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Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Master 2 Sciences du Management Alexandre


DOURIEZ
Spécialité Logistique

COMMENT LES FMN POURRONT ELLES, GRACE AU


SCM, FAIRE FACE AUX EVENEMENTS ECONOMIQUES
ISSUS DE LA GLOBALISATION ?

Mémoire de fin d’études

Maître de mémoire : Patrice Vol 2009


2
Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mon maitre de mémoire Patrice Vol pour avoir
accepté de tenir ce rôle et m’avoir permis de faire ce travail avec une méthodologie de
travail claire et précise.

Je remercie ensuite les personnes ayant accepté de répondre à mes questionnaires et


m’ayant apporté des éléments d’analyse pertinents. Je remercie ainsi Steve Belot, First Key
Account Manager Aerospace South West Europe chez Kuehne+Nagel ; Noëlle Svirmickas,
Logistics Project Manager chez Lafarge Granulats ; Manuel Kienlen, responsable
transport route et méthodes chez Danone Eaux France ; et Stéphane Raedersdorf,
planificateur logistique junior chez Bongrain pour leur participation.

Je remercie pour finir l’ensemble des personnes ayant de près ou de loin participées
à ce travail par leur soutien, leurs conseils et leur présence que ce soit mes proches, mes
amis ou mes camarades de promotion. Je remercie ainsi particulièrement Axel Reposeur
pour son rôle dans l’obtention de précieux documents ainsi que mes camarades du Master 2
Logistique de la Sorbonne Jean Baptiste Bourdon et Claire Pasquier pour le temps passé à
échanger sur nos travaux respectifs, Lucia Betz pour son aide sur les travaux préparatoires.

3
Introduction

« La mondialisation de l’économie les a sortis de l’ombre ! Aujourd’hui, les directeurs


logistiques influent sur la stratégie de leur entreprise et la performance du plus modeste
manutentionnaire est considérée comme déterminante. Car, dans un contexte de concurrence
internationale féroce, la maîtrise technique et financière de toute la chaîne, depuis les achats de
matières premières jusqu’à la distribution au client, a forcément un impact sur les coûts de
production »1. « Avec la mondialisation des échanges et l’enjeu sous-jacent en termes de coûts,
cette fonction a désormais un rôle d’arbitre entre les directions commerciale et industrielle »2.
C’est en lisant ce genre d’articles de plus en plus présents dans la presse économique que l’idée de
lier mondialisation et Supply Chain est venue. La logistique et donc le Supply Chain Management
deviennent depuis plusieurs années des fonctions indispensables aux entreprises multinationales
afin de mener des stratégies industrielles efficaces.
De plus, dans cette même presse, c’est le terme de « crise économique » qui revient
actuellement le plus fréquemment. Une crise économique provenant tout droit des méfaits de la
mondialisation. Nous n’entendons parler que de fermetures d’usines, de délocalisations, de
relocalisations, de faillite d’entreprises, et ce, même concernant des firmes multinationales (FMN)
paraissant solides extérieurement. Le monde économique mondial a totalement changé et est en
perpétuelle mutation. Le phénomène de mondialisation touche tous les acteurs de la vie
économique, que ce soit les consommateurs ou les FMN. Ces dernières doivent pouvoir réagir à ses
conséquences. En effet que ce soit les fluctuations de taux de change, du cours du pétrole ou comme
actuellement la crise financière, cela les impactes directement. Elles se doivent donc de prendre en
compte à la fois les bénéfices en termes de processus industriels de la mondialisation et les
conséquences de cette dernière.
Ainsi, quand dans le même temps, il est dit que des entreprises sont en grande difficulté, et
qu’une fonction de l’entreprise, la Supply Chain, est en plein essor, il semble pertinent de chercher
si l’utilisation de la seconde ne peut pas aider les premières à améliorer leur situation. En d’autres
termes, il convient de voir comment les FMN, grâce au Supply Chain Management, pourront faire
face aux événements économiques issus de la globalisation, terme qui, nous le verrons, est plus
adéquate que celui de mondialisation.

1
Aubrée C., 2008, «La logistique au cœur de la stratégie de l’entreprise », Le Parisien Economie, 29/09/08
2
Montaigne C., 2008, « La supply chain, une fonction qui s’étoffe », Les Echos, 07/06/08
4
Ainsi nous présenterons dans une première partie le concept de mondialisation et les
stratégies industrielles des FMN et le Supply Chain Management dans ce contexte. Dans une
seconde partie nous décrirons et expliquerons des cas d’entreprises dans lesquelles la Supply Chain
joue un rôle essentiel avec notamment le cas d’Airbus. Enfin dans une dernière partie, nous
chercherons les systèmes industriels permettant de faire face à un environnement économique
défavorable et en perpétuel changement, climat inhérent à la globalisation.

5
Résumé Général

Ce travail à été pensé de manière à ce que le lecteur puisse comprendre les enjeux du SCM
dans notre environnement économique actuel. C’est pourquoi chaque partie aborde un aspect bien
différent afin de poser clairement le contexte dans un premier temps, d’étudier le cas de diverses
entreprises dans un second temps et enfin de tenter de faire ressortir les apports de la Supply Chain
et ses futures évolutions dans un dernier temps.
Ainsi, comprendre ce qu’est la mondialisation qu’il convient plus d’appeler globalisation et
ainsi comprendre l’environnement économique qui nous entoure est vital pour saisir les
comportements industriels des firmes multinationales (FMN). Comprendre que nous sommes dans
un monde dans lequel tout est accéléré à la fois par les politiques menées au plan mondial et local
au niveau financier ou économique et par l’avènement des nouvelles technologies de l’information
et des communications (NTIC) nous permet d’évaluer et de justifier l’apparition de nouvelles
formes d’entreprises. Ainsi le concept d’entreprise étendue consiste dans la répartition à travers le
monde des unités de production d’un point de vue géographique et financier ainsi que dans la
l’augmentation des interactions interentreprises par la multiplication des fournisseurs tout au long
de la chaîne de valeur. Le rôle à jouer de la part des FMN est alors notamment économique et
sociale ainsi que territoriale et leurs relations avec les Etats sont désormais très étroites. Dans cette
idée de recomposition de la chaîne de valeur, c’est le Supply Chain Management (SCM) qui doit
avoir logiquement un rôle à jouer du fait de son développement au sein de chaque entreprise et de
ses caractéristiques semblant apporter des réponses aux problématiques des FMN du fait de la
globalisation.
L’étude de différents cas d’entreprises illustrant les différentes situations des acteurs
industriels au sein de la Supply Chain et les divers acteurs la composant, nous permet d’évaluer la
situation et les réactions des FMN aux aléas économiques issues de la globalisation. Analyser le cas
d’Airbus, FMN et entreprise étendue par excellence, et de son plan de réaction aux fluctuations de
taux de change s’avère révélateur du rôle à jouer par le SCM en temps de crise. L’étude d’autres cas
industriels comme Lafarge, Dassault ou encore des situations plus précises au sein de la Supply
Chain avec des FMN comme Michelin, IBM ou Essilor rend le cadre de l’analyse plus complet et
nous permet de diversifier les contextes de réflexion. S’interroger sur les problématiques précises de
la Supply Chain comme les systèmes d’information ou le transport apporte également un
complément indispensable de compréhension.
Dans ce contexte, vient alors le temps d’étudier les voies de réponses des entreprises, au
travers de la Supply Chain, pour s’adapter à leur environnement sans cesse en modification. C’est
d’abord par la poursuite du processus d’entreprise étendue que la flexibilité des entreprises va
6
s’accroître. Avoir la capacité de s’adapter précisément à des produits et à ses marchés devient une
condition quasiment indispensable pour être performant. Dans cet esprit, la voie de l’externalisation
se présente comme très intéressante afin de pouvoir se concentrer sur son cœur de métier, de réduire
les coûts, de pénétrer de nouveaux marchés et de profiter des conditions économiques
internationales. D’autres procédés comme la réinternalisation doivent aussi être pris en compte et
étudiés. Une variante de l’entreprise étendue, mais plus spécifique, comme le développement de la
production modulaire peut également apporter des solutions aux FMN. Les stratégies spécifiques de
« Complex Products Systems » ou de « pur architecte » peuvent ainsi apporter certaines réponses
afin d’adapter leurs systèmes productifs. Sans oublier le rôle alors joué par les systèmes
d’information et par les entreprises spécialisées comme les SSII. L’avenir de la Supply Chain et les
prévisions d’évolution de celle-ci doivent évidemment être attentivement étudiées afin de faire
preuve d’anticipation et de proactivité. La généralisation de l’entreprise virtuelle, le rôle
prépondérant des prestataires logistiques, l’utilisation massive des nouvelles technologies comme la
RFID ou les problématiques liées au développement durable sont autant de points sur lesquelles les
FMN doivent travailler afin de chercher à toujours mieux satisfaire le client et lui permettre de faire
partie entière du processus industriel.
C’est donc finalement par l’instabilité apportée par la conjoncture économique au fil du
temps que va naître l’innovation et le progrès technique ainsi que les évolutions industrielles. La
recherche perpétuelle de l’optimisation amenée par la globalisation oblige les entreprises à
augmenter leurs interdépendances et à réfléchir à de nouveaux systèmes moins coûteux et plus
performants. La Supply Chain et le SCM s’inscrivent donc comme une activité indispensable et
porteuse de nombreux espoirs.

7
Abstract
This work was thought in a way that the reader can understand the stakes in the Supply
Chain Management in our current economic environment. That is why every part of this work
approaches a very different aspect to put clearly the context at first, study the case of diverse
companies secondly and finally try to highlight the contributions of Supply Chain and its future
evolutions.
So, to understand what is globalization and so to understand the economic environment
which surrounds us is vital to seize the industrial behavior of multinationals. To understand that we
are in a world in which everything is accelerated at once by the politics led worldwide and premises
to the financial or economic level and by the succession of the new information and communication
technology (NICT) allows us to estimate and to justify the appearance of new forms of companies.
So the concept of “vast company” consists in the distribution worldwide production units of a
geographical and financial point of view as well as in the increase of the interactions inter-
enterprises by the reproduction of the suppliers throughout the value chain. The role to play by the
multinationals is in particular an economic and social one as well as a territorial one and their
relations with States are henceforth very narrow. In this idea of reorganization of the value chain, it
is Supply Chain Management who has to have logically a role to play because of its development
within every company and within its characteristics seeming to bring answers to the problems of the
multinationals because of globalization.
The study of various cases of companies illustrating the various situations of the industrial
actors within Supply Chain and the diverse actors composing it, allows us to estimate the situation
and the reactions of the multinationals at the economic chances stemming from the globalization.
To analyze the case of Airbus, multinational and “vast company”, and of its plan of reaction to the
fluctuations in exchange rate turns out revealing of the role to play by it in a crisis situation. The
study of the other industrial cases as Lafarge, Dassault or still more precise situations within Supply
Chain with Michelin, IBM or Essilor returns the more complete frame of the analysis and allows us
to diversify the contexts of reflection. Wonder about the precise problems of Supply Chain as the
information systems or the transport also brings an indispensable complement to understanding.
In this context, comes then the time to study the ways of answers of companies, through
Supply Chain, to adapt itself to their environment ceaselessly in modification. It is at first by the
continuation of the process of the “vast company” that the flexibility of companies is going to
increase. To have the capacity to adapt itself exactly to products and to his markets becomes an
almost indispensable condition to be successful. In this spirit, the way of the outsourcing appears as
very interesting to be able to concentrate on its heart of profession, reduce the costs, penetrate into

8
new markets and take advantage of international economic conditions. Other processes as the
reinternalization must be also taken into account and studied. A variant of the “vast company”, but
more specific, as the development of the modular production can also bring solutions to the
multinationals. The specific strategies of "Complex Products Systems" or " pure architect" can so
bring certain answers to adapt their productive systems. Without forgetting the role then played by
information systems and by companies specialized as SSII. The future of Supply Chain and the
forecasts of evolution of this one must be studied obviously attentively to can anticipate and to be
proactive. The generalization of the virtual company, the dominating role of the logistic lead
providers, the use of the new technologies as the RFID or problems connected to the sustainable
development are so many points on whom multinationals has to work to try to satisfy always better
the customer and to allow him to make whole part of the industrial process.
It is thus finally by the instability brought by the economic situation in the course of the
time which is going to be born the innovation and the technical progress as well as the industrial
evolutions. The perpetual pursuit of the optimization brought by the globalization obliges
companies to increase their interdependences and to think about new less expensive and more
successful systems. Supply Chain and SCM thus joins as an indispensable activity and carriers of
numerous hopes.

9
Sommaire

Remerciements ....................................................................................................................... 3
Introduction ............................................................................................................................ 4
Résumé Général ..................................................................................................................... 6
Abstract .................................................................................................................................. 8
Sommaire.............................................................................................................................. 10
Tables des Illustrations ......................................................................................................... 15
Partie I : Mondialisation, Stratégies Industrielles et SCM ................................................... 16
I. Concept de mondialisation .................................................................................................... 16
A. Définitions et Origines .................................................................................................................... 16
1. Mondialisation, Internationalisation et Globalisation ................................................................ 16

2. Des économies intégrées ............................................................................................................. 17

3. Une troisième révolution industrielle .......................................................................................... 19

B. Une nouvelle organisation économique mondiale ........................................................................... 21


1. Un système financier totalement intégré ..................................................................................... 21

2. Une globalisation du travail et des techniques ........................................................................... 22

3. Vers une gouvernance mondiale ? .............................................................................................. 23

C. Les enjeux de demain ...................................................................................................................... 24


1. Jusqu’où pousser la globalisation ? ........................................................................................... 24

2. Réguler les économies et réduire les inégalités .......................................................................... 26

3. Vers une quatrième révolution industrielle ? .............................................................................. 27

II. Conséquences sur les stratégies industrielles des FMN ........................................................ 28


A. Des stratégies internationales .......................................................................................................... 28
1. Par le commerce international.................................................................................................... 28

2. L’investissement direct à l’étranger (IDE) ................................................................................. 28

3. L’entreprise réseau ..................................................................................................................... 29

B. Une organisation productive à l’échelle continentale ou mondiale ................................................. 31


1. Le concept d’entreprise étendue ................................................................................................. 31

2. Les différentes formes de relations entreprises-fournisseurs ...................................................... 33

3. Les défis de la FMN dans ce contexte ......................................................................................... 34

10
C. De nouvelles responsabilités pour les FMN .................................................................................... 35
1. Sociale : délocalisations et inégalités ......................................................................................... 35

2. Territoriale : le rôle des réseaux d’entreprises .......................................................................... 36

3. Economique : les relations FMN-Etats ....................................................................................... 38

III. La Supply Chain dans ce contexte ........................................................................................ 39


A. De la logistique à la Supply Chain .................................................................................................. 39
1. Vers une vision large de la logistique ......................................................................................... 39

2. Des Supply Chain internationales ............................................................................................... 41

3. Analyse des processus de la SC : le modèle SCOR ..................................................................... 42

B. La Supply Chain, support de gestion de la complexité ................................................................... 43


1. Le processus d’intelligence logistique ........................................................................................ 43

2. La Supply Chain externe ............................................................................................................. 44

3. Des Supply Chain en mutations .................................................................................................. 45

C. La Supply Chain, une vision managériale ....................................................................................... 47


1. Le SCM à développer en France ................................................................................................. 47

2. Anticiper plutôt que subir ........................................................................................................... 48

3. Trois niveaux de processus dans la Supply Chain ...................................................................... 50

Partie II : Etudes de stratégies logistiques de FMN ............................................................. 51


I. Un modèle illustratif : Airbus ................................................................................................ 51
A. Présentation de la firme ................................................................................................................... 51
1. Historique ................................................................................................................................... 51

2. Contexte ...................................................................................................................................... 52

B. Un exemple d’entreprise étendue .................................................................................................... 53


1. Une organisation productive européenne et le rôle de l’externalisation .................................... 53

2. Une logistique en conséquence ................................................................................................... 55

3. Comparaison avec Boeing .......................................................................................................... 57

C. Le Plan Power 8 .............................................................................................................................. 58


1. Power 8 : le plan de réaction à la montée du taux de change euro/dollar ................................. 58

2. Les effets sur la Supply Chain ..................................................................................................... 59

II. D’autres cas ........................................................................................................................... 60


A. Lafarge ............................................................................................................................................ 60

11
1. Une entreprise à fort développement international .................................................................... 60

2. La logistique au cœur d’un processus de réduction des coûts .................................................... 61

B. Le Falcon 7X de Dassault ............................................................................................................... 62


1. Un avion conçu virtuellement ..................................................................................................... 62

2. Des progrès techniques permis par la globalisation................................................................... 63

C. Autres cas ........................................................................................................................................ 64


1. L’anticipation des effets de la globalisation chez Michelin ........................................................ 64

2. L’externalisation de la logistique comme réponse : IBM et Alcatel ........................................... 65

3. Délocalisations et spécialisation des sites de production : Essilor et Yoplait ............................ 67

III. Des acteurs et secteurs périphériques prenant de plus en plus d’ampleur ............................. 68
A. Les prestataires logistiques .............................................................................................................. 68
1. Leur rôle dans la Supply Chain .................................................................................................. 68

2. L’exemple de Kuehne+Nagel ...................................................................................................... 69

B. Le rôle des systèmes d’information ................................................................................................. 71


1. Un facteur de compétitivité chez Bongrain ................................................................................. 71

2. Une activité en plein essor .......................................................................................................... 73

C. Importance du transport................................................................................................................... 74
1. Enjeu du transport ...................................................................................................................... 74

2. Le transport chez Danone Eaux France et Lafarge Granulats ................................................... 75

Partie III : Différentes modulations possibles de la Supply Chain....................................... 78


I. Accentuation de l’entreprise étendue .................................................................................... 78
A. Nécessité d’optimisation de la Supply Chain .................................................................................. 78
1. Gérer efficacement les différents niveaux de la Supply Chain .................................................... 78

2. Vers le « lean et agile »............................................................................................................... 79

3. Développement des logiques collaboratives ............................................................................... 80

B. L’externalisation comme axe stratégique et plus seulement opérationnel....................................... 82


1. Vecteur de succès par une méthodologie stratégique ................................................................. 82

2. Le Global Sourcing comme intégration internationale ............................................................... 83

3. Concentration sur son cœur de métier pour changer de business model .................................... 84

C. Autre option : la réinternalisation .................................................................................................... 86


1. Une réponse à la recomposition de la chaine de valeur : de l’outsourcing au backsourcing .... 86

12
2. Plus qu’une externalisation ratée, une voie stratégique ............................................................. 87

3. Quelques faits.............................................................................................................................. 88

II. Développement de la production modulaire.......................................................................... 89


A. La production modulaire comme évolution logique de l’industrie .................................................. 89
1. Les « Complex Products Systems » ............................................................................................. 89

2. La DIPP, élément indissociable de la globalisation ................................................................... 90

3. Entre nécessité de proximité et possibilité d’éloignement .......................................................... 91

B. « Pur architecte », stratégie risquée à adapter mais efficace ........................................................... 92


1. Le « pur architecte » et ses contraintes....................................................................................... 92

2. Un système viable mais à maitriser ............................................................................................ 93

3. Des stratégies complémentaires indispensables ......................................................................... 94

C. Dans ce contexte, externaliser le non physique ............................................................................... 95


1. Le phénomène offshore ............................................................................................................... 95

2. L’avenir passe par le « Global Delivery Model » ....................................................................... 97

3. Utiliser au mieux les SSII ............................................................................................................ 99

III. Quel avenir pour la Supply Chain ? .................................................................................... 100


A. Autour de l’entreprise « virtuelle » ............................................................................................... 100
1. Des Supply Chain éphémères .................................................................................................... 100

2. Les PSL comme futurs pilotes ................................................................................................... 101

3. De la confiance et du contrôle .................................................................................................. 102

B. Développer encore l’utilisation des technologies et de l’innovation ............................................. 104


1. Places de marché, e-sourcing, e-procurement .......................................................................... 104

2. Focus sur la RFID .................................................................................................................... 105

3. Vers une logistique propre ? ..................................................................................................... 107

C. Placer la Supply Chain dans l’amélioration globale de la chaîne de valeur .................................. 108
1. Des évolutions externes inéluctables ........................................................................................ 108

2. Les voies de développement de la chaîne de valeur et les impacts Supply Chain ..................... 109

Conclusion .......................................................................................................................... 112


Bibliographie ...................................................................................................................... 115
Annexes .............................................................................................................................. 121
Fiches de lecture .......................................................................................................................... 121
13
Entreprises et contacts ................................................................................................................. 123
Questionnaires ............................................................................................................................. 123
Autres annexes ............................................................................................................................ 131

14
Tables des Illustrations

Figure 1: Trilemme politique de l'économie mondiale ..................................................................... 25


Figure 2: Défaillance de l'Etat comme assureur social .................................................................... 27
Figure 3: Quatre stratégies internationales dominantes .................................................................. 30
Figure 4: Les composants du management logistique ...................................................................... 40
Figure 5: Les acteurs de la Supply Chain externe ............................................................................ 44
Figure 6: Les établissements d'Airbus en Europe ............................................................................. 53
Figure 7: La logistique des éléments de l'A380 ................................................................................ 56
Figure 8: Le modèle SCOR ............................................................................................................. 131

Tableau 1: Typologie de Bartlett et Ghoshal .................................................................................... 31


Tableau 2: Nature des interfaces critiques avec le SC Planning ...................................................... 50
Tableau 3: Matrice informationnelle de Porter .............................................................................. 132
Tableau 4: Eléments constitutifs des divers modes de collaboration.............................................. 132

Photo 1: Le Beluga d'Airbus ........................................................................................................... 133


Photo 2: Le Falcon 7X de Dassault ................................................................................................ 133

15
Partie I : Mondialisation, Stratégies Industrielles et SCM

I. Concept de mondialisation

A. Définitions et Origines

1. Mondialisation, Internationalisation et Globalisation

Avant de débuter toute explication et analyse des conséquences de la mondialisation, il faut


clairement définir les termes utilisés. Il faut en effet faire la distinction entre les concepts de
mondialisation, internationalisation et globalisation. Ces termes sont généralement utilisés sans
distinction et par conséquent sans définition précise.
Le terme de mondialisation est le plus vague des trois. De très nombreuses définitions
peuvent en être donnée et aucunes d’entre elles ne fait l’unanimité auprès des économistes. Selon le
Larousse, la mondialisation du point de vue économique est « l’élargissement du champ d’activité
des agents économiques (…) du cadre national à la dimension mondial. »3. Une définition plus
précise et pertinente pour comprendre ce concept émane de l’économiste F. Zumer qui définit la
mondialisation comme « un mélange de progrès technique, de développement des échanges, de
mouvements de facteurs de production, de déréglementation et de libéralisation »4. Cette dernière
définition place donc les entreprises et les politiques économiques des Etats comme acteurs clés du
phénomène.
Le seul point commun aux différentes définitions proposées est le lien avec le concept de
globalisation. Toujours selon le Larousse, la globalisation est « la tendance des entreprises
multinationales à concevoir des stratégies à l’échelle planétaire, conduisant à la mise en place d’un
marché mondial unifié »5. Le terme de globalisation est plus précis car il insiste sur l’intégration des
marchés, sur la disparition des frontières et la perte d’autonomie des décisions politiques des Etats.
Ce terme s’est généralisé dans les années 90 sous l’influence de l’idée de « village global » du
philosophe M. McLuhan. Selon l’économiste Jean-Marc Siroën, la globalisation est « un processus
qui tend à rendre accessible les mêmes biens, services et prestations de facteurs aux mêmes
conditions de prix et de qualité dans tous les pays en même temps. L'interdépendance entre les
nations disparaît pour ne laisser la place qu'à l'interdépendance des producteurs et des
3
http://www.larousse.fr/ref/nom-commun-nom/mondialisation_71051.htm, page consultée le 31/01/09
4
Cours de F. Zumer, « Politiques Economiques en Europe », L3, Université Panthéon Assas Paris 2, année
2006-2007
5
http://www.larousse.fr/ref/NOM-COMMUN-NOM/2-globalisation_55610.htm, page consultée le 31/01/09
16
consommateurs, répartis sur l'ensemble de la planète. »6. Là encore, ce sont les entreprises et
surtout les multinationales qui deviennent les acteurs principaux de l’économie mondiale. Toute
idée de nationalité disparait. Il vaut mieux donc privilégier le terme de globalisation à celui de
mondialisation du fait de sa plus grande précision et intérêt du point de vue économique et
industriel.
Reste à différencier le terme de globalisation à celui d’internationalisation.
L’internationalisation renvoi à l’intensification des relations économiques entre des États-Nations.
Elle reconnait, au contraire de la globalisation, une autonomie des Etats dans leurs prises de
décisions et l’existence de marchés nationaux identifiables. La phase d’internationalisation a débuté
à la suite des accords de Bretton Woods dans les années 70 et s’est poursuivie depuis. Il est alors
tentant de penser que la globalisation est la suite logique de l’internationalisation. Les deux
phénomènes ne sont de toutes manières pas indépendantes et ne font que s’alimenter l’un l’autre. Il
semble néanmoins que le concept de globalisation marque une rupture par rapport à celui de
l’internationalisation du fait de son caractère beaucoup plus extrême et de ses implications sur
l’économie mondiale plus nombreuses.

2. Des économies intégrées

L’intérêt majeur de cette globalisation réside dans le fait qu’au plan mondial nous avons
assisté à une augmentation très importante du volume des échanges entre les pays. Les relations
économiques entre les pays se sont accrues. Cela suit les théories de David Ricardo sur les
avantages comparatifs en 1815. Cette théorie énonce que les pays ont intérêt à se spécialiser dans
certaines productions en fonction des coûts relatifs que ces productions représentent. Chaque pays
se spécialisant, ils pourront optimiser la production de chaque bien et avoir un intérêt à l’échange
par la suite. Tous les pays participant à l’échange n’auront pas les mêmes gains mais aucun ne
subira de pertes. Cette théorie est à la base des échanges commerciaux internationaux. L’échange
permet au final de produire davantage, il est un réel créateur de richesse. Le fait d’exporter et
d’importer devient comme produire. Ce qui rend le commerce international intéressant est qu’il
permet d’augmenter les richesses à se partager. L’idée, souvent véhiculée avec l’avènement de la
mondialisation que les pays se mènent une guerre, est fausse car il y a un intérêt réciproque à
échanger. Le commerce international n’est pas un jeu à sommes nulles mais bien un jeu à sommes
positives. C’est notamment l’économiste américain Paul Krugman qui réfute cette théorie de la

6
Cours de J-M Siroën, « Définitions, mesures et limites de la globalisation », M2, Université Paris Dauphine,
année 2008-2009

17
compétition entre pays. Pour lui : « L’idée selon laquelle l’avenir économique d’un pays dépend en
grande partie de sa réussite sur les marchés mondiaux est une hypothèse et non pas une évidence ;
et, dans la pratique, empiriquement, cette hypothèse est tout simplement fausse. »7. La
mondialisation faisant s’accroitre le commerce international permet donc une création de valeur,
bénéfique à la fois aux économies nationales et aux entreprises faisant vivre ces économies
nationales. C’est bien les entreprises qui vont être les premières bénéficiaires de cette ouverture des
économies.
Dans les faits, voyons comment se passe cette ouverture des économies par la
spécialisation. Comme vu précédemment, la spécialisation provient de manière simplifiée de la
théorie des avantages comparatifs de Ricardo, théorie basée sur les dotations factorielles des
nations. Cette théorie fut par la suite enrichie par le théorème HOS8 ou par les travaux de
Leontief9. Mais pour s’approcher du monde réel, il faut se tourner vers les nouvelles théories du
commerce international caractérisées par l’étude des divergences de prix, de l’innovation et des
rendements croissants. La création des avantages comparatifs est désormais dynamique et le rôle
des entreprises est majeur. C’est notamment sur la base des travaux de Schumpeter10 que les
entrepreneurs sont reconnus comme de véritables innovateurs et que cette innovation est génératrice
de baisse de coûts et d’une meilleure réponse à la demande et donc créatrice d’avantages
comparatifs. La théorie du « cycle de vie du produit » de Vernon11 est l’illustration du rôle de
l’innovation dans le commerce international. Les rendements croissants sont également primordiaux
pour comprendre les échanges internationaux et le développement de l’intégration des économies.
Cette théorie énoncée par Krugman en 197912, renvoie au principe d’économies d’échelle.
Krugman, devenu prix Nobel d’économie en 2008, a par la suite associé à cela les « effets
d’agglomération »13. Ces effets introduisent l’apparition de pôles de compétitivité permettant une
synergie entre différents acteurs industriels au sein d’une même région (l’exemple le plus
caractéristique est celui de la Silicon Valley). La globalisation a décuplé tous ces effets à un niveau
mondial. Nombre d’entreprises, suivant la logique de spécialisation, ont désormais une nationalité
« mondiale ». Les économies nationales sont interdépendantes et tout retour en arrière semble
impossible pour deux raisons principales : la première est que les bénéfices obtenus par cette

7
Krugman P., 1996, « La mondialisation n’est pas coupable », Ed. La Découverte, Paris, p.19
8
Samuelson P., 1948, « International Trade and Equalization of Factor Prices, Economic Journal, n°58»
9
Leontief W., 1954, « Production domestique et commerce international : réexamen de la position
capitalistique des Etats-Unis », Economia Internazionale, vol. VII,n°1
10
Schumpeter J., 1954, « The Theory of Economics Development », Harvard
11
Vernon R., 1966, « International Investment and International Trade in Product Cycle »
12
Krugman P., 1979, « Increasing Return, Monopolistic Competition and International Trade », Journal of
International Economics
13
Krugman P., 1991, « Geography and Trade », MIT Press, Cambridge, Massachussets
18
globalisation sont largement supérieurs aux pertes ; et la deuxième énoncée par Krugman, est que
bien que la globalisation soit peut être trop avancée car elle a procurée trop d’instabilité, trop de
crises ou trop de conflits, le risque de tenter de la stopper est d’avoir une récession et non pas une
stabilisation. C’est « la théorie du vélo » : quand on pédale, on avance ; quand on s’arrête, on
tombe. Les faits désormais sont que les économies sont largement intégrées et que toutes décisions
de nos partenaires commerciaux auront des impacts sur notre propre économie.

3. Une troisième révolution industrielle

L’explosion de la globalisation est issue non seulement de l’ouverture des économies mais
aussi de ce que certains appellent la troisième révolution industrielle. Depuis la création de
l’ordinateur et suite à l’important développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de
la Communication (NTIC) au début des années 2000, l’idée que nous assistons à une troisième
révolution industrielle est en marche. C’est ce qu’on appelle « la nouvelle économie ». Cette
révolution industrielle serait basée sur une innovation technique : l’informatique au sens large. Cela
consiste donc, comme l’avait provoqué les précédentes révolutions industrielles, en un nouveau
modèle productif depuis les années 90 aux Etats Unis. Cette révolution serait donc source d’une
croissance nouvelle et d’une élévation future des niveaux de vie.
Cette théorie porte évidemment débat. En 1987, Robert Solow, prix Nobel d’économie cette
même année, a formulé ce qui est appelé « le paradoxe de Solow » à savoir que « les ordinateurs
sont partout, sauf dans les statistiques ». Il constate qu’empiriquement il n’y a pas d’augmentation
de la productivité du travail donc qu’il n’y a pas de révolution industrielle. A partir de cette période,
la croissance aux Etats Unis n’a cessé de croître pendant 15 ans de suite. Au début des années 2000,
la question est donc revenue sur l’existence d’une troisième révolution industrielle. Solow lui-même
reconnaissait en 2000 que son paradoxe était résolu. L’informatique explique environ un point de
croissance aux Etats Unis. D’autres économistes ont contredit cette théorie en considérant que
l’augmentation de la productivité aux Etats Unis était une illusion d’optique car elle a effectivement
augmenté mais seulement dans le secteur des NTIC utilisant en masse l’informatique mais elle n’a
pas profité aux autres secteurs de l’économie. C’est le développement du secteur des NTIC qui a
augmenté artificiellement l’augmentation de la productivité aux Etats Unis. Il y a néanmoins un
consensus sur une réelle augmentation de la productivité aux Etats Unis.
Le problème posé est qu’on ne semble pas avoir les mêmes effets en Europe. Le paradoxe
de Solow semble être toujours présent. La révolution industrielle est sensée apporter un nouveau
système productif. Si on compare les systèmes aux Etats Unis et en Europe, on constate des

19
différences. Les Etats Unis ont été en avance sur plusieurs points : organisation massive de la sous
traitance, organisation des entreprises en réseau, diminution des normes hiérarchiques ou encore
constitution de l’entreprise en petites unités autonomes ayant un degré de liberté plus important que
dans le passé. Tous ces points semblent être la conséquence de l’utilisation massive des NTIC. En
Europe, les dépenses dans ce secteur ont été faibles. L’argument en faveur de ce comportement était
qu’il valait mieux laissez faire le développement par d’autres et juste apprendre à utiliser. Or les
rentes apportées par les exploitants de ces nouvelles technologies sont énormes, ce sont les
entreprises les plus profitables du monde (Microsoft en est l’exemple). De plus, les pays qui
produisent ces nouvelles technologies possèdent un avantage dans la maitrise de l’utilisation de ces
produits. En Europe, les pays qui ont investis massivement dans les NTIC sont les seuls réussissant
à avoir une productivité élevée, une croissance forte, une réduction du chômage et un niveau de vie
élevé.
Les principales limites portant sur la validité de cette révolution industrielle résident dans le
fait qu’il semble que les bénéfices liés à l’utilisation des nouvelles technologies soient à rendements
décroissants. L’utilité marginale diminue rapidement. Internet par exemple va simplifier et
considérablement accélérer la diffusion de l’information et des nouveaux produits mais ne va pas
permettre d’en créer de nouveaux. De plus les effets pervers de l’utilisation de l’Internet peuvent
être autant de freins à l’augmentation de la productivité. L’ordinateur ne peut être mis au même
niveau que l’électricité ou le moteur à explosion par exemple.
La relation entre mondialisation et développement des NTIC est très étroite. Il semble
indiscutable que si la mondialisation s’est déroulée de manière aussi rapide, c’est en grande partie
par l’utilisation massive des nouvelles technologies. L’information peut désormais circuler
instantanément à travers le monde entier. L’utilisation de ces technologies a également permis de
faire évoluer les systèmes industriels. L’apparition de nouveaux types d’entreprises spécialisées
dans ce secteur a accru les relations entre elles et celles des autres secteurs, les interdépendances se
sont accrues elles aussi. On assiste à un effet de « clubs » c'est-à-dire de réseau. « On considère
qu’il y a un effet de réseau quand l’utilité d’un produit ou d’un service augmente à proportion du
nombre de ses utilisateurs. Plus il y a d’utilisateurs, plus l’utilité est importante »14. On se dirige
donc vers des entreprises devenant dépendantes les unes des autres à des niveaux de plus en plus
importants et impliquant des sommes elles aussi de plus en plus considérables.

14
Cours de F. Zumer, « Politiques Economiques en Europe », L3, Université Panthéon Assas Paris 2, année
2006-2007
20
B. Une nouvelle organisation économique mondiale

1. Un système financier totalement intégré

L’une des implications économiques principales de la globalisation réside dans l’une de ses
facettes, la globalisation financière. Ce terme désigne l’apparition d’un marché mondial intégré des
capitaux. Les économistes considèrent généralement que cette globalisation à trois dimensions. Une
dimension géographique liée à la mobilité des capitaux depuis la fin du régime en changes fixes de
Bretton Woods ; une dimension fonctionnelle liée à l’intégration des différents marchés (monétaires
et boursiers par exemple) ; et temporelle liée à la possibilité d’effectuer des actions en temps réel
24h/24h et 7j/7j. Cette globalisation est directement liée au développement des NTIC qui a permis
de relier le monde instantanément. Elle a été possible grâce aux « 3D » : la déréglementation
(abolition des contrôles de changes et des restrictions aux mouvements de capitaux), la
désintermédiation et le décloisonnement des marchés.
Cette globalisation est basée sur deux points clés : un mécanisme de mutualisation des
risques (par la possibilité d’investir sur tous les marchés financiers) et un comportement d’arbitrage
et de spéculation. Avec la mobilité presque totale des capitaux, ce sont désormais les marchés
financiers qui régissent les comportements économiques des pays comme des entreprises. Les
avantages principaux de ce système économique sont des financements à moindre coût, une
meilleure allocation des ressources et un financement de la croissance mondiale.15 Quand aux effets
négatifs, ce sont les pertes d’autonomie des économies nationales (selon le triangle
d’incompatibilité de Mundell16), la volatilité des taux de change et le risque principal, la présence de
crises systémique. Cela a commencé en 1984 avec la crise bancaire au Mexique, puis les épisodes
les plus marquants furent la crise asiatique en 1997, la crise en Argentine du début des années 2000
avant d’arriver à la crise actuelle de 2008, frappant l’ensemble de l’économie mondiale et illustrant
parfaitement l’intégration des économies et l’ampleur de la globalisation financière.
Du point de vue des entreprises, le mode de gouvernance à considérablement changé. Selon
Gérard Lafay, « les évolutions observées depuis la fin du vingtième siècle,(…), font dès lors
apparaître des tendances lourdes : une gouvernance d’entreprise fondée sur la prédominance des
profits,(…) ; un rôle de plus en plus important de divers types de fonds financiers, axés sur des
comportements spéculatifs et une vision à court terme ; une remise en cause graduelle des acquis
sociaux, entraînant un accroissement considérable des inégalités sociales à l’intérieur de la plupart

15
Mercier P., 22 janvier 2007, « La globalisation financière et ses conséquences », Intervention à la Chambre
de Commerce et de l’Industrie du Loiret
16
Mundell R., 1961, « A theory of optimum currency area », American Economic Review
21
des pays ».17 Cette vision est désormais partagée par de nombreux experts internationaux et place
donc les entreprises au cœur de la globalisation financière. Pour Michel Aglietta, « L'économie de
capital est venue de la restructuration des entreprises qui ont subi à la fois une concurrence plus
dure sur les marchés des produits, une exigence de rendement des fonds propres plus grande et un
coût du capital fortement accru »18. On assiste donc à un cercle mettant en scène les entreprises
cherchant à augmenter leurs valeurs sur les marchés boursiers et les marchés boursiers réagissant
sans cesse, et parfois sans logique, aux comportements des entreprises.

2. Une globalisation du travail et des techniques

Avec la globalisation, c’est aussi le marché du travail qui va être modifié. On constate une
forte mobilité de la main d’œuvre. Les pays en voie de développement (PVD) ont profité de la
globalisation pour augmenter leur taux de production, notamment dans le secteur manufacturier en
raison du coût de leur main d’œuvre relativement plus faible. Ceci rejoint les théories en économie
internationale sur les dotations en facteurs de production des pays et leur place au sein de la
production mondiale. On assiste de plus en plus à des mouvements migratoires d’importances
impliquant généralement des personnes venant de PVD et cherchant à trouver du travail dans des
pays plus développés que le leur. On constate dans le même temps que les Etats cherchent à
contrôler de plus en plus les flux migratoires. Si on étudie les motivations des pays développés,
pays ayant été à l’origine de l’accélération de la globalisation, on remarque que les mesures
principales ayant favorisé la globalisation ont été prises dans des buts de contrôle de l’immigration.
Pour Jean-Marc Siroën, « L'expansion des flux commerciaux et d'investissements directs peut
d'ailleurs être interprétée comme un substitut à la libre circulation du travail. L'ALENA par
exemple avait aussi pour fonction de fixer les travailleurs mexicains au-delà du Rio Grande ».19
Malgré cette globalisation du travail, les marchés restent très segmentés. Si on considère l’effet
Balassa20, à savoir qu’il existe des marchés protégés de la concurrence internationale, et du fait que
le nivellement semble se faire par le bas, les barrières à l’entrée risquent de s’accroître dans la
plupart des pays.
Quand on parle de globalisation, on peut aussi penser à la globalisation des techniques. La
diffusion des innovations et des technologies à été sans aucun doute accélérée. Nous devrions

17
Lafay G., 2007, « France Horizon 2050 », Ed. Economica, Paris, p.47
18
Aglietta M., 1999, « L’économie mondiale », Ed. La Découverte, Paris, p.57
19
Cours de J-M Siroën, « Définitions, mesures et limites de la globalisation », M2, Université Paris Dauphine,
année 2008-2009
20
Balassa B., 1964, « The Purchasing Power Parity Doctrine : a Reappraisal », Journal of Political Economy
22
normalement assister à un partage total de l’innovation, cette dernière étant considérée comme un
bien public dans les nouvelles théories du commerce international. Dans les faits nous constatons
qu’il reste des obstacles structurels et institutionnels. Tout d’abord l’insuffisance des infrastructures
et du capital pour pouvoir exploiter efficacement les techniques. Ensuite les lois sur la protection de
la propriété intellectuelle et les contrôles effectués par les entreprises sur la diffusion des licences et
brevets. Ce sont également des accords internationaux qui ralentissent cette diffusion des techniques
à travers le monde. On peut penser à l’accord ADPIC sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle touchant au commerce. Cet accord de l’OMC, initié par les pays développés, comporte
notamment une clause qui précise que les membres de l’OMC peuvent exclure de la brevetabilité
« les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes [...] Cependant, les membres devront
se pourvoir d'une protection sur les variétés végétales par des brevets, par un système sui generis
ou par une combinaison de ces deux moyens »21. Cet accord très controversé place les PVD en
position délicate car selon Geoff Tansey, « Les pays en développement copiaient et empruntaient les
technologies, et amendaient leurs propres lois lorsqu'ils estimaient être en mesure de le faire »22.
Au final, bien que le partage de l’innovation soit de plus en plus facile, les protections sont
de plus en plus présentes, chaque pays voulant protéger les brevets et licences de ses entreprises. Ce
sont une nouvelle fois des décisions politiques qui vont influencer les avancées de la globalisation
dans ce domaine.

3. Vers une gouvernance mondiale ?

Le fait que les économies soient de plus en plus intégrées amène donc les pays à avoir des
politiques plus ou moins communes afin de défendre leurs intérêts désormais communs. C’est ainsi
que parallèlement à la globalisation, le monde a vu se développé les institutions internationales.
Leur premier objectif était de mettre en place des règles de fonctionnement afin d’éviter les
comportements non coopératifs de certains pays, comportements qui avaient conduit à la Seconde
Guerre Mondiale. Les institutions les plus importantes sont le Fond Monétaire International (FMI)
et la Banque Mondiale, toutes deux issues des accords de Bretton Woods en 1944 ; le General
Agreement on Tarrifs and Trade (GATT) en 1947 devenu l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) en 1994 ; la Banque des Règlements Internationaux (BRI) en 1930 ; le Bureau International
du Travail (BIT) en 1920 ; l’Organisation Mondiale de la Santé en 1948 ; ou des institutions à rôle
plus limité géographiquement, comme l’Organisation de Coopération et de Développement

21
Article 27.3(b) de l’Accord sur les ADPIC
22
http://www.idrc.ca/fr/ev-5409-201-1-DO_TOPIC.html, page consultée le 14/02/09
23
Economique (OCDE) créé en 1960, ou politiquement, le G8. Ces institutions sont devenues vitales
dans le cadre de la globalisation car les Etats ne sont plus capables d’assurer seuls une régulation
sur leurs propres activités, ces dernières étant reliées à celles de nombreux autres pays. Le problème
se posant aujourd’hui est que ces institutions n’ont certainement pas les moyens financiers et
juridiques pour assurer efficacement leurs missions. L’autre problème se posant est plus politique.
De plus en plus de voix s’élèvent contre ces organisations internationales car de nombreux pays
considèrent qu’elles servent les intérêts des nations les plus puissantes au détriment des plus faibles.
C’est donc également à un problème de légitimité que doivent faire face ces institutions. C’est
notamment le débat lors des différents cycles de négociation de l’OMC.
Les groupements d’intérêts entre pays et l’intégration de leurs économies s’expliquent en
grande partie par le processus de régionalisation qui est apparu à la fois grâce à la globalisation mais
qui a également alimenté cette dernière. Les objectifs d’une intégration régionale sont d’accroître
les échanges commerciaux entre les pays par la suppression des obstacles à la libre circulation et la
suppression des obstacles tarifaires. L’exemple le plus poussé d’une telle intégration est celui de
l’Union Européenne. Les autres accords régionaux les plus importants sont l’ALENA, le
MERCOSUR ou l’ASEAN. Ces zones ont également des accords de libre échange par exemple
avec d’autres pays du monde ne faisant pas partie de la région. Ainsi, le MERCOSUR a un accord
de libre échange avec l’Inde. Ces régionalisations prennent tout leur sens dans le contexte de
globalisation car les intérêts des pays vont alors être de défendre les pays de leur zone. Ce sont donc
des décisions de plus en plus continentales voir intercontinentales qui vont être prises, légitimant
l’existence d’institutions internationales. Si ce processus tend à se poursuivre, les décisions prises
au plan mondial vont petit à petit se supplanter à celles prises au plan national. L’exemple de
l’Union Européenne est symptomatique de ce processus.

C. Les enjeux de demain

1. Jusqu’où pousser la globalisation ?

Si nous restons sur ces régionalisations, phénomène illustrateur de la globalisation, nous


pouvons nous poser la question de savoir jusqu’où les poursuivre. Faut-il se contenter de la situation
actuelle dans laquelle ce sont des blocs de pays ayant des intérêts communs qui s’affrontent sur le
plan politique et économique ou continuer le processus d’intégration ayant pour finalité une
intégration complète mondiale? Ne serait ce qu’au sein des accords régionaux, la question se pose.
L’accord le plus poussé actuellement est l’Union Européenne. L’intégration est de plus en plus forte
mais la situation actuelle est fortement remise en cause. Le principe même d’union européenne
24
soulève de plus en plus d’opposition. Cela est expliqué par l’économiste américain Dany Rodrick
par son « trilemme politique de l’économie mondiale »23. Il représente ce trilemme par le schéma
suivant :

Figure 1: Trilemme politique de l'économie mondiale

Selon lui, l’Union Européenne se situe entre la « camisole dorée » et le fédéralisme global
c'est-à-dire avec des économies nationales intégrées mais une situation intermédiaire entre une
souveraineté nationale et une représentation démocratique. L’évolution actuelle si elle se poursuit
doit mener à un fédéralisme global en Europe. Or les nombreux points de contestations portent sur
la perte d’autonomie nationale. Ce trilemme illustre la situation dans laquelle se trouvent les
économies nationales face à la globalisation. Pour en revenir à la « théorie du vélo », a-t-on le choix
de décider d’arrêter la globalisation ? Il semble que ce soit un processus visant à se poursuivre. Les
pays et les entreprises doivent, plutôt que de chercher à la stopper, chercher à s’adapter et à avoir
une démarche proactive face à elle. Rodrick considère que d’ici un siècle, l’Union Européenne sera
sou forme d’un fédéralisme global mais que d’ici les vingt prochaine années, ce sera plutôt une
stabilisation du fait des crises financières et du protectionnisme des gouvernements. Ce sont les
maux dont souffre la globalisation qui sont encore pointé du doigt par Rodrick : le manque de
régulation et le libre échange à tout prix.

23
Cours de F. Zumer, « Politiques Economiques en Europe », L3, Université Panthéon Assas Paris 2, année
2006-2007

25
2. Réguler les économies et réduire les inégalités

On ne peut plus parler de la globalisation sans parler du mouvement altermondialiste. Ce


mouvement porte des valeurs essentiellement sociales visant à changer le mode de fonctionnement
de l’économie mondiale jugée créatrice d’inégalités et non soucieuse de l’environnement. Ce
mouvement est notamment légitimé depuis la parution d’un livre de Joseph Stiglitz, « Globalization
and its discontents », best seller mondial, dans lequel il critique l’action du FMI, sensé représenté la
régulation dans la globalisation, qu’il accuse de servir uniquement les intérêts des Etats Unis.
Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, est devenu l’une des figures emblématiques des critiques
du fonctionnement de l’économie mondiale dans le contexte de la globalisation. Il a poursuivit ses
critiques dans deux autres ouvrages, « Quand le capitalisme perd la tête » et « Un autre monde :
contre le fanatisme du marché » dans lesquels il porte notamment les critiques suivantes. Il critique
fortement le pouvoir des Etats Unis dans l’économie mondiale et met en lumière certains
« mythes » à rejeter : « La déréglementation et les marchés autorégulés sont à la base de cette
prospérité, et il faut exporter dans le monde entier ; la clef du succès, c’est de se soumettre à la
discipline des marchés financiers ; la mondialisation à l’américaine conduira nécessairement à la
prospérité mondiale, dont bénéficieront les marchés financiers mais aussi les pauvres du monde en
développement »24. Stiglitz propose que les axes d’évolution de la globalisation soient de limiter la
libéralisation, protéger l’environnement et renforcer la gouvernance mondiale. C’est en résumé un
monde plus juste et avec les mêmes règles du jeu pour tous les pays que propose l’économiste
américain.
Dans le même temps, Rodrick avait tenté d’expliquer comment éviter que la globalisation
soit vue comme facteur déclenchant du développement des inégalités à la fois entre les pays mais
aussi à l’intérieur des pays. Il considère que deux phénomènes sont liés : la globalisation et le
développement de l’Etat providence. Il constate qu’après la seconde guerre mondiale et le début de
l’intensification des échanges, les Etats sont devenus de plus en plus protecteurs. Le but était de
réduire les risques inhérents à l’économie de marché. On constate d’ailleurs empiriquement que ce
sont les pays les plus ouverts aux échanges qui ont la plus forte protection sociale. La protection est
donc indispensable afin de limiter les effets néfastes de la globalisation. L’Etat doit jouer le rôle
d’assureur social. La réduction des inégalités passe donc par une réelle prise en charge des Etats et
donc pas par une autorégulation par les marchés. C’est encore une fois cette inspiration libérale qui
est remise en cause. Rodrick voit la globalisation comme un phénomène très positif mais dans

24
Stiglitz J., 2003, « Quand le capitalisme perd la tête », Ed. Fayard, Paris, p.329

26
lequel les Etats doivent prendre leurs responsabilités. Nous pouvons d’ailleurs résumer par un
schéma le risque que prennent les pays en ne jouant pas leur rôle de protecteur.

Figure 2: Défaillance de l'Etat comme assureur social

L’avenir de la globalisation est donc de savoir quel visage elle prendra. Il semble clair que
la forme connue actuellement atteint toutes ses limites. Alors qu’elle était créatrice de valeur et de
richesse, les effets néfastes surgissent et laisse l’économie mondiale dans une situation inquiétante,
comme le montre la crise économique actuelle. L’objectif va être de mieux protéger et d’apporter
des solutions de développement aux pays qui en ont besoin, tout en permettant aux pays développés
de garantir des conditions de croissance.

3. Vers une quatrième révolution industrielle ?

Avec la globalisation, tout se passe beaucoup plus vite qu’auparavant. Les apports des
NTIC a été très important et nul doute qu’ils vont continuer à amener du progrès. Mais d’autres
secteurs vont également devenir sans aucun doute générateurs d’un nouveau type d’innovations. On
peut raisonnablement se poser la question de l’évolution des sciences de la nature. Les progrès
risquent d’être prodigieux. De grandes découvertes scientifiques et technologiques risquent d’avoir
lieu. Les biotechnologies, la génétique, l’océanologie ou encore la climatologie risquent d’apporter
des progrès indéniables. De même, les méthodes d’agriculture et d’élevage et la médecine risquent
de changer de formes. On peut penser au regard de l’histoire humaine que l’accélération du progrès
depuis quelques siècles va se poursuivre et que la prochaine révolution industrielle n’est peut être
pas très loin.
Ce sera alors encore une fois un problème de régulation et de contrôle qui risque
d’apparaitre afin d’éviter des problèmes éthiques dépassant les problèmes économiques actuels. La
prochaine révolution risquant de porter sur l’être humain lui-même, ce sont des lois éthiques qui
vont certainement devoir être mises en œuvre.
27
II. Conséquences sur les stratégies industrielles des FMN

A. Des stratégies internationales

1. Par le commerce international

Dans le but de répondre à une demande désormais mondiale, on assiste à une diversification
des mouvements d’internationalisation des entreprises. Le commerce international en est la forme la
plus ancienne. Cela consiste pour une entreprise de produire dans un pays A afin de satisfaire une
demande d’un pays B. C’est l’étape la plus simple pour une entreprise visant à vendre des produits
sur un territoire différent de son territoire national. On distingue généralement deux types de
commerce international. Le premier consiste dans la complémentarité des économies nationales par
le jeu des spécialisations. Cela donne des soldes extérieurs excédentaires ou déficitaires selon les
familles de produits. On constate que l’influence des gouvernements et des décisions politiques
jouent un rôle majeur dans les stratégies de production et de vente des entreprises. Le deuxième
type de commerce international consiste dans la similarité des économies nationales renvoyant aux
travaux de Krugman sur les flux intrabranches. Ce sera au sein même d’une famille de produits que
des échanges internationaux se feront. Les entreprises pouvant alors profiter et non pas être
contraintes par le commerce international.

2. L’investissement direct à l’étranger (IDE)

C’est le cas ou l’entreprise devient « multinationale ». Elle le devient en créant ou rachetant


une filiale de production à l’étranger. L’OCDE définit l’IDE par « une activité par laquelle un
investisseur résidant dans un pays obtient un intérêt durable et une influence significative dans la
gestion d’une entité résidant dans un autre pays. Cette opération peut consister à créer une
entreprise entièrement nouvelle (investissement de création) ou, plus généralement, à modifier le
statut de propriété des entreprises existantes (par le biais de fusions et d’acquisitions). Sont
également définis comme des investissements directs étrangers d’autres types de transactions
financières entre des entreprises apparentées, notamment le réinvestissement des bénéfices de
l’entreprise ayant obtenu l’IDE, ou d’autres transferts en capital ». Il faut différencier le
« Greenfield », création d’une société à l’étranger, et la fusion-acquisition, prise de participation ou
prise de contrôle complète d’une société pré existante.
Cet IDE peut répondre à plusieurs types de motivation pour l’entreprise. La première
consiste dans l’impossibilité de produire des quantités suffisantes dans le pays d’origine et donc
28
nécessité de trouver des nouveaux lieux de production. Ce cas arrive généralement quand la
production nécessite des besoins en ressources naturelles. La deuxième motivation répond à
l’impossibilité de vendre des quantités suffisantes dans le pays de destination notamment à cause de
barrières tarifaires. Les IDE permettent de contourner ses barrières en étant directement implantés
au plus près du marché. Cette proximité du marché est aussi une motivation à l’IDE car cela permet
de mieux satisfaire la demande dans le pays d’implantation en étant plus proche des besoins des
clients. Enfin une dernière raison majeure est le fait de profiter de conditions macro économiques
intéressantes dans le pays d’implantation. Nous verrons par la suite que cette dernière motivation est
très répandue et qu’elle a de nombreuses influences sur le SCM.
Les deux premières motivations furent les premières invoquées pour justifier les IDE. Les
firmes multinationales (FMN) américaines furent les précurseurs. Leurs extensions résultaient de la
stratégie géopolitique américaine qui visait à s’implanter dans de nombreux pays en développement.
Puis la motivation de rapprochement de la demande et des marchés porteurs fut la raison de
l’implantation de firmes américaines en Europe. La multinationalisation des entreprises s’est accrue
dans les années quatre-vingts notamment par la volonté de profiter de conditions macro
économiques favorables surtout pour les activités nécessitant beaucoup de main d’œuvre. Nous
avons ainsi assisté à des forts mouvements d’implantation de firmes américaines, européennes et
japonaises dans des pays en développement. On commence alors à assisté à une « décomposition
internationale des processus productifs »25. A partir de cette date, le terme de « firme
multinationale » commence à prendre tout son sens.

3. L’entreprise réseau

L’entreprise réseau est la forme la plus récente d’internationalisation des entreprises. C’est
également la forme issue directement de la globalisation. Les activités de l’entreprise sont
désormais régies par des relations contractuelles avec des partenaires. Le système fortement
hiérarchisé et structuré disparait petit à petit.
Cette forme d’entreprise a commencé à voir le jour dans les années quatre vingt dix. Nous
avons assisté à partir de cette période à l’apparition d’entreprises dont la production était éclatée à
l’échelle mondiale. Cette évolution prend différentes formes : partenariats internalisés, partenariats
externes (comme les joint ventures), concessions (franchises par exemple), sous traitance pure,
centres de profits indépendants ou encore « Original Equipment Manufacturing ». Nous étudierons
plus en détails dans la suite de ce dossier les modalités de cette entreprise réseau.
25
Lassudrie-Duchêne B., 1982, « Décomposition internationale des processus productifs et autonomie
nationale », Economica, Paris

29
Dans ce contexte, c’est quatre stratégies internationales qui dominent.

Figure 3: Quatre stratégies internationales dominantes26

La première est la « stratégie internationale sur base domestique » dans laquelle toutes les
activités industrielles sont menées dans le pays d’origine. La deuxième est la « stratégie multi
domestique » dans laquelle l’entreprise donne une grande autonomie à des entités nationales. La
troisième est la « stratégie globale coordonnée » ou le pilotage des activités internationales est
fortement centralisé. Enfin la quatrième est la « stratégie transnationale mixte » dans laquelle les
business units sont organisés sur une indépendance totale.

26
Baglin G., 2005, « Management industriel et logistique : conception et pilotage de la Supply Chain », Ed.
Economica, Paris, p.123
30
Le tableau suivant montre quant à lui les différentes structures d’entreprises
multinationales, faisant des distinctions importantes pour comprendre les différents niveaux que va
prendre l’entreprise réseau.

Tableau 1: Typologie de Bartlett et Ghoshal27

B. Une organisation productive à l’échelle continentale ou mondiale

1. Le concept d’entreprise étendue

Alors que le modèle de l’entreprise possédant en interne la totalité des étapes nécessaires à son
activité et donc maîtrisant la totalité de sa chaîne de valeur était largement dominant, on assiste en
parallèle de la globalisation à un phénomène de « désintégration verticale » et à un mouvement
d’externalisation des activités extérieures au cœur de métier de l’entreprise. La désintégration
verticale consiste « à recentrer l’entreprise sur le maillon de la chaîne de valeur qui apporte le
plus de valeur ou sur celui où l’entreprise maîtrise le mieux ses facteurs de succès »28. Cette
désintégration va se faire vers l’aval comme vers l’amont. Par exemple vers l’aval elle va consister

27
Bartlett C., Ghoshal S., 1991, « Matrix management : not a structure, a frame of mind », Harvard Business
Review
28
Capraro M., 2003, « L’entreprise étendue et le développement des fournisseurs », Presse Universitaire de
Lyon, Paris, p.15
31
à se séparer des opérations de distribution tandis que vers l’amont cela peut être de se séparer
d’activités de première transformation qui n’apportent aucune valeur ajoutée à l’entreprise. Le
secteur automobile a été l’un des pionners dans cette extension de la désintégration verticale.
Aujourd’hui, un constructeur automobile externalise environ 75% de la production d’un modèle.
L’externalisation « caractérise le fait de confier à une autre entreprise une activité industrielle et
opérationnelle (ou même une fonction support) en la soumettant à une obligation de résultats
(transfert total de responsabilité) »29.
Ce phénomène va impliquer la présence de nombreux acteurs gravitant autour de
l’entreprise principale. Cette dernière va multiplier les partenariats avec d’autres entreprises. Ces
entreprises sont appelées partenaires de premier ou second rang en fonction de leur lien direct ou
indirect avec l’entreprise principale. Ces partenaires ne travaillent pas exclusivement avec une seule
entreprise (bien que cela puisse être le cas) mais pour plusieurs clients. Ce sont des spécialistes dans
un domaine très précis ce qui leur permet d’avoir le meilleur niveau de performance. Ils peuvent
avoir un savoir faire et des compétences supérieurs à ceux d’un service interne de l’entreprise pour
laquelle ils travaillent.
Dans cette idée d’entreprise étendue, les diverses fonctions sont confiées à des entités qui
détiennent la totalité d’une petite partie du processus global. Par ce biais, le résultat est un meilleur
fonctionnement de l’ensemble. L’entreprise étendue nécessite néanmoins un décideur stratégique
unique qui doit assurer la cohérence de l’ensemble du processus. Ce concept s’inscrit donc
totalement dans le troisième mode d’internationalisation des entreprises à savoir « l’entreprise
réseau ».
L’essor de l’entreprise étendue réside dans le fait que la Supply Chain d’une FMN est de
plus en plus tournée vers la demande. Afin de satisfaire au mieux le client, il faut pour l’entreprise
avoir une connaissance accrue de ses besoins afin de réussir à les anticiper et ainsi pouvoir réduire
les délais d’approvisionnements et avoir une flexibilité importante pour s’adapter à ses changements
de comportement. Finalement on assiste à une « désintégration verticale » et une « réintégration en
réseaux ».

29
Baglin G., 2005, « Management industriel et logistique : conception et pilotage de la Supply Chain », Ed.
Economica, Paris, p.119
32
2. Les différentes formes de relations entreprises-fournisseurs

Quand on parle d’entreprise étendue, il faut s’intéresser aux relations entreprise-fournisseurs.


Généralement on distingue trois formes différentes de collaboration entre eux.
La première se produit quand l’entreprise ne vise qu’une maîtrise des coûts par l’intermédiaire
du pôle achats. La stratégie de l’entreprise est donc basée sur une internationalisation des achats et
sur une politique fournisseurs basée sur leur mise en concurrence et qui se base sur des systèmes
d’évaluation et de certification. Ce type de partenariat nécessite de la part de l’entreprise des
prévisions fiables et une globalisation des besoins.
La deuxième forme est une évolution de la première. On commence ici à parler
véritablement de partenariat. L’entreprise formule au fournisseur des exigences en terme de qualité
totale et de coût global d’approvisionnement (c'est-à-dire des exigences au niveau des délais ou du
taux de service par exemple). Des systèmes de pilotage des flux sont alors nécessaires et des
démarches d’EDI (Echange de Données Informatisées) voient le jour. Avec cette forme, l’entreprise
voit diminuer son nombre de fournisseurs et adopte des partenariats à long terme afin d’amortir les
investissements de développement et pouvoir optimiser sa relation avec les fournisseurs. Le
« donneur d’ordre » conserve ici tout le pouvoir de conception du produit. C’est avec ce type de
relations que l’on commence à voir apparaitre des normes comme les normes ISO afin d’assurer une
qualité au niveau des processus utilisés. La coordination entre entreprises et fournisseurs nécessite
que le transport, le conditionnement et le pilotage des flux soient planifiés de manière rigoureuse.
C’est un fonctionnement totalement opérationnel de la relation entre entreprises et fournisseurs.
La dernière forme prend des aspects à la fois opérationnels comme pour les deux premières
formes mais aussi commerciaux et techniques. Le fournisseur va avoir une responsabilité dans la
conception et l’évolution des produits. C’est en réalité un système de « co-traitance » qui est mis en
place, les deux parties ayant des responsabilités envers l’autre. Le fournisseur à une entière
responsabilité de son activité. Cette forme provient du fait que certaines entreprises ont des besoins
importants en terme de personnalisation des produits et en terme de « time-to-market ». La relation
entre les parties est évidemment à long terme avec un système de partage de données et
d’information très développé. Ce système semble être celui qui tend à se développer, nous tenterons
de confirmer cette intuition ultérieurement.
Nous pouvons enfin citer un dernier mode de collaboration un peu particulier, le partenariat.
Dans ce cas, les entreprises sont sur un pied d’égalité. Elles gardent leur autonomie et ont un intérêt
stratégique réciproque à collaborer. On assiste alors à une plus grande spécialisation de chaque
membre du partenariat dans son cœur d’activité.

33
3. Les défis de la FMN dans ce contexte

Le développement des relations entre entreprises et fournisseurs est l’aspect externe que
doit gérer l’entreprise directrice dans le cadre de l’entreprise étendue. Mais en interne, elle aura
également à faire face à des bouleversements. Les FMN doivent gérer la dispersion de leurs sites au
niveau mondial conjuguée à la délocalisation des sites de production. Cet écart de localisation
oblige les différentes entités de la firme à avoir des interactions, qui génèrent donc une nécessaire
coordination des flux entre des entités qui n’avaient auparavant aucun besoin de communiquer
directement. Or cela a pour effet de ralentir considérablement la performance de l’entreprise et plus
particulièrement de la Supply Chain. Le développement international de l’entreprise met souvent en
avant les lacunes dans l’organisation interne de l’entreprise. Sur cet aspect de logistique amont, les
FMN voient de plus en plus leurs usines devenir des « usines nomades »30 c'est-à-dire que les sites
de production deviennent de plus en plus volatiles et que les FMN modifient au gré des conditions
d’accueil des différents pays l’emplacement de leurs usines. Le fait que ces usines deviennent de
plus en plus des usines spécialisées à vocation internationale rend la tache logistique plus complexe
pour les FMN. Il faut en effet reconstituer les gammes de produits. Il faut donc mettre en place des
structures logistiques (entrepôts pour du stockage ou plate forme pour du cross docking) afin de
reconstituer ces gammes. La difficulté principale réside dans l’équilibrage des flux et des stocks et
dans la minimisation des coûts des flux entre les pays. C’est pourquoi la vision globale apportée par
la Supply Chain que nous verrons plus loin est d’autant plus pertinente dans ce contexte.
D’autres défis se présentent également pour les FMN. Selon les principes de l’ECR, les FMN
plaçant le client au centre de leurs préoccupations et de leurs Supply Chain, les conduit à revoir
leurs processus de distribution et notamment leurs structures. Les forces de vente et de distribution
sont désormais en relation avec l’ensemble des fournisseurs industriels. Il y a donc une complexité
accrue du fait de la multiplication des flux liée au fait que chaque intervenant n’a plus un seul
interlocuteur mais une multitude. Nous développerons ce point un peu plus tard. Les FMN vont
entre autre devoir gérer une segmentation accrue des marchés et de nouvelles attentes de la part des
consommateurs. Les défis pour les FMN sont nombreux du fait de la multiplication du nombre
d’acteurs prenant par à leur chaine de valeur. Que ce soit de l’approvisionnement à la distribution,
l’entreprise doit désormais mener un pilotage précis de ses activités et de ses relations avec ses
partenaires.

30
Dornier P-P., Fender M., 2007, « La logistique globale et le SCM », Ed. Eyrolles, 2e édition, Paris, p.169

34
C. De nouvelles responsabilités pour les FMN

1. Sociale : délocalisations et inégalités

L’entreprise étendue à une influence majeure : développer l’externalisation. Cette dernière


est considérée comme la forme la plus récente de délocalisation. Elle induit une ouverture de la
chaine de valeur du produit d’où l’importance accordée aux droits de propriété industrielle.
Auparavant ces dernières étaient comprises dans une logique d’internalisation. Les FMN
cherchaient à exploiter leur avantage spécifique en trouvant le bon lieu de production et en
internalisant le tout. C’est la théorie de Dunning, le modèle OLI (1988) (Ownership advantage,
Localisation, Internalisation). On assistait alors à « une délocalisation horizontale, Nord-Nord,
entre pays développés et une délocalisation verticale, Nord-Sud, vers les économies moins
développées »31. La première est basée sur des investissements industriels par des mouvements de
capitaux. Elle induit des exportations et des importations et permet le transfert de technologie. La
deuxième est basée uniquement sur les coûts et c’est la plus souvent stigmatisée dans les pays
occidentaux. Ces derniers semblent vouloir chercher un bouc émissaire à leurs difficultés en
accusant les FMN de délocaliser en masse sans penser aux retombées sociales dans le pays. La
tendance est de présenter le coût du travail comme le facteur premier de la compétitivité pour une
FMN et de montrer que celles-ci cherchent à tout prix la main d’œuvre la moins coûteuse. Or le
coût du travail n’est qu’un facteur parmi d’autres comme le transport, les matériaux, les
infrastructures ou encore le degré de corruption sans oublier le plus important : la conquête de
nouveaux marchés. Si le coût du travail était le facteur déterminant, toutes les industries devraient
être délocalisées. Le problème repose sur le fait que les FMN ne peuvent maitriser les flux
d’informations de ce genre. Elles doivent donc prendre en compte dans leurs stratégies le fait que
leurs décisions seront analysées de manière systématique.
On constate également un autre point sur lequel les FMN doivent porter leur attention, le
fait que leurs stratégies industrielles provoquent des inégalités de plus en plus importantes. Nous
parlons ici des inégalités au sein même des pays développés. Dans les pays en voie de
développement, l’accroissement des délocalisations est au contraire une voie bénéfique pour la
création de richesse. Dans les pays développés, l’écart de richesse entre les plus riches et les plus
pauvres ne cesse de s’accroître. Certaines thèses soutiennent que seuls les travailleurs qualifiés sont
valorisés en prenant l’exemple de Nike dont 4% du prix de vente d’un produit revient à la
fabrication et 96% pour la conception, le marketing et le design. Mais en s’intéressant de plus près à
la question, on se rend compte d’un phénomène moins connu mais beaucoup plus impressionnant :

31
Michalet C-A., 2007, « Mondialisation, la grande rupture », Ed. La Découverte, Paris, p.36
35
l’augmentation des inégalités intragroupes. La segmentation de plus en plus forte de la division du
travail a fait apparaitre le modèle « O-Ring »32 développé par Michael Kremer. Il fait l’analogie
entre l’accident de la fusée spatiale Challenger en 1986 à cause d’un simple joint, le « O-ring » et le
travail en commun de plusieurs millions d’équipes dans la conception de produits aujourd’hui et
dont le moindre dysfonctionnement menace la production du produit fini. Chaque travailleur est
associé à un processus de fabrication dans lequel les autres travailleurs ont une qualité et une
formation très proche. Les unités de travail sont de plus en plus petites. Or on constate que de
faibles écarts de performances individuelles peuvent donner lieu à des écarts de revenus
considérables. A titre d’exemple, celui qui va travailler dans la conception d’une fusée spatiale sera
payé en fonction de l’importance qu’il représente dans la réussite du projet. Le même travailleur
embauché pour le même travail aura un revenu moindre si le projet final est la conception d’un
projet moins important. On assiste donc à des destins de plus en plus individuels des travailleurs.
Le rôle des FMN est donc primordial sur l’emploi et sur les conditions de travail. Etant
présentes sur plusieurs pays voir plusieurs continents, elles doivent assumer un rôle dans
l’amélioration de la situation des travailleurs et doivent avoir une vision internationale de ces
problèmes sociaux.

2. Territoriale : le rôle des réseaux d’entreprises

Les FMN doivent aujourd’hui prendre en compte un nouvel aspect qui tend à devenir de
plus en plus important, l’aspect territorial. L’entreprise étendue comme présentée auparavant
s’inscrit dans cette logique. Les FMN ont désormais, en rapport avec la responsabilité sociale, une
responsabilité dans les politiques d’aménagement du territoire. L’insertion territoriale d’une FMN
doit permettre de stimuler l’innovation technologique en partenariat avec des centres de recherches
et des universités. Elle doit également permettre de créer un tissu d’entreprises partenaires au sein
d’une même région. La FMN doit être le moteur et le pivot de synergies avec des PME locales. Une
FMN comme Inditex a compris cela pour sa chaîne de magasins Zara. L’approvisionnement et la
sous traitance effectuée par Zara est fait dans la région du siège d’Inditex à La Corogne en Espagne.
Tous les fournisseurs sont à proximité géographique ce qui permet à l’enseigne d’avoir un avantage
concurrentiel important par rapport à ses concurrents en pouvant renouveler sa gamme de produits
et la livrer en magasin en quelques semaines là où les concurrents mettent plusieurs mois.
Ces réseaux d’entreprises peuvent prendre plusieurs formes. La première est le cluster
présenté par Porter comme « un groupe géographiquement proche d’entreprises liées entre elles et

32
Kremer M., 1993, « The O-Ring theory of economic development », Quarterly Journal of Economics

36
d’institutions associées relevant d’un domaine donné, entre lesquelles existent des éléments
communs et des complémentarités »33. La deuxième est le technopole, « ensemble d’acteurs
hétérogènes (…) qui participent collectivement à la conception, à l’élaboration, à la production et à
la distribution-diffusion de procédés de production, de biens et de services dont certains donnent
lieu à une transaction marchande »34. Vient ensuite l’espace serviciel, « centre de production de
connaissances ayant une inspiration territoriale qui tire partie de nombreuses interrelations (…)
grâce à de nouvelles formes d’apprentissage permises par l’avènement des NTIC »35. C’est en
réalité un technopole basé uniquement sur de l’information. Nous avons aussi le district industriel,
d’origine italienne, défini par « une entité socio-territoriale caractérisée par la présence active
d’une communauté de personnes et d’une population d’entreprises dans un espace géographique et
historique donné »36. Ce sont donc d’importantes agglomérations d’entreprises basées autour d’un
type de production précis. Il y a également la « learning region », « système qui se caractérise (…)
par sa faculté à attirer les compétences les plus recherchées et à capter la rente informationnelle »37.
Enfin la dernière forme de réseau d’entreprise est le milieu innovateur, « ensemble territorialisé
dans lequel des interactions entre agents économiques se développent par l’apprentissage qu’ils font
des transactions multilatérales génératrices d’externalités spécifiques à l’innovation et par la
convergence des apprentissages vers des formes de plus en plus performantes de gestion en
commun des ressources »38. Derrière cet aspect très théorique, l’étude dans les faits de l’existence
de ce type de réseaux montre leur succès. Le plus célèbre est celui de la Silicon Valley, zone intense
d’innovation caractérisé par de nombreuses interactions entre FMN et PME et également avec des
centres de recherche et des universités de renom. On peut également penser à la « learning region »
de Cambridge ou au technopole de Sophia Antipolis.
La présence locale des FMN est désormais véritablement prise en compte dans les stratégies
d’implantation de ces dernières. Elles ont une véritable responsabilité concernant l’économie de leur
pays d’origine car leur activité peut profiter à nombres d’entreprises plus petites et à des régions en
difficulté. Cet aspect territorial est directement lié aux relations que peuvent avoir les FMN avec les
Etats et leur place dans les politiques de ces derniers.

33
Porter M., 2000, “La concurrence selon Porter”, Village mondial, Paris
34
Callon M., 1991, « Réseaux techno-économiques et irréversibilité », dans Boyer R. et al., « Figures de
l’irréversibilité en économie », Ed. EHESS, Paris
35
Carluer F., 2006, « Réseaux d’entreprises et dynamiques territoriales : une analyse stratégique », Revue
Géographie, économie, société, Volume 8 2006/2, p.198
36
Beccattini G., 1992, « Le district marshallien : une notion socio économique », dans Benko G., Lipietz A.,
« Les régions qui gagnent, districts et réseaux », PUF, Paris
37
Carluer F., 2006, « Réseaux d’entreprises et dynamiques territoriales : une analyse stratégique », Revue
Géographie, économie, société, Volume 8 2006/2, p.198
38
Maillat D., Kebir L., 1993, « Learning région et systèmes territoriaux de production », Revue d’économie
régionale et urbaine, 3, 429-448
37
3. Economique : les relations FMN-Etats

Quand on parle de stratégies industrielles dans un monde globalisé comme le nôtre, on peut
facilement imaginer que les entreprises ont une liberté totale dans leurs décisions et leurs choix.
Dans les faits, et le phénomène est accentué avec l’importance de l’entreprise, l’influence des Etats
et les décisions gouvernementales jouent un rôle majeur dans le développement international des
FMN. Outre les politiques d’aménagement du territoire évoquées précédemment, certaines
entreprises vont, du fait de leur importance et de leur réputation notamment, être une sorte
d’étendard international pour le pays dont l’entreprise est originaire. Pour prendre le cas de la
France, des FMN comme l’Oréal ou des marques de luxe comme Dior, représente l’image de la
France à l’étranger. On retrouve la même similitude à l’étranger avec Coca Cola, Microsoft ou Nike
aux Etats Unis, Mercedes ou BMW en Allemagne ou encore Toyota au Japon. Que dire alors de
l’enseigne française Carrefour prise pour cible en Chine car représentant la France sur le territoire
chinois. Il est impossible de séparer les entreprises multinationales des pays dont elles sont
originaires.
Cette relation est d’abord purement économique. L’intérêt de chaque gouvernement est
d’accroître les exportations de son pays afin d’améliorer la balance commerciale. Le but est donc de
mettre en avant les entreprises capables de vendre ses produits à l’étranger. Pour rester en France,
lorsque le président de la république part en visite d’Etat à l’étranger, viennent avec lui nombre de
représentants d’entreprise afin de vendre leurs biens dans le pays en question. Il y a une relation
d’échanges entre les FMN et les Etats. Ces derniers auront tendance à être parfois plus souples dans
les lois misent en place quand il s’agit d’entreprises multinationales employant des centaines voir
des milliers de personnes dans le pays. Ce dernier point va au delà du seul territoire national. De
nombreux pays pratiquent des politiques d’attractivité, notamment par le biais des politiques
fiscales, afin d’attirer sur le territoire national de grands groupes étrangers. Maintenant que Toyota
est implantée en France, le gouvernement français ne prendra pas de mesures allant contre l’intérêt
de la firme japonaise. Cette situation se retrouve dans chaque pays. On peut aussi penser à des
actions menées en partenariat entre les FMN et les Etats. Quand la France milite à l’étranger pour
qu’Areva vende des centrales nucléaires, cela permet à la fois à l’entreprise de pouvoir avoir des
stratégies internationales intéressantes et à la France d’accroître sa position de leader dans le
domaine nucléaire. C’est donc un gain pour l’entreprise et pour le pays qui assoie sa politique
internationale. L’exemple le plus frappant de cette interaction permanent entre FMN et Etats est
celui de l’entreprise Airbus. Nous verrons ultérieurement que l’influence des décisions politiques
sur les décisions de l’entreprise est grande et que des pays comme la France et l’Allemagne sont
concernés au plus haut point par l’avenir de cette FMN.

38
Au final, les économies nationales peuvent profiter des FMN dont l’activité participe à la
croissance économique, permet des flux d’exportations et crée de l’emploi mais peuvent aussi être
pénaliser par des destructions d’emplois par ailleurs et par des importations devant soutenir
l’activité de l’entreprise. Dans le sens inverse, les FMN vont profiter de politiques
gouvernementales attractives dans certains cas mais vont aussi devoir d’autres cas suivre une ligne
directrice imposée par les Etats dans d’autres cas.

III. La Supply Chain dans ce contexte

A. De la logistique à la Supply Chain

1. Vers une vision large de la logistique

La logistique est un terme d’origine militaire qui désignait la logistique militaire nécessaire
pour assurer la mobilité des soldats et leur approvisionnement en vivres. Au début des années
soixante, avec la complexification des systèmes d’armement, fut crée le « Integrated Logistic
Support » par le département de Défense américain, terme traduit par soutien logistique intégré.
Très vite, le terme fut utilisé dans le cadre civil et élargi à tous les secteurs hors défense. En
entreprise justement, c’est le marketing qui a pris en compte, les premiers, les problématiques
logistiques. En effet, le terme « place » des « 4P » désigne la distribution physique des produits. Les
premières définitions de la logistique ne prennent d’abord en compte que des dimensions purement
physiques. Puis les définitions s’affinent avant d’arriver à une définition actuelle énoncée par le
CSCMP39 : « Logistics management is that part of SCM that plans, implements, and controls the
efficient, effective forward and reverse flow and storage of goods, services and related information
between the point of origin and the point of consumption in order to meet customers’
requirements »40.

39
Council of SCM Professionals
40
Selon Médan P.,Gratacap A., 2008, « Logistique et SCM », Ed. Dunod, Paris, p.13
39
Les éléments rentrant en compte dans le domaine logistique peuvent être visualisés avec le
schéma suivant :

Figure 4: Les composants du management logistique41

L’objectif final étant la satisfaction du client, Coyle à proposé une définition de la logistique
basée sur les « 7R »: « Logistics is to ensure the availability of the right product , in the right
quantity, ans in the right condition, at the right place, at the right time, for the right customer, at the
right cost »42.
A l’époque à laquelle nous vivons, il est dépassé de réduire la logistique à un secteur cloisonné au
sein de l’entreprise car elle est de toute évidence en intéraction permanente avec les autres secteurs
de l’entreprise. C’est pourquoi le terme de logistique laisse peu à peu place à celui de « SCM »
(SCM). Selon la définition du CSCMP, le SCM « englobe la planification et la gestion de toutes les
activités relevant de la recherche de fournisseurs, de l’approvisionnement et de la transformation,
ainsi que toutes les activités logistiques. Cela inclut notamment une coordination et une
collaboration entre les partenaires de la chaîne, qui peuvent être des fournisseurs, des
intermédiaires, des prestataires de services et des clients. Fondamentalement, le SCM intègre donc
la gestion de l’offre et la gestion de la demande dans l’entreprise et entre les entreprises »43. Cette
définition montre que le SCM se place à un niveau stratégique, tactique et opérationnel. L’intérêt
d’avoir défini ce concept réside dans le fait le SCM est l’adaptation de l’entreprise à la
globalisation. Cette définition rejoint d’ailleurs ce qui a été dit sur les stratégies internationales des
FMN. Dans le cadre de l’entreprise étendue, c’est au travers du SCM que les FMN vont pouvoir
bénéficier d’un avantage concurrentiel.

41
Médan P.,Gratacap A., 2008, « Logistique et SCM », Ed. Dunod, Paris, p.14
42
Coyle J., 1992, « The management of business logistics », West Publishing Company
43
Selon Médan P.,Gratacap A., 2008, « Logistique et SCM », Ed. Dunod, Paris, p.31
40
2. Des Supply Chain internationales

A partir de l’instant où le SCM se place, pour l’entreprise, comme une réponse à l’aspect
international de son activité, cela va nécessiter une réflexion en interne sur la manière de gérer cette
Supply Chain. La FMN va devoir s’interroger sur la conception d’unités spécialisées ou non, sur les
critères d’implantation des usines, sur la gestion en propre ou non de ces usines et sur le système
d’entreposage et de distribution. Si on s’intéresse de plus près aux critères d’implantation des
usines, on en remarque trois principaux44 : l’atteinte d’un coût total mondial minimal, la proximité
des marchés et, dans le cadre d’externalisation, la savoir faire existant dans les lieux d’implantation.
Le SCM vise à obtenir une optimisation de l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise. C’est
donc une vision globale qui va être adoptée. On distingue trois types de Supply Chain,
correspondant chacun à un niveau plus poussé de SCM. Un premier dans lequel chaque unité
travaille de façon isolée et peu coordonnée et dans laquelle l’optimisation porte sur la productivité
et l’excellence technologique. C’est l’organisation dite fonctionnelle et dans laquelle la coordination
entre les services se révèle souvent mauvaise. L’organisation est encore très portée amont. Une
deuxième dite intégration interne dans laquelle l’aval prend le dessus sur l’amont. La satisfaction du
client devient alors une préoccupation majeure. Il y a toujours une segmentation des activités de
l’entreprise mais certaines commencent à être regroupées. Une mise en place de processus
transversaux apparaît et la notion de Supply Chain commence à prendre son sens. Enfin la troisième
étape consiste dans une intégration externe (en opposition à l’intégration interne). Les
collaborations commencent à voir le jour avec des entreprises extérieurs et le client devient le point
centrale de la stratégie. Les processus ne se limitent plus à un simple outil de communication avec
fournisseurs et clients mais deviennent le support de partage d’informations. L’idée fondamentale
est que l’entreprise se situe dans un réseau plus large qu’elle et que pour améliorer ses propres
performances, elle se doit de contribuer à l’amélioration du réseau.
Du point de vue des FMN, on constate immédiatement les répercussions. La voie vers la
troisième étape est inévitable. Les relations avec les fournisseurs et les clients se font donc de
manière mondiale et le réseau en lui-même est un réseau d’entreprises devenu très complexe
répartis à travers le monde. Le concept de Supply Chain est donc un concept de dimension
planétaire si on s’intéresse aux FMN. Que ce soit les achats ou la distribution, les acteurs sont
internationaux et le concept de Supply Chain prend alors tout son sens et tout son intérêt.

44
Baglin G., 2005, « Management industriel et logistique : conception et pilotage de la Supply Chain », Ed.
Economica, Paris, p.121

41
3. Analyse des processus de la SC : le modèle SCOR

A partir du moment où le concept de Supply Chain est entré dans les modes de pensées des
entreprises, celles-ci se sont intéressées à la manière dont cette Supply Chain pouvait être optimisée.
C’est ainsi qu’en 1996 fut crée le Supply Chain Council (SCC), organisme ayant pour objectif de
développer des référentiels de processus logistiques et de mettre en place des critères et des
indicateurs de performance. Le travail de cet organisme permet non seulement de comprendre le
fonctionnement d’un Supply Chain mais aussi d’évaluer ses points généraux d’amélioration. C’est
dans ce contexte qui fut crée le modèle SCOR45. Il décompose la Supply Chain en cinq processus :
Plan (planification), Source (approvisionnement), Make (fabrication), Deliver (livraison) et Return
(retour). Il contient également quatre niveaux différents. Le niveau 1 est celui définissant les cinq
processus. Le niveau 2 est un niveau tactique qui permet de définir trente sous processus. Le niveau
3 est celui permettant aux entreprises de préciser de manière opérationnelle les trente sous
processus. Enfin le niveau 4 est propre à chaque entreprise car il leur permet de définir les tâches
relatives à leur activité. Ce modèle SCOR doit permettre l’optimisation des processus logistiques.
Ce modèle permet d’identifier les chemins critiques de la Supply Chain et ainsi donne une
vision globale et précise des potentiels d’amélioration. Grâce à la présence d’indicateurs, il permet
également de suivre et gérer les risques potentiels dans un cadre d’analyse connu. Le fait d’avoir
une vision globale de l’ensemble des processus et ce à différents niveaux permet à la Supply Chain
d’être plus réactive et de pouvoir évoluer rapidement. Il permet aussi d’avoir une capacité
d’adaptation importante concernant tous les événements pouvant intervenir sur la Supply Chain
comme les fusions ou l’implantation de nouveaux systèmes d’information. Il faut également lier ce
modèle aux autres pratiques existantes comme la méthode Six Sigma ou le Lean. D’ailleurs les
entreprises ayant rapidement mis en place le modèle SCOR en leur sein l’on compris : « Les
utilisateurs les plus avancés du modèle SCOR sont actuellement tournés vers cette convergence qui
leur assure une meilleure rentabilité de leur Supply Chain. Les gains issus de cette convergence
sont de 3 à 5 fois supérieurs aux investissements. (…). Globalement, les faiblesses de chaque
méthodologie sont comblées par la mise en œuvre combinée des trois démarches. Sans nul doute, la
Supply Chain tend ainsi vers l’excellence attendue par le marché et les actionnaires ! »46.
Ce modèle constitue donc une base solide pour développer une Supply Chain pertinente. Il
met en tout cas en exergue l’importance de la mise en place d’une Supply Chain pour n’importe
quelle entreprise. Les résultats de celles qui ont franchis le pas ne vient que le confirmer.

45
Voir modèle SCOR en Annexe
46
Paul J., Laville J-J., 2007, « le modèle SCOR, vecteur d’excellence de la Supply Chain », Supply Chain
Magazine, n° 13, Mars 2007, p.98
42
B. La Supply Chain, support de gestion de la complexité

1. Le processus d’intelligence logistique

Désormais, certains auteurs considèrent que la compétition internationale n’est plus entre
entreprises mais entre Supply Chains. Il faut donc plus s’intéresser aux réseaux d’entreprises
constituant les différentes Supply Chains plutôt que de se focaliser sur les entreprises une par une.
Le fait de s’intéresser à l’étude des Supply Chains montre à quel point les approches logistiques
sont dorénavant essentielles dans la compréhension des stratégies d’entreprise. C’est pourquoi le
SCM est un domaine en pleine expansion depuis une dizaine d’années et qu’on assiste à de
nombreuses publications académiques sur le sujet. C’est pourquoi également toutes les FMN
réorganisent petit à petit leurs Supply Chains.
Mais au delà des théories, la difficulté pour les entreprises va être d’adapter de manière
opérationnelle tous les concepts du SCM. C’est dans cette idée qu’est né le concept d’ « intelligence
logistique »47. Dans ce processus, il existe différentes étapes permettant de convertir de manière
opérationnelle les théories en SCM. La première étape consiste dans le fait d’appréhender le
contexte global c'est-à-dire chercher de manière intuitive et créative la traduction dans le contexte
de l’entreprise des théories en SCM. Ce sont alors des pistes de travail qui vont apparaître mettant
en jeu les différents acteurs de la Supply Chain et les interactions, flux, processus et risques
associés. Une fois cette étape accomplie, il faut stabiliser une modélisation globale c'est-à-dire
explorer les pistes de travail en effectuant un travail de recherche et d’approfondissement afin de
définir clairement la Supply Chain de l’entreprise. C’est en réalité la modélisation des processus et
des flux de l’entreprise. Ce sera ensuite choisir le point de focalisation de l’entreprise c'est-à-dire
associer le modèle et les aspirations stratégiques de l’entreprise afin d’identifier les points clés de la
Supply Chain de l’entreprise. Enfin la dernière étape consiste dans une anticipation de l’avenir de la
Supply Chain. Afin que cette dernière puisse s’adapter à son environnement, il est nécessaire
d’avoir une réflexion sur les transformations éventuelles et sur les risques pesant sur la Supply
Chain.
Pour les décideurs logistiques au sein de l’entreprise, ce processus est vital afin de profiter
pleinement des avantages procurés par une Supply Chain efficace.

47
Roussat C., Fabbes-Costes N., 2008, « Une démarche d’exploration prospective : le processus d’intelligence
logistique », Management et Avenir, n°17 2008/3, p.199
43
2. La Supply Chain externe

La Supply Chain externe s’inscrit dans le contexte d’entreprise étendue puisqu’ elle consiste
dans une Supply Chain dite « interorganisationnelle ». Le premier but d’une telle Supply Chain est
de « redessiner les frontières commerciales, ingénieriques, industrielles et logistiques entre
plusieurs organisations, juridiquement distinctes mais liées par et sur un même marché en projetant
sur celles-ci un modèle de gestion par flux susceptible d’autoriser un pilotage stratégique et
logistique des flux de l’ensemble des firmes impliquées »48. Comme pour l’entreprise étendue, c’est
une entreprise principale qui va être à l’impulsion de cette Supply Chain externe. Cette entreprise va
se distinguer par sa position dominante sur le marché. Avec une Supply Chain externe, on passe
d’une démarche transactionnelle à une démarche relationnelle c'est-à-dire d’une logique de
compétition à une logique de coopération. Ce concept rejoint ce qui a été dit précédemment : la
Supply Chain externe revient à être une « quasi-firme » et on peut désormais parler de compétition
entre Supply Chains et non plus entre entreprises tant les acteurs vont être liés entre eux et avoir des
objectifs et des aspirations communes. Le schéma suivant permet de montrer les acteurs de cette
Supply Chain externe.

Figure 5: Les acteurs de la Supply Chain externe49

48
Colin J., 2005, « Le SCM existe-t-il réellement ?», Revue française de gestion, n°156 2005/3, p.142
49
Colin J., 2005, « Le SCM existe-t-il réellement ?», Revue française de gestion, n°156 2005/3, p.142

44
Le premier secteur à avoir mis en place une telle Supply Chain et celui de l’automobile qui
dès les années quatre vingt a commencé à intégrer les fournisseurs dans le cycle de conception, de
production et d’approvisionnement des véhicules. Cela à commencé par des sous traitances puis des
externalisations plus poussées. La mise en place du juste-à-temps à également accélérer la mise en
place de Supply Chain externes. D’un point de vue plus stratégique, la mise en place en 1986 du
standard communautaire EDI-ODETTE accepté par tous les constructeurs et équipementiers
automobiles présents en Europe a permis à des entreprises concurrentes de s’associer afin d’éviter
d’avoir à développer des outils informatiques spécifiques à l’issu de chaque nouveau contrat. Outre
l’automobile, c’est également la grande distribution qui a intégré le concept de Supply Chain
externe dans un démarche de généralisation des flux tendus. Une Supply Chain externe permet de
« diminuer les risques d’échec de nouvelles références introduites sur le marché (…) ; élargir la
gamme de l’offre proposée (…) ; réduire les coûts de mise en marché en partageant des ressources
logistiques et en diminuant les stocks tout au long de la chaîne ; synchroniser les flux de production
(…) ; et améliorer la réactivité de tous les acteurs et la qualité des prévisions. »50. La Supply Chain
externe peut aller jusqu’au client final dans les processus de production de type build-to-order
comme chez Dell par exemple. C’est la commande du client qui va entraîner le fonctionnement de
la Supply Chain.

3. Des Supply Chain en mutations

La globalisation pousse les entreprises à devoir concilier productivité et flexibilité


engendrée par la segmentation de plus en plus forte des marchés. La première incidence repose,
comme vu précédemment, sur une spécialisation des unités de production. Cette spécialisation
permet aux entreprises d’effectuer des économies d’échelle en concentrant la production sur
quelques sites spécialisés et permet également d’avoir des effets d’expérience sur les productions.
Les sites de production deviennent des sites spécialisés dans la production d’un seul produit (Nestlé
par exemple fabrique toutes les barres chocolatées Lion dans une seule usine). Les implications
logistiques d’abord être la nécessité pour les FMN de reconstituer les gammes de produits dans
chaque pays. Il va donc falloir acheminer les produits des usines répartis géographiquement vers
chaque marché local. Cela va engendre des flux d’approvisionnement des produits afin de
reconstituer les gammes puis des flux locaux de distribution une fois les gammes reconstituées. Cela
va nécessiter une précision de la demande locale et une bonne planification de la distribution ainsi
qu’une traçabilité des produits afin de synchroniser les flux. Les systèmes d’information ont donc
un rôle important à jouer. Les problèmes en résultant résident dans le coût de possession des stocks

50
Colin J., 2005, « Le SCM existe-t-il réellement ?», Revue française de gestion, n°156 2005/3, p.145
45
en cas de demande incorrectement établie et la responsabilité des différentes composantes de la
chaine en cas de problème. La Supply Chain en amont se complexifie par l’apparition de plus
d’acteurs et par leurs interdépendances. Le phénomène de délocalisation engendre également des
modifications dans la Supply Chain car les lieux de production ne correspondent pas aux lieux de
vente des produits. Les coûts de relocalisation des produits doivent donc être mesurés dans toute
stratégie de délocalisation. Il faut également mentionner le « p-manufacturing », « activité de
production réalisée en dehors des sites d’usine, en amont (pré-manufacturing) ou en aval (post-
manufacturing) et au cours de laquelle une valeur ajoutée, (…), est apportée à un produit »51. Cela
peut prendre la forme d’une différenciation retardée des produits, d’un traitement des flux de retour
des produits ou d’une simplification du processus de fabrication.
Sur un point de vue plus aval, le rôle des distributeurs est grandissant. La place étant donnée
maintenant à la satisfaction du client, les distributeurs sont le lien entre industriels et clients finaux.
En terme de logistique, c’est la grande distribution qui est le plus souvent en avance sur les autres
canaux de distribution. On peut évaluer plusieurs tendances de fond quand au rôle de la distribution
sur les Supply Chain. La cadence des réapprovisionnements est un enjeu majeur. Alors qu’autrefois
cette cadence était au mieux de plusieurs livraisons par semaine, la norme aujourd’hui (surtout dans
la grande distribution) est d’avoir une livraison par jour. On se dirige même vers plusieurs
livraisons par jour de taille plus faible. La complexité s’accroît donc pour les industriels. Dans cette
logique de réapprovisionnement, la transmission en temps réel des informations doit permettre de
déclencher des ordres de réapprovisionnement automatique. Il est important également de constater
que les liens entre logistique amont et aval tendent à se développer notamment lors des opérations
de différenciation retardée. Comme vu précédemment, ce type de procédé tend à se développer et
les distributeurs jouent un rôle primordial afin de réduire les coûts de ce type d’opérations pour les
industriels. Ils permettent, par une automatisation des remises en caisse par exemple, d’éviter aux
industriels de développer des conditionnements ou des conditions de vente particulières engendrant
des coûts de production supplémentaires. Les conditions de vente en fonction de la période jouent
également un rôle dans les changements au sein de la Supply Chain. La multiplication des produits
et l’hyper segmentation des marchés poussent les distributeurs et les industriels à s’adresser de
manière de plus en plus individualisée aux consommateurs et à mettre en place des opérations de
vente spécifiques nécessitant des systèmes d’approvisionnement en conséquence. Enfin on
commence à voir se dessiner une relation industriel-distributeur de plus en plus poussée avec des
systèmes de paiements à la vente au client final et plus à la quantité approvisionnée. On constate
que les implications provenant de la volonté de satisfaction du client final sont grandes sur la
Supply Chain. On considère généralement désormais que le pilotage de la Supply Chain s’effectue

51
Dornier P-P., Fender M., 2007, « La logistique globale et le SCM », Ed. Eyrolles, 2e édition, Paris, p.199
46
par l’aval et non plus par l’amont comme c’était le cas auparavant. La globalisation est passée par
là.

C. La Supply Chain, une vision managériale

1. Le SCM à développer en France

Après avoir vu que l’avenir du SCM se situe dans la Supply Chain externe, il est intéressant
d’évaluer la place de la Supply Chain dans les entreprises françaises. Une étude52 menée par F. El
Ouardighi, P. de Giovanni et J.C. Tarondeau a soulevé beaucoup de points intéressants quant au
développement du SCM en France. Environ deux tiers des entreprises françaises ont une structure
interne dédiée à la Supply Chain. Si on ne prend en compte que les FMN, la totalité d’entre elles en
dispose. Le premier point important à aborder est le fait que seuls quelques points précis de la
Supply Chain sont réellement pris en compte par les entreprises. En effet, les approvisionnements,
la production et la distribution, c'est-à-dire les fonctions vitales, sont les seules à être intégrées dans
un grand nombre d’entreprises en France. En revanche, les fonctions apportant une réelle valeur à
une Supply Chain, c'est-à-dire la comptabilité, les achats, les services et les systèmes d’information
sont généralement non intégrées à une stratégie d’ensemble. Or la fonction achat et les systèmes
d’information sont devenus aujourd’hui des éléments vitaux pour améliorer le fonctionnement de la
Supply Chain de l’entreprise. Que dire alors du marketing, fonction totalement séparée à l’heure
actuelle et qui pourtant fonctionne en relation étroite avec la Supply Chain. Les entreprises semblent
donc globalement mal préparées pour mettre en place des techniques efficaces de SCM.
Les entreprises différencient aujourd’hui leurs motivations à mettre en place une Supply
Chain par des facteurs internes et externes. Les facteurs internes sont en priorité la réduction des
stocks, les économies d’échelle, la baisse du cycle de production et le partage de l’information. Les
facteurs externes sont l’augmentation de la satisfaction clients, la réduction des délais de livraison et
la recherche de la qualité et de la réactivité par rapport aux marchés. Les entreprises françaises
semblent être restées à un stade uniquement opérationnel dans leur gestion logistique. Dans
beaucoup de cas, une fois que des outils comme le MRP est mis en place, les autres améliorations
ne sont pas vues comme vitales. Les difficultés que semblent rencontrer les entreprises pour être au
niveau des FMN ou des entreprises anglo saxonnes, sont sur des points de vue managériaux,
techniques et financiers. Techniques notamment, par la difficulté de mettre en place des systèmes
d’information efficaces, et financiers par l’inégalité de la répartition de la richesse créée. Mais le

52
El Ouardighi F., de Giovanni P., Tarondeau J-C., 2008, « L’expérience française du SCM», Revue française
de gestion, n°186 2008/6, p.89-116
47
point fondamental concerne les difficultés managériales. Comme vu précédemment, le SCM
nécessite une forte implication des dirigeants et une prise de conscience collective non seulement au
sein de l’entreprise mais aussi avec les partenaires. Or c’est le point le plus difficile à régler pour les
entreprises car c’est le point de départ de tout succès éventuel. Si les dirigeants ne prennent pas
conscience des enjeux et des bénéfices à faire les efforts nécessaires pour avoir un Supply Chain
performante, bon nombre d’entreprises françaises prendront le risque d’accumuler un retard
préjudiciable par rapport à des concurrents qui, eux, auront compris l’intérêt du SCM.

2. Anticiper plutôt que subir

Il suffit d’étudier le cas de quelques entreprises leader sur leurs marchés pour se rendre
compte que la Supply Chain est un potentiel avantage concurrentiel majeur pour les entreprises et
encore plus pour les FMN. Il suffit de s’intéresser à Dell, Amazon, Wal Mart ou Airbus pour s’en
rendre compte. Ces entreprises sont sans cesse en train d’apporter des modifications et des
innovations à leurs Supply Chains afin de ne pas être sans cesse en phase de rattrapage par rapport
aux concurrents mais pour au contraire créer les conditions leur permettant de disposer de
l’avantage concurrentiel. Le but pour les entreprises à travers leur Supply Chain doit véritablement
être de créer les conditions nécessaires à l’entreprise pour suivre une stratégie de croissance bien
définie. On ne peut donc pas envisager la création ou l’évolution d’une Supply Chain sans avoir une
vision stratégique et surtout managériale. Ce sont en premier lieu des hommes qui vont devoir
mener des réflexions internes afin de développer des axes de développement sur la Supply Chain et
donc des axes de développement pour l’entreprise tout entière.
Les managers doivent maitriser cinq paramètres dans leur gestion de la Supply Chain. Ils
doivent maitriser les stratégies « d’opérations, d’externalisation, de distribution, de service client et
d’actifs »53. Ce sont les stratégies inhérentes à chaque Supply Chain. La stratégie des opérations
consiste dans le mode de fabrication des produits (sur stock, configuration à la commande,
fabrication à la commande ou conception à la demande) ; la stratégie de distribution consiste dans le
circuit de vente du produit final (distributeurs, détaillant, vente en propre physique ou par Internet) ;
la stratégie d’externalisation renvoie à l’appel à des partenaires extérieurs pour améliorer une partie
de la chaine de valeur du produit ; la stratégie de service client consiste dans l’évaluation des
priorités entre les clients (valeur de chaque compte, niveau de service) ; et la stratégie des actifs
renvoie notamment à la gestion des usines, entrepôts et équipement de production et à leurs
emplacements, leur taille et leurs fonctions. La maîtrise et la connaissance des ces cinq stratégies
53
Cohen S., Roussel J., 2005, « Avantage Supply Chain », Editions d’Organisations, Paris, p.36

48
sont le premier point fondamental que doivent parfaitement maîtriser les managers en Supply
Chain. Ils doivent en avoir une vision globale car ils ne peuvent être analysé individuellement mais
doivent être considérés comme des éléments interdépendants.
L’autre point fondamental montrant que le pilotage de la Supply Chain se fait de manière
managériale se situe sur le fait que les entreprises doivent adapter leur Supply Chain en premier lieu
à la stratégie globale de l’entreprise. Les managers doivent pouvoir faire fonctionner la Supply
Chaine en fonction de la stratégie globale de l’entreprise. Quand cette stratégie est l’innovation, la
Supply Chain doit pouvoir être performante dans son time-to-market et son time-to-volume. Quand
c’est une stratégie basée sur la baisse des coûts, la Supply Chain doit pouvoir bénéficier
d’infrastructures efficaces et peu coûteuses. S’il s’agit d’une stratégie de service, la Supply Chain
doit être au service du client avec notamment un service client performant. Si enfin c’est stratégie
basé sur la qualité, c’est la fiabilité des processus et la présence de contrôle qualités qui seront au
cœur de la Supply Chain. Les managers vont également devoir prendre en compte les besoins et
aspirations des clients de l’entreprise. Les besoins seront différents si les clients sont d’autres
entreprises ou des clients finaux. La Supply Chain devra s’adapter. L’exemple de Michelin va être
révélateur. La marque vend à la fois des pneumatiques aux constructeurs et aux particuliers. La
logistique sera différente entre les constructeurs et les particuliers du fait des volumes et du mode
d’approvisionnement. La Supply Chain doit pouvoir s’adapter à ces contraintes. Cela peut être
également le cas avec des différences entre les segments de marchés. Dernier point important du
point de vue managérial, la taille de l’entreprise va être primordiale. Le rapport de force avec les
clients ou les fournisseurs sera différent en fonction de la position de l’entreprise sur son marché.
Les exemples frappants d’avantage concurrentiel par la Supply Chain sont des entreprises
importantes voir très importante qui peuvent se permettre d’imposer leurs conditions à leurs
partenaires et ainsi optimiser le fonctionnement de leurs Supply Chains. Le volume d’activité de
l’entreprise va aussi rentrer en ligne de compte car il va déterminer le poids de l’entreprise sur son
marché. C’est ainsi également qu’une Supply Chain efficace va s’articuler autour de clients ou de
fournisseurs clés qui vont être à la base de la stratégie logistique.
Tous ces points montrent à quel point la gestion d’une Supply Chain ne répond pas
uniquement à des points opérationnels et purement économiques mais répond également à
d’importantes réflexions et suit des logiques stratégiques pures.

49
3. Trois niveaux de processus dans la Supply Chain

Nous pouvons terminer cette partie en synthétisant les trois niveaux qui régissent
l’application et le fonctionnement des processus logistiques : le niveau opérationnel, le niveau
tactique et le niveau stratégique. Le niveau opérationnel correspond aux processus d’exécution des
différents maillons de la chaine logistique. Le niveau tactique correspond à l’adaptation aux
événements se produisant autour de l’activité de l’entreprise. C’est l’utilisation des données récentes
du marché. Le niveau stratégique est celui qui s’avère le plus intéressant lorsqu’on évoque le SCM
puisqu’il « prend en compte les opportunités et les contraintes logistiques aux différentes étapes-
clés du cycle de vie du produit (…) et doit prioritairement s’intéresser aux interfaces critiques en
mettant l’accent sur les compromis conduisant à des solutions optimales plus globales en termes
économiques. C’est l’objectif-clé de ce niveau de planification de la Supply Chain pour lequel la
rentabilité des actifs et totalement partie prenante »54. A ces trois niveaux, il faut rajouter le fait que
chacun s’applique aux différents flux de l’entreprise (physiques, financiers, informationnels). Enfin,
le SCM implique automatiquement la prise en compte des activités des autres secteurs de
l’entreprise notamment la conception des produits et des offres de services, les achats et les
approvisionnements, le marketing et les ventes et le manufacturing. La prise en compte de toutes
ces données peut être synthétisée dans le tableau suivant :

Tableau 2: Nature des interfaces critiques avec le SC Planning55

54
Dornier P-P., Fender M., 2007, « La logistique globale et le SCM », Ed. Eyrolles, 2e édition, Paris, p.334
55
Dornier P-P., Fender M., 2007, « La logistique globale et le SCM », Ed. Eyrolles, 2e édition, Paris, p.335
50
Partie II : Etudes de stratégies logistiques de FMN

I. Un modèle illustratif : Airbus

A. Présentation de la firme

1. Historique

A l’origine, Airbus provient du consortium Airbus Industrie crée en 1970 sous la forme
d’un GIE (Groupement d’Intérêt Economique). Il regroupait des segments aéronautiques civils de
firmes européennes. Celles-ci, après diverses évolutions et concentrations nationales, allaient
devenir Aérospatiale pour la France, DASA pour la RFA et British Aerospace pour la Grande-
Bretagne, auxquels s’ajouta CASA pour l’Espagne. L’objectif était de développer un type d’avion
de transport civil qui puisse entrer en concurrence avec les avionneurs américains tels que Boeing.
Ce GIE fut le résultat d’une volonté politique franco-allemande et d’évolutions propres au secteur
aéronautique. Cette coopération avait pour avantage de développer une structure autonome qui
répondait à deux éléments : organiser et coordonner le système productif et assurer la
commercialisation. C’est en 1999 que se sont restructurés et concentrés les segments d’activités du
GIE. D’abord, a lieu un mariage entre Aérospatiale et Matra qui a restreint la part de l’État dans la
nouvelle société. S’en est suivi un regroupement européen, lequel a donné lieu à la création
d’EADS (European Aeronautic Defence and Space Company), entreprise de droit privé, cotée en
bourse et dont le siège est fixé à Amsterdam. Cette firme est organisée en quatre divisions. La
première est la division « Espace » (Astrium et Ariane), « Missiles et avions militaires »,
« Hélicoptères » (Eurocopter) et « Airbus », devenu aujourd’hui AIC (Airbus Integrated Company).
AIC a désormais une complète autonomie de gestion. Elle devient petit à petit une firme européenne
intégrée qui hérite d’une organisation industrielle. Aujourd’hui le siège social d’Airbus se situe à
Blagnac près de Toulouse. Le PDG depuis août 2007 est l’allemand Thomas Enders. Airbus compte
plus de 1500 fournisseurs répartis dans 30 pays et compte 47600 employés. C’est l’un des fleurons
de l’économie française et européenne et compte pour principal concurrent l’entreprise américaine
Boeing.

51
2. Contexte

La concurrence est aujourd’hui féroce entre les deux géants de l’industrie aéronautique que
sont Airbus et Boeing. Depuis le début des années 60 les deux constructeurs rivalisent pour être
leaders du marché de l’aéronautique. Actuellement afin de devenir leader, chacun mène une
stratégie différente. Airbus s’est engagé dans la voie des très gros porteurs avec le lancement de
l’A380 qui doit permettre d’assurer une crédibilité de la firme. Cet avion a permis de relancer les
commandes de l’avionneur européen même si les prévisions sont que la rentabilité de cet avion sera
faible à long terme. Pour contrer cet avion, Boeing à lancé son 787 pour lequel il a connu de
grandes difficultés de conception et de fabrication avec de nombreux retards chez ses sous traitants.
Boeing vise néanmoins un créneau différent de celui d’Airbus avec des avions intermédiaires entre
les petits avions d’Airbus et les gros porteurs. Avec le 7E 7 pouvant aller jusqu'à 15 400 kilomètres,
Boeing vise les besoins des compagnies aériennes d’avoir des escales plus diversifiées, même à
longue distance et sur des aéroports plus régionaux.
Le fait que les deux constructeurs soient l’enjeu de luttes politiques accroît les tensions
entre eux. Chacun bénéficie de l’aide de l’Etat américain pour l’un à l’aide de subventions
déguisées et de l’Union Européenne pour l’autre. En effet, les constructeurs américains d’avions
bénéficient des recherches militaires pour le compte de la Nasa ou du Pentagone et peuvent profiter
des nouvelles technologies développées et du savoir faire. Airbus lui n’a pas bénéficié des
retombées de recherches militaires. Airbus fait appel à des aides remboursables de la part des Etats
nationaux de la firme (France, Allemagne, Angleterre et Espagne). Le prêt est remboursé en cas de
succès commercial futur. C’est une lutte sans merci qui est engagé sur un marché duopolistique
mais sur lequel une entreprise chinoise, Avic, tente de faire son apparition. Ce troisième acteur
pourrait dans le futur venir concurrencer partiellement les deux géants grâce à une technologie de
pointe et des brevets exclusifs.

52
B. Un exemple d’entreprise étendue

1. Une organisation productive européenne et le rôle de l’externalisation

Airbus a développé au cours des années une division des tâches productives entre différents
sites répartis en Europe. Chacun est spécialisé en fonction de certaines compétences qui se sont
perfectionnées au fil des années. Désormais chaque site de production est un véritable spécialiste
dans son domaine et il ne viendrait pas à l’esprit de l’entreprise de modifier des attributions. La
carte suivante montre les différents établissements d’Airbus en Europe :

Figure 6: Les établissements d'Airbus en Europe56

56
Zuliani J-M., Jalabert G., 2005, « L’industrie aéronautique européenne : organisation industrielle et
fonctionnement en réseaux », EG, 2005-2, p.121

53
Il y a quatre principaux pôles d’activités dans le système d’Airbus : le pôle anglais de
Bristol, le pôle allemand d’Hambourg, le pôle espagnol de Madrid et évidemment le pôle français
de Toulouse. A Bristol sont conçus et construits les voilures des avions. Le pôle anglais est
spécialisé dans la recherche et l’ingénierie et emploi environ 10 000 personnes entre les sites de
Bristol et Chester. Le site allemand est lui le site principal d’Airbus. Plusieurs petites villes
accueillent des établissements Airbus, chacune étant spécialisée dans une fonction très précise. Le
site de production principal est celui de Finkenwerder qui emploi 8000 salariés et qui s’occupe
notamment de l’étude de l’ensemble des structures, de la production des tronçons de fuselage, de
l’hydraulique et de la personnalisation des avions. Ce site à un rang d’ « assembleur » pour une
partie des petits avions et même un rôle de livreur pour l’A380. Ce site prend donc une importance
grandissante. C’est au final près de 15 000 salariés qui sont employés en Allemagne. Le site
espagnol est plus spécialisé dans les avions militaires et a une compétence particulière dans les
matériaux composites. C’est environ 5000 salariés qui travaillent pour le compte d’Airbus dans
cette région. Ce nombre tend à s’accroître avec le site de Séville destiné à l’assemblage de
l’A400M. Enfin le site français de Toulouse-Blagnac a une fonction d’assemblage de tous les
éléments de l’avion. C’est à partir de ce même site que sont livrés les avions. Il existe d’autres sites
en France tels que celui de Méaulte en Picardie qui s’occupe des pointes avant des avions ou celui
de Saint Nazaire qui monte les fuselages. C’est au total pas loin de 20 000 personnes qui sont
salariés de Airbus en France. Une telle organisation est à la fois stratégique et politique du fait que
la direction de l’entreprise est à la fois française et allemande ce qui influe inévitablement sur les
stratégies industrielles de la firme.
L’une des particularités d’Airbus est que la firme cherche à effectuer ses opérations de sous
traitance proche de ses sites de production ou d’assemblage. Ainsi dans la région toulousaine, un
grand nombre d’entreprises sont totalement au service de la FMN. Ces entreprises sont appelées
équipementiers ou « systémiers ». Certains de ces systémiers vont même jusqu'à déplacer leurs
usines pour être au plus proche du site de Blagnac. Ce fut par exemple le cas de Thalès Avionics qui
déplaça en 2001 son usine de Vélizy en région parisienne pour aller à Toulouse. Le terme de
systémier « désigne de véritables partenaires d’Airbus ayant la responsabilité financière et
technique d’un module en « risque partagé », investissant eux-mêmes dans la recherche-
développement, mais s’assurant en contrepartie pour la durée de vie du programme la livraison et
l’entretien des ensembles produits »57. Ce type de fonctionnement permet à Airbus de se séparer de

57
Zuliani J-M., Jalabert G., 2005, « L’industrie aéronautique européenne : organisation industrielle et
fonctionnement en réseaux », EG, 2005-2, p.123

54
la conception de certaines parties des avions tout en gardant un contrôle très fort sur leur
développement. Nous avons également vu précédemment que les relations entre les Etats et les
FMN sont importantes notamment dans la politique d’aménagement du territoire. Cela s’illustre à
travers Airbus qui permet de par son activité, de créer un véritable pôle d’emploi dans la région
toulousaine, les systémiers ayant eux même recours à la sous traitance vers des PME généralement.
C’est ainsi que dans la région Midi-Pyrénées, c’est plus de 350 entreprises industrielles et 150
entreprises de services qui fonctionnent dans le cadre de l’activité du constructeur aéronautique
européen. Au delà des emplois crées, c’est également un pôle universitaire et de recherche qui s’est
développé. Cette apparition des systémiers dans le plan industriel d’Airbus résulte de la volonté
d’Airbus de s’adapter à la globalisation en mettant en place une production modulaire. Nous verrons
plus loin en quoi consiste plus précisément ce système.

2. Une logistique en conséquence

Afin de relier et coordonner les différents sites de production de l’entreprise, Airbus se doit
de se doter d’une logistique interne efficace. La firme à développé un avion uniquement destiné au
transport des différentes pièces d’un site à l’autre. Cet avion est le « Beluga » (voir photo en
annexe).
Il offre la plus grande capacité d'emport de tous les avions militaires ou civils en service. Il
peut emporter une charge allant jusqu'à plus de 50 tonnes sur une distance maximale de 2 779 km. Il
existe cinq exemplaires du Beluga. Il peut également être utilisé pour transporter des charges
exceptionnelles comme des satellites, des engins spatiaux, des véhicules militaires ou peut être
utilisé pour des opérations humanitaires. Cet avion est un outil indispensable à Airbus pour pouvoir
transporter les pièces construites aux quatre coins de l’Europe vers les sites d’assemblage de
Toulouse et Hambourg. Mais pour la construction de l’A380, cet avion ne suffit pas et Airbus a du
développer d’autres modes de transports et adapter sa logistique en conséquence. C’est ainsi que fut
développer pour acheminer les ensembles et sous ensembles de l’avion, le navire « ro-ro » (roll-
on/roll-off) et l’Itinéraire à Grand Gabarit (IGG).
Le navire « ro-ro » permet de faciliter et d’accélérer le chargement des parties de l’avion. Il
effectue un trajet précis, partant de Hambourg pour aller d’abord en Angleterre à Mostyn. Le navire
va ensuite à Saint Nazaire pour recevoir de nouvelles pièces avant de se diriger vers Pauillac dans
l’estuaire de la Gironde. A ce même endroit les pièces en provenance de Cadix en Espagne arrivent
et le tout est acheminé par barges à Langon en bout d’estuaire de la Gironde. Une difficulté
importante se présente car ces barges de 70m de long ne peuvent naviguer qu’à marée basse afin de
passer sous le Pont de Pierre à Bordeaux. La hauteur du chargement de ces barges peut atteindre

55
plus de 11m. La suite du parcours s’effectue grâce à l’IGG. Les différentes parties de l’avion sont
convoyées sur des remorques qui circulent de nuit et une fois par semaine afin de relier Langon et le
site de Blagnac. Cet IGG à nécessité un aménagement du parcours du fait de la taille des
chargements : hauteurs de 14m, largeurs de 8m et longueurs de 50m. C’est par conséquent en
accord avec l’Etat et les collectivités territoriales que des modifications ont été effectuées. C’est
finalement 5 déviations, 4 pistes dédiées d’évitement, 10 aménagements à l’intérieur des villes
traversées et 80 chantiers réalisés en trois ans. C’est un investissement considérable que fut effectué
par l’entreprise afin de pouvoir acheminer ses pièces. C’est une logistique considérable et hors
mesure qui existe donc chez Airbus engendrée par les volumes et poids transportés et distances
parcourues.

Figure 7: La logistique des éléments de l'A38058

58
Zuliani J-M., Jalabert G., 2005, « L’industrie aéronautique européenne : organisation industrielle et
fonctionnement en réseaux », EG, 2005-2, p.129

56
3. Comparaison avec Boeing

Le constructeur américain et concurrent d’Airbus à décidé d’effectuer une redistribution de


ses activités à l’échelle nord-américaine et nord-pacifique. C’est environ 35 % des sous-ensembles
qui sont fabriqués au Japon, en ciblant les compagnies aériennes clientes comme Japan Airlines et
AllNippon Airways. Le travail est réparti en trois groupes : les divisions aérospatiales de Mitsubishi
pour les caissons de voilures, Fuji pour les caissons centraux et les logements du train d’atterrissage
et Kawasaki pour une partie des tronçons avant et des bords de fuite fixes. Le tout transporté par
porte-conteneurs dans des emballages spécifiques depuis les ports japonais jusqu’au Etats Unis au
port d’Everett et ses 180m de jetée pouvant accueillir des éléments de 43m de long et de 11 m de
hauteur. Des trains spéciaux ont également été développés afin d’acheminer les pièces jusqu’à la
nouvelle usine d’assemblage final. Des tranches horaires réservées ont été accordées à Boeing dans
ce contexte afin de permettre le passage des convois spéciaux. Si Boeing a choisi de créer sa
nouvelle usine à Everett, c’est pour les mêmes raisons qu’Airbus. D’abord la complémentarité des
activités d’assemblage avec les bureaux d’études. Ensuite le fait que deux partenaires majeurs,
Alenia et Vought Aircraft, ont accepté de se localiser à proximité même des usines de montage,
pour y réaliser les tronçons avant et arrière de l’avion. Cette proximité permet de faciliter
l’intégration du travail de ses deux équipementiers sur la base de ce que fait Airbus dans la région
toulousaine. Toujours dans l’esprit de la firme européenne, Boeing a transformé trois de ses
appareils 747-400 en avions cargos sur le modèle du Beluga lui permettant de transporter les autres
ensembles de l’appareil, soit depuis ses propres usines de Winnipeg, de Tulsa et de Wichita.
Néanmoins Boeing se dirige peu à peu vers une rétrocession de plusieurs de ses sites et de ses
installations à d’autres entreprises dans le secteur militaire comme déjà fait à Saint-Louis avec GKN
Aerospace, à Spokane avec Triumph, ou à Corinth avec Labinal. Cette stratégie d’externalisation
vise à ne conserver à terme que les activités de concepteur et d’assembleur final, le tout concentré
dans l’État de Washington car comme pour l’intervention de l’Etat dans l’IGG d’Airbus, cet Etat a
apporté une aide importante à Boeing par la réduction à long terme d’impôts estimés à 3,2 milliards
de dollars. C’est aussi plus de 10 M$ qui ont été avancés pour la construction d’un nouveau bureau
d’études. C’est enfin divers lourds travaux d’infrastructures qui ont été entrepris en matière routière
et aéroportuaire afin que puissent y atterrir les avions cargos747 venant des autres sites de
production.

57
C. Le Plan Power 8

1. Power 8 : le plan de réaction à la montée du taux de change euro/dollar

A partir d’avril 2007, le taux de change euro/dollar a subi de très fortes fluctuations. L’euro
s’est considérablement apprécié pendant 15 mois consécutifs entre le 27 avril 2007 et le 15 juillet
2008 passant d’un taux de 1,3682 dollar pour un euro à un taux record de 1,6038 dollar pour un
euro. Cette incroyable appréciation résultait de la montée de l’euro comme devise internationale.
C’est en partie la conséquence de la forte libéralisation des échanges induite de la globalisation
favorisant les fluctuations monétaires internationales. Or cette montée de l’euro à des effets pervers
considérables pour les entreprises produisant dans une zone euro et vendant dans une zone dollar.
De grandes FMN ont vu leurs bénéfices baisser du fait des évolutions. Airbus fut fortement touché
par cette montée de la devise européenne. Le fait que la production se fasse dans une zone euro rend
le coût du travail et de la main d’œuvre plus cher. Dans le même temps, une grande partie de la
vente d’avions se faisant en dollar, les contrats passés perdaient de leur valeur conduisant Airbus à
souffrir des deux cotés de ce taux de change fluctuant.
Cela associé au retard de deux ans de l’A380 et à des erreurs de coordination entre les
systèmes d’information, Airbus a dû mettre en place un plan de restructuration visant à faire des
économies drastiques afin de refonder le business model du constructeur. Ce plan appelé « Power
8 » visait une économie de 2,1 milliard d’euros entre son lancement en février 2007 et 2010. La
première étape de ce plan était la suppression de 10 000 postes dans sa chaîne de fabrication
(incluant les sous traitants). L’objectif est d’atteindre les 650 millions d’euros d’économie grâce à
des implantations dans des zones dollar. C’est donc en partie un large plan de délocalisations et
d’externalisation qui est déployé. Le but est d’augmenter la part des achats hors Europe avec pour
objectif chiffré de passer de 67% à 50%. Cela passe notamment par des implantations dans des pays
à bas coûts comme la Tunisie dans lequel une usine a été construite et qui va accueillir une partie
des activités des sites de Méaulte et Saint Nazaire, ou des pays à forte compétence comme l’Inde et
son centre d’activité de Bangalore. L’un des volets de Power 8 est le projet « Zéphir » qui vise à
externaliser sept usines européennes. C’est pour l’instant le seul véritable échec de Power 8. Pour
Thomas Senders, le PDG d’Airbus, « des mesures supplémentaires pour améliorer notre base de
coûts et notre efficacité sont nécessaires pour assurer la compétitivité à long terme de notre
entreprise. En continuant notre internationalisation nous assurons notre croissance, nous profitons
de structures de coût plus faibles, nous accédons aux talents sur une base mondiale et,

58
simultanément, soutenons l'emploi et le cœur de nos compétences en Europe »59. Pour le PDG
d’EADS, Louis Gallois, « chaque fois que le dollar perd 10 centimes, nous perdons à terme plus
d'un milliard d'euros »60.

2. Les effets sur la Supply Chain

Quels effets industriels de ce plan ? Tout d’abord il faut voir quelles sont les modifications
apportées par la FMN. C’est en premier lieu le cycle de développement des nouveaux avions qui
doit passer de 7,5 ans à 6 ans grâce à l’augmentation des activités d’engineering de 15%. C’est
ensuite le lean manufacturing qui est mis en place visant à augmenter la productivité de 16% avant
2010. Les coûts d’approvisionnement doivent aussi être baissés en mettant en place un réseau de
fournisseurs de premier rang au sein d’un plan d’action appelé « smart buying ». Un autre plan
d’action appelé « maximise cash » vise à réduire le fond de roulement de l’entreprise et à contrôler
rigoureusement la trésorerie. Enfin dans une logique de satisfaction clients, le plan « customer
first » doit permettre de respecter les délais de livraison, accroître la réactivité et apporter une
qualité supérieure aux produits. Au niveau de la Supply Chain proprement dite, ce plan à permis de
la développer considérablement en accélérant les processus de réorganisation précédemment mis en
place. Le département Supply Chain d’Airbus ne comptait que deux personnes au début des années
2000 ce qui semble invraisemblable pour une entreprise aussi importante. Aujourd’hui c’est 2000
personnes qui travaillent dans la logistique chez Airbus. La FMN a même créé un « supply chain
function board » en 2008 permettant de piloter et de suivre les résultats opérationnels et
économiques de l’entreprise. La Supply Chain a donc été mise au cœur de l’activité de l’entreprise.
Power 8 a permis également d’harmoniser et de standardiser des processus et des modes de
fonctionnement entre les différents pays car l’approche logistique était locale. Elle est désormais
impulsée à l’ensemble de l’entreprise ce qui la rend hautement stratégique.
Les voies d’amélioration par la Supply Chain ont été nombreuses et au cœur de Power 8. La
première amélioration porte sur la logistique physique par la simplification des flux et le
regroupement des magasins sur des hubs européens afin de concentrer le stockage des lignes de
production. Ces hubs logistiques reçoivent du monde entier les approvisionnements nécessaires à la
production de chaque unité. La deuxième porte sur les stocks et les systèmes d’approvisionnement
par la mise en place de règles de paramétrage des stocks de sécurité et de minimisation des délais
d’approvisionnement. Le rôle des systèmes d’information fut important afin de développer des
outils informatiques assurant la réussite de telles modifications. La troisième amélioration porte sur

59
http://archives.lesechos.fr/archives/2008/lesechos.fr/09/09/300291302.htm?texte=airbus%20+%20euro,
page consultée le 06/04/09
60
Philippin Y., 2007, Interview de Louis Gallois, Journal du Dimanche, 24/06/07
59
un aspect plus stratégique puisqu’elle concerne les décisions d’externalisation. C’est ainsi qu’en
juin 2008, Airbus a signé un contrat avec Kuehne+Nagel pour la logistique qualifié de « lead
logistic provider » et DHL pour le transport qualifié de « lead transport provider ». Le choix de ces
prestataires fut réalisé du fait de leur capacité à assumer des logistiques de grand envergure et sur un
plan européen et mondial sur certains aspects. Cette externalisation a entrainé de nouvelles
modifications : réduction du nombre de magasins, création de nouveaux hubs européens, définition
d’un « transport management system » ou encore généralisation de l’ERP SAP au plan européen.
Airbus garde tout de même le choix des modes de transports du fait de son aspect stratégique et ne
fait que déléguer aux prestataires l’exécution. Pascal Eymery, vice président Supply Chain
d’Airbus, a réussi à refonder totalement la logistique de l’entreprise sans toucher aux flux
industriels afin de répondre aux contraintes du marché et de l’environnement économique.
Ce Plan Power8 est donc avant tout un plan agissant sur la Supply Chain démontrant que
c’est aujourd’hui un élément indispensable pour toute FMN afin de pouvoir s’adapter à son
environnement. C’est grâce à une flexibilité, une réactivité et une agilité de la Supply Chain que les
entreprises peuvent prendre des décisions stratégiques fortes.

II. D’autres cas

A. Lafarge

1. Une entreprise à fort développement international

Le choix d’étudier la FMN Lafarge vient du fait que c’est un leader mondial dans son
domaine, dans un secteur très particulier, celui de la construction, et que c’est une entreprise dans
laquelle, nous le verrons, la logistique à une place particulière. Lafarge est au niveau mondial le
numéro 1 du ciment, le numéro 2 des granulats et le numéro 3 du béton et du plâtre. Son chiffre
d’affaires en 2008 fut de 19,033 milliards d’euros. L’entreprise a été fondée en 1833. Le groupe est
présent aujourd’hui dans 79 pays à travers le monde. Lafarge compte ainsi plus de 84 000 salariés
dans le monde entier, 166 sites de production de ciment, 621 carrières, 1324 centrales à béton et 76
sites de production de plâtre. L’une des stratégies initiales du groupe fut de se développer à
l’international pour conquérir de nouveaux marchés et s’implanter là où les concurrents n’étaient
pas. Le secteur de la construction est particulièrement actif dans les pays émergents, et c’est
pourquoi cette stratégie a porté ses fruits. L’un des principes majeur énoncé par l’entreprise est le
« Lafarge Way », dont les trois axes sont : « la réussite des collaborateurs : l'objectif de Lafarge est
d'aider chacun à réussir ; l'amélioration permanente de la performance : la priorité de Lafarge est

60
d'optimiser continuellement ses produits et services ; et une organisation « multilocale » : les
activités de Lafarge sont locales, mais s'inscrivent dans une logique globale »61. Le développement
international de la firme fut présent dès les premières années de vie avec par exemple la
construction du Canal de Suez en 1864, puis une implantation aux Etats Unis en 1956, au Brésil en
1959, en Afrique en 1985, en Inde et en Corée du Sud en 1998 et dans les pays émergents en 2004.
De plus son action en faveur du développement durable dès 1995 a placé l’entreprise en leader
mondial. Lafarge présente donc les caractéristiques de la FMN par excellence pouvant nous
intéresser dans le cadre de sa logistique.

2. La logistique au cœur d’un processus de réduction des coûts

Pour faire face à la crise économique actuelle, Lafarge au travers de ses plans
« Excellence » a mis en place une stratégie de réduction de coûts massifs. Ainsi le plan Excellence
2009-2010 a défini plusieurs axes prioritaires de réduction de coûts parmi lesquels on trouve la
logistique. Il faut savoir, point très intéressant, que chez Lafarge « on parle encore peu de Supply
Chain, même si on en fait sans le savoir »62. La logistique est, selon Noëlle Svirmickas, Logistics
Projet Manager chez Lafarge Granulats, de plus en plus reconnue au sein de l’entreprise : « la
preuve : des projets mondiaux très visibles qui cherchent à mobiliser toutes les business units
autour de ces thèmes »63. La globalisation a permis à Lafarge d’adopter de nouvelles réflexions sur
le thème de la logistique et ainsi définir de nouvelles organisations au sein de chaque division. Ainsi
la logistique est désormais en relation étroite avec l’ensemble des services de l’entreprise, les achats
et le marketing en priorité ainsi que la finance et le manufacturing ; mais également avec d’autres
secteurs : « on réfléchit aussi à des filières de formation et des modèles d’organisation (RH), et on
cherche de plus en plus à intégrer la dimension logistique dans les projets de développement (soit
par acquisition soit par création). De plus, la communication et la logistique se rencontrent de plus
en plus souvent ».
Si de telles évolutions ont eu lieu, c’est que le secteur de la construction est particulièrement
touché par la conjoncture économique notamment pour Lafarge qui produit entre autre du ciment,
plus touché que le granulat ou le béton, plus destiné à des marché de proximité. C’est aussi
pourquoi le développement international de la firme va se poursuivre. Non pas pour produire où
c’est le moins cher mais pour conquérir de nouveaux marchés (l’expansion internationale va se
poursuivre « mais pas forcément dans le sens « on va produire où ça revient moins cher », mais
plutôt « on va produire là ou se trouvent les marchés ». Et il est clair que les marchés

61
http://www.lafarge.fr/wps/portal/1_2_3-Principes_d_action , consultée le 20/04/09
62
Interview avec Svirmickas N., Logistics Project Manager, Lafarge Granulats
63
Id.
61
d’aujourd’hui et de demain se déplacent vers l’Asie). Cela est confirmé par les propos du PDG de
Lafarge, Bruno Lafont, qui soutient que « L'acquisition d'Orascom Cement, leader cimentier du
Moyen-Orient et du Bassin méditerranéen, marque une accélération décisive de notre stratégie de
développement sur les marchés émergents. Elle nous permet de devenir le leader sur ces marchés et
l'acteur le plus performant de notre secteur en termes de croissance, de marges et de résultats.
Ainsi, dès 2010, 65 % des résultats du Groupe seront réalisés sur les marchés émergents. C'est une
transformation majeure ! Dans un contexte économique devenu plus difficile, cette acquisition est
un atout et donne au Groupe une meilleure capacité de résistance »64. La stratégie d’externalisation
de l’entreprise passe par celle de son transport. Lafarge se basait autrefois sur sa flotte propre de
transport et fait aujourd’hui appel à des transporteurs extérieurs. Le transport international de
granulats s’effectue par voie ferroviaire, surtout dans les pays d’Europe de l’Est et par voie
maritime pour le ciment. Pour cette unité, il y a une structure spéciale qui s’occupe du « trading » et
donc de l’approvisionnement. En revanche l’appel à des 4PL est nul. Nous pouvons penser que cela
est du à l’activité même de Lafarge qui ne se prête pas à ce genre de partenariat.
Pour conclure, Noëlle Svirmickas considère que « la SC/log va permettre aux entreprises
qui la maîtrisent de sortir de la crise en meilleur état que les autres. L’enjeu aujourd’hui est de
définir des schémas logistiques souples, agiles capables de réagir par rapport à des changements
économiques brutaux. Se remettre en cause encore et toujours. C’est à la fois le « Lowest cost to
serve » mais aussi la logistique comme service et comme moyen de se différencier et de générer de
nouveaux revenus »65. La Supply Chain se présente donc comme un vecteur majeur de
développement et de réaction des FMN à la conjoncture économique nationale et internationale.

B. Le Falcon 7X de Dassault

1. Un avion conçu virtuellement

Le cas de l’avion d’affaires haut de gamme de Dassault Aviation est révélateur des
évolutions de production qui pourraient se généraliser pour les années à venir. A partir de 2000
Dassault a lancé un très ambitieux projet de construction du Falcon 7X (voir photo en annexe) sur
une base totalement virtuelle. Cet avion fut le premier avion entièrement développé sur une plate-
forme virtuelle, de la conception à la fabrication en passant par la maintenance. Cela signifie qu’il
n’y a pas eu de prototype physique de l’avion avant la mise en production en série. Cette conception
a réuni vingt sept partenaires, parfois concurrents. Cette coopération pu être possible grâce à
l’utilisation de logiciels de gestion du cycle de vie des produits de Dassault Systèmes. Ce système a

64
http://www.lafarge.fr/wps/portal/1_3-Strategie consultée le 20/04/09
65
Interview avec Svirmickas N., Logistics Project Manager, Lafarge Granulats
62
permis à Dassault de partager et donc réduire les risques et les frais de développement de
l’industrialisation de l’avion. Chaque partenaire présent dans le projet s’est vu confié la
responsabilité de la conception de l’une des parties du Falcon 7X. La première phase du projet
consistait en 2001 à réunir physiquement les protagonistes afin de réaliser la conception
préliminaire de l’avion. Ceci afin que tous les acteurs soient d’accord sur les méthodes de travail et
de partage de l’information. C’est ensuite à partir de 2003 que Dassault à installer chez les
partenaires les outils informatiques nécessaires et former les personnels à leur utilisation. Les
principales difficultés ont commencé à ce moment là car il fut dans un premier temps difficile pour
Dassault de faire travailler des concurrents ensemble, sur un même plateau virtuel, et leur demander
de partager les savoir faire de chacun. Pour la société Dassault elle-même une difficulté majeure
apparut : prendre en compte les contraintes et les besoins de chacun des partenaires quand
habituellement l’entreprise pilote seule et prend toutes les décisions importantes. Ces problèmes
furent résolus à partir du moment où chaque entreprise a vu que le travail avançait bien et vite. Le
travail s’accéléra alors encore et chaque participant redoubla d’efforts pour finir le travail dans les
meilleurs délais. Petit à petit chaque collaborateur du projet s’est totalement approprié le plateau
virtuel ce qui facilita grandement le travail. La grande force de ce projet est d’avoir pu réunir en
temps réel des personnes situées aux quatre coins du monde et d’avoir pu réunir sur un même projet
plus d’intervenants que lors d’une conception classique d’avion. Au final, les craintes portant sur
l’assemblage de l’avion furent balayées par le résultat : aucun ajustement nécessaire et des délais
globaux d’assemblage divisés par deux. Ce projet fut donc une totale réussite pour Dassault
prouvant que l’innovation et la prise de risques peuvent être un énorme facteur de compétitivité.

2. Des progrès techniques permis par la globalisation

Si la conception de cet avion fut possible, c’est uniquement grâce aux procédés innovants
adoptés par Dassault. Le constructeur aéronautique grâce à sa branche Dassault Systèmes, a
développé des outils informatiques performants notamment par le biais de logiciels de gestion du
cycle de développement des produits, les logiciels Catia v.5, Enovia-VPM et Delmia. Cela nous
renvoit donc au développement des NTIC. Sans le développement de nouvelles technologies, la
conception virtuelle de cet avion n’aurait jamais eu lieu. C’est donc bien la globalisation qui est à
l’origine d’un tel procédé en permettant aux entreprises de s’approprier les technologies présentes
partout dans le monde et de les développer pour leur propre compte. C’est aussi pourquoi des
entreprises aussi importantes que Dassault ont crée Dassault Systèmes afin d’avoir des unités
spécialisés permettant d’apporter un soutien technologique à Dassault Aviation mais aussi capables
de vendre leurs services à d’autres entreprises. La généralisation des NTIC dans l’économie permet

63
également à chaque partenaire industriel de profiter d’effets d’entraînement en étant au contact
d’entreprises leaders ce qui peut lui permettre d’apprendre et de développer lui même ces nouvelles
technologies.
L’implication de multiples partenaires dans ce projet démontre également les effets de la
globalisation. L’ouverture des économies associées au NTIC permet de mettre en relation des
collaborateurs dispersés dans le monde et ainsi développer de nouvelles méthodes de travail en
temps réel sans avoir d’interactions physiques. Un progrès technique a d’autant plus de chances
d’apparaître que le nombre de personnes en relation augmente. Plus les ingénieurs par exemple ont
accès au travail et aux pistes de recherche d’autres ingénieurs à travers le monde, plus leur chance
de développer de nouveaux procédés est grande. C’est encore plus le cas dans le cadre de FMN. Le
développement de ce genre d’entreprise du fait de la globalisation met automatiquement en relation
ses différents membres à travers des espaces géographiques très différents et ainsi stimule
l’innovation. Il aurait été invraisemblable il y a encore 20 ans d’imaginer un projet tel que celui du
Falcon 7X. Il a fallu attendre d’avoir une pleine confiance dans les outils informatiques et les
systèmes d’information pour mettre en place ce genre de méthodes de travail. Il a fallu également
prendre conscience qu’un travail collaboratif entre différentes entreprises es synonyme de synergies
et donc est bénéfique à l’ensemble des acteurs. En somme, il a fallu comprendre que les effets de la
globalisation sont des éléments uniques de progrès techniques et de gains de productivité.

C. Autres cas

1. L’anticipation des effets de la globalisation chez Michelin

Michelin est leader mondial des pneumatiques avec une part de marché d’environ 20%. Le
cas de cette entreprise est très intéressant du fait de sa très forte intégration verticale. En effet
l’entreprise française possède ses propres plantations d’hévéas, ses propres usines de fabrication et
son propre réseau de distribution. Voyons comment la firme s’est adaptée à la globalisation et
voyons donc les répercussions de celle-ci sur l’organisation de la Supply Chain de Michelin.
Afin de faire face à la montée de concurrents comme Continental, Dunlop ou Bridgestone,
Michelin à placée la Supply Chain au cœur de ses décisions stratégiques. D’abord par une
spécialisation des unités de production et par la multiplication des échanges entre pays et continents.
Ensuite par la focalisation sur la prestation de service accompagnant la vente de pneumatique.
Michelin a rapidement compris que ce qui fait désormais la valeur ajoutée d’un produit réside dans
l’offre de services gravitant autour. L’entreprise a ainsi mis l’accent sur la disponibilité du produit
et les délais de livraison pour les constructeurs automobiles. Enfin l’accroissement de la gamme de

64
produits à permis à Michelin de tenter d’étouffer ses concurrents en proposant des pneumatiques de
tourisme de 20cm et 200 grammes et des équipements pour poids lourds de 4m de diamètre et 5
tonnes. Michelin pour mettre en place ce système a d’abord essayé d’assurer la cohérence et la
coopération entre les différents acteurs présents sur sa chaîne logistique. Ceci s’été accompagné
d’une réorganisation de ses Business Units en neuf lignes de produits afin de séparer les centres de
profits de l’entreprise. Michelin est également un exemple frappant d’entreprise étendue mais
conserve un aspect géographique européen. En 2006, Michelin disposait de 70 sites de production
(39 en Europe, 18 en Amérique du Nord, 2 en Afrique, 7 en Asie et 4 en Amérique du Sud). Nous
avons également assisté à une forte spécialisation des unités de production. Cela engendre
évidemment une nécessaire recomposition de la gamme comme vu précédemment. Ainsi c’est
environ la moitié des quantités vendues dans un pays qui sont issues d’un autre pays.
Michelin a aussi misé sur des canaux de distribution internes afin de bénéficier au
maximum des retombées du rôle de distributeur. Par l’intermédiaire du distributeur Euromaster,
Michelin commercialise ses propres produits. Il faut noter que cela a été possible grâce à la nature
des produits vendus, les pneumatiques ne subissant pas les mêmes contraintes que d’autres types de
produits. Cela répond aussi à la stratégie de Michelin de rester proche du client et de ses attentes. La
globalisation a rendu les consommateurs de plus en plus volatile et pousse donc les entreprises à
connaitre au mieux leurs besoins afin d’avoir des stratégies de vente efficaces.
Michelin a donc tenté de répondre de manière logique aux effets de la globalisation en
s’établissant clairement comme une entreprise étendue et en cherchant à placer sa Supply Chain
dans une démarche de satisfaction du client. L’entreprise a profité de sa position de leader pour
devancer ses concurrents et impulser les tendances de marché du pneumatique. Elle a réussi à
profiter au mieux de la globalisation pour s’asseoir comme le leader incontournable. C’est là aussi
le talent des managers en interne d’avoir su anticiper les conséquences de la globalisation.

2. L’externalisation de la logistique comme réponse : IBM et Alcatel

L’entreprise IBM évoluant sur un marché très concurrentiel et produisant des


biens ayant des cycles de vie très courts, la nécessité d’être flexible et de réduire les coûts
l’a conduite à externaliser certaines de ses activités. C’est au prestataire français Geodis
Logistics que fut confiée cette externalisation. L’objectif était d’organiser la logistique des produits
IBM pour la France, l’Allemagne et l’Italie puis à terme l’Espagne et le Portugal grâce à 32 sites
logistiques du prestataire français répartis un peu partout en Europe. IBM a dans le même temps
confié sa logistique d’approvisionnement au prestataire anglais Tibbett & Britten. IBM a choisi
cette stratégie d’externalisation afin de confier à un spécialiste de la logistique les préoccupations
logistiques de la marque, ces dernières étant très éloignées du cœur de métier de l’entreprise

65
américaine. Ce type de partenariat a eu des effets postérieurs pour les deux membres de l’accord.
Pour IBM d’abord, cela lui permis de se concentrer sur sa fonction principale à savoir fournir des
solutions informatiques à ses clients. Pour Geodis ensuite, cela lui a permis de compléter ses
activités en Europe et accroître son chiffre d’affaires en logistique (à cette période, la messagerie
représentait encore 45% du CA de Geodis). Petit à petit l’accord entre l’industriel et le prestataire
s’est accru. En 2002, IBM confia à Geodis la gestion de sa logistique amont et aval en Irlande ce qui
entraina la construction par Geodis d’un entrepôt de 30 000m2 en grande partie dédié aux activités
d’IBM. Geodis commença également à s’occuper d’une partie de la logistique de retour pour
l’entreprise américaine. Cette confiance entre les deux partenaires se conclut en 2004 par un accord
mondial donnant à Geodis la responsabilité de la distribution de la totalité des produits finis d’IBM,
de la logistique de retour et des formalités douanières sur la zone Europe-Middle East-Africa66. Il
s’est concrétisé en 2008 par un contrat énorme quand IBM a confié à Geodis la gestion de la totalité
de sa Supply Chain pour un montant de 1 milliard d’euros par an. Cet exemple est très illustratif des
intérêts à collaborer des différents acteurs de la Supply Chain. Le partenariat fut positif pour les
deux parties. IBM obtint la possibilité de se concentrer sur son activité première afin de faire face à
la féroce concurrence de ses marchés et Geodis réussit à accroître ses activités et à se diversifier. Le
nouveau contrat « agit comme une véritable révolution dans le monde de la logistique où un
prestataire et son client ont su créer un modèle partenarial inédit dans la profession, entièrement
focalisé sur l’innovation et la satisfaction du client »67 selon J-L Demeulenaere, directeur général
délégué chez Geodis. L’externalisation se présente donc comme un moyen efficace de réagir à des
contraintes extérieures comme la pression concurrentielle et la méconnaissance de certaines
activités internes comme la logistique.
Le même type de cas de figure s’est présenté avec Alcatel. L’ancien vice président Supply
Chain Alcatel ESD disait ainsi : « Depuis le début des années 2000, nous avons été confrontés à une
succession de situations qui a conduit à une innovation permanente en matière de solutions Supply
Chain. Externalisation des usines auprès d’EMS (Electronic Manufacturer Services), déplacement
de certaines usines en Europe Centrale puis en Asie, fluctuations très fortes sur les marchés. (…)
Alcatel a mis en œuvre des solutions très originales qui sont passées essentiellement par une
externalisation poussée auprès de prestataires logistiques : les opérations physiques ont été
confiées à un 3PL et le pilotage des flux au quotidien à un 4PL. Cette solution déployée à une

66
Dornier P-P., Fender M., 2007, « La logistique globale et le SCM », Ed. Eyrolles, 2e édition, Paris, p.373
67
Anonyme, 2009, « Geodis signe le plus gros contrat logistique jamais attribué avec IBM », Le journal de la
logistique, n°62, Janvier/Février 2009, p.24
66
échelle mondiale a été la seule à pouvoir apporter les sources d’adaptation pour rester toujours à
un niveau de performances en matière de services er de coûts concurrentiels »68.

3. Délocalisations et spécialisation des sites de production : Essilor et Yoplait

Autre manière de s’adapter aux changements économiques : accroitre la


spécialisation des unités de production et augmenter les délocalisations. Les exemples de
Yoplait et Essilor sont intéressants dans ce contexte. Essilor est le leader mondial du
verre optique ayant réussi à conquérir de nombreux marchés à travers le monde, notamment le
marché américain. L’entreprise a des sites industriels répartis à travers le monde et sur l’ensemble
des continents, de la Thaïlande au Brésil en passant par l’Irlande. La complexité de sa logistique du
fait du nombre de références à gérer, du fait du type de produits à concevoir (certains étant finis,
d’autres semi finis et nécessitant des laboratoires à proximité) et du fait de l’éclatement de sa
production la logistique et par conséquent la Supply Chain devient un secteur à risque de
l’entreprise. L’avantage de la firme a longtemps été son avance technologique mais aujourd’hui il
repose sur sa stratégie logistique. Essilor à d’abord effectué une vague de délocalisations massives
afin de réduire les coûts de production. L’enjeu par la suite était de pouvoir satisfaire les marchés
porteurs à partir des nouveaux sites logistiques. La massification de la production à partir de sites
asiatiques a contraint Essilor à adapter ses structures logistiques pour pouvoir servir les marchés
européens et américains. La problématique d’Essilor, commune à bon nombre de FMN, était donc
de pouvoir adapter sa Supply Chain à des décisions prises en amont en influençant toute la chaîne.
Dans cette optique, l’entreprise à mise en place des centres logistiques centralisés au niveau
continental et une organisation centralisée au niveau mondial. Le pilotage s’effectue donc à
plusieurs niveaux afin d’être le plus efficient possible. Cependant, le fait que l’amont et l’aval de la
chaîne soient encore assez éloignés au niveau stratégique rend l’intégration complète de la Supply
Chain difficile. C’est là encore le problème commun à de nombreuses FMN. Quand
l’environnement économique pousse l’entreprise à prendre des décisions, l’entreprise et la Supply
Chain doivent subir ces mouvements. C’est pourquoi il est important d’anticiper les événements
afin de concevoir des stratégies logistiques permettant d’intégrer l’ensemble de la chaîne et ainsi
éviter que certains maillons de la chaîne ne deviennent potentiellement des faiblesses.
Yoplait va être également évocateur des influences de la globalisation sur les stratégies des
entreprises en matière logistique. Yoplait a vu en l’espace de 15 ans son nombre de sites de
productions multi références baisser tandis que le nombre des références augmentait

68
Dornier P-P., Fender M., 2007, « La logistique globale et le SCM », Ed. Eyrolles, 2e édition, Paris, p.55

67
considérablement. Cela s’explique par le fait que chaque usine devient de plus en plus spécialisée
dans une référence ou une famille de références précises. Le système de distribution est également
affecté par ces décisions. Yoplait est passé de 100 entrepôts en 1975 à 4 plate formes de distribution
ayant pour vocation de réunir les familles de produits et pouvoir préparer les commandes à
destination des clients. Le point le plus intéressant dans le cas de Yoplait est sa relation avec les
distributeurs. L’un des principaux distributeurs à réussi à convaincre Yoplait de partager avec
Danone et Nestlé un même site logistique afin de réaliser des économies d’échelle de volume et de
temps et coûts de préparation des commandes. C’est donc une relation collaborative qui a été mise
en place. L’impulsion du distributeur est énorme car sans son action, des concurrents ne se seraient
jamais associés pour un même site logistique. Or on voit ici l’intérêt de tels accords : permettre par
la mutualisation de certaines ressources de faire de substantielles économies. C’est certainement
l’une des réponses d’avenir à fluctuations de l’économie mondiale et aux déstabilisations de la
Supply Chain.

III. Des acteurs et secteurs périphériques prenant de plus en plus


d’ampleur
A. Les prestataires logistiques

1. Leur rôle dans la Supply Chain

Le prestataire logistique est ce qu’on appelle aujourd’hui un 3PL (Third Party Logistics),
4PL (Fourth Party Logistics) ou même 5PL. C’est «une entreprise assurant la réalisation
d’activités logistiques pour le compte d’un industriel ou d’un distributeur. Selon la complexité et le
type d’opérations à valeur ajoutée réalisées par les prestataires logistiques, plusieurs catégories
d’acteurs se dégagent : les prestataires logistiques qui assurent l’exécution des opérations de
logistique physique (…) et dont le système de gestion se limite au suivi de celle-ci pour le compte de
l’entreprise cliente ; les prestataires logistiques à valeur ajoutée qui intègrent à l’offre du
prestataire classique un certain nombre de services allant de la prise en charge d’opérations de
manipulations complexes (…), à la gestion d’opérations administratives (…) et de gestion de
l’information (…) ; les intégrateurs de services logistiques qui se caractérisent par la quasi-
absence de moyens physiques propres et dont la spécificité est d’intégrer les prestations de
différentes entreprises sous traitantes (…) et d’en assurer la cohérence et la gestion par la maîtrise

68
des flux d’informations qui s’y rapportent »69. Il se place donc comme une véritable interface entre
client et fournisseur. Son développement s’est accéléré de manière impressionnante avec la
globalisation et la généralisation de l’entreprise étendue. Les prestataires sont considérés comme de
véritables intégrateurs logistiques multi-services et multi-fonctions. Ce sont des entreprises expertes
dont la qualité et les compétences ne peuvent désormais plus être concurrencées en interne par les
entreprises. Ils permettent d’assurer une fluidité dans la circulation des marchandises et des
informations du fournisseur le plus en amont de la chaîne au client final. C’est d’ailleurs cette
expertise qui est avant recherchée par les entreprises plus qu’une simple externalisation permettant
de réduire les coûts. Les principaux critères de choix du prestataire logistique sont la réactivité aux
aléas, la fiabilité des délais, la capacité à honorer les contrats, la stabilité financière et la créativité.
Selon une étude menée il y a plus de dix ans aux Etats Unis, le prix de la prestation n’arrive qu’en
neuvième position. La situation est toujours la même actuellement et s’est sans doute même accrue
du fait de l’élargissement des compétences des prestataires. Leur rôle est désormais de faire
l’interface totale entre le client et le fournisseur. L’objectif des 4PL est de proposer à ses clients des
solutions « clé en main ». Le travail d’une telle entreprise est basé autour de trois axes : l’intégration
et la coordination des flux logistiques et de transport, la gestion et l’amélioration de la Supply Chain
existante et le pilotage des processus. Le 4PL « propose la planification, le design, la mise en
œuvre et l’exploitation de solutions globales de Supply Chain dans un contexte d’optimisation
permanente. Sa vocation est de délivrer de nouvelles valeurs ajoutées dans un cadre de plan de
progrès, en associant les métiers de multiples interlocuteurs d’un schéma de Supply Chain :
développement produits, achats, prévisions/planification, production, administration des ventes,
comptabilité, exploitation réseau, distribution, transport, gestion de stocks, systèmes d’information,
services clients… »70.

2. L’exemple de Kuehne+Nagel

Pour évoquer le cas d’un prestataire logistique, l’exemple de Kuehne+Nagel est révélateur
car c’est une entreprise en plein essor. Kuehne+Nagel est une entreprise suisse spécialisée dans la
logistique et le SCM. Crée en 1890, c’est l’un des leaders mondiaux du transport et de la logistique.
Elle est présente dans plus de 100 pays à travers 850 implantations employant 52 000 personnes. La
division logistique contractuelle représente 500 entrepôts pour environ 7 millions de mètres carrés.
Les point forts de l’entreprise est qu’elle « assure un pilotage « end to end » à un niveau mondial

69
Camman C., Livolsi L., Roussat C., 2008, « Lexipro, le lexique des termes de la logistique », Logistiques
Magazine, n° 232, Octobre 2008
70
Frebourg J-C, Enaux L., 2001, « Le 4PL, supermanager de la complexité », Logistiques Magazine, n° 156,
Avril 2001
69
s’appuyant sur ses quatre pôles métiers : transport maritime, transport aérien, logistique
contractuelle et transport terrestre, rail & route »71. Ce cas est également intéressant par l’immense
contrat signé avec Airbus dans le cadre du plan Power 8 de ce dernier. Selon Logistiques Magazine,
Kuehne+Nagel est actuellement le deuxième prestataire logistique sur le marché français.
La stratégie actuelle du groupe n’est pas son développement international qui est déjà
clairement effectué mais plutôt un renforcement de ses positions au sein de chaque pays afin de
devenir leader partout où l’entreprise est présente. La stratégie est donc basée sur une croissance
externe par l’acquisition d’entreprises comme le groupe ACR en 2005 et Alloin en 2009 et sur une
croissance interne par la recherche de nouveaux clients, le tout basé sur la perspective de devenir
leader sur les marchés nationaux. Kuehne+Nagel se situe plus comme un 3PL qu’un 4PL ou 7PL.
Le groupe a même développé une division LLS (Lead Logistics Solutions) afin, comme le souligne
Steve Belot, First Key Account Manager Aerospace South West Europe, de se placer « comme un
vrai interlocuteur indépendant, c'est-à-dire pouvant même challenger Kuehne+Nagel 3PL, afin de
délivrer des savings et des solutions performantes pour ces clients »72. La croissance d’une telle
entreprise illustre son importance croissante au sein de la Supply Chain des industriels. Cette
croissance est à la fois provoquée par la stratégie même du groupe car « Kuehne+Nagel à su se
rendre indispensable de part son réseau international, son IT totalement intégré dans la globalité
de ses sites et sa croissance externe en réalisant des acquisitions parfaitement ciblée », mais aussi
par l’environnement économique et de ce fait la globalisation : « La croissance mondiale de ces
dernières années, la délocalisation des grands manufacturiers, la dématérialisation des stocks et
l’accélération des besoins des industriels ont également contribués à la croissance naturelle de
Kuehne + Nagel qui avait su se positionner dans les grands axes mondiaux de croissance ». Dans
ce contexte de globalisation, la nature même de l’entreprise lui permet de faire face plus rapidement
que ses concurrents de par son indépendance. Contrairement à ses concurrents appartenant à des
fonds de pensions ou à des structures publiques, Kuehne+Nagel est totalement privé ce qui lui
permet d’avoir des processus décisionnels courts et pouvant être appliqués rapidement. Par exemple
en cas de fluctuation de taux de change dans un pays ou une zone où d’évolution du cours du
pétrole par exemple, Kuehne+Nagel bénéficie d’indicateurs adaptés à la situation de chaque pays,
de chaque marché ou des différents produits. C’est donc une individualisation des actions qui
permet notamment d’offrir une meilleure qualité de service à ses clients.
Quant à la crise économique actuelle, l’entreprise suisse à « toujours suivi une politique de
« non asset based company », permettant d’avoir un bilan financier solide et sans endettement. Le
choix des clients est également important chez Kuehne + Nagel et cette politique nous permet de
71
Anonyme, 2008, « Top 100 des prestataires logistiques », Logistiques Magazine, n°234-235, p.40
72
Interview de Belot S., First Key Account Manager Aerospace South West Europe chez Kuehne+Nagel

70
faire face à des situations de crise ». Steve Belot justifie ainsi le contrat passé avec Airbus par le
fait que « le secteur industriel, comme celui de l’aéronautique, est un secteur basé sur des cycles
longs et donc moins impacté directement et rapidement par une crise économique comme nous
pouvons la connaître aujourd’hui (à la différence des secteurs comme l’automobile, le Retail ou le
FMCG). Même si les compagnies aériennes annulent beaucoup de commandes auprès d’Airbus, le
planning de production est plein pour les 7 prochaines années. Les cadences de productions vont
simplement être revues légèrement à la baisse et Kuehne + Nagel ne sera pratiquement pas impacté
et pourra poursuivre sa croissance vers d’autres groupes industriels ».
Cet exemple montre ainsi que le rôle du prestataire logistique est important et que leur
montée en puissance est due à la fois à des besoins du marché mais aussi à des stratégies internes
précises permettant de rendre ce business model rentable.

B. Le rôle des systèmes d’information

1. Un facteur de compétitivité chez Bongrain

Bongrain est le leader mondial de la transformation du lait. Cette entreprise


compte 18500 collaborateurs présents à travers 124 pays. Elle fut créée en 1956 par
Jean Noël Bongrain qui créa le Caprice des Dieux et lança le marché des spécialités
fromagères. L’entreprise avait en 2007 un chiffre d’affaires de 3419,1 millions d’euros.
L’actuel PDG est Pascal Breton depuis 2007.
Chez Bongrain, les systèmes d’information ont pris une place de plus en plus importante car
l’information doit pouvoir circuler au plus vite. Chez la filiale allemande de Bongrain par exemple,
le rôle des systèmes d’information va être le suivant. Quand un besoin est défini après étude des
besoins et connaissance des consommateurs, il est intégré dans le module DP de SAP APO 73 par le
service de planification des ventes. Puis, « dans ce module vont se consolider tous les besoins des
différents marchés avant d’être envoyés dans le module de planification de la production PP. C’est
ici que seront générés les plans de production en tenant compte des ressources nécessaires
(matières premières, besoins emballage, etc.) définies dans le module MRP tout cela associé
également à un étude de faisabilité en fonction des définition de capacité. Les produits résultant de
la production vont par la suite être distribués vers les différents marchés selon les capacités de
transport disponibles (le plan de réapprovisionnement est généré dans le module Distribution
Ressource Planning DRP). En dernier lieu vient l’outil dit ATP (Available To Promise), outil

73
Outil utilisé pour la planification des besoins, production, achats, transports, ainsi que de la prise de
décision stratégique
71
permettant au service client de visualiser les disponibilités des produits pour les sorties clients »74.
Comme le souligne Stéphane Raedersdorf, planificateur logistique junior chez Bongrain, il est
indispensable d’avoir une rapide mais aussi une bonne circulation de l’information. Il faut par
exemple faire attention aux erreurs de traduction entre les langues. On retrouve là l’une des
difficultés des FMN, l’homogénéisation des méthodes de travail dont la langue fait partie. Dans le
cadre de la production, les systèmes d’information permettent d’avoir une transparence des activités
car via des interfaces communes, un utilisateur peut instantanément visualiser divers éléments tels
que les quantités mises en production, les achats d’emballage ou encore les jours de commandes des
clients.
Le fait que Bongrain soit une FMN a nécessité un développement et une uniformisation des
systèmes d’information. L’entreprise étant allemande à son origine, les systèmes d’information ont
d’emblée été un outil majeur de compétitivité et d’optimisation des opérations logistiques. Cela a
naturellement poussé les principaux marchés de l’entreprise, à savoir les marchés français, italiens,
belges, suisses, anglais, slovaques et bientôt tchèques, à passer sous les systèmes d’information
APO et SAP R/375. La tendance actuelle est à l’utilisation de plus en plus massive des systèmes
d’information et l’objectif du groupe est de réduire le nombre d’ERP différents afin de limiter le
nombre d’interfaces différentes pour traduire les données entre les différentes entités de l’entreprise.
Les systèmes d’information sont devenus des outils vitaux et indispensables chez Bongrain.
Comme le raconte S. Raedersdorf, « une panne informatique en décembre 2008 de Kuehne+Nagel
Europe a conduit qu’aucune donnée de stock n’a pu être communiquée, pas de sorties ni entrées en
stock pendant cette période n’ont pu être réalisées, ainsi que l’incapacité du prestataire à retrouver
les produits en stocks ». Les systèmes d’information ont aussi une influence importante sur le taux
de service client et sur le taux de déclassement (taux révélant la part de produits ne pouvant être
vendus à temps compte tenu des garanties de DLUO-Date Limite d’Utilisation Optimale- définies
avec les distributeurs). L’amélioration des ces deux indicateurs conduit inévitablement à une
amélioration de la satisfaction client. Les systèmes d’information ont donc un rôle essentiel à jouer.
Pour finir, preuve que leur utilisation est devenue primordiale, on assiste chez Bongrain à
un spécialisation des effectifs, c'est-à-dire des embauches de personnel plus qualifié et maîtrisant les
outils informatiques. Les appellations des emplois ont également été modifiées avec l’apparition de
pilotes de flux qui par le biais du système d’information réalise les plannings de production. Au
niveau stratégique, le groupe a crée des centres d’expertise regroupant les experts des différentes
filiales afin de gérer des projets de développement et d’optimisation des systèmes d’information.

74
Interview de Raedersdorf S., planificateur logistique junior chez Bongrain
75
Outil de traitement de toutes les informations produit, mouvements de produit, ainsi que les opérations de
facturation de ces derniers
72
2. Une activité en plein essor

Les systèmes d’information sont aujourd’hui vus en entreprise comme une fonction support
qui permet d’assurer le traitement de l’information. Ils sont donc directement influencés par
l’environnement de l’entreprise, ses caractéristiques et par les décisions stratégiques des dirigeants.
Si le développement des systèmes d’information est tel, c’est que les avancées technologiques le
permettent. De même l’environnement économique caractérisé par des marchés mondiaux, des
entreprises étendues et la création de nouveaux services informatiques par exemple implique
automatiquement la nécessité de voir l’information circuler de plus en plus vite et instantanément.
De plus, dans une période économique difficile, les systèmes d’information se révèlent comme étant
des éléments indispensables d’optimisation et donc de réduction de coûts. Comme le pense S.
Raedersdorf de chez Bongrain, « Tout doit aller plus vite. Le flux d’informations est primordial
pour une bonne réalisation des process. La logistique collaborative gagne en importance, la
réalisation de modèles logistiques avec des systèmes d’information qui intègrent tous les acteurs du
fournisseur au besoin du client peut se faire. Des économies d’échelles peuvent se faire par
l’utilisation de systèmes d’information pour le groupe, facteur non négligeable dans cette période
délicate économiquement ». Selon N. Svirmickas de Lafarge Granulats, l’entreprise doit
traiter« souvent des centaines et des milliers d’opérations unitaires sur lesquelles il faut
comprendre les tendances, définir une politique logistique, choisir astucieusement ses prestataires,
définir et suivre des critères de performance…Sans business intelligence, sans data crunching,
autant dire que c’est peine perdue ! »76.
Certains secteurs d’activités peuvent avoir plus de besoins en systèmes d’information que
d’autres. Selon la matrice d’intensité informationnelle de Porter et Millar77 (voir en annexe), des
secteurs comme la banque, les assurances, la téléphonie et l’industrie du loisir vont être en besoin
fort de systèmes d’information. Au contraire, l’agriculture ou la production de ciment seront moins
demandeurs. La taille de l’entreprise reste néanmoins le facteur déterminant dans la nécessité
d’avoir des systèmes d’information performants afin de pouvoir gérer la complexité de
l’organisation. Certaines entreprises utilisent même les systèmes d’information comme source
d’avantage concurrentiel en investissant massivement dans les NTIC (ce fut le cas d’Ebay ou
Amazon par exemple).
Si les systèmes d’information sont en plein développement, c’est avant tout car ils sont
sources de réduction de coûts, de création de valeur ajoutée et d’optimisation des processus. La

76
Interview avec Svirmickas N. , Logistics Project Manager, Lafarge Granulats
77
Porter M., Millar V., 1985, « How information gives you a competitive advantage », Harvard Business
Review
73
réduction de coûts passe, par exemple, par la mise en place de datamining, d’indicateurs de
benchmarking interne ou du « Business Process Outsourcing » que nous étudierons plus loin. La
création de valeur est présente car les systèmes d’information permettent d’apporter des
innovations produits, de nouveaux services (GPS par exemple), d’avoir une meilleure relation
clients et une plus grande efficacité de services. Certaines entreprises sont même uniquement basées
sur les systèmes d’information (Google ou Amazon par exemple). Enfin au cœur des entreprises, le
développement des ERP a permis aux entreprises de révolutionner leurs fonctionnements.

C. Importance du transport

1. Enjeu du transport

Le transport a longtemps été considéré comme un poste de coût très important pour les
entreprises et un ralentisseur de croissance. La globalisation ayant réduit les cycles de production et
de distribution des produits, la nécessité d’optimiser son transport est devenue vitale. Désormais, les
entreprises ne considèrent plus le transport comme le simple transport des marchandises mais
comme une activité de grand importance car permettant à l’offre de rencontrer la demande. Le
transport apporte un dilemme aux entreprises dans la période actuelle car bien que l’industrie
entière soit demandeuse d’une accélération de la mobilité des produits, le transport est soumis au
risque de fournir de mauvaises prestations et surtout est soumis aux stigmatisations
environnementales, considérant qu’il faut réduire le transport car il est synonyme de pollution. Le
transport est généralement le poste le plus coûteux de la chaine logistique. Son optimisation permet
généralement aux entreprises d’effectuer des économies importantes se répercutant sur l’ensemble
de la chaine logistique comme un facteur non négligeable de compétitivité.
En nous intéressant aux différents types de transport, nous pouvons nous rendre compte que
c’est toujours le transport routier qui est le plus utilisé devant le transport ferroviaire et le transport
maritime. Cela va d’ailleurs à l’encontre du Livre Blanc de la Commission Européenne qui
préconisait un rééquilibrage entre les modes de transport, anticipant les problématiques « vertes »
visant à minimiser le transport routier au profit du transport multimodal notamment. La voie vers le
transport multimodal est surtout valable pour des produits à faible valeur ajoutée et sur de longues
distances. Dans le cas contraire, le transport routier reste le plus efficace grâce à la flexibilité qu’il
apporte, à son coût et sa possibilité d’atteindre pratiquement n’importe quelle zone (ce qui le rend
incontournable dans les zones urbaines). Le transport routier s’est accru également du fait que les
deux autres principaux modes n’ont pas réussis à être performants en répondant aux attentes des
clients. Le transport ferroviaire nécessite des infrastructures de qualité or le réseau européen par

74
exemple n’est ni homogène entre les pays, ni complet au niveau de son déploiement. Il commence
tout juste à être adapté aux attentes des clients au niveau de la fiabilité des services, du suivi des
envois, des services logistiques et de l’obligation de résultat. Le transport maritime à suivi lui plus
rapidement la voie du progrès. Les pays nordiques ont été en avance sur les autres pays européens
par exemple en développant massivement ce type de transport qui peut rapidement s’avérer très
complémentaire avec le transport routier notamment. L’exemple de la logistique d’Airbus en est le
parfait exemple avec leur navire « ro-ro ». Le principal frein aux transports alternatifs au transport
routier se situe dans le fait qu’ils nécessitent d’importants investissements que les pays ou les
entreprises ne sont pas toujours prêtes à consentir. Certaines entreprises se sont néanmoins
accommodées au transport multimodal avec succès. Nous pouvons penser à Monoprix qui livre
Paris en train depuis son entrepôt en Seine et Marne ou encore Décathlon qui a mis en place une
véritable coopération dans son transport entre le train, le bateau et le camion.
Enfin, l’apport des NTIC dans le transport devient considérable. Les systèmes de
localisation, de traçabilité, de GPS permettent de relier tout le réseau et ainsi de pouvoir optimiser le
fonctionnement du transport. Chaque véhicule est en constante connexion avec les différents acteurs
de la Supply Chain (clients, fournisseurs, distributeurs). Cette évolution du transport permet
également d’assurer la continuité dans la traçabilité des produits, préoccupation majeure des
prochaines années.

2. Le transport chez Danone Eaux France et Lafarge Granulats

Intéressons nous au cas de deux entreprises françaises et au rôle du transport


dans leurs activités. Chez Danone Eaux France, le transport est un élément vital de la
stratégie logistique pour quatre points précis. D’abord le rôle joué sur les délais de
livraison et sur l’offre logistique ; puis son apport dans le cadre de l’optimisation des coûts ; ensuite
dans les infrastructures à mettre en place en fonction des modes de transport utilisés (ferroviaire ou
routier en fonction du trajet à faire soit entre les usines, les plates formes ou les clients) ; et enfin
l’impact environnemental (avec notamment le « carbon footprint »). Au plan international, le
transport est une fonction vitale pour Manuel Kienlen, responsable transport route et méthodes chez
Danone Eaux France : « sur un plan d’exécution opérationnelle, c’est un contributeur majeur de
notre taux de service, de notre capacité à répondre aux aléas et à-coups de la demande client et des
nouvelles offres clients. Il permet également la maîtrise de nos comptes de résultats (ratio coût
transport/coût total de nos produits élevé) et de notre positionnement tarifaire vis-à-vis de nos
clients et consommateurs. Enfin, c’est un levier fort de notre empreinte environnementale »78. Le

78
Interview de Kienlen M., responsable transport route et méthodes chez Danone Eaux France
75
transport permet donc de pouvoir rendre en partie la Supply Chain agile et réactive afin de mieux
satisfaire le client. Il faut bien voir que la stratégie de transport va s’adapter à chaque marché et à
chaque pays.
Par rapport aux autres acteurs de la Supply Chain, le service transport occupe une place
stratégique. Comme le souligne M. Kienlen, le transport « étant par définition en aval de toutes nos
opérations, nous sommes le dernier maillon avant livraison chez nos clients. Les problématiques se
cristallisant souvent en bout de ligne droite, nous avons un rôle d’animation transversale avec les
autres composantes de la SC (service client, réseau, flux, déploiement central et local). Nous avons
un rôle fournisseur par l’exécution des flux ; un rôle client par le besoin d’avoir des flux opérables
dans le cadre de nos process définis ; et un rôle animateur par une vigilance court, moyen et long
terme sur notre environnement logistique »79. Le transport se révèle donc être un élément primordial
dans la stratégie logistique d’un grand industriel vendant ses produits à des millions d’exemplaires
chaque année.
Chez Lafarge Granulats, le transport revêt aussi une importance toute particulière. C’est en
effet le moteur de la Supply Chain et donc l’élément primordial autour duquel tournent tous les
services de l’entreprise. L’activité de Lafarge Granulats en France est répartie géographiquement en
quatre régions. Au sein de la région comprenant la région parisienne et le Nord de la France, le
service logistique est porté presque uniquement sur la gestion des problématiques liées au transport.
Le service logistique est composé de 6 personnes dont 3 qui gèrent au jour le jour le pilotage du
transport. Lafarge Granulats livre quotidiennement ses clients qui sont des distributeurs tels que
Point P ou ses propres chantiers Lafarge. L’entreprise fait appel à des transporteurs extérieurs mais
garde le pilotage de leur activité. Il faut réussir à optimiser les tournées des camions afin de livrer de
N à N+1 les clients. Des retards de livraison se traduisent immédiatement par des pénalités pour
Lafarge. Le transport est donc le point névralgique sur lequel sont portées toutes les attentions.
L’essentiel du transport se fait par camion du fait de leur agilité, de leur flexibilité et de leur
capacité à être un transport urbain. Néanmoins Lafarge est un précurseur du transport fluvial. En
effet, c’est l’une des seules entreprises françaises à disposer de ses propres barges afin de naviguer
sur la Seine et ainsi relier ses nombreuses carrières entre Paris et Le Havre. Le transport par barge
est stratégique pour l’entreprise car il permet de transporter d’importantes quantités et d’accéder à
la région parisienne rapidement. Du point de vue des considérations écologiques également le
transport fluvial permet à Lafarge Granulats d’être l’un des leaders. Les coûts de transport sont la
première préoccupation de l’entreprise et c’est pourquoi les contrats avec les transporteurs sont
négociés régulièrement et que ces derniers sont soumis à de fortes pressions. C’est également

79
Interview de Kienlen M., responsable transport route et méthodes chez Danone Eaux France
76
pourquoi Lafarge choisit de faire appel à une multitude de transporteurs différents et rarement de
très grandes tailles afin de garder la position de force lors des négociations.

77
Partie III : Différentes modulations possibles de la Supply Chain

I. Accentuation de l’entreprise étendue

A. Nécessité d’optimisation de la Supply Chain

1. Gérer efficacement les différents niveaux de la Supply Chain

La Supply Chain se présente clairement comme le moyen pour les FMN de s’adapter
efficacement à la conjoncture économique. Mais uniquement à condition que son utilisation soit
efficace et préparée. Il ne suffit pas de mettre en place une Supply Chain et appliquer quelques
processus théoriques, une Supply Chain performante demande une grande implication de toutes les
composantes de l’entreprise. L’objectif est donc de pouvoir optimiser cette Supply Chain.
La première phase est d’effectuer une optimisation interne. Cette optimisation est possible
par le développement au sein de l’entreprise d’outils de planification. Le rôle des systèmes
d’information est alors important comme nous le verrons ultérieurement. Cette optimisation interne
va donc consister dans la coordination la plus précise possible de toute la chaîne, des achats à la
distribution sans oublier la gestion de la logistique retour et du service après vente. Une fois cette
optimisation réalisée, il faut commencer à s’intéresser à ses relations avec ses partenaires. C’est ici
que commence à être utiles les procédés tels que l’EDI, la GPA ou encore le CPFR que nous
développerons plus tard. Enfin l’optimisation la plus intéressante est l’optimisation dite
« multiniveaux ». Le but est l’optimisation globale de l’ensemble de la chaîne. L’entreprise pivot de
ce système transmet ses informations qui vont être alors utilisées par les partenaires. Une entreprise
comme Danone Eaux France par exemple se doit d’avoir des relations très intégrées avec ses
partenaires. M. Kienlen, responsable transport route et méthodes chez Danone Eaux France,
considérant que le marché de la boisson en France peut être vu de manière exagérée comme un
oligopole, les amène « à des niveaux d’échanges et d’intégration forts avec [leurs] clients ; les
échanges avec [leurs] concurrents sont également nombreux »80.
L’optimisation de la Supply Chain est le sujet que nous allons traiter dans cette partie dans
le cadre de l’entreprise étendue car il semble que le développement encore plus poussé de ce mode
de fonctionnement industriel soit non seulement inéluctable dans la globalisation mais surtout
porteur de réussite économique pour les entreprises.

80
Interview de Kienlen M., responsable transport route et méthodes chez Danone Eaux France

78
2. Vers le « lean et agile »

Généralement les deux termes sont mis en opposition concernant la Supply Chain. Le terme
« lean » renvoi à la notion de réduction des coûts et d’augmentation des niveaux de service par
l’optimisation des processus opérationnels et l’élimination des gaspillages. C’est alors une logique
de juste à temps qui est appliquée avec un pilotage de la production par l’aval en flux tirés. Ce
système est basé sur la synchronisation des activités et la coordination des intervenants. Afin de
mettre en place ce genre de système, il faut avoir une certaine stabilité dans la Supply Chain pour
effectuer au mieux l’intégration des différents acteurs. Cette intégration se fait notamment par
l’automatisation de certains processus, ce qui laisse penser que tout ou partie de la chaîne va se
rigidifier. Le « lean » va pouvoir s’appliquer pour des produits relativement standards dont la marge
est assez faible et avec un cycle de vie long et dont la demande va pouvoir être correctement prévue.
Dans ce contexte, les différents logiques de production vont être basées sur le volume, l’économie,
les systèmes de type Kanban ou encore la conception modulaire que nous étudierons plus loin.
Dans une optique a priori inverse de production « agile », c’est surtout la flexibilité qui est
recherchée par l’adaptabilité des processus et des organisations afin de pouvoir faire face à
l’environnement en constants changements de l’entreprise. Le but premier est d’adapter la
production au plus près de la demande et, comme l’indique Nathalie Fabbe-Costes, « l’agilité, qui
combine donc flexibilité stratégique et opérationnelle, peut amener à modifier l’offre (produit et/ou
service), à changer de partenaires, à transformer les activités (nature et localisation), ainsi que leur
mode de pilotage »81. Cela va s’appliquer surtout aux produits customisés ou de mode à faible cycle
de vie et fortes marges et dont la demande est volatile. Les logiques de production sont alors des
logiques de spécification, de vitesse, d’approvisionnement spécifique et de conception
personnalisée.
Il parait alors simple d’opposer les deux concepts. L’un étant sensé être caractérisé par la
rigidité et l’automatisation et l’autre par la flexibilité et l’adaptation. C’est pourquoi pendant un
certain temps, les auteurs ont exclu la possibilité d’associer les deux. Or désormais il est reconnu
qu’ils peuvent bien être couplés. Une même entreprise peut ainsi gérer plusieurs chaînes de
production, certaines en lean d’autres en agile, ayant des familles de produits différentes ; la
saisonnalité de certains produits peut inciter les entreprises à fonctionner en lean en pleine saison et
en agile en période creuse ; ou encore la gestion de la différenciation retardée qui permet en amont
de la chaîne de fonctionner en lean et en aval en agile. L’optimisation de la Supply Chain passe par

81
Paché G., Spalanzani A., 2007, « La gestion des chaînes logistiques multi-acteurs : perspectives
stratégiques », Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, p.23

79
ces arbitrages s’effectuant quasiment produit par produit et chaîne de production par chaîne de
production. Il faut donc mener une véritable réflexion stratégique à la tête de la Supply Chain.

3. Développement des logiques collaboratives

Dans ce contexte, les partenariats entre entreprises devront se baser sur le développement de
concepts et de processus bien identifiés. Déjà présent depuis quelques années, l’EDI (Echange de
Données Informatisé ) est le premier outil devenu indispensable dans toute coopération afin de
profiter des NTIC et transmettre l’information de manière simple et instantanée. D’autres procédés
existent en matière d’approvisionnement notamment avec le développement de la GPA82 et de la
GMA83. Ces deux modes de gestion permettent une première étape vers la collaboration poussée
entre industriel et distributeur. Enfin l’avenir réside sûrement dans le CPFR84, sorte de GPA plus
poussée, ayant pour but un total partage de l’information tout au long de la chaîne permettant à
chaque maillon d’établir ses plans de productions par rapport aux autres et ainsi optimiser toute la
Supply Chain. Dans les faits, ces procédés sont déjà mis en place dans bon nombre d’entreprises,
seul le CPFR n’est pas encore développé. Cela s’explique par la crainte naturelle des entreprises à
divulguer des informations relevant de leur cœur d’activité. Le partage d’informations n’est pas
simple et c’est plus un problème mental qu’un problème technique ou technologique. Or pour
pouvoir profiter au mieux des possibilités offertes par l’entreprise étendue, le partage
d’informations doit être conséquent à tous les maillons de la chaîne. Il faut insister sur le fait que
c’est bien l’ensemble des acteurs qui doivent participer et pas seulement l’entreprise pivot et le
principal prestataire par exemple. Une fois qu’une chaîne complexe est établie, les actions de l’un
des membres agissent en cascade sur l’ensemble de la chaîne. Il faut donc une relation de confiance
entre les acteurs.
Les prestataires logistiques l’ont bien compris. Afin de prouver leur implication dans
l’activité de l’entreprise cliente, ils mettent en place et cherchent des solutions afin d’offrir la

82
GPA : Gestion Partagée des Approvisionnements, « mode de gestion des approvisionnements dans lequel le
distributeur s’engage à transmettre en temps réel au producteur les sorties d’entrepôts et les niveaux de
stocks afin que celui-ci établisse une proposition de réapprovisionnement ». Camman C., Livolsi L., Roussat
C., 2008, « Lexipro, le lexique des termes de la logistique », Logistiques Magazine, n° 232, Octobre 2008
83
GMA : Gestion Mutualisée des Approvisionnements, « mode de gestion des approvisionnements dans
lequel plusieurs industriels s’engagent à livrer ensemble, à partir d’un même site logistique, un ou plusieurs
distributeurs ». Camman C., Livolsi L., Roussat C., 2008, « Lexipro, le lexique des termes de la logistique »,
Logistiques Magazine, n° 232, Octobre 2008
84
CPFR : Collaborative Planning and Forecasting Replenishment, « démarche de collaboration et
d’intégration des processus de prévision et de planification entre clients et fournisseurs ». Camman C., Livolsi
L., Roussat C., 2008, « Lexipro, le lexique des termes de la logistique », Logistiques Magazine, n° 232,
Octobre 2008
80
meilleure qualité de service possible. Ainsi dans le contexte actuel de crise économique, les
prestataires logistiques ont des comportements similaires vis-à-vis de leurs clients. Ainsi chez
Kuehne+Nagel, « on met tout en œuvre pour baisser nos coûts de production et donc diminuer nos
tarifs de prestation » (P.Pépin, président de Kuehne+Nagel France) ; chez ID Logistics, « face à des
clients en difficultés, nous resserrons notre partenariat en établissant ensemble des projets de
réduction de coûts et des plans de progrès adaptés. Pour certains distributeurs, nous limitons le
niveau des stocks et augmentons les opérations en cross docking. On a pu monter facilement un
accord de mutualisation de stocks entre deux parties. Etre capable de trouver une solution
commune aux problématiques de plusieurs clients constitue la valeur ajoutée du prestataire » (E.
Hémar, PDG d’ID Logistics) ; ou encore chez ISS Logistique, « grâce au lean manufacturing que
nous opérons dans les usines, nous pouvons apporter des solutions logistiques d’accompagnement
de la baisse d’activité sans générer de surcoûts et de gaspillage sur les moyens fixes » (F. Plouvier,
directeur général d’ISS Logistique). On constate aisément que la quête de satisfaction du client est
un moyen de renforcer les liens entre les partenaires. C’est évidemment aussi un choix stratégique
afin de garder ses liens en sortie de crise quand de nouveaux contrats seront signés.
Enfin, dernier point, les relations au sein de l’entreprise étendue doivent être fortes et les
liens entre l’entreprise pivot et ses partenaires doivent être resserrés. L’exemple à suivre est celui de
Danone qui vient de lancer un fonds de développement de 100 millions d’euros pour « stimuler le
développement économique et social de l'écosystème de Danone » c’est à dire les fournisseurs, les
sous-traitants et le bassin d'emploi du groupe au niveau mondial, a déclaré le PDG, Franck Riboud.
La crise « a distendu de manière préoccupante les liens de l'entreprise avec ses autres parties
prenante. Il faut faire valoir une solidarité entre les différents acteurs pour la création d'une
richesse commune » car « aucun organisme ne se développe dans un milieu appauvri ou dans un
désert ». Ce fonds financera par exemple des « programmes de développement de
85
compétences » chez les fournisseurs ou encore favorisera la création d'activités comme des
microentreprises en relation avec les activités du groupe.

85
http://www.lesechos.fr/info/agro/afp_00141607-le-groupe-danone-cree-un-fonds-de-developpement-de-
100-millions-d-euros.htm, consultée le 23/04/09

81
B. L’externalisation comme axe stratégique et plus seulement opérationnel

1. Vecteur de succès par une méthodologie stratégique

Les FMN ont le plus souvent considéré l’externalisation comme un axe purement
opérationnel à court terme avec la réduction des coûts de production et d’exploitation par exemple.
Or en considérant le processus d’externalisation à un niveau stratégique, ces dernières ont la
possibilité de prendre de véritables mesures d’avenir pouvant leur permettre de disposer d’un
avantage concurrentiel durable. Il faut bien comprendre que l’externalisation ne doit s’inscrire qu’au
sein d’une stratégie bien définie et doit être conçue de manière précise. C’est pourquoi Bertrand
Quélin propose dans son article « L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique »86 des pistes
stratégiques à suivre afin que l’externalisation puisse être efficace et utile à l’entreprise. Il évoque
divers éléments à prendre en compte. Le premier consiste à effectuer une analyse interne de
l’entreprise en identifiant « le périmètre des activités concernées par l’externalisation », en
analysant « la coordination organisationnelle et les interfaces à construire entre l’activité
externalisable et celles maintenues en interne », en étudiant les faisabilités d’ordre technique,
juridique ou fiscale de l’opération et en évaluant également la décision « sur une base
multicritère ». Il faut ensuite pour l’entreprise, comme évoqué précédemment, s’interroger
l’appartenance ou non de l’activité à son cœur de métier. Nous verrons que cet indentification du
cœur de métier est un élément ayant de grandes implications sur les résultats d’une entreprise.
L’analyse multicritère proposée par l’auteur s’avère très intéressante du fait qu’elle montre
l’importance d’évaluer l’externalisation du point de vue stratégique. Les différents critères sont
naturellement en premier lieu la structure des coûts et donc les gains économiques que compte
retirer l’entreprise. En second lieu, la contribution de l’activité à l’avantage concurrentiel. Ensuite,
le niveau de pression concurrentielle. Ce critère est très important dans un contexte d’économie
globalisé où la pression concurrentielle est parfois immense. L’avant dernier critère concerne la
contribution à la valeur ajoutée. Ce critère est également fondamental car il suppose une
anticipation de l’entreprise sur son avenir et des évolutions de son environnement interne et externe.
C’est donc un critère qui nécessite une vision hautement stratégique de l’entreprise. Enfin, le
dernier critère concerne l’évaluation des capacités et des performances potentielles de l’entreprise
dans le cas où l’activité à externaliser doit rester en interne. L’entreprise peut choisir de ne pas
externaliser l’activité en question si elle pense qu’elle a des qualités supérieures que les prestataires
pour son exploitation.

86
Quélin B., 2007, « L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique », Revue française de gestion 2007/8,
n° 177, p.113-128
82
Au-delà de ces points, l’aspect humain et managérial est important car ce sont eux qui
doivent placer l’externalisation à un niveau stratégique en plaçant l’externalisation dans le cadre du
développement global de l’entreprise. Selon Quélin, « il s’agit de s’investir dans la mise en œuvre,
puis de communiquer en interne, ensuite de soigner la qualité du processus de sélection du
prestataire, et enfin de s’impliquer dans le management du relationnel avec le prestataire »87. Afin
que les entreprises puissent profiter de leur Supply Chain pour faire face aux évolutions de leur
environnement, elles doivent pouvoir compter sur des externalisations efficaces. Il faut éviter de
considérer les changements comme des restructurations mais plutôt comme des investissements de
développement qui permettront à l’entreprise de gagner en souplesse afin d’être plus réactive aux
diverses évolutions externes.

2. Le Global Sourcing comme intégration internationale

Le concept de Global Sourcing s’inscrit dans l’extension internationale de l’entreprise et


dans sa gestion des flux dans ce contexte. Il concerne donc l’élaboration de Supply Chain
internationales et se pose donc comme un élément d’analyse très intéressant dans le contexte actuel
d’entreprises touchées par la crise et accentuant le mouvement de délocalisation. Le Global
Sourcing a pour objectif de « trouver les points de production ou d’approvisionnements optimums,
à l’échelle de la planète, tout en tenant compte de l’ensemble des paramètres liés aux processus
logistiques, et en considérant des contraintes et des critères économiques, financiers, de services et
de risques »88.Une telle démarche n’est pas anodine et comporte certains freins : coûts logistiques
élevés, fiabilité non garantie des prestataires, sécurité des flux, pilotage global de l’ensemble de la
chaîne ou encore différences culturelles, risques politiques ou encore instabilité économique du
pays d’accueil. L’aspect le plus difficile à gérer pour une FMN voulant se lancer dans ce processus
va être d’évaluer les différents coûts tout au long de la Supply Chain. Entre les coûts
d’acheminement, les coûts logistiques, les coûts de stockage, les opérations de reconditionnement,
les coûts relatifs à la qualité ou les différentes taxes à payer, les coûts de pilotage, les coûts de
rupture potentiels, les coûts relatifs aux systèmes d’information ou encore les coûts de mise en place
du projet, l’entreprise peut rapidement se retrouver face à une montagne qu’elle n’aura pas envie de
gravir. Or les économies pouvant être faites grâce à un Global Sourcing (que même la grande
distribution commence à pratiquer) sont telles qu’il faut cherche le meilleur moyen d’y parvenir.
C’est dans ce contexte que les prestataires logistiques internationaux prennent toute leur

87
Quélin B., 2007, « L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique », Revue française de gestion 2007/8,
n° 177, p.122
88
Kranioti E., 2008, « Le Global Sourcing, un autre type de délocalisation », Le Journal de la Logistique,
n°58, Septembre 2008
83
importance. Ils sont les pivots d’une telle organisation que ce soit lors de la phase de projet que dans
la phase d’exploitation. Beaucoup d’entreprises effectuant du Global Sourcing tente de suivre le
même fonctionnement que lors d’un sourcing local, c'est-à-dire fractionner la Supply Chain en
cherchant les meilleurs coûts à chaque étape. Or au plan international cette pratique est trop risquée
et il faut considérer la Supply Chain de manière globale et donc faire appel à un prestataire pouvant
gérer l’ensemble de la chaîne. C’est pourquoi le Global Sourcing est un élément d’avenir pour les
entreprises. Son existence est une conséquence directe de la globalisation ayant permis
l’implantation sur l’ensemble des marchés mondiaux. En parallèle, les entreprises de type 4PL se
développent de plus en plus et prennent désormais une importance majeur dans la gestion des
Supply Chain des FMN. Dans un contexte visant à réduire toujours plus les coûts, la coopération
entre des FMN voulant les meilleurs prix et des prestataires en plein essor se dirigeant vers un rôle
d’intégrateur global de type 5PL est une solution d’avenir. Les FMN peuvent ainsi profiter de
l’expertise grandissante des prestataires et faire face aux difficultés de l’environnement
économique. Ce n’est ainsi pas un hasard si des FMN comme Airbus, lancées dans des stratégies
d’expansion géographique de la production font appel à des intégrateurs comme Kuehne+Nagel
dans des contrats mondiaux visant à réduire les coûts (plan Power 8) et à se placer sur des marchés
porteurs.

3. Concentration sur son cœur de métier pour changer de business model

L’externalisation s’avance donc comme une manière pour les FMN de poursuivre leur
développement, notamment international. L’externalisation peut également permettre de réorienter
sa stratégie globale du fait que le choix d’externaliser porte sur des activités précises. L’intérêt de
considérer l’externalisation dans ce sens prend de l’importance quand l’entreprise connait des
difficultés. Changer d’orientation dans sa stratégie globale est l’une des voies possibles pour sortir
d’une situation difficile. L’externalisation peut permettre de changer de business model notamment
en se concentrant sur son cœur de métier.
La volonté de concentration de l’activité de l’entreprise sur son cœur de métier est bien
souvent un élément déclencheur de la volonté d’externaliser. La principale difficulté est de bien
identifier son cœur de métier. C’est un enjeu majeur car bien des entreprises ont raté leurs
externalisations du fait qu’elles avaient mal jugé leur cœur de métier et ainsi avaient confié des
activités stratégiques à des prestataires. Il y a quatre critères qui permettent d’identifier
convenablement le cœur de métier : « la contribution à la création de valeur ; la rareté ; le

84
caractère non imitable ; le caractère non substituable »89. Se recentrer sur son cœur de métier
devient une problématique majeure pour les entreprises car pour garder ses positions de marché, il
faut exceller dans ce qui fait la réussite de l’entreprise. Des exemples simples de cœur de métier
sont la miniaturisation chez Sony, les technologies adhésives chez 3M ou encore le temps de cycle
et la logistique chez Domino’s Pizza. Cet enjeu est bien présent chez les FMN. Pour reprendre
l’exemple d’Airbus, dans son plan Power 8, une grande part est dédiée à l’externalisation (contrats
avec Kuehne+Nagel et DHL) afin de se concentrer sur un nouveau business model basé sur la
réduction du cycle de développement des avions, sur le lean manufacturing et sur la rationnalisation
de l’organisation productive et logistique. Le rôle des prestataires logistiques est alors fondamental
car c’est eux qui peuvent permettre, par leur efficacité dans les activités externalisées, aux FMN de
voir leurs stratégies fonctionner. C’est aussi pourquoi les collaborations entre industriels et
prestataires logistiques ne font que s’accroître et deviennent de plus en plus étroites en temps de
crise économique comme actuellement. Comme le souligne Patrick Pépin, président de
Kuehne+Nagel France, « la grande problématique d’aujourd’hui est l’incertitude et l’absence de
confiance qui pèsent sur l’économie mondiale. Ce bouleversement annoncé ne peut que conforter
les acteurs économiques dans leur choix de se concentrer sur leur cœur de métier et d’externaliser
davantage leurs opérations annexes pour gagner en flexibilité et en réduction de coûts. (…). En
période de crise, cette capacité qui est la nôtre doit simplement être accentuée et se traduit par un
renforcement de notre partenariat avec nos clients en étant en permanence force de proposition »90.
L’externalisation est donc devenu un élément vital dans un contexte actuel marqué par la
globalisation des marchés, par une accentuation de la pression sur les entreprises quelle soit
concurrentielle ou économique, et par une évolution perpétuelle de la Supply Chain. L’aspect
stratégique est nécessaire afin d’inclure l’externalisation dans la stratégie globale de l’entreprise. Si
les entreprises arrivent à voir le processus d’externalisation comme un processus de développement
de l’entreprise plutôt que comme une contrainte de réduction de coûts liée aux difficultés
économiques, alors l’externalisation peut se présenter comme une solution viable de sortie de crise.
C’est l’un des enjeux futurs de l’entreprise étendue.

89
Quélin B., 2007, « L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique », Revue française de gestion 2007/8,
n° 177, p.118
90
Mouly B., 2009, « Les prestataires logistiques s’expriment face à la crise », Logistiques Magazine, n°237,
Mars 2009
85
C. Autre option : la réinternalisation

1. Une réponse à la recomposition de la chaine de valeur : de l’outsourcing au


backsourcing

Alors que l’externalisation est désormais vue comme la marche à suivre presque
systématiquement dans le cadre du développement des FMN et en tant que mode de réponse aux
difficultés procurées par des événements tels que la crise financière par exemple, certains
chercheurs ont exploré les possibilités offertes par la voie inverse, la voie de la réinternalisation.
Généralement considérée comme une stratégie marginale par le monde de l’entreprise ou comme un
constat d’échec à la suite d’une externalisation, la réinternalisation peut en réalité permettre aux
FMN d’avoir plus de flexibilité, condition nécessaire pour faire face à la pression concurrentielle.
En s’intéressant aux théories de la firme, on constate que c’est la théorie des coûts de transaction
qui régit les comportements des managers dans le cadre du choix stratégique d’externaliser ou de
garder en interne. Or cette théorie est appliquée par les FMN de manière statique à un moment
donné dans le temps. Le principe de réinternalisation fonctionne lui de manière dynamique. Le
terme de réinternalisation est défini comme l’intégration au sein d’une entreprise d’une activité
précédemment externalisée. La difficulté est qu’il faut donc se réapproprier les compétences
perdues lors de l’externalisation. Les auteurs ayant étudié la question ont deux visions de ce
processus dont la première est que la réinternalisation est une réponse à une externalisation ratée. La
réinternalisation est alors vue comme « un moyen de réduire les coûts de transaction provoqués par
une utilisation inadéquate de l’externalisation ou par une sous-performance voir une défaillance du
prestataire externe »91. Les inconvénients de la réintégration de certaines activités sont que
l’entreprise va perdre accès à certaines informations concernant les fournisseurs, va voir apparaître
des coûts bureaucratiques et va avoir moins de flexibilité en cas de barrières à la sortie élevée.
L’échec de l’externalisation peut être une réalité pour un certains nombre d’entreprises dans
le cas où l’engagement même dans cette voie n’était pas mûrement réfléchie et que l’entreprise à
faire preuve d’un comportement de suiveuse de ses concurrents qui eux externalisaient. La difficulté
de bien définir son cœur de métier est à l’origine également d’externalisations ratées. La
réinternalisation peut alors se poser en moyen de réparer les dégâts causés par une mauvaise
orientation stratégique. Dans un contexte économique difficile, la réinternalisation peut permettre à
certaines entreprises de repartir sur des bases de travail solides et ne pas être dépendantes de
prestataires ou de sous traitants eux mêmes en difficulté financière. Mais au-delà d’une
externalisation ratée, la réinternalisation peut être vue comme une véritable décision stratégique.
91
Fréry F., Law-Kheng F., 2007, « La réinternalisation, chaînon manquant des théories de la firme », Revue
française de gestion 2007/8, n°177, p.165
86
2. Plus qu’une externalisation ratée, une voie stratégique

En effet, « une vision positive de la réinternalisation consiste à la considérer comme une


réponse aux besoins de dynamique des frontières de la firme »92. L’avantage majeur de cette vision
est qu’elle considère la réinternalisation dans une version dynamique de l’environnement de la
firme. Elle doit permettre à l’entreprise de faire preuve d’agilité en s’adaptant à son contexte et son
environnement économique. En reprenant les théories de la firme, quand l’une des caractéristiques
de la transaction pour laquelle a eu lieu une externalisation change, il faut se reposer la question de
l’efficience de cette même externalisation. Or avec la globalisation, le monde et les conditions de
transactions sont en perpétuelles évolutions. Il faut donc pour les entreprises sans cesse évaluer la
pertinence de leurs décisions stratégiques. Mais dans la plupart des cas, les décisions
d’externalisation semblent irréversibles dans l’esprit des dirigeants. Or des gains d’efficacité et de
productivité peuvent être apportés par la remise en cause des décisions d’outsourcing. De même,
quand l’environnement change, que par exemple le comportement des consommateurs se modifie,
le cœur de métier de l’entreprise peut changer aussi. La voie de la réinternalisation peut donc être
une solution intéressante afin de récupérer des activités pouvant être devenues entre temps des
activités principales de l’entreprise. Cela va être d’autant plus fort dans les secteurs à très forte
pression concurrentielle et sur lesquels les changements concurrentiels sont rapides. C’est ainsi que
l’on peut tout à fait imaginer voir des entreprises réaliser les mêmes activités à la fois en interne et
en externe suivant les situations et les besoins. Les motivations de la réinternalisation vont être « la
recherche d’efficience, de pouvoir, d’autonomie, de croissance, de développement de compétences
ou de meilleure cohérence en termes d’identité »93. Pour des entreprises visant à respecter les
principes de l’ECR, qui plus est dans un contexte économique comme une crise, la recherche de
satisfaction du client peut passer par la réinternalisation qui peut aider les entreprises à récupérer
des activités leur permettant de mieux connaitre les besoins de leurs clients et ainsi mieux répondre
à leurs besoins. Les décisions de réinternalisation peuvent donc jouer un rôle stratégique évident. Le
problème la plupart du temps est que les entreprises pensent, à tort certainement, que la voie de
l’externalisation est la seule amenant à des améliorations de la Supply Chain. Ce comportement
peut être du mimétisme par rapport à ce que font certaines entreprises ayant du succès ou étant
considérés comme des entreprises leaders en SCM. Or l’activité de chaque entreprise est différente
et répond à des besoins propres nécessitant des décisions totalement individualisées. C’est pourquoi

92
Fréry F., Law-Kheng F., 2007, « La réinternalisation, chaînon manquant des théories de la firme », Revue
française de gestion 2007/8, n°177, p.166
93
Santos et Einsenhardt, 2005 dans Fréry F., Law-Kheng F., 2007, « La réinternalisation, chaînon manquant
des théories de la firme », Revue française de gestion 2007/8, n°177, p.166
87
la voie de la réinternalisation doit être au moins étudiée par les entreprises en difficulté ou visant à
modifier leur Supply Chain.

3. Quelques faits

Dans les faits, certaines entreprises ont fait des démarches de reinternalisation de certaines
de leurs activités. Afin de bien illustrer ce phénomène, nous reprendrons ici en partie les exemples
énoncées par Frédéric Fréry et Florence Law-Kheng dans leur article « La réinternalisation, chaînon
manquant des théories de la firme ». Ils prennent les exemples de cinq entreprises de secteurs
différents et avec des motivations de réinternalisation également différentes. Ils prennent d’abord
une entreprise de commerce de détail à distance qui avait décidée d’externaliser son centre d’appels
de prise de commandes afin d’améliorer la rentabilité et le contrôle de l’activité et accroitre sa
flexibilité. L’externalisation a duré deux ans car les coûts étaient trop élevés et les ventes ne
progressaient pas assez. Ce fut donc un retour en arrière. Ensuite, une entreprise de
télécommunications qui externalisait ses ressources humaines et son service comptabilité clients
dans le cadre de la création de l’entreprise. L’élément déclencheur de la réinternalisation fut
l’absorption d’un concurrent et la nécessité d’intégrer des nouveaux services internes à ceux
externalisés. Troisième cas, celui d’une entreprise de distribution de matériels qui a externalisé
pendant six ans une partie de ses systèmes d’information et qui les a repris cela en interne par
volonté de maîriser les processus stratégiques de la firme. Autre cas, celui d’une entreprise de
médias qui elle aussi externalisait pendant dix ans sa gestion de l’information afin de mettre en
place l’informatisation de l’entreprise et qui a réinternalisé cet aspect une fois cette informatisation
faite. Enfin dernier cas, celui d’une entreprise immobilière qui a laissé la gestion de ses systèmes
d’information à un prestataire extérieur afin de réduire les coûts et d’obtenir une meilleure gestion
des compétences. C’est ici un changement de direction qui a amené à une reinternalisation. Dans
tous ces cas, il y a un facteur commun de réinternalisation à savoir le coût de l’externalisation. On
peut souvent penser qu’externaliser va permettre d’alléger ses coûts mais dans beaucoup de cas les
coûts sont très élevés. On en revient à la raison majeure des entreprises à externaliser qui est d’avoir
de meilleures performances même à un prix élevé.
La réinternalisation permet donc de réduire certains coûts liés à l’externalisation, à
reprendre le contrôle de certaines activités et donc permet dans un contexte économique difficile
d’offrir aux entreprises la possibilité d’apporter des modifications internes et de réorganiser certains
secteurs. Dans le contexte actuel, cette réinternalisation va permettre d’avoir une adaptation
temporaire comme le souligne Eric Hémar d’ID Logistic : « On prévoit également sur les six

88
prochains mois de réinternaliser temporairement certaines fonctions jusqu'à présent externalisées
telles que le gardiennage, le nettoyage et la maintenance des équipements »94.

II. Développement de la production modulaire


A. La production modulaire comme évolution logique de l’industrie

1. Les « Complex Products Systems »

Après s’être intéressé au développement de l’entreprise étendue afin de répondre aux défis
de la globalisation, il existe une voie proche mais différente : développer la production modulaire.
Ce principe peut s’inscrire dans celui de l’entreprise étendue mais présente de telles spécificités
qu’il faut clairement le différencier. Selon Baldwin et Clark en 2000, « le principe de modularité
consiste à décomposer un produit complexe en un ensemble de modules indépendants, coordonnés
par la mise en place d’interfaces standardisées, qui permettent une gestion autonome des modules
par les multiples acteurs qui interviennent tout au long du processus »95. Ce système de production
a pour avantage majeur de favoriser l’innovation, élément devenu indispensable avec la
globalisation. L’innovation peut être d’abord locale par la standardisation des interfaces permettant
de faciliter le travail pour tous les acteurs et ainsi de se concentrer sur l’activité même. La
modularité implique une multitude d’acteurs très spécialisés. On constate ici deux nouvelles sources
d’innovations : plus le nombre d’acteurs s’accroît, plus la possibilité de voir l’un d’eux innover est
possible ; et la production modulaire implique ce que nous verrons après, la présence d’un
« architecte » qui va être également source d’innovation.
Les CoPS (Complex Product System) sont des systèmes de productions modulaires mais de
types impurs c'est-à-dire dont les conditions de stabilité des interfaces sont faibles et pour lesquelles
les modules sont peu mono fonctionnels. Dans ces cas, l’architecte doit garder des compétences
concernant chaque module. Nous verrons ce cas ultérieurement. La modularité dans les CoPS
conduit à deux niveaux de contraintes. La première concerne la recherche et développement pour
laquelle les données doivent être partagées et donc pour lesquelles l’interdépendance entre les
partenaires doit être forte. La seconde concerne les activités de production pour lesquelles certaines
d’entre elles doivent bénéficier du travail des autres et donc être dépendantes tandis que d’autres
sont autonomes. Ce point sera explicité dans la suite de cette partie.

94
Mouly B., 2009, « Les prestataires logistiques s’expriment face à la crise », Logistiques Magazine, n° 237,
Mars 2009
95
Dans Mouchnino N., Sautel O., « Coordination productive et enjeux concurrentiels au sein d’une industrie
modulaire : l’exemple d’Airbus », Innovations 2007/1, n°25, p.136
89
Les CoPs sont intéressants à développer car ce sont les systèmes présents dans les industries
de pointe que sont l’aéronautique et l’automobile et dans lesquels les grandes avancées logistiques
ont eu lieu. Ils sont souvent précurseurs en terme de processus industriels et nous pouvons donc
nous interroger sur l’avenir des CoPS et de la production modulaire dans son ensemble dans ce
contexte.

2. La DIPP, élément indissociable de la globalisation

La production modulaire s’inscrit totalement dans l’une des évolutions industrielles


majeures issues de la globalisation à savoir la Division Internationale du Processus Productif
(DIPP). Lassudrie Duchêne dès le début des années quatre vingt avait présenté ce phénomène qui
n’a fait que s’accroître depuis et qui caractérise l’industrie de la globalisation. Cette dénomination
est en réalité celle donnée depuis longtemps au principe de modularité bien que ce dernier rentre
dans des détails plus complexes et des niveaux plus fins. Lassudrie Duchêne avait montré qu’il
existe un gain à l’échange international spécifique aux segments des processus productifs. Cette
DIPP favorise néanmoins certaines zones bénéficiant de conditions favorables : coûts salariaux
attractifs, maitrise technologique, position géographique favorable, infrastructures de qualité et
potentiel de marché. Cela rejoint ce que nous avons expliqué concernant les politiques mises en
place par les Etats par exemple ou les motifs d’internationalisations des entreprises pour conquérir
de nouveaux marchés.
La DIPP s’applique aujourd’hui à tous les segments de la chaîne de valeur. On assiste
également à une évolution de son fonctionnement. Auparavant, la fragmentation des processus
productifs consistait dans la délocalisation des phases d’assemblage et la réimportation des produits
finis. Or aujourd’hui, « ce sont souvent (…) les activités de fabrication des biens intermédiaires qui
sont délocalisées tandis que les phases d’assemblage sont centralisées dans les pays où se
concentre la demande »96. Ce processus est donc une cause et une conséquence de la globalisation.
Divers éléments comme la baisse des coûts de transport par exemple ont conduit à l’allégement des
contraintes d’interdépendance. Cela a favorisé la diffusion de la DIPP et inciter les entreprises à
répartir leurs unités productives sur une gamme importante de pays afin d’exploiter la diversité de
leurs avantages. On constate néanmoins une agglomération des unités de production vers les
grandes agglomérations des zones développées de la Triade malgré l’émergence de nombreux PVD.

96
Moati P., Mouhoud E., 2005, « Décomposition internationale des processus productifs, polarisations et
division cognitive du travail », Revue d’économie politique, Décembre 2005

90
Des pays comme l’Inde, en se spécialisant dans les NTIC ont néanmoins une place majeure dans la
DIPP.
Ce processus de DIPP est donc un élément majeur de la globalisation et donc renforce l’idée
de développer la production modulaire au sein des entreprises car le processus est déjà en marche
depuis un moment et que c’est son extension et ses mutations qui pourront permettre aux FMN de
faire face aux contraintes de leur environnement.

3. Entre nécessité de proximité et possibilité d’éloignement

L’accentuation de la DIPP par l’utilisation de la production modulaire et de CoPS est un


moyen efficace pour les entreprises d’avoir plus de réactivité et de flexibilité. Mais deux éléments
pouvant être contradictoires vont se faire face au sein de telles structures. En premier lieu, plus
l’architecture est complexe (ce qui tend fortement à être le cas), plus la nécessité de proximité est
forte car malgré l’utilisation massive des NTIC pour permettre l’échange d’informations, les
rencontres physiques semblent demeurer indispensables notamment quand les phases d’évolution
du produit et celles de définition de l’architecture se présentent : « la proximité géographique reste
un instrument nécessaire et il n’est guère possible de fragmenter les phases de conception des
différents modules »97. On constate d’ailleurs que dans le cas d’Airbus par exemple, les systémiers
de l’entreprise sont à proximité géographique dans le bassin toulousain. Dans le même temps,
certaines activités ne nécessitent absolument pas de proximité et ce sont elles qui vont en partie
faire la force d’un système modulaire. La confiance nécessaire dans les gérants de modules
implique de leur laisser une grande latitude dans les activités de recherche et développement. Les
résultats étant propre à chaque module, ces derniers peuvent être très éloignés de la localisation de
l’architecte. Il existe une autre dualité issue de la modularité qui concernant les activités de
production. En effet, certains segments de production nécessitent une proximité géographique
étroite du fait de la coordination nécessaire de certains flux productifs. Ils s’opposent naturellement
aux modules indépendants qui ne vont pas être contraints par l’interdépendance entre certains
modules. Ce sont d’ailleurs les entreprises s’occupant de ces derniers qui vont pouvoir développer
des sites de productions spécialisés et ainsi permettre les économies d’échelle.
Il faut au final bien différencier le principe de CoPS nécessitant comme nous venons de le
voir une certaine proximité géographique, et le principe de modularité pure que nous allons voir et
qui présente des caractéristiques différentes. Le principe de CoPS implique donc une certaine

97
Frigant V., « L’impact de la production modulaire sur l’approfondissement de la DIPP », Revue
d’économie politique 2007/6, Volume 117, p.952
91
relocalisation des unités de production allant à l’encontre des principes de la globalisation et de la
tendance générale.

B. « Pur architecte », stratégie risquée à adapter mais efficace

1. Le « pur architecte » et ses contraintes

Dans ce contexte de modularité, deux stratégies peuvent prévaloir. La première consiste à


garder en interne certains modules et gérer l’ensemble. Ce cas se retrouve la plupart du temps et il
n’apporte donc pas d’éléments nouveaux dans un contexte de recherche de nouvelles voies
d’optimisation et d’efficience. La deuxième en revanche s’avère intéressante à étudier. Elle consiste
à avoir une stratégie dit de « pur architecte ». Ce rôle peut être défini comme « l’acteur qui fixe
l’architecture-produit et les interfaces correspondantes, et qui assure en dernier lieu l’assemblage
des modules »98. L’architecture-produit est l’élément caractérisant une production modulaire. Ce
sont les « règles explicites définissant la structure produit, et les différents modules reliés entre eux
par des interfaces standardisées »99. L’architecte doit donc avoir la capacité de déterminer les
différentes interfaces et de maîtriser la conception des différents modules. L’architecte doit par
conséquent être présent en amont et en aval de la chaîne. L’objectif de l’architecte est de faciliter la
coordination des tâches et des compétences associées.
L’architecte doit faire face à deux contraintes majeures. La première réside dans l’aspect
technologique du produit final et des différents modules. Il doit être en mesure de saisir la
complexité du produit pour arriver à construire une architecture adaptée. L’architecte doit assurer la
coordination ce qui va permettre le fonctionnement du produit à court terme et son évolution
technologique à long terme. La deuxième est la préservation de la contrainte concurrentielle.
L’importance de la structure organisationnelle doit être prise en compte. La variable stratégique
également. En effet, chaque acteur va se retrouver en concurrence afin de capter le maximum de la
rente apportée par le produit final. Cet aspect couplé à l’aspect technologique va nous permettre de
voir comment un pur architecte peut y faire face.
Une stratégie de « pur architecte » est celle mise en place notamment par Boeing qui
externalise complètement la production de ses modules et celle que semble vouloir suivre Airbus. A
priori il est simple de penser que la seule qualité dont doit faire preuve l’architecte est d’avoir un
savoir faire important en terme d’assemblage sans avoir à se préoccuper de la gestion interne des

98
Mouchnino N., Sautel O., « Coordination productive et enjeux concurrentiels au sein d’une industrie
modulaire : l’exemple d’Airbus », Innovations 2007/1, n°25, p.138
99
Mouchnino N., Sautel O., « Coordination productive et enjeux concurrentiels au sein d’une industrie
modulaire : l’exemple d’Airbus », Innovations 2007/1, n°25, p.137
92
modules. Or la réalité semble différente et il faut pour l’entreprise voulant être « pur architecte »
réussir à résoudre les deux contraintes évoquées auparavant.

2. Un système viable mais à maitriser

La stratégie de « pur architecte » est intéressante si les deux contraintes sont gérées.
Intéressons nous donc à la manière pour les entreprises de les prendre en compte. Il faut d’abord
faire attention à l’aspect technologique. L’architecte va forcément devoir effectuer des efforts en
terme de recherche et développement, en terme de conception du modèle et d’intégration. Cet
aspect n’est possible que par la connaissance des modules. Il faut aussi noter que c’est l’architecte
qui effectue la production de ses modules, donc il doit automatiquement avoir des connaissances
quant à leurs caractéristiques. Néanmoins, le « pur architecte » ne va peut être pas vouloir la
production de ses modules. Il existe alors un moyen, celui employé par Airbus, pour contourner ce
problème. L’entreprise peut dès la phase de conception du produit final associer un certain nombre
d’entreprises qui vont directement intervenir dans le cycle de vie du produit. C’est ainsi que l’on
assiste à l’apparition de « systémiers » (comme vu dans l’étude du cas d’Airbus précédemment).
Pour exemple, le développement de l’avion A380 à réuni plus de six cents ingénieurs. Airbus s’est
donc délesté de toute la partie recherche et développement concernant la production des différents
modules. La première contrainte concernant la capacité de l’architecte à garder les compétences
technologiques du produit est alors résolu en intégrant les partenaires au processus de recherche et
développement. L’avantage concurrentiel du « pur architecte » va alors être sa capacité à
coordonner les savoirs issus de la recherche et développement.
L’autre contrainte en revanche va poser un réel problème au « pur architecte ». La position
concurrentielle va en effet être menacée de manière horizontale et verticale. Le problème principal
est que le fait de se limiter au seul rôle d’architecte rend son rôle beaucoup plus facilement
substituable. Il prend alors le risque que des partenaires essaient de prendre sa place d’architecte.
C’est une concurrence alors horizontale portant sur l’activité finale de l’entreprise. Les barrières à
l’entrée sont alors plus faibles pour une entreprise souhaitant devenir architecte du fait que les
compétences requises sont uniquement celles de coordinateur et que les coûts de production et
d’exploitation sont essentiellement sur les épaules des partenaires et pas de l’architecte.
Généralement, ce sera un partenaire déjà présent dans un module qui pourra être tenté d’acquérir les
compétences de coordinateur afin d’accroître ses compétences. Pour exemple, certains partenaires
japonais de Boeing ont montré leur intention d’entrer sur le marché des petits avions et donc de
devenir un concurrent de Boeing sur ce segment de marché. L’autre type de concurrence est une
concurrence verticale. Cela concerne le partage de la rente entre les fournisseurs. Le « pur
93
architecte » a normalement le contrôle sur ce partage. Or la seule fonction de coordination de ce
dernier donne beaucoup d’importance aux partenaires et leur pouvoir de négociation augmente
considérablement. C’est donc le pouvoir du « pur architecte » qui est remis partiellement en cause.
Il y a également une corrélation entre les deux types de concurrence. Plus la concurrence
horizontale est forte, plus la concurrence verticale risque de l’être aussi.
La pression concurrentielle est donc le principal risque pour le « pur architecte ». Afin d’y
faire face, il doit donc mettre en place des stratégies complémentaires.

3. Des stratégies complémentaires indispensables

La première stratégie vise à réduire en priorité la concurrence horizontale. L’entreprise peut


chercher à prendre le contrôle d’un module « critique » en plus de sa place d’architecte. Un module
critique « peut être défini comme un module dont l’importance productive est particulièrement
forte »100. Cette importance peut être mesurée par la complexité technologique ou par sa centralité
dans l’architecture, centralité qui le rend indispensable. Le contrôle de ce module stratégique permet
alors à l’entreprise architecte de récupérer plus de pouvoir. Ainsi la concurrence horizontale va être
limitée du fait de l’impossibilité pour des nouveaux entrants de prendre à la fois la position
d’architecte et de fournisseur du module critique. Cette stratégie va également limiter la
concurrence verticale car les partenaires vont se retrouver dépendants de la centralité du module
critique, laissant donc un pouvoir de négociation très important à l’architecte. C’est la combinaison
des deux rôles qui le permet. L’entreprise ne doit absolument pas laisser sa place d’architecte c’est
toujours lui au final qui est le leader de la production. Un aspect stratégique très intéressant se cache
derrière. L’architecte est celui qui détermine les complémentarités et les interdépendances des
différents modules. S’il veut prendre le contrôle du module critique, il peut d’abord choisir le
module pour lequel il a des compétences et en faire le module critique par sa position d’architecte.
Il se crée alors lui-même sa position de force au sein du système. De même, l’entreprise peut éviter
qu’un module détenu par un partenaire puissant ne soit un module critique. Cette stratégie est la
stratégie employée par Airbus. Au final, cela permet de remettre des barrières à l’entrée pour le rôle
d’architecte et ainsi permet de protéger sa position.
La deuxième stratégie revient à garder des compétences internes sur les différents modules
afin de réduire la position de forces des partenaires qui peuvent se sentir indispensables. Cela peut
passer par des collaborations au sein de cluster (comme le fait Airbus) avec des industriels, des
PME, des universités ou des centres de recherche, et ce afin de d’accroître son avantage

100
Mouchnino N., Sautel O., « Coordination productive et enjeux concurrentiels au sein d’une industrie
modulaire : l’exemple d’Airbus », Innovations 2007/1, n°25, p.146
94
technologique. La collaboration pour la recherche et développement évoquée précédemment permet
également d’avoir des informations techniques des partenaires. Cette stratégie se base sur le fait que
l’architecte peut mettre une certaine pression sur ses partenaires en laissant penser qu’en cas de
problème, il aurait les capacités pour assurer lui-même certaines modules. On arrive au final à la
situation d’un système modulaire impur dans lequel l’architecte n’assure pas dans son plan de
production une parfaite modularité du fait de ses capacités techniques et de sa volonté de contrôler
ce qui se passe au sein de chaque module. On est alors totalement écarté de la vision de « pur
architecte ». On arrive à la situation d’Airbus, architecte d’une production modulaire renforcée par
la production d’un module critique et le maintien en interne de certaines compétences.
La position de « pur architecte » semble donc être trop risquée pour être appliquée mais des
systèmes s’en inspirant sont au contraire des systèmes d’avenir pour les FMN. La production
modulaire permet de profiter des compétences d’un grand nombre de fournisseurs spécialisés. Mais
il faut concevoir ce genre de systèmes sur une base stratégique en prenant en compte les rapports de
force inhérents à ce genre de structure. Il faut également bien prendre en compte le fait que les
avancées technologiques pourront à l’avenir venir troubler les architectures car l’évolution plausible
est que certaines entreprises vont dans un premier temps venir s’insérer dans une architecture avant,
grâce à ses compétences technologiques, dans un deuxième temps chercher à prendre la place de
l’architecte. Ce type de comportement risque d’atténuer la confiance entre les différents acteurs,
confiance qui est pourtant à la base de ce système. Dans ce contexte, d’autres acteurs peuvent
s’avérer décisifs : ceux ayant traits aux systèmes d’information. Ces derniers sont désormais
indispensables à n’importe quel système productif et apportent de nouvelles solutions aux FMN en
parallèle à un système modulaire.

C. Dans ce contexte, externaliser le non physique

1. Le phénomène offshore

L’une des voies que certaines entreprises connaissent parfois encore mal ou qu’elles
n’exploitent pas au mieux est l’externalisation des activités non physiques de l’entreprise. Apres
avoir fait ce qu’elles devaient faire en matière d’externalisation de leur logistique physique comme
nous l’avons vu, les FMN peuvent pousser l’expérience vers ce qui prend de plus en plus
d’importance dans le SCM, à savoir les systèmes d’information. L’externalisation offshore signifie
« que la firme confie à un ou plusieurs prestataires informatiques étrangers tout ou partie des

95
ressources physiques et/ou humaines de sa fonction systèmes d’information »101. Il faut bien
différencier les différents modes de gestion des systèmes d’information, au nombre de quatre. Il y a
en premier lieu la gestion en interne assurée par des salariés de l’entreprise ; ensuite
l’externalisation des systèmes d’information qui signifie que le prestataire se trouve dans le même
pays que l’entreprise cliente ; puis le cas de prestataires qui ont suffisamment de moyens financiers
pour être présent dans les pays dans lesquels se font les externalisations (on peut penser ici à des
entreprises telles que SAP ou IBM employant des milliers de personnes en Inde par exemple) ; et
enfin l’externalisation offshore des systèmes d’information. Il convient de se poser la question des
raisons qui devraient pousser les FMN à faire appel massivement à l’externalisation offshore. Elles
peuvent retirer quatre bénéfices principaux d’une telle démarche. Le premier est la recherche de
flexibilité car la plupart des FMN sont des entreprises américaines ou européennes et la plupart des
prestataires sont asiatiques donc les projets peuvent être développés en continu 24h/24h. Le
deuxième concerne la recherche de qualité car comme pour les externalisations classiques, l’un des
moteurs est de confier l’activité à des entreprises spécialistes. Ensuite, cela permet de pouvoir
accéder à de nouveaux marchés soit par le fait de passer des contrats avec des entreprises locales et
donc faire connaitre son entreprise sur ce marché ou pour les grands prestataires informatiques tels
que SAP, IBM ou Cap Gemini de s’implanter directement sur les marchés porteurs. Enfin le
bénéfice essentiel réside dans la baisse des coûts induits d’une telle organisation.
En effet, trois types de coûts peuvent être baissés lors d’une externalisation offshore. Les
coûts de production évidemment par la recherche de la baisse du coût horaire du personnel
employé. C’est la baisse vu en priorité par les FMN. A titre d’illustration, le coût horaire d’un
ingénieur informatique indien est seize fois mois élevé que celui d’un ingénieur allemand. C’est
pourquoi les prémices de l’externalisation offshore ont été pour les centres d’appel pour lesquels la
majorité des coûts sont des coûts salariaux. Ce n’est pas un hasard pour que la majorité des FMN
aujourd’hui aient délocalisés les centres d’appel. Le deuxième type de coûts concerne les coûts de
transaction. Là encore, c’est un type de coût qui rentre dans les stratégies classiques
d’externalisation et qui vaut également pour les systèmes d’information. Dans ce cadre spécifique, il
y a d’abord les coûts de recherche du prestataire. On constate que désormais le mimétisme est de
mise chez les FMN afin de minimiser les risques d’erreurs. L’exemple de l’Inde et de la ville de
Bangalore est frappante : bien que les coûts salariaux soient de 20% à 30% supérieurs à d’autres
villes indiennes, Bangalore à acquis une réputation qui lui permet d’attirer les FMN étrangères. Il y
aussi dans ces coûts de transaction les coûts de management du prestataire qui vont être plus élevés
pour les systèmes d’information notamment concernant les coûts de télécommunication et de

101
Geyer D., 2007, « L’externalisation offshore du système d’information », Revue française de gestion, n°
177, p.130
96
coordination nécessaires. Enfin les troisièmes types de coûts à prendre en compte sont ceux de
transition qui renvoient au passage d’un mode de gestion à un autre. Ce sont les coûts les plus
difficiles à mesurer mais qui peuvent s’ils sont trop élevés compromettre le succès de l’opération.
Evidemment l’externalisation offshore des systèmes d’information comporte également des
risques comme des risques financiers liés au fonctionnement de la loi de l’offre et de la demande
qui peut faire augmenter les coûts salariaux ou les risques de variation de taux de change. Il y a
également des risques techniques qui concernent le périmètre d’externalisation c'est-à-dire les
activités à externaliser. Certaines par nature ne pourront pas l’être comme le dépannage
informatique ou la modélisation de l’architecture interne de l’entreprise. Il existe aussi des risques
comportementaux liés aux différences de culture entre le pays de la société externalisant et le pays
du prestataire. Enfin il faut aussi prendre en compte les risques légaux concernant la stabilité
politique du pays d’accueil, l’environnement juridique et les protections de la propriété
intellectuelle.
Au final si les risques sont bien pris en compte dans la stratégie de l’entreprise, les
bénéfices peuvent vite devenir immenses. Sur son principe, l’externalisation offshore des systèmes
d’informations vient totalement compléter les systèmes en production modulaire et le concept
d’entreprise étendue. L’entreprise mère accentue par ce biais son pilotage stratégique en se
concentrant de plus en plus sur son cœur de métier et donc sur les décisions les plus vitales de son
activité laissant toutes les opérations non indispensables à des prestataires extérieurs bien plus
spécialisés et donc bien plus efficaces dans leurs tâches. Cela renvoi automatiquement au concept
d’ « entreprise virtuelle » que nous verrons plus loin.

2. L’avenir passe par le « Global Delivery Model »

Si on s’intéresse d’un peu plus près aux acteurs de ce type d’externalisation, on se rend
compte que « l’offshore prend aujourd’hui la forme du Global Delivey Model »102. Afin de
comprendre ce concept, intéressons nous à la définition et aux caractéristiques que donnent eux
même les prestataires. Ainsi selon le site internet de Sogeti France, filiale de Cap Gemini, « La
nécessité d’optimiser les coûts, tant de développement que de production, le besoin d’industrialiser
les processes tout en garantissant une qualité optimale des services, font aujourd’hui partie des
attentes majeures des entreprises désirant externaliser la gestion de leurs ressources, qu’il s’agisse
d’architectures ou de projets applicatifs.(…). Les relations étroites que nous entretenons avec nos
clients sont au cœur de nos offres d’externalisation ; nous sommes à même de concevoir et de

102
Delmond M-H., Petit Y., Gautier J-M., 2007, « Management des systèmes d’information », 2e édition,
Dunod, Paris, p. 131
97
mettre en œuvre des solutions combinant engagement de proximité et utilisation rationnelle de
ressources offshore, en élaborant pour chaque projet des scénarios personnalisés et des stratégies
optimales »103. On se dirige donc vers non plus seulement des solutions ponctuelles
d’externalisation mais vers des solutions globales de maîtrise de l’ensemble des processus liés aux
systèmes d’information. Le parallèle est frappant avec ce qui a déjà débuté dans les voies
d’externalisations classiques avec le rôle grandissant des 4PL. Les prestataires spécialisés en
systèmes d’information proposent désormais des solutions générales aux FMN afin d’optimiser la
gestion et l’utilisation des systèmes d’information. Leur rôle commence même à atteindre un point
encore plus important car on en vient à envisager chez certaines FMN d’externaliser des fonctions
principales comme les activités de développement de produits ou d’ingénierie. Les processus tels
que le « Business Process Outsourcing » (BPO) c'est-à-dire l’externalisation des processus
d’affaires, sont les premières voies de la possible future externalisation de toutes les activités de
l’entreprise. Selon le « Offshore Software Development », « Global Delivery Model is the most
successful outsourcing model amongst all the other models. It’s a combination of onsite model and
offshore model but unlike the onsite/offshore model wherein the offshore development center of
service provider is located at only one place, in the global delivery model the service provider has
its offshore development centers spread out across the entire globe»104.
Le Global Delivery Model s’impose donc pour les FMN comme un modèle permettant
d’utiliser efficacement les possibilités offertes par la globalisation. Dans un contexte économique
difficile, c’est une voie encore plus poussée de la réduction des coûts par une réorganisation des
systèmes d’information. Les entreprises sont désormais conscientes de leur rôle primordial mais il
faut maintenant pouvoir générer des synergies et optimiser leurs utilisations. En ayant des solutions
globales, ce modèle pousse l’externalisation offshore vers des voies nouvelles permettant
d’atteindre de nouvelles possibilités pour les FMN. Nous avons vu que les innovations et le progrès
technique sont de plus en plus fréquents et l’enjeu pour les FMN est non seulement d’en tirer
bénéfice afin de prendre un avantage concurrentiel mais surtout de ne pas prendre le risque de
passer à coté, ce qui accentuerait les difficultés induites de l’environnement concurrentiel.

103
http://www.fr.sogeti.com/FR/delivery/index.aspx consultée le 09/04/09
104
http://offshore-softwaredevelopment.com/global-delivery-model.asp consultée le 09/04/09
98
3. Utiliser au mieux les SSII

Afin de conclure cette partie, il faut s’intéresser aux acteurs de ce phénomène : les
entreprises dites « SSII » et les Etats. Si nous commençons par les Etats, nous nous rendons compte
que c’est par des politiques attractives en matière de coûts salariaux et de politiques fiscales qu’ils
cherchent à attirer les entreprises sur leur territoire. De plus, dans le secteur spécifique des systèmes
d’information, ce sont les talents d’ingénieurs et d’informaticiens qui sont recherchés par les FMN.
De nombreux Etats asiatiques l’ont bien compris et sont spécialisés depuis longtemps dans les
nouvelles technologies. Ces dernières sont devenues culturelles dans certains pays comme la Corée
du Sud dans lequel plus de 90% de la population est utilisatrice d’internet ce qui en fait le pays le
plus connecté au monde. Le pays le plus représentatif de cette spécialisation dans les NTIC est
certainement l’Inde. La majorité de l’externalisation offshore des systèmes d’information se fait
dans ce pays qui à développé des compétences excellentes et reconnues mondialement. Airbus par
exemple envisage d’aller profiter des compétences des ingénieurs indiens pour la conception de ses
futurs avions. Ceci est le fruit de l’investissement du pays dans de prestigieuses universités
spécialisées comme l’IIT (Indian Institute of Technology) ou l’IIM (Indian Institute of
Management). De nombreuses entreprises spécialisées dans les systèmes d’information se sont
développées comme par exemple la société Genpact qui comptait en 2007 26 000 employés, offrait
des services en 28 langues, 24h/24 et 7j/7, ou encore le leader indien des services informatiques,
Tata Consultancy Services qui a vu son chiffre d’affaires augmenter de 140% en 2007. Les leaders
mondiaux possèdent également leurs propres entités en Inde comme IBM qui emploie 52 000
personnes. Ces entreprises sont appelées des « SSII » c'est-à-dire des « sociétés de services en
ingénierie informatique ». En étudiant rapidement le marché sur lequel ces entreprises évoluent, il
représentait en 2005 12 milliards de dollars. Les principaux clients étaient américains (80%) et
européens (surtout anglais). Les prestataires étaient, eux, essentiellement asiatiques.
Dans le contexte de crise économique actuelle, les SSII font partie des seules entreprises
faiblement impactées du fait de leur extraordinaire potentiel de développement. Leur
développement est tel que dans le monde de la logistique, ces entreprises appliquent des grilles de
salaires bien supérieures à celles des entreprises industrielles. Le fait que certaines d’entre elles font
désormais partie des entreprises les plus importantes du monde contribue à stimuler leur activité et
leur offre de nouveaux services. Elles ont parfaitement compris les enjeux induits de la globalisation
et la nécessité pour les FMN d’avoir des solutions globales. Leur secteur d’activité procure de plus
aux entreprises des possibilités d’optimisation de leur Supply Chain devenu vital pour faire face à
l’environnement économique difficile. Leur importance ne va certainement faire que croître dans les
années à venir et conclure des partenariats avec ce type de firmes et les inclure dans leur business

99
model permettra sans doute aux FMN de s’adapter aux perpétuelles évolutions de leur
environnement.

III. Quel avenir pour la Supply Chain ?


A. Autour de l’entreprise « virtuelle »

1. Des Supply Chain éphémères

L’entreprise virtuelle se présente comme le développement naturel des évolutions


logistiques et industriel des entreprises et plus spécialement des FMN. Nous pouvons présenter
l’entreprise virtuelle comme « une forme organisationnelle originale regroupant plusieurs
partenaires dont l’objectif est de permettre la mise en œuvre d’effets de synergies ou le
développement de capacités/potentiels supplémentaires »105. Ce concept reprend donc ceux évoqués
au long de ce travail à savoir l’entreprise étendue et la production modulaire. Néanmoins,
l’utilisation de ce terme est plus fort et apporte une vision plus conceptuelle de ce que sera la
Supply Chain du futur. L’idée principale de l’entreprise virtuelle repose sur l’inspiration que l’angle
d’approche de la logistique sera plus une logistique basée sur la coordination des activités que sur
les équipements et les diverses ressources de l’entreprise. La logistique se focalise désormais sur le
pilotage des flux et la gestion de la chaîne de valeur. Il faudra désormais la logistique et le SCM
comme le véritable acteur stratégique des FMN : « l’idée-clé que le management logistique et
stratégique a progressivement élargi son champ d’intervention en passant d’une vision intra-
organisationnelle à une vision inter-organisationnelle »106. Les entreprises fonctionnant autour de la
chaîne de valeur étant reliées entre elles de manière presque automatique, c’est la gestion de leur
fonctionnement parallèle et coordonnée qui fera la réussite des projets. Cette idée de projets et
d’ailleurs l’élément principal à prendre en compte. Selon certains auteurs, les Supply Chain sont et
seront de plus en plus éphémères c'est-à-dire qu’elles changeront avec chaque nouveau projet. Il est
très logique de raisonner ainsi : pour un projet donné, l’entreprise pivot (généralement la plus
importante ayant un rayonnement mondial ou national) cherche les meilleurs partenaires possibles
pour effectuer des opérations bien précises. Le projet changeant, les opérations à mener changent
aussi et donc les partenaires sur toute la longueur de la Supply Chain changent aussi. Les entreprise
virtuelles « correspondent de plus en plus systématiquement à des sortes de « réseaux organiques »
mobilisant des supply chains fondées sur des arrangements de nature temporaire »107 montrant

105
Paché G., 2005, « Logistique et entreprise virtuelle », Revue française de gestion 2005/3, n°156, p.132
106
Paché G., 2005, « Logistique et entreprise virtuelle », Revue française de gestion 2005/3, n°156, p.133
107
Paché G., 2005, « Logistique et entreprise virtuelle », Revue française de gestion 2005/3, n°156, p.133
100
ainsi bien que l’avenir de la Supply Chain repose sur des partenariats ponctuels et basés sur la
recherche du couple coûts/qualité. Dans ce contexte, la principale contrainte repose sur les coûts
que risquent d’engendrer ce genre de processus. En effet, assembler et désassembler des Supply
Chain pour chaque projet contraint les FMN à dépenser beaucoup de ressources de tout types afin
d’y parvenir efficacement. C’est pourquoi dès maintenant les entreprises cherchent des partenaires
d’envergure avec lesquels passer des contrats afin de pouvoir les utiliser sur plusieurs projets tout en
s’assurant des qualités de prestation connues. C’est également pourquoi on devrait assister à une
concentration des grands prestataires logistiques par exemple, qui vont par l’effet d’accumulation et
d’expérience prendre sur tous les domaines et toutes les régions du monde des avantages
irrattrapables par des concurrents de moindre envergure. Kuehne+Nagel par exemple par son
contrat avec Airbus peut s’implanter dans le sud ouest de la France, endroit ou il n’était jusqu'à
alors pas présent. La constitution et le management des compétences des futurs réseaux
d’entreprises seront les facteurs clés de succès des FMN. Cela ne fera qu’accentuer le rôle
déterminant du SCM.

2. Les PSL comme futurs pilotes

Dans ce contexte, comme évoqué, les prestataires logistiques vont avoir sans aucun doute
un rôle prépondérant à jouer. Ce seront les acteurs majeurs des stratégies logistiques et de ces
Supply Chain éphémères. L’enjeu majeur de ces dernières sera de pouvoir maîtriser et coordonner
les flux de manière simultanée. Il semble que naturellement ce rôle incombe aux entreprises à
l’origine du projet à mener. Or cette maîtrise demande du savoir faire et des compétences
particulières. L’existence de prestataires spécialisés dans ce domaine peut apporter cette expertise
que les FMN ne possèdent pas forcément. Le développement actuel des prestataires logistiques de
types 3PL ou 4PL tend à laisser penser que leur rôle va s’accroître voir devenir plus spécifique.
L’avenir de ces entreprises passera certainement par l’abandon d’une partie opérationnelle pour une
partie beaucoup plus stratégique. Leurs attributions pourraient devenir celles de pilotes de la chaîne
logistique et des diverses activités de la chaîne de valeur. L’aspect pilote pur est de plus en plus
évoqué dans la presse spécialisée et dans les articles académiques du fait des possibilités offertes
par un tel acteur : réactivité, vision globale de la Supply Chain, création de synergies et optimisation
des coûts et des processus. Aujourd’hui ce genre d’entreprises est appelée 4PL. On évoque
également le terme de 7PL ou LLP (Lead Logistic Provider). Ce sont les entreprises qui font à la
fois des opérations logistiques physiques et opérationnelles mais aussi la fonction de pilotage. C’est
ce genre d’entreprises qui risquent de devenir la règle dans l’univers de l’entreprise.

101
Cette fonction de pilotage va de paire avec les attentes des FMN. Dans un contexte de plus
en plus concurrentiel, les prestations des 3PL et 4PL sont aujourd’hui reconnues et les FMN sont
demandeuses de ce genre de services. Car il s’agit en réalité pour les 4PL d’une véritable prestation
de services pour les entreprises. Leur fonction est, et se développera, sur des aspects purement
stratégiques et donc intellectuels. Le problème qui se posera alors est le suivant : jusqu'à quel point
accorder sa confiance au prestataire. La perte de contrôle de la part de l’entreprise peut devenir
importante en cas de gestion totale par un PSL (Prestataire de Services Logistiques) de la Supply
Chain. Des prestataires comme Kuehne+Nagel, DHL, Geodis ou encore Norbert Dantressangle
seront à même de maitriser les techniques et technologies pour gérer l’ensemble des flux
d’entreprises venant d’horizons très divers et donc capables de maitriser un certain nombre de
connaissances leur permettant d’avoir un poids dans les négociations très élevé. Aujourd’hui les
FMN gardent une position avantageuse dans ce rapport de force mais ce rapport pourrait changer,
faisant des prestataires logistiques des acteurs devenant complètement indispensables et pouvant
imposer leurs conditions. Nous pourrions nous retrouver avec des intégrateurs ayant un rôle de
passage obligé pour toutes les entreprises et pouvant imposer leurs conditions à l’image du rapport
de force entre les industriels et la grande distribution, cette dernière étant en position de force car
étant le lien indispensable entre l’industriel et le client. En somme, donner trop de pouvoir et
d’importances aux prestataires peut leur donner une importance trop importante à terme pour
certaines FMN.

3. De la confiance et du contrôle

Reste à aborder le sujet de la confiance et du contrôle entre les FMN et leurs partenaires au
sein de l’entreprise virtuelle. Externaliser massivement des fonctions importantes pour l’entreprise
implique obligatoirement qu’il faut accorder une certaine confiance au partenaire. Le fait qu’une
telle implication nécessite également de lui laisser des libertés en terme d’innovation notamment
accroit la dose de confiance à accorder. Dans le même temps, il semble impensable de ne pas garder
un œil sur les activités du partenaire du fait qu’il effectue ses opérations pour le compte de
l’entreprise. Deux visions s’opposent alors. D’un coté le fait que confiance et contrôle ne sont pas
compatibles et de l’autre qu’ils sont complémentaires.
Pour aller dans le sens de l’antagonisme des deux termes, certains auteurs pensent qu’il n’y
a de confiance que pour ce qui ne peut être mis sous contrôle. Ainsi, « les partisans de la thèse de
l’antagonisme entre confiance et contrôle considèrent ainsi que ce sont les intentions et les
dispositions du partenaire qui incitent à lui faire confiance, et non pas les contraintes auxquelles il

102
peut éventuellement être soumis »108. Dans le même état d’esprit, on peut penser que confiance et
contrôle sont substituables, que quand l’un diminue, l’autre augmente. Cette vision a le mérite de
poser clairement la question du positionnement de la FMN envers son fournisseur. Néanmoins, on
ne peut pas exclure l’un ou l’autre de l’équation. Il n’existe ni confiance parfaite, ni contrôle total.
Dans le positionnement inverse, d’autres auteurs voient une complémentarité évidente entre les
deux termes. Das et Teng voient ces deux termes sous deux aspects : « trust » et « confidence ».
Cette analyse s’avère primordiale, car pertinente, pour comprendre ce que seront les relations dans
le futur entre les partenaires au sein de la Supply Chain. Ces termes « renvoie à la confiance définie
comme croyance que le partenaire est animé par des motivations positives à notre égard [pour le
« trust »]. La seconde notion, plus large, correspond à la certitude que le partenaire coopérera de
manière satisfaisante»109. La confiance et le contrôle vont par conséquent être présents mais sur des
aspects différents, ce qui va les rendre de ce fait complémentaires. La confiance est relative à des
éléments intangibles, basée sur les motivations du partenaire à accomplir sa mission de manière
optimale et s’adapter par exemple en cas de modifications de l’environnement afin de remplir ses
obligations. Le contrôle lui se base sur des éléments clairs comme l’obligation de résultat par
exemple. Il semble évident que les deux aspects vont de paire et que la complexité pour l’entreprise
va être de déterminer la modulation entre les deux. Donner trop de confiance ou instaurer trop de
contrôle peuvent rapidement déstabiliser la relation et donc la Supply Chain toute entière.
C’est donc sur cet aspect spécifique que l’avenir de la Supply Chain peut aussi évoluer.
L’augmentation des partenariats semblent de prime abord imposer plus de confiance entre les
différents partenaires. Néanmoins il faut garder une certaine dose de contrôle pour s’assurer que les
objectifs suivis par les partenaires sont communs avec ceux de l’entreprise. Ces aspects ont trait aux
relations humaines notamment entre les partenaires. Cet aspect de doit pas être négligé dans le
développement de l’entreprise virtuelle car il ne faut pas oublier que ce sont des être humains qui
font la réussite ou non des stratégies industrielles.

108
Fenneteau H., Naro G., 2005, « Contrôle et confiance dans l’entreprise virtuelle. Illustrations logistiques. »,
Revue française de gestion 2005/3, n°156, p.205
109
Fenneteau H., Naro G., 2005, « Contrôle et confiance dans l’entreprise virtuelle. Illustrations logistiques. »,
Revue française de gestion 2005/3, n°156, p.207
103
B. Développer encore l’utilisation des technologies et de l’innovation

1. Places de marché, e-sourcing, e-procurement

Etudions maintenant quelques outils et processus directement issues du développement des


NTIC et permettant aux entreprises de profiter de ces avancées technologiques sur des aspects
concrets de leurs Supply Chains. Précédemment nous avons vu au travers de la conception du
Falcon 7X de Dassault que les outils informatiques permettent aux entreprises de faire des gains de
temps importants par la conception virtuelle de leurs produits. Ce principe de réunion de tous les
partenaires de la Supply Chain au sein d’un même plateau virtuel va rendre indispensable à toutes
les entreprises l’utilisation de tels procédés du fait de l’avantage concurrentiel certain que cela
procure.
Au delà, il existe une partie de la Supply Chain pour laquelle les NTIC se sont développées
ces dernières années et vont jouer un rôle essentiel à l’avenir, d’autant plus dans des situations de
contexte économique difficile. En effet dans le secteur des achats, les places de marché, l’e-sourcing
et l’e-procurement font désormais partie du paysage. Commençons par voir le rôle des places de
marché car élément le plus ancien et désormais bien connu des FMN. Une place de marché est
« une plate-forme d’échange virtuelle, matérialisée par un site internet, permettant à plusieurs
acheteurs et vendeurs de se rencontrer, de négocier et de conclure des transactions commerciales.
Avec un objectif : réaliser des économies en partageant les coûts informatiques, en accédant à une
communauté de fournisseurs et en massifiant certains achats »110. Ce système connu un énorme
succès à ses débuts au début des années 2000. On en comptait alors des milliers contre seulement
des dizaines aujourd’hui. Le problème est surtout venu du manque de confiance entre les acteurs
venant sur ces lieux. Souvent créées par les acteurs de la grande distribution ou de l’automobile, les
fournisseurs ont vite vu ces places de marché comme un nouveau moyen pour leurs créateurs de
mettre encore un peu plus la pression sur les fournisseurs dans le but de faire baisser les prix. De
plus l’apparition de pratiques malhonnêtes comme des fausses enchères ou des ententes par exemple
ont vite découragé beaucoup de fournisseurs faisant ainsi disparaitre bon nombre de places de
marché.
En parallèle s’est développé l’e-sourcing et l’e-procurement. L’e-sourcing « a pour but
d'optimiser l'amont de l'achat en standardisant et automatisant le plus possible la recherche, la
sélection et la négociation avec les fournisseurs »111. L’e-sourcing et dans sa vision plus large d’e-
achat est vu dans les services achats comme un véritable outil non seulement de compétitivité mais
surtout de rationalisation des processus d’achats. Ce système permet d’avoir des gains de

110
Parisot T., 2009, « L’édifice se fissure », La lettre des achats, n°171, avril 2009, p.43
111
http://www.dicodunet.com/definitions/e-commerce/e-sourcing.htm, consultée le 17/04/09
104
productivité par la réduction du temps de traitement des dossiers. Mais il sert surtout à améliorer la
qualité du sourcing. Ainsi les motivations pour les entreprises d’adopter du e-sourcing « sont à 68%
de rationaliser le processus de sourcing, à 45% de réduire les coûts, à 30% d’étendre la couverture
des achats, à 28% de gagner en visibilité sur les actions de sourcing, à 27% de centraliser les
processus et à 27% également d’améliorer la gestion des fournisseurs et la collaboration »112. Pour
finir, il faut distinguer l’e-sourcing de l’e-procurement. L’e-procurement est « un échange B2B,
c'est-à-dire une transaction entre deux entreprises, permettant à un acheteur de consulter le
catalogue de produit d'un vendeur en ligne et de passer directement commande selon un workflow
d'achat bien défini »113. Les deux termes sont en réalité complémentaires. L’e-procurement va être
beaucoup plus lourd à mettre en place car il nécessite des investissements techniques importants
ainsi qu’une maintenance lourde et il s’adresse donc en priorité aux entreprises ayant un catalogue
important justifiant la mise en place d’un tel système. L’e-sourcing est lui plus léger et se base
uniquement sur la mise en place de procédures automatiques permettant de faciliter le processus
d’achat.
Ce genre de processus automatisés facilitent le fonctionnement de la Supply Chain et les
exemples tels que ceux présentés tendent à laisser penser que leur utilisation va s’accroître dans les
prochaines années. Néanmoins l’enjeu pour les entreprises sera de déterminer quels procédés
utiliser car une utilisation superflue peut vite alourdir le système entier et rendre la Supply Chain
trop lourde et ainsi réduire les effets positifs de la technologie.

2. Focus sur la RFID

Parmi les technologies en devenir, il en existe une particulièrement intéressante car porteuse
de nombreuses avancées en terme de logistique et de satisfaction client. C’est la technologie RFID.
Ce terme signifie « Radio Frequency Identity » et est « l’appellation usuelle, (…), d’une étiquette
électronique permettant d’identifier un lot de biens ou directement le bien lui-même par captation
et interprétation des ondes radio »114.Cette technologie est composée de marqueurs miniaturisés
appelés « tags » composés d’une antenne et d’une puce électronique et d’un lecteur, c'est-à-dire un
dispositif d’émission et réception qui déclenche les marqueurs à distance. La RFID permet une
traçabilité plus sûre et plus précise en terme de localisation et de contenu d’information.

112
Chanourdie S., 2008, « Un outil métier de plus en plus complet », La lettre des achats, n°158, Février
2008, p.38
113
http://www.commentcamarche.net/contents/entreprise/e-procurement.php3, consultée le 17/04/09
114
Lehu J-M, 2004, « L’encyclopédie du marketing », Editions d’Organisations, Paris, p.701
105
L’utilisation de la RFID peut être multiple : accès aux transports publics, remplacement des
codes barres dans les supermarchés, postes de péages automatiques sur les autoroutes, accès sans
formalité aux bibliothèques ou encore du coté purement industriel, suivi de l’acheminement des
marchandises. Ce dernier point est d’ailleurs l’un des aspects les plus intéressants de cette
technologie. Comme l’observe Hau Lee, professeur et directeur de formations à Stanford et
spécialiste de la Supply Chain, « la RFID peut créer une Supply Chain sans frontière lorsque les
cargos sont équipés avec des étiquettes indiquant les contenus, afin que le passage en douane
puisse se faire presque automatiquement. La RFID peut également permettre de sécuriser la Supply
Chain lorsque les étiquettes son utilisées pour sceller électroniquement les containers et contrôler
les mouvements de ces containers, afin que toute altération/falsification puisse être suivie »115.
Outre l’apport technologique indéniable, la RFID soulève néanmoins de nombreux points
d’interrogation pour les entreprises. Le premier concerne son coût. En effet cette technologie
s’avère chère. Les étiquettes « haute fréquence » (les plus performantes en terme de tolérance aux
obstacles) coûtent cinquante centimes l’unité par exemple. Au delà du prix, le manque de
standardisation est également préjudiciable à une généralisation de ce type de procédé. Le
deuxième point d’interrogation concerne le respect des libertés individuelles car la RFID permet de
tracer les produits et donc les suivre une fois que ces derniers sont en possession du client. En
France, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) classe les étiquettes
RFID comme des données personnelles au sens de la loi « Informatique et Libertés »116.
Au final, la RFID s’avère comme une technologie très innovante et porteuse de nombreux
espoirs de progrès techniques. Les prochaine années seront décisives quant à sa généralisation du
fait du risque que ce procédé soit considéré comme trop dangereux par l’opinion publique ce qui
limiterait sont utilisation aux processus industriels. Certaines entreprises ont déjà commencé à
généraliser son utilisation comme DHL Exel Supply Chain par exemple. D’autres ne tarderont pas à
suivre si son utilisation s’avère rentable.

115
Dans Lehu J-M, 2004, « L’encyclopédie du marketing », Editions d’Organisations, Paris, p.701
116
http://www.rfidfr.org/presentation-rfid.php consultée le 20/04/09

106
3. Vers une logistique propre ?

Nous avons vu au long de ce dossier que l’aspect environnemental rentre de plus en plus en
compte dans les stratégies industrielles et par conséquent à tous les échelons de la Supply Chain.
Des achats à la distribution, des efforts sont faits dans certaines FMN pour être le plus éthique
possible dans ce domaine. Divers études sont menées actuellement sur l’impact de la prise en
compte du développement durable sur les stratégies des entreprises. Elles montrent notamment que
les entreprises qui ont été proactives dans ce domaine ont un avantage concurrentiel et ont de
bonnes chances de garder cet avantage, même lorsque toutes les entreprises auront pris en compte
les aspects écologiques.
C’est en effet un processus complexe nécessitant de changer de nombreux processus parfois
présents depuis de très nombreuses années. Afin de réaliser une Supply Chain respectueuse de
l’environnement, les entreprises se doivent de passer par plusieurs étapes indispensables. En
premier lieu, une phase d’évaluation de la situation pour dégager les activités à améliorer. Ensuite
de nombreux points peuvent être impactés. Que ce soit l’approvisionnement en matériaux non ou
faiblement polluants, l’utilisation de techniques de production propres en ayant recours aux justes
quantités de matières pour rationaliser la production ou encore la construction d’infrastructures de
type « éco-conception immobilière », toutes les activités de l’entreprise peuvent potentiellement être
optimisées écologiquement. On peut également pensé aux problématiques de l’emballage et du
packaging en essayant de réduire leur nombre et leur conception. Ensuite évidemment le point sur
lequel l’opinion publique est la plus alertée concerne le transport. La logistique étant impactée par
le transport de manière forte du fait des coûts que celui-ci engendre rend le sujet du transport délicat
à traiter pour les entreprises. Le transport routier étant le mode le plus utilisé car indispensable,
diverses voies parallèles sont, petit à petit, mises en place comme le transport multimodal par
exemple, permettant sur de longs trajets d’utiliser le transport ferroviaire, moins polluant. Les
fluctuations des cours du pétrole vont dans ce sens car ils mettent en difficulté certaines entreprises
quand les cours sont au plus haut. Le point fondamental à développer dans le cadre du transport
n’est certainement pas de supprimer le transport routier mais plutôt de chercher à ce qu’il pollue
moins. De nouvelles technologies apparaissent afin de réduire cette pollution comme les
technologies de Michelin sur les pneumatiques, de PSA sur les filtres à particules et les systèmes de
« Stop & Start » par exemple. Des systèmes de récupération d’énergie sont mis au point par les
grands constructeurs automobiles (système KERS par exemple) afin de faire du transport routier un
transport plus propre. Au-delà de ces aspects, l’éco conception à également pour but d’accroître la
durée de vie des produits. C’est donc dans une démarche allant plus loin que les seuls aspects de

107
gestion de la Supply Chain que les entreprises doivent agir. La fin de vie du produit doit également
être prise en compte en faisant en sorte que les produits puissent être traçables et recyclables.
De nombreux aspects peuvent donc permettre aux entreprises de faire un pas important vers
les problématiques écologiques. Mais si elles s’y engagent c’est surtout car elles cherchent à en tirer
profit. C’est pourquoi de larges campagnes de communication sont effectuées afin de mettre en
avant les produits écologiques. L’impact du marketing est donc fort mais ce n’est pas forcément une
mauvaise chose. Même si la mode du développement durable est utilisée pour vendre plus, si de
véritables efforts sont faits pour rendre effectivement les produits et leurs modes de fabrication plus
propres, tout le monde est sensé s’y retrouver. Au point de vue purement logistique, la
problématique du transport reste la plus importante. Le fait que le transport routier n’ait
actuellement trouvé aucune alternative crédible renforce le fait que les entreprises doivent explorer
de nouvelles pistes pour efficacement réduire leur pollution. Le premier enjeu pour elles se trouve
ici.

C. Placer la Supply Chain dans l’amélioration globale de la chaîne de valeur

1. Des évolutions externes inéluctables

En nous plaçant dans un horizon plus lointain et de véritable prospective, intéressons nous à
un rapport publié fin 2006, « 2016 : The Future Value Chain ». Cette étude menée par Cap Gemini
et Intel apporte des voies d’exploration dans la compréhension de notre environnement et dans les
évolutions vers lesquelles vont tendre les chaînes de valeur et donc les Supply Chain.
Un certain nombre de paramètres externes vont influer sur la chaîne de valeur. Ces
paramètres sont des conséquences directes de la globalisation. Ils concernent notamment le
consommateur et son comportement, les méthodes de production, le rôle des systèmes
d’information et l’enjeu du développement durable. Ainsi le fait que le consommateur soit devenu
un « smart shopper » rend indispensable de nouvelles méthodes de vente afin de pouvoir l’attirer et
le fidéliser. Cela nécessite donc un renouvellement marketing de la part des entreprises et de
nouvelles idées afin de satisfaire ce client friand également d’innovations. Toujours dans ce souci
de prendre en compte les attentes du client en priorité, la production doit pouvoir s’adapter en étant
la plus agile et réactive possible. Les idées de minimisation des stocks, de production localisée et de
réduction des cycles de développement sont désormais des passages obligés pour chaque FMN. Du
point de vue interne à l’entreprise, la visibilité en temps réel de toutes les activités de l’entreprise,
les plates formes d’information interne et externe ainsi que la standardisation et l’harmonisation au
niveau mondial des processus sont autant de points devant obligatoirement être intégrés. Les
108
éléments tels que les fluctuations du marché de l’énergie et des coûts de carburants, les impacts
environnementaux, et la gestion des toutes les questions relatives au développement durable
s’imposent aussi dans les stratégies d’entreprise et vont avoir des répercussions sur toute la chaîne
de valeur. Enfin du point de vue managérial, la globalisation a pour effet de rapprocher les pays et
des personnes qui n’auraient jamais eu l’occasion de travailler ensemble. La prise en compte des
cultures de chacun est un défi évident mais devant impérativement être efficacement réalisé afin de
profiter des possibilités offertes par les pays en voie de développement entrant peu à peu dans les
mêmes considérations que les pays développés.

2. Les voies de développement de la chaîne de valeur et les impacts Supply Chain

Afin de pouvoir faire face à cet environnement, les entreprises peuvent agir sur quelques
points clés directement relatifs aux contraintes externes évoqués précédemment. Ces points sont la
relation clients, le partage d’information, la synchronisation de la production, la logistique aval, les
aspects environnementaux et la culture d’entreprise117. En s’intéressant à chaque point, nous allons
nous rendre compte à quel point la Supply Chain risque d’être différentes d’ici dix ans.
En commençant par la relation client, le premier effet sera que les produits devront être de
plus en plus rapidement sur leurs marchés afin de satisfaire au plus vite les clients avant que ne
changent leurs besoins. Ce sont d’ailleurs eux qui vont devenir les moteurs de l’innovation. Le
marketing de l’offre va tendre à disparaître totalement au profit du marketing de la demande. Le
client va de plus en plus sentir que l’entreprise cherche à communiquer avec lui pour en savoir
toujours plus afin de mieux le satisfaire. De nouveaux outils marketing seront certainement mis en
place. Nous pouvons peut être nous attendre à un renversement de l’opinion concernant la vision
qu’elle a du marketing direct. Il est possible que ce soit les consommateurs qui donnent de plein gré
des informations les concernant car ils auront compris leur intérêt et se préoccuperont moins de
celui des entreprises. Le marketing aujourd’hui souvent vu comme une activité qui tend à
« manipuler » les consommateurs verra peut être cette image changer. C’est en tout cas l’un des
enjeux de la Supply Chain dans les années à venir. En s’intéressant maintenant au partage de
l’information, son développement va pousser les logiques collaboratives présentées dans le cadre de
l’entreprise étendue à s’accroître. De nouveaux types de relations virtuelles risquent de voir le jour.
L’échange instantané de données deviendra certainement la norme au sein de l’ensemble la Supply
Chain. La gestion des stocks sera considérablement optimisée par la visibilité en temps réel faisant

117
« 2016, The Future Value Chain », 2006, GCI, Cap Gemini, Intel

109
encore largement défaut dans la plupart des entreprises. Cela sera favorisé par les technologies
présentées auparavant, notamment la RFID. Cette utilisation de l’information sera utile pour mieux
connaitre les clients en ayant des retours sur leur satisfaction après achat et permettra de se
rapprocher d’un véritable marketing « one-to-one ».
D’un point de vue purement logistique, l’avenir est clairement à l’augmentation de la
différenciation retardée et à une meilleure régulation des normes, labels et packaging. La production
en juste à temps a des chances de devenir le modèle presque unique, même dans des secteurs dans
lesquels les stocks restent indispensables (comme le marché du jouet par exemple). Ainsi la
fréquence des livraisons dans la plupart des secteurs risque de devenir quasi quotidienne voir multi
quotidienne. La GMA est vouée à devenir un modèle de base afin à la fois d’optimiser le transport
et de répondre aux contraintes écologiques. Tous cela toujours dans la recherche de satisfaction
client en produisant des biens de plus en plus individualisés et de moins en moins long à arriver sur
le marché. Les contraintes pesant sur la qualité permettront également aux consommateurs de
bénéficier de produits correspondant à leurs besoins, rapidement et sans défaut de qualité. Dans cet
esprit de qualité et associé aux aspects écologiques, la logistique aval risque de subir de nombreux
changements. En premier lieu au niveau du packaging, des standards quant à la taille et la
composition risquent d’être mis en place, influant directement sur la logistique. Ensuite les centres
de distribution risquent d’être plus nombreux afin de se rapprocher des consommateurs et permettre
ainsi de livrer de manière optimale en fonction des besoins réels. La GMA rentrera donc dans ce
contexte de manière poussée. Une plus grande coopération et collaboration entre les industriels
permettra, si elle est efficacement mise en place, de livrer à domicile les clients et de manière
consolidée c'est-à-dire qu’ils pourront recevoir par exemple dans la même livraison leurs courses de
la semaine, le nouvel équipement hi tech et une nouvelle paire de chaussures, chaque produit
provenant d’un industriel différent. On peut même imaginer des concurrents effectuant des
livraisons en commun. Comme évoqué pour chaque point, l’aspect écologique a de fortes chances
de devenir un sujet incontournable pour n’importe quelle entreprise. Cela se retrouvera donc dans
les packagings, dans les cycles de production, dans l’approvisionnement qui se devra d’être
écologique, dans des modes de transport alternatifs (on peut penser au développement du transport
multimodal mais surtout dans des modes de remplacement au camion totalement indispensable
aujourd’hui) ou encore dans les stratégies marketing et de vente qui seront certainement tournée
vers la mise en avant des qualités écologiques des produits comme ce qui commence à se faire
aujourd’hui. Enfin le dernier point clé concerne la culture d’entreprise. Les modes de pensée se
devront d’être dans une vision de partage et de collaboration. L’entreprise étendue sera devenue la
norme et les relations en son sein seront de natures totalement collaboratives. Le défi réside dans la
prochaine étape de ce concept d’entreprise étendue, c'est-à-dire faire rentrer le consommateur dans

110
le modèle en instaurant une relation de confiance avec lui. Ce dernier point rejoint ceux évoqués
précédemment mettant l’accent sur le rôle que jouera le consommateur dans l’avenir.
La Supply Chain sera certainement marquée par deux variables fondamentales à prendre en
compte dans chaque entreprise. Deux variables allant au-delà d’aspects éventuellement stratégiques
car indispensables : faire sentir le consommateur comme faisant partie entière du fonctionnement de
l’entreprise et prendre en compte l’aspect écologique et les problématiques liées au développement
durable.

111
Conclusion

Le choix de ce sujet et son champ d’investigation paraît de prime abord comme très large.
En effet chacun des termes et des concepts employés dans ce mémoire aurait pu faire l’objet d’un
mémoire en eux-mêmes. Que ce soit la mondialisation, terme employé dans tous les contextes et
faisant l’objet de nombreuses controverses ; les stratégies internationales des FMN dont la
littérature regorge d’ouvrages ; la Supply Chain et le Supply Chain Management, disciplines en
plein essor et dont tous les ressorts ne sont pas connus ; ou encore l’entreprise étendue, la
production modulaire, le développement et l’utilisation des NTIC, le transport, les prestataires
logistiques sans même parler du développement durable…Mais si ce choix a été fait, c’est que la
compréhension des interactions entre tous ces éléments et leur mise en perspective dans un même
cadre permet d’avoir une vision certes globale, mais apportant des éléments d’analyse et de
compréhension sur les changement industriels. Ce mémoire n’a nullement la prétention de donner
toutes les solutions claires et précises à l’environnement économique car ces solutions n’existent
pas. Par exemple, en cette période crise, il faut rester très prudent sur les stratégies à adopter.
Plusieurs erreurs doivent être évitées, prouvant qu’il n’y a pas de solution miracle. Comme le
souligne Alain Katz, président de Métis Consulting, quatre erreurs doivent être évité : « laisser
baisser le taux de service, perfectionner la Supply Chain sans s’interroger sur un monde qui bouge,
chercher le salut dans le retour de la croissance, et sous traiter à outrance et croire qu’acheter
beaucoup de petites choses pas cher fini par faire une organisation performante »118. Il faut donc
voir la Supply Chain comme un outil et non comme une fin en soi.
Ce mémoire a donc pour objectif de donner au lecteur un aperçu du rôle grandissant du
Supply Chain Management, non pas comme simple développement d’une activité précise de la
chaîne de valeur mais comme une réponse globale à l’environnement. Car c’est la principale
conclusion qui ressort de ce travail : le SCM se développe de manière importante car les entreprises
ont été obligées de trouver de nouvelles solutions à leurs problématiques devenues internationales.
Le SCM apparaît alors comme une évidence que les entreprises ne peuvent désormais plus
contourner. Dans ce contexte, ce sont des éléments comme l’entreprise étendue et la production
modulaire principalement qui ont été retenus du fait que ce sont les systèmes que les entreprises
leaders développent et risquent de développer encore dans les prochaines années.

118
Katz A., 2009, « Tout est possible en 2009, même le meilleur », Le journal de la logistique, n°62,
Janvier/Février 2009

112
L’entreprise étendue offre en effet toutes les caractéristiques permettant aux entreprises de
s’insérer convenablement dans le marché mondial. Elle offre la possibilité d’optimiser sa Supply
Chain et de se concentrer sur son cœur de métier en faisant appel à des entreprises spécialisées qui
elles-mêmes pourront être sous la forme d’une entreprise étendue. C’est au final un immense réseau
mondial d’entreprises, favorisant les interdépendances et multipliant les partenaires qui risque de
voir le jour. Le terme de « Supply Chain éphémères » est d’ailleurs certainement représentatif des
systèmes industriels du futur : des systèmes dans lesquels toute l’activité de l’entreprise sera centrée
sur la Supply Chain. Le développement de formes industrielles complexes comme les situations de
« pure architecte » ou les CoPS risquent également de se développer au delà des secteurs pionniers
de l’automobile ou de l’aéronautique du fait de leurs apports non négligeables sur la rentabilité et
sur l’efficience des FMN à maîtriser leurs marchés. Nous risquons également de voir se développer
de nouveaux acteurs ultra spécialisés issus de ces nouvelles Supply Chain. Les prestataires
logistiques tels que Kuehne+Nagel, DHL ou Geodis jouent déjà un rôle fondamental et risque de
devenir les véritables pivots de processus industriels du futur. Les SSII également permettent déjà
aux FMN de faire des économies et des gains de productivité immenses par la capacité qu’elles ont
à gérer les systèmes d’information mieux que personne. Les nouveaux acteurs pourraient bien être
dans les secteurs des nouvelles technologies. Des acteurs spécialisés dans la RFID, technologie au
potentiel immense mais mal maitrisé, ou dans une meilleure gestion de la relation client, encore mal
exploitée par la technologie, pourront sans doute apporter une nouvelle dimension aux industriels.
Nous pouvons également légitimement penser que les problématiques autour du développement
durable seront au cœur des Supply Chain du futur. Dans une vision générale, comme le résume
Frédéric Hendrick, président de l’Aslog, « la logistique consiste à déplacer des informations pour
éviter de déplacer de la matière. L’enjeu principal reste bien de livrer le bon produit au bon
moment à la bonne personne. L’important, c’est d’y mettre toujours plus d’intelligence, plus de
coordination, (…). Les logisticiens les plus inventifs et les plus astucieux sont les mieux armés pour
apporter à leur entreprise les solutions qu’elles attendent d’eux »119
En somme, il semble que l’avenir de l’industrie ne soit plus totalement entre les mains des
seuls FMN leaders. Autrefois et encore aujourd’hui au centre de l’ensemble du processus, elles
risquent petit à petit de laisser une partie de la place stratégique à des acteurs, certes moins
puissants, mais ayant acquis un rôle stratégique indispensable au bon fonctionnement des réseaux.
Car l’avenir ne passera que par les réseaux et par la capacité des industriels à se positionner en leur
sein. Il leur faudra garder une place centrale mais également accepter de laisser les commandes de
certains aspects à des entreprises spécialisées et au rôle nouveau de pilotage et d’accompagnement.

119
Fournier C., 2009, « La crise aiguise l’intelligence logistique », Logistiques Magazine, n°237, p.55

113
Le problème majeur à ce système risque de résider dans la confiance. Comment faire en sorte que
des industriels acceptent de laisser des informations stratégiques à des entreprises extérieurs qui
elles mêmes pourront travailler avec les concurrents directs. Le partage de l’information et la
confiance sont déjà l’élément critique de nombres de processus et ralentissent le progrès industriel.
Les processus actuels ne pouvant, comme la globalisation, que se poursuivre, c’est ici l’enjeu
majeur des FMN dans le futur.

114
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Cours Universitaires :

Cours de F. Zumer, « Politiques Economiques en Europe », L3, Université Panthéon Assas Paris 2,
année 2006-2007

Cours de J-M Siroën, « Définitions, mesures et limites de la globalisation », M2, Université Paris
Dauphine, année 2008-2009

Conférences :

Mercier P., 22 janvier 2007, « La globalisation financière et ses conséquences », Intervention à la


Chambre de Commerce et de l’Industrie du Loiret

Etudes :

« 2016, The Future Value Chain », 2006, GCI, Cap Gemini, Intel

« 2018, The Future Value Chain, succeeding in a volatile market », 2008, GCI, Cap Gemini, SAP,
HP

119
Entretiens:

Belot S., First Key Account Manager Aerospace South West Europe chez Kuehne+Nagel,
questionnaire d’Avril 2009

Kienlen M., responsable transport route et méthodes chez Danone Eaux France, questionnaire de
Mars 2009

Raedersdorf S., planificateur logistique junior, Bongrain, questionnaire de Mars 2009

Svirmickas N., Logistics Project Manager, Lafarge Granulats, questionnaire de Mars 2009

120
Annexes
Fiches de lecture

Ici sont présentés succinctement les principaux articles académiques utilisés dans la rédaction de ce
mémoire.

Colin J., 2005, « Le SCM existe-t-il réellement ?», Revue française de gestion, n°156 2005/3 : Cet
article présente la réalité du SCM actuellement en parcourant les pratiques et les modes de gestion
des flux. Il effectue un historique des pratiques depuis 1960 jusqu'à aujourd’hui et détaille les
différentes phases d’optimisation avant de présenter les concepts de Supply Chain interne, externe
et durable.

Fenneteau H., Naro G., 2005, « Contrôle et confiance dans l’entreprise virtuelle. Illustrations
logistiques. », Revue française de gestion 2005/3, n°156, p.203-219 : Cet article présente l’un des
aspects les plus important au sein de l’entreprise virtuelle à savoir l’arbitrage entre contrôle et
confiance de la part de l’entreprise pivot par rapport à ses partenaires. La confiance permettant à
l’entreprise virtuelle de perdurer et de se développer et le contrôle permettant de s’assurer de
l’atteinte des objectifs. Au travers d’exemples comme la GPA ou le CPFR, l’auteur tente de montrer
le dualisme existant et insiste sur le fait que c’est un thème de réflexion majeur pour les prochaines
années durant lesquelles l’entreprise virtuelle ne va cesser de se développer.

Fréry F., Law-Kheng F., 2007, « La réinternalisation, chaînon manquant des théories de la
firme », Revue française de gestion 2007/8, n°177, p.163-179 : Cet article présente le concept de
réinternalisation se situant à la convergence entre externalisation et intégration verticale. L’auteur
cherche à montrer que la vision généralement négative de ce concept n’est pas fondée et que les
recherches ne se portent assez sur lui. Ses principaux avantages sont qu’elle permet la
recomposition de la chaîne de valeur et l’auteur étudie cinq cas d’entreprises ayant accompli avec
succès ce procédé soulignant l’intérêt stratégique de cette démarche.

Frigant V., « L’impact de la production modulaire sur l’approfondissement de la DIPP », Revue


d’économie politique 2007/6, Volume 117, p.937-96 : Cet article présente le procédé de la
production modulaire comme le moyen, au travers de la décomposition du produit final en somme
de composants élémentaires, de décomposer les processus de production. L’article vise à examiner
les arguments justifiant que la modularité est un facteur essentiel de l’approfondissement de la
division internationale des processus de production. La distinction est alors faite entre modularité
121
pure dans laquelle les forces sont centrifuges et la modularité impure caractérisée par les CoPS dans
laquelle les forces sont centripètes. L’article conclut en déterminant que dans les faits les modèles
sont intermédiaires et que des éléments d’instabilité restent.

Mouchnino N., Sautel O., « Coordination productive et enjeux concurrentiels au sein d’une
industrie modulaire : l’exemple d’Airbus », Innovations 2007/1, n°25, p.135-153 : Cet article
présente le principe de production modulaire et l’approche stratégique que doivent adopter les
entreprises dans ce contexte. Le concept de « pur architecte » est présenté ainsi que ses deux
contraintes majeures : l’impératif d’intégrité technologique du produit et la préservation de la
position concurrentielle. Selon l’auteur, la première est, contrairement aux idées reçues, résolue
alors que la seconde pose un véritable problème. Il présente ainsi dans la suite de son article les
possibilités de contournement de ce problème comme la prise en charge d’un module critique
permettant aux entreprises de garder leur position d’architecte tout en organisant l’architecture de
telle façon que sa position soit irremplaçable, évitant ainsi la contrainte de pression concurrentielle.
Tout au long de l’article, il prend pour exemple le cas d’Airbus, cas illustrateur de l’architecte
évitant les contraintes.

Quélin B., 2007, « L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique », Revue française de


gestion 2007/8, n° 177, p.113-128 : Cet article présente le concept d’externalisation. L’auteur prend
le parti de se tourner vers l’orientation la plus méconnue de ce concept, à savoir l’orientation
stratégique. L’auteur cherche et présente les phases à ne pas oublier dans un processus
d’externalisation. Il explique ainsi les cinq étapes nécessaires selon lui pour que l’externalisation
soitefficace.

Roussat C., Fabbes-Costes N., 2008, « Une démarche d’exploration prospective : le processus
d’intelligence logistique », Management et Avenir, n°17 2008/3 : Cet article propose une démarche
méthodologique d’anticipation fondée sur une vision centrée sur la(les) supply chain(s), leur
management et leur évolution. Cette démarche, élaborée au cours d’un processus de recherche, est
ensuite confrontée au courant prospectif en vue de dégager des pistes d’enrichissement mutuel pour
saisir les évolutions des univers stratégiques complexes contemporains

Zuliani J-M., Jalabert G., 2005, « L’industrie aéronautique européenne : organisation


industrielle et fonctionnement en réseaux », EG, 2005-2, p. 117-133 : Cet article présente le
fonctionnement des industries dans le secteur aéronautique et plus particulièrement le cas de
l’entreprise Airbus. C’est tout le système de production de l’entreprise européenne qui est présenté
et ainsi l’auteur met en lumière le fonctionnement de l’entreprise étendue et les applications de la

122
production modulaire. En détaillant le système Airbus, c’est tout le processus de production issue de
la globalisation qui est mis en lumière.

Entreprises et contacts

BONGRAIN - Stéphane Raedersdorf, planificateur logistique junior

DANONE EAUX FRANCE - Manuel Kienlen, Responsable transport route et méthodes

KUEHNE+NAGEL – Steve Belot, First Key Account Manager Aerospace South West Europe chez
Kuehne+Nagel

LAFARGE GRANULATS – Noëlle Svirmickas, Logistics Project Manager

Questionnaires

Questionnaire répondu par Steve Belot - Kuehne+Nagel

-Quelle est la stratégie de développement international de KN ?


KN est déjà présent dans plus de 850 sites sur 100 pays avec environ 52.000 personnes. Le
renforcement à l’international n’est donc pas un axe majeur de la stratégie.
Kuehne + Nagel recherche désormais à se développer dans les pays ou il est présent afin de
devenir un leader sur tous les marchés dans lesdits pays
-Quel est le mode de développement de l’entreprise ? Basée sur la recherche perpétuelle de
nouveaux contrats et/ou sur le renforcement d’importants contrats existants ?
Les deux. Comme indiqué précédemment être leader dans chaque pays par de la croissance
externe (acquisition groupe ACR en 2005 et Alloin en 2009) ou interne (nouveaux clients)
est l’axe principal de développement
-4PL ? 7PL ? Ou se situe KN ? Ou veut-elle se situer ?
Kuehne + Nagel est un acteur majeur 3PL. Afin de se différencier de la concurrence
Kuehne + Nagel a développer une division LLS (Lead Logistics Solutions). Cette division
ne cherche pas à se placer comme un acteur 7PL (3PL + 4PL), mais comme un vrai
interlocuteur indépendant (c'est-à-dire pouvant même challenger KN 3PL) afin de délivrer
des savings et des solutions performantes pour ces clients.
-La croissance de KN est elle du au fait que les intégrateurs logistiques sont devenus indispensable
aux entreprises (stratégie réactive) ou parce qu’ils ont su se rendre indispensables (stratégie
proactive) ?
Les deux stratégies sont complémentaires. KN à su se rendre indispensable de part son
réseau international, son IT totalement intégré dans la globalité de ses sites et sa
croissance externe en réalisant des acquisitions parfaitement ciblée. Néanmoins, La
croissance mondiale de ces dernières années, la délocalisation des grands manufacturiers,

123
la dématerlisation des stocks et l’accélération des besoins des industriels ont également
contribués à la croissance naturelle de Kuehne + Nagel qui avait su se positionner dans les
grands axes mondiaux de croissance.
-D’un point de vue interne, comment KN fait face à l’environnement économique ? Par exemple à
l’évolution des cours du pétrole ou aux évolutions de taux de change.
Kuehne + Nagel étant une société n’appartenant ni à un fond de pension, ni à une poste
Européenne ou un acteur ferroviaire, sa réactivité et son indépendance dans ses choix
stratégique est très grande. Le processus décisionnel est assez court et est mis en
application très rapidement (un suivit d’indicateur permet d’adapté la situation selon les
pays, les marchés, les produits, etc.…)
-Comment KN réagit à la crise économique ? Par quels leviers pouvez-vous y faire face ?
Comme tous les grands acteurs du transport et de la logistique, Kuehne + Nagel est affecté
par la crise économique. Néanmoins, comme précisé précédemment une grande réactivité,
une implication du management et un suivit des actions permet a Kuehne + Nagel
d’adapter sa structure et ses actions face à la crise. De plus, Kuehne + Nagel ayant
toujours suivit une politique de « non asset based company », nous permet d’avoir un bilan
financier solide et sans endettement. Le choix des clients est également important chez
Kuehne + Nagel et cette politique nous permet de faire face à des situations de crise.
Prenons comme exemple le contrat AIRBUS : Le secteur industriel, comme celui de
l’aéronautique, est un secteur basé sur des cycles longs et donc moins impacté directement
et rapidement par une crise économique comme nous pouvons la connaître aujourd’hui (à
la différence des secteurs comme l’automobile, le Retail ou le FMCG). Même si les
compagnies aériennes annulent beaucoup de commandes auprès d’AIRBUS, le planning de
production est plein pour les 7 prochaines années. Les cadences de productions vont
simplement être revues légèrement à la baisse et Kuehne + Nagel ne sera pratiquement pas
impacté et pourra poursuivre sa croissance vers d’autres groupes industriels.

Questionnaire répondu par Noëlle Svirmickas - Lafarge Granulats

- Quelles sont les mesures stratégiques prises par Lafarge en réaction à la crise actuelle ?
Il est évident qu’un groupe comme Lafarge a une stratégie de crise et ce d’autant plus
qu’elle est bien sur très présente dans un secteur particulièrement exposé aujourd’hui, le
secteur de la construction. Donc, comme toute entreprise, Lafarge essaye d’avoir la
conduite la plus efficace possible en travaillant évidemment beaucoup sur les couts et
particuliers sur els couts logistiques.
-Quelles sont les répercutions sur la Supply Chain de la crise ? Comment Lafarge s’adapte à cette
situation?
Lafarge a présenté aux analystes financiers en décembre dernier (le rapport est public et tu
le trouveras sur Internet) ses perspectives 2009. Parmi elles, le plan Excellence 2009-2010
de contrôle et de réduction des couts qui identifie des axes prioritaires, parmi lequel la
logistique (on parle encore peu de SC chez Lafarge, même si on en fait sans le savoir).
-Quelle est la place de la logistique par rapport aux autres secteurs de l’entreprise? Est-elle plus
reconnue qu’auparavant ?

124
Oui, certainement ! La preuve : des projets mondiaux très visibles qui cherchent à
mobiliser toutes les Business Units autour de ces thèmes (J’anime celui de la division
Granulats)
-Les relations avec les autres secteurs de l’entreprise se sont elles accrues ?
Certainement ; d’abord et avant tout avec les achats et le marketing, la finance, le
manufacturing. Mais on réfléchit aussi à des filières de formation et des modèles
d’organisation (RH), et on cherche de plus en plus à intégrer la dimension logistique dans
les projets de développement (soit par acquisition soit par création). De plus, la
communication et la logistique se rencontrent de plus en plus souvent.
-Le secteur de la construction a-t-il des contraintes particulières face à la mondialisation ?
Tout dépend de la valeur intrinsèque des matériaux. La mondialisation impacte plus le
ciment que le granulat ou le béton qui sont bcp plus des productions de proximité. Mais
tout va changer progressivement et la maitrise des moyens logistiques sera clé pour la
maitrise des marchés.
-Dans le futur, l’expansion internationale va-t-elle se poursuivre ?
Bien sur, mais pas forcément dans le sens « on va produire ou ça revient moins cher »,
mais plutôt « on va produire la ou se trouvent les marchés ». Et il est clair que les marchés
d’aujourd’hui et de demain se déplacent vers l’Asie.
-Pour quelles activités Lafarge a-t-elle décidée d’externaliser ?
Lafarge externalise ce qui n’est pas son cœur de métier, c'est-à-dire les activités qui
demandent un investissement en capital ou en compétences trop important par rapport au
retour attendu.
-Êtes-vous en contrat avec des 4PL ?
Non, pas dans le granulat
-Quelle est la place des systèmes d’information ?
Essentiel, faire de le SC sans data, c’est impossible
-Quelle est l’évolution de cette place ? Pourquoi ?
Souvent des centaines et des milliers d’opérations unitaires sur lesquelles il faut
comprendre les tendances, définir une politique logistique, choisir astucieusement ses
prestataires, définir et suivre des critères de performance…
Sans business intelligence, sans data crunching, autant dire que c’est peine perdue !
-Comment est gérer le transport international avec l’expansion internationale de l’entreprise ?
Dans le granulat, pas bcp de transports internationaux si ce n’est dans certains pays
d’Europe de l’est ou nous extrayons des cailloux que nous transportons par train dans des
pays voisins.
Dans le ciment, je sais qu’il y a une structure spéciale qui s’occupe de trading et donc de
l’approvisionnement de certains marchés par voie maritime essentiellement
-Considérez vous que l’externalisation et le développement des systèmes d’informations sont les
principales avancées logistiques issues de la mondialisation ou existe-t-il d’autres activités clés ?
Je pense que la SC permet effectivement à une entreprise installée dans de nombreux pays
de faire le lien entre des implantations souvent assez isolées.
-D’un point de vue personnel, de quels moyens, au niveau de la Supply Chain, pensez vous qu’une
entreprise internationale disposent pour faire face à phénomènes économiques extérieurs (crise
financière, évolution de taux de change, augmentation tu prix des matières premières) ?
Je considère que la SC/log va permettre aux entreprises qui la maitrisent de sortir de la
crise en meilleur état que les autres. L’enjeu aujourd’hui est de définir des schémas
125
logistiques souples, agiles capables de réagir par rapport à des changements économiques
brutaux. Se remettre en cause encore et toujours. C’est à la fois le « Lowest cost to serve »
mais aussi la logistique comme service et comme moyen de se différencier et de générer de
nouveaux revenus.

Questionnaire répondu par Manuel Kienlen - Danone Eaux France

-Aujourd’hui, dans le contexte international dans lequel évolue Danone Eaux, quelle est la place du
transport dans la stratégie logistique ?
DEF = contexte 100% national, néanmoins :
Le transport est un élément entier de la stratégie logistique :
Modes utilisés (fer, route) fonction des périmètres concernés (usines, plateformes,
clients,…)
Délais de livraison et offres logistiques
Optimisation des coûts (cost to serve)
Impact environnemental (notamment le carbon footprint)
-Le concept d’ « entreprise étendue » à-t-il un sens chez Danone Eaux ?
Je me permettrai de dire que oui bien que nous n’ayons pas de démarche identifiée sous ce
vocable. Le marché de la boisson en France, en forçant le trait, peut être vue comme un
oligopole (peu de fournisseurs, peu de clients) et nous amène donc à des niveaux
d’échanges et d’intégration forts avec nos clients ; les échanges avec nos concurrents sont
également nombreux. Sur la partie fournisseurs logistiques, notre démarche avec certains
d’entre eux est très intégrée également (tu auras l’occasion de le découvrir).
-L’appel à la sous traitance pour le transport est-t-il une conséquence d’événements particuliers ou
est ce une suite logique de la stratégie d’entreprise ?
Très clairement pour DEF une suite logique de notre stratégie ainsi que l’état de maturité
de ce métier en France (ce qui n’est pas le cas dans d’autres CBU)
-Cette externalisation s’effectue-t-elle de manière directive ou de manière collaborative ?
Notre approche est collaborative
- Diriez-vous que le transport est une fonction vitale d’une Supply Chain internationale ? Pourquoi ?
Oui.
Sur un plan exécution opérationnelle, c’est un contributeur majeur de notre taux de service,
de notre capacité à répondre aux aléas et à-coups de la demande client et des nouvelles
offres clients
Maîtrise de nos comptes de résultats (ratio coût transport/coût total de nos produits élevé)
et de notre positionnement tarifaire vis-à-vis de nos clients et consommateurs
Levier fort de notre empreinte environnementale
-Livrez vous uniquement la France ou également des pays étrangers à partir des sites de distribution
français ?
France + étranger
-La stratégie de transport est elle la même dans les autres pays que la France ?
Je pense pouvoir dire que non, sans pour autant connaître la stratégie transport de toutes
nos CBU
-Comment interagit le service transport avec les autres acteurs de la Supply Chain ?

126
Etant par définition en aval de toutes nos opérations, nous sommes le dernier maillon avant
livraison chez nos clients. Les problématiques se cristallisant souvent en bout de ligne
droite, nous avons un rôle d’animation transversale vs les autres composantes de la SC
(service client, réseau, flux, déploiement central et local) :
Rôle Fournisseur : exécution des flux
Rôle Client : besoin d’avoir de flux opérables dans le cadre de nos process définis
Rôle Animateur : vigilance court, moyen et long terme sur notre environnement logistique

Questionnaire répondu par Stéphane Raedersdorf - Bongrain

- Quel est votre poste chez Bongrain ?


Actuellement je suis planificateur logistique junior chez Bongrain. Je suis en charge
des prévisions de ventes, de la planification des besoins et des réapprovisionnements de
ces quantités pour un portefeuille de plus de 100 produits de marques et MDD. Mon
poste se divise en quatre activités principales :
1. Prévision des ventes : Avec le responsable commercial définition des prévisions de
ventes futures d’un horizon allant de 2 à 15 semaines (en fonction du temps de
réappro des produits) cela pour tous les articles GMS. Définition également des
effets commerciaux (pubs TV, actions) par rapport aux capacités de production
disponibles.
2. Planification des ventes : En fonction des caractéristiques produits (DLUO, temps
de réapprovisionnement, fréquence de réapprovisionnement, etc.) définition des
besoins et du planning de réapprovisionnement et des quantités de
réapprovisionnement des prochaines semaines avec les usines (fournisseurs).
Actuellement je suis en charge de la réalisation de la planification des prévisions
de vente pour une usine en Allemagne, une en Espagne et quatre en France
(autrement dit pour toutes les tranches pour le marché allemand, les pâtes fraîches
Bresso et Milkana, et les gammes complètes de Chavroux, Tartare et Fol Epi.
3. Contrôle des réapprovisionnements (quantités envoyés par les fournisseurs),
passation de commandes pour confirmer les envois, et contrôle de disponibilité
pour le service client afin que ces derniers puissent organiser la préparation de
commande client chez nos prestataires logistiques. Je suis également en charge de
l’intégration des mouvements de stocks sur deux de nos plates-formes dans R/3.
4. Animateur projet pour mes usines françaises. Projets visant à améliorer le taux de
service usine ainsi que d’optimiser le processus de fabrication et de
réapprovisionnement de certains produits complexes.
- Quelle rôle joue les SI dans l’activité de l’entreprise au plan international ?
Le rôle des SI dans le groupe Bongrain est primordial, indispensable à un transfert
rapide de l’information. L’information chez Bongrain circule selon le schéma
suivant :

127
Supply Network Design (direction du groupe, directoire des filiales,
etc.)

Supply Network Planning (usines du groupe)

Material Production Distribution Demand


Ressource Planning Planning Planning
Planning

La direction du groupe ou alors les responsables des usines et des filiales du groupe
entreprennent l planification à long terme. Il peut s’agir de décisions telles que création
d’une nouvelle plate-forme logistique, changement de prestataire logistique,
investissements nouveaux outils de production, utilisation de nouveaux canaux de
distribution, etc.
Ces décisions auront un impact non négligeable sur la modélisation des activités actuelles
et futures.
Actuellement nous nous trouvons dans la situation suivante. Un besoin est définit par la
filiale allemande en fonction de sa connaissance des clients et du comportement des
consommateurs allemands. Ce besoin va être intégré par le service de planification des
ventes dans le module DP de SAP APO. Ces besoins vont remonter dans le module de
planification à moyen terme SNP qui est actuellement géré par les pilotes des flux des
usines du groupe. Dans ce module vont se consolider tous les besoins des différents
marchés avant d’être envoyés dans le module de planification de la production PP. C’est ici
que seront générés les plans de production (OF dans le système) en tenant compte des
ressources nécessaires (matières premières, besoins emballage, etc.) définies dans le
module MRP tout cela associé également à un étude de faisabilité en fonction des définition
de capacité. Les produits résultants de la production vont par la suite être distribués vers
les différents marchés selon les capacités de transport disponibles (plan de
réapprovisionnement est généré dans le module Distribution Ressource Planning DRP). En
dernier lieu vient l’outil dit ATP (available to promise) qui est un outil qui permet au
service client de visualiser les disponibilités des produits pour les sorties clients.
Bref, pour un bon déroulement de satisfaction des besoins client, le groupe Bongrain
nécessite une bonne et rapide circulation de l’information (attention aux erreurs
d’interprétation et aux erreurs liées à la traduction) mais aussi une transparence de ces
activités. Tout cela ne pourrait se faire sans l’aide des SI utilisés. Via des interfaces un
utilisateur donné peut de façon instantanée visualiser par exemple les quantités mises en
128
production, les achats d’emballages, à quel jour le client va commander les produits.
L’uniformité des SI utilisés permettent de réduire fortement les erreurs d’interprétations et
de traductions liées aux différentes langues parlées dans le groupe.
- Depuis quand les SI sont présents dans l’entreprise ?
Je ne suis pas encore suffisamment longtemps dans l’entreprise pour avoir vu la mise en
place de ces différents outils informatisés, par contre si mes informations sont bonnes les
principales étapes de mise en place des SI sont les suivantes :
- Mise en place de SAP R/3 en 2004 -> ERP utilisé par tous les services de la filiale BG
Allemagne, comme la logistique dans son ensemble (transport, prévisions vente, service
client, etc.), les ressources humaines, certaines services commerciaux, pour aller jusque
dans BW (Business Warehouse) qui est utilisé par la suite par le controlling pour les
opérations de facturation et de synthèse de l’activité de la filiale.
- APO (APS de SAP) en 2006
Pour mieux pouvoir suivre les activités de l’entreprise des outils de reporting ont été
élaborés pour permettre au marketing, direction, commerciaux de pouvoir profiter
également d’informations (comme par exemple les ventes, indicateurs logistiques, etc.)
pouvant leur être nécessaire.
En France dans les usines, Minos fait office d’ERP tandis que FuturMaster incarne le rôle
de l’outil de planification. Des projets divers visent actuellement à réduire le nombre de SI
utilisés dans tout le groupe.
- La tendance est elle à avoir de plus en plus de SI au sein de l’entreprise ?
La tendance vise à utiliser de plus en plus les SI au sein de l’entreprise, par contre la
tendance va aussi à l’uniformisation des ces dernières au sein du groupe, c'est-à-dire
favoriser l’utilisation d’une voire deux SI principales pour tout le groupe. De cette façon
nous aurons plus besoin d’interfaces différentes pour traduire les données. Par ailleurs des
doublons en matière de maintenance des systèmes peuvent être évités.
Des interfaces vont toutefois encore devoir être utilisées à l’avenir car l’interaction avec les
différents prestataires logistiques va nécessiter des outils de traduction.
-Le fait que l’activité de Bongrain soit internationale a-t-elle nécessité de développer de nouveaux
SI ?
Oui. L’Allemagne en tant que précurseur en matière d’utilisation de SI pour optimiser ses
opérations logistiques a poussé les marchés comme la France, mais aussi l’Italie, la
Belgique, la Suisse, la Slovaquie (bientôt la Rep. Tchèque), le Royaume Uni à passer sous
APO pour la consolidation des besoins. Il en vaut de même pour SAP R/3.
Comme dit auparavant la présence de filiales du groupe dans de nombreux marchés à
entraîner le groupe à prendre des décisions visant à l’instauration de SI uniformes pour le
groupe.

-Y a-t-il eu des embauches grâce au développement des SI ?


Pas à proprement dit. Par contre l’on peut noter une spécialisation de l’effectif, c’est à dire
des embauche de personnel plus qualifié et maitrisant les différents outils informatiques
utilisés. Le niveau académique de sélection est passé pour ces fonctions d’experts de Bac+2
à Bac+4/Bac+5.
Les appellations des emplois ont été revues, comme la création dans les usines de la
fonction de pilote de flux, c’est à dire un spécialiste qui consolide les besoins des différents

129
marchés et clients et qui par le biais du SI va réaliser un planning production pour pouvoir
répondre aux besoins clients définis par le prévisionniste des ventes.
Par ailleurs le siège principal du groupe a décidé de créer des centres d’expertise
regroupant les experts des différentes filiales afin de gérer des projets de développement et
d’optimisation des SI (quels que soient les domaines d’utilisation).
-Dans la Supply Chain de Bongrain, penses-tu que les SI soient devenus une fonction vitale ?
Pourquoi ?
Oui sans SI, le travail se ferait à l’aveugle. Par exemple une panne informatique de Nagel
Europe (un de nos prestataire logistique) en décembre a conduit qu’aucune donnée de stock
n’a pu être communiquée, pas de sorties ni entrées en stock pendant cette période n’ont pu
être réalisées, ainsi que l’incapacité du prestataire à retrouver les produits en stocks.
Amélioration considérable sur la flexibilité, ce qui permet aux usines d’avoir plus
informations. Tout cela à des répercutions notables sur le taux de service client ainsi que
sur le taux de déclassement (dans le domaine du fromage mais aussi pour les secteurs
traitant avec des denrées très périssables ce taux révèle la part de produits ne pouvant être
vendus à temps compte tenu des garanties de DLUO définies avec les distributeurs). Une
amélioration de ces deux indicateurs logistiques va engendrer une amélioration de la
satisfaction client par la suite.
-Quels sont les SI utilisés et pourquoi faire?
ERP /PGI : R/3 de SAP – traitement de toutes les informations produit, mouvements de
produit, ainsi que les opérations de facturation de ces derniers.
APS : APO de SAP – outil utilisé pour la planification des besoins, production, achats,
transports, ainsi que de la prise de décision stratégique.
CRM : outil utilisé pour mieux visualiser les besoins des consommateurs et pour la
réalisation de partenariats avec la distribution.
-Quel est ton avis sur le parallèle entre développement des SI et mondialisation ?
Tout doit aller plus vite. Le flux d’information est primordial pour une bonne réalisation
des process. La logistique collaborative gagne en importance, la réalisation de modèles
logistiques dans la SI qui intègre tous les acteurs du fournisseur au besoin du client peut se
faire. Des économies d’échelles peuvent se faire par l’utilisation d’une SI pour le groupe,
facteur non négligeable dans cette période délicate économiquement.

130
Autres annexes

Figure 8: Le modèle SCOR

131
Tableau 3: Matrice informationnelle de Porter120

Tableau 4: Eléments constitutifs des divers modes de collaboration121

120
Dans Delmond M-H., Petit Y., Gautier J-M., 2007, « Management des systèmes d’information », 2e
édition, Dunod, Paris, p. 116
121
Baglin G., 2005, « Management industriel et logistique : conception et pilotage de la Supply Chain », Ed.
Economica, Paris, p. 223
132
Photo 1: Le Beluga d'Airbus

Photo 2: Le Falcon 7X de Dassault

133

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