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UNIVERSITE DE ROUEN

2022-2023
L1 DROIT
DIVISION B
TD DROIT DE LA FAMILLE

FICHE N° 6
THEME : LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA FILIATION

1) Analyse des décisions reproduites ci-après, pour le document : A. Batteur, « L’interdit de


l’inceste, Principe fondateur du droit de la famille », RTD civ. 2000, p. 759 s. (extraits),
réalisez une note de lecture.

2) Rédigez un commentaire d’arrêt de la décision de la Cour de cassation du 5 octobre


2016

3) Cas pratiques

Patrick et Caroline se sont rencontrés à l’âge adulte, alors que le premier était âgé de 31 ans et la
seconde de 27 ans : leurs parents se sont en effet séparés à la naissance de Patrick, chacun emportant
avec lui un enfant commun, avec la promesse de ne plus jamais se revoir. Ce fut donc à l’occasion de
l’enterrement de leur mère qu’ils se rencontrèrent pour la première fois… et tombèrent éperdument
amoureux l’un de l’autre. Lorsque Patrick apprit que Caroline était enceinte, il fut très heureux et
s’empressa d’aller reconnaître l’enfant à naître à l’officier de l’état civil. Plusieurs de ses proches,
l’interrogeant, apprenant que Patrick et Caroline étaient frère et sœur, s’horrifièrent de la situation et
convainquirent Patrick de l’ignominie celle-ci. Patrick décida donc de couper les ponts avec Caroline.
Cette dernière vient d’accoucher de Théo et souhaite faire établir son lien de filiation avec lui ; elle
s’interroge en outre sur la possibilité de forcer Paul à contribuer financièrement à l’éducation de
l’enfant.
CIV. 1RE, 28 MARS 2000, N° 98-12.806.

NB. Attention, cet arrêt a été rendu avant la réforme de la filiation de 2005.

Sur le moyen unique :

Vu les articles 339 et 311-12 du Code civil, ensemble l'article 146 du nouveau Code de procédure
civile ;

Attendu que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif
légitime de ne pas y procéder ;

Attendu que Mme X... a donné naissance, le 29 octobre 1994, à un enfant prénommé Emmanuel
Jean-Marc qui a été reconnu dans l'acte de naissance par M. Y... ; que, le 26 juin 1995, elle a formé
une action en contestation de cette reconnaissance et sollicité une expertise sanguine ;

Attendu que pour la débouter de sa demande, l'arrêt attaqué énonce que Mme X... ne rapporte pas la
preuve du caractère mensonger de la reconnaissance et qu'une expertise médicale ne peut être
ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les deux premiers des textes susvisés par refus
d'application et le troisième, par fausse application ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE […]

CIV. 1RE, 2 DECEMBRE 2020, N° 19-21.850.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 juin 2019), Y... V... est née le [...] à Seclin, de Mme V.... Le 26 mai
2017, celle-ci a assigné M. W... en recherche de paternité.

[…]

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième et septième branches

Énoncé du moyen

3. Mme V... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :

« 1°/ qu'aucun texte ne subordonne le bien-fondé de l'action en recherche de paternité à la production


de la copie intégrale de l'acte de naissance de l'enfant, actualisée au jour où le juge statue ; qu'en
déboutant pourtant Mme V... de son action en recherche de paternité, aux motifs que la copie
intégrale de l'acte de naissance de la jeune Y... V... qu'elle versait aux débats datait du 26 novembre
2016 et n'avait pas été actualisée depuis cette date, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition
qu'elle ne contient pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil ;

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2°/ en toute hypothèse, que le juge ne peut se prononcer par des motifs dubitatifs ou hypothétiques ;
que pour débouter Mme V... de son action en recherche de paternité, la cour d'appel a retenu que,
depuis le 26 novembre 2016, Mme V... n'avait pas actualisé la copie intégrale de l'acte de naissance
de sa fille Y..., de sorte que cet enfant avait très bien « pu être reconnue dans l'intervalle par M. Q...
W... ou un tiers » ; qu'en se prononçant ainsi, par un motif hypothétique relatif à l'existence d'un lien
de filiation paternelle à l'égard de la jeune Y... V..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de
procédure civile ;

3°/ qu'aucun texte ne subordonne le succès de l'action en recherche de paternité à la production de


documents officiels permettant de s'assurer de l'état civil du père présumé, lorsqu'il est défaillant à
l'instance ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme V... de son action en recherche de paternité, aux motifs
que cette action avait été introduite sur la base des seules déclarations de Mme V..., qui ne produisait
aucun document officiel permettant de s'assurer des prénoms, nom, date et lieu de naissance de M.
W..., qui était défaillant à l'instance, la cour d'appel, qui a derechef ajouté à la loi une condition
qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil code ;

6°/ que la mesure d'expertise biologique tendant à établir la paternité du défendeur n'est pas
subordonnée à la délivrance d'une assignation à personne ; qu'au cas présent, en déboutant Mme V...
de sa demande d'expertise biologique aux fins d'établir la paternité de M. W... sur sa fille Y... V...,
aux motifs que cette expertise, si elle était ordonnée, serait manifestement vaine « dans la mesure où
M. Q... W... n'a pas été assigné à sa personne et que l'acte n'a pas été remis à un proche ayant
connaissance de ses coordonnées et étant resté en contact avec lui », la cour d'appel, qui a une
nouvelle fois ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 310-3 et 327 du
code civil ;

7°/ que la possibilité de tirer des conséquences d'un éventuel refus du défendeur à l'action en
recherche de paternité, de se soumettre à l'expertise biologique qui a été ordonnée à son égard, n'est
pas subordonnée au fait qu'il ait eu personnellement connaissance de ladite mesure d'expertise
ordonnée contre lui ; qu'en l'espèce, en refusant d'ordonner l'expertise biologique sollicitée par Mme
V... pour déterminer la paternité de M. W... sur sa fille mineure, aux motifs « qu'il ne peut être tiré
des conséquences d'un refus de se soumettre à l'expertise que si le défendeur a eu personnellement
connaissance que celle-ci a été ordonnée à son égard », la cour d'appel, qui a une fois encore ajouté à
la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 310-3, alinéa 2, du code civil que l'expertise biologique est de droit en matière
de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder.

5. L'impossibilité matérielle de procéder à l'expertise, en raison, notamment, de l'impossibilité de


localiser le père prétendu, peut constituer un tel motif légitime.

6. La cour d'appel ayant relevé que l'expertise serait vaine dès lors que l'adresse de M. W... était
inconnue, ainsi que cela ressortait du procès-verbal de recherches infructueuses du 31 juillet 2018,
elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, la Cour :

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REJETTE le pourvoi […]

COUR D’APPEL DE CAEN, 8 JUIN 2017, N° 16/01314.

Sur les faits :

Océane B. est née le 5 mai 2009 à [...] et a été reconnue le 18 avril 2009 par M. Hervé B.. L'acte de
naissance de l'enfant, établi le 6 mai 2009, désigne Mme Rose-Marie Caroline L. comme étant sa
mère. Par actes d'huissier en date du 1er et du 13 juillet 2013, M. Le Procureur de la République de
Cherbourg a fait assigner M. B. et Mme L. aux fins de voir annuler le lien de filiation entre celle-ci et
Océane B. et ordonner l'établissement d'un nouvel acte de naissance de l'enfant sur le fondement de
l’article 310-2 du Code civil. Par ordonnance en date du 19 février 2014, le juge de la mise en état a
désigné l'ACJM de la Manche en qualité d'administrateur ad hoc pour représenter Océane B. dans la
présente instance.

Par jugement en date du 10 mars 2016 dont appel, auquel la cour se réfère pour un plus ample exposé
des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le juge aux affaires familiales du
tribunal de grande instance de Cherbourg a notamment :
- annulé le lien de filiation entre Mme L. et l'enfant Océane B.,
- ordonné l'annulation de l'acte de naissance de l'enfant Océane B.,
- ordonné que soit établi un nouvel acte de naissance au nom de Océane Amélie Marie Mélanie B.,
née le 5 mai 2009 à [...] avec comme unique lien de filiation son père, M. Hervé Christophe B., né le
25 février 1964 à [...], qui a reconnu l'enfant le 18 avril 2009 à la mairie de Maizières-la- Grande-
Paroisse (Aube),
- constaté l'exercice exclusif par le père de l'autorité parentale,
- constaté son incompétence pour statuer sur les demandes de délégation d'autorité parentale et de
contribution alimentaire formées par Mme L.,
- confié l'enfant Océane à Mme L.,
- dit que Mme L. pourrait accomplir tous les actes usuels relatifs à la surveillance et à l'éducation de
l'enfant Océane,
- condamné M. B. et Mme L. aux dépens qui seront partagés entre eux par moitié.

Mme L. a interjeté appel le 30 mars 2016.

L'association ACJM ès qualités d'administrateur ad'hoc de l'enfant Océane a également interjeté


appel par déclarations en date des 6 et 19 avril 2016.

Les procédures ont été jointes.

Par ordonnance en date du 8 novembre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré M. B.


irrecevable à conclure en application de l’article 909 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 20 février 2017, Mme L. demande à la cour de :
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a annulé le lien de filiation entre elle-même et
Océane B.,
- maintenir le lien de filiation maternelle,
- subsidiairement, annuler le lien de filiation entre M. B. et Océane B.,
- infiniment subsidiairement, confirmer la décision dont appel en ce qu'elle lui a confié l'enfant
Océane,

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- statuer ce que de droit quant aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide
juridictionnelle.

En ses dernières écritures, notifiées le 5 juillet 2016, l'association ACJM ès qualités d'administrateur
ad'hoc de l'enfant Océane demande de son côté à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le lien de filiation entre Mme L. et l'enfant
Océane,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par conclusions en date du 16 septembre 2016, le ministère public demande à la cour de :


- infirmer la décision entreprise,
- le renvoyer à mieux se pourvoir.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 février 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'appel est général et porte sur le lien de filiation maternelle et les éventuelles conséquences de
son annulation.

Mme L. et M. B. sont nés de la même mère.

Ils ont l'un et l'autre fait l'objet d'une mesure de placement quand ils étaient enfants, n'ont pas été
élevés ensemble, se sont rencontrés en 2006 et ont entretenu une liaison, laquelle a conduit à la
conception de Océane, que M. B. a reconnue avant sa naissance.

Pour annuler le lien de filiation maternelle entre Mme L. et Océane B., le premier juge a relevé que
sa filiation maternelle avait été établie en second lieu, par la désignation du nom de la mère dans
l'acte de naissance, ce qui était impossible au regard de la reconnaissance anténatale déjà effectuée
par M. B. et que, l'intérêt supérieur de l'enfant, en commandant que l'origine incestueuse de sa
filiation ne soit pas connue de tous, justifiait que soit annulé le lien de filiation établi en second.

En cause d'appel, Mme L. soutient qu'elle s'occupe de l'enfant depuis sa naissance, qu'il y a entre
elles des liens affectifs très forts, que les tiers et M. B. lui-même ne remettent pas en cause sa qualité
de mère et que l'annulation du lien de filiation maternelle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le ministère public soutient de son côté que, la reconnaissance prénatale de l'enfant ne produisant ses
effets qu'à compter de la naissance, soit au même moment que l'établissement de la filiation
maternelle, par la désignation de la personne de la mère dans l'acte, les deux liens de filiation ont
finalement été établis concomitamment. Il conclut à l'infirmation de la décision au regard de l'intérêt
de l'enfant lequel impose selon lui en l'espèce de maintenir le lien de filiation maternelle dès lors que
depuis sa naissance l'enfant vit avec sa mère, qui assume seule l'ensemble de ses besoins tant affectifs
que matériels.

Il rappelle en outre que, M. B. n'ayant pas été assigné afin de voir annuler son lien de filiation, la cour
ne peut se prononcer sur le lien de filiation paternelle dans la présente procédure.

***

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L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile et de sa correspondance et qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans
l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une
mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à
la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Par ailleurs, l'article 14 de la même convention consacre l'interdiction de la discrimination en


prévoyant que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être
assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale,
l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation

Enfin, l'article 7 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant dispose que l'enfant est
enregistré aussitôt sa naissance et a, dès celle-ci, le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité
et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.

Au plan national, il résulte des dispositions de l’article 310-2 du code civil que s'il existe entre les
père et mère de l'enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause
de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de
l'autre par quelque moyen que ce soit.

Si la loi française prohibe l'établissement d'un second lien de filiation dans les hypothèses où cet
établissement conduirait à créer une filiation incestueuse, l'espèce soumise à l'examen de la cour la
conduit à s'interroger sur ce que dicte l'intérêt de l'enfant lorsque les deux filiations ont malgré tout
été établies, par ignorance ou dysfonctionnement, qui plus est concomitamment ou dans un temps
très voisin, puisqu'il a été relevé à juste titre par le ministère public que, la reconnaissance prénatale
ne produisant ses effets que dans l'hypothèse où l'enfant naît vivant et viable, il y a lieu de considérer
en l'espèce que c'est de manière concurrente que les deux filiations ont été établies, l'acte de
naissance entérinant la naissance de l'enfant en même temps qu'il y faisait figurer le nom de la mère.

La prohibition de l'inceste demeurant un interdit absolu, et l'annulation du lien de filiation paternelle


n'étant en l'état pas dévolu à la cour, il convient en conséquence de déterminer si, dans l'intérêt
supérieur de l'enfant, le lien de filiation maternelle doit néanmoins être maintenu.

Océane est âgée de 8 ans. Elle vit avec sa mère depuis sa naissance, la maternité de Mme L. est
certaine, son engagement dans la parentalité n'est pas contesté notamment par M. B., lequel ne
démontre pas avoir entretenu ni entretenir actuellement avec sa fille des liens particulièrement étroits,
sans rapporter la preuve qu'il a été empêché de le faire par Mme L..

Au regard de l'intérêt particulier de cette enfant, et des conséquences dommageables qu'aurait pour
elle, dans la construction de son identité, l'annulation d'un lien de filiation sur lequel s'est construite
jusqu'à présent sa place dans l'histoire familiale, il y a lieu de réformer le jugement en toutes ses
dispositions, étant observé que, les liens de filiations produisant leurs effets simultanément, l'autorité
parentale est en conséquence exercée en commun.

Sur les dépens

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La nature de l'affaire et l'issue du litige prescrivent de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront
supportés par moitié par chacune des parties, la répartition de ceux de première instance étant
confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Dit ne pas y avoir lieu à l'annulation du lien de filiation entre Océane B. et Mme Rose-Marie L.,
Constate que l'autorité parentale relativement à Océane B. est exercée en commun par Mme L. et M.
B.,
Fait masse des dépens et dits qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties, ceux afférents
à l'instance devant le premier juge restant répartis conformément à sa décision,
Rejette toute autre demande.

A. BATTEUR, « L’INTERDIT DE L’INCESTE, PRINCIPE FONDATEUR DU DROIT DE LA FAMILLE »,


RTD CIV. 2000, P. 759 S. (EXTRAITS).

L'essentiel

De grands principes ont permis, au cours des siècles, au droit de la famille d'asseoir ses fondations. L'Interdit de l'inceste est la base
absolument fondamentale de ce droit. Délaissée par le juriste, son étude mérite pourtant d'être menée. A travers l'examen des
empêchements à mariage, on peut prendre la mesure de la fonction symbolique du droit. On découvre aussi, en analysant les règles
de la filiation incestueuse et du droit pénal, l'existence d'un autre aspect du droit de la famille : tout inceste consommé doit rester
dissimulé. Mais le manque de clarté sur les valeurs qui fondent l'Interdit et la nécessité de voiler ce qui est trop choquant pour
l'ordre public conduit parfois le droit à ne pas tenir compte de la prohibition de l'inceste. Des adoptions sont prononcées, des
enfants sont conçus en toute insouciance sur les risques pris. Une prise de conscience des enjeux de l'Interdit fondamental
permettrait au juriste de contribuer à la redéfinition des rôles parentaux.

1. La famille est un lieu d'élaboration de l'identité de la personne humaine, tant sur le plan psychique, sexuel que social.
La loi exerce, en matière familiale, un rôle exemplaire et prophylactique. C'est à elle de dire ce qui est autorisé et ce qui
est interdit, à tracer la frontière entre ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». La loi incite à adopter certains
comportements, en dissuade d'autres. Si, de manière générale, les fonctions éducatrices et moralisatrices de la loi sont
mises en doute par la doctrine contemporaine, sa fonction normative n'a jamais été totalement niée. Malgré certaines
apparences, la loi exerce encore un rôle majeur, notamment dans le domaine des relations conjugales et parentales (1).

A ce titre, il est passionnant de se pencher sur un tabou aussi universel que celui de l'inceste, qui est nécessairement un
pilier fondamental de notre société. Naturellement, l'Interdit de l'inceste ne peut être inscrit dans aucun texte : le droit ne
peut se prêter au ridicule d'interdire directement les relations sexuelles entre proches parents. Tout au plus aurait-il pu
les sanctionner pénalement, choix que notre société n'a pas retenu. Ce n'est qu'à travers les empêchements à mariage et
la réglementation de la filiation incestueuse que l'Interdit peut être abordé sur le terrain juridique.

2. Alors que l'anthropologue, le sociologue, le psychanalyste et tant d'autres spécialistes des sciences sociales se
passionnent pour l'étude de ce tabou universel, le juriste lui consacre une place dérisoire. Rares sont leurs écrits sur le
sujet de l'inceste (2). La prohibition des mariages incestueux, le statut de l'enfant issu des rapports entre proches
parents n'intéressent guère, un peu comme si la règle morale sous-jacente aux règles juridiques allait tellement de soi
que le rôle du juriste pouvait se réduire à une chambre d'enregistrement. Pour éviter la critique, on pourrait être tenté de
prétendre que le droit ne se « désengage » pas en se déplaçant vers d'autres systèmes normatifs ; on assisterait au

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contraire à une prise en compte totale de la morale par le droit. Mais cette analyse révèle vite ses limites. Il y a quelque
hypocrisie à transformer le mutisme en règle juridique, même coutumière, surtout sur un sujet aussi délicat que
l'inceste. Ne nous voilons pas la face : c'est un véritable silence ou au minimum une indifférence totale qui entoure la
prohibition légale de l'inceste. Un auteur a pu parler à ce sujet il y a quelques années, de « pudeur du droit face à
l'inceste » (3). Sans doute a-t-il semblé inutile de lier les mœurs aux lois. Mais nous penchons plus volontiers pour
l'idée d'un sujet tabou.

3. La règle qui interdit le mariage entre proches parents et celle qui prohibe l'établissement de la filiation incestueuse
sont des bases constantes du droit familial français à travers les siècles. La loi et la société limitent le pouvoir de
l'individu sur sa condition familiale au sein du cercle de famille. Le droit occupe une charge symbolique par rapport aux
enjeux de l'espèce humaine considérée comme telle, et ce rôle, même ignoré par les principaux intéressés - les juristes -
ne peut être occulté. Paradoxalement, le tabou de l'inceste n'est inscrit dans aucun texte (4). Le mot même d'inceste
n'est pas dans la loi. Le silence du droit face à l'inceste mérite d'autant plus d'être analysé que sa fonction symbolique
peut être considérée comme une constante du droit de la famille. Pourtant elle est aussi insidieusement occultée dans
certaines situations particulières. Certes, on ne saurait induire de quelques cas marginaux une remise en cause d'un
pilier de notre droit de la famille. Mais le phénomène nous paraît suffisamment grave sur le terrain des principes pour
que l'on fasse l'effort de prendre la mesure de ce à quoi touche le droit lorsqu'il refuse d'être partie prenante dans la
fixation de l'Interdit fondamental. Ainsi le droit, face au danger que représente l'inceste, se révèle non seulement
silencieux (I) mais encore insouciant (II).

I. - Le silence du droit (l'inceste et la fonction symbolique du droit)


4. Le droit a la charge de la conservation de l'espèce humaine. Il doit ordonner. L'étude des quelques textes concernant
les empêchements à mariage révèle qu'effectivement le droit remplit sa fonction symbolique en interdisant certaines
unions. Comme l'écrit le doyen Cornu « ces interdictions ne sont pas des directives mais des sabres » (5). La règle du
jeu social est fixée : certains rapports sexuels ne peuvent être légalisés. Tout au plus peut-on reprocher au législateur
quelques approximations. L'imprécision technique de certains textes ne remet pas en cause cet aspect essentiel du droit
positif : ce qui est interdit en matière de mariage a valeur de symbole.

Dès qu'il s'agit de prendre acte de ce que l'Interdit a été transgressé, en ce sens que des rapports sexuels ont eu lieu entre
proches parents, la réaction du droit est moins nette. Il faut rechercher ce que veut le droit ailleurs que dans l'existence
d'une sanction qui serait attachée à une commission d'un acte prohibé. A travers l'examen des règles régissant la
filiation incestueuse et l'attitude du droit en matière pénale, il apparaît que le législateur, approuvé en cela implicitement
par la doctrine, poursuit un objectif non avoué publiquement. Il faut empêcher que soit révélé ce qu'il considère comme
innommable. Si des rapports sexuels entre proches parents s'établissent, ils doivent demeurer cachés. Les unions
doivent rester dans la nuit. Le droit n'est pas simplement pudique, frileux : c'est à notre avis une véritable dissimulation
de l'acte répréhensible au regard de la morale que la loi veut imposer.

Ainsi, la recherche de la fonction symbolique du droit conduit à mettre en exergue deux objectifs dont l'un est non
révélé : interdire le mariage incestueux (A), ce qui permet au droit d'exercer son rôle préventif, et, plus insidieusement,
imposer le secret lorsque l'inceste est consommé (B).

A. - L'union incestueuse : l'évidence de l'Interdit

[…]

B. - La filiation incestueuse : l'exigence du secret

13. Tout inceste fait l'objet d'une condamnation sociale. Mais dans le même temps, il fascine et hante les esprits. Il
scandalise par son côté scabreux, mais tourmente, suscitant par là le discours. Le juriste, lui, a choisi de se taire. Sagesse
ou démission ? Que l'on se tourne du côté du droit civil ou vers le droit pénal, transparaît la volonté non déclarée, mais

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ferme, que l'inceste consommé reste dans le secret des alcôves.

Le sort de l'enfant né de relations incestueuses révèle à quel point l'ordre de la loi est celui du silence. Dans les cas jugés
les moins intolérables, est ouvert un droit à mariage aux parents : en usant de son pouvoir régalien, le chef de l'État
pourra autoriser le mariage du couple incestueux (30). L'enfant devenant légitime, tout se passera comme si l'inceste
n'avait pas eu lieu. Si les parents n'ont pu ou voulu se marier, l'enfant pourra cependant voir sa filiation établie à l'égard
des deux auteurs. Il sera un enfant naturel parmi tant d'autres (31).

Sous un autre aspect, le législateur a aussi amélioré le sort de l'enfant incestueux sans prendre la mesure de la
modification. Dans le cas où le mariage entre proches parents est annulé, et alors qu'un enfant serait né de cette union,
la règle posée à l'article 202 du code civil permet de traiter l'enfant incestueux comme un enfant légitime. Comme on l'a
écrit, « cette légitimité a en quelque sorte pour effet de renvoyer l'inceste dans l'ombre ; en vertu de l'article 202 du code
civil, la véritable situation est complètement camouflée par le mariage annulé » (32). De fait, que l'article 202 puisse
s'appliquer au mariage entre proches parents comme à l'ensemble des autres mariages annulés est assez étonnant.
Aucune exception à la théorie du mariage putatif n'a été posée, même en cas d'inceste absolu. L'enfant incestueux
restera légitime, en dépit de la commune mauvaise foi de ses parents.

14. Dans les situations les plus graves, - le carré noir des articles 161 et 162 selon l'expression du doyen Carbonnier. La
loi refuse que soit révélée la nature incestueuse de la filiation, ce sans aucune possibilité de dispense. Les textes ont
toujours interdit la constatation officielle de l'origine incestueuse de l'enfant lorsqu'il est issu de relations entre un frère
et une sœur, ou entre un ascendant et un descendant. La formule légale utilisée autrefois était claire et nette : l'article
335 interdisait la reconnaissance « au profit d'un enfant né d'un commerce incestueux ». Elle est aujourd'hui plus
discrète, ces termes jugés péjoratifs, ignominieux, ont été remplacés depuis la loi du 3 janvier 1972 par une périphrase :
l'article 334-10 dispose désormais que « s'il existe entre les père et mère de l'enfant naturel un des empêchements à
mariage prévus par les articles 161 et 162 ci-dessus pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un
il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre » (33). A vouloir trop bien faire, en refusant d'appeler un chat un
chat, certaines situations sont passées à la trappe. Ainsi, les prohibitions à mariage résultant de la parenté adoptive
n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 334-10. Officiellement, un enfant issu de relations incestueuses
entre un adoptant et un adopté pourrait voir sa filiation établie à l'égard de ses deux auteurs. C'est là une conséquence
saugrenue de la réforme opérée en 1972.

15. Il découle de l'article 334-10 que la filiation de l'enfant ne peut-être légalement établie qu'à l'égard de l'un des
auteurs de l'inceste (soit volontairement, soit judiciairement) (34). Mais quand ce premier lien est établi, son existence
exclut totalement que l'autre le soit à son tour. L'objectif est net : l'enfant est destiné à n'avoir officiellement qu'un père
ou une mère pour que n'apparaisse pas le fait qu'il est le fruit d'un inceste. A l'égard de l'autre parent, l'enfant demeurera
légalement frère, sœur, neveu, nièce, petit-fils ou petite-fille de celui qui est pourtant biologiquement son père ou sa
mère.

Le bénéfice de l'action à fin de subsides lui est accordé contre ce parent (art. 342 al. 3). En théorie, le système reste
cohérent puisque la condamnation à subsides ne repose pas sur l'existence d'une filiation démontrée mais sur le simple
risque de paternité : mais il faut reconnaître qu'il y a là une faille, puisque de toute façon sera révélée, au moins au cours
du procès (35), l'existence de l'inceste. Ici, la nécessité de faire bénéficier l'enfant incestueux d'un minimum pour
vivre l'a emporté sur l'exigence du secret. Au demeurant, cette amélioration du statut de l'enfant incestueux était une
concession indispensable pour que soit maintenue la prohibition de la filiation incestueuse : « la règle prétend protéger
la moralité publique et l'enfant en dissimulant l'inceste ; mais dans le même temps, elle ouvre à l'enfant une action qui,
faisant apparaître les relations des parents, fait nécessairement apparaître l'inceste. Un tel droit qui cache une filiation
pour dissimuler un inceste, tout en se fondant quoi qu'on en dise, sur cet inceste pour condamner un individu à verser
des subsides à l'enfant pourra paraître d'une parfaite hypocrisie » (36).

Au surcroît, la levée du secret ne joue que dans une hypothèse : lorsque la femme a reconnu en premier l'enfant. Si c'est
l'homme qui souscrit une reconnaissance avant la femme, le sort de l'enfant est scellé. Il est exclu que des subsides
soient réclamés à la femme. Le secret pourra être maintenu.

9
L'enfant incestueux est le seul enfant à l'égard de qui subsiste une prohibition en matière d'établissement du lien de
filiation. Cette discrimination est jugée, implicitement le plus souvent, comme licite. On admet généralement qu'une
discrimination est bien fondée si elle tend vers un but légitime (37). On se garde bien de citer, parmi les
discriminations autorisées, celles concernant les enfants incestueux. Indiscutablement pourtant, l'impossibilité pour
cette catégorie d'enfant d'avoir officiellement un père et une mère constitue une inégalité entre les enfants. Cette
inégalité de traitement ne choque quasiment personne. Au contraire, elle se double de la loi du silence. Tout le monde
admet comme une évidence que la vérité n'est pas bonne à dire en ce domaine. La filiation d'un enfant ne doit pas
légalement faire apparaître que son grand-père est aussi son père ou son oncle, ou que sa mère est tout à la fois sa
grand-mère ou sa tante. A notre connaissance, seul A. Breton a ouvertement dénoncé cette situation (38).

16. Depuis plusieurs années, une partie de la doctrine française revendique pour les enfants adoptés, et parfois aussi
pour les enfants nés par procréation médicalement assistée, le droit à connaître leurs origines (39). Le vœu n'a aucun
équivalent en matière incestueuse. Clandestine, l'union incestueuse doit rester secrète, et nul n'est intéressé ni n'ose
appeler de ses vœux une modification du sort de l'enfant incestueux. Il est vrai que les principaux intéressés eux-mêmes
sont loin de revendiquer un statut. Les unions incestueuses ne s'affichent pas (40) : comme l'a noté F. Dekeuwer-
Defossez, il est peu probable que les couples incestueux demandent à bénéficier d'une quelconque reconnaissance
sociale (41). Cet attachement des juristes au secret devant entourer tout inceste consommé doit être souligné. Il ne
peut être seulement la marque d'une doctrine conservatrice, mais révèle l'un des piliers fondateurs du droit de la famille.
L'enfant né de l'inceste ne doit pas officiellement être reconnu comme tel. Il nous semble possible d'affirmer que non
seulement la rupture de l'égalité dont sont victimes les enfants incestueux n'est pas jugée choquante par les juristes
(42), mais encore que le voile dressé autour des origines de ces enfants est jugé indispensable tant pour l'enfant lui-
même que pour la société.

[…]

(1) J. Carbonnier, Droit civil, Introduction, PUF, 25 e éd. p. 44 et s. ; Ph. Malaurie, La famille, 6 e éd. Cujas, n° 20 et 21.
Sur les rapports entre le droit et la morale, V. notamment Ph. Jestaz, Pouvoir juridique et pouvoir moral, RTD civ.
1990.626 et s.
(2) D. Mayer, La pudeur du droit face à l'inceste, D. 1988.Chron.213 ; Breton, L'enfant incestueux, in Mélanges Ancel,
1973, p. 309 et s.
(3) D. Mayer, op. cit. p. 213.
(4) J. Carbonnier, La famille, l'enfant, le couple, 20 e éd. p. 422 et s.
(5) G. Cornu, Droit de la famille, Montchrestien, Précis Domat, 5 e éd. n° 181.

(30) Nous n'avons pas pu obtenir de renseignements officiels sur le nombre de dispenses accordées annuellement, les
services officiels mettant en avant une contrainte liée à la confidentialité des affaires.
(31) C. Colombet, J. Foyer, D. Huet-Weiller, C. Lasbrusse-Riou, La filiation légitime et naturelle. Etude de la loi du 3
janvier 1972 et de son interprétation, Dalloz, 1977, p. 12 et s. ; A. Breton, article préc. p. 310. Sur la question de
l'incidence de la légitimation par autorité de justice, V. A. Breton, article préc. p. 320.
(32) D. Mayer, article préc. p. 213, V. également A. Breton, article préc. p. 313. Sur la situation antérieure à la réforme
de 1972, V. notamment Planiol et Ripert, Traité pratique de droit civil français, 2 e éd. t. 2 par Rouast, 1952, n° 355.
(33) Breton, article préc. p. 319, V. également Massip, Morin et Aubert, La réforme de la filiation, n° 51, qui font état
non seulement des raisons sociales, mais aussi des conséquences absurdes que l'établissement des deux filiations
entraînerait au plan successoral.
(34) L'enfant incestueux est le seul actuellement dont la filiation ne peut être établie officiellement, depuis que la loi du
3 janvier 1972 a supprimé l'interdiction d'établir la filiation adultérine.
(35) On peut se demander dans quelle mesure le juge ne pourrait pas, en tant que de raison, user de la faculté ouverte
par l'article 342-3 de faire recouvrer l'indemnité par un tiers afin que nul ne découvre qui en est le débiteur.
(36) Fr. Terré et D. Fenouillet, Droit civil, Les personnes, La famille, Les incapacités, 6 e éd. n° 687.
(37) Fr. Terré et D. Fenouillet, préc. n° 48 et s.

10
(38) A. Breton, L'enfant incestueux, in Mélanges Ancel, p. 320. « S'il existe un fait si déplaisant ou même si
abominable qu'il soit, on ne le fait pas disparaître en le niant ». Rappr. A. Bénabent, La famille, préc. n° 477 qui estime
que l'interdiction d'établir le double lien de filiation est une « règle archaïque qui est très probablement contraire à la
Convention européenne des droits de l'homme ». Contra, J. Hauser et D. Huet-Weiller, Traité de droit civil, La famille,
2e éd. LGDJ, n° 694 qui se demandent si la solution d'interdiction d'établir les deux liens de filiation ne pourrait pas se
trouver dans l'adoption simple, mais avec le risque de se voir opposer un détournement de l'institution de l'adoption
dans le but de faire échec à une loi impérative. Ce serait effectivement le cas. Il n'y a pas de demi-mesure en matière
d'inceste : une fois le mal fait, il n'est pas réparable, sauf éventuellement sous forme financière (infra n° 21).
(39) Cette question, autrefois peu soulevée, est aujourd'hui régulièrement évoquée, spécialement depuis que la loi du 8
janvier 1993 a introduit dans le code civil le droit à accouchement sous X. Sur cette question, on consultera entre autres
: Claire Neyrinck, Savoir d'où l'on vient : la réponse du droit, in L'enfant a-t-il droit à son histoire, ERES, 1999 ; S.
Mirabail, Les obstacles juridiques à la recherche de la vérité biologique en matière de filiation : discordance et
anachronisme, D. 2000.Chron.146 ; Geneviève Delais de Perceval et P. Verdier, Enfant de personne, éd. O. Jacob,
1999 ; B. Trillat, L'accouchement anonyme : de l'opprobre à la consécration, in Mélanges Huet-Weiller, 1994, p. 513 ;
I. Laurent-Merle, La connaissance de ses origines familiales depuis la loi du 5 juillet 1996, D. 1998.Chron.373 ; M.-
F. Nicolas-Maguin, L'enfant et les sortilèges : réflexions à propos du sort que réserve les lois sur la bioéthique au droit
de connaître ses origines, D. 1995.Chron.75 ; H. Gaumont-Prat, Le droit à la vérité est-il un droit à la connaissance
de ses origines ?, Rev. dr. fam. oct. 1999.
(40) Carbonnier, Droit de la famille, préc. p. 44, infra.

CIV. 1RE, 5 OCTOBRE 2016, N° 15-25.507.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 13 mai 2015), que Mme X... épouse Y... est née le 9 février
1946 de Mme Z... et a été reconnue le 30 juin 1965 par Roger X..., qui l'a légitimée par son mariage
avec sa mère le même jour ; que ce dernier est décédé le 12 juillet 2001 ; que, le 25 novembre 2005,
Mme Y... a été reconnue par Robert A..., lequel est décédé le 13 mai 2006 ; qu'un jugement
irrévocable du 20 novembre 2007 a déclaré irrecevable comme prescrite la contestation de la
reconnaissance de Roger X... formée par Mme Y... et sa mère et a annulé la reconnaissance de
paternité effectuée par Robert A... ; que, par acte du 29 juillet 2011, Mme Y... a assigné les enfants de
Robert A... (les consorts A...) sur le fondement de l'article 327 du code civil, afin que soit ordonnée
une expertise biologique et que sa filiation avec Robert A... soit établie ;

Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que l'effectivité du droit de connaître ses origines et de voir établie la filiation correspondante,
garantis par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales commande au juge national de délaisser les restrictions posées par des dispositions
internes dès lors que celles-ci portent une atteinte substantielle au droit revendiqué ; qu'est à cet égard
excessive la restriction procédant de la prescription de l'action en contestation de la paternité prévue
par les articles 320 et 321 du code civil quand le délai de prescription ne peut commencer à courir
avant que l'enfant, devenu adulte, n'ait eu connaissance de l'identité de son père biologique ; qu'en
retenant pour point de départ de la prescription de l'action en contestation de paternité le 9 février
1967, date de la majorité de la requérante, sans tenir compte de l'ignorance de sa filiation réelle, qui
ne sera découverte qu'en 2005, la cour a méconnu les exigences de l'article 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que toute restriction au droit à la connaissance de ses origines doit être nécessaire et
proportionnée ; qu'en retenant que l'intérêt de la famille du père légitime, décédé avant la révélation
des origines de la requérante, justifiait une restriction au droit à la connaissance de ses origines, sans

11
autre examen de la position propre du père biologique qui, de son vivant, souhaitait voir reconnaître
ledit lien de filiation, la cour n'a pas opéré la balance proportionnée des intérêts en présence et
méconnu de ce chef encore les exigences de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'aux termes des articles 146 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'expertise biologique est de droit en matière de
filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'en refusant d'examiner la
demande d'expertise biologique formulée par la requérante, lors même que le père biologique avait
consenti de son vivant à la réalisation d'un test génétique et souhaitait voir reconnaître le lien de
filiation dont s'agit, sans s'expliquer autrement sur l'éventuelle légitimité d'interdire à la requérante de
connaître ses origines et d'établir sa filiation, la cour a derechef méconnu les textes susvisés ;

Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement aux énonciations de la première branche du moyen,
la cour d'appel n'a pas déclaré l'action en contestation de paternité de Mme Y... irrecevable comme
prescrite, mais a constaté l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 20 novembre 2007 et,
par suite, l'existence d'une filiation définitivement établie entre Mme Y... et Roger X..., faisant
obstacle, en application de l'article 320 du code civil, à l'établissement d'une autre filiation qui la
contredirait ;

Attendu, en second lieu, d'abord, que si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien
de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et
familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, l'obstacle opposé à Mme Y... est prévu à l'article 320 du code civil et poursuit un but
légitime en ce qu'il tend à garantir la stabilité du lien de filiation et à mettre les enfants à l'abri des
conflits de filiations ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt relève que Roger X... a reconnu Mme Y... en 1965 et a été son père aux
yeux de tous jusqu'à son décès en 2001, sans que personne ne remette en cause ce lien de filiation
conforté par la possession d'état ; qu'il ajoute que Mme Y..., elle-même, a disposé d'un délai de trente
ans à compter de sa majorité pour contester la paternité de Roger X..., ce qu'elle n'a pas fait, et qu'elle
a hérité de ce dernier à son décès ; qu'ayant ainsi constaté que l'intéressée avait disposé de procédures
lui permettant de mettre sa situation juridique en conformité avec la réalité biologique, la cour d'appel
a pu en déduire que l'atteinte portée au droit au respect de sa vie privée n'était pas disproportionnée
au regard du but légitime poursuivi ; qu'en déclarant irrecevable l'action en recherche de paternité et,
par suite, la demande d'expertise biologique, elle n'a donc pas méconnu les exigences résultant de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi […]

12
UNIVERSITE DE ROUEN
2022-2023
L1 DROIT
DIVISION B
TD DROIT DE LA FAMILLE

FICHE N° 7-8
THEME : L’ETABLISSEMENT DE LA FILIATION BIOLOGIQUE

1) Analyser les décisions reproduites ci-après

2) Commentaire

Commenter la disposition suivante (le sens, la valeur et la portée de la disposition doivent être
expliqués mais la réalisation d’un plan n’est pas exigée).

LOI n° 2009-61 du 16 janvier 2009


ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou
abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation
Article 1
(…)
II. ― Le code civil est ainsi modifié :
(…)
7° A la fin du premier alinéa de l'article 325, les mots : « sous réserve de l'application de l'article 326
» sont supprimés ;
(…)

3) Commentaires d’arrêts :

Vous formulerez les questions qui se posent dans le cadre d’un commentaire comparé des arrêts de
la première Chambre civile du 28 mars 2000 et du 16 septembre 2020 et vous y répondrez par
écrit.

4) Cas pratiques

1. Arnaud est né le 6 avril 2006. Sa filiation maternelle a été régulièrement établie vis-à-vis de
Monique, avec qui il vit depuis sa naissance. Bien qu’il ne l’ait jamais reconnu, Richard a toujours
traité Arnaud comme son fils. Richard, marié à Pauline dont il a eu trois filles, est décédé le 2 octobre
2017. Arnaud souhaite être officiellement reconnue comme le fils de Richard. Vous le conseillez.

2. Inès et Pedro sont mariés. Inès vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Mais, depuis quelques
temps, le couple bât de l’aile. À la suite d’une violente dispute, Inès et Pedro se séparent. Le 3 juillet
2017, Robert, le premier amour d’Inès, reconnaît l’enfant à naître devant l’officier de l’état civil. Le 3

13
octobre 2017, Inès donne naissance à un petit garçon Darius. Le même jour, Pedro vient déclarer la
naissance de Darius à l’officier de l’état civil. Qui est légalement le père de l’enfant ?

3. Paul, né le 30 janvier 1997, a fait l'objet d'un abandon l'année de sa naissance et a été admis en
qualité de pupille de l'État. Son acte de naissance porte la mention "né de Valentine X". Valentine est
décédée le 3 avril 2017 laissant pour lui succéder un autre fils, Abel, né le 5 mai 1995. Paul souhaite
assigner Abel en partage de la succession de Valentine. Il vous demande conseil.

14
Civ. 1ère, 28 mars 2000, n° 98-12806

Sur le moyen unique :

Vu les articles 339 et 311-12 du Code civil, ensemble l'article 146 du nouveau Code de procédure
civile ;

Attendu que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif
légitime de ne pas y procéder ;

Attendu que Mme X... a donné naissance, le 29 octobre 1994, à un enfant prénommé Emmanuel
Jean-Marc qui a été reconnu dans l'acte de naissance par M. Y... ; que, le 26 juin 1995, elle a formé
une action en contestation de cette reconnaissance et sollicité une expertise sanguine ;

Attendu que pour la débouter de sa demande, l'arrêt attaqué énonce que Mme X... ne rapporte pas la
preuve du caractère mensonger de la reconnaissance et qu'une expertise médicale ne peut être
ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les deux premiers des textes susvisés par refus
d'application et le troisième, par fausse application ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 1997, entre les parties,
par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

CIV. 1RE, 7 AVRIL 2006, N° 05-11.285, BENJAMIN.

[…]

Sur le premier moyen du pourvoi n° V 05-11.285, pris en ses deux premières branches, et sur le
premier moyen du pourvoi n° W 05-11.286, pris en sa première branche, après avis donné dans les
conditions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Vu l'article 7.1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant,
ensemble les articles 335, 336, 341-1, 348-1 et 352 du Code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, applicable directement devant les tribunaux français,
l'enfant a, dès sa naissance et dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents ; qu'il
résulte des autres dispositions visées que la reconnaissance d'un enfant naturel prend effet à la date de
naissance de l'enfant dès lors qu'il a été identifié, que la filiation est divisible et que le consentement à
l'adoption est donné par le parent à l'égard duquel la filiation est établie ;

Attendu que le 13 mars 2000, M. X... a reconnu devant l'officier d'état civil l'enfant dont était
enceinte Mme D. ; que le 14 mai 2000 est né Benjamin Damien Y..., sa mère ayant demandé le secret
de l'accouchement ; que l'enfant a été remis, ce même jour, au service de l'Aide sociale à l'enfance,
admis à titre provisoire comme pupille de l'État puis, à titre définitif, le 17 juillet 2000 et placé, en
vue de l'adoption, à effet du 28 octobre 2000 au foyer de M. et Mme Z... ; que le 26 juin 2000, M.
X... a entrepris auprès du procureur de la République une démarche pour retrouver son enfant ; que

15
l'ayant ultérieurement identifié, il a saisi le 18 janvier 2001 la cellule d'adoption du Conseil général
d'une demande de restitution ; que le conseil de famille a donné son consentement à l'adoption
projetée, le 26 avril 2001 ; que le tribunal de grande instance de Nancy a été saisi, par les époux Z... ,
d'une requête en adoption plénière et par M. X... d'une demande en restitution de l'enfant ; que, par
deux jugements du 16 mai 2003, le tribunal a, d'une part, rejeté la requête en adoption, celle-ci étant
jugée contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant d'être élevé par son père qui l'avait reconnu, et, d'autre
part, après avoir admis les interventions volontaires des époux Z... et de l'association Enfance et
familles d'adoption, ordonné la restitution de Benjamin Damien Y... à M. X..., son père naturel ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de restitution formée par M. X..., donner effet au
consentement du conseil de famille à l'adoption et pour prononcer l'adoption plénière de Benjamin
Damien Y... par les époux Z..., le premier arrêt retient d'abord que la reconnaissance s'est trouvée
privée de toute efficacité du fait de la décision de la mère d'accoucher anonymement, l'identification
de l'enfant par sa mère, contenue dans la reconnaissance, étant devenue inopérante et ensuite que la
reconnaissance paternelle n'est jamais devenue effective, l'enfant n'ayant été identifié qu'après son
placement en vue de l'adoption ; que le second arrêt énonce, d'une part, que le consentement à
adoption, donné le 26 avril 2001, par le conseil de famille, est régulier, la réclamation de M. X...
ayant été faite le 19 janvier 2001, à une date où le placement antérieur en vue de l'adoption faisait
obstacle à toute demande de restitution et d'autre part que l'adoption plénière est conforme à l'intérêt
de l'enfant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, l'enfant ayant été identifié par M. X... à une date antérieure au
consentement à l'adoption, la reconnaissance prénatale avait établi la filiation paternelle de l'enfant
avec effet au jour de sa naissance, de sorte que le conseil de famille des pupilles de l'Etat, qui était
informé de cette reconnaissance, ne pouvait plus, le 26 avril 2001, consentir valablement à l'adoption
de l'enfant, ce qui relevait du seul pouvoir de son père naturel, la cour d'appel, qui a méconnu le droit
de l'enfant de connaître son père déclaré, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :

[…]

CASSE ET ANNULE […]

CIV. 1RE, 8 JUILLET 2009, N° 08-20.153.

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et le deuxième moyen :

Attendu que C ..., est né le 12 décembre 2005 à Paris, sa mère ayant demandé le secret de son
identité ; que l'enfant a été remis le 14 décembre 2005 au service de l'aide sociale à l'enfance en vue
de l'adoption ; qu'immatriculé définitivement comme pupille de l'État le 15 février 2006, il a été placé
en vue de son adoption, le 3 mai 2006, chez les époux Z ..., ; que ceux ci ayant formé une requête en
adoption plénière de l'enfant, les époux X ..., soutenant être ses grands parents maternels, ont déclaré
intervenir volontairement à l'instance, s'opposant à l'adoption et disant vouloir assumer la charge de
l'enfant ; qu'ils ont fait appel du jugement du 6 juin 2007 ayant déclaré leur intervention irrecevable
et ayant prononcé l'adoption plénière de C ..., par les époux Z ..., et dit qu'il porterait désormais les
prénoms et nom de C ... Z ..., ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2008 rectifié par Paris, 15 mai 2008)

16
d'abord d'avoir déclaré l'intervention volontaire des époux X ..., irrecevable puis d'avoir prononcé
l'adoption plénière, alors, selon les moyens :

1°/ que l'intervention volontaire est recevable lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un
lien suffisant, et que l'intervenant élève une prétention à son profit ; que la demande des grands
parents biologiques, qui prétendent à la reconnaissance de leurs droits à l'égard de leur petit fils, se
rattache par un lien suffisant à la requête sollicitant l'adoption plénière de cet enfant, de sorte qu'en
statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 325 et 329 du code de procédure
civile ;

2°/ que la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ratifiant l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme
de la filiation, a supprimé l'interdiction d'exercer une action en recherche de maternité à l'encontre de
celle qui a accouché dans l'anonymat ; que, dès lors, l'action en recherche de maternité est ouverte à
C ..., ; que le prononcé de l'adoption plénière qui ferait obstacle à ce droit de voir établir sa filiation
maternelle, et, en conséquence, son lien de parenté avec ses grands parents, est contraire à son intérêt,
de sorte que la cour d'appel a violé l'article 353 du code civil ;

3°/ que la possession d'état s'établit par des faits qui révèlent le lien de parenté entre l'enfant et la
famille à laquelle il appartient ; que, la reconnaissance de ce lien par l'autorité publique est suffisant
dès lors que d'autres éléments constitutifs ont été rendus impossibles par des circonstances
exceptionnelles ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce lien était suffisant à rattacher la
demande des grands-parents biologiques à la requête en adoption plénière de l'enfant, a privé sa
décision de base légale au regard des articles 311 1 du code civil et 325 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'intervention des époux X ..., qui, en s'opposant à l'adoption plénière et en
prétendant assurer la charge de l'enfant ou, au moins, créer des liens avec lui, forment des demandes
propres, est une intervention principale ; qu'elle suppose la réunion d'un intérêt et d'une qualité pour
agir ; que l'arrêt retient, d'abord, par motifs propres et adoptés, que, pour leur conférer qualité pour
agir, doivent être établis le lien de filiation qui les unit à D ... X..., et celui allégué entre celle ci et C
..., ; puis, que le nom de la mère ne figure pas dans l'acte de naissance de l'enfant et que celle ci a, au
contraire, souhaité que son identité ne soit pas connue, aucune reconnaissance ou possession d'état
n'ayant en conséquence existé ; encore, que l'action n'est pas une contestation, prescrite, de
l'immatriculation de l'enfant comme pupille de l'Etat , le 15 février 2006 ou de son placement, le 3
mai 2006, en vue de l'adoption ; que la cour d'appel a exactement déduit de ces éléments, sans que la
modification, par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, de l'article 326 du code civil soit susceptible
de modifier cette situation, qu'en l'absence de filiation établie entre leur fille et C ..., les époux X ...,
n'avaient pas qualité pour intervenir à l'instance en adoption ;

[…]

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi […]

17
CA ANGERS, 26 JANVIER 2011, N° 10/01339, D. 2011. 1053, NOTE I. GALLMEISTER.

Arrêt.

LA COUR D'APPEL (extraits) : - […]

2 - Sur la recevabilité de la demande : - L'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles
dispose en son alinéa 1er que l'admission en qualité de pupille de l'État peut faire l'objet d'un recours,
formé dans le délai de trente jours suivant la date de l'arrêté du président du conseil général devant le
tribunal de grande instance, par les parents, en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon, de
retrait total de l'autorité parentale, par les alliés de l'enfant ou toute personne justifiant d'un lien avec
lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait, et qui demandent à en assumer la
charge.

Le point de départ du délai : - Les époux O... soutiennent qu'en l'absence de notification de l'arrêté
portant admission d'Héléna en qualité de pupille de l'État, le délai de trente jours durant lequel il peut
être contesté, n'a pas commencé à courir et qu'en conséquence, leur action est recevable. Le tribunal a
très justement considéré que l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles était un texte
d'exception qui permettait d'assurer la sécurité juridique en limitant le délai du recours contre l'arrêté,
alors que l'enfant admis en qualité de pupille de l'État est un enfant adoptable, ceci d'autant plus que
les titulaires de l'action ne sont pas déterminés, voire déterminables. En l'espèce c'est donc à bon droit
que les premiers juges ont considéré que le délai de trente jours prévu par l'article L. 224-8 du code
de l'action sociale et des familles, est celui qui court à compter de l'admission définitive d'Héléna en
qualité de pupille de l'État, à savoir le 14 août 2009.

L'interruption du délai : - L'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles étant un texte
d'exception, il s'ensuit que le délai de recours s'analyse en un délai préfix, comme l'ont justement
qualifié les premiers juges, tout en relevant qu'il pouvait être interrompu. C'est ainsi qu'ils ont relevé
à bon droit que la procédure de référé introduite le 12 août 2009 a interrompu le délai et ce pour une
durée qui ne peut être inférieure à six mois à compter du jour où la mesure a été exécutée, en
application des dispositions de l'article 2239 du code civil. En l'espèce, le rapport d'expertise,
ordonné en référé a été déposé le 24 décembre 2009, et les époux O... ont saisi le tribunal de grande
instance aux fins d'annulation de l'arrêté portant admission définitive d'Héléna en qualité de pupille
de l'Etat, le 6 janvier 2010. Dès lors l'action des époux O... ne peut être déclarée irrecevable de ce
chef.

Sur la qualité à agir : - Le tribunal a opposé aux époux O... un défaut de lien de droit avec Héléna leur
donnant qualité à aqir, et les a déboutés de leur demande. En effet, en l'état de la législation, l'article
16-11 du code civil, limite aux actions tendant à l'établissement ou en contestation d'un lien de
filiation, ou a l'obtention ou la suppression de subsides, la demande d'analyse génétique. Or, même si
l'ordonnance du 8 octobre 2009, désignait un expert aux fins d'analyse comparée des sangs, c'est bien
une analyse génétique que l'expert a réalisée. En conséquence, et alors que le lien de filiation visé à
l'article 16-11 du code civil, doit s'entendre stricto sensu, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté le
rapport. Dans cette affaire, la réalité factuelle et la vérité biologique s'opposent à la logique juridique,
laquelle conteste aux époux O... leur qualité à agir, alors que personne ne conteste le lien de parenté,
mis en évidence par l'expertise, qui les unit à Héléna. Le paradoxe se trouve amplifié dès lors que la
mère, qui a désiré accoucher sous X et a réitéré à plusieurs reprises sa volonté de rester anonyme et
d'abandonner sa fille, a tenu sa famille informée de sa grossesse et de son accouchement, a reçu les
visites de ses frères et soeur à l'hôpital, a emmené sa mère au service de néonatalogie pour qu'elle
puisse voir Héléna, née prématurée, et s'est exprimée par voie de presse sur l'avenir qu'elle voulait

18
pour cette enfant, refusant qu'elle soit recueillie par ses parents. Il résulte de cet état de fait qu'Héléna,
qui est dépourvue de lien de filiation à leur égard, ne peut être revendiquée en qualité de petite-fille
par les époux O... nonobstant la vérité biologique. Dès lors ces derniers ne sont recevables en leur
action qu'à la condition de justifier d'un lien avec l'enfant, tel que visé par l'article L. 224-8 du code
de l'action sociale et des familles. Ce texte ne définit pas la nature du lien, et si l'on peut estimer qu'il
doit s'agir d'un lien affectif, le texte ne le précise pas, se bornant à indiquer que le recours est ouvert à
toute personne justifiant d'un lien avec l'entant, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de
fait, et qui demande à en assumer la charge. Il appartient donc aux juges du fond d'apprécier
l'existence et la qualité d'un tel lien, en tenant compte de la situation, mais aussi de l'âge de l'enfant,
et ce, même s'il n'a pas fait l'objet d'une garde de droit ou de fait.

En l'espèce, il résulte de la lecture du rapport intitulé « déroulement chronologique de la situation


d'Héléna » rédigé le 12 février 2010 par Mme Mackowski, psychologue et Mme Bidet, assistance
sociale, l'une et l'autre employées à la Direction Enfance Famille, service adoption, que Mme O...
s'est manifestée dès qu'elle a été informée de la naissance d'Hélèna par la mère, en venant rencontrer
l'enfant à l'hôpital à plusieurs reprises, ce dès le 8 juin 2009 et jusqu'au 20 juillet 2009, date à laquelle
les services de la DSS (Développement social et solidarité), s'apercevant des visites de Mme O... les
interdiront et demanderont au personnel hospitalier de changer Héléna de chambre afin qu'elle ne
puisse être approchée. Mais cette dernière s'est également manifestée auprès du service des adoptions
de la DSS, contrairement à ce que soutient le Président du conseil général dans ses conclusions. Aux
termes du rapport précité on peut relever que : -le 11 juin 2009, soit quatre jours après la naissance de
l'enfant, elle est reçue par Mme Mackowski, psychologue et Mme Bidet, assistance sociale, - le 15
juin elle est informée de l'admission d'Héléna en qualité de pupille de l'Etat à titre provisoire, - le 1er
juillet son avocat demande que l'arrêté lui soit notifié, demande réitérée le 7 août 2009 et qui se verra
opposer un refus, - le 21 juillet elle obtient un rendez-vous avec un responsable de la DSS pour le 23
juillet, - le 22 juillet elle fait part de sa volonté de faire un recours contre l'arrêté, - le 24 juiilet elle
déclare vouloir accueillir et élever Héléna, - le 12 août les époux O... saisissent le président du
tribunal de grande instance d'Angers en référé expertise.

Il ne peut donc être valablement soutenu que les époux O... ne se sont pas fait connaître. Par ailleurs,
s'il est exact que Mme O... n'a jamais pris Héléna dans ses bras, son adversaire ne saurait valablement
lui en faire grief, d'une part en raison de l'hospitalisation de l'enfant en néonatalogie, mais surtout en
raison de l'interdiction de tout contact opposée par ses propres services. Il résulte en effet du rapport
précité que le Conseil général a tout mis en œuvre pour éloigner Héléna de Mme O..., alors qu'elle
était à l'hôpital en la changeant de chambre, mais aussi lors de sa sortie, le 4 août 2009 « pour aller
dans un autre lieu, inconnu des tiers, mettant un terme à la possibilité pour eux d'approcher l'enfant ».
Mais par ses visites régulières dès la naissance de l'enfant, parfois deux fois par jour, par ses
démarches auprès des services de la DSS, où elle a manifesté sa volonté d'accueillir et d'élever
Héléna, tant personnellement que par l'intermédiaire de son avocat, Mme O... démontre qu'au-delà
des difficultés rencontrées pour le construire, elle justifie de l'existence d'un lien affectif de fait avec
l'enfant, répondant aux conditions posées par l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des
familles. En conséquence, la demande des époux O... sera déclarée recevable et le jugement sera
infirmé.

3 - Sur la demande d'annulation de l'arrêté et ses conséquences : - En choisissant d'accoucher sous X


et d'abandonner sa fille, la mère a définitivement renoncé à assumer, à quelque titre que ce soit, la
prise en charge d'Héléna et à exercer une autorité parentale. Dès lors, il convient d'ignorer ses
déclarations relatives à l'avenir d'Héléna, faites à la DSS ou par voie de presse, aux termes desquelles
elle refusait que l'enfant soit élevée par ses parents. De même la question à trancher n'est pas de
savoir si la volonté des grands-parents doit supplanter celle des parents et en l'espèce celle de la mère,

19
puisque juridiquement ils n'existent pas, mais de rechercher l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'il a
été posé en principe par la convention de New York du 20 novembre 1989. L'enfant bénéficie ainsi,
aux termes de l'article 7-1 de la convention, de droits fondamentaux, à savoir le droit à un nom et
celui de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Ce principe a été repris en droit interne dans
l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles qui dispose que « l'intérêt de l'enfant, la
prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que
le respect de ses droits doivent guider toutes les décisions le concernant ». Le droit de connaître son
histoire et ses racines s'intègre donc dans les droits fondamentaux reconnus à l'enfant, auquel ne fait
plus obstacle l'accouchement sous X depuis la loi du 16 janvier 2009, portant réforme de la filiation,
laquelle autorise tout enfant, sans restriction, à engager une action en recherche de maternité, aux
termes des dispositions de l'article 325 du code civil. L'intérêt de l'enfant prime donc sur la faculté
pour la mère de conserver l'anonymat et par voie de conséquence sur son choix de couper l'enfant de
sa famille.

En l'espèce, l'intérêt d'Héléna doit s'apprécier en considération des éléments de fait, sans pouvoir
occulter la réalité biologique qui a établi que les époux O... étaient les grands-parents de l'enfant.
C'est d'ailleurs en s'appuyant sur cette vérité que le Conseil général soutient que l'adoption doit être
privilégiée, aux motifs que la famille O... est divisée, qu'Héléna sera confrontée à l'image d'une mère
qui l'a rejetée, que les requérants, qu'elle ne connaît pas, sont en grande souffrance, ce qui ne lui
permettra pas de se construire. Or le code civil dans son article 375-3 pose le principe de subsidiarité
lorsque l'enfant doit être retiré à ses parents, en privilégiant de le confier à un autre membre de la
famille ou un tiers digne de confiance, avant de le placer à l'aide sociale à l'enfance. Aucun élément
n'est rapporté pour démontrer que les époux O..., qui ont eu cinq enfants, dont seule Marie, âgée de
14 ans, vit encore au domicile, qui sont bénévoles au sein d'une association caritative et ont accueilli
des enfants pendant les vacances, ont failli dans leur fonction parentale. Il est donc inutile, comme le
sollicite le Conseil général dont la carence ne saurait être suppléée, d'ordonner une enquête sociale ou
une expertise psychologique, sauf à prolonger la procédure.

S'il n'est pas contestable que M et Mme O... n'acceptent pas la décision de leur fille, le différend qui
les oppose à cet égard, ne peut être un argument en faveur de l'adoption prônée par le Conseil
général. Au contraire, ils se sont positionnés sans ambiguïté vis à vis d'Héléna et cette fermeté est un
gage de fiabilité et confiance pour l'avenir. Il est encore indiscutable qu'ils sont en souffrance, mais
tel est également le cas du couple d'adoptants, dont la plupart sont en mal d'enfant et ignorent tout de
la fonction parentale, contrairement aux appelants. S'il est également exact qu'ils ne connaissent pas
Héléna, en raison des décisions du Conseil général, qui leur en fait grief aujourd'hui, l'enfant ne
connaît pas davantage ses potentiels parents adoptifs. Aussi délicate que pourra être la prise en
charge Héléna qui est âgée de 18 mois, qui est l'objet depuis sa naissance d'un enjeu juridique, qui n'a
pu créer de lien avec sa mère, ni bénéficier de la stabilité affective essentielle dans les premiers mois
de sa vie, rien ne permet de craindre que les époux O... ne soient pas en mesure d'y répondre de la
manière la plus adaptée. Par ailleurs, ils seront qualifiés pour affronter les questions légitimes que se
pose tout enfant adopté sur ses origines et son rejet par sa mère, ayant, dans les faits, une
connaissance approfondie de la réalité. Il est ainsi de son intérêt d'être confiée à la famille de M. et
Mme O... Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'arrêté du 14 août 2009, portant admission
d'Héléna en qualité de pupille de l'État et de la confier à M et Mme O... à charge pour eux de requérir
l'ouverture d'une tutelle, en application des dispositions de l'article 380 du code civil.

4 - Sur les demandes accessoires : - Le président du conseil général sera condamné à verser à M. et
Mme O... la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de
procédure civil ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

20
Par ces motifs, la Cour statuant, hors la présence du public et contradictoirernent, déclare recevables
les appels formés les 27 mai 2010 et 29 avril 2010 et enrôlés sous le n° 10/01339, infirme le
jugement déféré, déclare recevable l'action de M. Pascal O... et Mme Isabelle C... épouse O..., annule
l'arrêté du président du conseil général du Maine-et-Loire, en date du 14 août 2009, portant admission
définitive d'Héléna en qualité de pupille de l'État, confie Héléna à M. Pascal O... et Mme Isabelle C...
épouse O... à charge pour eux de requérir l'ouverture d'une tutelle, condamne le conseil général du
Maine-et-Loire à verser aux époux O... la somme de deux mille euros (2 000 €} en application des
dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le conseil général du Maine-et-
Loire aux dépens de première instance et d'appel.

Note I. Gallmeister

Dans cette affaire, une enfant, née sous X et sans filiation paternelle, avait aussitôt été remise à l'Aide
sociale à l'enfance puis, ultérieurement, admise en qualité de pupille de l'État. Sa mère biologique
avait cependant informé ses parents de sa grossesse et de son accouchement, ce qui leur avait permis
d'établir leur lien génétique avec l'enfant. Les grands-parents biologiques ont alors demandé
l'annulation de l'arrêté portant admission définitive de l'enfant en qualité de pupille de l'État sur le
fondement de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles. Déboutés en première
instance, ils obtiennent gain de cause en appel.

La cour d'appel se prononce d'abord sur la recevabilité de leur demande. L'article L. 224-8 permet
notamment à toute personne justifiant d'un lien de droit ou de fait avec l'enfant de former un recours
contre son admission en qualité de pupille de l'État. En l'espèce, la qualité pour agir des appelants ne
pouvait être établie que par l'existence d'un lien de fait avec l'enfant. Il n'y avait, en effet, aucun lien
de droit les unissant à elle : la mère ayant accouché sous X, aucune filiation maternelle n'était
juridiquement établie. Par voie de conséquence, ils n'étaient pas juridiquement ses grands-parents,
l'analyse comparée des sangs ayant établi un lien de parenté entre eux étant à cet égard parfaitement
indifférente (pour la décision ordonnant l'expertise sanguine, V. TGI Angers, ord. réf., 8 oct. 2009, n°
09/00568 , D. 2010. Pan. 1442, obs. Granet-Lambrechts).

C'est donc bien sur l'existence d'un lien de fait qu'il fallait se fonder. Sur ce point, la cour relève
qu'aucune définition de cette notion n'étant donnée à l'article L. 224-8, il appartient au juge d'en
apprécier l'existence. En l'espèce, la cour conclut que ce lien est établi, alors même que la grand-mère
biologique n'a jamais pu prendre l'enfant dans ses bras tant que celle-ci était à la maternité et qu'elle
n'a pu l'approcher ensuite. Ces circonstances sont cependant jugées indifférentes : par les multiples
démarches qu'ils ont effectuées, les grands-parents biologiques justifient de l'existence d'un lien
affectif de fait avec l'enfant.

Leur demande étant jugée recevable, reste à s'interroger sur son bien-fondé. Sur ce point, la cour
d'appel estime qu'il faut raisonner à l'aune du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Pour
l'identifier, les considérations biologiques, justement évacuées lors de l'examen de la recevabilité de
la demande, refont surface. Pour les juges angevins, en effet, elles ne peuvent être occultées. De
même, après avoir estimé que les déclarations de la mère, par lesquelles elle a refusé que l'enfant soit
recueillie par ses parents, devaient être ignorées, la cour considère que l'intérêt de l'enfant prime sur
le choix de la mère de couper l'enfant de sa famille. A ce stade de son raisonnement, la cour se réfère,
en outre, à la nouvelle rédaction de l'article 325 du code civil, dans laquelle elle voit le signe que «
l'intérêt de l'enfant prime sur la faculté pour la mère de conserver l'anonymat ». Relevant enfin que
rien ne permet d'établir que les appelants ne seraient pas qualifiés pour élever l'enfant, la cour d'appel
conclut qu'il y a lieu de leur confier, à charge pour eux de requérir l'ouverture d'une tutelle.

21
Cet arrêt doit être rapproché d'une décision récente (Civ. 1re, 8 juill. 2009, n° 08-20.153, D. 2009. AJ
1973, obs. Le Douaron ; D. 2010. Pan. 989, obs. Douchy-Oudot, et Pan. 1442, obs. Granet-
Lambrechts ; AJ fam. 2009. 350, obs. Chénedé ; RDSS 2009. 972, obs. Tauran ; ibid. 2010. 735,
étude Neirinck ; RTD civ. 2009. 708, obs. Hauser) dans laquelle la Cour de cassation avait décidé
que les grands-parents biologiques ne pouvaient pas s'opposer à l'adoption de leur petit-enfant né
sous X, faute de qualité pour agir. Si l'arrêt de la cour d'appel d'Angers ne remet pas en cause cette
solution, il rouvre le débat sur l'accouchement sous X et le droit à la connaissance de ses origines, à
l'heure où le rapport Barèges, qui préconise le dispositif de l'accouchement protégé (l'identité de la
mère biologique, systématiquement demandée et conservée, est protégée jusqu'à la majorité de
l'enfant, à partir de laquelle elle peut lui être communiquée à condition toutefois que la mère soit
d'accord), vient d'être rendu public.

CIV. 1RE, 16 SEPTEMBRE 2020, N° 18-50.080.

Faits et procédure

6. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 novembre 2018), Mme J... et M. Q... se sont mariés le [...] .
Deux enfants sont nés de cette union, C... le [...] et W... le [...].

7. En 2009, M. Q... a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier d'une demande de


modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil. Un jugement du 3 février
2011 a accueilli sa demande et dit qu'il serait désormais inscrit à l'état civil comme étant de sexe
féminin, avec S... pour prénom. Cette décision a été portée en marge de son acte de naissance et de
son acte de mariage.

8. Le 18 mars 2014, Mme J... a donné naissance à un troisième enfant, M... J..., conçue avec Mme
Q..., qui avait conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins. L'enfant a été déclarée à
l'état civil comme née de Mme J....

9. Mme Q... a demandé la transcription, sur l'acte de naissance de l'enfant, de sa reconnaissance de


maternité anténatale, ce qui lui a été refusé par l'officier de l'état civil.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° X 19-11.251, pris en ses deuxième et quatrième à huitième branches, en
ce qu'il est dirigé contre le chef de dispositif rejetant la demande de transcription de la reconnaissance
de maternité et les autres demandes de Mme Q...

Énoncé du moyen

10. Mme Q... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les registres de l'état civil,
de la reconnaissance de maternité faite avant la naissance et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil, l'indication d'un
sexe autre que masculin ou féminin ; que dès lors, ne peut figurer, sur un acte de l'état civil, le lien de
filiation d'un enfant avec un « parent biologique », neutre, sans précision de sa qualité de père ou de
mère ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de voir
reconnaître la réalité de sa filiation biologique avec Mme Q... ; que l'établissement d'une filiation par
la voie de l'adoption était, en l'occurrence, impossible ; que la cour d'appel a également constaté que
le droit au respect de la vie privée de Mme Q... excluait qu'il puisse lui être imposé une filiation

22
paternelle ; qu'il se déduisait de ces constatations, relatives à la nécessité, pour l'intérêt supérieur de
l'enfant, de reconnaître la filiation biologique avec Mme Q..., mais l'impossibilité de faire figurer sur
l'acte de naissance de M... J... une filiation paternelle à l'égard de Mme Q..., que seule la mention de
Mme Q... en qualité de mère, était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au
respect de la vie privée de Mme Q... et de M... J... ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants
et erronés qu'une telle filiation « aurait pour effet de nier à M... la filiation paternelle, tout en
brouillant la réalité de sa filiation maternelle », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de
ses propres constatations, violant les articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 et 14 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article 3-1 et 7
de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

2°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3
février 2011, Mme Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a constaté que l'existence
d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en jugeant que l'intérêt de
l'enfant M... J... était de voir reconnaître avec Mme Q... un lien de filiation non sexué, aux motifs que
l'établissement d'un lien de filiation maternelle aurait pour effet de lui nier toute filiation paternelle et
de brouiller la réalité de la filiation maternelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à
l'inverse le fait d'établir une filiation non maternelle avec Mme Q... n'était pas susceptible d'entraîner,
pour l'enfant, des conséquences négatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 3 § 1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de
l'enfant ;

3°/ qu'en application de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être
assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette disposition interdit de
traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans
des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment à l'identité sexuelle des
personnes ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011,
Mme Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que l'existence
d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en refusant de faire produire
effet à la reconnaissance prénatale de maternité établie par Mme Q... et de reconnaître Mme Q...
comme la mère de M... J..., par des motifs inopérants, cependant qu'une personne née femme ayant
accouché d'un enfant peut faire reconnaître le lien de filiation maternelle qui l'unit à son enfant
biologique, la cour d'appel a créé entre les femmes ayant accouché de l'enfant et les autres mères
génétiques une différence de traitement qui ne peut être considérée comme justifiée et proportionnée
aux objectifs poursuivis, peu important à cet égard que cela conduise à l'établissement d'un double
lien de filiation maternelle biologique, et a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que le conjoint de même sexe que le parent biologique d'un enfant est autorisé à adopter l'enfant
dans le cadre d'une adoption plénière, de sorte qu'un enfant peut se voir reconnaître un lien de
filiation avec deux personnes de même sexe ; que si le législateur a estimé qu'une double filiation
maternelle ne pouvait être établie que par la voie de l'adoption, c'est pour ne pas porter atteinte à la
vérité biologique ; que dès lors, l'établissement d'une double filiation maternelle par la voie de
l'accouchement et de la reconnaissance prénatale doit être admise lorsqu'elle n'est pas contraire à la
vérité biologique ; qu'en refusant à Mme Q... l'établissement d'un lien de filiation maternelle avec son
enfant biologique, par des motifs inopérants tenant notamment au fait qu'elle était de même sexe que
la mère biologique de l'enfant avec lequel un lien de filiation maternelle était déjà établi et que la loi
nationale ne permettrait pas l'établissement d'une double filiation maternelle, la cour d'appel a créé

23
une différence de traitement non justifiée entre les personnes pouvant adopter l'enfant de leur
conjoint et les personnes liées biologiquement à un enfant et a ainsi derechef violé l'article 14 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que, en définitive, en refusant de reconnaître l'existence d'un lien de filiation maternelle entre
Mme Q... et l'enfant M... J... aux motifs qu'une déclaration de maternité non gestatrice aurait « pour
effet de nier à M... toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle »,
tandis que la réalité du lien biologique unissant M... J... tant à Mme J... qu'à Mme Q... n'était pas
contestée et que les deux filiations maternelles ainsi établies, l'une par la reconnaissance prénatale et
l'autre par la mention du nom de Mme J... sur l'acte de naissance après l'accouchement, n'étaient pas
concurrentes et ne se contredisaient pas, la cour d'appel a en réalité refusé de faire droit à la demande
de Mme Q... en raison de sa transidentité et a, ainsi, violé les articles 8 et 14 de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que, subsidiairement, le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans
distinction selon la naissance ; qu'un lien de filiation maternelle peut être établi à l'égard d'une mère
d'intention ; qu'en l'espèce, outre le lien biologique existant entre Mme Q... et M... J..., il n'était pas
contesté que Mme Q... s'est toujours comportée, et se comporte toujours, comme une mère d'intention
pour l'enfant ; qu'en application du droit au respect de la vie privée et familiale et de l'intérêt
supérieur de l'enfant, la filiation maternelle entre Mme Q... et M... J... doit donc être reconnue et
inscrite dans les registres d'état civil de l'enfant ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les
articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et
l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article 61-5 du code civil, toute personne majeure ou mineure émancipée qui
démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état
civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en
obtenir la modification. Selon l'article 61-6 du même code, le fait de ne pas avoir subi des traitements
médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus d'accueillir la
demande, de sorte que la modification du sexe à l'état civil peut désormais intervenir sans que
l'intéressé ait perdu la faculté de procréer.

12. Si l'article 61-8 prévoit que la mention du sexe dans les actes de l'état civil est sans effet sur les
obligations contractées à l'égard des tiers ni sur les filiations établies avant cette modification, aucun
texte ne règle le mode d'établissement de la filiation des enfants engendrés ultérieurement.

13. Il convient dès lors, en présence d'une filiation non adoptive, de se référer aux dispositions
relatives à l'établissement de la filiation prévues au titre VII du livre premier du code civil.

14. Aux termes de l'article 311-25 du code civil, la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la
désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant.

15. Aux termes de l'article 320 du même code, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation
légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait.

16. Ces dispositions s'opposent à ce que deux filiations maternelles soient établies à l'égard d'un
même enfant, hors adoption.

24
17. En application des articles 313 et 316, alinéa 1er, du code civil, la filiation de l'enfant peut, en
revanche, être établie par une reconnaissance de paternité lorsque la présomption de paternité est
écartée faute de désignation du mari en qualité de père dans l'acte de naissance de l'enfant.

18. De la combinaison de ces textes, il résulte qu'en l'état du droit positif, une personne transgenre
homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l'état
civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n'est pas privée du droit de faire
reconnaître un lien de filiation biologique avec l'enfant, mais ne peut le faire qu'en ayant recours aux
modes d'établissement de la filiation réservés au père.

19. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux
droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des
institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou
des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. Selon
l'article 7, § 1, de cette Convention, l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le
droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître
ses parents et d'être élevé par eux.

20. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
dispose que :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que
cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du
pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de
la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

21. Aux termes de l'article 14, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit
être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale,
l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

22. Les dispositions du droit national précédemment exposées poursuivent un but légitime, au sens
du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elles tendent à assurer la sécurité juridique et à
prévenir les conflits de filiation.

23. Elles sont conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant, d'une part, en ce qu'elles permettent
l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de ses deux parents, élément essentiel de son identité et
qui correspond à la réalité des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son
droit à la connaissance de ses origines personnelles, d'autre part, en ce qu'elles confèrent à l'enfant né
après la modification de la mention du sexe de son parent à l'état civil la même filiation que celle de
ses frère et sœur, nés avant cette modification, évitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie,
dont tous les membres seront élevés par deux mères, tout en ayant à l'état civil l'indication d'une
filiation paternelle à l'égard de leur géniteur, laquelle n'est au demeurant pas révélée aux tiers dans les
extraits d'actes de naissance qui leur sont communiqués.

24. En ce qu'elles permettent, par la reconnaissance de paternité, l'établissement d'un lien de filiation
conforme à la réalité biologique entre l'enfant et la personne transgenre - homme devenu femme -

25
l'ayant conçu, ces dispositions concilient l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie
privée et familiale de cette personne, droit auquel il n'est pas porté une atteinte disproportionnée, au
regard du but légitime poursuivi, dès lors qu'en ce qui la concerne, celle-ci n'est pas contrainte par là-
même de renoncer à l'identité de genre qui lui a été reconnue.

25. Enfin, ces dispositions ne créent pas de discrimination entre les femmes selon qu'elles ont ou non
donné naissance à l'enfant, dès lors que la mère ayant accouché n'est pas placée dans la même
situation que la femme transgenre ayant conçu l'enfant avec un appareil reproductif masculin et
n'ayant pas accouché.

26. En conséquence, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a constaté
l'impossibilité d'établissement d'une double filiation de nature maternelle pour l'enfant M..., en
présence d'un refus de l'adoption intra-conjugale, et rejeté la demande de transcription, sur les
registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité de Mme Q... à l'égard de l'enfant.

Mais sur le moyen du pourvoi n° H 18-50.080

Enoncé du moyen

27. Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier fait grief à l'arrêt de juger que le lien
biologique doit être retranscrit par l'officier de l'état civil, sur l'acte de naissance de la mineure sous la
mention de Mme S... Q..., née le [...] à Paris 14e comme « parent biologique » de l'enfant, alors « que
selon les dispositions de l'article 57 du code civil, l'acte de naissance d'un enfant mentionne ses seuls
« père et mère », qu'en créant par voie prétorienne, une nouvelle catégorie non sexuée de « parent
biologique », la cour d'appel de Montpellier, même en faisant appel à des principes supérieurs
reconnus au niveau international, a violé les dispositions de l'article 57 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 57 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de


l'homme et des libertés fondamentales :

28. La loi française ne permet pas de désigner, dans les actes de l'état civil, le père ou la mère de
l'enfant comme « parent biologique ».

29. Pour ordonner la transcription de la mention « parent biologique » sur l'acte de naissance de
l'enfant M... J..., s'agissant de la désignation de Mme Q..., l'arrêt retient que seule cette mention est de
nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la réalité de sa filiation biologique avec
le droit de Mme Q... de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec l'enfant et le droit au
respect de sa vie privée consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, le terme de « parent », neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au
père et à la mère, la précision, « biologique », établissant la réalité du lien entre Mme Q... et son
enfant.

30. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait créer une nouvelle catégorie à l'état civil et que, loin
d'imposer une telle mention sur l'acte de naissance de l'enfant, le droit au respect de la vie privée et
familiale des intéressées y faisait obstacle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du moyen

26
du pourvoi n° X 19-11.251 ni de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour avis
consultatif, la Cour :

[…]

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de transcription sur les registres de l'état
civil de la reconnaissance de maternité de Mme S... Q... à l'égard de l'enfant M... J..., l'arrêt rendu le
14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier […]

CA TOULOUSE, 9 FEVRIER 2022, N° 20/03128.

Exposé des faits

M. X…, né le …, a contracte mariage avec Mme Y… en 1999. Ils ont eu ensemble deux enfants nés
en 2000 et en 2004. En 2009, X a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier d'une demande
de modification de son état civil et par jugement du 3 février 2011, ce tribunal a autorisé son
inscription à l'état civil comme étant de sexe féminin, avec comme prénom […], sans le contraindre à
une réassignation sexuelle.
X a conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins et elle a eu avec son épouse, une
petite fille …, mise au monde par le 18 mars 2014.

Quelques jours avant la naissance, elle a procédé à une "reconnaissance prénatale d'enfant, qu'elle
déclare être de nature maternelle, non gestatrice " par acte notarié du 14 mars 2014.
Elle a voulu faire transcrire cet acte de reconnaissance sur l'acte de naissance de sa fille mais sa
demande a été refusée par l'officier de l'état civil de Montpellier, l'enfant avant été déclarée à l'état
civil comme née de Mme Y.

Le 31 juillet 2015. X a alors assigné le procureur de la République devant le tribunal de grande


instance de Montpellier pour obtenir la transcription de son acte de reconnaissance. Par jugement du
22 juillet 2016, ce tribunal :
- l'a déclarée irrecevable en sa demande de désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter
l'enfant
- l'a déboutée de sa demande de transcription sur les registres de l’état civil de sa reconnaissance de
maternité sur l'enfant qui a pour mère
- a rejeté toute autre demande plus ample ou contraire, a condamné la demanderesse aux entiers
dépens.

X a interjeté appel de cette décision le 28 juillet 2016.


Après avoir désigné le président du conseil départemental de l'Hérault en qualité d'administrateur ad
hoc de l'enfant , ultérieurement remplacé par l'UDAF, la cour d'appel de Montpellier a
essentiellement, par arrêt du 14 novembre 2018 :
- confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de transcription sur les registres de
l'état civil de la reconnaissance de maternité de à l'égard de X ;
- constaté que le lien biologique unissant à X n'est pas contesté, dit qu'il est dans l'intérêt de l’enfant
de voir ce lien biologique retranscrit sur son acte de naissance sous la mention de X -comme "parent
biologique" de l'enfant,
- ordonné la transcription de cette mention sur l’acte de naissance de X,
-dit, en application des dispositions de l'article 331 du code civil, que X exercera avec toutes les
prérogatives de l'autorité parentale sur l'enfant,
- débouté les parties de leurs autres demandes.

27
Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier et ont tous deux formé un pourvoi en
cassation. Le 16 septembre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité, sauf en ce qu'il
a rejeté la demande de transcription sur les registres de l'état civil de la reconnaissance de maternité
de Mme à l'égard de l'enfant, et renvoyé l’affaire devant la cour d'appel de Toulouse.
Par déclaration du 15 novembre 2020, Mme X a saisi la cour de renvoi.
Dans ses dernières écritures du … auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455
du code de procédure civile, elle demande à la cour de :
* à titre principal,
- ordonner la transcription de l’acte de reconnaissance prénatale consacrant le deuxième lien de
filiation maternelle de à son égard sur l'acte de naissance de [l’enfant],
- lui conférer les prérogatives de l'autorité parentale en application de l'article 331 du code civil.
- dire que l’enfant portera le nom patronymique de X
* à titre subsidiaire,
- établir judiciairement la filiation maternelle de à son égard au regard du lien biologique existant et
de la possession d'état corroborant ce lien biologique,
- inscrire en mention marginale de l’acte, la référence à la décision à intervenir comme événement
relatif à la filiation,
- rejeter la demande du parquet général tendant à voir inscrite en mention marginale la référence au
changement de son état civil.
- lui conférer les prérogatives de l’autorité parentale en application de l'article 331 du code civil, dire
que l'enfant portera le nom patronymique de condamner le ministère public aux entiers dépens.

Par conclusions du 12 mars 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455
du code de procédure civile, Mme Y demande à la cour de :
- constater son refus de consentir à l'adoption,
- dire que le contrôle de conventionnalité et de proportionnalité porte atteinte aux articles 8 et 14 de
la CEDH concernant rétablissement de la filiation entre Mme Y et sa fille
-dire qu'une inégalité est instaurée entre les enfants de la famille par le refus de transcription de la
reconnaissance par X
- ordonner la transcription de l'acte de reconnaissance consacrant le deuxième lien de filiation de X à
l'égard de [l’enfant] sur l'acte de naissance de l’enfant en qualité de mère,
- conférer à les prérogatives de l'autorité parentale en*
*à titre subsidiaire,
-établir judiciairement la filiation de [l’enfant] à l’égard de ses deux parents biologiques, en
application des dispositions de l’article 321 et suivants du code civil
- conférer à X les prérogatives de l’autorité parentale en application de l'article 331 du code civil,
- condamner le ministère public aux entiers dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de
l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures du 11 mars 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article
455 du code de procédure civile, l'association APGL prie la cour de faire droit aux demandes
présentées par Mme Y.

Par conclusions du 7 juillet 2021 tenues pour intégralement reprises, le président du conseil
départemental du Vaucluse, en sa qualité d'administrateur ad hoc de [l’enfant], demande de :
- déclarer judiciairement la filiation de [l’enfant] à l'égard de X
- dire que cette filiation sera transcrite sur l’acte de naissance de sous la mention de Madame X
comme "mère".
- dire que portera désormais le nom X

28
- ordonner la publicité de la décision à intervenir sur l'acte de naissance de X
- constater que le président du département du Vaucluse, es qualités d'administrateur ad'hoc de
[l’enfant] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon la décision N°2021/010885 du 21 mai
2021,
- statuer ce que de droit sur les dépens de l’instance.

Dans ses écritures du 11 mars 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article
455 du code de procédure civile, le Ministère public demande à la cour de :
- déclarer irrecevable la demande de transcription sur les registres d'état civil de la reconnaissance de
maternité de Mme X à l'égard de [l’enfant]
- établir judiciairement le lien de filiation entre [l’enfant] et X et retranscrire ce dernier sur l'acte de
naissance de l’enfant sous la mention de Mme comme "mère" de l'enfant,
- ordonner la mention, dans la rubrique de l’acte de naissance consacrée aux événements relatifs à la
filiation, du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier le 3 février 2011.

L'association commune trans et homo pour l’égalité (ACTHE), régulièrement assignée à l'étude de
l'huissier instrumentaire, n'a pas constitué avocat.

SUR CE :

Sur la recevabilité de la demande de transcription de l'acte de reconnaissance :

Selon l'article 638 du code de procédure civile, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la
juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Ce texte délimite ainsi l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi aux chefs atteints par la
cassation et interdit à la cour de renvoi de statuer sur ceux qui ont été rejetés par la Cour suprême.

En l’espèce, cette dernière a, par arrêt du 16 septembre 2020, cassé et annulé la décision de la cour
d'appel de Montpellier, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de transcription sur les registres de l'état
civil de la reconnaissance de maternité de Mme Y à l'égard de l'enfant, et renvoyé l'affaire devant la
cour d'appel oie Toulouse.

L'autorité de chosée jugée attachée à cette décision rend donc irrecevable la demande de transcription
de l'acte de reconnaissance de à nouveau présentée devant la présente cour par Mmes X et Y

En conséquence, l'établissement de la filiation de ne peut être que judiciaire.

Sur l'établissement judiciaire de la filiation :

L’ensemble des parties s'accorde sur l'exclusion de la filiation paternelle.

Il s'avère en effet qu'en vertu de l'article 313 du code civil, la présomption de paternité prévue à
l'article 312 ne peut s'appliquer dès lors que non seulement l'acte de naissance de l'enfant ne désigne
pas le mari en qualité de père, mais qu'en outre, depuis le jugement définitif du 3 février 2011 l'ayant
autorisée à modifier son acte d'état civil, n'est plus le mari de mais son épouse.

La reconnaissance de paternité ne peut non plus être retenue dans la mesure où, d'une part, elle
contraindrait à nier sa nouvelle identité sexuelle, consacrée par le jugement définitif précité, et,
d'autre part, serait contraire aux droits au respect de sa vie privée et à l’autodétermination sexuelle

29
garantis par les articles 8 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.

La voie de la filiation paternelle étant écartée, il reste à envisager l'établissement de la filiation


maternelle à laquelle adhère l'ensemble des parties.

Cette filiation maternelle ne peut intervenir par le biais de l’adoption de [l’enfant] par X en raison du
refus opposé par Y dont personne ne prétend qu'il est abusif, par application des dispositions de
l'article 348-1 du code civil.

Aux termes de l'article 310-1 dudit code, la filiation est légalement établie par l'effet de la loi, paria
reconnaissance volontaire ou par la possession d'état constatée par un acte de notoriété. Elle peut
l'être aussi par jugement.

La reconnaissance volontaire est ici rendue impossible par l’autorité de chose jugée s'attachant à
l'arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2020.

Par l'effet de la loi, la filiation est établie à l'égard de Y désignée dans l’acte de naissance de comme
étant sa mère pour avoir accouché d'elle, conformément à l'article 311-25 du code civil.
Il est exact qu'en vertu de l'article 320 dudit code, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la
filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait.

Cependant, ce texte issu de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation afin de
prévenir les conflits de filiation, a été pris à une époque où les personnes transgenres n'étaient pas
affranchies de toute exigence médicale.

Il en est de même de l’avis du Conseil constitutionnel de 2013 selon lequel cet article 320 fait
obstacle à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l'égard
d'un même enfant.

Et, si celui de la Cour de cassation du 7 mars 2018 excluant la double filiation maternelle est
postérieure la loi du 18 novembre 2016 supprimant le critère médical, il est relatif au lien de filiation
d'une fillette née en 2010 que la concubine de sa mère voulait voir établie en 2013 sur le fondement
de la possession d'état.

Avant 2016, la personne voulant obtenir le changement de la mention du sexe, devait, en plus de la
réalité du syndrome transsexuel, justifier du caractère irréversible de la transformation de son
apparence de sorte que la question de la filiation d'un homme devenu femme à l'égard d'un enfant
qu'il ne pouvait avoir conçu avec ses anciens gamètes mâles ne se posait pas.

Il en est différemment depuis la loi du 18 novembre 2016 qui autorise dorénavant le changement de
sexe sans réassignation sexuelle, par le mécanisme de la possession d'état, et fait coexister des réalités
juridique et biologique distinctes.

Mais cette loi laisse un vide juridique indéniable faute de disposition relative à la filiation des enfants
nés postérieurement à la modification de la mention du sexe à l'état civil alors même que la maternité
gestatrice n'est plus exclusive.

30
La loi de bioéthique du 2 août 2021 n’a pas apporté de précision sur ce point, laissant présumer que
le législateur a préféré laisser au juge le soin de régler cette question dans le cadre de son
appréciation souveraine de la situation des intéressés.

Or, l’intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée respectivement consacrés par
la convention de New York et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, rendent impérative la nécessité de permettre à l'enfant né d'un couple dont
l'un de ses membres est transgenre, de voir sa filiation doublement établie à l'égard de ses deux
parents, dès lors qu'il n'est pas contrevenu aux principes fondamentaux du droit national.

La Cour européenne des droits de l'homme a accordé une place importante à la dimension biologique
de la filiation comme élément de l'identité de chacun, surtout en l'absence d'intérêts concurrents.

En l'espèce, la filiation maternelle dont se prévaut X n’a nullement vocation à anéantir celle de Y.
Elle tend au contraire à la compléter par la prise en compte de la notion de mère biologique non
gestatrice et ne crée donc pas de conflit de filiations.

En outre, comme le soulignent les parties, la volonté d'établir une deuxième filiation maternelle ne
s'inscrit pas dans une tentative de fraude à la loi mais de mise en conformité avec la réalité juridique
de [l’enfant] qui est tout à la fois liée biologiquement et sociologiquement à X, sa possession d'état de
mère à l’égard de la fillette depuis sa naissance étant avérée.

Au demeurant, l’évolution législative et notamment la loi du 2 août 2021 permettant, dans un couple
de femmes, à la mère non gestatrice de reconnaître l'enfant à venir de manière anticipée dans le cadre
d'une assistance médicale à la procréation, démontre l'absence de trouble à l'ordre public découlant de
l'établissement d'une double filiation maternelle hors adoption.

En conséquence, en l'absence de tout conflit et de toute contradiction entre les filiations des deux
parents biologiques, toutes deux de sexe féminin à l'état civil, la filiation maternelle entre [l’enfant] et
X sera judiciairement établie.

Sur la mention marginale du jugement de 2011 :

Selon l'article 61, 7 du code civil, par dérogation à l' article 61-4 relatif aux mentions des décisions de
changement de prénoms et de nom portées en marge des actes de l'état civil de l'intéressé et le cas
échéant de ceux de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité et de ses enfants,
les modifications de prénoms corrélatives à une décision de modification de sexe ne sont portées en
marge des actes de l'état civil des conjoints et enfants qu'avec le consentement des intéressés ou de
leurs représentants légaux.

Contrairement à la thèse de X, ce texte est inapplicable à la transcription, sur l'état civil de l'enfant, de
la mention du jugement relatif au changement de sexe de son parent.

Cela étant, en dépit de ce que soutient le ministère public, [l’enfant] pourra avoir accès à ses origines
biologiques par le biais de l’acte de naissance de sa mère qu’il lui sera loisible de demander à tout
moment.

Il n'est donc pas utile d’ordonner la mention, sur l'acte de naissance de l'enfant, du jugement rendu
par le tribunal de grande instance de Montpellier le 3 février 2011, d'autant que le changement de

31
sexe de est intervenu plusieurs années avant sa naissance et qu'en outre, une telle mention porterait
une atteinte disproportionnée aux droits au respect de la vie privée de et de sa mère.

Sur le nom :

Il est de l'intérêt de [l’enfant] de porter le même nom de famille que ses deux frères de sorte que,
conformément à la demande de X de et de l'administrateur ad hoc, l'enfant portera désormais le nom
patronymique de X.

Sur l'autorité parentale conjointe :

En application des dispositions de l'article 331 du code civil, Mme X exercera toutes les prérogatives
de l' autorité parentale conjointe sur l'enfant.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Chacune des parties supportera ses propres dépens sans qu'il y ait lieu à condamnation au titre de
l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt rendu par défaut, après débats en chambre du conseil,
DECLARE irrecevable la demande de transcription sur les registres d’état civil de la reconnaissance
de maternité de Mme à l'égard de
INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 22 juillet 2016,
ETABLIT judiciairement le lien de filiation maternelle entre [l’enfant] et X
DIT que cette filiation sera transcrite sur l'acte de naissance de [l’enfant] sous la mention de X
comme mère.
DEBOUTE le ministère public de sa demande tendant à voir inscrite en mention marginale la
référence au changement de l'état civil de [l’enfant]
CONFERE à X les prérogatives de l'autorité parentale,
DIT que le nom patronymique de [l’enfant] [sera celui de X]
REJETTE le surplus des demandes,
DIT que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens,
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

32
UNIVERSITE DE ROUEN
2022-2023
L1 DROIT
DIVISION B
TD DROIT DE LA FAMILLE

FICHE N° 8-9
THEME : L’ETABLISSEMENT DE LA FILIATION NON-
BIOLOGIQUE

1) Analyser les décisions reproduites ci-après

2) Dissertation

Vous rédigerez une dissertation sur le sujet suivant : « Que reste-t-il de l’interdiction de la gestation
pour autrui ? »

3) Cas pratique

Paul est né le 2 avril 1990. Ses parents ne se sont guère occupés de lui, le confiant régulièrement à
Stéphanie, leur voisine, qui a largement participé (et plus que les parents !) à son éducation, à partir
de ses 6 ans. Paul, qui ne fréquente plus ses parents depuis plusieurs années, continue de
régulièrement visiter Stéphanie, qui continue de lui transmettre sa sagesse quotidiennement.
Stéphanie, sentant sa fin proche, aimerait que Paul hérite de ses biens et souhaiterait l’adopter. Elle
aimerait néanmoins que Paul ne soit pas privé des biens qu’il finira par hériter de ses parents et vous
consulte.

33
CIV. 1RE, 6 MARS 2013, N° 12-17.183.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 février 2012), que, par requête du 9 juin 2010, M. et Mme
Paul X... ont saisi le tribunal de grande instance d'une demande d'adoption simple de leur petite-fille
Sandra, née le 6 juin 1987 des relations de Patrick X..., leur fils, et de Régine Y... ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme Paul X... font grief à l'arrêt de rejeter leur requête en adoption simple de
Sandra X... ;

Attendu que ni l'avis défavorable émis par les parents de Sandra X..., qui n'étaient pas partie à la
procédure et n'avaient pas à consentir à l'adoption de leur fille majeure, ni l'avis donné par le
ministère public qui s'opposait à cette requête, ne conférait à la procédure un caractère contentieux ;
qu'il s'ensuit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme Paul X... font le même grief à l'arrêt ;

Attendu qu'ayant relevé, d'une part que l'adoption projetée constituerait pour les parties un
bouleversement anormal de l'ordre familial et aurait donc des effets plus négatifs que positifs, d'autre
part que, même si leur consentement n'était pas exigé, la mère de Sandra faisait valoir que l'adoption
nierait complètement son existence en tant que parent et que son père précisait qu'il avait à coeur de
préserver les liens avec sa fille, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine de la situation
concrète des parties, estimé que l'adoption n'était pas conforme à l'intérêt de l'adoptée ; que le moyen
ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

[…]

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi […]

CIV. 1RE, 10 FEVRIER 2016, N° 14-23.326.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 avril 2014), que M. X... a présenté une requête aux fins
d'adoption simple de la fille de son épouse, Mme Y..., épouse Z..., née le 17 octobre 1966 ; que
Mmes Chantal et Brigitte X..., filles de l'intéressé, se sont opposées à cette demande ; qu'un jugement
a accueilli la demande et dit que l'adoptée porterait désormais le nom de Y...-X... ;

Attendu que Mme Chantal X... fait grief à l'arrêt de confirmer ce jugement alors, selon le moyen, que
la demande d'adoption simple motivée uniquement par la volonté de l'adoptant de transmettre son
patrimoine à l'adopté constitue un détournement de l'institution ; qu'en ayant seulement énoncé qu'il
ne saurait être sérieusement allégué que la démarche entreprise par Michel X... n'avait qu'une visée
successorale, sans rechercher si cette visée successorale ne résultait pas du mensonge de M. X... sur
sa véritable situation de fortune démontrée par les nombreux documents versés aux débats par les
filles légitimes de M. X..., qui prouvaient que contrairement à ses affirmations, l'adoptant disposait de
nombreux biens immobiliers en Espagne ainsi que des valeurs monétaires conséquentes, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 353 et 361 du code civil ;

34
Mais attendu qu'après avoir relevé que M. X... avait connu Nadia Y... alors qu'elle n'était âgée que de
10 ans et n'avait plus aucun contact avec son père biologique, l'arrêt retient que, s'étant marié avec sa
mère, il a vécu quotidiennement avec elle et l'a toujours considérée comme sa propre fille et qu'il
entretient avec ses enfants des relations fréquentes et chaleureuses, les considérant comme ses
propres petits-enfants ; que la cour d'appel en a souverainement déduit que l'intéressé, âgé de 83 ans,
avait souhaité, à la fin de sa vie, voir consacrer la relation filiale qu'il entretenait avec Mme Y...
depuis plus de 30 ans, ce dont il résultait que la démarche entreprise n'avait pas une visée
exclusivement successorale ; qu'elle a ainsi, sans être tenue de procéder à une recherche que ses
constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi […]

CIV. 1RE, 8 MARS 2017, N° 16-13.666.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 12 janvier 2016), que M. [K] et Mme [H] se sont mariés le [Date
mariage 1] 1991 ; que, le 2 mai 2014, le premier a déposé une requête aux fins d'adoption simple de
Mme [X] [N], petite-fille de la seconde ;

Attendu que M. [K] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;

Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur
argumentation, a relevé, par motifs adoptés, d'une part, que l'adoption apparaissait essentiellement
motivée par des motifs successoraux, d'autre part, qu'elle n'était pas conforme à l'intérêt de l'adoptée
dès lors qu'elle entraînerait une confusion générationnelle ; qu'abstraction faite du motif erroné mais
surabondant critiqué par les deux premières branches du moyen, elle en a souverainement déduit,
sans statuer par un motif hypothétique, que la requête aux fins d'adoption simple devait être rejetée ;
que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi […]

CIV. 1RE, 16 DECEMBRE 2020, N° 19-22.101.

Il s’agit d’un arrêt rendu en droit international privé. Pour simplifier, lorsqu’un jugement a été
rendu dans un pays étranger, il n’est possible de lui faire produire des effets en France que via une
procédure d’exequatur : on va demander à un juge français de donner la force exécutoire (donc
l’obligation de tous les citoyens de respecter la décision rendue), ce qui permettra au juge français
de contrôler que le jugement étranger n’est pas contraire aux valeurs fondamentales de notre
système juridique (c’est la notion d’ordre public international). Si la valeur est essentielle, on
refusera l’exequatur, donc le jugement étranger ne produira pas d’effet en France ; si la valeur n’est
pas essentielle, on donnera l’exequatur et le jugement étranger produira effet en France.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2018), Mme P... a saisi le tribunal régional hors classe de
Dakar (Sénégal) d'une demande d'adoption plénière des enfants K... D... P..., né le [...] à Guédiawaye

35
(Sénégal), I... P..., née le [...] à Ndiamére, et D... P..., né le [...] à Dakar, ses neveux et nièce, fils et
fille de son frère W... P..., décédé le [...].

2. Le tribunal a accueilli sa demande par un jugement du 19 mai 2014, dont elle a sollicité
l'exequatur.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

3. Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'exequatur du jugement n° 968 rendu le 19 mai
2014 par le tribunal régional hors classe de Dakar, prononçant l'adoption plénière par elle des enfants
K... D..., I... et D... P..., alors « que le droit interne français admettant l'adoption, par une tante, de ses
neveux et nièces, dès lors qu'il ne s'agit pas d'enfants nés d'un inceste, une telle adoption est conforme
à l'ordre public international français ; qu'en considérant, pour rejeter la demande d'exequatur du
jugement du tribunal régional hors classe de Dakar au Sénégal du 19 mai 2014 prononçant l'adoption
plénière par Mme P... des enfants de son frère K... D..., I... et D..., que ce jugement aurait méconnu la
conception française de l'ordre public international, après avoir constaté que ces enfants étaient nés
de Mme V... E..., les juges du fond ont violé l'article 47 de la convention de coopération en matière
judiciaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République
sénégalaise signée le 29 mars 1974. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 47, e), de la Convention de coopération en matière judiciaire entre le Gouvernement de la


République française et le Gouvernement de la République du Sénégal signée le 29 mars 1974 et les
articles 310-2 et 162 du code civil :

4. Selon le premier de ces textes, en matière civile, sociale ou commerciale, les décisions
contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant sur le territoire de la République
française et sur le territoire du Sénégal, sont reconnues de plein droit et ont l'autorité de la chose
jugée sur le territoire de l'autre Etat, sous réserve que la décision ne contienne rien de contraire à
l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée.

5. Aux termes du deuxième, s'il existe entre les père et mère de l'enfant un des empêchements à
mariage prévus par les articles 161 et 162 du code civil pour cause de parenté, la filiation étant déjà
établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre par quelque moyen que
ce soit.

6. Aux termes du troisième, en ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la soeur, entre
frères et entre soeurs.

7. Ces textes interdisent l'établissement, par l'adoption, du double lien de filiation de l'enfant né d'un
inceste absolu lorsque l'empêchement à mariage a pour cause la parenté. Ils n'ont pas pour effet
d'interdire l'adoption des neveux et nièces par leur tante ou leur oncle, dès lors que les adoptés ne
sont pas nés d'un inceste.

8. Il se déduit, en effet, de l'article 348-5 du code civil que l'adoption intra-familiale est possible en
droit français.

36
9. Il en résulte que l'adoption des neveux et nièces par leur tante n'est pas, en elle-même, contraire à
l'ordre public international.

10. Pour rejeter la demande d'exequatur, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l'adoption
plénière par Mme P... des enfants de son frère, qui conduirait à l'établissement d'un acte de naissance
d'enfants nés d'une relation incestueuse, comme nés de l'union d'un frère et d'une soeur, est contraire
aux articles 162 et 310-2 du code civil et méconnaît par conséquent la conception française de l'ordre
public international.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE […]

37
ASS. PLEN., 31 MAI 1991, BULL. AP, N° 4.

Sur le pourvoi dans l'intérêt de la loi formé par M. le Procureur général près la Cour de Cassation :

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l'article 353 du même Code ;

Attendu que, la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à
porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de
l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ;

Attendu selon l'arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse de M. Y..., étant atteinte d'une stérilité
irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée artificiellement, a porté
et mis au monde l'enfant ainsi conçu ; qu'à sa naissance, cet enfant a été déclaré comme étant né de
Y..., sans indication de filiation maternelle ;

Attendu que, pour prononcer l'adoption plénière de l'enfant par Mme Y..., l'arrêt retient qu'en l'état
actuel des pratiques scientifiques et des mœurs, la méthode de la maternité substituée doit être
considérée comme licite et non contraire à l'ordre public, et que cette adoption est conforme à l'intérêt
de l'enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer de M. et Mme Y... pratiquement depuis sa naissance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble
destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat
tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de
l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, ce processus constituait un détournement
de l'institution de l'adoption, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE […]

ASS. PLEN., 4 OCT. 2019, N° 10-19.053.

I. Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2010), aux termes de leurs actes de naissance américains,
dressés dans le comté de San Diego (Californie) conformément à un jugement de la Cour supérieure
de l'Etat de Californie du 14 juillet 2000, E... et J... D... sont nées le [...] à La Mesa (Californie) de M.
N... D... et Mme V... D..., son épouse, tous deux de nationalité française.

Le 25 novembre 2002, le ministère public a fait transcrire ces actes de naissance par le consulat
général de France à Los Angeles (Californie).

Par acte du 16 mai 2003, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Créteil
a assigné M. et Mme D... en annulation de cette transcription.

Par un jugement du 13 décembre 2005, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 25
octobre 2007, le procureur de la République a été déclaré irrecevable en son action.

38
Cet arrêt a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 2008 (1re Civ., 17 décembre
2008, pourvoi n° 07-20.468).

Par un arrêt du 18 mars 2010, la cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation, a annulé la
transcription, sur les registres du service central d'état civil de Nantes, des actes de naissance établis
dans le comté de San Diego (Californie) et désignant M. N... D... et Mme V... D... en qualité de père
et mère des enfants E... F... P... D... et J... M... R... D....

Par un arrêt du 6 avril 2011 (1re Civ., 6 avril 2011, pourvoi n° 10-19.053), la Cour de cassation a
rejeté le pourvoi formé par M. et Mme D... à l'encontre de cet arrêt.

Ces derniers ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme, qui, par un arrêt du 26 juin 2014, a
dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention s'agissant du droit de E... et J... D... au respect
de leur vie privée et que l’État français devait verser une somme aux deux requérantes au titre du
préjudice moral subi et des frais et dépens.

Sur le fondement des articles L. 452-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire institués par la
loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, M. et Mme D..., agissant en qualité de représentants légaux
de leurs deux filles mineures, ont demandé le réexamen de ce pourvoi.

Par une décision du 16 février 2018, la Cour de réexamen des décisions civiles a fait droit à la
demande et dit que l'affaire se poursuivra devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation.

Par un arrêt avant dire droit du 5 octobre 2018, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a
transmis à la Cour européenne des droits de l'homme une demande d'avis consultatif sur les questions
suivantes :

1°) - En refusant de transcrire sur les registres de l'état civil l'acte de naissance d'un enfant né à
l'étranger à l'issue d'une gestation pour autrui, en ce qu'il désigne comme étant sa "mère légale" la
"mère d'intention", alors que la transcription de l'acte a été admise en tant qu'il désigne le "père
d'intention", père biologique de l'enfant, un Etat-partie excède-t-il la marge d'appréciation dont il
dispose au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ? A cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l'enfant est conçu ou non avec les
gamètes de la "mère d'intention" ?

2°) - Dans l'hypothèse d'une réponse positive à l'une des deux questions précédentes, la possibilité
pour la mère d'intention d'adopter l'enfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un mode
d'établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l'article 8 de la
Convention ?

L'assemblée plénière a sursis à statuer jusqu'à l'avis de la Cour européenne des droits de l'homme.

La Cour européenne des droits de l'homme a rendu son avis consultatif le 10 avril 2019.

Par un mémoire du 15 avril 2019, Mmes E... et J... D... ont fait valoir qu'elles entendaient, en
application des articles 369 et 373 du code de procédure civile, reprendre l'instance qui avait été
initiée par leurs représentants légaux, avec toutes leurs écritures.

39
Le 24 avril 2019, la SCP Marc Lévis a formé une intervention volontaire au nom de l'association
Arcilesbica. Un mémoire a été déposé le 6 septembre 2019.

2. Au soutien du pourvoi, objet de la demande de réexamen, Mmes E... et J... D... ainsi que M. et
Mme D... soulèvent un moyen unique qui fait grief à l'arrêt d'annuler la transcription des actes de
naissance de E... et J... D....

Ils font valoir :

- que la décision étrangère qui reconnaît la filiation d'un enfant à l'égard d'un couple ayant
régulièrement conclu une convention avec une mère porteuse n'est pas contraire à l'ordre public
international, lequel ne se confond pas avec l'ordre public interne ; qu'en jugeant que l'arrêt de la
Cour supérieure de l’État de Californie ayant déclaré M. D... « père génétique » et Mme T..., épouse
D..., « mère légale » de tout enfant devant naître de Mme S... entre le 15 août et le 15 décembre 2000
était contraire à l'ordre public international, prétexte pris que l'article 16-7 du code civil frappe de
nullité les conventions portant sur la gestation pour le compte d'autrui, la cour d'appel a violé l'article
3 du code civil ;

- qu'il résulte de l'article 55 de la Constitution que les traités et accords internationaux régulièrement
ratifiés ou approuvés et publiés ont, sous réserve de leur application réciproque par l'autre partie, une
autorité supérieure à celle des lois et règlements ; qu'en se fondant, pour dire que c'était vainement
que les consorts D... se prévalaient de conventions internationales, notamment de la Convention de
New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant, sur la circonstance que la loi prohibe, « pour
l'heure », la gestation pour autrui, la cour d'appel, qui a ainsi considéré qu'une convention
internationale ne pouvait primer sur le droit interne, a violé l'article 55 de la Constitution ;

- que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale ; qu'en retenant que l'annulation de la transcription des actes de naissance
des enfants des époux D... ne méconnaissait pas l'intérêt supérieur de ces enfants en dépit des
difficultés concrètes qu'elle engendrerait, la cour d'appel, dont la décision a pourtant pour effet de
priver ces enfants de la possibilité d'établir leur filiation en France, où ils résident avec les époux D...,
a violé l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant ;

- qu'il résulte des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que là
où l'existence d'un lien familial avec un enfant se trouve établie, l'Etat doit agir de manière à
permettre à ce lien de se développer ; qu'en annulant la transcription des actes de naissance des
enfants D..., la cour d'appel, qui a ainsi privé ces enfants de la possibilité d'établir en France leur
filiation à l'égard des époux D... avec lesquels ils forment une véritable famille, a violé l'article 8 de
la Convention européenne des droits de l'homme ;

- que, dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention européenne des droits de
l'homme, l'article 14 interdit de traiter de manière différente, sauf justification objective et
raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables ; qu'en annulant la transcription
des actes de naissance des enfants D... par cela seul qu'ils étaient nés en exécution d'une convention
portant sur la gestation pour le compte d'autrui, la cour d'appel, qui a ainsi pénalisé ces enfants, en les
privant de la nationalité de leurs parents, à raison de faits qui ne leur étaient pourtant pas imputables,
a violé l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme combiné avec l'article 8 de
ladite Convention.

40
II. Recevabilité de l'intervention volontaire de l'association Arcilesbica

3. En application du deuxième alinéa de l'article 327 du code de procédure civile, seule est admise
devant la Cour de cassation l'intervention volontaire formée à titre accessoire. Selon l'alinéa premier
de l'article 330 du même code, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une
partie. Il ressort du mémoire produit par l'association Arcilesbica que son intervention volontaire ne
vient pas en soutien de Mmes E... et J... D... et de M. et Mme D.... Aucune autre partie n'ayant
produit de mémoire, cette intervention volontaire est irrecevable.

III. Examen du moyen

Vu l'article 55 de la Constitution :

Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et


l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant :

Vu l'avis consultatif de la Cour européenne des droits de l'homme du 10 avril 2019 :

4. Dans son avis consultatif, la Cour européenne des droits de l'homme énonce que chaque fois que la
situation d'un enfant est en cause, l'intérêt supérieur de celui-ci doit primer (§ 38). Or, l'absence de
reconnaissance du lien de filiation entre un enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger
et la mère d'intention a des conséquences négatives sur plusieurs aspects du droit de l'enfant au
respect de la vie privée (§ 40). Au vu de ces éléments et du fait que l'intérêt supérieur de l'enfant
comprend aussi l'identification, en droit, des personnes qui ont la responsabilité de l'élever, de
satisfaire à ses besoins et d'assurer son bien-être, ainsi que la possibilité de vivre et d'évoluer dans un
milieu stable, la Cour européenne des droits de l'homme considère que l'impossibilité générale et
absolue d'obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à
l'étranger et la mère d'intention n'est pas conciliable avec l'intérêt supérieur de l'enfant, qui exige pour
le moins un examen de chaque situation au regard des circonstances particulières qui la caractérise (§
42). Selon la Cour, il va de soi que ces conditions doivent inclure une appréciation par le juge de
l'intérêt supérieur de l'enfant à la lumière des circonstances de la cause (§ 54).

5. Dès lors, la Cour européenne des droits de l'homme est d'avis que "dans la situation où, comme
dans l'hypothèse formulée dans les questions de la Cour de cassation, un enfant est né à l'étranger par
gestation pour autrui et est issu des gamètes du père d'intention et d'une tierce donneuse, et où le lien
de filiation entre l'enfant et le père d'intention a été reconnu en droit interne :/ 1. Le droit au respect
de la vie privée de l'enfant, au sens de l'article 8 de la Convention, requiert que le droit interne offre
une possibilité de reconnaissance d'un lien de filiation entre cet enfant et la mère d'intention, désignée
dans l'acte de naissance légalement établi à l'étranger comme étant la "mère légale"; / 2. Le droit au
respect de la vie privée de l'enfant, au sens de l'article 8 de la Convention, ne requiert pas que cette
reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l'état civil de l'acte de naissance
légalement établi à l'étranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle que l'adoption de l'enfant par
la mère d'intention, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent
l'effectivité et la célérité de sa mise en œuvre, conformément à l'intérêt supérieur de l'enfant".

6. Il se déduit ainsi de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales qu'au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, la circonstance que la naissance d'un
enfant à l'étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, prohibée par les articles
16-7 et 16-9 du code civil, ne peut, à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au

41
respect de la vie privée de l'enfant, faire obstacle à la transcription de l'acte de naissance établi par les
autorités de l’État étranger, en ce qui concerne le père biologique de l'enfant, ni à la reconnaissance
du lien de filiation à l'égard de la mère d'intention mentionnée dans l'acte étranger, laquelle doit
intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l'enfant et la mère d'intention s'est concrétisé.

7. Pour annuler la transcription sur les registres du service d'état civil de Nantes des actes de
naissance établis dans le comté de San Diego (Californie) et désignant M. et Mme D... en qualité de
père et mère des enfants E... et J... D..., l'arrêt retient que ces actes ont été établis sur le fondement de
l'arrêt rendu le 14 juillet 2000 par la Cour supérieure de l'Etat de Californie qui a déclaré M. N... D...,
père génétique et Mme V... T..., "mère légale de tout enfant qui naîtrait de Mme S... entre le 15 août
2000 et le 15 décembre 2000". Il ajoute que c'est à la suite d'une convention de gestation pour autrui
que Mme S... a donné naissance à deux enfants qui sont issus des gamètes de M. D... et d'une tierce
personne, enfants qui ont été remis à M. et Mme D.... Dès lors que toute convention portant sur la
procréation ou sur la gestation pour le compte d'autrui est nulle en vertu de l'article 16-7 du code
civil, il conclut que l'arrêt de la Cour supérieure de l'Etat de Californie, en ce qu'il a validé
indirectement une gestation pour autrui, est en contrariété avec la conception française de l'ordre
public international.

8. En statuant ainsi, par des motifs fondés sur l'existence d'une convention de gestation pour autrui à
l'origine de la naissance des enfants, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

9. En application de l'article L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et de l'article 627


du code de procédure civile, la Cour de cassation peut, en matière civile, statuer au fond lorsque
l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie.

IV. Règlement au fond

Sur la recevabilité de l'action du ministère public

10. Il résulte de l'article 423 du code de procédure civile que le ministère public peut agir pour la
défense de l'ordre public à l'occasion de faits qui portent atteinte à celui-ci. Le jugement déféré doit
donc être infirmé.

Sur la demande du ministère public en annulation de la transcription

Sur la demande du ministère public en annulation de la transcription de l'acte de naissance des


enfants à l'égard du père biologique

11. Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 4, 5 et 6 que l'acte de naissance doit être transcrit en
ce qui concerne la filiation paternelle biologique. En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que
l'arrêt rendu le 14 juillet 2000 par la Cour supérieure de l'Etat de Californie a déclaré M. N... D...,
père génétique des deux enfants, qui sont issues des gamètes de ce dernier et d'une tierce personne. Il
convient, en conséquence, de rejeter la demande formée par le procureur général près la cour d'appel
de Paris en annulation de la transcription des actes de naissance de E... et J... D... en ce qu'elles sont
nées de M. N... D....

Sur la demande du ministère public en annulation de la transcription de l'acte de naissance à l'égard


de Mme D..., mère d'intention des deux enfants, et sur les demandes de Mmes E... et J... D...

12. Il résulte de l'avis consultatif de la Cour européenne des droits de l'homme que, s'agissant de la

42
mère d'intention, les États parties ne sont pas tenus d'opter pour la transcription des actes de
naissance légalement établis à l'étranger (§ 50). En effet, il n'y a pas de consensus européen sur cette
question. Lorsque l'établissement ou la reconnaissance du lien entre l'enfant et le parent d'intention
est possible, leurs modalités varient d'un État à l'autre. Il en résulte que, selon la Cour, le choix des
moyens à mettre en œuvre pour permettre la reconnaissance du lien enfant-parents d'intention tombe
dans la marge d'appréciation des États (§ 51).

13. Selon l'avis consultatif, l'impossibilité générale et absolue d'obtenir la reconnaissance du lien
entre un enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger et la mère d'intention n'est pas
conciliable avec l'intérêt supérieur de l'enfant, qui exige pour le moins un examen de chaque situation
au regard des circonstances particulières qui la caractérise, ces conditions devant inclure une
appréciation in concreto par le juge de l'intérêt supérieur de l'enfant (§ 52 et 54).

14. En droit français, en application de l'article 310-1 du code civil, la filiation est légalement établie
par l'effet de la loi, par la reconnaissance volontaire, ou par la possession d'état constatée par un acte
de notoriété. Elle peut l'être aussi par un jugement. Par ailleurs, la filiation peut être également
établie, dans les conditions du titre VIII du code civil, par l'adoption, qu'elle soit plénière ou simple.

15. En considération de l'existence de ces modes d'établissement de la filiation, la 1re chambre civile
de la Cour de cassation, par quatre arrêts du 5 juillet 2017 (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 15-
28.597, Bull. 2017, I, n° 163, n° 16-16.901 et n° 16-50.025, Bull. 2017, I, n° 164, n° 16-16.455, Bull.
2017, I, n° 165) a jugé que l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est
conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre l'enfant et la mère d'intention,
épouse du père biologique. Selon l'avis consultatif, l'adoption répond notamment aux exigences de
l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès
lors que ses modalités permettent une décision rapide, de manière à éviter que l'enfant soit maintenu
longtemps dans l'incertitude juridique quant à ce lien, le juge devant tenir compte de la situation
fragilisée des enfants tant que la procédure est pendante.

16. Étant rappelé qu'en droit français, les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour
le compte d'autrui sont nulles, la Cour de cassation retient, eu égard à l'intérêt supérieur de l'enfant,
qu'il convient de privilégier tout mode d'établissement de la filiation permettant au juge de contrôler
notamment la validité de l'acte ou du jugement d'état civil étranger au regard de la loi du lieu de son
établissement, et d'examiner les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l'enfant.

17. En l'espèce, le prononcé d'une adoption suppose l'introduction d'une nouvelle instance à
l'initiative de Mme V... D.... En effet, en application des dispositions du titre VIII du code civil,
l'adoption ne peut être demandée que par l'adoptant, l'adopté devant seulement y consentir
personnellement s'il a plus de treize ans. Le renvoi des consorts D... à recourir à la procédure
d'adoption, alors que l'acte de naissance des deux filles a été établi en Californie, dans un cadre légal,
conformément au droit de cet État, après l'intervention d'un juge, la Cour supérieure de l’État de
Californie, qui a déclaré M. N... D..., père génétique et Mme V... D..., "mère légale" des enfants,
aurait, au regard du temps écoulé depuis la concrétisation du lien entre les enfants et la mère
d'intention, des conséquences manifestement excessives en ce qui concerne le droit au respect de la
vie privée de Mmes E... et J... D....

18. Selon les requérantes, la concrétisation du lien de filiation entre l'enfant et la mère d'intention
évoquée par la Cour européenne dans son avis consultatif pourrait trouver une traduction en droit
interne français avec la possession d'état qui, en application de l'article 311-1 du code civil, s'établit
par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation entre une personne et la famille à

43
laquelle elle est dite appartenir. Cependant, l'avis consultatif insiste sur la nécessité de ne pas
fragiliser la situation de l'enfant dès lors que la gestation pour autrui a été réalisée dans les conditions
légales du pays étranger et que le lien avec la mère d'intention s'est concrétisé. A cet égard, la
reconnaissance du lien de filiation par la constatation de la possession d'état dans l'acte de notoriété
établi le 11 mai 2018 par le juge d'instance de [...], à supposer que les conditions légales en soient
réunies, ne présente pas les garanties de sécurité juridique suffisantes dès lors qu'un tel lien de
filiation peut être contesté en application de l'article 335 du code civil. Par conséquent, la demande
formée par Mmes E... et J... D... tendant à faire constater le fait juridique reconnu dans l'acte de
notoriété établi le 11 mai 2018 par le juge d'instance de [...] sera rejetée.

19. Il résulte de ce qui précède, qu'en l'espèce, s'agissant d'un contentieux qui perdure depuis plus de
quinze ans, en l'absence d'autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne
porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de Mmes E... et J...
D... consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, et alors qu'il y a lieu de mettre fin à cette atteinte, la transcription sur les registres de
l'état civil de Nantes des actes de naissance établis à l'étranger de E... et J... D... ne saurait être
annulée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE l'intervention volontaire de l'association Arcilesbica ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2010, entre les parties, par
la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME le jugement rendu le 13 décembre 2005 par le tribunal de grande instance de Créteil ;

Et statuant à nouveau :

DÉCLARE RECEVABLE l'action du ministère public ;

REJETTE la demande d'annulation de la transcription formée par le procureur général près la cour
d'appel de Paris ;

CONSTATE la transcription sur les registres de l'état civil de Nantes de :


- l'acte de naissance de E... F... P... D... enregistré le 1er novembre 2000 sous le n° [...] à San Diego
(Californie) de M. N... D..., né le [...] à Dijon, en ce qu'elle est née de M. N... D..., né le [...] à Dijon,
et de Mme V... T... née à Melfi (Italie), le [...], épouse de M. N... D..., effectuée le 25 novembre 2002
par l'officier d'état civil par délégation du Consul général de France à Los Angeles ;
- l'acte de naissance de J... M... R... D... enregistré le 1er novembre 2000 sous le n° [...] à San Diego
(Californie) de M. N... D..., né le [...] à Dijon, en ce qu'elle est née de M. N... D..., né le [...] à Dijon,
et de Mme V... T... née à Melfi (Italie), le [...] , épouse de M. N... D..., effectuée le 25 novembre 2002
par l'officier d'état civil par délégation du Consul général de France à Los Angeles ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera
transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt du 18 mars 2010 de la cour d'appel de Paris et des actes de
naissance de E... F... P... D... et J... M... R... D.... […]

44
UNIVERSITE DE ROUEN
2022-2023
L1 DROIT
DIVISION B
TD DROIT DE LA FAMILLE

FICHE N° 10
THEME : L’AUTORITE PARENTALE

1) Commentaire d’arrêt

On rédigera un commentaire de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de


cassation le 8 juillet 2010. Etant rappelé que rédiger un commentaire d’arrêt consiste à procéder soi-
même à une réflexion critique, construite et argumentée sur les enseignements d’un arrêt, les
interrogations qu’il soulève, les difficultés qu’il engendre et les prolongements qu’il a pu ou peut
avoir, etc.
Les commentaires publiés dans les revues juridiques aideront bien entendu à l’identification des
termes du débat, mais on aura compris que l’exercice n’est certainement pas de les plagier : tout
propos emprunté doit être rendu à son auteur, en procédant le cas échéant aux citations nécessaires.

2) Cas pratique

Monsieur Pom a vécu pendant plusieurs années avec Madame Prune et sa fille Jeanne. Jeanne avait
huit mois lorsque Monsieur Pom s’est installé chez Madame Prune. Elle avait cinq ans quand
Monsieur Pom a quitté Madame Prune.

Depuis qu’il a quitté Madame Prune, il y a six mois, Monsieur Pom n’a pas vu Jeanne. Madame
Prune a mal vécu la rupture et refuse que sa fille entretienne le moindre contact avec Monsieur Pom.
Monsieur Pom a toujours beaucoup d’affection pour Jeanne, même s’il n’est pas son père. Elle lui
manque ; il souhaiterait avoir de ses nouvelles et pouvoir la voir de temps en temps. Que lui
conseiller ?

45
Civ. 1re, 8 novembre 2005 (pourvoi n° 02-18.360)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant,
ensemble l'article 371-1 du Code civil ;

Attendu que selon le premier de ces textes, dans toutes les décisions qui concernent les enfants,
l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que, selon le second, l'autorité
parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant ;

Attendu que décider que les deux enfants, Anthony et Lydia X..., résidant avec leur mère au
Luxembourg et scolarisés dans une école luxembourgeoise, devront désormais poursuivre leur
scolarité dans une école francophone, l'arrêt énonce que leur père, citoyen français d'origine libanaise
ne parle pas l'allemand, qui est la langue véhiculaire de l'enseignement primaire au Luxembourg, et
que la scolarisation des enfants dans une école francophone permettra d'assurer à M. X... une
coparentalité effective, non contrecarrée par des difficultés linguistiques éventuelles ;

Qu'en se déterminant ainsi, en considération de l'intérêt du père et sans rechercher quel était l'intérêt
supérieur des enfants qui ont la double nationalité française et luxembourgeoise, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2002, entre les parties, par
la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris,
autrement composée.

Civ. 1ère, 25 avril 2007 (pourvoi n° 06-16.886)

Sur le premier moyen :

Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 9 mai 2006), qui a prononcé le divorce des
époux Y... Z..., d'avoir dit que la résidence des enfants communs, Alysée née le 21 juin 1994 et
Alexandre, né le 20 mai 1997, sera alternée au domicile des parents par périodes d'une semaine : les
première, troisième et éventuellement cinquième semaines de chaque mois chez le père, les seconde
et quatrième semaines de chaque mois chez la mère, alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant,
dans ses motifs, que l'emploi de M. X... se décomposait en alternance de périodes de 5 semaines de
travail à l'étranger et de 5 semaines de repos en France, ce dont il s'évinçait que ce dernier serait
insusceptible de s'occuper de ses enfants une semaine sur deux lorsqu'il n'était pas en France, tout en
décidant que la résidence des enfants X... serait alternée au domicile de leurs parents par périodes
d'une semaine sur deux, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

46
2°/ que la résidence alternée implique que le temps de présence de l'enfant auprès de chacun de ses
parents, co-titulaire de l'autorité parentale, soit réparti sur une base égalitaire ; qu'en décidant que la
résidence des enfants X... serait alternée au domicile de leurs parents par périodes d'une semaine sur
deux, tout en constatant que M. X..., co-titulaire de l'autorité parentale avec Mme A..., travaillait à
l'étranger par périodes de 5 semaines suivies de 5 semaines de repos en France, ce dont il résultait
nécessairement que le temps de présence des enfants X... ne serait pas réparti entre leurs parents sur
une base égalitaire, la cour d'appel a violé l'article 373-2-9 du code civil ;

3°/ qu'à supposer même que la résidence alternée n'implique pas que le temps de présence de l'enfant
auprès de chacun de ses parents, co-titulaire de l'autorité parentale, soit réparti sur une base égalitaire,
il appartient aux juges du fond de s'expliquer sur les raisons pour lesquelles ils retiennent une
répartition inégalitaire ; qu'en décidant que la résidence des enfants X... serait alternée au domicile de
leurs parents par périodes d'une semaine sur deux, tout en constatant que M. X..., co-titulaire de
l'autorité parentale avec Mme A..., travaillait à l'étranger par périodes de 5 semaines suivies de 5
semaines de repos en France, ce dont il résultait nécessairement que le temps passé par les enfants
X... auprès de leur père et de leur mère ne serait pas réparti avec égalité, sans toutefois s'expliquer sur
les raisons pour lesquelles cette répartition devait être inégalitaire, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 373-2-9 du code civil ;

Mais attendu, que l'article 373-2-9 du code civil n'impose pas, pour que la résidence d'un enfant soit
fixée en alternance au domicile de chacun des parents, que le temps passé par l'enfant auprès de son
père et de sa mère soit de même durée ; que les juges du fond peuvent, si l'intérêt de l'enfant le
commande, compte tenu des circonstances de la cause, décider d'une alternance aboutissant à un
partage inégal du temps de présence de l'enfant auprès de chacun de ses parents ; qu'ayant relevé,
d'une part, que M. X... avait un emploi stable qui présentait la particularité de s'effectuer par rotations
de cinq semaines de travail à l'étranger, en Arabie Saoudite, suivies de cinq semaines de repos en
France, d'autre part, que compte tenu notamment de l'âge des enfants, la durée du séjour de cinq
semaines consécutives chez chacun des parents, ordonnée au titre des mesures provisoires, était
beaucoup trop longue, avait connu des dysfonctionnements et occasionnée aux enfants des troubles
réactionnels attestés par un certificat établi par une psychologue ; enfin, que s'il apparaissait logique
de tenir compte de la particularité de l'emploi du père, ce qui devait primer avant tout était l'intérêt
des enfants à qui il convenait de procurer des repères que ne permettait pas l'alternance de cinq
semaines ou plus, les juges du fond ont, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, sans se contredire
et par une décision motivée, décidé de fixer la résidence des enfants une semaine sur deux chez
chacun des parents, ce qui, compte tenu des contraintes professionnelles de M. X..., aboutissait à ce
que le temps de présence des enfants chez leur mère soit plus important, ce que n'interdisent pas les
dispositions du texte précité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le deuxième moyen ayant été rejeté, le troisième moyen qui invoque la cassation par
voie de conséquence est devenu inopérant ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi.

47
Civ. 1ère, 24 février 2006 (pourvoi n° 04-17.090)

Attendu que Mme X... et Mme Y... vivent ensemble depuis 1989 et ont conclu un pacte civil de
solidarité le 28 décembre 1999 ; que Mme X... est la mère de deux enfants dont la filiation paternelle
n'a pas été établie, Camille, née le 12 mai 1999, et Lou, née le 19 mars 2002 ;

Sur le premier moyen et sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties dans les
conditions prévues à l'article 1015 du nouveau code de procédure civile :

- Attendu que le procureur général près la Cour d'appel d'Angers fait grief à l'arrêt attaqué (CA
Angers, 11 juin 2004) d'avoir délégué partiellement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale dont
Mme X... est seule titulaire et d'avoir partagé entre elles cet exercice partiellement délégué, alors,
selon le premier moyen, que l'article 377 du code civil subordonne la délégation volontaire de
l'autorité parentale d'un des parents au profit d'un tiers à l'existence de circonstances particulières et
non sur la simple crainte de la réalisation hypothétique d'un événement et qu'en se fondant, pour faire
droit à la demande de Mme X..., sur la crainte d'un événement purement hypothétique, et ce dans des
termes généraux, sans constater de circonstances avérées ou prévisibles interdisant à Mme X...
d'exercer son autorité sur les deux enfants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision
(violation de l'art. 377 c. civ. et des art. 455 et 604 c. pr. civ.), et alors qu'a été relevé d'office un
moyen concernant la question de savoir si l'exercice de l'autorité parentale dont un parent est seul
titulaire peut être délégué en tout ou partie, à sa demande, à une personne de même sexe avec
laquelle il vit en union stable et continue ;

Mais attendu que l'article 377, alinéa 1er, du code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule
titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit
en union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à
l'intérêt supérieur de l'enfant ;

Attendu qu'ayant relevé que Camille et Lou étaient décrites comme des enfants épanouies,
équilibrées et heureuses, bénéficiant de l'amour, du respect, de l'autorité et de la sérénité nécessaires à
leur développement, que la relation unissant Mme X... et Mme Y... était stable depuis de nombreuses
années et considérée comme harmonieuse et fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfants et
que l'absence de filiation paternelle laissait craindre qu'en cas d'événement accidentel plaçant la mère,
astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l'incapacité d'exprimer sa volonté,
Mme Y... ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu'elle avait toujours eu
aux yeux de Camille et de Lou, la cour d'appel a pu décider qu'il était de l'intérêt des enfants de
déléguer partiellement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale dont Mme X... est seule titulaire
et de le partager entre elles ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

- Attendu que le procureur général fait encore le même grief à l'arrêt attaqué, alors, selon le moyen,
que l'article 377-1 du code civil prévoit que « la délégation totale ou partielle de l'autorité parentale
résultera du jugement rendu par le juge aux affaires familiales », qu'en omettant de définir les
éléments de l'autorité parentale qui sont délégués à Mme Y..., le dispositif de l'arrêt doit s'analyser
comme une délégation totale de l'autorité parentale à son profit, alors que la requérante demandait
que ne soit prononcée qu'une délégation partielle de son autorité, et que, dès lors, la cour d'appel a
violé les dispositions de l'article 5 du code de procédure civile (violation de l'art. 377-1 c. civ. et des
art. 5 et 604 c. pr. civ.) ;

48
Mais attendu que le prononcé d'une délégation partielle de l'exercice de l'autorité parentale, sans
précision des droits délégués, n'équivaut pas au prononcé d'une délégation totale ; que le moyen n'est
pas fondé ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi [...].

Civ. 1ère, 8 juillet 2010 (pourvoi n° 09-12.623)

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... et Mme Y... vivent en couple depuis 1989 et ont conclu le 21 mai 2002 un
pacte civil de solidarité ; que le 5 octobre 1998, Mme X... a mis au monde une fille, Eloïse X... ,
qu'elle a seule reconnue ; que le 10 novembre 2003, Mme Y... a mis au monde un garçon, Esteban
Y... , qu'elle a seule reconnu ; que par requête conjointe du 28 juin 2006, Mme X... a saisi le juge aux
affaires familiales d'une demande de délégation d'autorité parentale sur Eloïse au profit de Mme Y...
et celle-ci d'une demande aux mêmes fins sur Esteban au profit de Mme X... ; qu'un jugement du 11
décembre 2007 a accueilli cette requête et dit que Mmes X... et Y... partageront l'exercice de l'autorité
parentale sur les deux enfants Eloïse et Esteban ;

Attendu que Mmes X... et Y... font grief à l'arrêt attaqué (Douai, 11 décembre 2008), d'avoir infirmé
ce jugement alors, selon le moyen, que :
1° / qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale peut en déléguer une partie de l'exercice à la
femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, dès lors que les " circonstances " l'exigent et
que la mesure est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que le premier de ces deux critères est
suffisamment caractérisé lorsque l'absence de filiation paternelle laisse craindre qu'en cas
d'événement accidentel plaçant la mère dans l'incapacité d'exprimer sa volonté, sa compagne se
heurte à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu'elle a toujours eu aux yeux de l'enfant,
une telle impossibilité pouvant survenir quand bien même nul n'aurait tenté jusqu'alors de s'opposer à
ce qu'elle tienne ce rôle ; qu'en décidant que la délégation d'autorité parentale n'était pas justifiée si la
mère ne démontrait pas être exposée à un risque d'accident supérieur à la moyenne et, en outre, avoir
rencontré des difficultés pour imposer aux tiers le rôle éducatif joué par sa compagne, la cour d'appel
a violé l'article 377 alinéa 1er du code civil, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3. 1 de la
convention internationale des droits de l'enfant ;
2° / que si l'enfant s'épanouit pleinement au sein du foyer harmonieux que sa mère biologique a
construit depuis de nombreuses années avec une autre femme, et si des liens fraternels l'unissent avec
le propre enfant de cette dernière, la délégation partielle d'autorité parentale, en ce qu'elle permet de
préserver ce bénéfice, sert nécessairement l'intérêt de l'enfant ; qu'en l'espèce, pour refuser de
prononcer la délégation partielle d'autorité parentale, la cour d'appel a retenu que chacun des deux
enfants était déjà pleinement épanoui au sein de foyer commun ; qu'en s'abstenant de rechercher si,
précisément, la délégation parentale n'était pas justifiée par la nécessité de consolider ce bénéfice, et
plus particulièrement encore par la nécessité de préserver la fratrie en cas d'impossibilité pour l'une
des deux mères de s'exprimer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
377 al. 1er du C. civ., ensemble les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3. 1 de la convention internationale des droits de
l'enfant ;
Mais attendu que si l'article 377, alinéa 1er, du code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule
titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit
en union stable et continue, c'est à la condition que les circonstances l'exigent et que la mesure soit

49
conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'ayant relevé, d'une part, que si Mmes X... et Y...
démontraient qu'elles avaient une vie commune stable depuis 1989 et que les enfants étaient bien
intégrés dans leur couple et dans la famille de chacune d'elles et qu'elles s'occupaient aussi bien de
leur propre enfant que de celui de l'autre sans faire de différence entre eux, elles ne rapportaient pas
la preuve de circonstances particulières qui imposeraient une délégation d'autorité parentale dès lors
que les déplacements professionnels qu'elles invoquaient n'étaient qu'exceptionnels, que le risque
d'accidents n'était qu'hypothétique et semblable à celui auquel se trouvait confronté tout parent qui
exerçait seul l'autorité parentale, d'autre part, que les requérantes admettaient elles-mêmes qu'elles ne
s'étaient pas heurtées à des difficultés particulières pour pouvoir jouer auprès des tiers ou de leur
entourage familial le rôle de parents qu'elles entendaient se reconnaître mutuellement, assistant
indifféremment l'une ou l'autre, voire toutes les deux, aux réunions d'école et allant l'une ou l'autre
chercher les enfants après la classe et, enfin, que Mmes X... et Y... ne démontraient pas en quoi
l'intérêt supérieur des enfants exigeait que l'exercice de l'autorité parentale soit partagé entre elles et
permettrait aux enfants d'avoir de meilleures conditions de vie ou une meilleure protection quand les
attestations établissaient que les enfants étaient épanouis, la cour d'appel a pu déduire de ces
énonciations et constatations qu'il n'y avait pas lieu d'accueillir la demande dont elle était saisie ; que
le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Civ. 1re, 4 janv. 2017, 15-28230

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 octobre 2015), que Mme X... et Mme Y... ont conclu, le 20
octobre 2008, un pacte civil de solidarité ; que la seconde a donné naissance, le 2 janvier 2010, à une
fille, qu'elle a seule reconnue ; que, sur requête conjointe de Mme Y... et de Mme X..., un jugement
du 10 juin 2011 a délégué et partagé l'autorité parentale avec la seconde ; qu'elles se sont séparées au
mois d'octobre 2013 ; que Mme X... a assigné la mère pour que l'autorité parentale soit exercée par
elles deux et que cette dernière a sollicité la restitution des droits d'autorité parentale qu'elle avait
délégués ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de maintenir la délégation et le partage de l'autorité parentale
;

Attendu que l'arrêt relève que la volonté de la mère de mettre fin à la délégation et au partage de
l'exercice de l'autorité parentale est exclusivement inspirée par des considérations d'ordre personnel et
qu'il n'est pas établi que la séparation du couple a des répercussions négatives sur l'enfant ; qu'il
ajoute que Mme X... a participé aux choix de vie de l'enfant, dès sa naissance, qu'elle a contribué à
son éducation durant ses cinq premières années et qu'elle a maintenu un lien avec celui-ci depuis la
séparation ; que la cour d'appel, qui a pris en considération l'intérêt de l'enfant, en a exactement
déduit qu'en l'absence de circonstances nouvelles, il n'y avait pas lieu de mettre fin à la délégation de
l'exercice de l'autorité parentale ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

50
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'accorder un droit de visite et d'hébergement à Mme X... ;

Attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à
remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui,
motivant sa décision, a statué comme elle l'a fait ; qu'il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

Civ. 1re, 13 juill. 2017 (16-24084)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 1er septembre 2016), qu'Alice X...est née le 28 juin 2011 de
Mme X..., sans filiation paternelle déclarée ; que, lors de sa naissance, sa mère partageait la vie de
Mme Y...; que, les deux femmes s'étant séparées le 30 avril 2013, Mme Y...a saisi le juge aux affaires
familiales afin de se voir attribuer un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant ;

Attendu que Mme X...fait grief à l'arrêt de dire que Mme Y...bénéficiera sur Alice d'un droit de visite,
puis d'un droit d'hébergement, alors, selon le moyen :

1°/ que si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations
entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec
lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation et a noué avec
lui des liens affectifs durables ; qu'en l'état du droit positif, l'existence d'un projet parental commun,
qui plus est lorsqu'elle est contestée par la mère biologique, ne saurait suffire à permettre au juge aux
affaires familiales d'accorder un droit de visite ou d'hébergement à l'ancienne compagne de cette
dernière ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil ;

2°/ que dans toutes les décisions qui le concernent, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale ; que ce n'est que si tel est l'intérêt de l'enfant que le juge aux affaires
familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier
lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à
son entretien ou à son installation et a noué avec lui des liens affectifs durables ; qu'en accordant un
droit de visite et d'hébergement à Mme Y..., sans rechercher si l'enfant, âgée de 5 ans, et ne l'ayant
pas revue depuis l'âge de 2 ans ne l'avait pas oubliée, un enfant de cet âge ne pouvant avoir de
souvenir des deux premières années de sa vie, si Mme Y...n'était pas ainsi devenue une étrangère
pour elle, et si, dans ce contexte, un droit de visite, et plus encore d'hébergement, ne serait pas
contraire à l'intérêt d'Alice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
371-4 du code civil ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989
relative aux droits de l'enfant ;

3°/ que dans toutes les décisions qui le concernent, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale ; que ce n'est que si tel est l'intérêt de l'enfant que le juge aux affaires
familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier
lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à
son entretien ou à son installation et a noué avec lui des liens affectifs durables ; que la circonstance
que le parent biologique ait mis un terme à la relation entre un tiers et l'enfant ne saurait suffire à
écarter toute recherche sur l'intérêt de ce dernier à ce qu'un droit de visite et d'hébergement soit
reconnu à ce tiers ; qu'en considérant toutefois, pour accorder un droit de visite et d'hébergement à

51
Mme Y..., que dans la mesure où la mère était directement à l'origine de l'arrêt des rencontres entre sa
fille et son ancienne compagne, elle était mal fondée à soutenir qu'il serait contraire à l'intérêt de
l'enfant de renouer des liens avec celle qui se considérait comme sa seconde mère, la cour d'appel a
violé les articles 371-4 du code civil ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20
novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

Mais attendu que, selon l'article 371-4, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°
2013-404 du 17 mai 2013, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les
modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé
de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son
installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ;

Attendu que l'arrêt relève, d'abord, que les parties vivaient en couple au moment de la naissance
d'Alice et qu'il existait un projet parental commun au moment de la conception de l'enfant, que Mme
Y...a résidé durant plus de deux ans avec Mme X...et Alice, qu'elle considérait comme sa fille, et qu'il
existait un lien affectif durable entre elles, dont la rupture n'est due qu'au refus de Mme X...de
maintenir cette relation ;

Que l'arrêt énonce, ensuite, que l'intérêt de l'enfant commande qu'elle ait accès aux circonstances
exactes de sa conception, de sa naissance, ainsi que des premiers temps de son existence, sans que
cela n'empêche une relation affective de qualité avec l'actuel compagnon de sa mère, et que
l'existence de relations conflictuelles entre les parties n'est pas un obstacle suffisant pour justifier le
rejet de la demande formée par Mme Y..., dès lors qu'Alice, décrite comme une enfant épanouie et
équilibrée, est en mesure de renouer des liens affectifs avec cette dernière ;

Qu'il constate, enfin, que la demande présentée par Mme Y..., qui ne sollicite qu'un simple droit de
visite, en proposant de se déplacer pour voir l'enfant, témoigne de l'intérêt qu'elle porte à Alice et de
son désir de ne pas brusquer la mineure en reprenant de manière progressive et adaptée des contacts
avec elle, avant de pouvoir à nouveau la recevoir à son domicile ;

Que la cour d'appel, qui a ainsi statué en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, qu'elle a
souverainement apprécié, a fait une exacte application du texte susvisé et de l'article 3, § 1, de la
Convention de New-York du 20 novembre 1989 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

AJ Famille 2014 p. 174


Autorité parentale et stéréotypes de genre : la part du droit

Amélie Dionisi-Peyrusse, Maître de conférences à l'Université de Rouen


Marc Pichard, Professeur à l'Université Paris-Ouest Nanterre La Défense

L'essentiel
Si le principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale traduit une nécessaire égalité, la
pratique ne reflète pas l'égalisation des positions du père et de la mère, qu'il s'agisse de la
fixation de la résidence habituelle ou de la prise de décision. (1)

52
Le droit de l'autorité parentale permet d'identifier qui aura la charge prioritaire du bien-être des
enfants et, le plus souvent, de fixer les rôles du père et de la mère - la filiation dite « charnelle
» demeurant, en droit français, nécessairement bisexuée et l'autorité parentale une charge liée à
la filiation. La place des femmes et celle des hommes en tant que parents et donc la
détermination d'un des rôles sociaux primordiaux de la plupart des adultes sont dès lors
généralement en cause. L'enjeu est d'autant plus important que l'impact de ces règles sur la
société de demain ne paraît guère contestable : le traitement juridique de l'autorité parentale
tout à la fois renseigne sur la répartition des rôles sociaux entre les hommes et les femmes et
l'influence ; le droit de l'autorité parentale est de nature à être à la fois le réceptacle et le
moteur des stéréotypes relatifs à ces rôles.

Les règles relatives à la matière ne semblent toutefois guère se prêter à une analyse en termes
de genre. Les textes ne distinguent plus en effet entre les mères et les pères. Les rôles des unes
et des autres se présentent comme identiques, dès lors du moins que l'autorité parentale est
exercée en commun.

Pourtant, malgré l'égalité formelle qui caractérise la matière, la pratique ne reflète pas
l'égalisation des positions du père et de la mère. En 2012, 71 % des enfants voient leur
résidence habituelle fixée, par une décision définitive, chez leur mère (ils étaient plus de 80 %
en 2003 et 73,5 % en 2010), 17 % en alternance chez chacun de leurs parents (9,9 % en 2004
et 16,5 % en 2010) et environ 12 % chez leur père (10 % en 2010) (2). En cas d'accord
relatif à la résidence entre les parents, trouvé dans plus de 80 % des cas, la proportion de
résidences chez la mère demeure identique, la résidence alternée augmente, au détriment de la
résidence chez le père, qui tombe à 10 % (3). Et la sexo-spécificité de la fixation de la
résidence emporte bien souvent déséquilibre dans l'exercice des prérogatives que confère
l'autorité parentale.

Factuellement, d'une part, la charge des enfants pèse donc à titre principal sur les mères et,
d'autre part, les prérogatives des pères sont malmenées. Il convient dès lors de chercher à
identifier la part du droit dans la persistance de ces stéréotypes de genre en matière de fixation
de la résidence habituelle de l'enfant (1re partie), d'autant que l'inégalité ainsi générée peut
s'accroître en raison de l'ineffectivité du principe de codécision (2e partie).

I Stéréotypes de genre et fixation inégalitaire de la résidence habituelle

La charge quotidienne de l'enfant pèse majoritairement sur la mère - Malgré une


augmentation, lente mais constante, des hypothèses de résidence alternée et de résidence chez
le père, la charge quotidienne des enfants pèse encore très majoritairement sur les femmes : la
neutralité formelle des énoncés législatifs n'empêche pas une application genrée des normes -
qui elle-même est susceptible de consolider les rôles sociaux différenciés des hommes et des
femmes. La fixation de la résidence habituelle de l'enfant chez la mère peut en effet constituer
un frein à une activité professionnelle plus importante et maintenir celle-ci dans un état de
dépendance à l'égard des ressources qui proviennent du père des enfants ; inversement, ce
dernier n'est pas contraint, ni même incité, à concilier sa vie familiale avec sa vie
professionnelle, dont il peut librement maintenir l'intensité. Qu'un modèle social s'exprime
dans cette distribution inégalitaire des fonctions ne saurait être nié ; que le droit contribue à cet
état de fait est l'hypothèse qu'il s'agit de mettre à l'épreuve.

53
Deux causes principales peuvent être identifiées.

D'une part, on peut être tenté d'avancer que la place prépondérante laissée aux accords entre
les parents contribue à la perpétuation des modèles sociaux dominants - et aux inégalités qu'ils
emportent (4). Au premier abord, le risque semble tout théorique puisque la résidence
alternée est plus souvent adoptée dans ce cadre procédural. Mais, outre que cette légère
surreprésentation de la résidence alternée en cas d'accord entre les parents s'explique sans
doute par le fait que la doxa en la matière est qu'une résidence alternée conforme à l'intérêt de
l'enfant suppose un minimum d'entente entre ses parents, le surcroît de résidence alternée se
fait au détriment de la résidence chez le père, la part de résidence chez la mère restant fixe
(5). Par ailleurs, on peut observer que la résidence chez le père concerne 24 % des enfants en
cas de désaccord contre 10 % en cas d'accord (6). Le risque de voir la place laissée à la
volonté être investie par les stéréotypes relatifs aux rôles des pères et des mères semble donc
se traduire dans les faits.

D'autre part, les textes ne portent pas une véritable ambition de promotion de l'égalité réelle
entre les parents, en général donc entre les pères et les mères (7). C'est que, en matière
d'autorité parentale, l'intérêt de l'enfant n'est pas « une considération primordiale », comme
l'impose la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (8) : c'est la seule
considération. Or la règle de droit pourrait poursuivre d'autres finalités - qui ne seraient en
aucun cas contraires à cette première considération -, en particulier celle de l'égalité entre les
parents, qui n'a pas qu'une dimension individuelle mais une dimension sociale (9). Dans la
mesure où la place procédurale accordée au ministère public établit que la matière intéresse
l'ordre public (10), une véritable politique publique de l'égalité entre les hommes et les
femmes en matière d'autorité parentale serait possible. Pour cela, on pourrait imaginer une
intervention du Parquet lorsque la prépondérance d'un parent sur l'autre, en termes de
modalités d'exercice de l'autorité parentale, n'est justifiée par aucun impératif. Simplement, ce
pouvoir du ministère public ne semble conçu et utilisé qu'en cas de danger pour l'enfant, pas
dans l'intérêt de l'égalité réelle.

La résidence alternée, une solution ? - Se pose alors la question de savoir si le dispositif


législatif serait susceptible d'oeuvrer à la production de plus d'égalité dans la charge que
représentent (aussi) les enfants. De fait, la poursuite de l'égalité passe probablement par la
solution de la résidence alternée. En ce sens, on doit relever que, s'agissant des décisions
rendues en 2012, en cas d'accord, la résidence alternée concerne 34 % des enfants lorsque les
revenus de la mère s'élèvent à plus de 4000 € par mois, ce qui tend à montrer qu'elle est en
étroit rapport avec l'activité professionnelle de la mère (11) et avec la répartition des rôles
sociaux entre les hommes et les femmes. S'il n'est certainement pas envisageable que les textes
l'imposent en toute indifférence aux faits, quelques dispositions devraient permettre, si telle
était la volonté du législateur, de la rendre plus courante.

En premier lieu, il serait possible d'imposer au juge une obligation de motivation spéciale de sa
décision dès lors qu'il ne fixerait pas la résidence de l'enfant égalitairement chez chacun de ses
parents. En somme, faire référence à l'intérêt de l'enfant ne suffirait pas pour écarter la
résidence alternée : le sacrifice de l'égalité devrait être justifié en lui-même (12). Le code
civil belge, en cela imité par le Sénat français lors de la première lecture du projet de loi pour
l'égalité entre les femmes et les hommes, le 17 sept. 2013, contient des dispositions en ce sens
- toutefois conditionnées à la demande de résidence alternée formulée par au moins un des
deux parents (13).

54
En second lieu, il serait également envisageable d'exiger que les parents eux-mêmes, dans une
matière marquée par son indisponibilité, justifient des raisons pour lesquelles une résidence
alternée leur semble impossible. Une telle contrainte argumentative serait l'occasion pour
chacun des parents de s'interroger sur ses motivations et ses priorités. Il est en effet avéré que,
dans une grande majorité de cas (14), les pères ne demandent pas la résidence principale, ni
même la résidence alternée, « pour des raisons pragmatiques de plus grande disponibilité ou
par autocensure » (15) et également par conviction que c'est préférable pour l'enfant (16).
Ce faisant, en particulier, ils lient de facto sinon de jure le juge qui peut hésiter à imposer une
résidence chez un parent qui ne la demande pas (17). La contrainte argumentative aurait au
moins le mérite de conduire chacun des parents, et en particulier le père, à exposer pourquoi il
ne pense pas être en mesure d'assumer au quotidien sa responsabilité éducative auprès d'un
enfant, et pourquoi, par exemple, il pense que cette charge serait strictement incompatible avec
ses responsabilités professionnelles, quand elle serait parfaitement compatible avec la carrière
- actuelle ou future - de la mère...

II Fixation inégalitaire de la résidence habituelle et principe de codécision

Impact de la fixation de la résidence de l'enfant sur le respect du principe de codécision -


Même en cas de séparation des parents, dans l'immense majorité des cas, l'autorité parentale
est exercée en commun par les deux (18). Les décisions relatives à l'enfant doivent donc
toutes être prises en commun, et ce même si la résidence de l'enfant est fixée chez l'un d'eux
seulement (19). Pourtant, de fait, si un parent côtoie peu l'enfant, notamment parce qu'il ne
dispose que d'un droit d'hébergement de faible ampleur, il a tendance à moins participer à la
prise de décisions (20) - par négligence, par méconnaissance de ses droits ou par crainte du
conflit. Ce déséquilibre entre les parents est, en pratique, sexo-spécifique puisque la plupart
des enfants résident habituellement chez leur mère : le non-respect du principe de codécision
conduit, le plus souvent, à mettre à l'écart les prérogatives du père (21).

Or, une règle explique en partie que, dans les faits, la prise de décisions relatives à l'enfant
soit, bien souvent, unilatérale - et donc la moindre implication de l'un des parents dans celle-ci.
L'art. 372-2 c. civ. dispose en effet : « à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est
réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale
relativement à la personne de l'enfant ». Afin de libérer les tiers qui ne sauraient donc voir leur
responsabilité engagée pour n'avoir pas recueilli l'accord des deux parents et ne sont donc pas
contraints de procéder à des vérifications particulières, on confère de facto une position de
force à celui qui cohabite avec l'enfant ; adoptée avant toute chose pour protéger les intérêts
des tiers, la règle de l'art. 372-2 c. civ. conduit bien souvent à sacrifier les intérêts des pères - et
ce d'autant qu'elle est parfois comprise comme autorisant les décisions unilatérales de l'un des
parents.

Les textes ne donnent ni définition, ni exemple, ni liste, des actes usuels (22). On s'accorde
en général pour dire qu'il faut tenir compte, pour qualifier un acte d'usuel, de l'ensemble des
circonstances particulières de l'espèce. Il faudrait rechercher si l'acte rompt avec le passé et s'il
engage l'avenir de l'enfant, et « apprécier l'acte d'un double point de vue : in abstracto (en soi,
l'acte appartient-il plutôt à la catégorie des actes usuels ou non ?) et in concreto (l'acte peut-il
être considéré comme usuel relativement à tel enfant, et à tels parents, particuliers ?) » (23).

Exemples - On considère généralement, en matière médicale, que le traitement des infections

55
bénignes, de même que la poursuite du traitement d'une pathologie grave ainsi que certaines
vaccinations relèvent de la catégorie des actes usuels (24), à la différence de la décision
d'arrêt ou de réduction des soins. Sur bien d'autres points, il existe davantage de doutes, par
exemple concernant les vaccins contre la grippe H1 N1, l'hépatite B ou le papillomavirus, à
l'origine du cancer du col de l'utérus (25). Pour sa part, la délivrance d'un passeport a été
qualifiée d'acte usuel (26). La participation d'un enfant à un film n'ayant pas vocation à être
diffusé au-delà d'un cercle très confidentiel en serait un (27), contrairement à sa
participation à un reportage télévisé (28). L'adjonction du nom d'un des parents à titre
d'usage nécessiterait l'accord exprès des deux parents (29). La situation est assez confuse sur
la question de l'inscription dans une école (30).

Deux constats s'imposent.

D'une part, les frontières ne sont pas évidentes à tracer.

Exemple - En matière médicale, seul un impératif juridique clairement énoncé ou un risque


contentieux élevé semblent de nature à convaincre les médecins d'exiger l'accord des deux
parents avant d'administrer un vaccin ; l'incertitude ne profite pas à l'égalité.

D'autre part, la catégorie des actes usuels, telle que les décisions de justice la dessinent, ne
rassemble pas que des actes anodins. Le parent exclu de la prise de décisions en ces matières
voit sa place dans les choix concernant l'enfant possiblement très réduite car, dans la vie
quotidienne de la plupart des mineurs, rares sont les décisions « non usuelles ».

Imposer une approche plus restrictive des actes usuels - Préserver l'égalité entre les parents
exerçant en commun l'autorité parentale, et donc, en général, l'égalité réelle entre les hommes
et les femmes, imposerait probablement d'adopter une approche plus restrictive des actes
usuels et de permettre de renverser plus aisément la présomption de bonne foi dont peuvent se
prévaloir les tiers. L'intérêt particulier des tiers ou des considérations pratiques ne sauraient en
effet évincer l'intérêt social qui s'attache à l'association de chacun des parents aux décisions
relatives à l'enfant et qu'exprime le principe d'exercice en commun. Mais encore faudrait-il que
cette approche restrictive des actes usuels trouve un relais judiciaire pertinent.

Or, de manière générale, la garantie judiciaire de la coparentalité se révèle trop souvent


ineffective. Certes, le respect des règles de pouvoirs est possible en amont : le juge peut être
saisi pour trancher les désaccords (31) et il peut ordonner la cessation du non-respect de la
codécision, au besoin sous astreinte s'agissant d'un acte précis (32). En revanche, en aval,
les sanctions envisageables ne répondent que très imparfaitement à l'objectif de protection des
prérogatives de chacun des parents, et en particulier du parent non-cohabitant. Ni la voie de la
responsabilité - susceptible, en particulier, d'attiser les conflits - ni la modification des
modalités d'exercice de l'autorité parentale - qui peut n'être ni possible ni souhaitable - ne se
révèlent en parfaite adéquation avec l'enjeu (33), auquel seul un recours accru à la
médiation familiale semble pouvoir répondre.

Mots clés :
AUTORITE PARENTALE * Résidence des enfants * Séparation des parents * Stéréotype de
genre * Fixation inégalitaire de la résidence habituelle * Codécision
(1) Ce texte est issu d'une recherche menée dans le cadre du programme Régine (Recherche et études sur le genre
et les inégalités dans les normes en Europe : http://regine.u-paris10.fr/). Une version enrichie sera publiée à

56
l'automne 2014, in S. Hennette-Vauchez, M. Pichard et D. Roman (dir.), Droit et genre. Études critiques de droit
français, CNRS éd.
(2) M. Guillonneau et C. Moreau, La résidence des enfants de parents séparés. De la demande des parents à la
décision du juge, Ministère de la justice, nov. 2013, p. 5. L'étude porte sur les décisions définitives rendues par les
juges aux affaires familiales au cours de la période comprise entre le 4 et le 15 juin 2012 (v. AJ fam. 2013. 666
). Pour les chiffres relatifs aux années antérieures, v. Centre d'analyse stratégique, Désunion et paternité, note
d'analyse n° 294, oct. 2012.
(3) M. Guillonneau et C. Moreau, préc., p. 19.
(4) En ce sens, v. F. Boulanger, Réflexions sur la portée et les limites du principe d'égalité des deux membres du
couple dans l'attribution et l'exercice des droits parentaux, in Mélanges en l'honneur du professeur Gérard
Champenois, Defrénois 2012. 59 s., n° 4, p. 61.
(5) M. Guillonneau et C. Moreau, préc., spéc. p. 19.
(6) Ibid., p. 19 et 27.
(7) Comp. F. Boulanger, art. préc., n° 1, p. 59, pour qui « le code civil français [fait] de l'égalité un principe abstrait
indépendant de l'origine de l'enfant, de la séparation ou du divorce des parents ».
(8) Art. 3, 1, CIDE.
(9) Finalité qui, au demeurant, n'est pas absente de la CIDE. V. les art. 9 et surtout 18 (« Les États parties
s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une
responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement »).
(10) En vertu de l'art. 373-2-8 C. civ., le ministère public peut saisir le juge aux affaires familiales pour qu'il statue,
notamment, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
(11) M. Guillonneau et C. Moreau, préc., p. 24.
(12) Parmi les justifications, on pense notamment aux contraintes matérielles et économiques, aux nécessités
d'ordre psychologique ou encore à l'hypothèse des violences qui nécessitent évidemment un traitement particulier.
(13) Selon l'art. 374, § 2, al. 2, c. civ. belge, « à défaut d'accord, en cas d'autorité parentale conjointe, le tribunal
examine prioritairement, à la demande d'un des parents au moins, la possibilité de fixer l'hébergement de l'enfant
de manière égalitaire entre ses parents ». Le Sénat français a adopté un texte similaire - imposant l'examen en
priorité de la possibilité d'une « résidence en alternance paritaire » (projet de loi pour l'égalité entre les femmes et
les hommes adopté par le Sénat le 17 sept. 2013, n° 214). S'agissant de la motivation, le code civil belge prévoit,
en son art. 374, § 2, al. 4, que, « si le juge choisit de s'écarter du modèle législatif, il doit spécialement motiver sa
décision, en tenant compte des circonstances concrètes de la cause, de l'intérêt des enfants et, importante
innovation, de celui des parents » (Y.-H. Leleu, Droit des personnes et des familles, Bruxelles, Larcier, 2e éd., 2010,
n° 760, p. 703). Là encore, le Sénat français a proposé l'adoption d'un même dispositif : le rejet de la demande de
résidence alternée paritaire devrait être « dûment exposé et motivé ». Ces dispositions n'ont pas été reprises, en
première lecture, par l'Assemblée nationale.
(14) Pour 83 % des enfants concernés par une absence de demande relative à la résidence, c'est le père qui n'en a
pas formulée (M. Guillonneau et C. Moreau, préc., p. 19 et p. 36).
(15) Centre d'analyse stratégique, Désunion et paternité, préc., spéc. p. 4.
(16) C. Bessiere et S. Gollac (dir.), Au tribunal des couples - Situations professionnelles des conjoints et procédures
judiciaires de séparation conjugale, Rapport de recherche pour la mission de recherche Droit et Justice, déc. 2010,
spéc. p. 128-129.
(17) Il est d'ailleurs très significatif que la résidence n'est attribuée à un père qui ne la demande pas que dans des
cas exceptionnels ; il est dix fois plus courant (étant entendu que les dossiers de ce type sont assez rares) que la
résidence soit attribuée à une mère qui ne la demande pas : M. Guillonneau et C. Moreau, préc., p. 37.
(18) L'exercice unilatéral de l'autorité parentale concerne 5 à 10 % des enfants. V. Centre d'analyse stratégique,
Désunion et paternité, préc., spéc. p. 7.
(19) En ce sens, v. par ex. F. Terré et D. Fenouillet, La famille, Dalloz, 8e éd., 2011, spéc. n° 948, p. 942 et n° 950,
p. 946. Le rapport du groupe de travail sur la coparentalité, « Comment assurer le respect de la coparentalité entre
parents séparés », Ministère de la justice, janv. 2014, p. 7 s., préconise une meilleure information sur ce point. Sur
ce rapport, et en particulier la place occupée par les associations de mères et les associations de pères dans les
débats et leurs très fortes oppositions de principe, v. A. Boiché, AJ fam. 2014. 78 .
(20) Centre d'analyse stratégique, Désunion et paternité, préc.
(21) Sur cette question, v. not. A. Guineret-Brobbeldorsman et S. Sire, Maman dit oui, papa aussi, ou les
regrettables incertitudes de la présomption d'accord en matière d'exercice conjoint de l'autorité parentale, LPA 31
mars 2003, p. 5.
(22) Le rapport préc. sur la coparentalité préconise, p. 10 s., d'introduire une définition afin de clarifier la situation
mais de ne pas élaborer de liste exhaustive (une liste indicative pourrait toutefois figurer dans une circulaire, v. AJ
fam. 2014. 78 ).
(23) A. Gouttenoire et H. Fulchiron, Rép. civ. Dalloz, v°Autorité parentale, 2012, spéc. n° 125.
(24) A. Gouttenoire et H. Fulchiron, op. cit., spéc. n° 67.
(25) Considérant qu'il ne s'agit pas d'actes usuels : A. Gouttenoire, Les décisions des parents séparés relatives à
l'enfant, AJ fam. 2010. 12 . La pratique médicale semble cependant en sens contraire.
(26) CE, 8 févr. 1999, n° 173126, Mme Dupin, au Lebon ; D. 2000. 161 , obs. F. Vauvillé ; RTD civ. 1999.
360, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 1999, comm. n° 40, obs. P. Murat ; CE, 4 déc. 2002, n° 252051, au Lebon ;
D. 2003. 313 ; AJ fam. 2003. 103, obs. F. B. ; RTD civ. 2003. 59, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2003,
comm. n° 12, obs. P. Murat.
(27) Orléans, 14 mars 2011, n° 09/03895, RTD civ. 2012. 91, obs. J. Hauser ; LPA 9 juill. 2012, n° 136, p. 3,
obs. M. Dupuis.

57
(28) Versailles, 11 sept. 2003, n° 02/03372, AJ fam. 2003. 383, obs. F. B.

(29) Civ. 1re, 3 mars 2009, n° 05-17.163, D. 2009. 1385 , note M. Malaurie-Vignal ; ibid. 803, obs. V. Egéa
; ibid. 1918, obs. A. Gouttenoire et P. Bonfils ; ibid. 2010. 1442, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam.
2009. 177, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2009. 294, obs. J. Hauser .
(30) V. A. Gouttenoire et H. Fulchiron, op. cit., spéc. n° 127 et les réf. cit.
(31) J.-F. Eschylle et A. Ganzer, J.-Cl. Divorce, Fasc. 280-2, 2013, spéc. n° 13 et les réf. cit. ; A. Gouttenoire et H.
Fulchiron, op. cit., spéc. n° 131 s.
(32) Versailles, 1er juill. 2010, n° 07/02610, Juris-Data n° 2010-017476 (interdiction de poursuivre une thérapie
mère-enfant et de conduire l'enfant chez un praticien, quel qu'il soit, sans l'accord préalable du père) ; Paris, 21
janv. 2010, n° 09/08890, Juris-Data n° 2010-000203 (injonction sous astreinte de faire procéder au retrait de la
mention relative au nom d'usage sur le passeport des enfants).
(33) Sur cette question, v. not. le rapport préc. sur la coparentalité, p. 22 s.

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