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Le 23 juillet 2021

VENTE À « HUIS COUPÉ ET POT RENVERSÉ »


Le vin a près de 8000 ans d’histoire et pourtant le métier de caviste n’est que très récent. Si
l’on remonte à l’Antiquité et au Moyen-Age, le commerce du vin, marchandise à forte valeur,
a toujours suivi les hommes et contribué à leur prospérité.
Les négociants existaient, surtout pour le commerce international (et ce, dès le XVIIème
siècle) mais souvent c’est le producteur qui accompagnait son produit jusqu’au lieu de vente,
se déplaçant avec sa propre charrette de ville en ville.
A cette époque médiévale, cette vente directe est dite à « huis coupé et pot renversé »,
permettant aussi d’écouler le vin de qualité inférieure, souvent consommé par les
domestiques des maisons.
 
la vente à huis coupé et pot renversé ?
CAVISTE, UN MÉTIER CARRÉMENT URBAIN
Ce n’est au début du XIXème siècle que le métier de caviste fait son apparition. Jusque-là, le
vin était surtout prescrit pour ses vertus médicales dans les hospices et dispensaires.
Quelques marchands de vin en gros vendaient le vin au tonneau mais le métier de caviste
offrant pléthore de vins de régions avec toute sa connaissance en amont n’existait pas
encore. Au XVIIIème siècle, le vin est encore bu dans les tavernes, bars et cabarets.
Ce n’est qu’autour de 1820 que le métier apparait, avec l’urbanisation croissante et l’intérêt
porté à la connaissance des vins, des régions et leur histoire. Il a fallu créer un métier de
commerçant spécialisé pour le particulier avec un référencement de produits.
Et dans notre monde actuel, ce métier est et reste toujours un métier passion, où l’humilité
règne tant le marché évolue.
Consommer moins mais mieux : ouverture continue de caves à vin !
Ces dernières décennies, le métier de caviste a le vent en poupe, comme le prouvent les
statistiques de l’INSEE suivant les créations ou reprises de caves à vin sous le code
d’enregistrement NAF 4725Z ! Rien qu’entre 2008 et 2014, 27,5% d’établissements ont été
immatriculés.
Pourtant, si l’on observe les habitudes de consommation depuis les années 1960, la
consommation de vins en volume a été réduite de moitié en France en 30 ans (104 litres par
habitant par an en 1975 contre 44,2 en 2014 selon les données fournis par le Wine Institute),
soit près de 60 bouteilles par an en moins. Oui, on consomme moins avec l’effet des
campagnes de prévention contre l’alcool et la connaissance de ses dangers. Le client reste
désireux de consommer de BONS produits dont il connait l’origine.
Pour aiguiller le consommateur, rien ne vaut les conseils avisés d’un caviste passionné.
Pourtant, la grande distribution reste encore le circuit de distribution principale du vin (plus
des deux tiers des ventes). Le métier de caviste est avant tout un métier de commerçant,
dans la majorité des cas situé en centre-ville. Et bien souvent, c’est un métier de
reconversion. L’âge moyen dans la profession, selon Le Monde est de 47 ans avec 75 %
d’indépendants, non-salariés, évoluant hors d’une chaîne ou franchise. Cela se féminise mais
encore peu, avec seulement 1 femme sur 5.
Grâce à cette transmission de connaissances et de passion, la clientèle y est fidèle avec trois
clients sur quatre qui fréquentent leur caviste au moins une fois par mois. En 2020, les
cavistes ont fait face au repli des particuliers sur les commerces de proximité, fermetures
des restaurants oblige, ce qui a engendré une hausse de 10 % à 20 % de leurs ventes en
moyenne.
Bref, c’est un métier intermédiaire entre le producteur et le consommateur, qui doit sans
cesse s’adapter aux habitudes de consommation du client tout en sélectionnant les
vignerons correspondant à ses demandes. Une passion à chaque établissement où le projet
est né d’une riche histoire. Rencontres à Lille et à Lyon avec deux cavistes…
Caviste est un monde vaste et complexe pour les curieux en soif d’apprendre ! Reconversion,
héritage familial de génération en génération, ce métier naît tout d’abord de cette notion de
« plaisir ».
A LILLE : UN ENCHANTEUR DE PAPILLES
Flavien est un mec charmant qui vous accueillera les bras ouverts dans sa belle cave à Lille,
située avenue de La République. Il va vous dénicher un vigneron créateur de pépites
gustatives. Bienvenue chez ‘L’enchanteur de papilles’.
un parcours initiatique
Flavien ne voulait pas d’une cave où les bouteilles prennent la poussière. Peu de volume par
produit, il faut que ça tourne pour créer ce sentiment de découverte perpétuelle du vin !
Bref, il veut créer un « chez soi » en quête de nouveauté à sentir, savourer, ressentir,
déguster.
Pour Flavien : « chacun a sa philosophie autour de l’ouverture d’une cave. Certains le font pour
accumuler tous les grands noms par amour de la collection, d’autres pour l’argent et pour moi,
c’est dans l’idée de proposer la découverte inédite. Je souhaitais proposer des vins que l’on ne
trouve pas facilement et non présents sur la métropole. C’était ça mon point de différenciation !»
UN DÉFI : RACONTER L’HISTOIRE DE CHAQUE VIGNERON
Ainsi, dans sa cave, vous trouverez beaucoup de vins labellisés « Demeter », « Sains »
(nature) ou non. Leur point commun ? Des vignerons de taille raisonnable qui bossent
proprement dans le respect de la nature.
Avant d’ouvrir la cave, Flavien a voulu s’approprier le métier en effectuant quelques
semaines chez un ami caviste à Grenoble. Cela a permis de confirmer sa volonté sur ce
projet et surtout le plaisir du métier de caviste !
En 2013, il trouve un local et ouvre sa boutique initialement sous le nom de « Inoui le vin
naturellement ». Puis, le nom n’était pas assez évocateur de sa philosophie. Ses amis lui
disent qu’il enchante les papilles…
Alors instinctivement, il renomme sa boutique « L’enchanteur de papilles ».
A ses prémices, le local n’était destiné qu’à une boutique. Puis, les clients ont émis le souhait
d’une zone dédiée à un bar. Il a commencé par disposer quelques tables jusqu’à des dizaines
de places assises aujourd’hui.
Il vend également aux professionnels de la restauration, aux entreprises et organisateurs de
séminaires.
 
UNE CAVE EN LIGNE
En 2015, Flavien décide de proposer ses trouvailles dénichées un peu partout en France sur
Internet. C’est le confinement en 2020 qui aura boosté ses ventes et qui l’ont également
amené à optimiser sa gestion des stocks par une plateforme unique tant pour la boutique, le
bar que le site Internet. Cela minimise l’effort humain étant donné qu’ils ne sont que deux
avec Alison qui le supporte à mi-temps au bar à vin, en gestion de stock et animation de
réseaux sociaux. Rapidement, l’ampleur prend, le système click & collect du premier
confinement se développe et la nouvelle plateforme se voit optimisée juste avant le second
confinement.
Une importance non négligeable dans le métier de caviste, c’est le sourcing ! « Dénicher les
bons produits qui plairont aux clients est la clé de la réussite ! » Flavien Lagier choisit
régulièrement une région de France, s’y déplace, explore, prend des rendez-vous avec des
vignerons, parfois inconnus ou sur simple recommandation.
« Ici, tous les vins que je vends sont goûtés, je connais chaque histoire de vigneron et sa méthode
de travail, son environnement… Et maintenant, je les sélectionne même par rapport aux goûts de
mes clients que j’ai appris à connaître au fil des années. »
En conclusion, un petit conseil de Flavien pour devenir caviste : « N’hésitez pas à vous lancer,
indépendant ou franchisé. Il n’y a jamais de bon moment, vous dira-t-on. Il faut juste se constituer
un bon apport financier en amont et une étude de son marché pour développer sa stratégie.
Ensuite, une fois en place, il faut être à l’écoute et en veille sur le marché. Ne restons pas sur nos
acquis car le marché évolue, les goûts changent, et il faut garder une logique commerciale avec un
bon emplacement. »
A LYON : CAVISTE AU PARADIS DE LA GASTRONOMIE
Direction Lugdunum, ou plus connue aujourd’hui sous le nom de Lyon, ancienne capitale
des Gaules, et renommée pour sa gastronomie tant il y a de spécialités à découvrir. Bref,
c’est le paradis pour créer un nombre infini d’accords mets et vins.
Nicolas Rimoux vous accueille depuis son ouverture le 1er juin dans sa toute nouvelle cave,
entièrement conçue selon son état d’esprit, au cœur du 7e arrondissement. La Vigne et la
table, voilà le nom tout frais de sa boutique, au reflet de son enfance où le plaisir de la table
constitue le cœur des réunions de famille.
un parcours pas fléché du tout
GARDER SON IDENTITÉ POUR LE PLAISIR DU CLIENT
« J’ai créé mon offre, sélectionné avec qui je voulais travailler. Pendant deux ans, je visitais chaque
weekend des domaines à la rencontre des vignerons pour comprendre leur philosophie et leur
histoire. J’en profitais pour visiter amis et familles éparpillés un peu partout en France tout en
axant ces visites autour de mon projet. J’ai beaucoup ciblé de petites structures. »
Nicolas a fait un financement auprès des banques avec un apport assez important, condition
nécessaire au projet.
Ce changement de vie doit bien se préparer tant sur le plan stratégique (étude de marché,
business plan) que financier et aussi personnel. Nicolas a fait appel à une aide visant à
valider son business plan par un expert-comptable afin d’assurer sa structure juridique et sa
vision.
En parallèle, il s’est mis en quête du « lieu ». Il mène des études sur le terrain et sonde les
commerçants et les passants dans trois quartiers ciblés de Lyon. Il a opté pour le
7e arrondissement car la population y est jeune et diverse avec l’esprit de consommer mieux
et responsable. C’est un quartier en pleine mouvance qui se dynamise. Le local se trouve sur
un boulevard animé avec les transports en commun à proximité et les passants sont des
habitués de quartier et non des touristes ou professionnels de passage, ce qui ne
permettrait pas de créer une clientèle régulière.
SIMPLE À CHOISIR, FACILE À APPRÉCIER
Le local est là et il reste à le transformer au reflet de sa philosophie : « associer le plaisir de la
table au vin ». D’ailleurs, le présentoir près du comptoir le confirme avec son écrito :
« Simple à choisir, facile à apprécier ». L’idée de Nicolas est de dénicher une bouteille
géniale à petit budget pour le client.
Pour compléter cette offre, Nicolas n’a pas hésité une seule seconde à intégrer de la petite
épicerie (saucissons, petites conserves artisanales…) ce qui permet de confirmer cet amour
pour l’art de la table et de ne jamais laisser un verre de vin seul !
A terme, il aimerait développer une table d’hôtes avec des produits frais du marché en
accord avec le vin, toujours avec l’idée d’une gamme éclectique de produits. Des produits
français uniquement ? Non, pas que… chez Nicolas, ça fonctionne aussi au coup de cœur et
avec cette envie de faire voyager chacun de ses clients : « J’avais une culture très française du
vin et le programme de formation WSET m’a ouvert les yeux sur les vins du monde et l’envie de les
faire découvrir. » 
Aujourd’hui, une quinzaine de références étrangères sont présentes en boutique avec
l’objectif d’atteindre une cinquantaine d’ici quelques temps.
Quant aux étiquettes, Nicolas ne recherche pas nécessairement à pousser vers la
biodynamie ou encore les vins dits « natures » mais plutôt de mettre en valeur l’histoire d’un
vigneron qui aime la nature et la respecte.
Du coup, il peut très bien vous proposer un vin en appellation simple comme l’IGP mais dont
il est sûr de l’histoire derrière, en respect de la vigne et de la terre. « En France, la majorité des
vins sont vendus en supermarché. Alors, je dois me différencier. Néanmoins, j’ai quand même de
grands noms que je ne m’interdis pas car certaines maisons présentent de bons rapports
qualité/prix et permettent de maintenir des repères en magasin pour les clients. »
PETIT BILAN D’ÉTAPE
Après un mois d’ouverture, le premier bilan s’avère cohérent avec ses ambitions
stratégiques atteignant un panier moyen d’achat de 12 euros parmi ses 200 références
auquel vient se compléter l’offre en épicerie fine.
Nicolas observe deux comportements d’achat : ceux qui sont prêts à mettre un tarif
supérieur pour un évènement ou cadeau ou encore les entreprises (CE, départ en retraite,
célébration professionnelle…) dont le budget sera supérieur à 150 euros et les
consommateurs récurrents, hebdomadaires même, pour les moments entre amis, les
soirées ou repas en famille avec un panier de 6 à 30 euros.
J’ai également créé une boutique en ligne et un système de click & collect avec le changement
récent des habitudes consommation suite à la crise sanitaire. C’est un bon support de vente
complémentaire pour se faire connaître mais je souhaite que ça ne dépasse pas les 10% de mon
chiffre d’affaires car mon cœur de métier est de garder ce contact direct avec le client et la notion
de conseil.
Gérer une boutique en ligne est de plus très chronophage avec la maintenance des fiches
techniques, la mise à jour des références et l’aspect blogging pour conseiller virtuellement le
consommateur.
Avec la création de ce commerce, mon objectif est de faire revenir régulièrement le client en
apportant à chaque visite une nouvelle découverte. Être créatif, curieux et en constante recherche
de nouveauté pour faire déguster et animer le lieu de vente est un facteur clé de succès, conseille
Nicolas.  Il faut réussir à transmettre l’histoire du vigneron en écoutant le client (pour quelle
occasion, pour qui, à quel moment de la journée…).
VOUS AVEZ DIT FRANCHISE ?
Un caviste n’est pas une vente en libre-service comme le supermarché mais un véritable
conseiller créant le lien entre le client et le producteur. « Chez un franchisé, je vais choisir le vin
moi-même. Chez un caviste, je vais écouter l’histoire du vigneron d’abord et m’imprégner du
terroir pour apprécier la dégustation. » D’ailleurs, la franchise, Nicolas y avait pensé.
Après avoir pesé les pour et les contre, il a réalisé qu’il avait au fond de lui ce besoin de créer
son identité, de choisir ses références et de ne pas dépendre d’une centrale d’achat ni de
reverser un pourcentage sur son chiffre d’affaires.
De plus, la franchise nécessite de gros apports financiers (comptez jusqu’à 50 000€ chez
certaines marques nationales). Le défi du caviste reste quotidien quant à sa stratégie de
prix: « Être à la juste rémunération pour le vigneron et que le consommateur s’y retrouve. »
JE FAIS UNE ERREUR : JE L’ASSUME. JE BOSSE DUR : J’AI DU
SUCCÈS
En bilan de cette aventure démarrée il y a trois ans, la passion est toujours plus forte chaque
jour. A l’écoute de ses clients, Nicolas continue d’apprendre à leurs côtés et à observer
l’évolution de leurs goûts pour mieux s’adapter. Il a réalisé son rêve : casser le côté élitiste et
rendre le vin accessible au plus grand nombre.
Son conseil ? Il ne faut pas hésiter à être aventureux dans ce métier où on ne s’arrête jamais.
Il y a parfois des jours creux, sans échange, sans parole (étant seul entrepreneur) et il ne faut
pas se reposer pour autant car c’est l’occasion de réassortir le magasin, de réfléchir à ses
prochaines animations, à repenser sa gamme, à analyser et rechercher les demandes
éclectiques, à observer les types de demandes récurrentes, à sourcer des vignerons, à
communiquer sur sa marque et aussi à gérer toute la partie administrative, comptable et
logistique. 
Parfois, on se remet en question lorsque plusieurs clients vous demandent un « Cristal
Roederer » alors que vous n’en avez pas et que vous avez manqué une belle opportunité
financière. Mais, la raison vous revient : « il ne faut pas oublier ses valeurs et sa ligne de
conduite. »
Tandis que les fins de semaine sont très animées, parfois épuisantes mais énergisantes par
les nombreux échanges et demandes spécifiques de vignerons et de styles de vins sur
lesquelles il faut toujours pousser la réflexion ‘produit’ plus loin. « Les moments d’affluence en
boutique sont revigorants ! Ce nouveau métier que je me suis créé prend tout son sens quand le
client revient ».
UN MÉTIER DE COMMERÇANT
Nicolas espère pouvoir retrouver d’ici deux ans sa liberté financière et pourquoi pas,
s’agrandir avec un collaborateur afin de partager ses dégustations et coups de cœur ! En
conclusion, ouvrir un local n’est qu’une première étape d’un long chemin de création car il y
a encore beaucoup à construire.
Rien n’est acquis : il faut compléter l’offre avec d’autres activités, diversifier ses clients
(particuliers, entreprises, évènementiel, restauration et hôtels) pour limiter les risques.
Et le nerf de la guerre reste de se constituer une trésorerie robuste et pérenne tout en
assumant les charges. C’est un métier de commerçant avant tout, on ne compte pas ses heures.
On doit être prêt à faire des ouvertures exceptionnelles. Aujourd’hui, j’ai retrouvé un plaisir
quotidien. La pression existe mais elle est très stimulante. Je m’accomplis avec un apprentissage
continu et ce sentiment de transmission.
Un conseil de Nicolas si l’aventure vous tente ? Rester droit sur sa proposition de valeurs et ce
que l’on veut offrir. Garder cette ligne directrice, son identité et le tout, avec humilité !
Si il y avait une chose à refaire dans ce projet ? Essayer une expérience chez un caviste sous
forme de stage pour mieux appréhender le métier.
Audrey
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