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TOXICOCINETIQUE DES XENOBIOTIQUES 2020 / 2021

Toxicocinétique des xénobiotiques

I – Généralités - Définitions :
-La toxicocinétique : est l’étude descriptive et quantitative du devenir des toxiques dans
l'organisme. Ce n'est pas la dose mais la concentration au niveau du ou des site(s)
d'action qui détermine la toxicité :

 L’étude descriptive s’intéresse aux processus d’ADME (Absorption-Distribution-


Métabolisme-Excrétion).
 L’étude quantitative s’intéresse à la description mathématique des paramètres
toxicocinétiques (mêmes paramètres utilisés en pharmacocinétique) permettant
d’établir des règles d’évolution des concentrations du médicament ou autre
substance non médicamenteuse en fonction du temps.

-Un xénobiotique : est toute substance étrangère à l’organisme.

-Le devenir d’un xénobiotique dans l’organisme est divisé en 4 phases (ADME) :

1- Absorption (voies de pénétration) : Pénétration du xénobiotique dans l’organisme.


2- Distribution : Répartition du xénobiotique dans l’organisme.
3- Métabolisme (Biotransformation) : Biotransformation du xénobiotique (voire
cours sur le métabolisme).
4- Excrétion : Elimination de l’organisme du xénobiotique et de ses métabolites.

La toxicocinétique inclut les phénomènes d’absorption, de distribution tissulaire, de


métabolisme et d’excrétion des xénobiotiques. Elle permet de déterminer la quantité de
substance toxique susceptible d’atteindre sa cible et de préciser sous quelle forme (composé
initial ou métabolites) elle y parvient. A ne pas confondre avec la toxicodynamie qui examine
plus particulièrement l’interaction du xénobiotique avec sa cible et l’effet toxique que cela
produit. L’effet toxique sera d’autant plus important que la forme toxique d’un xénobiotique
est capable d’atteindre la cible et que cette dernière est sensible à l’agent exogène. De ce fait,
la toxicocinétique est un élément critique de la caractérisation du danger d’une substance
chimique. Pour comprendre le mécanisme d’action des xénobiotiques, il est nécessaire de
tenir compte des voies de métabolisme et de détoxication, qui paradoxalement peuvent
conduire à des intermédiaires métabolites très toxiques. La toxicité d’un composé sera donc
dépendante de son mode d’absorption, mais également de son métabolisme (figure 1).

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Figure 1 : Devenir du toxique dans l’organisme

II – Mécanismes d’absorption des toxiques :


Les barrières physiologiques sont représentées par les membranes cellulaires.
Elles sont constituées de : - bicouche phospholipide (pôle hydrophile-pôle hydrophobe) ;
- protéines.
Leurs caractéristiques : - perméabilité sélective ;
- composition différente selon la cellule.

Il existe 5 différents types de transport membranaire :


1- Diffusion passive : Elle concerne un grand nombre de toxiques. Il s’agit d’un mécanisme
non saturable et non spécifique. Le passage passif (sans consommation d’énergie) dépend du
gradient de concentration de part et d’autre de la membrane et de la lipophilie de la substance.
Exemple : le mannitol peu lipophile passe très peu, l’acide acétylsalicylique (aspirine) passe
mieux, et le thiopental très lipophile passe plus intensément. Les formes non ionisées, plus
liposolubles, traversent mieux la membrane cellulaire que les formes ionisées. Le pH du
milieu et le pKa du xénobiotique déterminent l’état d’ionisation des acides et des bases
faibles, par exemple : l’acide benzoïque diffuse mieux en milieu acide où il est très peu ionisé.
Cependant, ce processus est limité aux molécules de faibles poids moléculaires (≤ 500
daltons). La vitesse de diffusion (V) peut être modélisée par la loi de Fick :
DSK (Cext – Cint) (Cext - Cint) : gradient de concentration ;
V= D : coefficient de diffusion du xénobiotique (taille et ionisation) ;
E S : surface de la membrane ;
K : coefficient de partage du xénobiotique (lipophilie) ;
E : épaisseur de la membrane.

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2- Filtration : le flux de l’eau au travers des pores membranaires peut autoriser le passage
de toxiques. Pour la plupart des cellules, le diamètre des pores est voisin de 4 nm : seuls les
toxiques hydrosolubles de masse molaire faible (100-200) peuvent passer, par exemple :
l’urée, le méthanol, l’éthanol…
Cas particulier des glomérules, dont les membranes ont des pores plus larges (environ 70 nm)
et permettent donc le passage de molécules de PM élevé mais qui reste < à celui de
l’albumine (soit environ 60.000).
Les membranes capillaires présentent elles aussi des pores assez larges pour autoriser
l’équilibrage des concentrations en grosses molécules.

3- Diffusion facilitée : ne s’effectue pas à l’encontre d’un gradient de concentration et ne


nécessite pas une consommation d’énergie. Ce processus est saturable et fait intervenir des
substances porteuses et donc il est spécifique pour les seules substances qui peuvent se fixer
sur les protéines porteuses. Ce système est compétitif au niveau des sites de fixation sur le
transporteur. Exemple : GLUT (transporteur de glucose au niveau intestinal)…

4- Transport actif : Ce procédé fait intervenir des substances porteuses mais contrairement
à la diffusion facilitée le corps chimique peut être transporté même à l’encontre d’un gradient
de concentration et nécessite donc une source d’énergie. Ce système protéique est spécifique
et saturable. Il existe un phénomène de compétition au niveau des sites de fixation sur le
transporteur.

5- Endocytose : Ce processus est impliqué surtout dans l’absorption de substances


insolubles de grande taille. C’est un mécanisme mineur pour l’absorption des
xénobiotiques, qui nécessite une source d’énergie et concerne les cellules phagocytaires
des muqueuses. Ce système est particulièrement important au niveau des alvéoles
pulmonaires : - Phagocytose : concerne les particules solides.
- Pinocytose : concerne les particules liquides.

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III- Voies de pénétration des xénobiotiques :


1. Voie orale : C’est une voie de pénétration fréquente pour les toxiques (aliments
contaminés, tentatives de suicides, accidents domestiques, etc.). Cependant, en milieu
professionnel, elle constitue une voie mineure d’absorption des xénobiotiques (accidents, non-
respect des règles d’hygiène…)
Elle est concernée également lors d’une exposition respiratoire (rejet du toxique par le tapis
muco-ciliaire puis sa déglutition) ; et cutanée (tabagisme avec mains souillées, mauvaise
hygiène +++).
L’absorption s’effectue en général par diffusion passive sur toute la longueur du tube digestif
(cavité buccale → colon). Certains toxiques sont absorbés par les autres mécanismes
(transporteur, pinocytose…).

a) Bouche : L’absorption est peu importante sauf si les substances restent plus longtemps au
niveau de la bouche. L’absorption est maximale au niveau de la zone sublinguale. Les
substances absorbées par la bouche ne sont pas soumises à l’influence des sécrétions du
tractus gastro-intestinal et atteignent directement la circulation générale sans passer par le foie
(site important de biotransformations).

b) Estomac : malgré une surface de contact relativement peu importante, un débit sanguin
assez faible (250 ml/min) et le pH gastrique (pH : 1 - 2), de nombreux corps chimiques acides
faibles sont rapidement absorbés par l’estomac ainsi que les petites molécules hydrosolubles
(l’éthanol).

c) Intestin grêle : C’est l’organe majeur de l’absorption grâce à sa capacité d’absorption


intestinale du fait de la grande surface de sa muqueuse (environ 100 à 200 m2) qui est
recouverte de plis et de villosités riches en capillaires augmentant ainsi la surface d’échange
avec le réseau sanguin. Le temps de contact est plus prolongé, les mouvements de
segmentation de sa musculature lisse assurent le brassage du bol alimentaire et favorisent le
contact avec la muqueuse. En plus d’une bonne vascularisation (débit sanguin à 1000
ml/min), le pH varie d’une zone à une autre (4.8 à 8), ce qui favorise le passage des acides
organiques faibles et les bases faibles.
 Exemples :
• Acide benzoïque (acide faible) → l’absorption commence au niveau de l’estomac.
• Aniline (base faible) → absorption intestinale.
 Effet du premier passage hépatique :
Les xénobiotiques ayant diffusés à travers la muqueuse intestinale, se retrouvent dans le sang
et sont véhiculés par la veine porte jusqu’au foie, où certains d’entre eux seront métabolisés
avant d’atteindre la circulation générale ; c’est le mécanisme décrit sous le nom d’effet de
premier passage hépatique (EPPH) qui correspond à une transformation du toxique avant
toute distribution dans l’organisme.
 N.B :
-l’absorption au niveau du gros intestin est peu importante.
-En cas d’administration intra rectale d’un xénobiotique, l’absorption partielle s’effectue à
travers les veines hémorroïdales inférieures et moyennes (effet du 1er passage hépatique) et
supérieures.

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d) Facteurs influençant l'absorption gastro-intestinale :


– Liés au tube digestif
• Acidité de l'estomac →hydrolyse de certains composés ;
• Flore bactérienne (cycle entéro-hépatique) ;
• Enzymes impliqués dans la digestion ;
• Motilité (↑ du temps de résidence→↑de l'absorption) ;
• Vitesse de la vidange gastrique.

– Liés au xénobiotique
• Liposolubilité ;
• Solubilité et stabilité au pH du milieu ;
• Absorption inversement proportionnelle à la taille.

– Autres
• Jeûne (augmentation du taux d’absorption digestive) ;
• Age ;
• Régime alimentaire : (ex. : la présence de jus d’agrumes dans le bol alimentaire favorise la
solubilisation de sulfure de plomb (Pb) et favorise donc son absorption ; la carence en fer et
en calcium favorise l’absorption du plomb par diminution de la compétition vis-à-vis des
récepteurs du calcium (Ca) ;
• Présence de chélateurs (EDTA, charbon activé…) qui peuvent former avec certains
xénobiotiques des composés insolubles éliminés dans les fèces.

2. Voie pulmonaire :
C’est une voie fréquemment impliquée dans l’entrée des toxiques. Elle représente la
principale voie d’entrée de nombreux toxiques industriels en milieu professionnel. Elle
permet l’absorption :
– des gaz (CO, oxydes d'azote, gaz de combat…) ;
– des vapeurs de liquides volatils (vapeurs de mercure, solvants ex. benzène, tétrachlorure de
carbone : CCl4...) ;
– des aérosols et des particules atmosphériques.

L’absorption est généralement très rapide à cause :


– de la vaste surface d'échange alvéolaire (70-80 m²) ;
– de la très forte perméabilité de l'épithélium (très fin) ;
– du tissu fortement vascularisé.
La pénétration du produit dépend aussi :
- De la concentration ;
- De la dose inhalée ;
- Du temps de contact ;
- De la ventilation ;
- Du type de la substance inhalée.

a) Définitions :
Aérosol : Suspension de particules solides ou liquides dans un gaz avec une vitesse de chute
négligeable.

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Gaz : Etat dans lequel des molécules se trouvent suffisamment éloignées les unes des autres
pour que les forces d’attraction existant entre elles soient pratiquement négligeables.
Vapeur : Contrairement au gaz, l’application d’une pression permet de la liquéfier à
condition que la température soit inférieure à la température critique (un gaz peut être liquéfié
en abaissant la température).
Fumée : Dispersion de particules solides, très fines (< 0,1 µm), engendrées par des procédés
thermiques.

b) Absorption des gaz :


L’absorption des gaz et vapeurs par voie pulmonaire dépend peu de la liposolubilité des
molécules ou de leur état d’ionisation. L’élément limitant ici est la solubilité des gaz dans le
sang exprimée par le coefficient de partition sang/air alvéolaire. Le chloroforme (CHCl3) a un
coeff. de partition =15 peut pénétrer jusqu’aux alvéoles. Cependant, les gaz très hydrosolubles
comme l’ammoniac, et ayant donc un coeff. de partition très élevé sont rapidement absorbés
par le mucus bronchique, puis par la muqueuse des voies aériennes supérieures et atteignent
donc peu les alvéoles pulmonaires.

Ethylène Chloroforme
Solubilité + +++
Absorption lente rapide
Equilibre 10-20 min 1h

c) Absorption des aérosols :


L’absorption des particules liquides dépend de leurs lipophilies.
L’absorption des particules solides dépend de leur solubilité et de leur taille. Les plus grosses
(5-30µm) se déposent au niveau de la muqueuse nasale puis sont rejetés par l’éternuement ou
elles sont dégluties. Les particules de taille moyenne (1-5µm) peuvent se déposer dans la
trachée, les bronches ou les bronchioles puis sont rejetées par le tapis muco-ciliaire ou
phagocytées. Les plus petites particules (< 1µm) peuvent diffuser à travers les alvéoles
pulmonaires et passer dans le sang.

3. Voie cutanée et les muqueuses :


a) Voie transépidermique :
La voie cutanée est représentée par la couche cornée (stratum corneum) qui est la principale
barrière physiologique. Elle est assez imperméable et permet l’absorption des molécules très
lipophiles et de très petite taille. La perméabilité est différente d’une zone à une autre, en
fonction de l’épaisseur de la couche cornée. Ainsi, la peau de la paume des mains est très
épaisse limitant l’absorption tandis que la peau du scrotum est très fine et donc très
perméable. Le passage du xénobiotique s’effectue par diffusion passive à travers l’épiderme
puis le derme et ensuite la circulation sanguine. Une exposition cutanée peut donc conduire à
une intoxication systémique.

b) Voie accessoire pilo-sébacée :


Elle concerne les annexes cutanées : follicules pileux, glandes sébacées et glandes
sudoripares. L’absorption par cette voie est plus rapide, mais la surface de contact est de
l’ordre de 1/1000e à 1/10000e de la surface cutanée, selon les zones du corps.

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Cette voie d’absorption n’est donc prédominante que pour certaines molécules volumineuses
ou peu lipophiles.

c) Principaux facteurs influençant l’absorption cutanée :


- Propriétés physicochimiques du toxique : solubilité (liposolubilité+++), poids moléculaire,
degré d’ionisation…
- Solvant utilisé.
- Concentration de la substance.
- Durée du contact.
- Intégrité des téguments : une dermatose ou une lésion chimique ou mécanique de la
couche cornée (épiderme) fragilisent la peau et augmentent sa perméabilité.
- Température et débit sanguin : lorsqu’ils augmentent accroissent l’absorption.
- pH et degré d’hydratation : l’eau et la sueur hydrate la peau et devient plus perméable.
- Site cutané : surface et épaisseur cutanée, abondance des follicules pileux.
- Port de gants adaptés.

d) Absorption par les muqueuses :


Le pouvoir d’absorption est manifeste mais sélectif, exemple : l’atropine est bien absorbée par
la muqueuse oculaire.

4. Voies parentérales : C’est les voies les plus directes, car elles mettent directement en
contact le xénobiotique avec le sang ou les liquides interstitiels.
- Voie intraveineuse
- Voie intra-péritonéale
- Voie hypodermique (sous-cutanée) : injection de l’insuline ou cocaïne.
- Voie intramusculaire
N.B : La pénétration des substances toxiques dans l’organisme se fait rarement par le biais
d’une injection sauf en cas de toxicomanie.

IV- Action de défense de l’organisme :


 Pénétration par voie orale :
a. Réactions chimiques : pH gastrique ionise les bases faibles et deviennent moins solubles.
b. Réactions mécaniques : le péristaltisme intestinal est une fonction physiologique de
l’appareil digestif qui permet d’évacuer par l’anus une substance ayant pénétrée par la

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bouche. Les substances provoquant des irritations sur le tube digestif vont entraîner des
vomissements et des diarrhées.

 Pénétration par voie pulmonaire :


Les gaz non irritants (ex. : CO) diffusent facilement par voie pulmonaire, tandis que les gaz
irritants tels que l’ammoniac (NH3) et le chlore (Cl2) entraînent une hypersécrétion
bronchique avec toux.
Les mécanismes de clairance pulmonaire vont éliminer les particules déposées sur l’arbre
bronchique par la couche de mucus et par les mouvements des cils qui vont les transporter
vers le pharynx où elles seront expectorées ou dégluties (ingérées).

V- Distribution :
1. Transport sanguin :
Dans le sang, les xénobiotiques peuvent :
- Se dissoudre dans le plasma, donc sous forme libre, c’est à dire sous forme active,
diffusible dans les tissus ;
- Se lier aux protéines plasmatiques : albumine (de très nombreux xénobiotiques), α1-
glycoprotéine acide (composés basiques), lipoprotéines (composés liposoluble), transferrine
(fer), céruloplasmine (cuivre), γ-globulines (antigènes). Cette liaison inactive momentanément
les substances, mais constitue une forme de réserve : elles ne peuvent plus diffuser hors du
compartiment sanguin ni être métabolisées
- Se lier à la membrane cellulaire ou pénétrer dans le cytoplasme des éléments figurés du
sang, en particulier des hématies (oxyde de carbone, agents méthémoglobinisants, salicylés,
phénobarbital…)
Il s’agit le plus souvent d’une liaison réversible et en équilibre tel que :
Toxique libre + Protéine libre ⇔ Complexe toxique-protéine
Le toxique lié de façon réversible peut donc être libéré pour traverser la paroi des vaisseaux et
exercer ses effets.

a) La liaison aux protéines plasmatiques


La fixation aux protéines plasmatiques dépend de plusieurs facteurs : l’affinité du toxique
pour les sites de liaison, le nombre de sites de liaison « disponibles », et la concentration du
toxique.
Les principaux types de liaisons protéines-toxiques sont :

 Des liaisons hydrophobes, faibles, par répulsion de molécules d’eau intervenant entre
des toxiques liposolubles et des sites hydrophobes de certaines protéines.
 Des liaisons électrostatiques entre des toxiques acides faibles et des sites cationiques
de l’albumine ou entre des toxiques bases faibles ionisés et des sites anioniques de
certaines protéines.
 Des liaisons de covalence par mise en commun de deux électrons, seul type de liaison
non réversible (ex : complexe formé entre agents anticancéreux alkylants et albumine),
subsiste jusqu’à la destruction de la protéine.

De façon conventionnelle, on distingue deux types de fixation dépendants des caractéristiques


acido-basiques des toxiques :

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Type I Type II
Nature du médicament Acide faible Base faible / Substance non
ionisée
Protéine fixatrice Albumine Albumine
Alpha1 glycoprotéine acide
Affinité Forte Faible
Nombre de sites de fixation Petit Grand
Possibilité de saturation Oui Non
Possibilité d’interaction Possible Improbable

La liaison aux protéines plasmatiques tend à diminuer la toxicité immédiate mais à prolonger
l’intoxication. Il peut y avoir des risques de compétition au niveau des liaisons protéiques :
exemple des sulfamides anti-infectieuses / sulfamides anti-diabétiques - risque de coma
hypoglycémique.

b) Fixation au niveau des éléments figurés


La fixation aux éléments figurés (érythrocytes, polynucléaires, lymphocytes, plaquettes)
apparaît moins grande que celle relative aux protéines plasmatiques.
La fixation aux globules rouges est à considérer dès lors que le volume de distribution est
faible et que la concentration érythrocytaire est forte comparée à la concentration au niveau
plasmatique.

2. Distribution tissulaire :
La distribution des xénobiotiques dépend de :
- liaison du toxique aux protéines plasmatiques : plus le taux de liaison est faible plus la
diffusion tissulaire est importante ;

- l’affinité du toxique pour les protéines tissulaire : une forte affinité pour les protéines
tissulaires et/ou une liposolubilité importante favorisent la diffusion tissulaire ;

- la nature de l’organe (débit sanguin de l’organe concerné) : La distribution est d’autant plus
rapide qu’elle concerne des organes ou tissus bien perfusés. Les organes fortement
vascularisés tels que le foie et le rein fixent un grand nombre de toxiques. Les graisses
accumulent des substances lipophiles comme les insecticides organochlorés, cependant, un
relargage ultérieur de ces toxiques est possible dans les périodes de jeûne ou
d’amaigrissement. Le tissu osseux est un site majeur de stockage pour le fluor et le plomb ;

- barrières naturelles que l’organisme met en œuvre pour se protéger : pour diffuser les
toxiques doivent passer les membranes tissulaires. Dans certains tissus (foie…), la paroi
vasculaire est composée de capillaires discontinus permettant une diffusion facile du toxique.
A l’opposé dans d’autres organes (cerveau et barrière hémato-encéphalique…) la paroi
vasculaire est composée de capillaires continus difficilement franchissables. En effet, la
barrière hémato-encéphalique s’oppose au transport des toxiques sous leur forme liée aux
protéines plasmatiques vers le cerveau. Cependant, c’est la liposolubilité de ces substances
qui conditionnent leur pénétration dans le cerveau. Ainsi, le méthylmercure, liposoluble,
atteint facilement le cerveau où il exerce sa toxicité, alors que les composés minéraux du
mercure y pénètrent très peu et ont une toxicité essentiellement rénale.

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La barrière placentaire peut s’opposer à quelques toxiques seulement du sang de la mère vers
le fœtus. C’est pourquoi il est recommandé à la femme enceinte d’éviter l’emploi de plusieurs
xénobiotiques (médicaments, alcool, fumée de tabac…).

VI- Elimination :
Les xénobiotiques et leurs métabolites, comme les substances endogènes, sont principalement
éliminés de l’organisme par voie fécale, urinaire et, pour certains d’entre eux, par voie
respiratoire. Il existe également des voies accessoires d’élimination : la sueur, la salive et les
phanères (cheveux, poils et ongles).

1. Voie fécale :
Cette voie concerne les toxiques qui :
- après ingestion, n’ont pas été totalement absorbés
- sont transférés directement du sang vers la lumière intestinale (comme la digitoxine,
l’ochratoxine A, l’hexachlorobenzène, etc…)
- sont excrétés par voie biliaire : Outre ses capacités métaboliques, le foie participe à
l’excrétion des toxiques hors de l’organisme par le biais du système biliaire. Ce système
permet d’éliminer les molécules non excrétées par le rein, soit les grosses molécules et les
molécules non hydrosolubles.
Après excrétion dans la bile, le toxique se retrouve dans la lumière intestinale où il peut être
réabsorbé après hydrolyse des liaisons de conjugaison par la flore intestinale : c’est le cycle
entéro-hépatique (CEH). On constate alors un effet rebond au niveau des concentrations
plasmatiques. Par conséquent, les molécules qui subissent un CEH seront éliminées
lentement.

2. Voie urinaire :
Trois mécanismes principaux déterminent l’excrétion des toxiques et leurs métabolites dans
l’urine : la filtration glomérulaire, la sécrétion et la réabsorption tubulaires.

a) Filtration glomérulaire :
Il s’agit d’un mécanisme de filtration passive. Le diamètre des pores des capillaires du
glomérule sont assez large (70 nm) pour permettre le passage de molécules de masse molaire
< 60.000. Seules les formes libres passent, celles liées aux protéines plasmatiques ne passent
pas. Après filtration dans le tubule, les composés polaires et hydrosolubles sont excrétés dans
l’urine.
b) Sécrétion tubulaire :
C’est essentiellement par transport actif que les xénobiotiques sont éliminés par les tubes
contournés proximaux.

Il existe deux principaux systèmes de transport actif, l’un destiné aux acides faibles (ex. :
acide salicylique, glucuronides, sulfoconjugués) et l’autre aux bases faibles (ex. : quinine,
ammoniums quaternaires…). Ce mécanisme concerne aussi bien les toxiques sous forme libre
que ceux liés aux protéines plasmatiques par liaison faible. Les composés excrétés par
transport actif sont donc des substances ionisées hydrosolubles qui peuvent être transportées
contre un gradient de concentration. Les substances sécrétées par le même mécanisme actif
(interaction entre deux molécules au niveau du même transporteur péritubulaire)
entrent en compétition et la vitesse d’excrétion d’un corps chimique peut donc être réduite par
l’administration d’un autre (exemple : pénicilline-G, probénécide).

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c) Réabsorption tubulaire :
Le mécanisme essentiel de réabsorption tubulaire se déroule dans le tube contourné proximal
et distal et repose sur le transfert passif. Les toxiques sont principalement réabsorbés sous
forme liposolubles non ionisée (les composés relativement liposolubles avec un caractère
acide faible comme par exemple les barbituriques). Pour les médicaments dont la structure se
rapproche de celle des substances endogènes, la réabsorption se fait au niveau du tube
proximal par un mécanisme actif.

3. Voie pulmonaire :
Les toxiques volatils ou semi volatils ayant pénétrés par voie respiratoire, digestive ou autre,
peuvent être excrétés dans l’air expiré par transfert passif à travers la membrane alvéolo-
capillaire. Un certain nombre de solvants organiques et autre volatils éliminés par cette voie :
acétone, chloroforme, alcools, benzène, acide cyanhydrique, monoxyde de carbone, etc.
L’élimination est inversement proportionnelle à la vitesse d’absorption : les composés
absorbés rapidement (chloroforme, par exemple) sont éliminés très lentement. Les composés
très liposolubles, stockés dans le tissu adipeux, peuvent être excrétés par cette voie très
longtemps après l’exposition : exemple des anesthésiques halogénés comme l’halothane ou le
méthoxyflurane (plusieurs semaines après une anesthésie).

4. Autres voies d’excrétion :


L’élimination par la salive et la sueur sont des voies mineures d’excrétion. Les substances
excrétées par la salive sont habituellement réingérées et peuvent être de nouveau absorbées
par le tube digestif (mercure, plomb). Certains composés excrétés par la sueur peuvent être
responsable de dermite (arsenic).
L’excrétion dans le lait pose le problème de la contamination mère-enfant ou celui de la
contamination des enfants par des laits d’origine animale. Le lait concentre surtout des
produits basiques (médicaments ou autres) et des substances lipophiles (insecticides…).
L’excrétion au niveau des phanères (ongles, poils, cheveux) concernent des xénobiotiques
minéraux (arsenic, plomb, etc.) et certains composés organiques comme les médicaments
cytotoxiques et les drogues.

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VII- Principaux paramètres toxicocinétiques :


L’étude quantitative de la toxicocinétique est une approche relativement simple basée sur
quelques paramètres cinétiques réalisables en pratique clinique. Cependant, seules les
méthodes d’analyse quantitatives et spécifiques peuvent être utilisées.
La fréquence des prélèvements biologiques dépend de la cinétique connue du toxique : ainsi
les prélèvements seront plus rapprochés pour les toxiques à élimination rapide (ex. le
triazolam) que pour les toxiques à élimination prolongée (ex. le phénobarbital).
De même, la durée totale de l’étude varie selon le toxique : ainsi, en cas d’intoxication par des
métaux tel le mercure, l’étude devra être continuée pendant plusieurs jours, voire plusieurs
semaines afin de pouvoir déterminer l’excrétion rénale totale du toxique.
Une étude cinétique complète impose, selon les cas, la réalisation d’analyses dans divers
liquides biologiques : sang ou sérum, urines, liquide de lavage gastrique, liquide de dialyse
péritonéale ou d’hémodialyse…
L’interprétation des résultats des dosages toxicologiques est basée en partie en méthodologie
utilisée en pharmacocinétique.
1- Biodisponibilité du toxique :
Il s’agit de la quantité de toxique ayant atteint la circulation systémique sous sa forme
inchangée et la vitesse à laquelle elle l’atteint. Elle peut être calculée de la même manière
qu’en pharmacocinétique en utilisant l’air sous la courbe des concentrations plasmatiques. Si
on utilise la concentration plasmatique maximale, on obtient la quantité de toxique
biodisponible au moment du pic.
Lorsque l’administration se fait par voie intraveineuse, aucun doute sur la quantité de
médicament ou autre, ayant atteint la circulation sanguine : la biodisponibilité est de 100%.
Pour toutes les autres voies d’administration, la biodisponibilité peut être incomplète en
raison des phénomènes suivants :
 Les caractéristiques physico-chimiques des toxiques : liposolubilité (coefficient de
partage) et degré d’ionisation (pKa) ;
 Un effet de premier passage intestinal, hépatique ou pulmonaire …
 De la physiopathologie : condition circulatoire sanguine au site d’administration,
vitesse de transit intestinal, composition du milieu intestinal (enzymes, pH…) …
Au même titre que la quantité absorbée, la vitesse d’absorption d’un toxique est un paramètre
significatif pour le délai d’apparition des effets liés à cette substance.
2- Volume de distribution (Vd) : Son unité est en L/kg ; il se définit comme étant le volume
apparent dans lequel semble se répartir la totalité de la dose de médicament ou autre substance
chimique pour que sa concentration plasmatique soit égale à celle des tissus. Il définit
l’importance de la distribution dans les tissus.
Dans la majorité des cas, le volume de distribution réel du toxique ne peut être calculé chez le
malade, étant donné que la dose réellement ingérée est approximative et que le pic de
concentration plasmatique ne peut pas toujours être déterminé en raison des délais entre
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TOXICOCINETIQUE DES XENOBIOTIQUES 2020 / 2021

l’absorption et l’admission très variable ou non connu. On utilise donc pour le calcul le
volume distribution connu d’après les données pharmacocinétiques et/ou expérimentales. De
plus, une des conséquences cliniques de cette caractéristique pharmacocinétique est qu’en cas
de surdosage, il sera vain d’entreprendre une épuration extra-rénale par dialyse pour toutes les
molécules à grand volume de distribution (> 2 L/kg) : le dialyseur n’ayant accès qu’à des
quantités circulantes très faibles, l’efficacité de l’épuration sera insignifiante.
3- Demi-vie plasmatique :
La demi-vie plasmatique (T 1/2) correspond au temps nécessaire pour que la concentration
plasmatique du toxique diminue de moitié.
4- Clairance corporelle totale :
Par définition, la clairance (Cl) correspond au volume de sang totalement épuré du toxique par
unité de temps. Elle est généralement exprimée en L/h.
Plus la clairance est élevée, plus les capacités d’élimination du toxique par l’organisme
sont importantes. Cette notion de clairance prend donc en compte tous les processus
d’élimination du toxique qu’ils s’agissent d’élimination sous forme inchangée (rénale…) et
des différentes biotransformations (intestinale, hépatique…).
On peut donc parler de notion de clairance totale et de clairances hépatique, intestinale ou
rénale, la première étant la résultante de toutes les autres :
Cl totale = Cl rénale + Cl hépatique +…
5- Clairance hépatique :
La clairance hépatique peut être estimée lorsqu’un toxique est éliminé essentiellement par
voie rénale et hépatique. Elle se décompose en clairance métabolique et clairance biliaire.
a) Clairance métabolique
Elle dépend d’une part de la clairance intrinsèque qui est la capacité des systèmes
enzymatiques hépatiques à métaboliser le toxique et d’autre part de la fraction libre
plasmatique du toxique qui est fonction du degré de fixation protéique.
b) Clairance biliaire
C’est la capacité du système biliaire à éliminer le toxique (principalement les molécules de
forte masse moléculaire).
6- Clairance rénale :
La clairance rénale est le volume théorique de plasma épuré du toxique par unité de temps en
fonction de son élimination rénale.
Il est important de faire plusieurs prélèvements urinaires afin de déterminer les variations de
l’excrétion rénale en fonction de symptômes (état de choc, hypoxémie...) ou de traitements
(chélateurs, épuration extrarénale).

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Conclusion :
La toxicocinétique est basée sur des principes analogues à ceux de la pharmacocinétique mais
dans un contexte totalement différent puisque la pharmacocinétique appliquée a pour but
principal la surveillance des concentrations des médicaments dans les liquides biologiques et
l’adaptation de la posologie pour obtenir des concentrations efficaces sur le plan
thérapeutique. Alors que, l’étude de la toxicocinétique permet de :
- Evaluer la gravité de l’intoxication en comparant les données cliniques (symptômes) et
analytiques (paramètres cinétiques) et les facteurs pronostiques afin de poser l’indication
de certaines thérapeutiques ;
- Suivre l’élimination du toxique de l’organisme ;
- Apprécier l’efficacité d’un traitement épurateur ou antidotal.

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