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Les artisans de la réparation automobile face aux

constructeurs
Vers l’affirmation d’un contre-modèle
Emmanuelle Dutertre, Bernard Jullien
Dans Revue d'anthropologie des connaissances 2015/3 (Vol. 9, n° 3), pages 331 à 350
Éditions S.A.C.
DOI 10.3917/rac.028.0331
© S.A.C. | Téléchargé le 08/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.253.231.190)

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Varia

Les artisans de la réparation


automobile face aux
constructeurs

Vers l’affirmation d’un contre-modèle

Emmanuelle DUTERTRE
Bernard JULLIEN

RÉSUMÉ
Depuis une trentaine d’années, le secteur de l’entretien et de
la réparation automobile a connu de nombreux changements
économiques et technologiques. Alors que les « petits garages »
semblaient voués à disparaître, les modes de production des
services d’entretien et de réparation mobilisés par les artisans
indépendants et leur capacité à « requalifier » les processus de
production du service de réparation leur ont permis de structurer
un contre-modèle à l’origine de leur pérennité. Dans cet article,
en nous appuyant sur la théorie des conventions, nous examinons
ce contre-modèle au sein duquel les connaissances jouent un rôle
essentiel. Sur le plan technique, nous montrons que les artisans
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parviennent à accéder aux connaissances techniques nécessaires
en dépit d’un accès limité par les constructeurs. Sur le plan
marchand, nous analysons comment le maintien de ces acteurs de
la réparation se fonde sur la contestation des savoirs dominants
quant aux besoins des clients.

Mots clés : connaissances sociotechniques, réparation automobile,


convention.

Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3  331


332  Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3

INTRODUCTION
Depuis trente ans, le secteur de l’entretien et de la réparation automobile a
dû faire face à de nombreux changements, à la fois économiques, avec l’arrivée
des centres-autos et de la réparation rapide au début des années 1980, et
technologiques, avec la généralisation de l’électronique embarquée à partir
des années 1990. Ces évolutions auraient pu engendrer la disparition des
artisans, principalement les agents de marque et les garagistes indépendants,
du fait des investissements importants en termes de formation et d’outillages
qu’elles imposaient. Or, loin de disparaître, ces derniers se sont maintenus et
parviennent même aujourd’hui à gagner des parts de marché. Ainsi, en dix ans,
celles des ateliers indépendants de mécanique sont passées de 24  % à 32  %
(Groupement Inter-Professionnel de l’Automobile, 2011, 2013). Dans le même
temps, les parts de marché des réseaux de marque s’effondraient de 45 % à
35 % et celles de la réparation rapide et des centres-autos passaient de 21 % à
20 % (GIPA, 2011, 2013). Qu’est-ce qui a permis aux artisans de se maintenir ?
Pour comprendre comment ces acteurs ont réussi à résister à leur «  mort
annoncée », il est nécessaire d’analyser au plus près leurs pratiques afin de saisir
les spécificités de ce « monde de production » (Salais, Storper, 1993 ; Salais,
1995 ; Favereau, 1999).
Pour Salais, le concept de « monde de production » permet de « restituer,
dans le champ théorique et avec son langage, ce qui advient dans l’action en
train de se faire. […] Ni typologie de produits, ni, encore moins, typologie
de formes de régulation ou de tissus économiques, ces mondes résultent
d’une tentative de description de la cohérence pragmatique des registres
d’action économique correspondants. Il s’agit de rendre présente, au sens
fort du terme, la cohérence pragmatique qui donne sens et effectivité à un
registre d’action » (Salais, 1995, pp. 11-12). Selon ce même auteur, les acteurs
économiques se coordonnent à travers des jugements et des conventions qui
nécessitent de recourir à une image normative du collectif modelée par l’idée
d’un « monde commun ». La construction de ce « monde commun » repose
sur des règles plus ou moins identifiables et objectivables (les conventions)
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qui permettent à la fois de relier les acteurs entre eux et de les séparer
des autres «  mondes  » auxquels ils ne s’identifient pas. Pour appréhender
la construction de ces «  mondes de production  », Salais explique qu’il est
nécessaire d’identifier les « conventions » qui régissent le comportement des
acteurs, c’est-à-dire, comme le précise Favereau  : «  un type particulier de
règles, empreintes d’un certain arbitraire, la plupart du temps non assorties
de sanctions juridiques, d’origine obscure, et de formulation relativement
vague ou alors éventuellement précise mais sans version officielle » (Favereau,
1999, p. 166). En somme, les conventions sont des représentations collectives
d’un « monde commun justifié » qui activent des pratiques et légitiment les
arrangements locaux au sein de groupes ou d’organisations (Bessy, Favereau,
2003). Elles sont le « vecteur d’accessibilité » (Salais, 1995) des mécanismes
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sociaux et cognitifs qui organisent l’action des différentes catégories d’acteurs


de la réparation automobile.
Même si les critiques couramment formulées au sujet de l’économie des
conventions (Amable, Palombarini, 2005  ; Bessis, 2007) méritent l’attention
lorsque nous cherchons à en faire une métathéorie, ses concepts se révèlent
opératoires ici pour saisir les modes de résistance et d’organisation des artisans
de la réparation automobile face aux constructeurs et à leur modèle productif.
En effet, ce cadre d’analyse est à même de rendre compte des processus qui
ont permis leur maintien et leur croissance lors des dix dernières années et
de décentrer le regard des explications couramment énoncées. Si tel est le
cas, c’est parce que, dans leur effort quotidien pour continuer à faire vivre
leur entreprise, les artisans de la réparation ont créé des manières spécifiques
de traiter les véhicules et les clients qui ont entre elles et vis-à-vis de leur
environnement une cohérence propre. Nous formons l’hypothèse que ce que
nous désignons ici comme « conventions », propres au secteur de la réparation
automobile, a joué un rôle essentiel dans le maintien des artisans face à la
concurrence des concessionnaires et des centres-autos. Ces « conventions »
ont rendu possible la circulation des savoirs techniques devenus complexes et
de moins en moins accessibles suite à l’évolution technologique des véhicules
en en constituant des modes d’interprétation et d’appropriation alternatifs.
Elles ont également autorisé un processus de prise en charge du client aux
antipodes de celui imposé par les marques.
En retenant cette interprétation, nous faisons alors ressortir l’existence
d’un « monde de production » alternatif (Salais, Storper, 1993) à celui de la
réparation automobile dominé par les constructeurs automobiles. Celui-ci
tend à constituer un «  contre-modèle  », c’est-à-dire une manière différente
de stabiliser un lien étroit entre les conditions de production du produit –
le service après-vente automobile – et la demande des clients. En examinant
la manière dont les garagistes ont élaboré ce lien, nous serons en mesure
d’indiquer comment l’appartenance à ce « monde de production » contribue
à définir les contours d’une offre de service différenciée par rapport à celle
de leurs concurrents et à permettre le maintien, voire la croissance, de la
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réparation automobile dite « artisanale ».
Ainsi, la seconde hypothèse que nous défendons dans cet article est que
cette résistance au « modèle dominant » de la réparation est due à l’existence
d’un «  monde de production artisanal  » capable de constituer un «  contre-
modèle » face à celui des constructeurs et des centres-autos. Nous examinerons
ici deux éléments constitutifs de ce contre-modèle : l’accès au savoir technique,
notamment par le biais d’un appareillage, en dépit d’un accès limité par les
constructeurs et le contournement de la politique commerciale des marques
qui entend énoncer la façon dont il convient de prendre en charge la demande
du client.
Cette analyse des mutations de la réparation automobile est le résultat
d’une enquête menée entre 2011 et 2012 auprès de 21 garagistes exerçant leur
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activité principalement en Bretagne et en Pays de la Loire1. Notre échantillon se


compose en majorité d’agents de marque (15) et de six Mécaniciens Réparateurs
Automobile multimarques (MRA). Au cours de ces entretiens, réalisés le plus
souvent avec le gérant du garage sur son lieu de travail, nous avons abordé
l’histoire de l’entreprise, ses différentes activités, son marché et la façon dont
son travail a évolué au cours des années. Ce questionnement a porté plus
précisément sur l’évolution technique ainsi que sur les changements observés
quant aux besoins de la clientèle sur les différentes activités auxquelles se livre
le professionnel.
Comprendre comment les artisans de l’après-vente automobile ont réussi à
résister à leur éviction implique de saisir comment s’organisent les acteurs au
sein de ce « monde » (1.1), en quoi consistait précisément la menace qui pesait
sur certains d’entre eux et comment ces derniers l’ont déjouée. Pour cela,
nous revenons sur l’évolution des produits et des exigences professionnelles
associées (1.2). Nous cherchons ensuite à comprendre comment le jeu des
coopérations entre garagistes a permis un traitement alternatif des automobiles
modernes (1.3). Enfin, nous montrons que les connaissances commerciales, qui
permettent l’identification des « besoins du client », sont au cœur du processus
de requalification des normes commerciales entrepris par les artisans (II).

1. CONTOURNEMENT DES CONDITIONS


D’ACCÈS AUX CONNAISSANCES
TECHNIQUES

1.1. Le monde de la réparation automobile et ses acteurs


Pour comprendre l’organisation économique et sociologique dans laquelle
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s’insère notre enquête, il est nécessaire de clarifier la composition de la
réparation automobile qui se divise en trois types d’acteurs : la « réparation
moderne », les « réparateurs agréés de niveau 1 » et les « artisans garagistes ».
La réparation moderne, désignée ainsi car directement issue de la grande
distribution, est apparue en France à la fin des années 1970. Elle se compose
des centres-autos (Norauto, Feu Vert, etc.) et des chaînes de réparation rapide
(Speedy, Midas). Si, à l’origine, ces entreprises ne proposaient que des opérations
d’entretien courant sans rendez-vous (remplacement de pièces d’usure), elles

1 Ces entretiens ont été menés par les auteurs, ainsi que par Lucie Jacoutot et Nolwenn Milon,
toutes les deux alors étudiantes en Master II, dans le cadre d’une étude réalisée pour le ministère
de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (MEDDTL), intitulée
«  Anciens et nouveaux services automobiles dans la transition vers une mobilité décarbonée  »
(2012).
Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3  335

ont aujourd’hui étendu leurs offres à la réparation mécanique multimarque et


aux opérations de diagnostic de la panne.
Les réparateurs agréés de niveau 1, également appelés « concessionnaires »,
sont des investisseurs privés directement liés au constructeur par un contrat.
L’activité principale de ces entreprises consiste à vendre des voitures neuves
et à proposer des services d’entretien et de réparation en se conformant à un
ensemble de règles et de normes imposé par les marques qu’elles représentent.
Les biens et services qu’ils vendent sont d’abord focalisés sur leurs marques2.
Ces concessionnaires sont également chargés par le constructeur d’animer le
réseau secondaire affilié à la marque, qui est constitué des « réparateurs agréés
de niveau 2 », plus communément appelés « agents de marque ».
Les artisans garagistes se composent à la fois des agents de marque et
des mécaniciens réparateurs automobiles (MRA). Les premiers sont affiliés
indirectement3 à un constructeur et les seconds sont des réparateurs
généralistes indépendants4. Les agents de marque et les MRA ont de nombreux
points communs qui font que nous les associerons dans ce texte au « monde
de production » des artisans. En effet, si les agents de marque doivent, pour
être « agréés », se conformer aux prescriptions des constructeurs concernant
à la fois l’architecture du garage, l’outillage, les référents techniques, etc., ils
conservent de facto une importante marge de liberté dans le «  traitement  »
du client. À la différence de concessions et bien qu’affiliés à une marque, les
agents de marques sont le plus souvent, comme les MRA, des réparateurs
multimarques car ils ne pourraient pas survivre en ne traitant que les véhicules
de « leur » marque. De ce fait, comme les MRA, ils doivent pouvoir accéder
aux connaissances et aux dispositifs techniques des autres marques s’ils veulent
maintenir leur expertise multimarque. L’un et l’autre appartiennent à la catégorie
des très petites entreprises avec des effectifs généralement inférieurs à dix
salariés. Bien que leurs activités principales restent l’entretien et la réparation
automobile, nombre d’entre eux se livrent également à une activité de vente
de véhicules neufs ou d’occasion. Cette communauté identitaire et d’intérêt est
assez explicite puisqu’au sein de l’organisation patronale, le Conseil National des
Professions de l’Automobile, il existe, à côté de la « branche concessionnaire »,
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une branche commune aux « agents et indépendants ». En 2010, on dénombrait
14  600 MRA, 10  630 agents de marque, 4  575 concessionnaires et 2  080
centres-autos et ateliers de réparation rapide (Autorité de la Concurrence,
2012, p. 15).

2 Même s’ils peuvent disposer d’outils multimarque leur permettant d’intervenir sur une autre
marque, ils sont moins compétitifs sur la pièce de rechange du fait de la faiblesse des volumes.
3 Les agents sont liés aux concessionnaires par le biais d’un contrat.
4 Néanmoins, certains peuvent être affiliés à une enseigne animée soit par des distributeurs de
pièces de rechange indépendants (Autodistibution, Starexcel…), soit des équipementiers (Bosch,
Delphi), soit des constructeurs (Motrio pour Renault, Motorcraft pour Ford…). Le cahier des
charges de ces enseignes est plus ou moins exigeant.
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Généralement, le maintien des artisans est expliqué par le vieillissement de la


structure du parc automobile5 (Gaultier, 2003). Pendant de nombreuses années,
la structure du marché de la réparation automobile se définissait principalement
en fonction de l’âge du véhicule. En effet, traditionnellement les concessions
interviennent sur les véhicules les plus récents (0 à 4 ans) car c’est auprès
d’elles que les conducteurs acquièrent leur véhicule neuf. Les concessionnaires
assurent l’entretien de la voiture le temps de la garantie. Ensuite, on constate
que, plus le véhicule devient âgé, moins le conducteur consent à dépenser de
l’argent pour sa réparation et son entretien, et plus il aura tendance à se tourner
vers les réparateurs indépendants dont les prestations peuvent être de 16 % à
30 % moins chères (Autorité de la Concurrence, 2012, p. 11). La concurrence
entre les constructeurs et les artisans est désormais plus vive, du fait notamment
des gains de parts de marché des réparateurs indépendants, particulièrement
sur le segment des véhicules de 3-4 ans (Autorité de la Concurrence, 2012).
Cette progression des artisans, en dépit de la complexité technologique des
véhicules, a de quoi surprendre. En effet, les évolutions techniques ont été
de très grande ampleur et de nature à provoquer une mutation des savoirs
professionnels que nous retraçons dans la partie qui suit.

1.2. Mutation des savoirs professionnels


Pour réduire les émissions polluantes, on assiste, à la fin des années 1970, à
l’adoption de nouvelles réglementations. Les constructeurs mettent alors au
point des dispositifs électroniques d’optimisation des paramètres d’injection.
Ils s’étendent progressivement à l’ensemble des gammes, en même temps qu’ils
concernent une proportion croissante du parc ancien traité par les artisans.
Avec l’électronisation, l’identification des pannes impose alors l’utilisation
d’un boîtier qui, connecté aux calculateurs dont sont dotées les automobiles,
indique les problèmes à traiter6. Cet appareil, qui se présente sous la forme
d’un écran et d’un clavier portable, permet d’accéder au système mécanique
devenu complexe et de moins en moins directement accessible (Borg, 2012).
Ces évolutions ont eu pour effet de substituer au savoir-faire traditionnel,
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qualifié par Borg de « viscéral » car fondé sur des connaissances sensorielles
(Dant, 2010), un savoir «  appareillé  », où seul l’outil de diagnostic offre un
accès au système mécanique  : «  Les garagistes n’avaient qu’à regarder pour
découvrir des parties extérieures endommagées, des câbles distendus, des
fuites de liquides, et autres problèmes de ce type. Ils pouvaient détecter les
anomalies du moteur à l’oreille, constater l’usure des paliers à l’œil nu, et
s’assurer de la bonne combustion en sentant l’odeur des bougies (Borg, 2012,

5 L’augmentation de l’âge moyen des véhicules, qui passe de 6 ans en 1985 à 8,3 ans en 2012, ainsi
que l’accroissement de la part des véhicules d’occasion dans l’équipement des ménages auraient
favorisé les artisans au détriment des concessionnaires ou des centres-autos.
6 Progressivement, les changements de pièces d’usure, voire les changements de pneumatiques,
imposeront à leur tour d’accéder aux calculateurs.
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p. 29). Certes, dans leur pratique quotidienne, les réparateurs mobilisaient déjà
un certain nombre d’appareils de mesure et d’outils, mais ces outils ne faisaient
que prolonger les aptitudes naturelles de leur corps (Borg, 2012). L’outil de
diagnostic s’y substitue.
Les garagistes interrogés témoignent de ce changement qu’ils ont vu
s’opérer :
« L’évolution technologique, sur les pannes, ce n’est plus la même chose
[...]. Avec une lampe témoin on arrivait à faire démarrer une voiture. Mais,
maintenant, c’est terminé. Quand ça ne veut pas démarrer, la première
chose à faire, c’est de regarder avec l’outil de diagnostic. Il n’y a pas de
solutions. Ce n’est plus le même métier, c’est sûr.  » (Agent Renault,
7 salariés)

Pour reprendre l’analyse de Borg (2012), le secteur de la réparation


automobile est passé d’« une ontologie claire » à « une ontologie peu claire »
définie par des « technologies qui sont difficiles, voire impossibles à saisir dans
leur fonctionnement par le biais d’une expérience sensorielle directe » (Borg,
2012, p. 22). Pour Borg, quand l’ontologie était claire, les artisans conservaient
la maîtrise technique  ; quand l’ontologie devient peu claire, seule l’expertise
extérieure peut lever les incertitudes, donner les clés et prescrire les opérations
à effectuer.
En étant le seul moyen d’accéder aux organes, l’outil de diagnostic est devenu
progressivement le « compagnon » indispensable du garagiste. Cette évolution
s’est accompagnée d’une rétention des connaissances techniques de la part
des constructeurs automobiles : dès lors que ce sont eux qui paramètrent le
produit et les différents dispositifs par lesquels la réglementation exige qu’ils
optimisent son fonctionnement, ils peuvent tenter d’énoncer qui peut intervenir
sur les véhicules et comment. Ils vont alors chercher à limiter la diffusion des
informations et des méthodes nécessaires pour entretenir et réparer « leurs »
automobiles aux seuls garages affiliés à la marque (Mallard, 1999). Borg tient
pour acquise la réussite de cette entreprise lorsqu’il écrit :
« L’automobile informatisée a donné un avantage clair aux concessionnaires
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dans le domaine de la réparation, à la fois en termes de rapidité d’accès
aux données utiles à la réparation et de coûts des outils, programmes
et équipements nécessaires à la réparation d’une marque spécifique,
empêchant ainsi la concurrence du secteur indépendant.  » (Borg, 2012,
p. 39)7

Toutefois, le risque de voir ainsi émerger des situations monopolistiques est


très tôt identifié. Le droit de la concurrence va permettre de contourner en
partie cet obstacle. Ainsi, la réparation indépendante sera formée à l’utilisation

7 Le point de vue de Borg est à la fois très représentatif de la réalité du risque d’éviction que
nous décrivons et très « américain » car il se réfère implicitement à un paysage où les réseaux de
marques ne sont constitués que des concessionnaires (les « dealers ») et où le « monde » des petits
garages – peuplé en partie d’« agents de marques » – n’existe plus.
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de ces appareils et aux connaissances génériques nécessaires à la réparation des


véhicules de plus en plus sophistiqués. Soutenus par les droits de la concurrence
américains et européens (Jullien, 2008), les fabricants d’équipements ont mis au
point des valises de diagnostic multimarque à destination des indépendants.
Mais ces dispositifs génériques d’accès à ces nouvelles connaissances ne suffisent
pas toujours. Sur des pannes spécifiques comme des pannes d’injection, l’outil
multimarque ne parvient pas toujours à en détecter l’origine ou suppose
d’y consacrer beaucoup de temps. Ceci conduit également parfois à des
contentieux lourds et coûteux autour de l’accès aux « codes » dont ont besoin
les garagistes pour reparamétrer les dispositifs (Guillemin, 2012). De plus, il ne
suffit pas toujours de se conformer aux indications de l’appareil. Des erreurs
se produisent et des incertitudes demeurent. Par exemple, les pannes dites
« fugitives » qui se produisent uniquement en cours de roulement ne sont pas
toujours identifiables par l’outil de diagnostic une fois le véhicule immobilisé au
garage (Mallard, 1999).
Aussi, la thèse de Borg (2012) est la conviction partagée depuis les années
1990 : beaucoup de petits garages vivent leurs dernières heures. Il est certain,
pensent les constructeurs et les acteurs de la grande distribution, que les plus
âgés des garagistes et/ou les plus petites des affaires ne sauront faire ni l’effort
de formation ni l’effort d’investissement nécessaires pour traiter les nouvelles
générations de véhicules (Gaultier, 2003). Les chiffres leur donnent en partie
raison puisqu’entre 1991 et 1995, le nombre d’agents diminue de 14,6 % mais
se stabilise ensuite8. Tous les garages n’ont pas réussi à opérer la mutation
requise car elle était de très grande ampleur. Il n’en reste pas moins que les
survivants sont nombreux et gagnent des parts de marché (GIPA, 2011, 2013).
Le fait d’avoir pu conserver leur expertise technique, quel que soit le véhicule
à réparer, a joué un rôle essentiel dans leur maintien. En enquêtant auprès des
professionnels, nous pouvons retracer comment ils y sont parvenus.

1.3. La coopération entre entreprises comme condition


d’accès aux connaissances techniques
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Hormis le réseau formel que constitue l’affiliation aux marques des agents, © S.A.C. | Téléchargé le 08/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.253.231.190)

les garagistes ont régulièrement recours à un réseau informel constitué de


professionnels associés à une autre marque. Ce réseau permet d’échanger des
savoirs et des services. Il est mobilisé en particulier lorsque l’artisan ne parvient
pas à identifier la panne. Un agent Citroën explique ainsi :
« Quand il y a quelque chose à faire de spécifique, Ford par exemple, je
vais chez un collègue Ford, je le fais moi-même et je le refacture derrière.
En fait, on sous-traite sur du diagnostic précis. Il nous arrive d’aller chez
Volkswagen ou chez Ford pour du diagnostic précis. Parce que déjà on n’a

8 Autofocus, n° 1, septembre 1997, Observatoire ANFA : http://www.anfa-auto.fr/observatoire


Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3  339

pas forcément les outillages, parce que ce sont des outillages importants,
qui coûtent cher et qu’on a peu l’occasion d’utiliser, donc ce n’est pas très
intéressant d’en acheter. » (Agent Citroën, 5 salariés)

Cette forme d’échange de savoirs, qui peut être ou non facturé au garage
demandeur, est pratiquée par la plupart des professionnels, quelle que soit leur
marque d’appartenance, comme cet agent Peugeot qui résume :
«  On a un petit réseau d’entente, professionnel on va dire, différentes
marques. Au même titre qu’eux nous amènent les Peugeot.  » (Agent
Peugeot, 11 salariés)

Les garagistes non affiliés à des marques (MRA) ont également accès à ce
réseau d’entraide informel :
«  On a des garages qui sont spécialistes Renault, d’autres qui sont
spécialistes dans d’autres marques. Donc, quand ils ne sont pas spécialisés
Renault, Citroën, ils viennent chez nous. Quand nous on a un problème
dans les véhicules Renault, on va chez Renault. Après, il faut aussi avoir sa
petite toile d’araignée de connaissances pour pouvoir répondre à toute la
demande. C’est complètement transparent. On s’occupe de tout ici. Même
si nous, on demande des renseignements techniques à d’autres collègues,
c’est quand même nous qui gérons ici. On ne peut pas rester en autarcie,
seul. Ce n’est pas possible, on n’a pas tout l’outillage, on n’a pas toute la
technicité… » (MRA, 6 salariés)

Le professionnel décrit une pratique courante et très régulièrement


réitérée : chacun sait qu’il peut aller chez son collègue et qu’il y trouvera le
soutien technique et professionnel nécessaire pour réparer le véhicule confié
et, réciproquement, chacun sait pouvoir être sollicité. Chaque jour, chacun
constate combien fonctionner ainsi lui est utile et lui fait faire d’économies :
une convention de coopération, soit un « système d’attentes réciproques sur
les compétences et les comportements, conçus comme allant de soi et pour
aller de soi » (Salais et Storper 1993, p. 31) est à l’œuvre. Ces accords viennent
corriger l’asymétrie d’information. Ils sont bien « d’un point de vue pragmatique,
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le résultat d’expériences collectives sur les possibilités de coordination face à
des problèmes collectifs » (Diaz-Bone et Thevenot, 2010, p. 5), c’est-à-dire, dans
le cas présent, auxquels chaque professionnel est susceptible d’être confronté.
L’accès aux savoirs, soit par le biais des outils de diagnostic, soit par l’expérience
qu’un collègue peut avoir de la marque et des pannes récurrentes, a constitué
pour le « monde » dont nous parlons une ressource clé. Cette convention de
coopération agit en effet comme une ressource productive qui permet aux
garagistes de ne pas être soumis aux contraintes de coûts d’équipement et de
formation imposées par les marques tout en maintenant leurs compétences. Le
recours à ces « connaissances collectives » a également été observé par Julian
Orr (1996) chez les réparateurs de photocopieurs. L’auteur montre comment,
pour résoudre les pannes, la «  communauté professionnelle  » constitue un
340  Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3

lieu de partage où s’échangent oralement et de manière informelle et parfois


anecdotique des trucs, des astuces, permettant aux techniciens de gagner du
temps. C’est également le moyen d’actualiser leur connaissance technique des
machines et de maintenir leur expertise (Orr, 1996).
L’existence de ces conventions de coopération renvoie aussi au fait que les
professionnels ne se vivent pas comme étant en concurrence les uns avec les
autres, comme le reconnaît un agent :
«  Les autres garages avec des panneaux comme nous, on est plus
complémentaires que concurrents. Même s’il y a de la concurrence. Je fais
des Renault et il y a un collègue Renault dans le centre qui fait des Citroën.
De toute façon, je n’arriverais pas à satisfaire 100 % des clients Citroën. »
(Agent Citroën, 6 salariés)

Leur problème quotidien est de réparer les véhicules de « leurs » clients,


quels que soient sa marque et son âge au détriment de leurs concurrents.
L’essentiel de leur tâche est donc de gérer au mieux les flux de clientèle et de
donner la meilleure qualité de service pour la fidéliser. Les pratiques observables
dans l’après-vente correspondent à une coopération entre professionnels qui
évitent la mise en concurrence directe et peuvent ainsi à la fois trouver des
ressources chez leurs collègues et offrir un accès à celles dont ils disposent.
Ces relations de coopération peuvent également s’étendre aux concessions.
Il peut arriver qu’un MRA s’adresse directement à la concession avec laquelle
il est potentiellement en concurrence. Si, même avec les concessions, cette
manière de voir prévaut de part et d’autre, c’est pour deux raisons principales.
D’abord, les concessionnaires vendent des pièces aux artisans. Ils ont donc
besoin qu’ils maintiennent leur activité. Ensuite, comme tous les professionnels
de l’après-vente, les concessionnaires savent combien importe la proximité. Ils
savent dès lors qu’ils ne peuvent pas couvrir ce besoin avec leurs ateliers pour
une part des véhicules du parc. Cette coopération entre concurrents repose
ici sur des règles de partage de marché observées également dans d’autres
secteurs d’activité comme dans celui du bâtiment ou du mareyage (Lazega,
2009 ; Le Velly, 2012). Cette convention de coopération est structurante du
monde de production artisanal que nous mettons en avant. Elle est conforme à
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cette formule de Salais qui veut intégrer les conventions comme des « vecteurs
d’accessibilité » à un monde possible. Pour mieux la saisir, il faut souligner qu’il
ne suffit pas d’appartenir au secteur de la réparation automobile pour être à
même de l’activer.
La convention n’est pas seulement un usage auquel se conformeraient
automatiquement les acteurs ou qui s’imposerait à eux. Par exemple, ces formes
de coopération obéissent à des règles concernant le choix du professionnel
avec lequel il est possible de coopérer. En témoigne le point de vue de cet
agent Opel :
« Il y a un garage [Feu Vert], deux, trois fois il a fait la chose suivante : il
a fait des entretiens sur des voitures et puis il devait y avoir un voyant
qui s’allumait par exemple […]. Il a dit : “Vous allez chez Opel, vous leur
Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3  341

demandez ce qu’il y a et puis vous revenez me voir.” Ça n’a pas fonctionné.


Alors j’ai dit au petit gars [que Feu Vert m’avait envoyé] : “Je veux bien
qu’on le fasse mais si on vous le fait, c’est nous qui réparons ou alors vous
demanderez à Feu Vert ce qu’il y a, il me fait un bon de commande, mais
il paie.” Non, quand même, faut pas exagérer. » (Agent Opel, 5 salariés)

Le refus de répondre à la demande de ce client envoyé par le centre-auto


renvoie d’abord aux règles qui régissent les échanges de savoirs et que ne
respecte pas ici le centre-auto. Comme nous l’avons vu précédemment, ces
coopérations se déroulent d’abord entre professionnels. Le client est tenu
à distance de ces arrangements. D’abord, parce qu’on peut supposer qu’en
l’orientant vers un autre professionnel, le garagiste court le risque que le client
lui échappe. Ensuite, en affichant son incapacité à résoudre une panne, l’artisan
pourrait être disqualifié aux yeux du client, car l’enjeu pour lui est de continuer
à apparaître comme un réparateur multimarque. Par ailleurs, même si, comme
évoqué précédemment, ces échanges de savoirs entre professionnels peuvent
être facturés, la référence ici au « bon de commande », inscrit la demande du
centre-auto dans un processus formel et officiel, très éloigné des modes de
fonctionnement spontanés et informels qui régissent ces échanges de savoirs
entre les artisans. Par cette mise à distance, le centre-auto ne peut activer la
convention de coopération et se trouve exclu du monde de production qui lui
est associé. La suite du témoignage de ce même garagiste précise en quoi, selon
lui, la pratique professionnelle du centre-auto se distingue de la sienne :
« Parce que c’est des gens qui font de l’automobile comme nous mais à
la différence d’eux, nous, on a une approche technique de nos produits
automobiles et eux, c’est une approche commerciale. Nous, quelque part,
même certainement on est trop technicien. Mais eux, ils seraient peut-être
un peu trop commercial. » (Agent Opel, 5 salariés)

La sélection du partenaire d’échange repose sur la définition d’une


identité commune. Pour les artisans, cela se traduit par l’appartenance à un
même monde de production au sein duquel la «  technicité  » est mobilisée
comme référence centrale. À l’approche, qu’ils jugent comme essentiellement
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commerciale des centres-autos, les artisans opposent leur expertise technique.
La revendication d’une qualité de « technicien », que les artisans dénient à la
réparation rapide, renvoie au fait qu’en devenant des acteurs plus polyvalents,
la réparation moderne a fait converger lentement son modèle vers celui de la
« polyvalence de proximité » incarné par les MRA (Jullien, 1998). C’est cette
prétention que les artisans dénient ici aux centres-autos : en refusant d’étendre
à ces professionnels la convention de coopération qui leur permettrait d’être
réellement aussi compétents que ce qu’ils prétendent, les artisans les empêchent
de le devenir facilement. Par ailleurs, cette catégorie de professionnels,
assimilée à de «  nouveaux entrants  », cherchant explicitement à gagner des
parts de marché, déroge à la règle de partage des marchés sous-jacente à la
mobilisation de la convention de coopération. C’est aussi en cela qu’ils sont
342  Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3

jugés par les artisans comme étant des « commerçants ». Ils ne peuvent dès
lors être éligibles à une convention qui perdrait son bien-fondé économique.
Une nouvelle fois, il s’agit là d’un régime d’action cohérent économiquement.
Le fait qu’en soient exclus les centres-autos renvoie au fait que leur inclusion
menacerait cette cohérence.
Le monde de la réparation automobile artisanale et sa remarquable résilience
face à la volonté des constructeurs de défendre « leurs » ateliers – c’est-à-dire
ceux de leurs concessionnaires  – face aux évolutions technologiques et aux
« nouveaux entrants » ne sauraient toutefois être expliqués seulement par la
faculté d’intégration des changements technologiques. Le maintien de ces artisans
de la réparation se fonde également sur la contestation des savoirs dominants
quant aux besoins des clients véhiculés par les services des constructeurs et de
la réparation moderne. Afin de saisir en quoi la prise en charge de la demande
des clients par les artisans se distingue de celle prescrite par les constructeurs,
nous examinerons d’abord les principales caractéristiques sur lesquelles repose
la figure du client diffusée par les marques (2.1) puis nous analyserons la façon
dont les artisans requalifient les processus prescrits par les constructeurs (2.2).

2. CONNAISSANCES COMMERCIALES ET
CONTESTATION DES BESOINS DU CLIENT

2.1. La « figure du client » au cœur de la rhétorique


constructeur
L’innovation commerciale qui devait peu à peu détourner les clients des
artisans est apparue avec l’émergence d’offres issues de la réparation rapide
dès les années 1980. En s’attaquant au marché de remplacement des pièces
d’usure9, celle-ci propose alors aux automobilistes de venir sans rendez-
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vous effectuer ces opérations en sachant d’avance ce qui leur en coûterait. Ils
proposent un modèle de transparence et de concurrence qui semble simplifier
l’après-vente automobile. Très vite, les constructeurs ont perçu ces nouveaux
entrants comme une menace (Chanaron et Jullien, 1999). Pour la contrer, ils
ont exigé des « politiques de marques » en après-vente beaucoup plus cadrées
et rigoureuses qu’ils ont cherché à déployer de manière uniforme au sein du
réseau (Jullien, 2001). Parallèlement, sous l’influence du « modèle japonais » et
de sa « lean production » (Jullien et Pardi, 2015), le discours des constructeurs
automobiles a, à la même période, placé discursivement l’industrie sous
« l’autorité » du client et de ses besoins (Benghozi, 1998). Émerge alors ce que

9 Essentiellement échappement, plaquettes de frein, amortisseurs, pneumatiques.


Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3  343

Cochoy (2002) appelle le « client qualité ». Selon l’auteur, il s’agit « à la fois
[d’] une personne dotée de droits spécifiques et capable de les faire valoir […]
et [d’] une figure rhétorique mobilisée dans les politiques de qualité menées
au nom du client (le client de qualité au sens de client de la Qualité-telle-que-la-
conçoit-la-gestion) » (Cochoy, 2002, p. 368). Il deviendra une figure rhétorique
centrale de la politique commerciale des entreprises. La poursuite de la qualité
en vue de satisfaire le client donnera naissance à des process auxquels les
concessions, et les agents dans une moindre mesure, devront se conformer.
L’émergence du marketing relationnel à la fin des années 1980, en opposition
au marketing transactionnel qui domine alors le secteur, achèvera ce processus
(Cornette et Pontier, 2001). Le client, présenté comme un être susceptible
d’être séduit par «  la concurrence  », doit être fidélisé. Il faut alors gérer la
relation client. L’approche relationnelle suppose une personnalisation de la
relation qui repose sur une parfaite connaissance du client et de ses besoins.
Le « programme de marketing relationnel » qui se met en place se décline alors
au sein des différentes fonctions de l’entreprise dont l’après-vente (Kniebihler
et Giaoui, 1998).
La marque est le premier élément essentiel de ce programme prôné par
les constructeurs et que vivent les agents lorsqu’il s’agit par exemple de se
conformer aux standards architecturaux de la marque. C’est par le biais de
concepts architecturaux comme la Blue Box (pour Peugeot) ou Renault Store,
que chaque constructeur déploie au sein de son réseau ses standards, c’est-à-
dire ce à quoi le concessionnaire ou l’agent devra se conformer. Il s’agit à la fois
de la taille du logo, de la couleur du carrelage ou de la disposition des différents
services. Pour les constructeurs, cette politique vise à rassurer les clients,
chaque point de vente et d’après-vente étant des « relais » du constructeur et
une extension de « l’univers » de la marque autour d’une même signalétique.
Le concept architectural s’accompagne également d’une prise en charge du
client selon un process, comme l’explique un agent :
«  La Blue Box, ce n’est pas qu’une couleur de bâtiment. C’est tout un
cheminement du client à travers, et des process de services.  » (Agent
Peugeot, 11 salariés)
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Initialement construite autour du client « acheteur de véhicule neuf », cette
politique client s’est largement étendue aux services après-vente. Lors de sa
venue, le client fait l’objet d’une prise en charge permettant de répondre à ses
besoins tels qu’ils sont ex ante identifiés par la marque. Ont ainsi été définies des
règles de prise en charge en après-vente et des règles applicables aux différentes
catégories d’opérations d’entretien ou de réparation. Ensuite, à l’atelier, les
compagnons doivent se référer aux conseillers techniques, seuls à même de
traiter les opérations plus complexes et seuls habilités à appeler les hotline des
constructeurs s’ils n’y parviennent pas. La division du travail que permettent
les structures plus grandes qu’ont promues les constructeurs a remis en cause
de la polyvalence des opérateurs après-vente et facilité la normalisation de
344  Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3

leurs pratiques. Ne pas s’y conformer devient petit à petit problématique


financièrement car l’artisan court alors le risque de se voir refuser par exemple
la prise en charge par le constructeur d’une opération sous garantie. De même,
la proposition d’un véhicule de remplacement ou le fait de rappeler un client
sous 48  heures figurent parmi les actions que doit réaliser le service après-
vente au risque de voir sa note « Qualité Service Après-vente » baissée ainsi
que la prime correspondante versée par le constructeur.
Les agents sont, dans un premier mouvement, reconnaissants à «  leurs
constructeurs » des avantages qu’apportent les services et les exigences ainsi
proposés :
«  Moi, je suis agent Peugeot depuis 1991. À chaque fois, j’ai suivi les
politiques des constructeurs, de notre constructeur, et à chaque fois cela
m’a été favorable. Ça a été favorable en service client, donc aux clients
aussi. Ça a été favorable au développement de l’entreprise et ça nous a
toujours assuré une belle pérennité. » (Agent Peugeot, 11 salariés)

Ils expriment aussi, dans un second mouvement, un certain agacement face


aux exigences que cette affiliation suppose. En témoigne cette remarque d’un
agent :
« Là j’ai mis 500 000 euros pour faire un beau bâtiment en Blue Box, ça
fait déjà quatre ans qu’ils ont changé de couleur et là ils me redemandent
15 000 euros pour faire lever la patte au lion… […] ils ont mis la patte un
petit peu plus haut. Non, mais je leur ai dit ça l’autre fois. C’est la vérité
mais il faut supporter ça. » (Agent Peugeot, 8 salariés)

Ainsi, si la stratégie marketing des constructeurs rencontre généralement


peu d’opposition au sein des concessions, elle est plus volontiers contestée par
les agents de marque. Le traitement de la demande du client tel qu’il est promu
par les constructeurs n’est en effet pas celui qu’ils perçoivent comme opportun.
Pour cela, ils proposent une autre façon de prendre en charge le client.

2.2. Requalification des besoins du client par les artisans


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Les savoir-faire sociaux et interactionnels sont au centre de la relation
commerciale que l’on retrouve dans nombre de TPE (Mallard, 2011). C’est en
exhibant le caractère inapproprié du traitement constructeur et de la réparation
moderne au client que l’artisan engage ce processus.
Un agent explique ainsi que « son constructeur » exige que les véhicules de
« courtoisie », c’est-à-dire les véhicules prêtés au client lorsque son véhicule
est immobilisé pour être réparé, soient des véhicules récents de la marque. Il
est alors nécessaire de traiter le prêt du véhicule comme on traite une location
courte durée  ; il faut signer un contrat et faire avec le client «  le tour du
véhicule  » au départ comme au retour. Du point de vue de l’agent, l’enjeu
pour le client n’est pas d’avoir une voiture neuve et présentable ou de pouvoir
Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3  345

essayer un nouveau modèle, mais de gagner du temps en donnant ses clés en


même temps qu’on lui confie celles du véhicule qui va le « dépanner » pour la
journée. Il n’applique donc pas le process constructeur, mais il réduit ses coûts
et satisfait mieux le besoin du client qu’il a « requalifié » grâce à la connaissance
relativement fine qu’il a de ses attentes :
« On n’est pas comme dans les concessions où on a des parcs de voitures
toutes neuves de courtoisie, ce sont des voitures plus anciennes mais les
gens, ça leur coûte zéro. Ça m’est arrivé il y a encore peu de temps  :
quelqu’un me dit : “Ah la voiture elle n’est pas sensationnelle.” Je lui dis :
“O.K., pas de problème, je vous prête une voiture propre, super-nickel,
très récente, par contre on va faire le tour, je vais passer cinq minutes avec
vous, quand je vais vous la laisser, le plein va être fait. Quand vous allez
revenir, on va repasser cinq minutes autour. Et là… le quart d’heure qu’on
aura pris ensemble, je vous le facture”, “Oh ! Non, je préfère une autre
voiture !” » (Agent Peugeot, 14 salariés répartis sur 3 sites)

Ce refus par les professionnels de proposer des services standardisés les


conduits à réaliser ce que Mallard (2011) appelle un « appariement singulier »
qui consiste à redéfinir les « préférences de l’acheteur de façon à le conduire
vers un bien qui soit à la fois compatible avec l’intention de consommation
et présent dans l’offre  » (Mallard, 2011, p.  99). Un agent explique ainsi que,
bien que contraint de vendre des voitures neuves de sa marque, il n’hésitera
pas à proposer «  dans l’intérêt du client  » un véhicule d’occasion si l’offre
lui semble plus adaptée à ses besoins ou à son budget. Cette notion renvoie
également à celle de transaction singulière où « les biens économiques et son
acquéreur sont spécifiquement adaptés l’un à l’autre » (Mallard, 2011, p. 83).
Cet ajustement de l’offre et de la demande est pour Dubuisson-Quellier (2003)
au cœur de la relation commerciale des très petites entreprises.
Aux «  labels qualité  » mis en place par le constructeur, ils opposent la
relation de confiance fondée sur un marketing relationnel qui ne dit pas son
nom mais qui apparaît tout aussi efficace. Ainsi, là où, pour les constructeurs
automobiles, la marque constitue une promesse de qualité, elle apparaît
aux yeux des professionnels comme secondaire. Ainsi, sur le domaine, très
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homologue du véhicule d’occasion, un agent Peugeot affirme :
« J’ai une licence Occasion du Lion. Mais ça ne me sert pas à grand-chose
[…] le client final il s’en fout. Je pense qu’il s’en fout. […] Alors, soit la
personne du secteur qui nous connaît elle achète une voiture, c’est une
[nom du garagiste], qu’elle soit Peugeot, Renault… elle nous fait confiance
dans notre vision. Après, il y a des gens, le panneau Peugeot va nous aider
mais qu’il y ait une sous-licence « Occasion du Lion »… le client final n’y
connaît rien du tout. » (Agent Peugeot, 14 salariés répartis sur 3 sites)

Il faut susciter la confiance du client, la conserver et s’en montrer digne.


S’en montrer digne, c’est d’abord, selon l’artisan, l’informer et le conseiller afin
qu’il ne se sente pas mis devant le fait accompli :
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«  On a une clientèle, on travaille vraiment en grande confiance. Nous,


aucune pièce n’est changée au garage sans l’accord du client, donc on
passe notre temps à appeler, à prévenir, à conseiller, à dire “ça, c’est
important, ça, ce n’est pas important”, “ça, ça peut attendre, ça, ça ne peut
pas attendre”, “si ça casse il y a telle conséquence et ça coûte tant”. Le
soir quand les gens viennent chercher leur voiture, ils savent au centime
près ce que ça leur a coûté et ils nous ont donné leur aval avant. » (Agent
Peugeot, 11 salariés)

Et, même si l’exercice d’explicitation auquel se livre volontiers le garagiste


a aussi pour objectif de « mieux faire passer » la facture, il est constitutif de la
convention de qualité qui repose sur une relation commerciale individualisée
qu’ils opposent aux pratiques de la réparation moderne. Quand les artisans
stigmatisent le comportement de commerçants des centres-autos, c’est pour
indiquer qu’ils n’ont pas de connaissances suffisamment fines des automobiles,
et qu’ils font faire aux ménages des dépenses indues :
«  Ce n’est pas le fait de tirer les prix. Le but qu’ils [les centres-autos]
ont, c’est que quand il y a un client qui rentre, c’est de leur vendre le plus
de produits possible […] que ce soit à changer ou pas à changer […].
Nous quand on fait des plaquettes, on change les disques quand ils sont
hors cote, eux, ils n’hésitent pas à changer les disques. Ils n’hésitent pas à
changer les étriers. » (Agent Opel, 5 salariés)

Ce discours, partagé par la majorité des artisans que nous avons interrogés,
permet de réaffirmer la force de la convention de coopération des artisans et
les limites du monde auquel ils s’identifient. Il leur permet de se différencier de
leurs concurrents qui chercheraient à tout prix à vendre des pièces détachées
au détriment des besoins du client. Ainsi, ils dénoncent des opérateurs de
marchés qui cherchent des débouchés à l’ensemble de leurs offres en mettant
l’accent commercialement sur l’une d’elles. Telle n’est pas la représentation
du monde et du marché que les artisans revendiquent. Ils considèrent que
seul un professionnel doté d’une compétence technique peut savoir ce qu’il
convient de faire et que le client ne peut, en cette matière, identifier ce dont
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a « besoin » la voiture et choisir dans la gamme des pièces de rechange et des
opérations envisageables celle qui sera adaptée. Aussi, s’ils se revendiquent
d’abord comme « techniciens » par opposition aux « commerçants », c’est parce
qu’ils considèrent que leur légitimité est d’abord technique. Leurs compétences
relationnelles s’inscrivent dans le prolongement de cette revendication. Dès
lors, ils sont convaincus que c’est cela qui importe pour les clients, et que cette
compétence fait leur force par rapport à la concurrence et au modèle proposé
par les constructeurs et leurs réseaux de marques.
Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3  347

CONCLUSION
À l’inverse des interprétations économiques dominantes qui font des garages
les bénéficiaires passifs d’évolutions externes du marché automobile, notre
enquête milite au contraire pour une lecture qui, sans nier l’importance de ces
facteurs, met en exergue les efforts mis en place par les artisans pour survivre
à travers l’élaboration d’un appareillage technique et commercial spécifique. En
effet, au terme de cette analyse, l’une des raisons pour lesquelles les artisans
de la réparation automobile ont réussi à se maintenir et à gagner des parts de
marché se trouve dans leur capacité à proposer un modèle alternatif à celui des
constructeurs et à leurs réseaux.
La permanence des pratiques de coopération entre professionnels est
identitaire, en même temps on peut former l’hypothèse qu’elle est explicative
de la faculté qu’ont eue les artisans de résister à l’éviction  : ils y ont puisé
les moyens d’assurer la soutenabilité commerciale et économique de leur
offre de services. Sur le plan économique, les « fonctions de production » et
les «  fonctions de coûts  » associées seraient très largement affectées si cet
accès aux équipements et aux compétences des collègues n’était pas assuré
par la convention de coopération. La mobilisation du réseau professionnel est
solidaire de la réitération d’une convention de qualité (Eymard-Duvernay, 1989 ;
Gomez, 1997) qui permet notamment de garantir la qualité et la continuité
du service rendu au client. En résolvant la panne, quelle que soit la marque
du véhicule, le professionnel répond à la demande du client en lui évitant les
désagréments causés par le fait de devoir s’adresser à un autre réparateur. Sur
le plan marchand, les artisans ont contesté également la représentation des
besoins du client que l’on essayait de promouvoir auprès d’eux. La pérennité
des artisans ressort comme associée à la connaissance fine et constamment
actualisée qu’ils ont de leurs produits, de leurs clientèles, de leurs budgets et
de leurs besoins de mobilité. Cette expertise leur permet de requalifier les
processus imposés par les constructeurs qu’ils tiennent comme mal ajustés aux
besoins détectés par eux chez leurs clients.
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Remerciements © S.A.C. | Téléchargé le 08/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.253.231.190)

Les auteurs remercient les évaluateurs dont les commentaires et les suggestions
ont permis d’améliorer ce texte.
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RÉFÉRENCES
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Emmanuelle DUTERTRE est sociologue, professeur associée à


l’ESSCA, École de Management et membre de la Chaire Distribution et
Services automobiles.

Adresse 1 rue Joseph Lakanal


BP 40348 49003
F- Angers Cedex 01 (France)
Courriel emmanuelle.dutertre@essca.fr

Bernard JULLIEN est MCF en économie à l’Université de Bordeaux.


Il est le conseiller scientifique de la Chaire Distribution et Services
automobiles de l’ESSCA, École de Management. Il a dirigé le GIS Gerpisa
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à l’ENS Cachan de 2007 à 2015. Il travaille avec les professionnels de ces
métiers depuis les années 1990.

Adresse 16 avenue Léon Duguit


F-33608 Pessac (France)
Courriel bernard.jullien@u-bordeaux.fr
350  Revue d’anthropologie des connaissances – 2015/3

Abstract: The craftsmen of the car repairs in front


of manufactures: Towards the assertion of one against
model
For thirty years the distribution and automotive repair sector
has experienced many economic and technological changes.
While “small garages” seemed doomed to disappear, production
methods of maintenance and repair services mobilized by these
craftsmen and their ability to “reclassify” the process allowed
them to structure a model against the original their sustainability.
In this article, we examine this counter-model in which knowledge
plays an important role. On the technical side, we show that the
craftsmen are able to access technical knowledge despite their
attempt to confiscation by the dominant players. On the trade
plan, we analyze how the preservation of these actors of the repair
also bases itself on the contesting of the dominant knowledge as
for the needs for the customers.
Keywords: socio-technical knowledge, distribution and
automotive repair, convention.

Resumen: Los aretsanos de la reparación automóvil cara


a los constructores: Hacia la afirmación de uno contra
modelo
Durante treinta años, el área de mantenimiento y reparación de
automóviles ha experimentado muchos cambios económicos
y tecnológicos. Mientras que los “pequeños talleres” parecía
condenado a desaparecer, los métodos de producción de los
servicios de mantenimiento y reparación movilizados por estos
artesanos y su capacidad de “reclasificar” el proceso les permitió
estructurar un modelo con el original su sostenibilidad. En este
artículo, examinamos esto en contra de modelo en el que el
conocimiento son esenciales. En el aspecto técnico, se muestra
que los artesanos son capaces de acceder a los conocimientos
técnicos a pesar de su intento de confiscación por parte de los
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actores dominantes. El plan de comercio, se analiza cómo estos
actores que mantienen la reparación también se basa en el
conocimiento que prevalece desafío sobre las necesidades de los
clientes.
Palabras claves: conocimiento sociotécnico, reparación
de automóviles, convención.

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