Vous êtes sur la page 1sur 17

Géotechnique

Article
Discussion
Lire
Modifier
Modifier le code
Voir l’historique

Outils
Dans le groupe des géosciences, la géotechnique est la technoscience consacrée à
l’étude pratique de la subsurface terrestre sur laquelle notre action directe est
possible pour son aménagement et/ou son exploitation, lors d’opérations de BTP
(génie civil, bâtiment, carrières), de gestion des eaux souterraines (exploitation,
drainage) et de prévention des risques naturels.

Dans la pratique actuelle, il est indispensable d’y recourir lors de l’étude, la


construction, la maintenance et la réparation de tout type d’aménagement et
d’ouvrage - route, voie ferrée, canal, aménagement de montagnes, de cours d’eau et
du littoral, pont et viaduc, tunnel, barrage, puits et forage, carrière, immeuble,
etc., l’exécution de tout type de travail - terrassement, fondation, drainage… dans
tout type de site - terrestre, fluvial et maritime, libre ou occupé.

Technique empirique aussi vieille que l’humanité et connue de toutes les


civilisations, elle évolue sans cesse selon nos besoins, nos connaissances et nos
moyens. Sa pratique pragmatique a longtemps reposé sur des procédés locaux très
efficaces ; son évolution rationnelle a débuté vers la fin du xviie siècle ; à
partir de la deuxième partie du xixe siècle, elle est progressivement devenue
scientifique ; depuis, elle navigue entre induction / expérience / probabilisme et
déduction / calcul / déterminisme ; son état actuel est un amalgame instable de ces
deux points de vue.

Comme science, elle ressortit autant à la géologie (pétrographie, géologie


structurale, géomorphologie, géodynamique, hydrogéologie) qu’à la géomécanique
(mécanique des sols, mécanique des roches, sismique, hydraulique souterraine).
Comme technique, elle ressortit à l’art de la construction - techniques du BTP -
(architecture, ingénierie, travaux, maintenance, réparation) pour la mise en œuvre
du sous-sol (terrassement, soutènement, drainage, fondation…).

Les principes de la géotechnique sont simples mais leur expression est compliquée,
car ils procèdent à la fois de la géologie et de la mécanique, de l’observation /
expérimentation et du calcul, du raisonnement inductif et du raisonnement déductif.
À partir du terrain, la géologie étudie la morphologie et le comportement des
géomatériaux réels, roches, sols et eaux constituant le sous-sol d’un site, qui
sont tangibles, discontinus, variables, hétérogènes, anisotropes, contraints,
pesants et bien plus que cela : la nature les a faits ainsi et on ne peut que le
constater. À partir de sondages et d’essais, la géomécanique les réduit à des
milieux virtuels de modèles qui doivent être continus, immuables, homogènes,
isotropes, libres, parfois non pesants et rien que cela : le traitement
mathématique l’impose. Pour passer des premiers aux seconds, de la réalité à
l’image, il suffit d’un peu d’imagination et d’usage ; pour repasser ensuite et
nécessairement des seconds aux premiers, des échantillons au site, il faut ajouter
que les géomatériaux ne sont pas désordonnés, que leurs hétérogénéités et leurs
comportements ne sont pas aléatoires, mais qu’au contraire, ils sont structurés de
façon tout à fait cohérente, ce qui ramène à la géologie : tout résultat d’essai et
de calcul géomécanique, incompatible avec une observation géologique, est
inacceptable en géotechnique.

En effet, ne pas tenir compte des particularités géologiques d’un site risque
d’entraîner à plus ou moins long terme des dommages, voire des accidents parfois
très graves au chantier et/ou à l’ouvrage : la majeure partie des dégâts et
accidents géotechniques sont dus à l’inadaptation de l’ouvrage au site ou à une
méconnaissance de la géologie du site et non à des erreurs de calculs géomécaniques
sur les parties d’ouvrages en relation avec le sol et le sous-sol.

Talus de déblais routier – alternance marno-calcaire subverticale.

Le barrage de Serre Ponçon sur la Durance - Vue générale - Profils en travers et en


long

Les ruines du barrage de Malpasset vues de l’aval – Coupe du dièdre de failles


défaillant, cause naturelle de la catastrophe, avec la crue du Reyran, le
2/12/1959, événement déclenchant.

Autoroute A40 - Nantua - viaduc en encorbellement sur chaos d'écroulement de


falaise.

Autoroute A75 - Viaduc de Millau - géologique et géotechnique


Histoire
Dans sa forme empirique pratique, on a fait de la géotechnique bien avant qu’on la
désigne et qu’on la définisse.

Le terme
Le terme de « géotechnique » est attesté pour la première fois à la fin du xixe
siècle, peut-être dans sa version anglaise, « geotechnics », ou française, «
géotechnique », sans doute dans la désignation de la « Commission suisse de
géotechnique », créée en 1899, rattachée à l’Académie suisse des sciences
naturelles en 1909 ; jusqu’à sa dissolution en 2005, il y avait aussi un « Institut
géotechnique d’État » belge. Le mot désignait alors l’ensemble des applications des
géosciences, avec une connotation clairement géologique en Suisse. Dès le début du
xxe siècle, il était tombé en désuétude partout ailleurs, sans doute à cause de la
dichotomie entre d’une part géologie de l’ingénieur — « Ingenieurgeologie », «
engineering geology » — et d’autre part mécanique des sols — « Erdbaumechanik », «
soil mechanics » pour la science et « soil engineering » pour la technique.
Terzaghi utilisa d’abord « Erdbaumechanik » pour titre de son ouvrage fondateur1
comme synonyme de « soil engineering », il a ensuite appelé Géotechnique la revue
de langue anglaise - maintenant éditée par l'Institution of Civil Engineers à
Londres - qui a perdu l’accent sur le e mais a conservé la désinence que ; il a
finalement abandonné le terme pour Soil Mechanics in Engineering Practice, titre de
l’un de ses derniers ouvrages2.

En France, Maurice Buisson exhuma sans lendemain le terme dans le sens de mécanique
des sols appliquée, pour titre de son ouvrage en deux tomes dont il ne publia que
le premier, Essai de géotechnique – 1. Caractères physiques et mécaniques des
sols3, avec une connotation clairement mécanique des sols. En 1962, au début de la
construction systématique des autoroutes françaises, Pierre Martin a créé le «
Bureau d’Études Géotechniques », raison sociale de société anonyme et marque
commerciale, expression qui est maintenant devenue générique. Sans doute pour cela,
le terme « géotechnique », attesté en français vers 1960, figure depuis une
quarantaine d’années dans les dictionnaires de français. Dans le courant des années
1970, il a été consacré par la création de l’Union syndicale géotechnique à
connotation nettement géomécanique et l’établissement de « Listes départementales
de géotechniciens agréés en matière de mouvements du sol et du sous-sol » à
connotation plutôt géologie de l’ingénieur.

Ce terme est maintenant devenu courant dans le langage du BTP, mais son champ n'est
toujours pas fixé.
La pratique
Ramasser un galet de silex et le casser pour en faire un chopper, chercher, choisir
et aménager une grotte pour l’habiter, exploiter une carrière de silex, construire
une cité lacustre, ériger un mégalithe… étaient des activités « géotechniques » que
les hommes préhistoriques exerçaient efficacement. Les anciens Chinois, Grecs,
Amérindiens… construisaient parasismique aussi efficacement.

Durant l’Antiquité, les Mésopotamiens, Égyptiens, Bretons, Grecs, Romains, Andins,


Chinois, Hindous… ont construit leurs bâtiments, routes, canaux, ponts… en
utilisant des « (géo)techniques » empiriques, sans cesse améliorées, comme celle
commune à tous qui consiste à adapter la charge appliquée par l’ouvrage à la
capacité portante de son géomatériau d’assise, en jouant sur les dimensions et la
profondeur d’ancrage des fondations ; on fait toujours ainsiN 1. Darius Ier décrit
cette technique dans la dédicace de son palais de Suse ; Vitruve la conseillait aux
constructeurs romains ; deux Évangiles disent qu’au bord d’un torrent à crues,
l’homme prudent établit les fondations de sa maison en creusant jusqu’au roc, alors
que le fou construit sur le sable…

Au Moyen Âge, il y avait d’habiles « (géo)techniciens » pour construire dans les


lagunes, les deltas, les plaines alluviales… sur des matériaux peu consolidés,
incapables de supporter de lourds édifices sans aménagements et facilement modifiés
par des phénomènes géodynamiques actuels, crues, marées, tempêtes… auxquels ces
sites sont fréquemment exposés : Notre-Dame de Paris est construite sur une forêt
de pieux en bois, longs de quelques mètres, qui traversent la couche de limon
meuble superficiel, pour s’ancrer dans le cailloutis compact sous-jacent des
alluvions de la Seine ; plus en aval par exemple, le pont de Tancarville est fondé
sur pieux en béton ancrés dans le même cailloutis. Depuis le ixe siècle, les
Vénitiens occupent un site particulièrement ingrat d'un point de vue géotechnique,
une lagune dont le sous-sol s’affaisse en permanence, ce qui impose de tout y
construire sur « fondations spéciales ». L’actuelle école géotechnique néerlandaise
est directement issue des efforts séculaires qu’ont dû prodiguer les Frisons pour
aménager leur province sans cesse disputée à la mer. L'Autrichien Terzaghi avait
appris de ses prédécesseurs comment bien construire sur les alluvions argileuses
compressibles de la vallée du Danube…

Durant le xviie siècle, la défense des places fortes confrontées à la puissance de


l’artillerie a obligé les ingénieurs militaires à construire des remparts de plus
en plus hauts et épais en terre perreyée ; pour cela, Vauban fit établir et
diffuser par l’abbé Duroi, des règles empiriques de stabilité des remblais et des
murs de soutènement4,5 ; on le considère ainsi abusivement comme l’initiateur de la
mécanique des sols qui, pour encore deux siècles, sera une mécanique des remblais
empirique.

Certaines planches de l’Encyclopédie montrent les fondations sur pieux en bois de


bâtiments construits en bordure de cours d’eau.

La mécanique des remblais


équilibres
Les équilibres plastiques.
En 1720, Bernard Forest de Belidor « démontra par l'expérience » que la poussée des
« terres ordinaires » - les remblais - au-delà de leur pente de talus naturel
(qu’elles) « prennent d'elles-mêmes » était la cause de l’instabilité des murs de
soutènement.

En 1727, Couplet calcula empiriquement la poussée de ce coin de remblai limité par


une surface de rupture plane.

En 1773, Coulomb assimila la condition de stabilité de ce coin de poussée à celle


d’une charge sur un plan incliné dont il avait établi la loi pour rationaliser le
charroi d’artillerie ; il définit clairement la cohésion et l’angle de frottement
d’un remblai, et établit la loi de leurs relations à la base de la mécanique des
remblais qui deviendra la mécanique des sols. La géomécanique entrait ainsi dans sa
phase scientifique, mais les difficultés des calculs d’application le conduisirent
à négliger la cohésion et à ne retenir que le plan comme surface de glissement en
faisant remarquer qu’ainsi, on agissait dans le sens de la sécurité - « pour la
facilité de ses applications à la pratique ». Son essai Sur une application des
règles de maximis et de minimis à quelques problèmes de statique, relatifs à
l'architecture, était « destiné à déterminer, autant que le mélange du calcul et de
la physique peuvent le permettre, l'influence du frottement et de la cohésion dans
quelques problèmes de statique ».

En 1846, Collin rappela à propos de barrages en terre et de remblais de canaux et


chemins de fer, que la cohésion est indépendante de l’angle de frottement et dit
qu’elle est fonction de la compacité et de la teneur en eau du matériau ; il
établit aussi que la courbe de glissement rotationnel d’un remblai la plus proche
de la réalité, est à peu près l’arc de cycloïde, de moins en moins pentu d’amont en
aval, mais les difficultés des calculs pratiques obligeaient toujours à s’en tenir
à l’angle de frottement et au plan.

La mécanique des sols


Vers la fin du xixe siècle, la mécanique des remblais s’est progressivement étendue
aux géomatériaux meubles, les sols, car on ne disposait pas de théorie spécifique
pour calculer les fondations d’ouvrages construits sur eux. Rankine, Levy,
Boussinesq, Massau et d’autres ne niaient pas la cohésion, mais en sous-estimant
son rôle, ils négligeaient ce paramètre malcommode à utiliser dans les calculs
linéaires - une variable et une constante - , une « constante » des plus variables.

Au début du xxe siècle, Hultin (sv), Petterson et Fellenius ont adopté l’arc de
cercle comme ligne de glissement. En 1910, Résal ne négligeait plus la cohésion,
mais l'escamotait car le calcul analytique n’aime pas cette « constante ».

L’estimation de la contrainte admissible pour une fondation superficielle s’est


successivement perfectionnée depuis Rankine en 1915 jusqu'à Terzaghi, en passant
par Prandtl, Fellenius, Skempton (en)… Vers 1920, Frontard (de) confirma l’arc de
cycloïde comme ligne de glissement, mais pour simplifier les calculs, on lui
préfèra l’arc de spirale logarithmique ou de cercle, selon que l’on travaille sur
la butée ou la poussée des sols.

En 1925, Terzaghi utilisa les paramètres c, φ, γ, k dans une même formule pour
modéliser le comportement mécanique et hydraulique du géomatériau, la
consolidation. Mais comme Fellenius, il dit que l’on ne pouvait pas bâtir de
théorie générale de la mécanique des sols ; il dissocia donc l’étude de la
stabilité d’une fondation de celle de son tassement, en privilégiant la seconde.

Pour calculer de la même façon la poussée des sols pulvérulents et des sols
cohérents, Rankine avait imaginé un « principe de correspondance » assimilant la
cohésion à une fonction de l’angle de frottement, ce qu’elle n’est pas comme
l’avait établi Coulomb et répété Collin ; en 1934, Caquot proposa son « théorème
des états correspondants » qui annule la cohésion par un changement d’axe dans le
plan de Mohr ; cela ne résout rien en pratique, car la pression hydrostatique
équivalente que l’on introduit dans les formules n’a pas l’effet physique de la
cohésion, même si on l’assimile à une pression latérale qui comprime un massif
pulvérulent (essai triaxial).

Depuis les années 1930, la mécanique des sols classique issue de la mécanique des
remblais, celle de Coulomb qui modélise le comportement d’un milieu monophasique
seulement minéral, sans eau libre, paraphrase plus ou moins habilement les anciens
en variant les langages mathématiques. On l’adapte tant bien que mal au modèle de
Terzaghi pour le comportement d’un milieu biphasique minéral aquifère, beaucoup
plus réaliste.

Dans les années 1950 et 1960, deux écoles se sont développées en Europe. Elles
proposaient des théories spécifiques, s’appuyant sur des résultats d’essais in situ
dont les principes sont très anciens, mais dont les techniques ont progressé. D'un
côté, le recours au pénétromètre statique aux Pays-Bas, en Belgique et dans le nord
de la France (Buisman (nl), De Beer (de)) ; de l'autre, l'usage du pressiomètre ou
dilatomètre en France (Ménard, Mazier). Pour justifier l’emploi du pressiomètre,
Louis Ménard a développé une théorie qui permet d’aborder l’étude des déformations
du géomatériau meuble ou rocheux, selon la relation classique de la rhéologie,
contrainte/déformation : on définit expérimentalement un domaine de déformations
élastiques et un module, un domaine de déformations plastiques et un point de
rupture ; ainsi, les études conjointes de stabilité et de tassement deviennent
théoriquement possibles ; en fait, elles ne le sont pas vraiment puisque l’on
utilise d’abord la pression limite, critère de plasticité, pour définir la
stabilité et ensuite le module, critère d’élasticité, pour calculer le tassement.

La tendance a longtemps été soit d’essayer une synthèse entre la mécanique des sols
classique, l’école du pénétromètre et celle du pressiomètre (Maurice Cassan, Guy
Sanglerat, Jean Nuyens…), soit d’exploiter à fond, au moyen de l’ordinateur, les
possibilités d’une part de la théorie de Joseph Boussinesq et de l’élasticité
linéaire pour résoudre les problèmes de tassements, et d’autre part de la loi de
Coulomb et de la théorie de la plasticité pour résoudre les problèmes de stabilité
(approche dite de « l'école de Grenoble ») ; on profitait alors de la puissance de
l’ordinateur pour résoudre de vieux problèmes en procédant à des calculs
impossibles avec du papier et un crayon ; depuis, on a systématisé
l’informatisation des modèles pour pousser dans ses derniers retranchements la
conception traditionnelle. La conception de Ménard est considérée par certains
géotechniciens comme particulièrement solide et fructueuse, méritant un
approfondissement théorique et expérimental.

La mécanique des roches


Durant les années 1930, mais surtout à partir des années 1940, la réalisation des
grands aménagements hydroélectriques, barrages en béton et galeries, conduisit à
adapter plus ou moins fidèlement la mécanique des sols à l’étude mécanique des
roches en les séparant formellement - mécanique des sols au bâtiment, mécanique des
roches aux grands travaux ; elle s’est récemment développée de façon autonome,
essentiellement grâce à l’informatique.

La géophysique
La géophysique appliquée à la prospection pétrolière a été créée par les
Schlumberger en 1920. Durant les années 1950, l’électronique a permis de
miniaturiser les appareils et de simplifier les procédés pour les adapter au BTP.
L’informatique et le traitement numérique des données les ont encore améliorés ; la
sismique 3D est maintenant utilisée pour les études des grands travaux.

L’hydraulique souterraine
La loi de Darcy a été exprimée en 1856 ; elle rend compte de l’écoulement de l’eau
souterraine sous faible gradient et en régime sensiblement permanent. La théorie
générale de l’écoulement laminaire en régime permanent a été présentée en 1863 par
Dupuit, à propos de la tranchée drainante.

En 1880, à la suite de la ruine du barrage de Bouzey, Dumas définit la sous-


pression, pression hydrostatique de l’eau souterraine sous les ouvrages enterrés.

En 1906, Thiem a permis de tenir compte des conditions aux limites d’une nappe
aquifère en régime d’écoulement permanent.
Abordé sans suite pratique par Boussinesq au début du xxe siècle, le problème de
l’écoulement en régime transitoire de la nappe aquifère a été traité par Theis dans
le courant des années 1930.

La théorie générale de l’écoulement des fluides dans les milieux poreux, s’est
développée dans les années 1940 et 1950 (Muscat, Houpper…).

Les sondages
Un sondage géotechnique est une investigation du sous-sol, réalisée avec ou sans
forage d'un trou, destinée à déterminer la nature et les caractéristiques
mécaniques, physiques et éventuellement chimiques de ses constituants afin de
prévoir son comportement lors de la réalisation d'un ouvrage.

La Chine antique, le Moyen Âge du Nord de la France… pratiquaient le forage par


battage. Du puits à la main, connu de tout temps et partout, on est passé du
battage au câble à la rotation et à la roto-percussion, en tête puis en fond de
trou, au forage dirigé… Les techniques récentes d’enregistrement des paramètres de
sondage en continu ont rendu presque rigoureuses des opérations qui ne l’étaient
guère. L’échantillonnage s’est constamment amélioré en perfectionnant les
carottiers, mais l’échantillon intact est toujours l'objet mythique de la mécanique
des sols.

La géologie du BTP
La géologie du BTP a toujours été exercée occasionnellement par certains géologues
scientifiques. Ils étaient consultés par des maîtres d’œuvre avisés, notamment pour
la construction des grands ouvrages transalpins de la fin du xixe siècle, comme le
tunnel ferroviaire du Simplon (Révenier, Heim, Taramelli, Schardt, Lugeon), ou
durant les années 1920/30 pour les grands aménagements hydroélectriques de montagne
(Lugeon, Moret…).. À partir des années 1940, aux États-Unis d’abord puis en Europe
occidentale, elle a été systématiquement mise en œuvre par des ingénieurs
spécialisés. En France, dans les années 1960 et ensuite, elle a par contre, raté le
coche des autoroutes et autres grands aménagements, sur lesquels n’intervenaient
pratiquement que des ingénieurs généralistes, uniquement préoccupés de sondages,
d’essais et de calculs ; le nombre et la gravité de leurs ratés ont progressivement
redonné à la géologie du BTP un peu de la place qu’elle n’aurait pas dû perdre,
mais en pratique actuelle, on limite presque toujours les études géotechniques à
des « campagnes d’investigation », en négligeant voire en ignorant les « contextes
géologiques ».

Les disciplines
Les disciplines scientifiques sur lesquelles est fondée la géotechnique sont la
géologie, son outil d’observation, de modélisation et de synthèse analogiques, et
la géomécanique, son outil d’expérimentation, de modélisation et de résultats
numériques. Elles sont indépendantes et ont des bases théoriques différentes ; mais
par un usage pratique commun, elles sont également nécessaires et complémentaires
en géotechnique et doivent être rapprochées de façon concordante.

Les disciplines pratiques sur lesquelles la géotechnique est fondée sont les
techniques du BTP et l’informatique.

Géologie
Article détaillé : géologie.
Le rôle de la géologie est essentiel en géotechnique ; elle permet la description
cohérente et convenable des formes et des comportements du géomatériau ; sa
démarche qui s’appuie sur le visible et l’accessible, est qualitative et semi-
quantitative : à chaque échelle d’observation, elle permet d’étudier les phénomènes
naturels et induits aux comportements complexes, difficiles à mathématiser et de
justifier la formulation de ceux qui peuvent l’être en fournissant les modèles de
formes les plus proches de la réalité dont la géomécanique a besoin pour fixer les
conditions aux limites de ses calculs de comportement.

Modèles géol-géoméc
Les modèles de la géotechnique.
Le champ de la géologie comporte de nombreuses branches secondaires
interdépendantes. Les formes et les comportements du géomatériau sont innombrables,
divers, spécifiques d’un lieu et d’un moment, mais on ne trouve pas et il ne se
passe pas n’importe quoi n’importe où : pour en tenir compte, il faut faire
conjointement appel à toutes ces branches ; celles qui concernent plus
particulièrement la géotechnique sont pour les formes, des parties de la lithologie
– on dit aussi pétrologie, pétrographie (minéraux et roches) –, de la géologie
structurale (stratigraphie et tectonique), de la géomorphologie (aspect de la
surface terrestre), et pour les comportements, des parties de l’hydrogéologie (eaux
souterraines) et de la géodynamique (volcans, séismes, mouvements de terrain…) ;
ces parties sont celles qui décrivent et étudient les formes et les comportements
actuels.

Géomécanique
Article détaillé : géomécanique.
La géomécanique, que l’on confond généralement avec la géotechnique, est sa
discipline physico-mathématique, son outil déterministe, nécessaire mais
insuffisant.

Son but est de poser les problèmes types de la géotechnique - stabilité d’un talus
naturel, de remblais ou de déblais, d’une excavation souterraine, d’un
soutènement ; rupture et/ou tassement de fondation ; débit de puits, épuisement de
fouille, drainage… - et de les résoudre par le calcul, au moyen de modèles
schématiques de formes et de comportements de milieux virtuels, images de
géomatériaux réels. Ces milieux sont représentés par des formes géométriques
simples (deux dimensions, droites, cercles…) fixant les conditions initiales et aux
limites minimales qu’imposent les résolutions mathématiques des problèmes posés :
les comportements modélisés sont schématiques et figés, régis par des « lois »
déterministes ; à une seule et même cause correspond toujours strictement un seul
et même effet. Les paramètres des modèles mathématiques sont mesurés ponctuellement
lors d’essais in situ - pénétromètre, pressiomètre… ou au laboratoire sur des
échantillons prélevés par sondages mécaniques - œdomètre, triaxial…

lois mécasol
Les lois fondamentales de la géomécanique.
La mécanique des sols, la mécanique des roches, l’hydraulique souterraine et une
partie de la géophysique sont les branches de la géomécanique ; la mécanique des
sols étudie le comportement de milieux meubles - argile, sable… sous l’action
d’efforts naturels – gravité, pression hydrostatique…, ou induits – vibrations,
charges de fondations… ; la mécanique des roches étudie le comportement des milieux
durs – granite, calcaire… dans les mêmes conditions. La distinction de ces deux
branches est conventionnelle car elles utilisent les mêmes « lois » générales et
les mêmes formes de raisonnement et de calcul ; l’hydraulique souterraine étudie
mathématiquement l’écoulement de l’eau dans le géomatériau aquifère, naturellement
sous l’action de la gravité ou artificiellement, par pompage. En géotechnique, ces
disciplines sont étroitement liées et même interdépendantes.

On ne peut pas formuler une théorie unitaire de la géomécanique ; ses théories


restreintes de formes artificiellement simples sont trop particulières pour être
généralisées ; elles ont des origines occasionnelles : confronté à un problème
technique nouveau, un praticien a essayé de le résoudre en s’appuyant sur l’étude
expérimentale d’un phénomène qu’il supposait influent et qu’il a isolé ; les « lois
» de Hooke, de Coulomb, de Darcy, les théories de Terzaghi, de Ménard… sont plutôt
des hypothèses acceptables dans un étroit domaine de validité – linéarité de la
relation entre deux paramètres - que l’usage ne valide pas toujours. Et même en
admettant la possibilité d’une généralisation prudente, on se heurte au difficile
passage des échantillons au site ; la géomécanique le fait par intégration
d’équations de champs dans des intervalles de définition et des conditions aux
limites imposées par la technique de calcul plutôt que par la prise en compte de la
réalité, ce qui conduit à des modèles extrêmement schématiques, même si l’on admet
que les matériaux des échantillons représentent bien les géomatériaux du site. Mais
la géomécanique ignore ce que sont les géomatériaux réels d’un site, car elle ne
les représente que par quelques paramètres (densité, angle de frottement, cohésion,
perméabilité…) et elle ne manipule que quelques données ponctuelles obtenues par
sondages et essais, tellement peu nombreuses que l’on ne peut pas leur attribuer de
valeur statistique.

Sols et roches
L’état et le comportement mécanique d'un sol dépendent essentiellement de sa teneur
en eau ; ceux d’une roche, de son degré d’altération, de fissuration et de
fracturation. On peut retenir :

Sols : géomatériaux meubles, plus ou moins frottants et/ou plastiques dont la


cohésion est faible. Elle diminue jusqu’à disparaître (liquéfaction) par
accroissement de la teneur en eau.
Paramètres caractéristiques : densité, teneur en eau, angle de frottement,
cohésion…
Roches : géomatériaux compacts et durs dont la résistance à la compression simple
est supérieure à quelques MPa. Elle diminue et/ou disparaît par altération physique
(hydratation), chimique (dissolution) et/ou mécanique (fragmentation).
Paramètres caractéristiques : vitesse sismique, module d’élasticité, résistances à
la compression, à la traction, au cisaillement…
Mécanique des sols
Article détaillé : Mécanique des sols.
L’étude du comportement mécanique des « sols », formations meubles de couverture -
sable, argile…, sous l’action d’efforts naturels - gravité, pression hydrostatique
- ou induits - vibrations, charges de fondations, terrassements… ressortit à la
mécanique des sols, la plus ancienne, la plus connue et la plus pratiquée de ces
branches, parce que la plupart des problèmes géotechniques se posent pour la mise
en œuvre de ces formations lors de la construction de la plupart des ouvrages du
BTP.

Mécanique des roches


Article détaillé : Mécanique des roches.
La mécanique des roches est une adaptation de la mécanique des sols pour étudier
des ouvrages à l’échelle de grands massifs profonds – barrages, galeries… ; sa
méthode actuelle consiste à établir des modèles de formes numériques plus ou moins
compliqués du massif selon la nature et la densité de sa fissuration et à les
manipuler en appliquant les lois de Hooke et/ou de Coulomb aux éléments et/ou à
leurs frontières définis par divers codes de modélisation – éléments finis (FEM),
différences finies (FDM), éléments distincts (DEM), éléments aux limites (BEM) -
plus ou moins adaptés aux cas étudiés, de façon à schématiser leurs déformations
internes et/ou leurs déplacements relatifs ; on essaie ainsi d’atteindre la
déformation globale du massif modélisé, sous l’effet d’efforts spécifiques,
généralement des charges de fondations ou des relaxations de contraintes autour
d’excavations existantes ou à créer.

Sismique
À partir de mesures de potentiels superficielles ou en sondages, la géophysique
calcule la forme possible d’un champ mécanique – sismique, gravimétrie - ou
électrique en profondeur ; cela permet de préciser les modèles structuraux
géologiques et de valider les modèles géomécaniques.
Hydraulique souterraine
Article détaillé : Hydraulique souterraine.
L’hydraulique souterraine concerne l’écoulement de l’eau dans le sous-sol sous
l’effet de la gravité et/ou par pompage. La loi de Darcy définit la perméabilité
d’un milieu aquifère, paramètre liant linéairement le débit à la pression. La
méthode de calcul de Dupuit applique cette loi à l’écoulement laminaire en régime
permanent dans un milieu indéfini homogène. La méthode de Thiem précise l’effet des
conditions aux limites du milieu. La méthode de Theis permet l’étude de
l’écoulement en régime transitoire.

Le calcul géomécanique
La démarche générale du calcul géomécanique consiste à réduire le comportement d’un
ouvrage dans son site à son action sur le géomatériau, ramenée au comportement d’un
milieu invariant, homogène, isotrope et semi-infini, soumis à une action extérieure
; à toute action, correspond une réaction spécifique : le géomatériau est plus ou
moins résistant, compressible et perméable ; l’action est généralement une pression
qui produit un déplacement, une déformation instantanée pouvant aller jusqu’à la
rupture, ou un écoulement. Deux variables, l’une connue représentant la cause et
l’autre inconnue représentant l’effet, sont combinées dans des formules, avec des
constantes représentant le matériau – densité, angle de frottement, cohésion,
perméabilité… et caractérisant plus ou moins les limites du problème ; les
constantes ayant été déterminées directement ou indirectement par des mesures ou
des estimations, à chaque valeur de la variable cause correspond une et une seule
valeur de la variable effet.

Les formules simples traduisant les lois fondamentales – Hooke, Coulomb, Terzaghi,
Darcy – ne retiennent que la partie linéaire du comportement correspondant,
l'élasticité ; elles sont d’un usage facile mais pratiquement limité au traitement
des essais destinés à mesurer les paramètres utilisés dans les formules
d’application qui sont des solutions particulières d’intégrations d’équations
différentielles ou aux dérivées partielles compliquées dans des conditions simples
qui correspondent rarement à la réalité ; elles ont des formes trigonométriques,
logarithmiques, exponentielles… délicates et fastidieuses à manipuler, pratiquement
incalculables sans risque d’erreur avec un crayon et du papier, que pour cela on a
traduit en tableaux et abaques plus ou moins précis que l’on trouve dans les
manuels ; elles sont devenues plus maniables grâce l’informatique.

Il est nécessaire de contrôler les résultats que l’on obtient ainsi : on pose le
problème, on dégrossit la solution avec les formules simples et les abaques ou les
formules intermédiaires programmées, on calcule avec les logiciels et on valide ou
on modifie. Une démarche analogue est évidemment nécessaire si l’on utilise un
procédé numérique, éléments finis (FEM) le plus souvent, pour résoudre un problème
compliqué.

Les techniques du BTP


L’application des principes, données et résultats géotechniques permet l’usage
rationnel des techniques du BTP pour la mise en œuvre du sous-sol. Ces techniques -
terrassement et fondations pour l’essentiel - constituent un groupe cohérent de
moyens spécifiques, nécessaires à l’aménagement d’un site et à la construction d’un
ouvrage. Leurs principes généraux - procédés, matériels, méthodes, organisation…,
sont communs à presque toutes les opérations de BTP et sont relativement stables :
ils constituent les règles de l’art ; mais en pratique, ces techniques évoluent
constamment en fonction des acquisitions technico-scientifiques et surtout des
progrès des procédés et des matériels.

Au cas par cas, elles doivent être spécifiquement adaptées aux organes
géotechniques de l’ouvrage - soutènement, fondation, drain…, aux géomatériaux
auxquels ils seront confrontés - meubles ou rocheux, évolutifs ou stables, plus ou
moins perméables et aquifères…, aux comportements attendus de l’ensemble
site/ouvrage - glissement, tassement, inondation… Le choix et la mise en œuvre de
l’une d’elles dépendent des caractères géotechniques du site - morphologie,
structure, matériaux, phénomènes naturels… et des caractères économiques et
techniques de l’opération - financement, planning, implantation, conceptions
architecturale et structurale, moyens de chantier disponibles, phasage des travaux.

L’informatique
La simulation informatique permet de dégrossir la plupart des problèmes génériques
de géomécanique, mais elle est mal adaptée à la variété des sites et des ouvrages
et à la spécificité des problèmes à résoudre qui oblige à effectuer des simulations
successives, en modifiant les valeurs des paramètres et les formes des modèles. On
trouve dans le commerce spécialisé de très nombreux logiciels d’applications
techniques – stabilité de pentes, soutènements, fondations…, traitement des
mesures, calculs… qui, pour la plupart, ne sont pas transparents ; après avoir
fourni à la machine les valeurs des paramètres mesurés qu’elle demande, elle donne
le résultat attendu ; s’il est douteux, on ne peut que la refaire tourner pour
éliminer d’éventuelles erreurs de saisies ou changer les valeurs des paramètres.
Une validation spécifique est donc toujours nécessaire.

Bien entendu, un géotechnicien expérimenté, bon informaticien, peut écrire le


logiciel dont il a besoin pour traiter un problème particulier et éventuellement le
commercialiser après l’avoir validé au moyen de nombreuses expériences de terrain
personnelles, en vrai grandeur.

Le géotechnicien
En pratique, le « géotechnicien » peut être un ingénieur-conseil libéral, un bureau
d’étude de sol en société commerciale, un organisme public ou semi-public, le
bureau d’étude d’une grande entreprise généraliste ou spécialisée en fondations
spéciales, un enseignant…

En France, l’OPQIBI, organisme de qualification professionnelle de l'ingénierie,


présente une liste de spécialités géotechniques.

La plupart des bureaux d’études de sol français sont membres de l’Union syndicale
géotechnique.

Mission
La mission du géotechnicien est de réaliser l’étude dont les constructeurs ont
besoin pour projeter et réaliser leur opération ; elle consiste à recueillir et
interpréter les données géotechniques, structure du site, caractéristiques des
matériaux, existence d’aléas géologiques, prévision de comportement de l’ensemble
site/ouvrage, afin d’en tirer des résultats pratiques pour le projet, le chantier
et l’ouvrage… ; successivement ou simultanément prospecteur, ingénieur,
prévisionniste, il exerce son art en s’appuyant sur son expérience. Il doit
évidemment établir le programme de l’étude dont il est chargé et maîtriser la mise
en œuvre des moyens nécessaires à sa réalisation. Le travail de documentation, de
télédétection et de lever de terrain lui incombe toujours ; s’il dispose de
collaborateurs et de moyens adéquats, il peut aussi mettre en œuvre lui-même les
techniques de mesures qui lui sont nécessaires, géophysique, sondages, essais… ;
sinon, il en confie la mise en œuvre à des sous-traitants spécialistes, mais il
assure toujours l’organisation et la coordination d’ensemble, et l’interprétation
des résultats intermédiaires ; il en réalise ensuite la synthèse, base des calculs
qui conduisent à son interprétation finale.

Responsabilité
Le géotechnicien est un technicien spécialisé dans l’étude du site de construction
d’un ouvrage et non de l’ouvrage lui-même, sauf cas assez rare de maîtrise d’œuvre
d’un ouvrage spécifiquement géotechnique – digues et barrages en terre,
exploitation d’eau souterraine… L’étude puis la construction d’un ouvrage posent
d’innombrables problèmes techniques et économiques que le géotechnicien n’est pas
habilité à poser et à résoudre, ni même à connaître, car ils sortent du champ de sa
spécialité ; il ne produit ou contrôle ni calcul, ni plan, ni descriptif, ni devis
propres à l’ouvrage dont il ne connaît généralement que l’implantation et le type
approximatifs et souvent évolutifs : c’est un locateur de service qui a une
obligation de moyen à l’égard du maître d’œuvre et non un locateur d’ouvrage qui a
une obligation de résultat à l’égard du maître d'ouvrage, bien que ce dernier
commande l’étude et la paie, car le géotechnicien n’intervient techniquement
qu’auprès du maître d’œuvre ; de l’étude du projet à la réalisation de l’ouvrage,
sa présence auprès des constructeurs – maître d’œuvre, bureaux d’études et
entreprises – et sa concertation avec eux devraient être permanentes et étroites,
mais c’est au maître d’œuvre d’en décider, de l’entretenir et de l’utiliser.

Ainsi, dans la plupart des cas, le géotechnicien engage sa responsabilité civile


professionnelle (RCP) pour établir, autant que faire se peut, le diagnostic de
l’état et la prévision du comportement d’un site naturel sollicité par un ouvrage,
et non une responsabilité civile décennale (RCD) pour l’étude et la construction
d’un ouvrage à laquelle il ne participe pas directement. Les constructeurs
utilisent comme bon leur semble les renseignements qu’il leur fournit à l’étape
qu’ils ont fixée ; les interprétations qu’ils en font et les décisions qu’ils
prennent sont rarement soumises à son approbation : il n’est pas un « constructeur
» au sens de la loi Spinetta.

L'étude géotechnique
L’étude géotechnique est une opération compliquée dont dépend en grande partie la
qualité de l’ouvrage concerné. Sa démarche générale consiste d’abord à bâtir le
modèle structural du site, ensuite à caractériser et étudier les phénomènes
naturels et induits dont il est puis sera le siège et enfin à proposer des
solutions pratiques aux problèmes géotechniques que pose l’adaptation spécifique de
l’ouvrage au site.

Son but est de fournir, autant que faire se peut au maître d’ouvrage et aux
constructeurs, des renseignements pratiques, fiables et directement utilisables sur
la nature et le comportement du site dans lequel il sera construit, afin qu’ils
puissent définir et justifier les solutions techniques qu’ils devront concevoir,
adopter et mettre en œuvre pour réaliser leur ouvrage en toute sécurité et à
moindre coût.

L’exécution de sondages et d’essais in situ, la collecte et l’épreuve


d’échantillons, doivent être les dernières d’une suite d’opérations ordonnées en
étapes successives ; y recourir directement et exclusivement, reviendrait à
attribuer un rôle de synthèse à des moyens d’analyse, à confondre étude
géotechnique et campagne de sondages et d’essais.

Il est utile, sinon nécessaire, que le géotechnicien intervienne en ce qui le


concerne à toutes les étapes d’étude du projet, de construction et d’entretien de
l’ouvrage et qu’il dispose de tous les moyens dont il a besoin, en organise la mise
en œuvre, en assure le suivi et en exploite les données.

Selon l'arrêté de la loi Elan, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, les études
géotechniques sont désormais obligatoires afin de maîtriser les risques liés aux
sols, dans le cadre d'une construction afin d'adopter une stratégie adaptée selon
la nature du sol6.

Les moyens de l’étude


moyens
Les moyens de la géotechnique
Chaque site et éventuellement chaque ouvrage dans un même site, doit être étudié
spécifiquement, selon un programme adapté à chaque étape de l’étude et
éventuellement même, susceptible d’être modifié à tout moment en fonction des
résultats obtenus, en mettant en œuvre les moyens qui fourniront à meilleur compte
les renseignements nécessaires et suffisants les plus pertinents. Chaque moyen -
documentation, levé géologique, télédétection, géophysique, sondages, essais de
terrain et de laboratoire, informatique… a sa valeur et ses limites ; aucun n’est
inutile, mais aucun n’est universel. Pour chaque type d’ouvrage, à chaque étape de
l’étude, employer ceux qui lui sont les mieux adaptés, conduit à une meilleure
précision de résultats et à d’appréciables économies de temps et d’argent.

Les étapes de l’étude


En France, le décret no 73-207 du 28 février 1973 « relatif aux conditions de
rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte
des collectivités publiques par des prestataires de droit privé » définit les
étapes des études du BTP.

Le décret du 1/12/93 (loi MOP du 13/7/85) en a plus ou moins modifié la forme sans
en changer le fond.

La norme NF P 94-500 (2000-2006)7, inspirée par l’Union syndicale géotechnique,


définit (Gn ou ...) et classe les missions des géotechniciens, avec une orientation
contractuelle, commerciale et juridique ; elle détaille la « campagne – ou le
programme – d’investigation » (types, maillages et nombres de sondages et d’essais)
et n’évoque que succinctement, en préliminaire – voire oublie –, le « contexte
géologique » (documentation, « visite » du site, enquête de voisinage,
sinistralité...). En novembre 2013, elle a été en partie modifiée pour être mieux
adaptée à la loi MOP, mais la confusion entre étape d’étude et mission de
géotechnicien demeure.

Ces nomenclatures et quelques autres appellent différemment les étapes et leur


fixent des limites plus ou moins différentes, sans trop modifier la progression
ordonnée de l’étude.

La nomenclature APS, APD, STD, DCE, CGT et RDT et TPD du décret du 2/2/73 est
passée dans le langage courant du BTP ; c’est la plus claire et la plus pratique
pour définir étape par étape, la démarche générale de l’étude géotechnique d’un
grand aménagement ; celle de l’étude géotechnique d’un ouvrage isolé peut être
simplifiée, mais il est nécessaire de respecter le cheminement par étapes
successives en allégeant éventuellement les moyens de chacune : limiter une telle
étude au niveau des STD n’exclut pas qu’il faille définir et caractériser le site
pour que l’ouvrage lui soit correctement adapté ; un APS et un APD abrégés sont
donc toujours indiqués.

Hors nomenclatures, on appelle « faisabilité » une étape préliminaire sommaire


permettant d’esquisser les grandes lignes du projet et d’en orienter l’étude.

Avant projet sommaire (APS)


Loi MOP : parties d’« Esquisse » et d’ « Avant-projet sommaire » - Norme NF P 94-
500 : parties de G1 - SIT « Préliminaire ».

Étude générale du site et de ses abords pour en définir les caractères


géotechniques principaux et esquisser les grandes lignes de l'adaptation du projet
au site.

Moyens : géologie à petite échelle (1/20 000 à 1/5 000) – télédétection –


géophysique et sondages rapides.
Résultats : le maître d'œuvre peut s'appuyer sur ces documents pour entreprendre
l'étude du plan de masse du projet et établir un coût d'objectif provisoire de son
adaptation au sol.
Rapport : schéma structural – plans et coupes géotechniques schématiques à petite
échelle (carte IGN, plan cadastral…) – commentaires généraux sur l'aptitude du site
à recevoir les aménagements projetés et définition des principes généraux
d'adaptation.
étapes
Les étapes de l’étude - 1 Faisab. 2 APS. 3 APD. 4 STD.
Avant projet détaillé (APD)
Loi MOP : parties d’« Avant-projet-sommaire » et d’« Avant-projet-définitif »
(confusion possible : APD = Avant-projet-détaillé dans le décret du 2/2/73 et
Avant-projet-définitif dans la loi MOP) - Norme NF P 94-500 : partie de G2 - AVP «
Avant-projet ».

Étude détaillée du site, permettant d'y limiter et d'y caractériser


géotechniquement les zones dans lesquelles les méthodes de terrassements et les
modes de fondations seront analogues.

Moyens : géologie à grande échelle (1/1 000 à 1/200) - télédétection - géophysique


- sondages et essais d'étalonnage.
Résultats : en utilisant ces documents, les implantations des ouvrages, les niveaux
des plates-formes des terrassements généraux, les niveaux des sous-sols éventuels,
les types, niveaux et contraintes admissibles des fondations ainsi que les
caractéristiques générales de toutes les parties d'ouvrage en relation avec le
sous-sol, peuvent être définis par le maître d'œuvre, pour adapter au mieux son
projet aux particularités du site, et pour préciser le coût d'objectif de son
adaptation au sol.
Rapport : plans et coupes géotechniques à grande échelle, sur fond de plan de
géomètre – présentation par zone, des méthodes d'exécution des terrassements, des
types de fondations envisageables…
Pour en minimiser le coût, la majeure partie des études géotechniques se réduisent
à cette étape ; ce n’est pas suffisant pour prévenir les dommages ou les accidents
au chantier, à l’ouvrage, au voisinage et/ou à l’environnement, et cela limite la
responsabilité du géotechnicien.

Spécifications techniques détaillées (STD)


Loi MOP : parties d’« Avant-projet définitif » et d’« Étude de projet » - Norme NF
P 94-500 : G2 - PRO « Projet » et parties de G3 - EXE « Exécution ».

Étude détaillée du sous-sol dans l’emprise de chaque ouvrage, permettant de


prévoir, à la précision demandée par le maître d'œuvre, les conditions d’exécution
des déblais, des remblais, des fondations, des chaussées, aires et dallages,
éventuellement des ouvrages et procédés spéciaux.

Moyens : géologie à grande échelle (1/500 à 1/100) – télédétection – géophysique –


sondages mécaniques – essais in situ et/ou de laboratoire.
Résultats : le maître d'œuvre dispose des éléments géotechniques lui permettant de
prédimensionner les parties d'ouvrages en relation avec le sous-sol, de préparer
les plans d'exécution et le descriptif.
Rapport : plans, coupes et commentaires géotechniques concernant chaque partie
d'ouvrage en relation avec le sous-sol.
Dossier de consultation des entreprises (DCE)
Loi MOP : parties d’« Assistance au maître d’ouvrage pour la passation des contrats
de travaux » - Norme NF P 94-500 : G3 – EXE - « Exécution ».

Spécifications géotechniques de la consultation ou de l’appel d'offres puis du


marché d'entreprise, concernant l’exécution de ces mêmes parties d'ouvrages.

Moyens : utilisation des documents établis précédemment, éventuellement complétés à


la demande.
Résultats : spécifications géotechniques de la consultation ou de l’appel d'offres
puis du marché d'entreprise, concernant l’exécution de ces mêmes parties
d'ouvrages.
Les calculs et documents techniques sont soumis au géotechnicien qui vérifie, en ce
qui concerne leur aspect géotechnique, que les hypothèses adoptées et les valeurs
des paramètres utilisés, sont bien conformes à ses indications. Il n'a pas à se
prononcer sur le choix des méthodes de calculs, sur leurs résultats, ainsi que sur
les plans établis. En aucun cas, le géotechnicien n'assume, même partiellement, la
conception technique de ces parties d'ouvrages.

Contrôle général des travaux (CGT)


Loi MOP : parties d’« Ordonnancement, Pilotage, Coordination » - Norme NF P 94-
500 : parties de G3 – EXE - « Exécution » et G4 – SUP - « Suivi ».

Assistance du maître d'œuvre pour l’exécution des travaux et parties d'ouvrages en


relation avec le sous-sol : discussions pour l’agrément des méthodes proposées ou
appliquées par les entreprises - participations aux réunions de chantier -
interventions pour préciser un détail d'exécution mal défini, pour la prise de
décision concernant les imprévus d'exécution et pour la réception.

Moyens : à la demande, en quantité suffisante, levés géotechniques de détail sur le


chantier - géophysique - sondages et/ou essais de contrôle.
Résultats : le maître d'œuvre peut optimiser techniquement et financièrement les
parties d'ouvrage en relation avec le sous-sol et, éventuellement, les modifier à
la demande en cas d'imprévus. Le dossier géotechnique des ouvrages pourra être
consulté en cas de dommage, de réhabilitation… Le géotechnicien n’a pas
l’obligation de surveillance permanente des travaux correspondants et il n'a pas à
en prendre les attachements. Ces missions font partie de celles du maître d'œuvre.
Réception des travaux (RDT)
Loi MOP : parties d’« Ordonnancement, Pilotage, Coordination » - Norme NF P 94-
500 : parties de G3 – EXE - « Exécution » et G4 - SUP - « Suivi ».

À la réception de l’ouvrage, l’ensemble de la documentation recueillie lors de


l’étude et de l’exécution, permettrait au géotechnicien d’être un expert objectif
qui pourra aider à régler à l’amiable un contentieux éventuel – aléa géologique,
souvent exagéré voire imaginaire –, au mieux des intérêts de chacun.

Éviter l’accident
Loi MOP : parties d’« Ordonnancement, Pilotage, Coordination » - Norme NF P 94-
500 : parties de G4 – SUP - « Suivi » et G5 – DIA - « Diagnostic géotechnique ».

Le bon entretien d’un ouvrage n’est pas une mission normalisée. Or, durant la vie
de l’ouvrage, le géotechnicien pourrait être amené à intervenir pour étudier le
comportement de l’ensemble site/ouvrage, expliquer un dommage, en permettre la
réparation immédiate et peu onéreuse ou même éviter la ruine.

Qualité du résultat de l’étude


Pour des raisons de budget, de délais mais surtout par essence des problèmes
d’adaptation site/ouvrage, on ne peut pas obtenir un résultat géotechnique
indiscutable ; quoi que l’on fasse, on ne peut pas connaître la structure et le
comportement du sous-sol d’un aménagement à la précision de l’étude technique du
projet et à celle des exigences de construction : ils sont beaucoup plus compliqués
que les modèles dont on dispose et les résultats numériques des calculs de
géomécanique sont des ordres de grandeur qu’il faut tempérer par un « coefficient
de sécurité » ; c’est donc en prévisionniste que le géotechnicien doit se comporter
pour présenter les résultats pratiques d’une étude dont la précision est toujours
relative.

Les applications de la géotechnique


Les applications de la géotechnique sont innombrables, d’une très grande diversité,
toujours uniques et pour certaines d’une extrême complexité, aménagements, ouvrages
et travaux - terrassements, soutènements, fondations, drainages -, exploitations de
matériaux ou d’eau souterraine, prévention de pollutions, réhabilitation des sites
pollués, stockages de déchets…, en fait tout ce que l’on peut creuser, construire,
exploiter ou rejeter à la surface de la Terre.

Les aménagements
Les aménagements sont des opérations occupant des surfaces plus ou moins étendues
et comportant plusieurs ouvrages analogues ou différents : Zones urbaines,
industrielles (surface, souterrain) ; Aérodromes ; Aménagements « linéaires »
(canalisations, routes, voies ferrées, canaux, cours d’eau, rivages marins) ;
Champs de captages…

La géotechnique des aménagements définit le cadre de l’opération, contrôle sa


faisabilité, éventuellement propose des variantes, divise le site en secteurs
relativement homogènes où des problèmes techniques analogues pourront recevoir des
solutions analogues, repère d’éventuels secteurs et endroits à risques de façon à
les éviter ou à les traiter spécifiquement, valide les dispositions retenues,
prépare les études détaillées de chaque ouvrage qui composent l’aménagement, permet
l’évaluation du coûts de l’opération…

Les ouvrages
Un ouvrage du BTP est une construction isolée ou un élément d’aménagement :
Immeubles ; Usines ; Réservoirs ; Barrages hydrauliques ; Ouvrages de soutènement –
murs, gabions, parois ; Ouvrages d’art – ponts, viaducs, aqueducs ; Ouvrages
portuaires – jetées, quais, écluses, formes ; Ouvrages de défense maritime ou
fluviale – digues, épis…

Site/ouvrage
De l’étude du site à la construction de l’ouvrage : pont - bâtiment
On détermine les conditions générales et particulières dans lesquelles un ouvrage
peut leur être adapté avec le maximum de sécurité, d’efficacité et d’économie –
éviter les dommages ou les accidents au chantier, à l’ouvrage et aux ouvrages
voisins, optimiser le coût de l’ouvrage et la marche du chantier, organiser la
maintenance et assurer la durée fonctionnelle de l’ouvrage –, par les travaux de
construction de ses parties en relation avec le sol et le sous-sol, définis en
connaissance de cause – terrassements, drainage ; type, profondeur d’encastrement,
estimation des contraintes que les fondations imposent au matériau d’assise et
adaptation de sa structure aux éventuels tassements qu’il pourrait subir… Cette
démarche a un caractère général scientifique : par l’observation (géologie),
l’expérimentation (géotechnique), le calcul (géomécanique), elle permet de bâtir un
modèle de forme et de comportement de l’ensemble site/ouvrage qui sera éprouvé
(retour d’expérience) durant la construction, ce qui amènera éventuellement de le
modifier à la demande pour obtenir le modèle définitif, validé ou non à plus ou
moins long terme par le comportement de l’ouvrage achevé.

Les travaux
Quand l’étude du projet d’un ouvrage est achevée, on définit les travaux
d’exécution de ses parties en relation avec le sol et le sous-sol du site -
Terrassements ; Fondations ; Drainages ; Captages d’eau souterraine. Ces travaux
permettent d’adapter l’ouvrage au site en terrassant son emplacement,
éventuellement en y corrigeant des caractères naturels gênants et/ou en y prévenant
les effets de phénomènes naturels dommageables, en établissant ses fondations… ;
cela peut se faire sur la base des études de l’ouvrage, mais la préparation des
travaux et leur suivi géotechnique évitent les négligences et/ou les erreurs
d’interprétation d’études à l’origine de la plupart des difficultés de chantier et
facilitent leur adaptation à d’éventuels imprévus, à des situations compliqués…
nécessitant des compléments d’étude spécifiques, notamment pour l’interprétation
d’éventuels incidents ou accidents de chantier puis pour la définition et
l’application des remèdes à leur apporter.
Les risques géotechniques
Articles détaillés : Risque naturel et Catastrophe naturelle.
Selon les lieux et les circonstances, l’effet pervers non pris en compte dans
l’étude d’un aménagement, d’un ouvrage, d’un chantier sur le voisinage et/ou
l’environnement, l’effet pernicieux d’un événement intempestif – l’aléa - naturel,
séisme, inondation… ou induit, tassement, glissement, pollution…, imprévu ou mal
prévenu sont des dangers que courent de nombreux aménagements, ouvrages et leurs
alentours, en raison de leurs inadaptations à leurs sites – vulnérabilité - et/ou
aux circonstances. L’expression de ce danger est la dérive économique, le
dysfonctionnement, le dommage, l’accident, la ruine, la catastrophe : le séisme
abat l’immeuble, la tempête détruit la digue, la crue emporte le pont, inonde le
lotissement, le pavillon fissure sous l’effet de la sécheresse, les caves sont
périodiquement inondées, l’immeuble voisin d’une fouille fissure et/ou s’affaisse,
la paroi moulée s’abat, le remblai flue, la chaussée gondole, le talus de la
tranchée routière s’éboule lors d’un orage, le mur de soutènement s’écroule, le
groupe de silos ou le réservoir s’incline, le barrage fuit ou cède, le sol
industriel et/ou la nappe aquifère sont pollués, la ville manque d’eau en période
d’étiage, le coût de l’ouvrage en construction s’envole en raison d’un aléa
géologique réel ou non…, on en passe et de pires. Un livre entier ne suffirait pas
à énumérer les accidents géotechniques majeurs ou mineurs, passés, présents ou
futurs.

Si le danger est clairement identifié et correctement étudié, on peut réduire le


risque, s’en prémunir, en gérer l’expression qui est un sinistre susceptible d’être
garanti par une assurance contractée par le maître d’ouvrage, les constructeurs, le
propriétaire… ; si l’aléa est naturel et ses effets désastreux, les victimes sont
indemnisées sur fonds publics au titre de « catastrophe naturelle ».

aléas naturels
Phénomènes naturels dangereux (aléas) – Séismes – Mouvements de terrain – Crues,
inondations
Les causes humaines des accidents géotechniques sont souvent nombreuses mais l’une
d’elles est généralement déterminante : - étude géotechnique absente, insuffisante,
erronée, mal interprétée - vice ou modification inadéquate d’usage : implantation
irréfléchie, conception inadaptée, mise en œuvre défectueuse, malfaçons… - actions
extérieures : phénomènes naturels, travaux voisins… Mais beaucoup plus que
techniques, les causes effectives sont comportementales : économies abusives,
ignorance, incompétence, négligence, laxisme…

Nous devons nous accommoder d’un événement éventuellement dommageable, éviter qu’il
se produise ou d’être où et quand il est susceptible de se produire ; nous devons
nous comporter, aménager et construire nos ouvrages en tenant compte de
l’éventualité de tels événements et de ce que les juristes appellent le risque du
sol. Car la nature n’est pas capricieuse, le sol n’est pas vicieux ; ils sont
neutres. Les phénomènes, même paroxistiques, sont naturels et les dommages,
accidents, catastrophes sont humains ; néanmoins, les textes législatifs,
juridiques et réglementaires qualifient abusivement les risques et les catastrophes
de « naturels » et le sol de « vicieux ».

Économie
La géotechnique pratique est un marché dont le produit est l’étude qu’un maître
d’ouvrage achète à un géotechnicien pour savoir dans quelles conditions l’ouvrage
qu’il projette pourra être adapté au site dont il dispose pour le construire. C’est
une opération commerciale composée en grande partie de prestations matérielles, de
loin les plus onéreuses, – sondages, essais, informatique – et en très faible
partie d’une prestation intellectuelle qui est pourtant la principale. Elle est
risquée pour le maître d’ouvrage qui ne peut pas comparer concrètement les
proposions des géotechniciens qu’il consulte ; il détermine généralement son choix
sur le prix d’une proposition commerciale, pas sur la qualité du produit dont il
ignore s’il sera bon quand il le commande et même s’il sera bon au moment où il le
paiera ; sur un site et pour un ouvrage donnés, il peut comparer plusieurs
propositions techniques et financières, mais il ne peut pas commander plusieurs
études pour confronter leurs résultats.

Sauf dans le cas de grands aménagements et ouvrages très complexes et/ou très
dangereux, le coût d’une étude géotechnique est marginal, négligeable, comparé au
coût de l’ouvrage qui la motive. Or dans tous les cas, les conséquences financières
d’une étude géotechnique douteuse, erronée, mal interprétée, négligée…,
l’insuffisance ou même l’absence d’étude peuvent avoir de graves conséquences
financières. Si l’on s’en aperçoit lors de l’étude du projet, on doit la compléter,
en faire une autre ou même en faire une ; le surcoût géotechnique est alors limité.
Mais, il n’est pas rare que l’on s’aperçoive que l’étude géotechnique est
défectueuse lors de la construction de l’ouvrage ; les cas les plus classiques sont
les erreurs de définition ou de calage de fondations, de stabilité de talus ou de
parois, de débit de fouille… ; il faut alors arrêter le chantier, trouver et
étudier une solution de remplacement, modifier l’ouvrage et sa construction… ; cela
entraîne évidemment des surcoûts et des allongements de délais de construction qui
peuvent être très élevés.

Toutefois, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire et, sous prétexte de coût
marginal, surpayer une étude pour éviter tout risque : les résultats obtenus lors
des premières étapes d’une étude sont les plus importants ; ceux que l’on obtient
ensuite sont complémentaires ou même font souvent double emploi avec ceux que l’on
connaît déjà. L’intérêt pratique d’une étude devient de plus en plus mince à mesure
qu’elle se précise et le rapport précision/coût ou intérêt pratique, tend très vite
vers une valeur asymptotique. Il est donc souhaitable de contrôler constamment son
déroulement, de façon à pouvoir l’arrêter à temps, à l’optimum de son intérêt.
Ainsi, le maître d’ouvrage et les constructeurs ne seront pas tentés de la
considérer comme une stérile obligation technique ou morale et apprécieront tout le
bien-fondé de la démarche qui les a conduits à la faire entreprendre.

Droit
La précision relative d’une étude géotechnique ne permet pas d’atteindre la
certitude qu’exige le droit pour lequel il importe de ne rien laisser au hasard et
de ne prendre aucun risque. Elle aide seulement à estimer la probabilité des
corrélations d’un fait géotechnique et de ses causes ou de ses conséquences
supposées et à obtenir des résultats plus ou moins convenables selon la difficulté
du projet, la complexité du site, l’état des connaissances technico-scientifiques
du moment et l’étape de l’étude à laquelle la mission du géotechnicien est
limitée ; la sécurité absolue qui correspond à la probabilité rigoureusement nulle
de voir se produire un dommage à l’ouvrage ou un accident est une vue de l’esprit.

En France, selon l’article 1792 du Code Civil - loi Spinetta et Code des assurances
- : Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître
ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui
compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ces
éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à
sa destination.

En cas de dommages au gros œuvre d’un bâtiment, et maintenant de plus en plus d’un
ouvrage quelconque, sans même vérifier s’ils affectent sa solidité et le rendent
impropre à sa destination, conditions d’application de la loi, on évoque, souvent a
priori, un défaut de fondation résultant d’un « vice du sol », alors qu’ils
résultent presque toujours de défauts techniques et/ou constructifs.

Le « vice du sol » est un concept juridique non défini, dont on fait souvent une
notion technique pour reprocher au géotechnicien de l’avoir négligé.

Vous aimerez peut-être aussi