»10. En bon aristotélicien, il estime que
rien dans la philosophie d'Aristote, si elle est bien comprise, ne saurait contredire le Coran. Il
s'explique en montrant que "le vrai ne peut contredire le vrai". Autrement dit, la philosophie
qui est recherche de la vérité par la raison, ne saurait aller à l’encontre du Coran qui est la
vérité même, révélée par Dieu. Or, si nous considérons la révélation comme vérité, elle ne
devrait cependant pas craindre la philosophie qui s’est engagée dans la recherche de cette
vérité bien qu’elle le fasse sur le plan rationnel. C’est ce que pense Averroès qui, se référant à
l’un des signes de vérité de la loi révélée, montre comment elle émet de constants appels à la
connaissance, lorsqu’il s’agit de l’interprétation du sens intérieur du Coran, qui relève de la
compétence des hommes capables de science. Le sens extérieur quant à lui est réservé à la «
foule », à ceux qui n’ont pas la capacité d’interprétation. Averroès a une vision favorable, en
tant que philosophe d’une part, sur l’usage de la raison qui, selon lui, permet d’accéder à la
vérité et, en tant que musulman d’autre part, sur la Loi révélée contenue dans le Coran qui
annonce cette vérité. De ce fait, dans la mesure où la vérité ne peut être contraire à la vérité, la
raison et le Coran ne sauraient se contredire mutuellement.
Il utilise deux types de syllogisme. Le syllogisme juridique qui est une : « analogie à deux
termes qui est utilisé [dans le] droit musulman ; lorsqu’on dit par exemple que toute boisson
alcoolisée est interdite parce que dans le coran le vin est interdit. En arabe, ce mode de
raisonnement porte le même nom que le syllogisme à trois termes d’Aristote »12 ; et le
syllogisme rationnel tel que présenté dans l’Organon d’Aristote, qui est un mode privilégié de
démonstration, un mode de raisonnement à trois termes. L’usage de ce syllogisme lui sera
10
Idem
11
Averroès, op. cit., p. 81
12
Ibidem, p. 82
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plus tard reproché par certains, qui le considère comme un « outil païen » puisqu’étant
d’origine grecque.
Partant du fait que tout musulman est (supposé être) convaincu du caractère véridique de la
loi révélée, qui, grâce aux méthodes qu’elle utilise, arrive à faire l’unanimité au sein des
musulmans, comme le dit Averroès lui-même en ces termes « nous musulmans sommes
convaincus que cette divine Révélation (qui est nôtre) est la vérité, et que c’est elle qui éveille
et appelle à ce bonheur qu’est la connaissance de Dieu, c’est parce que cette conviction
s’établit pour chaque musulman par la méthode propre à produire son assentiment déterminé
par la nature de chacun »13. En cela Averroès distingue trois différents niveaux
d’assentiments ou d’adhésions à la Loi révélée, lesquels sont nécessaires pour que le Coran
soit communément admis par tous ses fidèles. C’est ce que nous verrons dans le sous point
qui suit.
Ces trois niveaux d’assentiments renvoient aux trois types d’arguments hérités de la logique
aristotélicienne et correspondent également aux trois classes d’esprits dans la société
musulmane. Ce qui donne lieu à une sorte d’hiérarchisation ou d’« élitisme [qui] est motivé
par une réalité sociale de fait : tous les hommes ne sont pas capables, à cause de leur «
dispositions innées », ou par défaut d’éducation, d’appréhender la vérité démonstrative […]
il s’agit [aussi] de se conformer au dessein de la révélation, qui a instauré cette « économie
de la vérité » pour le bien général »14. Bref, cela permet à la Loi révélée de transmettre le
message du salut à toutes les couches sociales, prenant soin d’utiliser à chaque fois le langage
qui sied au public auquel elle fait face. Nous avons donc, les arguments démonstratifs,
dialectiques et rhétoriques.
13
Ibidem, p.88
14
Ibidem, p.89.
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Coran et d’apporter une juste interprétation de certaines contradictions apparentes. Ceux-ci
sont capables de le faire à cause de leur capacité à pouvoir construire et comprendre les
syllogismes rationnels sans l’intermédiaire d’images ou d’opinions courantes.
L’assentiment rhétorique est celui de l’opinion qui séduit par ses atouts émotionnels qui, sont
l’effet de la poésie et des images utilisées dans le Coran, pour présenter les vérités de celui-ci
à la foule en vue de susciter son adhésion. Dans ce langage poétique et imagé, il y a selon
Averroès, plus de vérité accessible pour la foule que dans les discours dialectiques et même
les connaissances acquises par la démonstration. L’argument dialectique, quant à lui, est
l’apanage des théologiens, qui sont aussi aptes aux raisonnements démonstratifs et capable
d’aller au-delà du sens obvie du texte révélé. Il consiste comme le rappelle Ali Benmakhlouf
dans son ouvrage Le Vocabulaire d’Averroès à peser le pour et le contre.
Au demeurant, les affirmations coraniques, étant donné leur caractère véridique sont donc
démontrables, et l’acte de « philosopher est une obligation »15. Ainsi, c’est à l’homme de
science et plus particulièrement au philosophe qu’incombe la tâche de lire et de comprendre
le Coran par la méthode démonstrative, afin de proposer une interprétation adéquate et
accessible à toutes les couches sociales. Aussi, Averroès reconnait-il la spécificité de
l’inspiration du Coran et insiste d’ailleurs sur le fait que ce miracle échappe par définition à la
raison. Mais, pour lui, la loi révélée est parfaitement accessible à la raison et est une forme de
programme pour le développement de la connaissance rationnelle.
15
Ibidem, p.79.
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utilise l’image d’un médecin16. Pour lui ce n’est pas parce qu’un médecin a failli à son métier
qu’il faut incriminer la médecine. La pratique de la philosophie est d’une nécessité pour la
compréhension de la Loi révélée, alors interdire l’étude de la philosophie aux personnes
aptes, sous prétexte qu’elle aurait égaré certaines serait comme interdire à une personne
assoiffée de boire de l’eau fraiche et de profiter de son goût agréable au motif que d’autres en
buvant ont suffoqué et en sont morts. Les propriétés désaltérantes de l’eau sont essentielles,
tandis que ses propriétés de suffocation ne sont qu’accidentelles. Autrement dit, « la mort que
l’eau produit par suffocation est d’ordre accidentel tandis que celle [qui est] causée par la
soif est d’ordre essentiel et nécessaire [du fait qu’elle est inévitable] »17.
Nous nous sommes appesantis sur les trois niveaux d’adhésions à la foi musulmane qui
correspondent aux trois classes d’esprits, selon Averroès. Nous savons que ce dernier a émis
des arguments qui justifient son avis favorable quant à l’acte de philosopher et du statut que
lui accorde la Loi révélée. Ainsi, nous allons nous intéresser à ce que dit concrètement la Loi
révélée sur le statut qu’elle octroie à l’acte de philosopher.
Selon Averroès, nombreux sont les versets coraniques qui démontrent le caractère favorable
de l’islam à l’acte de philosopher. Il en cite quelques-uns pour illustrer son propos : «
"Réfléchissez donc, ô vous qui êtes doués de clairvoyance"18, […] « Que n’examinent-ils le
royaume des cieux et de la terre et toutes choses que Dieu a créées »19, […] "N’ont-ils point
examiné les chameaux, comment ils ont été créés ? Et le ciel, comment il a été élevé ?"»20.
Plus qu’une invitation, à l’exercice de la raison, il s’agit d’une obligation, au regard du temps
impératif auquel certains verbes sont conjugués. Ils laissent donc transparaitre explicitement
cette invitation et implicitement cette obligation à faire usage de la raison, de la réflexion sur
la création, le créateur, et donc sur la Loi révélée dans son ensemble, pour mieux la
comprendre. L’usage récurrent des verbes « réfléchir » et surtout « examiner » nous le montre
à suffisance. Elle reconnait aussi l’existence des hommes d’une certaine clairvoyance à qui
incombe cette tâche.
16
Cf. Ibidem, p.90.
17
Ibidem, p.84.
18
Coran, LIX, 2 (traduit par Averroès)
19
Coran, VII, 185 (traduction par Averroès)
20
Coran, LXXXVIII, 17-18 (traduit par Averroès)
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D’après Averroès, ces versets coraniques, sans avoir besoin d’aller au-delà du sens obvie,
nous montre que le sens spirituel du Coran, loin de s’opposer à l’usage de la philosophie y
encourage plutôt. Ceci étant, de la même façon qu’en contemplant un objet fabriqué, on
apprend à connaitre l’art d’un artisan, la loi révélée invite les savants à faire usage de la
raison pour parvenir à une connaissance des choses du monde et par la même occasion à la
connaissance de Dieu, qui en est l’Artisan. Elle est par conséquent favorable à l’acte de
philosopher, puisqu’elle invite impérativement le fidèle à réfléchir, afin de donner une
réponse rationnelle à son adhésion. Ce qui précède, nous fait donc affirmer avec Averroès
que « la
Révélation déclare obligatoire l’examen des étants au moyen de la raison et la réflexion sur
ceux-ci »21.
Par ailleurs, réfléchir n’est rien d’autre qu’extraire l’inconnu du connu, au moyen du
syllogisme , ce qui oblige donc le musulman à recourir au syllogisme rationnel, comme il le
fait lui-même, lorsqu’il dit : « Si l’acte de philosopher ne consiste en rien d’autre que dans
l’examen rationnel des êtres et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu’ils constituent la
preuve de l’existence de l’Artisan, si la Révélation recommande bien aux hommes de
réfléchir sur les êtres, et les y encourage, alors, il est évident que l’activité désignée sous ce
nom [de philosophie] est, en vertu de la Loi révélée, soit obligatoire, soit recommandée » 22.
En d’autres termes, "si la philosophie est une façon logique de prouver que Dieu existe en
réfléchissant sur l’univers, et si le Coran encourage à réfléchir sur l’univers, alors, il est bon
de philosopher". Il est important de voir la forme logique du raisonnement d’Averroès qui
correspond à un syllogisme tel que l’a défini Aristote.
De surcroit, le verset coranique dans lequel Allah-exalté soit-il-, dit au prophète-paix soit sur
lui-: « appelle les hommes dans le chemin de ton Seigneur, par la sagesse et par la belle
exhortation ; et dispute avec eux de la meilleure manière » 23, confirme après l’interprétation
d’Averroès que, non seulement l’existence de ces classes d’hommes et des niveaux
d’adhésions est admise par le Coran, mais aussi, et par conséquent, que le philosopher est
inhérent à la loi révélée. En effet, c’est ainsi qu’Averroès l’interprète à partir de la
formulation arabe du mot « la sagesse » signifiant « la philosophie », qui renvoie à
21
Averroès, Op. cit., p. 82.
22
Ibidem, p. 81.
23
Coran, XVI, 125 (traduit par Averroès)
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l’argument démonstratif, tandis que « la belle exhortation » correspond à la rhétorique et le
verbe « disputer » renvoie à « al-jadal » c’est-à-dire à la dialectique.
Suite aux dispositions coraniques qui nous permettent d’affirmer avec Averroès le caractère
favorable du Coran vis à vis de l’acte de philosopher, nous nous demandons comment et dans
quelle mesure être à la fois « philosophe et croyant ». Autrement dit, quelle cohabitation
possible entre l’indéniable « cogito ergo sum » et l’invérifiable « credo ergo sum » ?
24
Averroès, Op. cit., p.83.
25
Al Ajamî, « Que dit vraiment le Coran : Foi et raison », in https : //www.alajami.frindex.php/2018/04/20/
foiet-raison-2/, consulté le 14 Mars 2020, à 20h15 min
26
Averroès, Op. cit., p. 86
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III. IMPLICATION DE LA PENSEE D’AVERROES ET TENTATIVE
D’ACTUALISATION
Apres avoir exposé, dans la deuxième partie de notre travail, un compte rendu de l’œuvre, du
moins des extraits du Discours décisif, objet de notre étude, nous allons faire ressortir les
différentes réactions qu’une telle pensée d’Averroès a pu susciter dès son contact avec le
public. Pour cela, nous allons relever quelques mérites que nous avons trouvé dans cette
pensée d’Averroès ; ensuite, exposer les dérives que cela pourrait susciter et les critiques qui
lui ont été adressées et dans une analyse personnelle, nous adresserons nos propres critiques
suivie d’une tentative d’actualisation.
Averroès a le mérite d’avoir ouvert une brèche dans l’Islam pour faire cohabiter foi et raison,
permettant ainsi à la philosophie d’éclairer la Loi révélée, afin de garantir une meilleure
adhésion. Cette pensée du Cordouan ô combien riche, n’a pas qu’été bénéfique pour la
religion musulmane, elle l’a plus été pour les fidèles chrétiens qui, à l’époque de la
Renaissance l’on conduit à ses lettres de noblesse, environ quarante ans après sa mort. En
effet, l’influence postérieure de la philosophie d’Averroès sur l’occident a été considérable
comme celle d’Aristote s’imposant à travers Thomas d’Aquin dans la pensée catholique.
Averroès éclipsait peu à peu tous ses prédécesseurs arabes et, tout en étant combattu pour ses
idées hétérodoxes, il était largement utilisé pour tout ce qu’il apportait dans ses commentaires
philosophiques à la compréhension d’Aristote, sans laquelle on ne peut accéder à la synthèse
philosophicothéologique de Thomas d’Aquin lui-même. Alain de Libera, spécialiste en
philosophie médiévale et traducteur des écrits d’Averroès le confirme, lorsqu’en réaction à
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ceux qui pensent que l’Occident chrétien a l’apanage de la rationalité philosophique, il
affirme que « c’est en lisant Averroès que les Chrétiens ont appris à philosopher ». Comme
pour dire que de nombreux chrétiens en particulier les scholastiques se sont inspiré de sa
pensée, lui qui était très estimé d’eux, en raison de son lien avec Aristote pour lequel tous
vouaient une vénération commune. Alain de Libera met ainsi en exergue le rôle important et
décisif des penseurs arabomusulmans et celui d’Averroès en particulier qui a déployé de
nombreux efforts pour contribuer à concilier foi et raison, tout en montrant la nécessité
impérieuse de l’usage de la raison dans la religion. Aujourd’hui, les écrits de la loi révélée
peuvent être interpréter et éclairer par la lumière de la raison. D’où le caractère toujours
actuel de la pensée d’Averroès.
Notons également que la pensée d’Averroès a eu une influence purement philosophique qui a
donné naissance à un véritable averroïsme au XIVe siècle et dans les siècles suivants, non
seulement en France mais aussi en Italie et dans d’autres pays. Il a inspiré les courants
rationalistes, réformateurs et émancipateurs, et a fait émerger l’Averroïsme, duquel se
réclame un bon nombre de philosophes médiévaux latins et juifs comme Siger de Brabant,
Boèce de Dacie, Isaac Albalag et Moïse Narboni. Un indice de cette influence durable et
répandue en Europe nous est fourni par la très belle édition latine des œuvres d’Aristote qui
fut imprimée en 1483 à Venise accompagnée de celle des commentaires d’Averroès. On peut
voir par-là combien le maître et son commentateur étaient devenus inséparables pour les
penseurs du monde latin. Sa philosophie à la Renaissance a été très étudiée à Padoue. Il est
bien clair qu’Averroès a su unifier ses convictions religieuses et philosophiques tout en
exerçant une grande activité intellectuelle de juriste et pratique de qâdî. Son expérience
d’homme de foi et la quête du philosophe sont alors indissociables. Mais, la disparition
progressive de l’Islam dans al-Andalus et l’extinction concomitante des milieux intellectuels
philosophiques et juridiques ont fait oublier presque aussitôt dans l’Islam d’Occident cette
grande figure de la pensée musulmane au Moyen Âge, sans que l’Orient, soumise au même
moment à de grands bouleversements politiques, ait pu prendre le relais.
Toutefois comme le dit Averroès une mauvaise pratique de la philosophie, dans le sens de
l’interprétation qu’elle doit fournir, pourrait conduire à des dérives et engendrer une anarchie
dans la société. C’est pourquoi, nous allons maintenant nous pencher sur quelques dérives
exprimées par Averroès suivie des critiques qui lui sont adressées.
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2. Dérives et critiques liées à la pratique de la philosophie et la réaction d’Averroès
Toute pensée philosophique élaborée sous forme de théorie et divulguée dans le champ de la
réflexion philosophique a toujours été l’objet d’appréciations diverses. Tantôt, elle est
appréciez et sert de point de départ pour l’élaboration d’une autre théorie ou pour la mise en
pratique comme cela l’a été très souvent. Tantôt, elle est critiqué soit dans son contenue soit
dans sa méthode. En tout cas, aucune pensée philosophique n’est passée inaperçu. Ainsi, celle
développée par Averroès a subit le même sort. Voilà pourquoi dans cette partie nous allons
restituer certaines critiques adressées à sa pensée. Mais avant nous allons voir les dérives
qu’elle a pu susciter.
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1. a) Les dérives liées à la pratique de la philosophie
La pratique de la philosophie en milieu musulman, surtout en ce qui concerne l’interprétation
de la loi révélée qui « comporte des énoncés de sens obvie et d’autres de sens lointain »27, a
généré un certain nombre de dérives, dont la majeure fut une double infidélité, qui a mis en
mal la religion et la société toute entière. En effet, la préoccupation primordiale d’Averroès,
fut celle de concilier la loi révélée avec la raison, à la lumière de la philosophie d’Aristote et
des interprétations du coran. Pour lui, la charge qui incombe aux gens de la démonstration et
donc aux savants qu’il assimile aux philosophes, est celle de l’interprétation des textes sacrés
en vue de retrouver derrière les images, le sens caché des vérités, et de clarifier par la même
occasion, les versets plurivoques à partir d’une compétence démonstrative. Selon Averroès, le
sens du texte sacré dépend de la méthode de lecture qui lui ait appliquée, raison pour laquelle,
cette tâche est du ressort des « hommes d’une profonde science »28.
De plus, ces interprétations ne doivent être mises à la disposition de ceux qui ne sont pas à
même de les comprendre. C’est de là que s’origine le reproche qu’il adresse à ses
contemporains, les mutazilites et les ascharites qui ont exposé un certain nombre de ces
interprétations et traditions prophétiques à « la foule ». Or, « exposer certaines interprétations
du Coran à quelqu’un qui ne peut les appréhender, en particulier les interprétations
démonstratives, en raison de la distance qui sépare celles-ci des connaissances communes,
expose les uns et les autres à l’infidélité »29. D’où le reproche d’une double infidélité.
L’infidélité religieuse dont il s’agit ici est le résultat d’une inadéquation entre la méthode
exposée et le public concerné. Car, cette interprétation ne permet pas de donner accès à un
sens susceptible d’être partagé par tous. Les pourfendeurs d’Averroès se sont donc rendus
responsables d’une double infidélité : dans un premier sens, en exposant la loi révélée et ses
interprétations, ils sont allés à l’encontre des prescriptions du législateur qui a pris soin de
préciser les règles de « l’économie de la vérité » qui doivent être respectées : « les
prescriptions du Législateur, qui a mis en place les règles de l’économie de la vérité,
s’apparentent à une médecine des âmes. Ceux qui divulguent inconsidérément des
connaissances aux patients sapent le travail du médecin dont le but est la santé des âmes »32.
De ce point de vue, ils sont donc les premiers infidèles.
27
Averroès, Op. cit., p.88.
28
Idem
29
Averroès, Op. cit., p.90.
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La seconde infidélité est celle de la foule, destinataires desdites interprétations, dont la
compréhension insuffisante ou erronée a conduit à la dénature de la loi, qui « [a] de ce fait,
précipité les gens dans la haine, l’exécration mutuelle et les guerres, [déchirant ainsi] la
Révélation en morceaux et [mettant en mal l’unité social en divisant] les hommes »30. Cela
aboutit à la naissance de différentes sectes islamiques et leurs différents adeptes qui, dans
leurs conflits permanents vont porter atteinte à la cohésion sociale, à l’intégrité de la religion
et remettre en cause la fiabilité de la Loi révélée. D’où l’impérieuse nécessité de
l’intervention du pouvoir, qui dans le but de rétablir l’ordre social, doit « combattre ce
pullulement sectaire qui au demeurant lui est aussi dommageable»31.
Il est donc question ici de protéger les classes dites inférieures du contact déstabilisant avec la
lecture du Coran de la classe supérieure qui serait à même, non seulement, de créer la
profanation de la loi révélée, mais plus encore, de rompre l’unité sociale que justement le
pouvoir a la mission d’assurer. Averroès, en expliquant l’attitude que doit adopter le pouvoir
face à de telles dérives, reprécise aussi, à la lumière de certains passages de la loi révélée,
qu’il faut faire preuve d’humilité face à ceux qui ont plus de connaissances, mais, qui ne les
vilipendent pas, dans le but de ne pas troubler ou choquer. La foule qui n’a pas accès à une
connaissance démonstrative suffisante, ne doit en aucun cas s’intéressée aux passages de la
loi révélée dont l’ambiguïté est parfois si évidente. C’est la reconnaissance de la possibilité
d’un savoir supérieur et le culte de son respect qui doit animer l’acte de foi de la foule face à
ce qu’elle ne comprend pas. Averroès réitère sa solution élitiste quant à la liberté de
raisonner, de philosopher. C’est-à-dire que tous ne sont pas appelés à faire de la philosophie.
Tout compte fait, l’interprétation qui par définition s’éloigne du sens obvie du texte c’est-à
dire de son sens le plus immédiat, s’avère bien souvent dangereuse pour quelqu’un qui
manque de capacité démonstrative et qui risque alors de se retrouver dans une confusion le
menant à l’infidélité. Le débat qui a eu lieu avec les interprétations des mutazilites et
as’harites l’illustre à suffisance. Il faut donc éviter de l’exposer au grand nombre et tenir
compte de l’économie de la vérité, des classes d’hommes en fonction de leur mode
d’assentiment, tel que distingué par Averroès.
30
Idem
31
Ibidem, p.92.
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2. b) Les critiques adressées à Averroès
Les premières critiques faites à Averroès lui viennent d’Al-Ghazali, théologien ascharites qui,
tout comme Averroès a marqué le paysage intellectuel de l’Islam médiéval ; ils peuvent tous
deux être considérés comme les théoriciens les plus influents des deux principaux courants de
pensée de cette époque, à savoir d’une part la tradition proprement « philosophique », la
falsafa, et de l’autre, la tradition du kalâm, la théologie rationnelle. En effet, Al-Ghazali
voulait limiter l’activité philosophique et combattre les thèses aristotéliciennes à travers son
interprétation du Coran.
Son premier grief contre Averroès est relatif à l’usage des outils et auteurs païens dans
l’interprétation de la Loi révélée. « Comment la révélation pourrait-elle obliger à l’usage
d’un outil d’origine païenne ?»32. Al Ghazali fait ici référence à l’usage des syllogismes
rationnels d’Aristote d’origine grecque, qu’utilise Averroès dans sa fatwa. Pour Averroès, et
conformément à la Loi révélée, « on ne demande pas à l’instrument avec lequel on exécute
l’immolation rituelle s’il a appartenu ou non à l’un de nos coreligionnaires pour juger de la
conformité de l’immolation. On lui demande seulement de répondre aux critères de
conformité »33. En cela, le droit musulman précise la forme ou la matière avec laquelle doit
être faite l’outil, mais ne stipule rien, quant au fait qu’il peut être emprunté à quiconque, fut-il
juif ou païen. « Or, le syllogisme est aussi outil du raisonnement, [dont la provenance importe
peu] et le raisonnement est une obligation comme l’égorgement rituel»37.
32
Averroès, op. cit., p.83.
33
Idem
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Le second reproche d’Al Ghazali à Averroès « est celui d’un théologien qui veut défendre les
dogmes de l’Islam »34. Il vise la déstabilisation de la philosophie qui, pour lui, est inutile. Il
s’insurge contre les « philosophes » qu’il taxe de dépravés (c’est-à-dire sans moralité,
corrompu et pervers). Il prône une étude individuelle du Coran qui permettrait à chacun de
parvenir à la certitude de l’existence de Dieu et de comprendre les préceptes coraniques afin
de vivre en conformité avec la loi musulmane sans avoir besoin d’un intermédiaire. Signalons
que sa pensée trouve une résonance dans la pensée chrétienne avec celle de Tertullien, qui
estime qu’on n’a nul besoin de faire la philosophie pour croire en Dieu. Ce dernier la
condamne fermement, « car d’elle, ne peut sortir que des hérésies, les philosophes étant eux
même les patriarches des hérétiques »35.
En réponse à cette autre critique, Averroès asserte qu’il est indéniable que des gens qui
pratiquent la philosophie sombrent dans la dépravation. Cependant, il n’est pas établi que la
philosophie en soit la cause véritable. Pour le Cordouan, « de ce que quelqu’un faille ou
commette des écarts dans l’étude de ses écrits, cela peut être rangé dans l’ordre de
l’accidentel car en effet, les accidents qui ont pu advenir par ladite science, peuvent tout
aussi bien advenir par toutes les autres ».40 Autrement dit, un défaut ou une faiblesse dont les
causes peuvent être multiples et d’ordre occasionnel ou accidentel ne saurait faire en sorte
que toute la philosophie soit rejetée en bloc. Reprenons l’exemple de l’eau donné plus haut.
Nous disions que la mort que produit l’eau par suffocation est d’ordre accidentel, tandis que
celle causée par la soif est d’ordre essentiel et nécessaire. On ne pourra par conséquent tiré la
conclusion selon laquelle l’eau est inutile.
Si le soufi al-Ghazali a été parmi les premiers critiques d’Averroès, il n’en demeure pas le
seul. En effet, les scholastiques qui ont fait bonne réception de sa philosophie et de sa
doctrine y ont également relevé des insuffisances. L’une des critiques de ceux-ci porte sur
l’unité de l’intellect. En effet, l’intellect tel que décrit par Averroès confère une certaine
autonomie et responsabilité à l’homme. La pénétration et la compréhension de la loi divine se
fait à travers l’exercice de la raison, de l’intellect et non par illumination. Ainsi, « n’était-il
pas digne de Dieu d’avoir doté l’homme, image de Dieu, d’une faculté autonome de
34
Emile Bréhier, La Philosophie du Moyen-âge, Paris, Albin Michel, 1949, p.209.
35
Provenant du cours magistral de philosophie médiévale donné par le doyen, le docteur Ngono Richard.
40
Averroès, op. cit., p.85.
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pénétration et de compréhension (intellect) plutôt que d’intervenir constamment par
illumination ? »36.
Après avoir vu les dérives que la philosophie d’Averroès a suscitées au niveau de sa mise
pratique, surtout avec les sectes islamiques qui semblaient avoir compris de travers ce que ce
dernier voulait en réalité dire, entrainant le peuple à suivre de mauvaises interprétations, nous
avons vu les critiques qui lui ont été adressées principalement celle d’Al Ghazali qui portait
sur l’outil et la philosophie dont il a fait usage pour exprimer la foi musulmane. Apres tout
cela, que pouvons-nous dire d’une telle philosophie qui prône un usage de la raison dans le
vécu de sa foi. La raison peut-elle comprendre la foi ? La foi peut-elle se démonter par la
raison ?
36
Kurt Flasch, Introduction à la philosophie médiévale, Paris, Flammarion, 1998, p.139
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3. Analyse personnelle suivie d’une tentative d’actualisation
La philosophie d’Averroès que nous avons essayé de restituer la quintessence, du moins une
partie, celle qu’il a développé dans son ouvrage le Discours décisif nous a permis de
comprendre un certain nombre de chose. Sur un certains points nous sommes d’accord avec
lui, mais sur d’autres nous pensons qu’une critique venant de notre part pourrait mieux
l’exprimer. Ainsi dans cette partie qui suit nous allons adresser à Averroès nos points sur
lesquels nous sommes en désaccord avec lui. Apres quoi, nous tenterons une actualisation à
partir de ce que nous aurons tiré comme fruit de notre travail.
37
Averroès, op. cit., p.89.
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de la méthode en français, pour qu’il soit lu par tous ceux qui pouvaient le lire afin de
propager la liberté de raisonner ?
L’ouverture du savoir à tous, pour paraphraser le Pape Jean Paul II, dans son encyclique «
Fides et ratio », les libèrera du sociologisme, donnera des ailes à leur esprit pour s’élever dans
la contemplation de la vérité et les libèrera également du règne de l’inauthentique, du « on »
au sens heideggérien du terme. Nous pensons que la philosophie pratiquée de cette manière,
favorisera une meilleure adhésion de tous et de chacun à la foi ; car « la foi et la raison sont
comme les deux ailes [indispensables à tous], qui permettent à l’esprit humain de s’élever
dans la contemplation de la vérité »38.
Apres avoir exposé notre critique personnelle à l’endroit d’Averroès, voyons à présent, la
petite actualisation que nous comptons faire de sa pensée.
38
Jean Paul II, Fides et Ratio, Rome, Libreria editrice Vaticana, 1998, p.1
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Pour l’homme en général et pour l’homme de religion en particulier, la philosophie permet
d’exercer son esprit critique, de raisonner et de cheminer vers la vérité. Aujourd’hui encore, la
foi a besoin d’être éclairé par la raison pour une meilleure réceptivité et une meilleure
adhésion à elle. L’interprétation elle aussi demeure cruciale. Aujourd’hui encore dans notre
monde, on assiste à de nombreuses dérives dues à une mauvaise interprétation de la loi
révélée ; cette mauvaise interprétation qui à son tour est à l’origine de nombreuses sectes. De
ces multiples sectes islamiques qui prétendent tuer au nom de la foi, au nom d’Allah, nous
avons entre autre le djihadisme39, la guerre sainte et plus proche de nous, la terrible et
farouche secte islamique Boko Haram.
39
Idéologie politico-religieuse qui prône la violence afin d’instaurer un Etat islamique tel que voulu par Allah.
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CONCLUSION
Au demeurant, il était question pour nous de réfléchir sur la Loi révélée et l’acte de
philosopher, à la lumière du Discours décisif d’Averroès, pour clarifier à partir d’un certain
nombre de questions, le statut que la Loi révélée octroie à l’exercice de la raison. De notre
analyse, il en ressort que pour Averroès, la Loi révélée se montre favorable à l’acte de
philosopher et en fait une obligation pour le musulman capable de raisonner. Cependant, cet
exercice de la raison vis-à-vis de ladite Loi est régit par un certain nombre de règles, qui
doivent être scrupuleusement respectées. Mais cette assertion d’Averroès, ne fera pas
l’unanimité, puisqu’elle sera affublée de critiques diverses, de la part de certains de ses
contemporains et adversaires, pour qui seule la foi suffit, on n’a nullement besoin de raisonner
pour croire. Ils en arrivent à déclarer l’inutilité de la philosophie, sous prétexte qu’elle
déprave l’homme. Il lui sera également reproché d’avoir donné à la philosophie un caractère
élitiste, faisant d’elle l’apanage d’une certaine classe sociale, une affaire d’élite. Pourtant,
nonobstant ces critiques, la pensée d’Averroès demeure aujourd’hui encore d’actualité, en ce
sens que, l’homme de notre temps a besoin de laisser la lumière de la raison éclairé sa foi,
pour mieux comprendre ce en quoi il croit, et y adhérer pleinement. Celle-ci, lui évitera de
sombrer dans les dérives multiformes telles que les interprétations approximatives ou
erronées, qui aujourd’hui encore comme au temps d’Averroès sont à l’origine des sectes dites
islamiques, qui sèment la pagaille dans le monde entier. Eu égard à ce qui précède, l’islam ne
gagnerait-elle pas pour pallier à ces limites d’interprétations et de compréhensions de la Loi
révélée à considérer la question de l’éducation de ses adeptes à la philosophie, plutôt que la
limiter au service d’une catégorie élitiste dont on dit avoir des prédispositions innées ?
P a g e 29 sur 186
BIBLIOGRAPHIE
Averroès,
Al Ajamî,
« Que dit vraiment le Coran : Foi et raison », in https :
//www.alajami.frindex.php/2018/04/20/ foi-et-raison-2/, consulté le 14 Mars 2020, à 20h15
min
Bréhier Emile,
Urvoy Dominique,
Kurt Flasch,
Site internet
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Groupe 3 :
Le dévoilement des méthodes de
démonstration des dogmes de la religion
musulman, Discours décisif, Averroès
Présenté par :
BAYIHA Sabine Audrey
NGANGUE Léa Ophélie
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SOMMAIRE
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INTRODUCTION
P a g e 33 sur 186
I. CONTEXTE HISTORIQUE D’UN AUTEUR ENGAGE
Cette partie de notre travail montrera d’abord la biographie d’Averroès, à la suite le contexte
d’élaboration de son traite et la présentation du traité.
6. 1. Biographie d’Averroès
Pour mieux comprendre notre œuvre ou notre auteur il serait judicieux de nous attarder
un peu sur sa vie.
En effet, Abù l-Walid Muhammad ibn Ahmad Muhammad ibn Rusd est connu en occident
sous le nom d’Averroès, il est né le 14 avril 1126 à Cordoue dans la famille des juristes d’où
son grand père était très célèbre , il reçoit des maitres particuliers une formation classique
pour son époque et son milieu ainsi il étudie le coran par cœur à laquelle s’ajoute la
grammaire, la poésie, la musique, des rudiments de calcul et d’apprentissage de lecture il
étudie ensuite la physique, la médecine, l’astrologie, la philosophie et les mathématiques.
Initié très top par son père qui était juge de la ville, il fut un magistrat influent, il reforme
l’administration de la justice à Marrakech.
Joseph.. Averroès fut connu des latins parce qu’il était un commentateur d’Aristote on le
présentait la plus part du temps chez les philosophes et les savant comme « Averroès, qui fit
le grand commentaire » c’est de cette façon qu’il commença sa carrière de philosophe, il fut
sollicité par l’émir des croyants en Afrique du Nord, Ya’qub al-Mansur, pour commenter les
ouvrages d’Aristote puis qu’Averroès est un aristotélicien fidèle, sans doute le plus illustre de
tous les grands médiévaux41.
40
Yusuf (sourate)-Wikipédia
41
AVERROES-Page 14- Résultats Google Recherche de Livres
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Mais, attaqué par les tenants d’une orthodoxie religieuse étroite, il tombe en disgrâce vers
1195 ainsi il doit fuir et se cacher, vivre dans la clandestinité et la pauvreté jusqu’à ce qu’il
soit rappelé à Marrakech où il meurt en 1198.
En effet, nous constatons que notre auteur est en train de se contre dire mais il se justifie
notamment dans le discours décisif : il n’y a pas de contradiction entre la philosophie et la loi
divine, elle apprend à étudier rationnellement les choses il déclare que : « le vrai ne peut
contredire le vrai »42 il situe la philosophie et la religion comme deux concepts ayant la même
finalité ; on peut se proposer d’unir le rationnel et le traditionnel. Pour lui le seul problème qui
se pose est celui des théologiens musulmans qui communique aux gens du communs des
interprétations mal fondées qui jette le trouble dans les esprits parce qu’ils ne connaissent
aucune véritable méthodes rationnelles et s’en tiennent à des argumentations peu probables
donc rien de certains ne peut être fondé sur des affirmations qui ne sont pas corrects.
8. 3. Présentation du traité
En 1179, Averroès est nommé cadi (juge) de Séville et il rédige le Discours Décisif qui
expose les méthodes de preuve relatives aux dogmes de la religion c’est à la suite de ce ci,
qu’en 1189 il a composé un ouvrage sur les distinctions entre le sens du coran, des capacités
intellectuelles et les modes de démonstration.
42
Le Discours Décisif
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Néanmoins, si l’on devait dire aux gens du communs que Dieu est sans corps, l’on risque
fortement de leur faire conclure qu’il n’existe pas : la meilleure attitude consiste à ne pas aller
plus loin que la loi c’est-à-dire à n’attribuer à Dieu ni la corporéité ni l’incorporéité. Ainsi on
ne s’écarte pas de la loi ; on signifie aux gens du commun une existence réelle et
particulièrement noble, on rappelle aux savants que leurs intelligences est aussi incapable de
saisir DIEU. Dans l’ensemble du traité Averroès apparait un point de convergence de trois
perspectives doctrinales : la théologie musulmane, qu’il refuse mais qu’il connait assez à fond
pour la critiquer de l’intérieur ; la révélation coranique et la philosophie d’Aristote, qu’il
accepte intégralement l’une et l’autre comme deux expressions différentes du vrai ; Averroès
cherche à démontrer que le coran n’interdit pas la pratique de la philosophie et des sciences
naturelles, mais au contraire permettre de remonter jusqu’à Dieu par l’étude des êtres crées
par lui-même.
Dans le Dévoilement, Ibn Rush parce que les différentes interprétations des Ash’arites sur
les dogmes musulmans n’ont remporté ni l’adhésion des croyants ordinaires ni pour lui, il va
s’atteler à examiner les doctrines elles-mêmes. Ainsi le Dévoilement, traité théologique
musulman tiré de Kalam, opposera l’école des Ash’arites avec les doctrines philosophiques
d’Ibn Rush, où le philosophe proposera pour chaque article du dogme, une éventuelle
présentation autres que celle des Ash’arites, conformément à la lettre du Coran.
le mystère comme principe essentiel de la vie religieuse sans lequel la foi est sans
fondement. Après ces deux thèses Al Ash’ari veut concilier ces deux thèses extrêmes devant
trois problèmes théologiques.
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Premièrement, le problème des attributs divins :
Pour les Mo’tazilites : toute qualification divine doit être comprise comme étant
l’essence. Ainsi pour eux, parler de divinité serait parler de métamorphose.
Pour les Littéralistes : la divinité se présente comme un complexe de noms et de
qualification à côté de l’essence divine. Donc, ils parleraient de anthropomorphique.
Pour Al Ash Ari : l’être divin possède les attributs, ils sont distincts de l’essence.
Selon lui l’attribut ne serait pas distinct du concept, mais aussi la dualité entre
l’essence et l’attribut devrait être situé non sur le plan quantitatif mais sur le plan
qualitatif. Pour clore, il pense que le musulman doit croire que Dieu a réellement les
mains et le visage, il a laissé face à face sans méditation la foi et la raison.
Pour les Mo’tazilites : le Coran est la parole divine créée sans distinction avec la
parole en tant qu’attribut divin éternel.
Pour les Littéralistes : la parole divine est l’énonciation humaine manifestée dans l
temps ; pour certains le Coran est éternel dans son contenu, aux mots qui le
composent, aux pages, l’encre, la reliure.
Pour Al Ash’ari : la parole est soit humaine soit divine. Elle ne se limite pas comme le
pensent les Mo’tazilites. C’est le discours de l’âme. Le Coran est composé de mots. Le
Coran est un fait temporel créé à l’encontre de ce que pensent les littéralistes. Il
conseille au croyant de pratiquer son fameux principe qui est celui d’avoir foi sans
questionner au préalable.
Pour les Mo’tazilites : l’homme n’est pas seulement libre et responsable, il possède
également la puissance créatrice, la faculté de créer ses propres œuvres.
Pour Al Ash’ari : l’homme est l’acquisiteur de ses œuvres. Il partage la distinction des
Mo’tazilites sur l’action libre, en affirmant que l’homme est parfaitement conscient de
ses agir. Parce qu’en effet, toute liberté émanerait dans cette coexistence entre Dieu,
créateur et l’homme, acquéreur. En cela, il donne un sens à la foi en Dieu, parce que
Dieu devient à la fois « essence » et « attribut ». Par conséquent l’objet d’adoration et
d’amour des fidèles.
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2. 2. Méthodes de démonstration des Ash’arites
a) « Que Dieu existe »
Suivant l’ordre traditionnel des traités de théologie, nous aborderons d’emblée la première de
toutes les questions « La preuve que Dieu existe ». Pour leur part les Ash’arites pensent que la
croyance en l’existence de Dieu ne résulte que de la raison. Autrement dit la connaissance
rationnel de Dieu est au contraire une obligation pour tout croyant. Par ailleurs leur méthodes
de démonstrations ne s’appuient ni sur la rhétorique qui est la méthode appliquée par la foule,
ni sur la démonstration qu’appliquent les savants. Ce sont toutes les deux les méthodes que
Dieu a signalé aux hommes et qu’Il invite les hommes à croire dans la révélation.
Dans un premier temps, les Ash’arites fondent leur méthode de démonstration sur la preuve
que le monde est adventice. Autrement dit l’adventicité du monde résulterait du fait que les
corps soient composés de substances indivisibles qui elles-mêmes sont adventices ce qui fait
également que les corps sont adventices. En d’autres temps que tout ce qui est adventice
possède un adventeur. Ainsi l’existence du monde résulte d’un Dieu adventeur, créateur du
monde. Et cette idée de « monde créé » résulte du fait que le monde est créé de corps qui soit
composé d’atomes qui seraient eux-mêmes créé à chaque instant par Dieu. Donc si les atomes
des substances indivisibles sont créés par Dieu, les corps également le sont. C’est dans cette
optique que Al-Ghazali, déclare que « tout ce qui est adventice a une cause, or le monde est
adventice, donc le monde possède une cause. »43
Dans la suite de cette analyse, nous présenterons le second argument des Ash’arites, celui de
la contingence du monde. Cet argument fait valoir que l’univers est organisé selon un ordre
contingent que tout ce qui aurait pu aussi être autrement que ce n’est. Par exemple plus grand
ou pus petit, plus ou moins nombreux, etc. Ainsi il faut inférer l’existence d’un adventeur à
qui attribuer l’acte de faire prévaloir le possible qui est effectivement sur tous les autres qui ne
sont pas. Autrement dit pour certaines parties de l’univers la fausseté est facilement
perceptible d’autres parties comme le fait que l’homme puisse être constitué autrement qu’il
ne l’est. Tandis que pour d’autres parties, on doute de leur véritable nature soit parce que la
raison de telle existence n’est pas logique, soit ca n’existerait pas, sous l’explication ne
dispose pas du commun du mortel. Comme le fait que le mouvement d’Ouest en Est des
sphères, ou leur mouvement d’Est en Ouest puissent être inversé car il semblerait qu’il y aie
43 5
Traité de kalam al-Iqtisad fi l-i’tiqad
6
Profession de Foi de l’Islam Coran, Verset
XVII, 42
P a g e 38 sur 186
une cause dont l’existence ne serait pas perceptible totalement, qui serait donc resté scellé aux
hommes.
Dans le développement de leur pensée, ils penseraient que s’il y avait deux Dieux ou
davantage, il se pourrait qu’ils soient en désaccord alors soit s’accomplirait la volonté de l’un
et de l’autre ; soit la volonté d’aucun des deux ne s’accomplirait ; soit la volonté de l’un
s’accomplirait, mais non celle de l’autre. Or selon eux, il serait impossible qu’aucune des
deux Volontés Suprêmes ne s’accomplissent car dans ce cas le monde n’existerait pas et l’on
ne penserait même pas d’ailleurs à la créer ; comme il serait également impossible que
s’accomplisse la volonté de l’un et que la volonté de l’autre ne s’accomplit pas. Or un être
dont le vouloir ne s’accomplit pas est impuissant, et un être impuissant ne saurait être Dieu.
L’ordre par lequel ces attributs étaient énumérés par les Ash’arites constituaient à lui seul tout
un problème, car leur existence en Dieu se démontre dans un ordre déterminé. Leur méthode
consistait à poser en premier lieu l’attribut de Puissance en premier parce que c’est lui qui a
le pouvoir de créer toute chose ou toute personne, c’est de Lui qui part la volonté et c’est
grâce à Lui que la chose s’accomplit. Ainsi c’est ce qui découle immédiatement de son
caractère d’agent du monde, puisque l’on ne peut imaginer d’agent que pouvant agir ; ensuite
son attribut de Savant qui lui était inféré à cause de la production d’actes bien faits et sans
hasard, témoignant de son savoir-faire ; puis en troisième lieu, l’attribut Voulant qui montrait
que Dieu désirait que l’acte voulu ait telle modalité et non telle autre. Et une fois ces qualités
établies, ils concluaient qu’elles ne pouvaient qu’appartenir qu’à son quatrième attribut, un
Vivant, un être qui saurait utiliser à bon escient ses œuvres ; laquelle qualité implique le
cinquième attribut Oyant, parce qu’Il participe à la vie des hommes ; le sixième attribut
P a g e 39 sur 186
Voyant, parce que Dieu connait tous les déplacements et gestes de ses créatures ; et le
septième attribut Parlant, parce qu’Il parle à toutes ses créatures qu’Il utilise d’ailleurs
souvent comme biais pour transmettre des messages. A quoi certains ajoutent le huitième
attribut Durant, parce que c’est Lui qui décide du destin et des nombres de jours de toutes ses
créatures avant même qu’ils ne prennent vie.
De plus, nous notons un nouvel attribut divin fondamental qui conditionne la possibilité de la
Révélation, la Parole. Ce serait pour les Ash’arites, la parole de l’âme ou du for intérieur,
comme intention de signifier antérieure à l’énonciation linguistique, c’est-à-dire que c’est ce
dont on prend connaissance soi-même d’abord avant de le communiquer oralement. . Ils
soutiennent que cette parole est effectivement un attribut divin coéternel à l’essence au même
titre que la puissance, la science, etc.
Pour finir, les Ash’arites disent que les attributs divins sont des attributs entitatifs et qu’ils
sont surajoutés à Son essence. Autrement dit que Dieu serait savant par une science ajoutée à
son essence, vivant par une vie surajoutée à son essence. Comme cela est le cas dans le monde
visible.
Dans la mesure où la théorie de la « preuve par les accidents » des mu’tazilites pour
démontrer la création de la particule insécable des atomes, ils présentaient qu’il n’y a pas
d’atome qui soit absolument dépourvu d’accident car tout atome est forcément soit en
mouvement soit en repris, et le mouvement et le repos par exemple sont des accidents de la
substance. Donc comme les accidents mouvement et le repos sont adventices autrement dit
créés, l’atome qui les supporte est aussi créé. Le discours théologien serait donc, selon
Averroès un « tiers inutile » parce qu’il est non seulement plus complexe que les méthodes
communes à la foule mais aussi parce qu’il n’obéit pas à la structure d’argumentation de
déduction médiate acceptable par le savant dans laquelle d’un antécédent résulte
nécessairement un conséquent. Par conséquent, ce n’est pas une méthode démonstrative
capable d’accréditer avec certitude l’existence du Créateur.
P a g e 40 sur 186
Ibn Rush rejette l’argument de la contingence de l’Artisan des Ash’arites car elle ne fait
qu’invalider l’idée de sagesse divine. Dans le cas de figure échéant, il compare les Ash’arites
à un homme qui irait porter son regard sur les parties de quelques objets manufacturés sans
être du métier de l’artisan qui les a fabriqué : cet homme aura l’idée préalable que tout ou
presque tout de ce qui a été mis dans ces objets pourrait bien être disposé autrement que ce ne
l’est actuellement, et que l’objet pourrait très bien accomplir l’objectif pour lequel il a été
fabriqué Cet homme ne sera pas vis-à-vis du dit objet dans la position du sage. Mais l’artisan
et quiconque partage avec lui quelque peu de sa science, sait qu’il en va tout autrement, et que
rien n’a été mis dans cet objet qui ne soit nécessaire et indispensable de sorte que l’objet
atteigne son plus haut degré de perfection et d’accomplissement, car c’est là ce qui se nomme
l’art. C’est dans cette optique qu’il déclare que « Dieu ne bricole pas. C’est méconnaitre
l’infinie sagesse qui préside à l’agencement de l’univers que d’attribuer la forme de chacune
de ses parties à la possibilité : en réalité, chaque élément de l’univers s’insère dans une
architecture globale et pour cette raison, ne saurait être autrement qu’il n’est. Et l’argument
de la contingence est d’autant plus dangereux qu’il est efficace. »44
Face à l’argument que soulevait les Ash’arites soit disant que les deux Dieux seraient en
accord ou en désaccord dans le second dogme « Que Dieu est un », Ibn Rush pense que de la
même manière qu’il se pourrait que deux individus désireux poser un acte sur la Terre soit en
désaccord, de la même manière il se pourrait qu’ils soient d’accord ; et c’est ce qui
conviendrait le mieux de dire pour des « Divinités » ; C’est dire ainsi que s’ils étaient
d’accord pour fabriquer le monde, ils seraient tels deux artisans qui se sont mis d’accord pour
fabriquer un objet ainsi donc leurs actes coopèreraient mutuellement .
44
L’ISLAM ET LA RAISON, DEVOILEMENT DES METHODES, p.104
P a g e 41 sur 186
Averroès s’est retiré des affaires publiques pour se vouer entièrement à ses travaux
considérables philosophiques.
Ensuite Il écrit des commentaires sur la plupart des ouvrages d’Aristote. Le but de sa vie de
philosophe était de restaurer la pensée d’Aristote dans ce qu’il estimait en être l’authenticité.
Pour certains traités , il y a eu trois types de commentaires : le grand commentaire, le
commentaire moyen et la paraphrase. Il écrit aussi d’autres œuvres d’importance majeure.
Averroès y suit pas à pas le texte de Ghazali et le réfute au fur et à mesure, prenant parfois un
malin plaisir en référant à ses autres livres, à le mettre en flagrante contradiction avec lui-
même. Dans les dissertations de Physique réunies( dans les éditions latines) sous le titre de
Sermo De Substantie Orbis, il présente deux traités sur le problème central pour nos
philosophes, de la conjonction de l’intelligence agente séparée, c’est-à-dire immatérielle, avec
l’intellect humain. De plus, le propos d’Averroès est déterminé par un rigoureux discernement
des esprits. Il n’est pas le premier à affirmer que le texte du livre divin comporte une lettre
exotérique et plusieurs sens ésotériques. Comme tous ésotériques Averroès a la ferme
certitude que l’on provoquait les pires catastrophes psychologiques et sociales en dévoilant
aux ignorants et aux faibles le sens ésotériques des prescriptions et des enseignements de la
religion. La vérité ésotériques et exotériques ne sont nullement deux vérités contradictoires,
mais aussi ils ont des différences en commun. La situation du philosophes Averroès et de
l’averroïsme en Occident n’est pas celle de l’ésotérisme en l’Islam Orienta à cause du Ta’wil.
En fin, la comparaison technique et détaillé reste à faire sur un point à faire sur un
point essentiel, les motifs. Mais les conséquences de la cosmologie d’Averroès en tant que
cette cosmologie aboutit à détruire la seconde hiérarchie avicencienne. Averroès s’interroge
sur le « rationalisme » en présupposant chez lui, les données qui furent propres aux conflits
internes de la pensée chrétienne. Il importe de rapporter la question au seul contexte qui lui
donne vrai sens. S’il existe une hiérarchie dans la cosmologie, c’est parce que le moteur de
chaque orbe désire non seulement l’intelligence particulière à son ciel mais désire également
l’Intelligence Suprême. Toute substance intelligente et intelligible peut en ce sens être cause
de plusieurs êtres, puisque chacun de ces êtres le comprends à sa manière propre. Ainsi donc
il n’y a ni création ni procession successive, mais il y a simultanéité dans le commencement
éternelle.
P a g e 42 sur 186
2. 2. Méthodes de démonstration proposées par Averroès
a) a) « Que Dieu existe »
En déclarant que la méthode démonstrative des Ash’arites capable d’accréditer avec certitude
l’existence du Créateur, Ibn Rush tente par la méthode démonstrative de résorber le doute que
surgit leur thèse selon laquelle « le monde est adventice » : l’existence d’un adventeur
prééternel (un créateur qui aurait egalement été créé) ou d’un adventeur adventice ou encore
d’un adventeur éternel. Averroès nous partage donc que cet adventeur dont parle les
Ash’arites ne saurait être dit ni prééternel ni adventice. Ni adventice parce que le Créateur du
monde aurait besoin Lui-même d’un adventeur, et cet adventeur en aura également besoin et
ainsi de suite à l’infini, ce qui est impossible ; ni prééternel car ca voudrait dire que l’objet
créé est lui aussi prééternel et alors les produits de cet objet le seront aussi car ils l’ont dit,
l’être de ce qui est adventice doit être solidaire d’un acte adventice ; ni éternel parce que
comme ils le disent ce qui ne va pas sans quelque chose d’adventice est adventice. Donc un
acte adventice ne saurait provenir d’un agent éternel comme l’est le Sage Créateur Eternel ce
qui n’est pas possible parce que l’acte est soumis aux conditions de temps et d’espace ne peut
donc se répéter permanemment. En conclusion les Ash’arites se contredisent en soutenant à la
fois que l’acte éternel de Dieu pourrait produire un effet adventice et par ailleurs, car l’acte
opéré par l’agent est à celui-ci ce que l’accident est à la substance, quelque chose qui lui
arrive.
En effet, si la règle « ce qui ne va pas sans quelque chose, etc.» s’applique aux atomes
pourvus ‘accidents, elle doit donc en bonne logique, valoir de la même manière pour l’agent
produisant un acte. Et pour répondre à la nouvelle orientation des Ash’arites selon laquelle
l’acte adventice est le fait d’une volonté prééternelle donc que Dieu serait prééternellement
pourvu d’une volonté ayant pour objet la venue à l’être du monde à un moment du temps, il
affirme que la volonté est différente de l’acte et de son produit parce que le produit d’un acte
et l’acte provienne d’un agent, parce que tous les deux solidaires. Donc si l’acte est adventice,
l’agent l’est également ce qui nous ramène au problème précèdent selon lequel cet agent
aurait lui-même besoin d’un adventeur, etc. De plus cette volonté prééternelle stipulerait non
existante la chose adventice la durée qui remonte à la prééternité et existant qu’au moment de
sa venue à l’être puisque l’homme adventé n’existe pas pendant cette durée.
Ibn Rush tente d’expliquer sa prise de position selon laquelle l’argument rhétorique de la
contingence parce qu’il nie la sagesse de l’Artisan ne vaut rien ni aux Ash’arites ni à ses
autres adeptes. La sagesse selon Ibn Rush ne serait rien d’autre que la connaissance de la
P a g e 43 sur 186
cause d’une chose, et si les choses n’avaient point de causes nécessaires en vertu desquelles
elles existent, alors cette connaissance qui appartient en propre au Sage Créateur n’existerait
pas non plus de même que l’art n’existerait pas. Or dans ses actes et ses gestes, l’homme
dévoile assez cette sagesse justement par le fait que chacun de ses membres réalise une tache
précise. Nous observons bien qu’il voit par ses yeux et non par ses pieds ou encore qu’il
respire par son nez et non par ses oreille et plein d’autres témoignages encore. C’est dans cette
vision que Ibn Rush soutient que cet argument ne revient qu’à nier la Sagesse, et à nier une
qualité dont Dieu Lui-même s’est réclamé en Se nommant le Sage ; parce qu’en effet il est le
Dieu pensant tout l’ordre de l’univers sur le mode de l’unité absolue.
Sina, qui considérait que tous les êtres hormis l’Artisan, pris en eux-mêmes sont possibles et
contingents. En effet celui-ci distinguaient deux sortes de contingents : ce qui est contingent
vis-à-vis à l’Agent et ce qui est nécessaire vis-à-vis à l’Agent. Quant au possible, Ibn Sina
n’entendait rien d’autre que ce qui est possible par rapport à sa propre essence. Ce serait pour
Ibn Rush le comble de l’inanité car ce qui est possible par soi-même et par sa substance ne
saurait devenir nécessaire par son agent.
P a g e 44 sur 186
l’homme et cette convenance n’est nécessairement la volonté de l’Artisan suprême car on
observe bien à quel point lui conviennent le jour qui lui permet de faire des activités
productives afin de gagner de l’argent etc; et la nuit qui lui permet de se reposer, les animaux
et les végétaux qui lui servent à se nourrir, et les objets inanimés qui lui sont multifonctions ;
sans oublier les quatre saisons et j’en cite. La deuxième demande de considérer la création de
la substance des êtres, comme par exemple la création de la vie sans l’inanimé. En d’autres
termes c’est reconnaitre l’existence de tous les animaux et végétaux et celle des cieux. Ce qui
revient à reconnaitre d’une part la présence d’un existenciateur diffèrent radicalement de la
créature et ceci parce qu’on constate qu’il y a des corps inertes et ensuite s’y produit la vie.
On comprend donc que l’âme est la seule forme matérielle qui témoigne qu’il y a un
artisan surnaturel contrairement aux autres formes qui existent depuis l’éternité. D’autre part,
reconnaitre que tout ce qui est créé possède un créateur. A l’instar des cieux qui sont
gouvernés par la providence qui s’exerce sur ce qu’il y a ici-bas, qu’ils ont mis à notre
service, et ce qui est mis à notre service et gouverné est créé forcément comme nous le savons
par un autre. Donc, d’un commun accord, nous concluons que ce qui existe possède un agent
qui l’a créé. Il incombe donc à celui qui veut vraiment connaitre Dieu de connaitre les
substances des choses, afin d’appréhender la vraie création à travers l’ensemble des êtres car
celui qui ne connait pas la réalité de la chose ne connaitra pas la réalité de la création.
45
Coran, LXVII, 14 (trad, Masson)
P a g e 45 sur 186
que chacune de ses parties ait été fabriquée en vue des autres, dans son ensemble, l’objet
fabriqué prouve qu’il n’est point le fait d’un artisan qui serait la nature mais qu’il, provient
d’un artisan qui y a mis chaque chose à sa juste place, et qui devait donc connaitre cet objet ;
comme c’est en cela le cas d’un rocher qui se différencie d’une table. C’est d’ailleurs
pareillement le cas lorsque l’on examine une maison et que l’on comprend que les fondations
ont été construites pour les murs, et les murs pour le plafond : on conclut alors que la maison
a été construite par quelqu’un qui connait l’art de la maçonnerie. Ainsi donc il s’insurge
catégoriquement contre le fait que les Ash’arites limite la science Dieu en affirmant qu’Il
connaitrait les choses uniquement au moment de leur réalisation, comme s’Il les découvrait
pourtant Il les connait avant qu’elles n’existent en tant que ces choses, comme le dit l’énoncé
divin : « Nulle feuille ne tombe sans qu’Il le sache. »46 C’est dans cet élan qu’il considère
Dieu comme la « pensée de pensée, qui ne se pense que soi-même. »
En ce qui concerne cet attribut divin fondamental que serait la parole, Ibn Rush pense que la
parole est un acte exercé par un agent, acte par lequel celui-ci se manifestera à un allocutoire
une science qui se trouve en lui. Et cela se prouverait d’après lui par le fait qu’existe en lui
l’attribut de la science et puissance à crée. Mais cet acte dont est nécessairement capable
l’Agent véritable se produit dans le monde visible par un intermédiaire qui est la formulation
verbale.
Pour répondre aux Ash’arites qui soutiennent que les attributs divins sont des attributs
entitatifs, Ibn Rush s’insurge contre ce postulat. Il pense que pour affirmer cela, il faudrait
alors admettre que le Créateur soit un corps parce qu’il y aurait alors l’attribut et ce à quoi
l’attribut est attribué, le support et ce qui est supporté, et que cela est le cas pour les corps. En
effet soit ils doivent soutenir que l’Essence est consistante par soi-même et que les attributs
résident dans ce qui est consistant par soi-même, ce qui reviendrait à dire qu’il s’agit d’une
substance qui sera la consistance par soi-même, et d’accidents qui seront ceux qui résident
dans autre chose ; soit ils doivent soutenir que la première et les seconds sont tous consistants
par soi-même, et alors il y a plusieurs divinités à savoir l’être, la vie être la science comme
l’affirment les Chrétiens. Mais Dieu a dit à ce propos: « Certes ils sont infidèles, ceux qui
disent que Dieu est le troisième de trois. »47
46
Coran, VI, 59 (trad. Masson)
47 11
Coran, V, 73
Coran
P a g e 46 sur 186
d) d) « Le Dieu de lumière »
Pour toucher a dernière difficulté qui se réfère au dogme du « Dieu de lumière », nous
discuterons de la parfaite métaphore qu’a convenablement énoncé le Coran à Dieu.
Comme le dit la Révélation, Dieu est la lumière car c’est la qualification que Dieu
Luimême c’est attribué dans son Livre précieux11. Nous l’observons bien dans l’énonce
divin: « Dieu est la lumière des cieux et de la terre. »48 Ibn Rush dit qu’en effet cet
exemple correspondrait extrêmement bien à représenter le Créateur parce qu’il est être
sensible, n’est point saisissable par la vue et n’est ni un corps. On peut également ajouter
la manière dont Il se présente à l’intellectuel des savants « à la science profonde » lorsque
ceux-ci Le contemple au moyen de leur intellect est semblable à ce qui survient à notre
vue lorsque nous contemplons le soleil. De plus Dieu béni et exalté, est la cause des êtres
et la cause que nous les percevons, et il en va semblablement de la lumière. Cette
métaphore de la lumière sert à In Rush d’illustrer le rôle de l’intellect agent dans la
pensée humaine.
48
Coran, XXIV, 35 (trad. Masson)
49
Coran
50
Coran LVII, 22 (trad. Masson)
51
Coran XLII, 30
P a g e 47 sur 186
catégorie d’actes dont la création échappe véritablement à Dieu, qui sont les actes humains
volontaires ; et que ce seraient ces actes-là dont Dieu constate la création qui seraient la cause
de la désobéissance de l’homme et aussi de ses bonnes œuvres. Ce serait donc parce que la
création de ces actes échappe à Dieu qu’il peut soit appliquer le châtiment, soit attribuer les
récompenses de l’Au-delà. L’autre constituant les jabrites, qui croient qu’il n’y a absolument
aucune distinction à faire entre les actes humains volontaires, qui impliquent la puissance de
l’homme à les accomplir, et les actes involontaires. Autrement dit l’homme serait simplement
le réceptacle d’actes créés en lui par Dieu. Par conséquent l’homme est contraint à ses actes.
Nous notons également que les Ash’arites partagent leur thèse selon laquelle l’homme est
forcé à agir. A la différence toutefois que les jabrites nient catégoriquement une distinction
entre l’acte naturel qui provient de Dieu, et l’acte volontaire, qui est créé par la puissance à
agir ou l’homme lui-même, alors que sa thèse Ash’arite permet précisément de montrer la
place de l’acte volontaire au sein du conseil éternel de Dieu ( qui est la prédestination), donc
lui l’élabore une distinction des deux.
C’est en s’appuyant sur cette thèse selon laquelle il est impossible que l’homme soit chargé de
ce qu’il ne peut assumer, que le grand vizir des sultans seljouqides, Abû l-ma’ali, va suivre le
raisonnement des mu’tazilites à la différence que ceux-ci affirmaient que les actes et la
52
Coran
P a g e 48 sur 186
puissance de l’homme avaient d’abord été créé par Dieu et que ce serait maintenant lui qui les
a donné à l’homme afin qu’il soit autonome. Tandis que lui, Abû l-ma’ ali, en déclarant que
l’homme lui-même réalise l’acquisition de ses actes et qu’il a la puissance de les accomplir,
supposerait qu’il y aurait un autre créateur autre que Dieu et égal à lui puisqu’effectuant les
mêmes actes que lui.
Pourtant les Ash’arites anciens estimaient possible que l’on fut chargé de ce qu’on ne peut
assumer parce que, pour eux, Dieu échappe Lui-même à la Loi qu’Il a édicté pour les
hommes. Contrairement aux Mu’tazilites pour qui la conduite de l’homme lui provient de
Dieu, avant qu’il la possède. Il y a donc des choses que Dieu ne pourrait pas faire parce que ce
serait indigne de Lui, qui ne eut être que juste et bon.
En somme, il est clair que Dieu a créé des puissances pour nous, pour que nous soyons
capables de maitriser le monde et ses humains, afin de nous épanouir. Mais l’application de
ces arts n’est possible que si l’on respecte les conditions que Dieu met à notre disposition afin
de nous aider, mais aussi que l’on cesse de faire tout ce qui est en opposition avec
l’accomplissement e nos actes. Mais il est aussi important de soulever que l’accomplissement
de ces actes qui nous ont été attribués relèvent aussi de notre volonté parce que avant de
respecter ces conditions de Dieu et de rejeter ce qu’Il refuse, il faut d’abord que nous ayons
même la volonté. On appellera donc « décret divin » le lien entre notre volonté et les actes que
Dieu nous procure.
Toutefois ces causes que sont les conditions adjuvantes, constituent souvent la raison de nos
désirs. Puis la volonté qui n’est rien d’autre qu’un désir qui survient en nous à cause d’un acte
d’imagination ou de notre assentiment à quelque chose. Or ce ressenti provient de l’extérieur.
En effet lorsqu’on est en face d’une chose que l’on désire on est attiré par elle, elle éblouit ; et
lorsque nous somme devant une chose qui peut constituer un danger, on fuit. C’est dans ce
P a g e 49 sur 186
sens que l’enoncé divin dit que « des anges sont attachés aux pas de l’homme ; devant lui et
derrière lui, ils le tiennent sur l’ordre de Dieu. »53
53
Coran, XIII, 11, p. 187-189 § 290-298
54
Coran XXII, 7 3 (trad. Masson)
P a g e 50 sur 186
ses actes par la Loi révélée. Ainsi un homme est juste si ses actes sont conformes à la Loi et si
il pose des actes contraires à la loi révélée, il est injuste. Ceci en effet parce que le bien et le
mal n’ont pas d’essence spécifique qui permettrait de se détacher de la Loi révélés. Par
conséquent ce qui est juste est bien et ce qui est injuste est un mal. Ainsi si la Révélation
déclare nécessairement de croire que Dieu a un associé, alors ce serait juste.
Averroès répondit que c’est la sagesse divine qui l’a voulu et que l’injustice provient du fait
qu’il l’ait eu avant et qu’il n’en est plus. De même les conditions extérieures créées pour
diriger l’homme est l’une des causes de l’égarement de certains hommes.
Dieu a rendu nécessaire l’interprétation de ses énoncés sur ce point parce que les hommes
avaient besoin qu’on leur fasse connaitre que Dieu est juste et qu’il est le créateur du bien
comme du mal parce qu’ils s’adonnaient déjà afflouement aux diverses croyances répandues
dans leurs Nations égarées, qui désignaient l’existence de deux divinités dont l’une serait
créature du mal et l’autre du bien. Mais on leur a fait connaitre le Dieu, Créateur de l’un et de
l’autre, ensemble. Parce que l’égarement des hommes étant un mal, il fallait que ce mal lui
soit attribué de même que le bien lui a été attribué. Ainsi il est le Créateur du bien pour le bien
lui-même et le Créateur du mal en vue du bien à savoir en vue de ce bien qui est apparié à
l’être du mal. C’est le cas du feu qui de base existe parce que constituant un composant des
êtres matériels malheureusement ; le feu occasionne la corruption de certains être. Cependant,
si l’on met ensemble la corruption, le mal et l’existence des êtres, le bien, on s’aperçoit que
l’existence du feu est préférable à sa non existence. Ainsi, le feu est un bien.
55
Coran, XXXII, 13 (trad.Masson)
P a g e 51 sur 186
CONCLUSION
P a g e 52 sur 186
TABLE DE MATIERES
P a g e 53 sur 186
Groupe 4 :
La déconstruction avant la lettre
d’Averroès dans L’incohérence de
l’incohérence
Présenté par :
KAINDA LAO Sylvie
NPUNGU YANGOY Myriam
OYE ABESSOLO Nicaise Gaëlle
P a g e 54 sur 186
SOMMAIRE
SOMMAIRE .............................................................................................................................. 1
INTRODUCTION .................................................................................................................... 56
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 73
P a g e 55 sur 186
INTRODUCTION
Il suffit de jeter un regard furtif sur deux ouvrages : L’incohérence de l’incohérence du
philosophe musulman Averroès, et De la grammatologie de Jacques Derrida, pour se rendre
compte que, les deux ouvrages ont été rédiger en grande partie dans le même style. Et
pourtant rien ne semble à priori rapprocher les deux auteurs. En effet la première œuvre date
de la période médiévale ; il s’agit d’une réplique point par point au livre du persan al-Ghazali
intitulé
56
Jacques Derrida dans « Lettre à un ami japonais », publié dans la revue Le Promeneur, Octobre 1985.
P a g e 56 sur 186
second mouvement, la déconstruction derridienne dans L’incohérence de « l’incohérence » ;
et pour finir, il sera question de relever l’intérêt de la démarche d’Averroès.
1. A- De Derrida…
Le point de départ de notre travail consiste à analyser la déconstruction. Plus précisément
il est question de savoir : qu’est-ce que la déconstruction ? En quoi consiste-t-elle ou du moins
quels sont les modalités qui la régissent ? Toute tentative de réponse à ces préoccupations
doivent être précédées par une présentation de son auteur.
Derrida sont français, c’est grâce au décret Crémieux de 1870, qui octroie aux trente mille
juifs installés en Algérie la nationalité française. Or en 1940, le régime Vichy abroge le décret
57
Ibidem
P a g e 57 sur 186
Crémieux et les Derrida comme tous les juifs algériens, sont déchus de la nationalité
française.
Commence alors ce que l’historien Benjamin Stora appelle l’« exil intérieur » de Derrida. Il
est marqué par les discriminations subies par les juifs d’Algérie. En effet l’article 2 du statut
des juifs du 3 Octobre 1940 excluait les juifs de l’enseignement et de la justice. Derrida est
exclu de son lycée et est contraint de poursuivre ses études au lycée Emile-Maupas non loin
d’une rue dans laquelle, derrière la cathédrale d’Alger, les enseignant juifs expulsés de la
fonction publique avaient reconstitué un enseignement. En 1947 Derrida est à nouveau inscrit
au lycée Ben Aknoun ; désormais sportif, il participe à de nombreuses compétitions et rêve de
devenir footballeur professionnel. Mais c’est aussi à cette époque qu’il découvre le lit des
philosophes et écrivains comme Rousseau, Nietzche, Kierkegaard et Heidegger ; l’orientation
philosophique se précise. Envoyé en France pour poursuivre ses études, il arrive pour la
première fois dans l’hexagone qui le déçoit aussitôt « d’Alger, ville blanche, j’arrivais à Paris,
ville noire. » Après trois ans passé à Khâgne dans des circonstances difficiles, Jacques
Derrida intègre finalement l’Ecole Normale Supérieur de la rue Ulm en 1952 après plusieurs
tentatives. Les années que Derrida passa à L’Ecole Normale Supérieure comptent sans doute
parmi les plus grands moments de l’histoire intellectuelle de cette institution. Dans les
couloirs, circule en ce début des années 1950, la fine fleur de la génération intellectuelle à
venir : Michel Foucault, Pierre
Bourdieu, Emmanuel le Roy, Claude Passeron entre autres. Mais avant qu’ils ne forment la
génération structuraliste, ces jeunes esprits ont une passion intellectuelle : la phénoménologie
; Le philosophe allemand Husserl est incontournable, on lit également son disciple rebelle
Heidegger fondateur allemand de l’existentialisme, ainsi que Merleau-Ponty, l’importateur de
la phénoménologie en France que, les normaliens trouvent plus sérieux que Sartre.
Le parcours scolaire et Académique de Jacques Derrida montre que tout son projet
philosophique est intimement lié à son parcours. L’antisémitisme dont il a été victime le
prédispose à une rébellion contre les systèmes. Ses études scolaires bien que mouvementés
l’initient à la pensée philosophique, mais c’est à l’école Normale que son projet prend forme.
En effet, tout comme celui de Foucault ou Bourdieu, le murissement de la philosophie de
Derrida passera par une révolte œdipienne contre la phénoménologie. Dès ses premiers
travaux, Derrida s’en prend aux principales notions husserliennes : le sens, la présence,
l’essence etc. Mais surtout, il conteste que les phénomènes soient « donnés » à une conscience
P a g e 58 sur 186
et que leur sens soit transparent. La matrice philosophique de Derrida prend ainsi corps dans
ses premiers livres au rang desquels on peut citer De la grammatologie autour duquel
s’articule la déconstruction.
58
Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Les Editions de Minuit, 1967, p 13.
59
Tendance d’un discours à s’enfermer dans la propre logique de son langage et à le considérer comme un
modèle de référence.
60
Jacques Derrida. De la grammatologie, Paris, Les Editions de Minuit, 1967, p
41. 6 Ferdinand Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1985
P a g e 59 sur 186
Ce dernier commence par « liquider » l’écriture et la mettre hors du champs d’étude du
langage, ce qui laisse à Derrida de penser que : si l’écriture apparait comme une menace pour
la parole, son rôle n’est peut-être pas extérieur au langage que Saussure semble admettre.
Cette extériorité de l’écriture n’est que factif, car l’extériorité pure selon Derrida n’existe pas,
elle n’a de sens que, le dehors n’est jamais que le dehors d’un dedans et qu’ainsi, en voulant «
bouter dehors » l’écriture, en réalité il la fait rentrer sournoisement au cœur même du langage.
On le voit bien l’écriture occupe une place de choix dans l’œuvre du philosophe français, c’est
la raison pour laquelle il décide de fonder une science de l’écriture, une discipline en tant que
science, tel est l’objectif du troisième chapitre. Le mot grec de grammatologie signifiant
science des lettres au sens d’éléments graphiques, Derrida annonce une approche scientifique
de l’écriture. Mais audelà des éléments graphiques envisagés il est d’avantage question de la
place de l’écriture dans l’activité intellectuelle.
61
Charles Raymond, Vocabulaire de Derrida, Paris ; Ellipses, 2001.
62
Jacques Derrida, Positions, Paris, les Editions de Minuit, 1972, P 54.
P a g e 60 sur 186
propre à la tradition philosophique, métaphysique, marquée par la peur de l’écriture et un
manque de contrôle dans son usage. Tel est donc là l’économie de la déconstruction.
2. B- … à Averroès.
La relation entre Averroès ne peut véritablement être établit qu’en retraçant dans un premier
temps le parcours de Averroès.
a) 1- Présentation de Averroès (1126-1198)
Juriste, philosophe, théologien, médecin musulman d’Espagne, Averroès (Ibn Rushd) naquit à
Cordoue en 1126, dans une famille de juristes malékites. Sa formation juridique fut donc très
soignée et il devait particulièrement se distinguer dans la science du Khilâf, c’est-à-dire des
divergences qui opposent les écoles juridiques. Il s’initia aussi à la science du hadîth
(traditions du prophète) sans s’y spécialiser. Il étudia la théologie (kalâm) ash’arite caractérisé
par la recherche d’un juste milieu entre un excès de rationalisme et un excès de littéralisme. Il
devait d’ailleurs la critiquer plus tard à travers l’œuvre de al-Ghazâli et rejeter toute théologie
en dénonçant la démarche purement dialectique de cette pensée. Averroès étudia aussi la
médecine.
C’est sans doute cette science qui lui donna accès aux « sciences des Anciens », c’est-à-dire à
la philosophie grec. En effet Galien, le maitre Arabe en ce domaine, leur livra en même temps
tout un ensemble de connaissance d’ordre philosophique. La carrière d’Averroès est en
relation étroite avec la politique religieuse et culturelle des Almohades. En 1153, il se trouve à
Marrakech où il aurait secondé le sultan ‘Abd al-Mu’min dans son projet de création de
collège. Mais c’est surtout en 1169 qu’il fut présenté par le médecin philosophe Ibn Tufayl au
successeur de ‘Abd al-Mu’min, Abû Ya’qûb Yûsuf, prince éclairé qui discuta avec lui sur la
P a g e 61 sur 186
question de l’éternité de la substance du ciel. Averroès put montrer l’étendue de ses
connaissances. Ce même prince souhaitait qu’on lui expliquât clairement les textes d’Aristote
qu’il jugeait obscurs. Ibn Tufayl, s’estima trop âgé pour exécuter ce travail, en aurait chargé
Averroès. Telle fut, selon les biographies Arabes, l’origine des différents commentaires. A
partir de 1169 il commença la rédaction des dits commentaires. Dans la mesure ou l’état des
traductions du grec en arabe le permettait, il a réussi à faire un travail objectif. Mais les textes
arabes sur lesquels il travaillait était souvent sibyllins et ajoutaient à la difficulté des textes
d’Aristote. Averroès réussit malgré cela à retrouver la pensée du Stagirite et corriger les
traductions, mais il lui arrive aussi de commenter un contresens. Néanmoins il ne se laisse pas
alors entrainer vers des conceptions qui altéraient profondément la pensée du Maitre : il avait
saisi l’esprit, ce qui l’empêchait de s’égarer. Quoi qu’il en soit, il prend position contre les
commentaires, tel celui d’Avicenne (Ibn Sina), influencé par le néoplatonisme.
63
Alain de Libera, L’islam et la raison Paris, Edition Flammarion, 2000, p.65.
P a g e 62 sur 186
déconstruire le sens communément admis. Pour ce qui est de la différance, Averroès va réunir
deux pôles jusqu’ici diamétralement opposé : la théologie et la philosophie. En effet si,
pendant longtemps, on opérait une séparation stricte entre la foi (religion musulmane) et la
philosophie, Averroès est le philosophe qui va interpréter les textes du Coran à la lumière de
la doctrine philosophique. On voit par cette démarche un dépassement de la conception
métaphysique hiérarchisant et les dichotomies qui avaient survécu jusqu’alors et sur lesquels
tout le raisonnement logique du monde était fondé. Désormais la foi et la raison ne sont
appréhender comme des réalités diamétralement opposées, elles sont toutes les deux une
démarche vers la Vérité : telle est le chemin emprunter par Averroès pour défendre sa Thèse.
In fini, pour parler de la dissémination qui est le troisième pôle de notre travail ; Averroès
décontextualise les textes de son principal pourfendeur ; textes qui datent d’un siècle avant lui
; pour les analyser et ressortir un sens qui dans la plupart des cas entre en contradiction avec le
sens initial. On voit ainsi réuni chez Averroès dans sa démarche tous les procès de
déconstruction développer par Derrida. Reste des lors de présenter d’une manière concrète
comment se matérialise la déconstruction chez Averroès.
P a g e 63 sur 186
1. A- Objet de la déconstruction : Le plaidoyer de
Al-Ghazali contre les philosophes
Al-Ghazali peut être considéré comme l’un des théoriciens les plus influents de son époque.
Expert en théologie naturelle (kalâm) ce dernier s’érige contre la tradition proprement
philosophique (la falsafa). Avant de s’appesantir sur les arguments qui l’opposent aux
philosophes présentons d’abord le personnage.
P a g e 65 sur 186
Pour les questions physiques, il les résume en des questions qui traitent la science de
l’âme et ses implications eschatologiques, ou sont mêlées vérités et erreurs. Les quatre
questions réfutées renvoient à l’homme, l’âme et au monde. Il s’agit de :
1. La causalité ;
2. Incapacité de prouver que l’âme est une substance spirituelle
3. La rémanence de l’âme ; 4. La résurrection corporelle.
Les questions physiques, qui portent sur les ramifications religieuses, imposent de
considérer les Philosophes comme des innovateurs blâmables.
Al Ghazali, l’homme qui s’est consacré à l’étude à rechercher des méthodologies de la
pensée humaine et les règles normatives de la réflexion intellectuelle, à travers son étude de la
philosophie et ses compositions d’ouvrages philosophique, il n’a recherché que la vérité
théologique et eschatologique. Il réfute les opinions des philosophes sans toutefois appuyer
une doctrine au détriment d’une autre, ou en se reliant à un groupe en dépit de son adversaire.
Il reste fidèle à son dessein derrière l’écriture de son livre « tahafut » en montrant leur
incohérence. Les grandes lignes de ces quelques questions tournent autour de trois sujets :
l’univers, Dieu et l’esprit humain. Les questions réfutées par Ghazali constituent la raison de
la critique d’Averroès. Il écrit L’Incohérence de « L’Incohérence » pour donner des réponses
aux attaques de Ghazali. Dès lors qu’est ce qui fait l’objet de la critique contre al-Ghazali ?
Quelles méthodes
Averroès utilise-t-il pour montrer l’incohérence dans ce que dit Ghazali ? Ces interrogations
nous amènerons à découvrir les méthodes de la déconstruction que va adopter Averroès pour
démentir l’Incohérence des philosophes.
P a g e 66 sur 186
a) 1- Le recours aux outils de logique formelle
Pour répondre à la critique adressée aux philosophes, Averroès commence par souligner
une contradiction : « Tout l’effort de Ghazali est de démontrer aux philosophes que, la
démonstration philosophique ne démontre rien. Malheureusement, il est contraint de le
démontrer précisément par une démonstration philosophique »64. Or la démonstration dont il
est question ici renvoie à la logique formelle dont on attribue la paternité à Aristote65. Ainsi,
Averroès en tant que grand exégète d’Aristote va déceler un certain nombre de faille dans le
raisonnement de Ghazali. Celles-ci sont relatives tantôt au sophisme tantôt au syllogisme qui
sont deux outils de logique formelle.
A propos du sophisme
C’est un raisonnement erroné en apparence vraie. En règle générale, si le sophisme est
commis de bonne foi, c’est-à-dire sans intention de tromper : c’est un paralogisme.
Cependant, qu’il soit commis de bonne ou de mauvaise foi, le sophisme souligne une erreur
qui, peut provenir soit du langage ou des idées dans le raisonnement. Si l’on se réfère aux lois
de l’argumentation, on en présence d’un schéma ou, l’antécédent est faux et le conséquent est
vrai.
De ce qui précède il ressort que, le raisonnement de Ghazali est bel et bien un sophisme et
pour être plus précis il s’agit d’un paralogisme. Et si l’on pousse l’analyse plus loin en tenant
compte de la typologie des sophismes, on peut même conclure sans risque de se tromper
qu’on a affaire à une pétition de principe.
Au sujet du syllogisme
64
Henry Corbin cite Averroès dans, Histoire de la philosophie islamique, Editions Gallimard, 1964, p.
65
Aristote expose de manière systématique les formes de la pensée et de la démonstration dans son ouvrage
intitulé Organon.
66
Alain de Libera, L’islam et la raison Paris, Edition Flammarion, 2000,
p.165. 13 Ibidem
P a g e 67 sur 186
A la différence du sophisme évoqué plus haut qui, décèle les failles dans le raisonnement
de al-Ghazali, le syllogisme intervient pour lever les équivoques sur les thèses philosophiques
qui, pour la plupart du temps ont été mal comprise par les théologiens musulmans et certains
commentateurs d’Aristote (Ibn Sina et al-Fârâbî). En effet al-Ghazali ayant traité les
Conclusions des philosophes à propos de l’être divin d’élucubrations, le philosophe de
Cordoue va se défendre en proposant une leçon de syllogisme à ce dernier afin de monter la
quiddité des thèses philosophiques en cause.
A titre de rappel, le syllogisme est l’argumentation dans laquelle d’un antécédent qui
compare deux termes à un troisième, résulte nécessairement un conséquent qui unie ou sépare
les deux termes. Les syllogismes sont abondamment utilisés dans les démonstrations et
déterminent la cohérence dans le raisonnement. Ne pouvant pas, pour les nécessités de
méthodologie, épouser tous les contours des syllogismes, nous évoqueront uniquement les
règles pris en compte par Averroès. Celles si sont en grandes partie relative à la rhétorique, on
peut citer parmi elles :
La loi relative aux prémices rhétoriques. Cette loi stipule que, dans la démonstration :
« Les prémices utilisées ici proviennent des choses, d’objet, d’opinions admises du
point de vue immédiat, non des choses dont on n’est pas convaincu, à moins que ces
prémices proviennent des choses qu’il est possible d’admettre et dont il est possible
d’être persuadé peu de temps après »67 Averroès illustre cette règle en montrant que la
proposition selon laquelle : « le soleil est cent soixante-dix fois plus grand que la terre
», ne saurait être admise du point de vue immédiat car le soleil est, à l’œil nu un petit
astre.
La règle de l’ordre ordre d’apprentissage de la discipline : on ne peut aborder les
questions physiques et métaphysiques si l’on a pas étudié d’abord la logique.
A propos des sciences théoriques notamment celles relatives aux sciences divines, il
n’existe pas des prémices généralement admise du point de vue immédiat. La raison
est que les réalités divines n’ont de correspondances dans le monde sensible.
En somme, il ressort de notre analyse que le sophisme et les syllogismes permettent de
mettre en évidences les incohérences. Qu’il s’agisse des erreurs dans le raisonnement ou
dans la compréhension, ces deux outils analysent la cohérence dans le langage. C’est dire
67
Alain Libera cite le, Commentaire moyen de la Rhétorique, en note de bas de page dans, L’islam et la raison,
Paris, Editions Flammarion, 2000, p 168.
P a g e 68 sur 186
que le langage occupe une place importante dans la démonstration. C’est la raison pour
laquelle Averroès va dès lors développer, contre ses adversaires un traité (thèse
philosophique) à l’intention du non-philosophe.
b) 2- Le recours à un langage philosophique vulgarisé
La démonstration n’est pas uniquement tributaire de la logique, elle tient également
compte du niveau de langage. A ce propos, le « Philosophe dans la cité est tenu de maitriser
les différents registres du langage »68. Averroès ne va pas déroger à cette règle ; ce dernier va
« Utiliser un langage philosophique vulgarisé, mis à la portée du non philosophe (…) pour
faire pièce aux retombées de l’offensive ghazalienne »16. Il va donc épurer les thèses
philosophiques en cause, de toutes leurs considérations historico-métaphysique, pour les
rendre accessible à l’opinion. Averroès, par cette initiative va déroger à une règle importante
de la démonstration, celle qui stipule qu’il n’existe pas des prémices généralement admise du
point de vue de l’immédiat lorsqu’il s’agit des sciences divines.
70
Michel Kouam et Ernest-marie Mbonda, Eléments de méthodologie philosophiques, PUCAC, Yaoundé, 2008,
p
71
.
72
Henry Corbin cite Averroès dans, Histoire de la philosophie islamique, Editions Gallimard, 1964, p 337.
P a g e 70 sur 186
2. B- Réception de la démarche d’Averroès
Il est certes difficile d’établir une ressemblance formelle entre la démarche entreprise par
Averroès et celle usité sa postérité. La raison à ce phénomène est que la démarche qu’il
inaugure s’apparente plus à une simple critique qu’à un véritable système de pensée dont il
serait plus facile d’établir la traçabilité. Or malgré ce constat, de nombreux philosophes ont
repris à leur compte cette démarche. Certains philosophes du soupçon notamment Nietzsche
Freud et Karl Marx remettent en cause les structures métaphysiques de la pensée : le sujet, la
conscience, la raison, le Bien et le Mal, le Vrai et le Faux, ils déconstruisent ainsi toutes ses
idoles pour en repréciser le sens. Si chez ces auteurs, la déconstruction n’est pas encore tout à
fait manifeste, Jacques Derrida va systématiser l’usage et qui va théoriser cette pratique.
Dès le début de notre exposé nous avons constaté que : L’incohérence de « l’incohérence
» de Averroès et De la grammatologie de Jacques Derrida présentaient des similitudes.
Cependant, après une lecture rétroactive de la déconstruction et de son l’illustration dans
l’œuvre du philosophe musulman, nous avons pu démontrer que ce qui semblait apparent du
point de vue de la forme, présentait également des similitudes dans le fond. C’est donc dire
qu’une filiation idéologique peut être aisément établi entre Averroès et Derrida, dans la
mesure où l’on, peut attribuer l’origine de la déconstruction à l’un et le commencement à
l’autre. La démarche d’Averroès a énormément influencé la postérité dans la mesure ou la
démarche qu’il a initié à conduit à mettre en place toute une pratique philosophique, qui
connaitra un succès immense aux
Etats-Unis. On comprend dès lors pourquoi Averroès est considéré comme l’un des plus
grands philosophes de son temps.
P a g e 71 sur 186
CONCLUSION
A la question de savoir : peut-il y avoir une relation entre l’incohérence de « l’incohérence
» d’Averroès et De la grammatologie de Jacques Derrida, l’intitulé de notre thème
présupposait une certaine filiation entre les deux œuvres. A travers une lecture rétroactive de
la déconstruction, nous avons présenté dans un premier temps les modalités de la
déconstruction.
Car sa démarche inaugure une nouvelle manière d’aborder les textes. Cette démarche a
d’abord été reprise par les philosophes du soupçon et été systématisé par Derrida qui va
théoriser cette pratique. D’Averroès à Derrida, on peut dès lors établir un continuum dans la
pensée. Or l’évolution dans la pensée est ce qui fait l’originalité de la philosophie.
P a g e 72 sur 186
BIBLIOGRAPHIE
1- Alain de Libera,
2000, Islam et la raison, Paris, Edition GF Flammarion.
2- Denis Huisman,
2009, Dictionnaire des philosophes, Paris, PUF.
3- Henry Corbin,
1994, Histoire de la philosophie Islamique, Paris, Editions Gallimard
4- Jacques Derrida,
1967, De la grammatologie, Paris, Edition de « Minuit ».
P a g e 73 sur 186
TABLE DE MATIERES
SOMMAIRE.............................................................................................................................. 1
INTRODUCTION...................................................................................................................... 2
I – LECTURE RETROACTIVE DE LA DECONSTRUCTION ............................................. 3
A- De Derrida… ............................................................................................................ 3
1- Qui est Derrida ........................................................................................................... 3
2- Les modalités de la déconstruction............................................................................. 5
B- … à Averroès.............................................................................................................7
1- Présentation d’Averroès ............................................................................................. 7
2- Corrélation Avec Derrida ........................................................................................... 8
II – ILLUSTRATION DE LA DECONSTRUCTION DERRIDIENNE CHEZ
AVERROES.......................................................................................................................... 9
A- Objet de la déconstruction : Le plaidoyer de Al-Ghazali contre les
philosophes………………………………………………………………….......... 9
1- Panorama sur la vie de Al-Ghazali............................................................................ 10
2- Les questions philosophiques réfutées par Al-Ghazali............................................. 10
B- La Méthode de déconstruction : le réquisitoire d’Averroès.................................. 12
1- Le recours aux outils de logique formelle................................................................. 12
2- Le recours à un langage philosophique vulgarisé..................................................... 14
III – INTERET PHILOSOPHIQUE DE LA DEMARCHE D’AVERROES ..................... 16
A- Esquisse d’une nouvelle pratique.......................................................................... 16
B- Réception de la démarche d’Averroès................................................................... 16
CONCLUSION........................................................................................................................ 18
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................... 19
TABLE DE MATIERES ......................................................................................................... 20
P a g e 74 sur 186
Groupe 5 :
Le véritable bonheur dans : Opinion des
habitants de la cité vertueuse d’Al-Fârâbî
Présenté par :
BOUDA Achille
KASSAÏ Verno Verlomme
NGOHIRI Martin
P a g e 75 sur 186
SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................................................... 77
CONCLUSION ........................................................................................................................ 23
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 24
P a g e 76 sur 186
INTRODUCTION
Le Moyen âge est une période de l’histoire de l’Europe, qui s’est étendue de la fin du Vème
siècle à la fin du XIVème siècle73. Il a débuté avec le déclin de l’Empire romain d’Occident et
s’est terminé par la Renaissance et les Grandes découvertes. L’établissement des bornes de
cette période varie d’un historien à un autre. Malgré le fait que ces historiens aient situé cette
période différemment, il y’a un point sur lequel ils conviennent, l’origine de la culture du
moyen âge qui tient la fusion de trois facteurs : la culture classique, essentiellement gréco-
romaine, la culture germanique et le christianisme. Aussi, plusieurs reproches ont été faits à la
période médiévale entre autres, l’argument selon lequel la période médiévale s’est articulée
autour de la conviction de la non-existence d’une pensée proprement philosophique. Or la
période médiévale a été marquée par divers courants de pensées philosophiques, même si
pour certains auteurs, cette époque a une extrémité, qui est celle de l’obscurantisme 74. Mais
c’est dans ce tumulte que naîtront des pensées philosophiques des religions dites révélées
comme l’Islam. Al-Fârâbî, philosophe médiéval et « islamo-arabe » par exemple a développé
une philosophie de la religion dans son œuvre intitulée Opinions des habitants de la cité
vertueuse, une philosophie en quête du bonheur dans une cité dite vertueuse. Cependant, on
peut se demander qu’est-ce qu’il entend par « bonheur en vérité ? » Ainsi, si pour les
philosophes comme Al-Fârâbî, la philosophie est la condition sine qua non pour atteindre le
bonheur véritable, alors, nous nous posons la question de savoir qu’est-ce que le vrai
bonheur ? Comment parvient-on à ce bonheur en vérité ? Pourquoi un tel type de bonheur ?
Quelle est sa finalité ?
A ces questions, nous tenterons d’abord de faire une présentation générale de l’auteur et de
son œuvre, ensuite une analyse approfondie de la conception du bonheur chez al-Fârâbî et
enfin, faire une actualisation.
73
Christian Godin, La philosophie, Antiquité, Moyen Age et Renaissance pour les Nuls, paris, éditions First-
Grund, 2008, p.183.
74
Christian Godin, op. cit. p.187.
P a g e 77 sur 186
I- PRESENTATION GENERALE SUR AL-FARABI
Abu Nasr Mohammed Ibn Tarkhân, dit Afarabi ou Al-Fârâbî est un philosophe arabe du
Xème siècle, né à Farab en 870 dans la ville de Transoxiane ( turkestan) ou Otrâr dans la
province de Mawaralnahar, d’un père Persan et d’une mère turque77, d’où il prit son nom. Il
est mort à Damas en décembre 950 de l’ère chrétienne après avoir accompagné le prince Séif-
Eddaula dont il a vécu dans sa cour à Alep. Il est issu d’une famille de notable, son père ayant
exercé un commandement militaire à la cour des Samanides, région dans laquelle il a grandi
et étudié avant de partir à Bagdad pour la suite de sa formation. Il s’est rendu de bonne heure
75
Emile BREHIER, La philosophie du Moyen Age, Paris, édition ALBIN MICHEL, 1949, p.95.
76
Emile BREHIER, op., cit., p.98-99.
77
AL-FARABI, Livre de concordance entre les opinions des deux sages : le divin Platon et Aristote, traduction
d’ELIE ABDEL-MASSIH, Beyrouth, édition Presse de l’Imprimerie Catholique, 1970, p.1.
P a g e 78 sur 186
à Bagdad, où, sous le sceptre des Abbassides, florissaient les sciences et les lettres ; et il y
suivit les leçons d’un chrétien, Jean fils de Gilân. Il avait approfondi toutes les sciences et
tous les arts de son temps, et fut appelé le Second instituteur de l’intelligence. Il va ensuite
compléter ses recherches dans l’une des institutions d’enseignement en arabe proche de
Byzance, et revient à Bagdad où il a enseigné jusqu’à ce que la situation sociale dans la
capitale le force à partir en Syrie, puis en Egypte. Parmi les maîtres qui l’ont enseigné en Asie
centrale et à Bagdad, il y avait des clercs chrétiens qui faisaient remonter l’origine de leur
enseignement philosophique à l’école d’Alexandrie, école platonicienne païenne, christianisée
à la fin de la période romaine, et dont les derniers membres s’étaient déplacés vers Antioche,
Haran, Bagdad et l’Asie centrale.
Philosophe platonicien qu’il soit, étant devenu suffisamment versé en théologie chrétienne
néoplatonicienne sous la direction des maîtres nestoriens. On avait pu s’attendre à ce qu’il
développe une théologie musulmane néoplatonicienne. Mais au contraire, al-Fârâbî soutient
que la philosophie d’Aristote et de Platon convient à l’étude des religions révélées, et que
c’est sous la philosophie politique que cette étude devrait être menée. Il développe donc une
philosophie de la religion basée sur la tradition philosophique platonico-aristotélicienne en
général et sur la politique en particulier. Il fut l’un des premiers à étudier, à commenter et à
répandre parmi les Arabes la connaissance d’Aristote. Il a laissé un très grand nombre
d’écrits, dont on trouve la nomenclature dans l’histoire des médecins d’Ibn-Ali et dans le
Dictionnaire des philosophes de Djemâl –Eddin. Il nous reste de lui que quelques traités, soit
en arabe soit dans des versions hébraïques car les originaux de plusieurs de ses ouvrages sont
perdus78. Ses ouvrages majeurs sont :
78
http://www.cosmovisions.com/Alfarabi.htm, consulté le18 /03/2020 à ooh16.
P a g e 79 sur 186
L’Harmonie entre les opinions de Platon et Aristote.
Traité des opinions des habitants de la cité vertueuse79, celui qui fait l’objet de notre
réflexion actuelle.
Ainsi, nous allons étudier cette œuvre d’une manière minutieuse pour en connaitre la portée.
L’œuvre d’al-Fârâbî intitulée Opinions des habitants de la cité vertueuse est un traité. Elle
est une traduction critique et commentaire d’Amor Cherni. Elle est réalisée par l’Atelier
Graphique Albouraq en 2011. Son impression est achevée en mai sur les Presses de Dar
Albouraq de la même année en Beyrouth-Liban. Elle est composée d’une introduction et de
quatre chapitres. Le premier chapitre traite du Premier, puis le second du monde, ensuite le
troisième de l’homme et enfin le quatrième de la société. Cet ouvrage a un volume de 330
pages avec une double version française et arabe. Il représente l’écrit complet de l’auteur et
représente l’essentiel de sa philosophie. Dans l’introduction, on nous fait mention de quatre
(4) théories qui représentent les chapitres cités ci-haut. Une théorie du Premier (l’être
suprême), une théorie de l’univers (le monde supra lunaire et le monde sublunaire), une autre
théorie de l’homme en tant que corps, laquelle se développe en une théorie du vivant, et en
tant qu’âme (avec un classement et une étude de ses puissances et de leurs fonctions) et, enfin,
une théorie de la société, axée sur la politique et le mode de gouvernement des cités et des
« nations »80.
Dans la théorie du Premier, l’auteur le définit comme la cause première de l’existence de tous
les existants. Il est exempt de toutes formes de défaut. Son existence est donc la meilleure et
la plus ancienne de toutes. Il occupe le sommet de la perfection de l’existence et le plus haut
rang. Il ne peut avoir une existence en puissance et cela d’aucune manière. Il ne peut non plus
ne pas exister et cela d’aucune manière, de la même façon il est éternel et d’une existence
permanente par sa substance et son essence. Aucune existence ne peut ressembler à la sienne
et aucune existence du même rang que la sienne ne lui manque. Il n’est donc point matière, ne
subsiste par aucune matière, ni absolument par aucun substrat. Il n’a pas non plus de forme
79
https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-F%C3%A2r%C3%A2b%C3%AE#cite_note-18, consulté le 19/03/2020, à 22h
41mn.
80
Abû Nasr al-Fârâbî, Opinions des habitants de la cité vertueuse, Beyrouth, Dar Albouraq, 2011, p.9.
P a g e 80 sur 186
parce que la forme ne peut être que dans la matière. Son existence n’a pas non plus de but ou
de fin pour laquelle il serait. Au contraire son existence est pour qu’une telle fin ou un tel but
se réalise ; sinon celle-ci serait pour son existence et il ne serait donc pas cause première. Il se
distingue par sa substance de tout autre et l’existence qui est la sienne ne peut être celle
d’aucun autre. Le Premier a les attributs essentiels : unicité, causalité, perfection,
P a g e 81 sur 186
indivisibilité, éternité, science, sagesse81. En d’autre terme, l’Etre premier est la cause
première de l’existence de tous les êtres et se situe dans la perfection de l’être au rang le plus
élevé. Il n’a pas de cause à son existence, par conséquent son existence n’a ni but ni fin.
L’essence de son Etre est en dehors de toute matière, il est donc Intellect en acte. Il diffère en
sa substance de tout autre. Il n’a point de contraire, il est indivisible. Son unité est son essence
même. Il est connaissant, sage, vrai et vie. Il est l’Etre premier de qui procède tout autre. La
81
AbûNasr al-Fârâbî, op. cit. p. 30-76.
P a g e 82 sur 186
théorie de l’univers est accordée à ce que l’auteur appelle précisément les Seconds et à ce qui
en provient. Il s’agit, selon la terminologie d’Aristote reprise par l’auteur, de « choses
séparées », ou d’ « intellects en acte », c’est-à-dire d’esprits purs et « exempts de toute
matière ».Ces seconds sont au nombre de neuf, auxquels s’ajoute un autre « être séparé » ou
un autre « intellect en acte », d’un statut tout à fait particulier, appelé « Intellect agent ». Al-
Fârâbî déduit l’existence des Seconds et celle des « corps célestes » selon le célèbre
mouvement de procession, placé sous le patronage du concept d’émanation de Plotin. Pour
P a g e 83 sur 186
émaner du Premier, chacun des Seconds pense le Premier et pense sa propre essence. De ce
qu’il pense du Premier, résulte un corps céleste. Ainsi, chacun de ces intellects en acte est
responsable d’un corps céleste : le second du premier ciel, le troisième du ciel des fixes, le
quatrième de Saturne, le cinquième de Jupiter, le sixième de Mars, le septième du Soleil, le
huitième de Vénus, le neuvième de Mercure et le dixième de la Lune. Celle-ci est, comme
chez Aristote, la limite entre le supra lunaire, ou monde de l’éternité et le sublunaire, ou
monde de génération et de la corruption. Précisément à cette limite, se situe l’Intellect agent ;
P a g e 84 sur 186
intellect en acte, lui aussi, dont ne résulte aucun « corps céleste », mais dont l’action est
tournée vers le monde sublunaire et, en particulier, vers les affaires humaines82.
Autrement dit, du Premier Etre émanent tous les êtres. Son essence est immuable, par
conséquent l’émanation de tous les êtres n’affecte pas son essence. Le second être, émanant
du Premier, intellige son essence et intellige le Premier. Son intellection du Premier provoque
82
AbûNasr al-Fârâbî, op. cit. p. 10.
P a g e 85 sur 186
l’apparition d’un troisième être. Par l’intellection de son essence résulte un autre être, celui du
premier ciel. De la même manière le troisième être intellige le Premier, de cet acte résulte le
quatrième être. Le troisième être s’intellige lui-même, ce qui provoque aussi la création de la
sphère des étoiles fixes. Le même processus se répète jusqu’au dernier être83. Avec l’Intellect
agent84se termine la lignée des êtres Spirituels, qui ont reçu leur ultime perfection dès le
départ. Chez al-Fârâbî, Dieu crée en pensant ; sa pensée est à l’origine de toute émanation.
Dans le système d’al-Fârâbî, le parcours de la procession néoplatonicienne issue de Plotin est
dédoublé. Les neufs cieux constituent l’échelle de la descente alors que les dix Intellects
forment le câble de la remontée.
La théorie de l’homme en tant que corps ; l’homme a en lui des puissances qui le gouvernent.
La puissance nutritive, celle par laquelle il se nourrit, puis la puissance sensitive, ensuite la
puissance appétitive, et encore la puissance imaginative celle par laquelle il retient ce qui, en
son âme, ait disparu. Vient s’ajouter ensuite la puissance raisonnable par laquelle il peut
penser. La puissance nutritive n’a qu’une seule puissance gouvernante, les autres lui sont
subordonnées et sont ses servantes. La puissance sensitive comporte aussi un gouvernant et
des subordonnées. Cette « puissance gouvernante est dans le cœur ». La puissance
imaginative n’a pas de subordonnées reparties sur d’autres organes. Elle est aussi dans le
cœur. Quant à celle raisonnable, elle n’a ni subordonnées ni servantes de son espèce dans les
différents organes. Elle règne sur les autres puissances, savoir l’imaginative et la gouvernante
de la puissance de chaque genre de « puissances » où il y a gouvernante et gouvernée. Elle est
donc la gouvernante de la puissance imaginative, la gouvernante de celle qui gouverne la
puissance sensitive et la gouvernante de celle qui gouverne la puissance nutritive. La
puissance raisonnable est la gouvernante des gouvernantes et elle gouverne sans être
gouvernée. La puissance appétitive, qui désire une chose ou la repousse, est gouvernante et a
des servantes. C’est par elle que se fait la volonté. La science d’une chose peut se faire par la
puissance raisonnable, comme elle peut se faire par l’imaginative, ou par la sensitive. En
effet, la nutritive gouvernante est comme la matière de la puissance sensitive gouvernante ; la
sensitive est la forme de la nutritive. La sensitive gouvernante est comme la matière de
l’imaginative, et l’imaginative est la forme de la sensitive gouvernante. L’imaginative est la
matière de la raisonnable ; la raisonnable étant la forme de l’imaginative ; mais elle n’est la
matière d’aucune puissance. Quant à l’appétitive, elle dépend de la sensitive gouvernante.
Maintenant après la formation de ses organes et de leurs rangs, qu’en est-il de leur
83
Abu Nasr Al-Farabi, Mabadiàràahlal-madina al-fadila, p.100, 102,104.
84
Herbert A. Davidson, Alfarabi, Avicenne and Averroes, on Intellect, oxford, Oxford UniversityPress, 1992,
p.46, n°11.
P a g e 86 sur 186
gouvernement ? Lequel est le gouvernant, lequel est le serviteur, comment gouverne celui qui
gouverne, comment sert celui qui sert.
Le cœur est l’organe gouvernant qui n’est gouverné par aucun autre organe du corps. Il est
suivi par le cerveau qui est, lui aussi, un certain organe gouvernant ; seulement son
gouvernement il n’est pas premier mais second ; car il est gouverné par le cœur et gouverne
les autres organes. Il sert le cœur en lui-même et est servi par les autres organes selon ce qui
est naturellement exigé par le cœur85.
85
AbûNasr al-Fârâbî, op., cit., p. 140-154.
86
Abu Nasr al-Fârâbî, op., cit., p. 214-222.
P a g e 87 sur 186
ce que véritablement il désire et veut87 ». En général, l’on se rend bien compte qu’aucune
chose sensible ne peut faire le bonheur absolu de l’homme. Mais quant à dire exactement ce
qu’est le bonheur, il y a toujours des difficultés ou diverses opinions qui surgissent 88. Il y
avait eu des débats sur le bonheur de l’âme, qui était courant dans les réflexions
philosophiques depuis des siècles. On développait des réflexions philosophiques sur le
bonheur dans le domaine de l’éthique. Il était question de soigner l’âme humaine et de la
purifier pour qu’elle arrive à mener une vie bienheureuse. La question du bonheur était donc
une préoccupation commune entre les écoles philosophiques telles que le Stoïcisme,
l’Epicurisme, le Platonisme, l’Aristotélisme et le Pythagorisme ; et des associations
religieuses telles que les Orphiques etc.89 Le philosophe arabe al-Fârâbî tout aussi platonicien
et aristotélicien, s’inscrit dans le même débat traitant de la question du bonheur dans Opinions
des habitants de la cité vertueuse. Cependant, comment conçoit-il le bonheur ?
Au commencement, al-Fârâbî fait une distinction entre les bonheurs. Pour lui, le « véritable
bonheur » n’est pas celui que nous entendons ou que pensent certains. Le véritable bonheur,
« suivant la tradition platonicienne, l’auteur commence par l’opposer aux « faux bonheurs » et
aux « faux biens » tels que la richesse, les plaisirs, les honneurs, la domination etc.90 » Selon
al-Fârâbî, le véritable bonheur en tant que tel n’est pas du domaine sensible. D’où il apparaît
que le « bonheur en vérité » n’est pas de ce monde ; il concerne la vie dans l’au-delà, celle
que seules connaitront les âmes qui auront réussi, avec l’aide de l’Intellect agent, à survivre à
la matière, destin qui n’est pas donné à toutes les âmes et à jouir de leur présence et de leur
communauté dans l’autre monde91. Bien qu’étant la fin de toutes sociétés ou encore cités,
toutefois certaines n’y ont pas accès. Ce bonheur n’est pas donné à tout le monde, il y a ceux
pour qui cela est destiné. Car son obtention nécessite un certain nombre de sacrifices et de
dispositions. Le bonheur comme finalité de toute action humaine est une idée commune à tous
les philosophes les plus marquants de la philosophie antique, depuis les présocratiques
87
Ngarndiguimal Nelemta, Le bonheur : finalité de l’ascension dialectique chez Plotin, mémoire en vue de
l’obtention d’une maîtrise philosophique, Juin 2002, p.1.
88
NgarndiguimalNelemta, Le bonheur : finalité de l’ascension dialectique chez Plotin, mémoire en vue de
l’obtention d’une maîtrise philosophique, Juin 2002, p.1.
89
Ibid.
90
Abû Nasr al-Fârâbî, op., cit., p.11.
91
Ibid.
P a g e 88 sur 186
jusqu’aux néoplatoniciens qui, en ont fait le but ultime de l’agir moral. Le bonheur suprême
dans cette mentalité philosophique est considéré comme le souverain Bien, une réalité divine
à laquelle l’âme y accède en remplissant certaines conditions. En revanche, comment y avoir
accès ?
Obtenir le bonheur véritable est un défi ardu laissé à la libre volonté humaine. L’être humain a
le choix de se parfaire ou non, en optant pour ce qui est recommandable ou blâmable ; à cause
de cela, il mérite une récompense ou une punition. Il a la capacité de rechercher le bonheur ou
pas92. Par volonté, il peut opter pour le bien ou le mal. Pour se diriger vers le bonheur, il doit
en avoir une connaissance et savoir comment l’atteindre. L’Intellect agent a pour fonction
spécifique d’aider les formes à se débarrasser de la matière. Mais le faylasûf précise qu’une
telle fonction ne convient guère à d’autres êtres que l’homme. C’est donc à lui qu’il revient
d’aider les « animaux raisonnables » à quitter leur animalité et à libérer leurs âmes de
l’emprise du corps et de la matière en général ; condition sine qua non de leur immortalité et
de leur accession à ce que l’auteur appelle bonheur93. Les premiers intelligibles fournis par
l’intellect agent jouent un rôle crucial. Ayant perçu les premiers intelligibles, l’objectif
premier de l’être humain doit être de perfectionner sa faculté rationnelle spéculative, la seule
faculté qui puisse percevoir le bonheur avec certitude. Il doit aussi développer ses autres
facultés, rationnelle, pratique, appétitive, imaginative et sensitive pour atteindre le bonheur.
Lorsque l’être humain cherche à atteindre ce but, tout ce qu’il fait est bon. Lorsqu’il dévie de
ce but, tout ce qu’il entreprend est mauvais94. Celui qui s’est efforcé à atteindre la
connaissance en se fondant sur les premiers intelligibles redevient le récipiendaire de
l’effusion de l’Intellect agent. Lorsqu’il est prêt, son intellect passif ou intelligence en tant
qu’elle reçoit les connaissances devient la matière première pour l’intellect acquis. Ce dernier
sert de matière première à l’intellect agent. L’Intellect agent agit sur la faculté imaginative en
lui fournissant les intelligibles convenant à la faculté rationnelle spéculative et le sensible
convenant à la faculté rationnelle pratique. Au moyen des songes et des visions, l’Intellect
agent communique les particuliers à la faculté imaginative. Par les divinations, il transmet les
intelligibles à la faculté imaginative95. Lorsque l’Intellect agent agit sur la faculté imaginative,
il fait parvenir les idées (intelligences) reçues sous une forme sensible. Ainsi, il communique
92
Abu Nasr Al-FARABI, Kitab al-siyasa al-madaniyya, traduit partiellement par F.M. NAJJAR, « The
politicalRegime » dans Medievalpoliticalphilosophy, p.42.
93
Abû Nasr al-Fârpabî, op., cit., p.11.
94
Abû Nasr AL-FARABI, Mabadiàràahl al-madinaàra al-fadila, p. 208-211.
95
Ibid.
P a g e 89 sur 186
ses idées par l’intermédiaire de cette faculté afin de véhiculer la révélation nécessaire pour
qu’elle s’accomplisse en acte dans l’intellect humain. Al-Fârâbî présente cette intervention
comme entrer en jonction. Dans le Mabadiàràahl al-madina al-fadila, il décrit l’être humain
sur qui l’Intellect agent est descendu, c’est-à-dire l’émanation de l’Intellect agent à l’intellect
passif. Le pouvoir, qui rend l’être humain capable de comprendre les choses et de se diriger
vers le bonheur, émane de l’Intellect agent vers l’intellect passif à travers la médiation de
l’intellect acquis. Ce phénomène constitue une révélation parce que l’Intellect agent est la
Cause première. La révélation, en effet, vient de la cause première. Cette transmission au
monde sensible se fait par les songes ou les visions. Le plus haut degré de l’action de
l’Intellect agent s’accomplit par la transmission des révélations prophétiques (des
connaissances divines) à l’intellect du Messager gratifié par le mandat Spirituel96.
De la dernière sphère qui est celle de la Lune, émane le monde sublunaire, monde des
éléments, monde de la génération et de la corruption que régit la dernière intelligence (la
dixième) qu’al-Fârâbî appelle « l’Intellect agent ». C’est l’intellect agent qui donne aux
éléments de ce monde leur multiplicité formelle et les divise en minéraux, végétaux, animaux,
et humains. C’est pourquoi cet intellect a été appelé « dator formarum » (donateur de
formes) ; c’est lui le dieu direct de ce monde. De lui, émanent les âmes humaines qui viennent
informer les corps suffisamment disposés à les recevoir. Ces âmes d’après al-Fârâbî,
acquièrent leur immortalité dans la mesure où elles s’efforcent d’atteindre les vérités
transmises par cet intellect agent, le premier Etre étant hors de leur portée. Cet intellect agent,
de qui émanent les âmes, est donc leur ultime bonheur. Il contient toutes les variétés acquises
par sa contemplation du premier Etre. Les âmes humaines qui ne se seraient pas efforcées de
connaître les vérités contenues dans cet intellect agent disparaitront avec la dissolution du
corps ; leur destinée sera celle des âmes des bêtes et des plantes ; point de survie pour elles.
Pourquoi survivraient-elles ? Pour contempler une vérité qu’elles n’avaient jamais cherché à
connaître ? Ainsi donc, la survie s’acquiert, conclut al-Fârâbî, et elle appartient aux seules
âmes connaissantes. Quant au corps, il appartient au monde des éléments et n’étant pas
indispensable au bonheur des âmes qui est purement spirituel. Il restera dans son monde, donc
point de résurrection pour les corps. Les vérités que l’homme doit connaître pour que son âme
acquière l’immortalité ne sont, d’après al-Fârâbî, autres que le contenu de la philosophie de
l’émanation : l’existence, d’un premier Etre, la chaîne des émanations, l’origine de l’âme, la
connaissance du bien et une conduite conforme à cette idée de bien et de justice qui est la base
de la cité vertueuse. Pour comprendre ce qu’al-Fârâbî entendait par ce qu’il appelait les
96
Abû Nasr AL-FARABI, op., cit., p.224.
P a g e 90 sur 186
« vérités éternelles contenues dans l’intellect agent », il suffit de se rappeler la théorie
platonicienne des idées ou archétypes, à condition de considérer celles-ci comme regroupées
dans une intelligence. Cette intelligence, qui est l’intellect agent, a acquis les vérités éternelles
par sa contemplation du premier Etre, et elle ne cesse de les diffuser. L’effort qu’une âme
humaine aura déployé pour se rapprocher, dès ici-bas, de ces vérités, lui vaudra une
contemplation dans l’autre vie qui fera son bonheur éternel. Telle est la mystique à laquelle
abouti al-Fârâbî : une mystique contemplative.
Al-Fârâbî soutient que l’intellect agent ne cesse de faire rayonner la vérité dans le monde ;
mais seules les âmes douées d’une imagination limpide, claire et pure, captent cette vérité et
la traduisent dans le langage humain qui la matérialise, pour ainsi dire. Cependant, la vérité
elle-même dépasse le cadre matériel dans lequel le langage l’a enfermée. Seul le philosophe
peut s’élever, par un effort de contemplation et de logique, à la source même de la vérité, à cet
intellect agent, saisir la vérité pure et comprendre les « formes intelligibles ». Ainsi, al-Fârâbî
semble admettre la supériorité de l’intelligence du philosophe sur l’imagination du prophète à
travers laquelle l’intellect agent réfléchit sur les vérités97. Et après avoir passé cette étape,
seules les âmes destinées à ce « bonheur en vérité » acquerront certain nombre de qualités
vertueuses, notamment le philosophe et le prophète.
Pour le philosophe al-Fârâbî, l’acquisition de la vertu ne peut être atteinte que par celui qui
réunit, naturellement et dès la naissance, douze (12) qualités :
Dont l’une est qu’il jouisse naturellement de tous ses membres, que ses membres
soient vigoureux et qu’ils soient en adéquation avec les actions qu’ils sont destinés à
accomplir ; de sorte que lorsqu’il se propose d’accomplir une tâche par l’un de ses
membres, il y parvient aisément.
Puis qu’il ait naturellement une bonne aptitude à comprendre et à concevoir tout ce
qui lui est dit, et qu’il le saisisse par son entendement selon ce qui est signifié par
l’interlocuteur et ce qui est exigé par la chose même.
Puis qu’il ait une bonne capacité de retenir ce qu’il comprend, ce qu’il voit, entend et
perçoit, et qu’en somme, il n’en oublie presque rien.
97 ème ème
Albert Nader, Courants d’idées en Islam, Canada, Medias Paul, 6 au 20 siècle, p.66-69.
P a g e 91 sur 186
Puis qu’il soit perspicace et intelligent, de sorte que dès qu’il aperçoit le moindre
indice d’une chose, il la saisisse telle qu’indiquée par l’indice.
Puis qu’il ait une bonne élocution, de sorte que sa langue l’aide à exprimer aisément
tout ce qu’il conçoit.
Puis qu’il aime à apprendre et à s’instruire, qu’il y soit porté, prêt à bien en supporter
« l’effet », sans en ressentir la fatigue, ni être rebuté par l’effort exigé.
Puis qu’il ne soit pas excessif quant à la nature, à la boisson et au sexe, évitant
naturellement les jeux, méprisant les plaisirs qui en découlent.
Puis qu’il aime la vérité et ceux qui la défendent, méprisant le mensonge et ceux qui
s’y adonnent.
Puis qu’il soit magnanime, qu’il aime l’honneur : que son âme méprise naturellement
tout ce qui est bas, et qu’elle s’élève aux plus hautes valeurs.
Puis qu’il accorde peu de crédit à l’argent et à tous les biens de ce monde.
Puis qu’il aime naturellement la justice et ses partisans, qu’il méprise l’injustice et ses
adeptes ; qu’il reconnaisse ce qui est dû par lui et par les autres et incite les gens à en
faire autant ; qu’il ait pitié des victimes de l’injustice, appréciant tout ce qu’il trouve
beau ; qu’il soit aussi tempérant et facile à convaincre, non hargneux et acariâtre,
lorsqu’il est appelé à la justice et, au contraire, difficile à convaincre lorsqu’il est
appelé à l’injustice et à tout ce qui est laid.
Puis qu’il soit ferme dans sa volonté concernant ce qui doit être fait, courageux dans
son exécution, brave, sans crainte et sans faiblesse98.
Nous voyons clairement le lien fort qu’al-Fârâbî établit avec Platon dans La République, Livre
VI où Platon soulève la question de la personne à qui il revient de diriger la cité. Autrement
dit, il est question d’identifier qui pourrait être le meilleur dirigeant ou que seul l’homme juste
plutôt que l’homme injuste pourrait être le meilleur dirigeant de la cité, or il n’y a
probablement que le philosophe qui remplit cette condition en raison d’un certain nombre de
caractères qui s’accommodent à la nature philosophique. D’où la question quels sont ces
caractères ?
Platon opère d’abord une distinction entre le philosophe et le non philosophe : « les
philosophes sont ceux qui sont capables d’atteindre à la connaissance d’immuable 99». Tandis
que les non-philosophes sont ceux qui se perdent dans le multiple et le changeant. Le
philosophe est celui qui est capable de fixer son regard sur le Vrai, le Juste et le Bien de sorte
98
Abû Nasr al-Fârâbî, op., cit., p.242-246.
99
Platon, La République, Livre VI, 484b, France, éditions Gallimard, 1950, p.1062-1063.
P a g e 92 sur 186
qu’il soit toujours porté non seulement à contempler ces valeurs mais aussi à conformer son
agir à elles.
100
Abû Nasr al-Fârâbî, op., cit., p. 246.
P a g e 93 sur 186
gouverner. Toutefois, la « cité vertueuse » est celle précisément qui permet d’accéder
au « vrai », celui auquel parviennent les âmes vertueuses dans « la vie future101 ».
La « cité vertueuse » s’oppose aux autres cités, qui s’orientent vers ce qu’elles considèrent
comme le leur et qui n’est qu’un simulacre de bonheur, puisque ce bonheur ne fait
qu’enfoncer les âmes dans la vie sensible et les asservir à la matière. La cité vertueuse
s’oppose d’abord à la « cité d’ignorance », qui comporte plusieurs variétés, puis à la « cité
immorale », à la « cité versatile », à la « cité de l’errance » et, enfin, aux « dissidents ». La
« cité de l’ignorance », qui est la véritable antithétique de la cité vertueuse, comporte, à son
tour, six variantes qui sont respectivement les cités « du nécessaire », « de la scélératesse »,
« de la bassesse », des « honneurs », « de la domination » et la « cité collective »102. Celui qui
dirige la cité vertueuse, il faut en outre qu’il possède un « intellect acquis », qui est la
condition d’entrer en contact avec l’Intellect agent, lequel lui confère alors cette « chose » qui
est « comme la lumière » et qui doit le guider lui et ses concitoyens. Selon qu’il reçoit cette
« chose » par son « intellect acquis » ou par sa « puissance imaginative », il est « philosophe »
et « totalement raisonnable », ou « prophète annonciateur de ce qui sera et informateur de ce
qui est ». C’est donc par cette « chose » qui est soit une philosophie, soit une révélation qu’il
peut « déterminer les opinions » et « prescrire les actions » qui conduisent sa cité vers « le
bonheur en vérité103 ».
Seuls le prophète et le philosophe sont capables d’atteindre les vérités contenues dans
l’intellect agent, ils sont donc les seuls capables de fonder une cité vertueuse. Al-Fârâbî
reprend ici la fameuse thèse platonicienne du philosophe-roi, en lui ajoutant celle du
prophète-roi.
D’après Platon, le philosophe contemple les idées et s’en inspire dans l’organisation et la
direction de la cité, notamment l’idée de justice. Selon al-Fârâbî, le philosophe contemple
aussi ces vérités contenues dans l’intellect agent qui est dans la sphère de la Lune ; et le
prophète s’en inspire. Toute cité fondée sur d’autres principes que ceux émanant de l’intellect
agent est une cité non vertueuse, destinée à la destruction et à la disparition. Et toute cité qui,
101
Abû Nasr al-Fârâbî, op., cit., p.11.
102
Ibid.
103
Abû Nasr al-Fârâbî, op., cit., p.12.
P a g e 94 sur 186
après avoir connu ces principes, s’en éloigne est une cité ignorante ; son sort ne saurait être
que misérable. Comment est constituée alors cette cité vertueuse ?
Les gouvernés sont le socle de la cité vertueuse. Comme dans la vie tout choix suppose un
discernement, il va de même que ceux qui veulent opérer un choix soient lucides et vertueux.
Véritablement tout gouvernant est choisi d’une manière ou d’une autre par le peuple. Avoir
donc un dirigeant capable de conduire la cité vers le bonheur, il va falloir que le peuple ait le
désir, le désir de chercher une cité incorruptible, juste, une cité éprise de vérité. En faisant ce
devoir, le peuple devient la fondation sur laquelle est construite la cité vertueuse. On ne peut
atteindre cet objectif que si les gouvernés de la cité vertueuse marchent sur le chemin de la
vérité. En plus le bonheur ne s’obtient pas seul. Dans Opinions des habitants de la cité
vertueuse, al-Fârâbî a mis l’accent sur la masse, le regroupement des citoyens qui ont donné
lieu à des sociétés humaines. L’auteur nous montre que certaines de ces sociétés humaines
sont parfaites, d’autres imparfaites. Les « sociétés » parfaites sont au nombre de trois : la
grande, la moyenne et la petite. Al-Fârâbî soutient que « la grande est l’association de toutes
les sociétés sur la terre ; la moyenne, l’association d’une nation dans une partie de la terre ; la
petite, l’association des habitants d’une cité dans une partie du territoire d’une nation. Les
sociétés imparfaites sont l’association des habitants d’un village, l’association des habitants
d’un bourg, l’association dans une rue, puis l’association d’une maison, la maison étant la
plus petite de toutes 104». Par analogie donc, nous pouvons dire que confier le bonheur de la
cité à une seule personne, aussi vertueuse et puissante, c’est courir vers l’imperfection la plus
basse. Aucun individu n’a encore atteint tout seul à notre connaissance le bonheur. Fort de
cela, nous pensons ensemble avec al-Fârâbî que ce sont les gouvernés qui sont la base de la
cité vertueuse, même s’ils ont eux aussi des limites. Cela peut être fait qu’au moyen d’une
organisation.
La théorie de la cité d’al-Fârâbî, dont les principes sont empruntés à la République de Platon,
marque un effort pour retrouver dans la cité l’ordre du monde ; le chef idéal, doué de toutes
les vertus intellectuelles et pratiques, a tous les traits du philosophe de la République. Il
oriente la cité non pas vers des fins terrestres, mais vers une fin surnaturelle : son but est de
préparer le bonheur après la mort108. Dans toute sa démarche philosophique vers le véritable
bonheur, nous remarquons que le philosophe musulman al-Fârâbî est un « aristotélicien dans
sa logique et sa physique, platonicien dans son éthique et sa politique et plotinien dans sa
métaphysique » ; le cachet islamique domine tout son système philosophique. Il a cherché à
travers toute sa doctrine, à réconcilier religion et philosophie, révélation et raison. Son
syncrétisme entre Platon et Aristote est un exemple palpable de cette conciliation. Cette
conciliation entre religion et philosophie paraît clairement dans son explication de la
révélation : « Il n’est pas impossible que l’homme, dont la puissance imaginative atteint son
dernier achèvement, reçoive de l’intellect agent à l’état de veille les particuliers présents et
futurs ou leurs sensibles imitateurs, ainsi que les imitations des intelligibles séparés et de tous
les autres êtres supérieurs et qu’il les voie. Il aura alors, grâce aux intelligibles qu’il reçoit de
la sorte, la prophétie des choses divines ». Al-Fârâbî ne fait donc pas de distinction entre le
prophète et le philosophe qui, tous deux, reçoivent directement inspirations et lumières de
l’intellect agent ; tandis que le premier entre en contact avec cet intellect par son imagination,
l’autre le fait par son intelligence. Pas de différence entre Révélation et la Raison, la source
est une : l’intellect agent ; la vérité est une : c’est ce qui émane de lui, la différence
n’intervient que dans le moyen de transmission aux autres109.
Cependant, cette philosophie qui cherche à donner une explication systématique aux grands
problèmes : cosmographique, moral, social et spirituel, aboutit à certaines conclusions qui ne
108
Emile Bréhier, op., cit., p. 108.
109
AL-FÄRÄBI, Livre de concordance entre les opinions des deux sages : le divin Platon et Aristote, Traduit par
ELIE ABDEL-MASSIH, O.A.M., Beyrouth, Presses de l’Imprimerie Catholique, 1970, p. 6.
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concordent pas avec la foi. En effet, elle admet une émanation éternelle et non création,
comme elle admet une intelligence (l’intellect agent) régissant notre monde en dehors du
premier Etre qui s’en désintéresse. Enfin, cette philosophie n’admet pas de bonheur sensible ;
le bonheur, selon elle, est pure contemplation de la vérité contenue dans l’intellect agent110.
Les défenseurs de la foi révélée ont rejeté violemment cette philosophie car disent-ils : « le
Prophète est l’homme élu en qui se manifeste Dieu, et la foi dans le prophète est le moyen
d’accès vers Dieu. Le continuisme platonicien, qui englobe une explication totale de l’univers
et qui relie la théologie à la cosmologie, se heurte au discontinuisme de l’Islam (qui affirme
une suite d’actes discontinus, explicables par la puissance toute nue de Dieu), création
volontaire, révélation par le Prophète. La foi islamique, au contraire, met Dieu tout près du
croyant, sans s’embrasser d’aucune considération cosmologique ; c’est la révélation opposée à
l’émanation111.
Pour al-Fârâbî, le véritable bonheur n’est possible que pour l’homme parfait, le philosophe, le
Prophète qui est à la fois Chef suprême, Législateur qui dispose de toutes les qualités. Il est
celui qui par son excellent rôle de guide, conduit la cité vertueuse à sa fin qui est le bonheur
réel. A présent passons en revue dans les sociétés, précisément arabes et notamment la société
marocaine pour examiner si la philosophie du philosophe arabe al-Fârâbî est appliquée.
Nous savons que le Maroc, situé en Afrique du Nord, sur le littoral de l'Atlantique et de la
Méditerranée, se distingue par ses influences berbères, arabes et européennes. C’est un pays
islamique où l’Islam et la politique sont étroitement liés. Son modèle politique a subi
beaucoup de mutations et de successions de dynasties. Actuellement, le roi Mohammed VI
mène une politique inclusive basée précisément sur les questions économiques, et sociales. Il
est préoccupé plus par les questions étatiques que par les questions morales, éthiques etc., qui
constituent même les principaux points d’atteinte au bonheur véritable. Aussi, certaines
sources nous montrent un taux élevé de corruption dans ce pays. Selon le groupe Libre
Afrique, le « Maroc a un niveau de corruption supérieur puisque son score est de 4,1%
dépassant la moyenne pour les 30 pays étudiés qui est de 3,3%112 ». Cela prouve d’une part
que cette cité est loin de la philosophie d’al-Fârâbî et d’autre part l’injustice gagne le terrain
ce qui remet en cause l’existence de la cité vertueuse mentionnée par notre auteur. Ce qui
nous amène à nous posé la question de savoir si réellement, le chef Suprême de ce pays
110
Albert Nader, Courants d’idées en Islam, op., cit., p. 70.
111
Emile Bréhier, op.,cit., p. 99.
112
http:/WWW.libreafrique.org/HEM corruption Maroc 021112, consulté le 02/03/2020 à 21h36mn.
P a g e 98 sur 186
disposé de toutes les qualités évoquées par al-Fârâbî, ou du moins les six autres. En effet on
constate que la grande partie de nos dirigeants politique sont plus porter vers leurs propres
intérêts égoïstes. A cela s’ajoute les injustices sur toutes ses formes constatables non
seulement au Maroc mais un peu partout dans nos divers états.
Nous pouvons, au vu et au su de ces divers constats, affirmer que le véritable bonheur d’al-
Fârâbî ou sa philosophie reste un idéal à atteindre voire utopique113. Il est remarquable
qu’actuellement les valeurs morales, éthiques ou encore les qualités du gouvernant digne en
vue d’une cité vertueuse valent moins car la corruption, l’injustice, l’affinité et la mal
gouvernance remplacent ces qualités à grande échelle.
113
Utopique ici est un idéal à atteindre, André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie,
p.1181.
P a g e 99 sur 186
CONCLUSION
Au terme de ce travail, nous rappelons que nous sommes partis d’abord du problème du
bonheur véritable chez al-Fârâbî dans Opinions des habitants de la cité vertueuse. Tout au
long de notre démarche, nous avons adopté le plan analytique. Nous avons commencé par un
aperçu général sur al-Fârâbî qui nous a permis de connaître qui est-il et avoir une
connaissance de ses différents ouvrages qu’il a écrits. Une chose remarquable est à constater
qu’al-Fârâbî qui est un philosophe arabe, a développé une philosophie basée sur Aristote et
surtout Platon.
Ensuite selon sa conception du bonheur véritable, il nous mentionne que le bonheur en vérité
se distingue des faux bonheurs, qui sont la richesse, la domination, le plaisir et les biens de ce
monde. Son bonheur véritable concerne la vie de l’au-delà, que seules certaines âmes seront
disposées à y avoir accès seulement si elles remplissent les conditions nécessaires. Al-Fârâbî
propose ainsi aux hommes la condition sine qua non, pour atteindre le bonheur. Cette
condition aidera l’homme à quitter son état d’animalité et à libérer son âme de l’emprise du
corps. Condition sans laquelle l’âme sera mortelle et n’accédera pas à ce qu’il appelle
bonheur en vérité. Pour cela, l’homme doit perfectionner sa faculté rationnelle spéculative
pour percevoir le bonheur avec certitude et ainsi que les autres facultés. Le pouvoir qui rend
l’être humain capable de percevoir les choses et se diriger vers le bonheur, émane de
l’Intellect agent vers l’intellect passif à travers la médiation de l’intellect acquis. Cet
« Intellect agent » est la frontière entre le monde supra lunaire et le monde sublunaire et c’est
lui qui donne la multiple forme des éléments de ce monde. De lui proviennent les âmes
humaines qui viennent informer les corps suffisamment disposés à les recevoir. Ces âmes
acquerront leur immortalité si et seulement si elles se forcent d’atteindre les vérités transmises
par cet intellect agent, premier Etre qui est hors de leur portée, leur ultime bonheur. Une fois
cette étape achevée, seules les âmes destinées au « bonheur en vérité » parviendront à obtenir
certain nombre de qualités. Ce n’est qu’en acquérant ces qualités que l’on peut diriger la cité
vertueuse qui se distingue des autres cités. En outre, il faut aussi que le dirigeant possède un
« intellect acquis », qui est la condition d’entrer en contact avec l’Intellect agent, lequel lui
accorde alors cette « chose » qui est « comme la lumière » et qui doit le conduire, lui et ses
concitoyens vers le bonheur véritable.
Enfin, nous avons essayé de faire une actualisation de cette conception philosophie afin de
réaliser si les dirigeants actuels peuvent avoir les qualités énumérées par al-Fârâbî en vue du
Albert Nader,
6ème au 20ème siècle, Courants d’idées en Islam, Canada, MediasPaul,
Christian Godin,
Diane Steignerwald,
Emile Bréhier,
Herbert A. Davidson,
Platon,
1950, La République, Livre VI, 484b, France, éditions Gallimard,
P a g e 102 sur 186
Webographie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-F%C3%A2r%C3%A2b%C3%AE#cite_note-18,
consulté le 19/03/2020, à 22h 41mn.
INTRODUCTION .................................................................................................................... 77
Présenté par :
ANYOUZOA Julien Stève
MALONGA Litshgi Divinat Heureuxel
NANA NANTCHO Maxime Olivier
L’existence ou la non existence de Dieu, ne parait pas un problème majeur qu’il faut
résoudre. Le véritable problème est celui de la Foi et Raison. Si la foi est une adhésion ferme
et totale à la parole de Dieu. Elle n’est ni élan aveugle de la sensibilité, ni sacrifice de
l’intellect. La Raison est une lumière naturelle procédant de Dieu : elle illumine l’esprit
humain et soutient l’autorité de la foi. Foi et Raison sont en accord l’une avec l’autre. La foi
apporte des vérités inaccessibles à la raison, que celle-ci conforte (mais ne démontre pas), en
expliquant leur contenu par son enseignement. La raison permet d’acquérir les vérités qui ne
relèvent pas directement de la foi et lui sont inaccessibles. Saint Thomas d’Aquin propose la
Foi et la Raison comme des chemins qui conduisent à la découverte de l’existence de Dieu.
Cette question se pose plus encore en philosophie, en ce sens qu'il nous faut remonter de la
considération de l'être à celle de ses principes et de la Cause Première. Nous pouvons donc
étudier les cinq voies comme des démarches métaphysiques visant à atteindre l'Être Premier,
la Cause Première, l'Être Nécessaire, l'Être le plus Grand, etc. La pensée de Thomas d’Aquin
étant si florissante que l’Eglise Catholique adopte à partir du XVIIè siècle et en fait sa doctrine
officielle. La scolastique, c’est-à-dire la philosophie et la théologie enseigné au moyen-âge en
Europe, sera fortement influencé par le thomisme dès le XIIIè siècle. Qui est Saint Thomas
d’Aquin dont la pensée se veut une découverte de l’existence de Dieu ? Que préconise-t-il
dans sa pensée pour parvenir à cette découverte de l’existence de Dieu ? Cette pensée trouve-
t-elle toujours résonnance de nos jours ? Pour mener à bien se travail, nous donnerons
d’abord la quintessence de ses cinq voies, puis nous ferons un commentaire plus approfondi
de la cinquième voie prouver l’existence de Dieu et enfin nous allons donner les limites et les
positions contraire thomiste.
1. Biographie
Thomas d’Aquin naquit au temps de l’empereur Frédéric II, dans une région du
royaume de Sicile à la frontière avec les Etats pontificaux, vers 1225. Il grandit dans une
famille de seigneur au service de cet empereur, et son père était le gouverneur de la région,
proche du théâtre sur lequel s’affrontèrent, à cette époque, les armées de l’empereur et celles
qui combattaient pour le Pape. Elevé, jusqu’à l’âge de cinq ans, dans le château fort de
Roccasecca, Thomas fut ensuite conduit à l’abbaye voisine du Mont-cassin, où il reçut sa
première éducation intellectuelle. Probablement en 1239, quand l’abbaye est l’objet d’un
violent conflit entre l’empereur et le Pape, Thomas est envoyé au Studium universitaire de
Naples, fondé par Frédéric II en 1224 et reformé par ce même empereur dix ans plus tard.
Nous connaissons encore très mal cette première étape de la formation de niveau universitaire
du jeune Thomas ; cependant une lettre de 1239, écrite par les maîtres et les étudiants, atteste
qu’à cette époque le Studium était en pleine activité et elle nous informe sur les matières
enseignées à ce moment-là : les sciences du quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie,
musique), la logique, la philosophie (y compris, probablement, la métaphysique) et la
théologie
En 1242 probablement, Thomas d’Aquin entra dans l’ordre des frères prêcheurs, à
Naples et en 1246 il arriva à Paris, où enseignait frère Albert de Cologne, dit Albert le Grand.
C’est pendant les années 1246-1248 que le jeune frère italien entra en contact avec
l’université de Paris (Bataillon 1983), et s’y imprégna- fait décisif pour la suite de sa carrière-
de l’enseignement de la philosophie (surtout morale), dispensé à la faculté des arts. Après une
période de trois ans à Cologne, où il avait été l’assistant de maître Albert, Thomas revint à
Paris pour y lire- c’est-à-dire commenter- les sentences de Pierre Lombard. Cependant, la
Admis au rang des maîtres, il enseigne en Italie de 1259 à 1268 (Anagni, Orvieto,
Rome et Viterbe) puis à Paris, de 1269 à 1272, et à Naples, en 1273 ; convoqué par le Pape
Grégoire X au concile de Lyon, en janvier 1274, il meurt en route, à Fossanova, le 7 mars
1274, dans sa cinquantième année.115
C’est en 1879, le Pape Léon XIII, dans l’encyclique AEterni Patris, a déclaré que les
écrits de Thomas d’Aquin exprimaient adéquatement la doctrine de l’Eglise. Il est Canonisé
saint le 18 juillet 1323 à Avignon par Jean XXII, puis élevé au rang de docteur de l’Eglise en
1567 par Pie V.
Les principales œuvres de Saint Thomas d’Aquin sont les suivantes : Commentaire sur
les sentences de Pierre Lombard (1252-1257), L’être et l’essence (1255), Somme contre les
Gentilles (1258-1264), Quodlibet (1258), De la puissance divine (1265-1268), Commentaire
sur Aristote (1265-1273), Somme théologique (1266-1273), Des créatures spirituelles (1265-
1273), De l’unité de l’esprit (1269), Du mal (1269-1271), Questions disputées (1271).
Nous pouvons noter que La qualité et l’impact que les écrits de Thomas d’Aquin a
laissé, lui a valu le nom docteur Angélique, qu’est-ce qui a épaté ses contemporains où
l’Eglise pour qu’il reçoit ce titre ?
Lorsque Thomas débute sa carrière de maître en théologie vers 1250 à Paris, les
musulmans, toujours installés en Espagne, poursuivent l’état de siège du monde chrétien.
Véritablement hantée par les succès de l’islam, la chrétienté prend conscience des limites de
son influence en même temps qu’elle redécouvre les œuvres d’Aristote, retraduites de l’arabe
en latin et enseignées depuis peu en Italie et à Paris. La philosophie et la théologie à cette
époque paraissaient difficilement compatibles, car, face à ce qui dépasse la compréhension,
l’intelligence devait renoncer à faire valoir ses droits : il ne faut pas, pouvait-on lire alors,
couper le « vin fort de la parole de Dieu » avec « l’eau de la raison ». Thomas se trouvait donc
confronté au choix entre deux visions du monde : celle de la Bible, fondée sur la doctrine de
114
Ruedi Imbach, La philosophie de Thomas d’Aquin, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 2009, p.15-16.
115
Roger Cartini, Vent de Philo sur les chemins de la philosophie…, Paris, Michel Lafon, 1997, p.242.
116
Clement Elisabeth, Philosophie de A à Z, Paris, Hatier, 2000, p.447.
117
François- Joseph. Thonnard, Précis d’Histoire De La Philosophie, Paris, Desclées & Cie, 1974, p.332.
118
Clement Elisabeth, Philosophie de A à Z, Paris, Hatier, 2000, p.447.
119
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique : Dieu, Question 2, Article III, Paris, Desclée & Cie, 1925, p.76.
120
Ibid, p.78.
121
Ibid, p.79.
122
Ibid, p.81.
123
Ibid, p.82.
La voie sur laquelle nous allons nous engager dans ce travail, est l’une des démarches
entreprise par saint Thomas d’Aquin, pour prouver l’existence de Dieu. Pour parvenir à
prouver l’existence de Dieu, il utilise bon nombre d’outils, dont le syllogisme. Il débute en
posant deux prémisses, qui aboutissent à une conclusion. Le contenu de ses prémisses sont les
suivantes : dans la majeure il dit « les choses privées de connaissance, agissent en vue d’une
fin ; non pas par hasard, mais en vertu d’une tendance déterminée, qu’ils parviennent à leur
fin » ; dans la mineure il est dit « ce qui est privée de connaissance ne peut tendre à une fin
que dirigé par un être connaissant et intelligent » ; il conclut en disant « Il y a donc un être
intelligent, par lequel toutes choses naturelle sont orientées vers leur fin, et cet être, nous le
disons Dieu. »
Après avoir fait ressortir les termes que contienne ce syllogisme, nous nous
sommes rendus à l’évidence qu’on est ici à la figure 3 ; en ce sens que le moyen terme est
sujet dans la majeure et dans la mineure. Et le mode correspondant est DARAPTI.
Or tout ce qui n’a pas de conscience ne peut se mouvoir vers la même finalité, à moins
qu’on y soit conduit par une entité dotée d’une conscience et d’une intelligence. Exactement
comme une flèche entre les mains d’un archè. Elle est la fin téléologique. L’argument
téléologique nous permet de prouver l’existence de Dieu à partir de l’organisation finaliste du
monde. L’adaptation des « êtres vivants à leur milieu, l’organisation en apparence finaliste
de la nature témoignent de l’existence d’une intelligence suprême qui aurait créé le monde en
vue de certaines fins, la fin par excellence étant la rédemption de l’homme vers cet Être
suprême. On parvient ainsi à l’idée de Dieu, cause finale de l’univers, que les déistes du
XVIIIe siècle ont exalté bien naïvement et que la pensée rationaliste refuse avec la plus
grande vigueur depuis Descartes »124.Cette fin n’est pas le fruit du hasard. La matière elle-
même n’est pas le fruit du hasard et donc l’univers n’est pas le fruit du hasard non plus, il tend
vers un télos qui est lié au commencement tel que présenté dans le livre de la Genèse. C’est
donc une preuve que le monde est gouverné de bout en bout. Il n’y a pas un seul élément qui
échappe à la gouvernance du monde. Même si la perspective de saint Thomas s’inspire
d’Aristote, la conception des choses reste marquée et influencée par le monothéisme chrétien.
De même les Psaumes de David qui prennent à témoin toutes les puissances du monde
(montagnes, cataractes…) sont faites pour exalter la toute-puissance de Dieu qui est
incomparable à la petitesse de l’homme ; soit pour avertir la colère de Dieu qui est plus
grande que les tsunamis.
S’il est vrai que pour Saint Thomas d’Aquin les cinq voies nous conduisent à la
découverte de l’existence de Dieu, il n’en ressort pas moins qu’il y ait des imperfections. Ce
qui nous emmène à voir les limites de cette approche Thomasienne, en nous référant aux
polémiques des philosophes du temps modernes que nous allons découvrir.
124
Roger Cartini, Vent de Philo sur les chemins de la philosophie…, Paris, Michel Lafon, 1997, p.576.
1- Athéisme Freudien
Pour l’enfant, le père apparait comme un être tout puissant et protecteur. De cette
représentation infantile découlerait la croyance en Dieu : « Dieu est un père exalté, la
nostalgie du père est la racine du besoin religieux » et non une quelconque existence
rationnelle de Dieu. L’existence rationnelle relèverait des émotions personnelles. A son élève
et ami Sàndor Ferenczi, Il dira en 1910 : « Je vous confie volontiers une idée qui m’est venue
au tournant de l’année : l’ultime fondement des religions c’est la détresse infantile de
l’homme ». Freud croit au progrès de l’homme : un jour il pourra se passer de cette illusion
pour une attitude, une pensée plus scientifique. Un jour, les dogmes et les doctrines
religieuses, dans lesquelles il est plongé depuis l’enfance et auxquelles il adhère
Mais Freud, dans son approche critique de la religion, n’est en rien un Emile Combes,
cet anticlérical forcené. Il reconnaît les valeurs morales, sociales de la religion, sa lutte
contre les instincts, etc. ; même s’il la considère comme névrose collective, économisant
d’ailleurs la névrose individuelle. Reprendrait-il à sa manière la formule de Marx, la religion
comme « opium du peuple » ?125
125
http://www.garriguesetsentiers.org/article-4650302.html, consulté le 27 mars 2020 à 09h 00mn.
126
Sigmund Freud, Moïse et Monothéisme, Paris, Gallimard, (trad.française), 1939, p.63.
127
Peter Gay, Freud, une Vie, Paris, Hachette, 1991, tome2, p.370.
La première question posée par Sartre est : qu’est-ce que l’homme ? Il répond que
l’homme n’est rien, “rien” au sens où c’est à l’homme lui-même de se définir. C’est grâce au
néant que la condition humaine, en tant que liberté, peut-être. L’existence, nous dit Sartre,
précède l’essence. Affirmer l’inverse revient à réintroduire Dieu. Réintroduire Dieu serait de
faire un come-back à la philosophie thomasienne qui présente les voies comme un chemin à la
découverte de l’existence de ce Dieu ; cette existence qui n’est point sujet de doute, car elle
est évidente selon Thomas d’Aquin. Notons au passage que le “Dieu” de Sartre est celui des
philosophes (Descartes, Spinoza, etc.) : autrement dit, le créateur de l’univers, omnipotent et
omniscient. Si un tel être existait, alors l’existence de cet être précéderait l’existence de
l’homme ; et les êtres humains seraient par conséquent son œuvre et leur finalité serait dictée
par Dieu. Sartre refuse cette conception : la signification est une création purement humaine.
Si l’homme a un dehors, une nature, alors il sera impossible de donner un sens à son
existence. Par définition même, son existence deviendrait une essence. L’homme est-il alors
sans boussole pour agir, sans morale ? Oui. Aucune morale prédéfinie ne saurait lui être
imposée. Charge à lui de définir ses propres valeurs, dans un univers de liberté pure et de
contingence. C’est la condition de la dignité humaine.129
128
Sigmund Freud, Totem et Tabou, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1939, p.165.
129
https://la-philosophie.com/sartre-dieu-lexistentialisme-athee, Consulté le 27 mars 2020 à 23h03.
La pensée de saint Thomas est profondément marquée par la finalité des choses
: il y a pour le saint Docteur un ordre magnifique d'espèces et de genres, dans l'univers
matériel et spirituel. Les différentes substances, à des niveaux inférieurs et supérieurs de la
réalité, sont ordonnées les unes aux autres, comme le sont les parties à l'intérieur d'une
substance et les facultés vis-à-vis de leurs opérations. Cet ordre multiple exige un intellect
ordinateur et l'univers est né de la sagesse et de la lumière divine. Cette conception n’est
partagée par Sartre et Freud ; pour qui, Dieu n’existe pas. Ce n’est qu’une pure illusion et une
machination de la part de l’homme. Ils veulent montrer que si Dieu existe, alors je ne suis pas
libre dans mes actions, en étant conditionné par un être façonné dans notre mentale que Freud
dans sa psychanalyse qualifie de névrose. Bref, nous pouvons en être sûr que parlé de
l’existence ou de la non existence de Dieu fera toujours l’objet des controverses dans le
monde, il serait Judicieux de prendre en compte ce qui est favorable à soi sans imposé à
l’autre d’autant plus que nous lisons dans la Bible que Dieu nous a créé libre.
Présenté par :
ADOUMBEY TIRMADJINGAR
NDONGO EBA YANNICK
NGOL JACQUES
« Moi, voici mon alliance avec toi : tu deviendras père d’une multitude des nations. [...]
Je te rendrais extrêmement fécond, de toi je ferai de nations et des rois sortiront de toi.
J’établirai mon alliance entre moi et toi, et ta race après toi, de génération en
génération, une alliance perpétuelle, pour être ton Dieu et celui de ta race après toi.»130.
Le judaïsme a pour constitutions, les commandements reçus par Moïse au mont Sinaï : « Tels
sont les commandements, les lois et les coutumes que Yahvé votre Dieu a ordonné de vous
enseigner afin que vous le mettiez en pratique dans le pays dont vous alliez prendre
130
Genèse 17, 4-7.
131
Deutéronome 6,1.
132
Deutéronome 6,2.
133
Roger Caratini, vent de philo : sur les chemins de la philosophie, Paris, Lafond, 1997, p. 233.
134
Idem.
135
Roger Caratini, Op. Cit, p. 233.
136
Le premier Moteur selon Aristote est cet Être qui est à l’origine de tout mouvement. Il est celui qui meut sans
être mû, ce principe qui est l’origine de toute chose sans être qui ne peut être en relation directe avec ces êtres
créés. Il a présenté ainsi dans sa métaphysique au livre Λ, 7.
En effet, dans son ouvrage le Guide des égarés, s’adressant au jeune Joseph ben Judas,
Maïmonide, montre que : « L’on peut être totalement fidèle à la fois à la tradition de la Bible
et du Talmud et à l’investigation intellectuelle entièrement libre telle que la requièrent la
science et la philosophie »138. Cette affirmation pose déjà l’existence d’une relation entre foi
et raison dans la religion juive. Il poursuit dans cette même ligne d’idée pour montrer le bien-
fondé de la relation intrinsèque entre la foi et la raison dans une société organisée où tout le
monde se sent épanouis. Il le dit en ce sens : « Avec la raison seule, cette émanation divine
produit des savants, avec la raison plus l’imagination, elle produit des prophètes
« indispensables pour réunir les hommes en une société parfaite » ».139 Nous percevons
clairement à travers cette citation une grande complémentarité entre foi et raison et
l’importance de cette complémentarité dans la religion juive. Car, par la raison, le juif
parvient à quitter d’une croyance religieuse naïve qui est essentiellement une foi héritée et qui
est professée par cette phrase : « Dieu de mes pères », pour parvenir à une conviction
religieuse rationnelle fondée sur la découverte personnelle de Dieu ; cette découverte
personnelle qui conduirait à cette profession de foi rationnelle qui est : « Mon Dieu ». C’est
pourquoi selon lui, raison et foi sont inséparables, dans la mesure où la raison aide l’homme à
acquérir une méthode forte de raisonnement et de comprendre sa foi. En effet, pour lui,
l’exercice de la rationalité nous permet d’avoir une foi solide, convaincante et nous conduit à
la pratique des œuvres de la foi en connaissance de cause. C’est ce qu’il exprime en ce sens :
« Ce n’est qu’après avoir acquis la connaissance d’axiomes vraies et certaines, après avoir
137
Roger Caratini, Op. Cit.
138
Les énigmes du « guide des égarés », in Dictionnaire des philosophes, Encyclopedia Universalis, Paris, 2006,
p. 1036.
139
Roger Caratini, Op. Cit, p. 233.
Nous fondant sur les idées de Moïse Maïmonide, l’un des grands personnages de la
philosophie juive, nous pourrons dire que foi et raison sont complémentaires et sont toutes
indispensables pour la bonne conduite d’un juif. Car la caractéristique d’un juif, c’est la foi en
un Dieu unique qui a parlé à son peuple à travers les prophètes. Mais il est aussi nécessaire
pour un juif d’avoir une connaissance personnelle de ce Dieu en qui il croit, d’où l’importance
de la raison pour avoir une foi acquise. La foi basée sur l’alliance lui permet de garder
souvenir de ses pères dans la foi, et la foi rationnelle lui permet de jouir d’une relation
personnelle à ce Dieu qui le rejoint personnellement.
Il faut dire que le judaïsme n’a pas été le dernier à avoir réfléchir sur la question de la relation
entre foi et raison. Nous citons aussi le christianisme qui aborde cette question.
140
Moïse Maimonide, Guide des égarés, Paris, Verdier, 2012, p. 95.
141
Jean 20,8.
142
Actes des apôtres, 2, 32.
Cet édit donne la liberté de culte, selon Seneze Nicolas : « Dans ce récit, envoyé à un
gouverneur de province, les deux empereurs permettaient à tout habitant de l’empire
d’ « adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel »144. C’est alors que le
christianisme devient une religion libre et officielle.
La question de relation entre foi et raison a été aussi au cœur de la réflexion dans le
christianisme et beaucoup de penseur chrétien s’y sont intéressés. Cette partie qui suit nous
aidera à analyser la relation entre foi et raison selon le christianisme.
En effet, la relation entre foi et raison dans le christianisme a commencé bien avec saint Justin
qui a vécu vers le IIe siècle et le plus proche des apôtres. Pour la question de relation entre foi
et raison, saint Justin pense qu’on ne doit pas séparer la raison de la foi parce qu’elles
cherchent toutes deux à atteindre la Vérité ; or la raison ne peut atteindre la vérité qu’elle
recherche que si elle atteint le Christ. C’est dans ce même sens quesaint Augustin, deux
siècles après saint Justin inscrit le courant de sa pensée sur cette relation. Il considère la foi et
la raison comme deux réalités qui s’entraident pour conduire l’homme à atteindre la vérité.
C’est ainsi qu’il dit : « Dès que je pense, dès que j’atteins à quelque vérité, dès que je saisie la
nécessité du vrai, je me réfère à quelque chose qui me dépasse »145. C’est pourquoi on le
nomme « quêteur de la vérité ». Nous pouvons dire que c’est cette vérité qui constitue la quête
perpétuelle de la philosophie. Or pour l’évêque d’Hippone, cette vérité a atteint son
accomplissement en la personne de Jésus Christ qui s’est déclaré la Vérité Absolue : « Moi je
suis le chemin, la vérité et la vie »146. Jésus sera ainsi la manifestation du Dieu invisible,
créateur, ce Dieu qui est au-dessus de l’entendement de l’homme : « Il faut qu’il y ait qui me
dépasse et qui fonde le vrai : c’est ce quelque chose que nous nommons Dieu »147. St
143
Gilbert Dragon, L’empereur Constantin le Grand, protecteur du christianisme au Ive siècle, in
http://www.canalacademie.com. Consulté le 08/04/2020 à 14h04mn.
144
Nicolas SENEZE, L’édit de Milan, in Lacroix, consulté sur www.la-croix.com, le 08/04/2020 à 14h30mn.
145
Roger Caratini cite St Augustin dans Vent de philo, Op. Cit, p. 216
146
Jean 14, 6.
147
Roger Caratini, Op. Cit.
Dans la suite de Saint Augustin, apparait Saint Thomas d’Aquin (1224-1274) qui a aussi
marqué l’époque médiévale par sa pensée héritée de la doctrine aristotélicienne. En effet, pour
montrer la nécessité d’une complémentarité entre foi et raison, Thomas d’Aquin procèdera par
les méthodes aristotéliciennes pour prouver cette relation. Il utilise ce qu’il appelle les cinq
voies : « Le mouvement, la causalité, la contingence, la gradation et l’ordre »151 pour
parvenir rationnellement à fonder l’existence de Dieu. Jacques Attali soutient que : « Tout
chrétien sait, ou devrait savoir que l’adhésion de foi repose trois piliers : la grâce, la volonté
libre et la raison ».152 Selon lui, la foi est d’abord une grâce divine que l’on obtient, mais pour
la mettre en application, il faut la volonté et ensuite, l’on doit avoir une conviction personnelle
de la pratique de son acte de foi et doit pratiquer de façon rationnelle. Il continue dans la
même lancée en disant : « Si la foi est par la grâce « vertu aidée », elle est par la volonté
« vertu libre » et elle est par la raison « vertu fondée » ».153 Sa manière de concilier ces trois
vertus montre l’importance d’une compatibilité entre la raison et la foi pour aider l’homme à
vivre équilibré dans sa pratique de foi. Il dit ceci pour montrer que foi et raison sont
étroitement unies et sont en mesure de collaborer et de se renforcer mutuellement.
Saint Thomas d’Aquin, pour prouver l’existence de Dieu et parvenir à concilier foi et raison,
pose cette interrogation qu’il se propose lui-même d’éclaircir en se fondant sur ces
prédécesseurs : « Pouvons-nous en cette vie connaître Dieu par la raison pure ? ».154 En
tentative de réponse à cette question, saint Thomas fait recours à Boèce qu’il cite en ce
148
Cf. cours inédits, Dr. Ngono Richard, philosophie médiévale, philo, Licence 1, année académique 2019-2020.
149
Idem
150
Alain de Libera, La philosophie médiévale, Paris, PUF, 2001, p.6.
151
Thomas d’Aquin, Somme théologique, sur Dieu, Tome 1, Paris, Descellée et Cie, 1925, p. 76.
152
Jacques Attali, Raison et foi, in http://books.openedition.org.editionsbnf/1128? lang₌fr. consulté le
18/03/2020, à 09h 50min.
153
Idem.
154
Thomas d’Aquin, Somme théologique, sur Dieu, Tome 2, Paris, Descellée et Cie, 1925, p. 70.
Passé du christianisme, nous abordons la relation entre foi et raison dans l’islam, sachant que
cette question a fait aussi des polémiques dans cette religion.
155
Idem. Boèce, livre cité par saint Thomas d’Aquin, p. 70.
156
Idem. Aristote, livre cité par saint Thomas d’Aquin, p. 70.
157
Jacques Attali, Op. Cit.
158
Sourate 5, 3.
159
Sourate 2,2.
Averroès (1126-1198), pour établir ce lien, procède à une analyse juridique et le raisonnement
philosophique pour prouver le lien qui peut prévaloir entre foi et raison dans l’Islam. Pour
commencer son analyse, il voit la place que l’on accorde aux docteurs (Imams) de la loi dans
l’Islam. De son analyse juridique, se dégage un certain nombre de questions auxquelles il
tentera d’apporter des réponses pour montrer à quelle mesure foi et raison sont inséparables
dans l’Islam. Ces questions ont pour but de permettre une affirmation de la position claire de
l’Islam sur cette question de relation entre foi et raison. Les questions consistaient à savoir si
l’exercice de la philosophie est obligatoire, recommandé, permis, blâmable ou interdit. Cela
relativement au rôle des docteurs de la loi qui ont pour mission d’examiner tout ce que dit la
loi sur telle ou telle pratique :
« Ayant loué Dieu de toutes les louanges qui lui sont dues, et appelé la prière et le salut
sur Muhammad, Son serviteur élu et Son envoyé, le propos de ce discours est de
rechercher, dans la perspective de l’examen juridique, si l’étude de la philosophie et des
sciences de la logique est permise par la Loi révélée, ou bien condamnée par elle, ou bien
encore prescrite, soit en tant que recommandation, soit en tant qu’obligation ».162
160
Anonyme, Quels usages de la raison en islam ? In http://www.la-croix.com/Aqrchives/2010-03-20/Quels-
usages-de-la-raison-en-islam-_NP_-2010-03-20-366934, consulté le 18/03/2020, à 09h50min.
161
Sourate 12,2.
162
Averroès, L’Islam et la raison, par Alain de Libera, Paris, GF Flammarion, 2000, p. 80.
« Si l’acte de philosopher ne consiste en rien d’autre que dans l’examen rationnel d’être,
et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu’ils constituent la preuve de l’existence de
l’Artisan […] Et si la révélation recommande bien aux hommes de réfléchir sur les êtres
et les y encourage, alors il est évident que l’activité désignée sous ce nom de
[philosophie] est en vertu de la Loi révélée, soit obligatoire, soit recommandée ».163
Etant donné que chercher à connaître les choses du monde revient à la recherche de Dieu qui
est à l’origine de toute chose, l’islam ne peut pas rejeter la connaissance dans sa pratique. Ce
qui revient à dire que foi et raison dans l’islam reviennent à la même chose. C’est ce qu’il
continu d’affirmer ici : « Que la Révélation nous appelle à réfléchir sur les êtres en faisant
usage de la raison, et exige de nous que nous les connaissions par ce moyen, voilà qui appert
à l’évidence de maints versets du livre de Dieu ».164En parcourant les idées d’Averroès qui est
une analyse juridique de la Loi Révélée, nous pouvons conclure avec lui que l’Islam prône
une égalité entre foi et raison, ou encore une complémentarité entre philosophie et religion.
En effet, à l’examen juridique du saint Coran, l’on réalise que l’exercice de la philosophie est
une obligation dans la religion islamique. Ainsi, nier l’importance de la philosophie c’est nier
sa foi de musulman ; c’est ce qui se dégage de sa pensée dans ce sens :
« Etre musulman, c’est croire que le Coran dit la vérité. Or le Coran porte le garant de
la vérité de la méthode démonstrative, même s’il n’en fait pas usage, puisque tout n’a pas
les moyens intellectuels nécessaires pour suivre le raisonnement démonstratif. Dénier le
droit d’exister à la philosophie, c’est dénier le Coran, et donc n’être pas musulman ».165
Cette déclaration montre jusqu’à quel niveau la raison est importante dans l’Islam. En effet,
tout ce qui est demandé est d’avoir une considération à cette faculté qui aide à rechercher la
vérité : la Révélation Divine. Etant donné que tout le monde n’a pas la capacité de
philosopher, ce qui importe c’est d’admettre l’existence de la philosophie pour ne pas
contredire sa foi. Selon lui, la moindre de chose est de confirmer l’existence d’une
philosophie. Pour lui, tout homme n’est pas doué de la capacité de philosopher, mais il faut du
moins, pour faire preuve de la foi musulmane, reconnaître une place capitale à la raison.
163
Idem, p.86
164
Idem.
165
Idem.
Tout comme la foi, la raison a plusieurs définitions, mais nous choisirons seulement deux
parmi celles-ci comme nous l’avons pour la foi. D’abord la raison se définit comme la
« Faculté de raisonner discursivement, de combiner des concepts et propositions »168. De
166
André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, Puf, 2010, p. 360.
167
Idem.
168
Idem, pp. 877-878.
De ces définitions, aussi bien celles de la foi que celles de la raison, il ressort que la foi et la
raison sont incompatible. Tandis que la raison examine, cherche à connaître, à comprendre, et
à démontrer une proposition, la foi l’adopte pour vraie sans la moindre analyse critique,
parfois même sans comprendre. De par leur méthode, la foi et la raison sont diamétralement
opposées. C’est après avoir adopté une proposition comme vraie que la théologie (foi) élabore
des théories pour justifier la véracité de celle-ci. De son côté, la philosophie (raison) analyse
et comprend une proposition avant de l’adopter comme vraie. Outre leur méthode qui les
oppose, leur objet les divise. La foi a pour champ d’action les vérités révélées qui ne sont pas
rationnellement démontrable, ni évidente. Quant à la raison, elle s’applique sur le les
principes de la nature. Ceux-ci rationnellement explicable.
- « Celle d’ordre théologique qui tient à celui de l’image de l’univers apportée par la
Bible, la Torah ou le Coran »170.
- « Celui de l’expérience physique intuitive d’une terre immobile et d’un soleil en
mouvement »171.
169
André Lalande, Op. Cit, p. 879.
170
Gallen Timothée, « Le géocentrisme comme intrusion spiritualiste dans la cosmographie moderne », in
Richard Monvoisin et Clara Egger, CORTECS, Université Grenoble-Alpes, p. 3.
Voilà un bel exemple du conflit entre la foi et la raison. La foi, représentée par l’Eglise, est
statique, n’est pas évolutive, et n’accepte pas de contradiction. La raison quant à elle,
représentée par Galilée, est évolutive, dynamique, remet ces vérités en question pour pouvoir
mieux les appréhender. Une fois encore, l’incompatibilité entre foi et raison est manifeste. En
plus de l’affaire Galilée qui divise foi et raison.
A côté de l’héliocentrisme galiléen, nous citons le darwinisme, une théorie élaborée par
Charles Darwin en 1859 pour rendre compte de l’évolution des espèces. Cette théorie vient
contredire les enseignements de la foi sur l’histoire de l’humanité et montre bien en quoi
philosophie et religion ne peuvent pas aller ensemble. En effet, alors que la loi révélée
enseigne de l’autre côté que : « L’homme est créé à l’image de Dieu »172Darwin soutient dans
la théorie que l’homme n’est que le fruit d’une évolution : « Les humains descendent d’autres
primates, ce n’est pas Dieu qui les a créé à part »173. Voici la une des théories du temps
Moderne qui vient mettre complètement en question les révélations divines et conduit à une
réfutation totale de la relation que l’on peut établir entre et raison.
Cependant, malgré toutes les polémiques autour de la question de relation entre foi et raison,
l’Eglise continue de se battre pour montrer que foi et raison vont ensemble, qu’il n’y a pas
lieu de les séparer. Cette considération s’observe à travers toutes les luttes menées depuis la
réconciliation suite à la condamnation de Galilée et se poursuit avec le pape Jean-Paul II à
travers sa lettre encyclique Fides et Ratio. Nous découvrirons à travers la partie qui suit ces
différents combats.
171
Idem, p. 4.
172
Genèse 1, 27.
173
André Langaney, « La théorie de Charles Darwin », in https://www.rts.ch/découverte/sciences-et-
environnement/animaux-et-plantes/4643689-qu’est-ce-que-la-théorie-de-darwin-.html. Consulté le
25/05/2020 à 21h50mn.
174
Gaulimyn Isabelle, l’Eglise et l’affaire Galilée, in « Lacroix », consulté sur http://www.la-
croix.com/Archives/2007-10-20/L-Eglise-et-l-affaire-Galilée.-_NP_-2007-10-20-303894, le 07/04/2020.
175
Gaudium et spes n°36, cité par Gaulimyn Isabelle, idem.
176
Gaulimyn Isabelle, Op. Cit.
Nous pouvons, après observation, conclure que toutes les démarches entreprises par l’Eglise
depuis le XVIIIe jusqu’au XXe siècle ont pour but de parvenir à reconnaître et admettre
l’autonomie de la science et de lui accorder un champ libre d’expression pour s’affirmer.
Cependant, quel pouvait être le résultat de l’évolution de cette science dans notre société
actuelle ? Où place-t-on la foi à l’ère de la modernité ? Dans son Encyclique, le pape Jean-
Paul II nous interpelle sur cette question. La partie qui suit nous permet de présenter la vision
du Saint Père par rapport à la relation entre foi et raison aujourd’hui.
177
Idem.
178
Idem.
179
Jean-Paul II, Fides et Ratio, Lettre encyclique, 1998
180
Jean-Paul II, Op. Cit, Prologue § 6.
181
Idem, § 6.
182
Idem, § 8.
183
Thomas d’Aquin, Op. Cit, p.70
184
Jean-Paul II, Op. Cit, § 28.
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Raison et foi, in http://books.openedition.org.editionsbnf/1128
I.La relation entre foi et raison selon les trois religions monothéistes
................................................................................................................................................ 123
Présenté par :
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 1
III-POSTERITE ET ACTUALISATION
................................................................................................................................................ 160
La philosophie est née vers les années -700 en Grèce mais son développement s’est
fait hors de ce pays. Etymologiquement, la philosophie veut dire « amour de la sagesse » ou
« quête de la vérité » ; une quête de la vérité qui se veut être rationnelle. Depuis sa naissance,
l’évolution de la philosophie est parallèle à l’évolution du monde. Tantôt la pensée
philosophique influence l’évolution du monde ; tantôt c’est l’histoire du monde qui influence
la philosophie. C’est ainsi que l’apparition et la naissance des religions monothéistes a
influencé la pensée philosophique en orientant son objet vers l’Être suprême. En effet, la mère
des religions monothéistes (le Judaïsme), bien qu’existant depuis des siècles, n’a eu aucun
rapport de confrontation directe avec la pensée grecque avant le premier siècle chrétien. Avec
la naissance du Christianisme est né également le souci de faire accepter la foi chrétienne par
tous. Pour ce faire, le discours chrétien s’adapte au rationalisme grec 185. Avec la naissance de
l’Islam au VIIème siècle de l’ère chrétienne, on assiste à une sorte de concurrence entre les
religions et le souci de faire accepter la foi devient de plus en plus accru. La concurrence entre
les religions se faisait par les conquêtes et les découvertes intellectuelles. Dans le
Christianisme et l’Islam, la philosophie est devenue un moyen par lequel on peut comprendre
et exprimer la foi en Dieu. Mais les juifs demeureront dans une indécision complète. Ils
hésitent encore pour s’engager dans la philosophie de peur de s’égarer et de perdre leur foi.
C’est dans cette situation d’hésitation que Moïse Maïmonide, un Rabbin juif, va décider de
concilier, dans son ouvrage principal le Guide des égarés, la philosophie et la foi en Dieu.
Dans ce livre, il invite ses coreligionnaires indécis à avancer vers la philosophie. Mais
Maïmonide est-il le premier juif à avoir concilié philosophie et judaïsme ? Quel lien
Maïmonide établit-il entre la raison et la foi ? Comment l’invitation à la philosophie de
Maïmonide a-t-elle été reçue par les juifs et quel est l’impact de la pensée de Maïmonide
aujourd’hui ?
185
Cf. le discours de Saint Paul devant l’aréopage d’Athènes. Acte des Apôtres, 17, 22-32.
P a g e 144 sur 186
I- PHILOSOPHIE ET JUDAÏSME DEPUIS PHILON
D’ALEXANDRIE JUSQU’A MAÏMONIDE
Dans cette partie, nous parlerons de la manière dont la philosophie a commencé dans
le Judaïsme et de son développement jusqu’à Maïmonide. Pour cela, nous avons distingué
deux périodes : la période avant Maïmonide (de Philon à Juda Hallévi) et l’époque de
Maïmonide c’est-à-dire sa vie, le contexte social et ses œuvres. Mais avant, il convient de
cerner le sens du concept philosophie dans l’expression « philosophie juive ». La philosophie
prise au sens grec du terme, est comprise comme la recherche de la vérité ou l’amour de la
connaissance. Avec l’évolution et l’ouverture de la pensée, la philosophie prend un sens plus
large et désigne la culture, les idéologies propres à une société ou à un peuple donné. Faut-il
comprendre philosophie juive au premier sens du terme c’est-à-dire au sens de la pensée
grecque ou faut-il l’entendre en son acception plus large ? Nous pensons que la philosophie
juive, malgré qu’elle revête un caractère propre au Judaïsme, ne veut pas d’abord désigner les
idéologies ou la culture juive. Nous ne pouvons non plus affirmer qu’il s’agit d’une
philosophie au sens grec du terme, parce qu’elle n’est pas une recherche désintéressée de la
vérité ; mais plutôt un usage des méthodes et concepts philosophiques grecs pour des fins
religieuses (justifier l’authenticité, la rationalité et l’universalité des révélations divines dont
le Judaïsme est détenteur). Comment donc cet usage de la philosophie a été fait au fil de
l’histoire ?
Le Judaïsme est la plus vieille des religions révélées. La première rencontre entre
philosophie grecque et Judaïsme se fit au Ier siècle de notre ère à travers Philon
d’Alexandrie186. Ce dernier était un juif de la diaspora et l’un des représentants de la
communauté juive d’Alexandrie auprès des autorités romaines (son statut de représentant
nous renseigne déjà sur ces compétences intellectuelles). Car Alexandrie187 était envahie par
l’empire romain. Il côtoya la pensée grecque et trouva en elle une grande richesse, une arme
assez solide pour défendre la Foi juive. Il est un apologète juif pour qui la philosophie n’est
186
Philon d’Alexandrie vécut entre l’an 20 avant J.-C. et l’an 45 après J.-C. Philon d’Alexandrie est différent de
Philon de Larissa qui, lui, est un platonicien et a été à la tête de la nouvelle académie vers -83.
187
Alexandrie est une ville fondée par le Roi Alexandre le Grand en -331. Elle fut d’abord une colonie grecque
jusqu’en -47. C’est une ville qui a hébergé un grand nombre de savants. À partir de -47, la ville tombe dans les
mains des Romains. C’est en cette période où Alexandrie est gouvernée par les Romains que Philon y vécut.
Bien que la ville n’appartienne plus aux Grecs, la sagesse grecque y demeura.
188
André Neher, « Philosophie hébraïque et juive », in Brice Parain, Encyclopédie de la Pléiade : Histoire de la
Philosophie I, Gallimard, Paris, 1969, p. 75.
189
Ibid., p. 76.
190
Colette Sirat, La philosophie juive au moyen âge, édition du centre national de la recherche scientifique,
Paris 1983, p. 23.
191 ème
Le Talmud est le témoin de l’activité intellectuelle des juifs depuis le II siècle. Le Talmud se distingue de la
philosophie. Il comporte deux centres de gravité : la halakha (code de vie et d’action) et l’aggada (doctrine
intellectuelle et spirituelle). Il représente le traité juridique du judaïsme (cf. André Neher, « philosophie juive
médiévale », in Brice Parain, Encyclopédie de la Pléiade : Histoire de la philosophe I, Gallimard, Paris, 1969, p.
1008-1009).
192
Colette Sirat, op.cit., p. 31.
193
Le kalam est l’ensemble des différentes écoles théologiques musulmanes (elles accueilleront les juifs plus
ème
tard) du VIII siècle (l’école principale de ce courant est celle des mutazilites). Il est né de la dissension entre
les sectes au sein de l’Islam et de la discussion entre musulman et les tenants des autres religions de l’empire
islamique. (Cf. Colette Sirat, ibid., p. 29).
194
Un Gaon est à la fois maître spirituel et chef politique de la diaspora juive orientale. Il est aussi l’arbitre de la
vie intérieure de la communauté et le ministre de ses relations avec l’extérieur ; il est le porte-parole des juifs
devant Dieu et le Calife. Il se situe dans la prolongation des prophètes.
195
Cf. André Neher, « Philosophie juive médiévale », in Brice Parain, Encyclopédie de la Pléiade : Histoire de la
Philosophie I, Gallimard, Paris, 1969, p. 1014.
196
Cf. colette Sirat, op.cit., p. 36.
197
Ibid., p. 37.
198
André Neher, « Philosophie juive médiévale », op.cit., p. 1019.
199
Ibid., p. 1021.
Mais ce progrès fait par la pensée juive, Juda Hallévi semble ne pas être d’accord
avec. Juda Hallévi est la figure de Tertullien et d’Al-Ghâzâlî dans la philosophie Juive. Il
utilise les armes de la philosophie pour combattre farouchement la philosophie elle-même.
Pour lui, pas question de concilier la révélation et la raison. La religion, à elle seule, peut
atteindre l’Absolu. Dans la philosophie, dit-il, il y une diversité d’écoles et de doctrines et
aucune d’elle ne détient la vérité mais plutôt une parcelle de la vérité. La religion ne saurait
s’engager dans une telle relativité car elle transcende toute démarche philosophique. De plus
le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob est différent du dieu de la philosophie. Il prône donc
une séparation disciplinaire. A l’inverse, Juda Hallévi « Elabore une théologie de la Loi,
comparable en densité et en richesse à la théologie paulinienne de la Foi »200. Pour lui, le
Judaïsme n’a nullement besoin de se défendre contre les menaces des autres religions. Le
Judaïsme doit accepter de souffrir à l’exemple du serviteur souffrant d’Isaïe chapitre 53,
d’autant plus que, toutes les autres religions révélées sont issues de lui. Après lui, s’est
développé un courant de mystiques juive. Mais avant le développement de ce courant, Moïse
Maïmonide fait son entrée dans le débat.
Sa vie
Ses œuvres
203
Idem.
204
Maurice Ruben Hayoun, Maïmonide, PUF, Paris, 1987, p. 10.
Œuvres théologiques
Œuvre philosophiques
Le guide des égarés est l’œuvre principale de notre étude. Ce livre fut écrit en arabe
vers la fin des années 1180. Cet ouvrage comporte trois livres subdivisés respectivement en
76, 54 et 72 chapitres. Il fut rédigé pour orienter Joseph Ben Judah Ibn Sham’un (et tous ceux
étaient dans la même situation que lui) qui se trouvait perplexe devant le conflit entre
judaïsme et philosophie.
Dans cette partie, nous avons dit que la rencontre entre philosophie et judaïsme s’est
faite au Ier siècle de notre ère par l’intermédiaire de Philon d’Alexandrie. Ainsi donc est née
une corrélation entre philosophie et judaïsme. Cette confluence sera poursuivie plus tard par
Nous avons évoqué dans la partie précédente la polémique que la position de Juda
Hallévi a créé dans la relation philosophie et judaïsme. Dans cette partie nous verrons la
position de Maïmonide dans ce débat. Ce dernier va-t-il opérer la séparation que prône Juda
entre philosophie et religion ou bien va-t-il continuer avec la tradition qu’avaient instaurée
Philon et Saadia ?
205
M. Maïmonide, Guide des égarés, Verdier, Paris, 2012, I1, p. 84
206
Genèse, chap. 1, v. 26.
207
Moïse Maïmonide, op.cit., p. 85.
La perception intellectuelle, telle que nous venons de voir, est essentielle à l’homme et
le détermine. Elle le rapproche de Dieu, mais ne fait pas de lui un dieu. En ce sens, elle est
limitée. La perception intellectuelle n’arrive pas à démystifier Dieu. Outre le fait qu’elle ne
permet pas une connaissance exhaustive de Dieu, il y a bien d’autres questions très obscures
sur lesquelles la perception intellectuelle de l’homme n’arrive pas à trancher ou a des
difficultés à le faire. Comment justifier par exemple la présence du mal dans le monde malgré
la bonté de Dieu. On perçoit clairement les limites et les insuffisances de la raison humaine.
Nous pouvons alors, sans risque de nous tromper, dire que l’homme est un être limité et donc
sa raison ne saurait tout appréhender. Il y a des questions et des sujets obscurs qui échappent à
la capacité de comprendre de l’homme.
Ces questions obscures mettent la confusion entre les savants : ils ont des avis
différents sur le même sujet et ne se comprennent pas. Outre le caractère obscur du sujet,
quatre choses nourrissent leur mésentente :
208
Platon, « Charmide », in Léon Robin et M.-J. Moreau, Œuvres complètes I, Gallimard, Paris, 1950, 159b.
209
Proverbes, 24, 13-14, cité par Maïmonide, p. 145.
210
Ibid., p. 97.
211
Ibid., p. 99-100.
212
Terme utiliser par l’auteur pour désigner les ignorants et les impies.
213
Cf. Genèse 4, 1-16 pour l’histoire de Caïn.
214
Moïse Maïmonide, op.cit., p. 150-151.
215
Ibid., p. 157.
216
Cf. ibid., Première partie, Chapitre 34, p. 160-170.
Même après toutes ces mesures, les études de la métaphysique doivent se faire avec
beaucoup de mesures. Nous l’avons signalé plus haut, la raison humaine comporte des limites.
Ne pas reconnaître ces limites peut conduire l’individu dans des dérives graves dans son désir
de tout comprendre et de tout expliquer. Il est bon de chercher la sagesse, mais il faut le faire
avec modération. L’écriture dit en effet : « Ne cherche pas trop de sagesse ; pourquoi veux-tu
t’anéantir ? »218. Ou encore « Si tu trouves du miel, manges-en ce qui te suffit, mais ne t’en
rassasie pas, car tu le vomirais »219. Une grande prudence est nécessaire pour l’équilibre de la
philosophie et de la religion.
Bien que la perception des choses intelligibles soit présente chez tous les hommes, le
degré n’est pas le même chez tous. De même qu’il y a des hommes très forts (physiquement),
d’autres faibles et d’autres encore moyennement fort, il en va de même pour la perception
intellectuelle. Il y a des gens qui, malgré qu’ils aient l’intelligence en eux, n’ont pas les
dispositions naturelles et morales requises pour le développement de cette faculté. A ceux-là,
tout enseignement préparatif pour la compréhension intelligible de la loi serait inutile. Il faut
tout simplement leur enseigner la loi telle qu’elle se présente dans la bible. Ils se contenteront
de croire et mettre en application celle-ci. Donner le sens caché de ces lois aux vulgaires leur
fera plus de mal que de bien.
217
Maïmonide n’a pas mentionné les questions obscures dont il s’agit. Mais nous pensons qu’il s’agit des
questions comme la liberté humaine, l’existence de Dieu, etc.
218
Ecc. 7, 16.
219
Proverbes, 25, 16.
Le mal
220
Cf. Moïse Maïmonide, op.cit., p. 858.
221
Ibid., p. 860.
222
Saint Augustin, Les confessions, Livre VII, chap. 12, p. 44.
223
Moïse Maïmonide, Op.cit., p. 861.
224
Genèse, 1, 31.
L’un des sujets les plus délicats abordés par Maïmonide dans le Guide des égarés est
de justifier la possibilité du dogme de la création à partir du raisonnement philosophique. Il
est possible que Maïmonide ne soit ni le premier ni le dernier a abordé ce sujet. Mais la
délicatesse de ce sujet se trouve dans le fait qu’il entretient un lien direct avec l’existence de
225
Ecc., 7, 22.
226
Moïse Maïmonide, op.cit., p. 862.
227
Proverbe 19, 3.
228
Isaïe 11, 6-8.
229
Moïse Maïmonide, op.cit., p. 873.
En effet, après avoir exploré les différents arguments des Mutakallim sur l’existence,
l’unité et l’incorporéité de Dieu, Maïmonide trouve que leurs arguments sont peu fondés et
que leur raisonnement est sophiste ; mais ils sont élaborés en faveur de la nouveauté du
monde. Tandis que les arguments et le raisonnement d’Aristote sont assez convaincants et
irréprochables ; les arguments des Mutakallim sont sujettes au doute230. Seulement la théorie
d’Aristote opte pour l’éternité du monde qui est en contradiction avec la vérité révélée. La
métaphysique d’Aristote permet également de déduire facilement l’existence, l’unité et
l’incorporéité de Dieu. Maïmonide use donc des théories d’Aristote.
Pour commencer, notre auteur rappelle dans une suite de vingt-six propositions
déduites de la Physique et de la Métaphysique d’Aristote. Maïmonide part de la considération
selon laquelle soit la sphère céleste naît et périt ou soit elle a un mouvement éternel et est
impérissable. Si elle naît et périt, il est clair qu’elle ne peut pas se donner l’existence elle-
même, il faut nécessairement une autre chose pour la faire exister. Et ce qui la ferait exister en
ce moment c’est Dieu231. Mais au contraire, si la sphère céleste ne naît ni ne périt, et que son
mouvement est éternel, il faut que « Ce qui lui imprime le mouvement éternel ne soit ni corps,
ni une force dans un corps ; et ce serait encore Dieu »232. Peu importe que le mouvement de la
sphère céleste soit éternel ou qu’il soit périssable, l’essentiel est de démontrer l’existence,
l’unité et l’incorporéité de Dieu. Toujours pour prouver l’existence, l’unité et l’incorporéité de
Dieu, Maïmonide fait également appel à la théorie d’Aristote selon laquelle « Tout corps est
composé »233. Le corps est toujours divisible car il y a une dualité en lui. Or, l’être nécessaire
n’est pas un corps. Donc il n’y a point de dualité en lui et il n’est pas divisible. De cette
théorie, il ressort clairement et sans doute que Dieu est, qu’Il est un et il est incorporel.
Ensuite, Maïmonide ne voulant pas s’écarter de l’enseignement juif affirme qu’il est
possible que le monde soit créé : « En effet, nous ne voulons pas maintenant établi que le
monde a été créé ; mais ce que nous voulons, c’est [de montrer] qu’il est possible qu’il ait été
créé »234. Etant déjà convaincu des arguments d’Aristote, Maïmonide décide de ressortir tout
230
Cf. ibid., p. 361.
231
Cf. ibid., p. 509.
232
Idem.
233
Ibid., p. 508.
234
Ibid., p.592.
235
Les trois étapes sont : l’état brut, l’entéléchie (passage de la puissance à l’acte) et l’état parfait.
236
Cf. ibid., p. 585.
237
Cette considération de Maïmonide se trouve dans le chapitre 17 du deuxième livre du Guide des égarés.
Comme nous l’avons dit supra, Maïmonide est la plus grande figure de la philosophie
juive du moyen âge. Etant la plus grande figure, sa pensée a influencé nombres de
philosophes. Nous déclinerons dans les lignes qui suivront la postérité juive immédiate de
Maïmonide.
« N’avait-il pas dit, par exemple, que l’on pourrait, si besoin était, interpréter le
récit de la création de la Genèse dans le sens de l’éternité ? N’avait-il pas spécifié que
ce qui le retenait de le faire n’était autre que le dogme religieux de l’adventicité de
l’univers ? […]. N’avait-il pas expurgé l’essence de Dieu de toute corporéité au point
de parvenir à un abstrait concept divin plaçant une idée pure là où l’orant avait
coutume de trouver une divinité personnelle ? »240.
Ces questions résument les remontrances qui ont été adressées au Guide des égarés et
à son auteur. Le rejet du Guide des égarés est dû à ces reproches que lui ont adressé ses
238
Cf. Maurice Ruben Hayoun, op.cit., p.106.
239
Cf. Idem.
240
Ibid., pp. 106-107.
Ainsi, la pensée du Rabbin Maïmonide s’est imposée à ses successeurs au point où ils
seront traités comme des épigones245. Parmi ces épigones, figure Gersonide (Levi ben Gerson,
246
1288-1344) et Moïse Narbonne. Gersonide a côtoyé à la fois la philosophie
maïmonidéenne et celle d’Averroès (grand contemporain arabe de Maïmonide). Influencé par
l’averroïsme, ce dernier a brisé toute la retenue que Maïmonide autrefois avait mise entre
philosophie et religion. Toute la modération que Maïmonide exigeait concernant la
métaphysique a été supprimée par Gersonide. Il trouve une complémentarité totale en
philosophie et religion. L’un des grands dépassements qu’opère Gersonide sur la pensée de
Maïmonide est que « Le dogme biblique de la création est susceptible d’interprétation
philosophique et il n’est pas inconciliable avec l’affirmation aristotélicienne de l’éternité de la
matière »247.
241
Cf. Charles Touati, La pensée philosophique et théologique de Gersonide, Gallimard, Paris, 1973, p. 18.
242
Ibid., p. 19.
243
Idem.
244
Idem.
245
Cf. André Neher, op.cit., p. 1035.
246
Cf. ibid., p. 1036.
247
Idem.
Maïmonide pense que la philosophie et la loi révélée peuvent aller de pair. Pour lui, si
Dieu est la vérité, la philosophie serait le chemin qui mène vers lui et la loi révélée, le guide
sur ce chemin. La philosophie nous permet de percevoir le sens réel des vérités révélées ;
prendre les vérités révélées dans leur sens littéral peut conduire à beaucoup de dérives. La
philosophie permet de se faire une conviction personnelle de la foi vécue. Toutefois, il faut
une préparation sérieuse au préalable. Car les sujets métaphysiques sont très compliqués voire
obscurs pour l’esprit qui n’y est pas préparé. Nous pensons que cette position de Maïmonide
est encore d’actualité aujourd’hui plus que jamais. En effet, l’Eglise Catholique réclame une
formation philosophique de trois années à ses prêtres avant les études théologiques. Bien que
la philosophie et la révélation s’embrassent, une survie sérieuse est observée au niveau des
facultés de philosophie dans les universités catholique comme la nôtre pour éviter des dérives.
Cette organisation de l’Eglise catholique dessine toute la conception de Maïmonide sur le
rapport entre philosophie et loi révélée.
Par ailleurs, « les Vulgaires » qui n’ont pas accès aux vrais sens des vérités révélées se
limitent tout simplement à la foi reçue. Il manque souvent aux croyants, une conviction
personnelle fondée sur la connaissance réelle des vérités auxquelles ils croient. On entend par
exemple des expressions comme « Le rameau va me protéger contre les démons »253. Les
vulgaires ne perçoivent pas la religion comme un lieu favorable de rencontre entre le Créateur
et la créature ; mais la religion est perçue comme un moyen de protection, une sorte de magie.
248
Cf. Maurice Ruben Hayoun, op.cit., p.115.
249
Idem.
250
Cf. ibid., p. 113.
251
Idem.
252
Cf. idem.
253
Expression de rue souvent entendue.
254
Martin Kouonedji, « Les églises réveillées au Cameroun », in https://www.podcastjournal.net/Les-eglises-
reveillees-au-Cameroun_a9017.html, dernière modification le 31/07/2011, consulté le 21/04/2020 à 13h35.
255
Idem.
256
Cf. africanews, « Plus de 700 églises fermées au Rwanda par le gouvernement »,
in https://www.youtube.com/watch?v=wEhqyyIoNLs, publié le 28 février 2018, consulté le 21/04/2020 à
13h20.
Le but de ce travail était de nous renseigner sur le lien que Maïmonide établit entre
philosophie et Torah dans le Guide des égarés. Dans le souci de mieux cerner la pensée de
notre auteur, nous avons reconstitué l’histoire qui a existé entre philosophie et judaïsme avant
Maïmonide. Il s’ensuit que la philosophie et le judaïsme ont commencé leur amitié depuis
Philon d’Alexandrie. Cette amitié sera brisée par Juda Hallévi et reconstruite de façon plus
solide par Maïmonide. La solidité de la relation « philosophie-judaïsme » établie par le
Rabbin se trouve dans la retenu qu’il met dans cette relation. Pour illustrer la manière dont le
philosophe-rabbin fait usage de la philosophie pour défendre les vérités de la foi, nous avons
restitué sa conception sur le mal et nous avons donné sa position sur la création ou l’éternité
du monde. Notre auteur pense, parlant du mal, qu’il ne vient pas de Dieu, mais qu’il est lié à
la nature corruptible de la matière, qu’il résulte de la privation de la science chez l’homme et
qu’il vient du désir exagéré de l’homme de posséder plus qu’il ne doit posséder. Quant à la
question de savoir si le monde est éternel ou créé, Maïmonide après avoir démontré
l’existence, l’unité et l’incorporéité de Dieu à travers la théorie de l’éternité du monde
d’Aristote, se retourne contre cette même théorie, pas pour la déconstruire, mais pour
l’affaiblir. Le lien ainsi établi par Maïmonide a provoqué l’hostilité de certains de ses
coreligionnaires et donc une scission dans la société juive de la Provence. Le conflit entre
juifs traditionnalistes et progressistes dure des années après la mort de Maïmonide. Malgré
cette mésentente, des philosophes juifs comme Gersonide et Moïse Narbonne ont perpétué la
philosophie de Maïmonide. Pour finir, nous avons relevé quelques traces du rapport entre
philosophie et religion fait par Maïmonide dans l’organisation de l’Eglise Catholique et dans
le vécu des croyants. Mais le fait de réserver le privilège de philosopher à ceux qui en ont la
capacité, ne pénalise-t-il pas les vulgaires du fait que cela ne leur permet pas d’avoir une
connaissance réelle de leur foi ? Ne peut-on pas penser un moyen simple de faire accéder les
vulgaires au vrai sens de la révélation biblique ?
Ouvrage principal
Autres ouvrages
La Bible de Jérusalem
Article
Webographie
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 1
III-POSTERITE ET ACTUALISATION
................................................................................................................................................ 160
Présenté par :
- NGUEMA-MBA G. Marc
- POUCHE Wilfrid
INTRODUCTION
I. La philosophie et l’Islam.
a. La pensée d’Averroès.
b. Apports d’Al-Fârâbî.
II. Le rapport entre la philosophie et la religion Judéo-chrétienne.
a. La philosophie et le Judaïsme avec la pensée maïmonidienne.
b. La philosophie et la Chrétienté avec la pensée de St Thomas d’Aquin.
CONCLUSION
I. La philosophie et l’Islam.
a. La pensée d’Averroès.
La thèse d’Averroès.
257
En référence à Averroès.
258
Averroès, op. cit,p. 80.
259
Coran, LIX, 2, (traduit par Averroès).
260
Coran, VII, 185 ( traduit par Averroès).
261
Coran, XVI, 125 (traduit par Averroès).
262
Averroès, op. cit, p. 81.
Il a également été prononcé sous cet exposé que, selon une critique personnelle
des exposants, la philosophie d’Averroès est élitiste.
Enfin, fut il notable que, malgré toutes les critiques qui peuvent être avancées à
la pensée d’Averroès, cette dernière reste encore plausible en ce sens que, jusqu’à nos jours,
le caractère actuel de sa pensée reste reconnu. Philosopher reste encore une nécessité vitale à
l’homme, à la religion et à la société.
Il dit que le bonheur en vérité se distingue des faux bonheurs que sont : la
richesse, la domination, le plaisir et les biens de ce monde. Le bonheur, d’après lui, est
263
Profession de foi de l’Islam.
264
Coran, LXVII, 14 (traduction Masson).
Moise Maimonide était un Rabbin juif. Il essaie de concilier, dans son ouvrage
principal le Guide des égarés, la philosophie et la foi en Dieu et ce dans un contexte où les
juifs refusaient de faire de la philosophie de peur de s’éloigner de Dieu. Néanmoins, avec
Filon d’Alexandrie, il eut une entente entre philosophie et Judaïsme. Par la suite, celle-ci sera
brisée par Juda Halevi puis reconstruite par Maimonide.
Le débat entre foi et raison a toujours été présent dans la philosophie partant de
l’époque de l’antiquité à l’époque contemporaine. Le but de ce débat est de démontrer s’il
existe une compatibilité entre la foi et la raison.
Nous avons pu analyser, dans une certaine mesure, les concepts « Foi » et
« Raison » dans le Judaïsme avec Maimonide, l’Islam avec Averroès et Al-Fârâbî. Mais qu’en
est-il du Christianisme ?
Chez les philosophes de l’antiquité, notamment avec Socrate et Platon qui font
partie de l’âge d’or de la philosophie grecque, il n y a pas de rapport direct entre foi et raison.
Ce débat apparaît sous forme de définition des termes d’où un rapport indirect. C’est chez les
médiévaux que ce rapport fut direct et fut au cœur des grands débats philosophiques et
théologiques. Le Christianisme naît après le Judaïsme et est même issu du Judaïsme et partage
les mêmes fondements sur les révélations faites aux prophètes. Mais le Christianisme ne
s’arrête pas là. Il est aussi fondé sur un témoignage de vie et suite à un événement concret
vécu. Il naît au premier siècle à la naissance de Jésus Christ et le point de départ de cette
religion est la mort et la résurrection de Jésus Christ. C’est cette résurrection qui est le
fondement de la foi Chrétienne.
La question de la relation faite entre la foi et la raison a été au cœur de la
réflexion dans le Christianisme. Alain de Libéra dans l’ouvrage La Philosophie Médiévale
dit : « La Philosophie n’est qu’un fait de culture, une figure du passé que le Chrétien utilise
Saint Thomas d’Aquin, dans Les preuves de l’existence de Dieu et dans une
tentative de concilier la foi et la raison, utilise les cinq voies : le mouvement, la causalité, la
contingence, la graduation et l’ordre. Cependant, il montre que la voie la plus fiable c’est la
foi. En essayant de fonder les preuves de l’existence de Dieu, une question reste pendante :
est-il possible de connaître Dieu avec la raison pure. Saint Thomas va faire recours à Aristote
qui dit : « Sans représentation imaginative, l’âme ne peut rien concevoir », pour démontrer
que la foi ne peut rien sans la raison. Foi et raison dans le Christianisme sont complémentaires
et permettent à l’être humain d’être dans une recherche perpétuelle de la vérité absolue qui est
Dieu.
L’exposé numéro 6 porte sur les cinq voies de St Thomas d’Aquin dont le
thème ressorti est : l’acheminement dynamique vers la découverte de l’existence de Dieu. La
croyance et l’incroyance en Dieu montrent la divergence des points de vue de chacun ; mais,
ici, prouver l’existence divine est moins essentiel que concilier foi et raison. La raison est une
lueur naturelle qui resplendit dans l’esprit humain et soutient l’autorité de la foi. Elle permet
d’acquérir et d’acquiescer à des vérités ne relevant pas directement de la foi et lui resteraient
inaccessibles. La foi, elle, conduit des vérités qui resteraient inaccessibles à la raison que
celle-ci conforte. Thomas d’Aquin concilie raison et foi pour en faire la voie qui conduit à
l’existence de Dieu.
265
Alain de Libera, la philosophie médiévale, Paris, PUF, 2001, p.6.
266
Jacques Attali, Raison et Foi, in http://books. Openedition, org. Editions bnf.
267
Tertullien, De proescriptione hoereticorum, VII, 9 : SC 46, p. 49.
268
Tertullien, Contre Marcion, V.
269
Peter Gray, Freud, une vie, Paris, Hachette, 1991, Tome2, p. 370.
270
Miettes philosophiques 1846.
271
Johannes Climacus, Post-Scritum définitif non scientifique aux miettes philosophiques.