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DES POLITIQUES
ENVIRONNEMENTALES
CONTRE NATURE ? Max Falque
L’essentiel des politiques environnementales date des années 1970, largement calquées sur les politiques
d’urbanisme progressivement élaborées au cours de la première partie du xxe siècle et fondées sur le « tout
règlementaire ». Il est légitime de s’interroger sur la nécessité de recourir à de nouvelles institutions pour faire
face aux nouveaux défis alors que la puissance publique n’a plus ni les moyens ni la légitimité pour demeurer
l’acteur principal sinon unique.
I
l demeure indispensable d’avoir une vision
d’une politique environnementale plus ef-
ficace, moins coûteuse et respectueuse de
la liberté. Pour faire face aux nouveaux
défis, il convient donc :
- d’abord d’examiner la réalité des concepts, voire des
mythes qui sous-tendent les politiques environne-
mentales,
- ensuite, d’imaginer les principes qui pourraient
inspirer les nouvelles politiques,
- enfin, de proposer quelques réformes souhaitables
mais aussi pouvant être mises en œuvre dans le cadre
des contraintes économiques et institutionnelles.
À l’heure actuelle, les politiques environnemen-
tales sont largement fondées sur un corpus de cer-
titudes partagées par les media, l’opinion, les
associations et les partis politiques.
� devrait commencer à décroître à partir de raison de leur efficacité économique mais diverses, ont fait face à ces problèmes avec plus
2060 et que de toute façon seul l’accroissement DANS DE NOMBREUX aussi et surtout comme garant de la liberté ou moins de succès dans la mesure où il
PAYS, ici au Brésil,
du niveau de vie diminue la fécondité. individuelle. convient de trouver un juste équilibre entre
Avis d’expert
la pauvreté mène à la
déforestation, accélérant intérêt public et intérêt privé.
La croissance économique et l’échange le processus qui lie 3e principe : Faire confiance à l’individu
pauvreté et dégradation
sont-ils défavorables pour l’environne- de l'environnement. À la formule de Jean Bodin, qui au xvie siècle QUELQUES PROPOSITIONS
ment ? déclarait « Il n’y a de richesse que d’hommes » RAISONNABLES
L’échange et la croissance apportent la ri- fait écho le titre de l’ouvrage de Julian Simon Voici quelques propositions dont la mise en
chesse aux hommes. La richesse accroît la de- L’homme, notre dernière chance. En effet, œuvre ne devrait pas poser de problèmes idéo-
mande pour la protection de l’environnement l’homme est le meilleur garant et gestionnaire logiques et financiers insurmontables.
et permet à la société d’agir notamment par le de la planète pourvu que les incitations de la
recours au progrès technologique ; la courbe puissance publique ne soient pas contrepro- Fiscalité
environnementale de Kuznets* montre qu'à ductives. L'État de droit et les institutions pro- La protection des espaces de grande qualité en-
ELINOR OSTROM partir d'un revenu de l'ordre de 10 000 €/an par tégeant les droits de propriété sont un vironnementale (en raison des paysages, de la
(1933-2012)
personne, on observe une amélioration. Le lien préalable à la prospérité économique et à la faune, de la flore, etc.) devrait bénéficier du
« Des dizaines d’années de recherche entre pauvreté et pollution démontre la néces- qualité de la vie. même régime fiscal que les monuments histo-
montrent qu’un éventail de mesures
sité de la croissance. riques, à savoir : déduction pour travaux, exemp-
évolutives, complémentaires au niveau
urbain, régional, national et international 4e principe : Être prudent sinon méfiant en tion des droits de succession sous réserve d’une
a plus de chance de réussir qu’un accord Devons-nous réduire les émissions de gaz à matière d’intervention des pouvoirs publics ouverture au public compatible avec la gestion.
universel et contraignant, car il effet de serre (GES) afin d’éviter un change- La théorie des choix publics a mis en évidence La fiscalité est d’ailleurs un véritable couteau
permettrait de disposer d’un recours en ment climatique global ? que les objectifs réels des responsables poli- suisse qui peut contribuer à la gestion de toutes
cas d’échec de certaines de ces mesures. » Réduire les émissions de GES est coûteux. Les tiques et administratifs étaient souvent plus le les ressources environnementales.
décisions concernant la charge de ces coûts bureaucrates peuvent entrer en conflit avec Par ailleurs, la propriété permet la vision à long pouvoir que le bonheur des citoyens. Ceci est
Ultime article d’Elinor Ostrom, première doivent être prises en fonction des bénéfices l’intérêt public bien compris. Les solutions pri- terme et donc la prise en compte des généra- particulièrement vrai en matière d’environne- Conservatoires d’espaces
femme à obtenir un Prix Nobel attendus par la réduction des émissions. Ré- vées peuvent être moins coûteuses et plus tions futures. Les pays qui ont expérimenté ment où l’on doit considérer le long terme et En s’inspirant des exemples anglo-saxons du
d’économie en 2009, paru lors des
duire les émissions de GES n’élimine pas tout conformes aux aspirations de la communauté. grandeur nature la suppression radicale des non la prochaine réélection. National Trust britannique ou des quelque
négociations préparatoires du Sommet
de la Terre Rio+20 qu’elle marqua risque de changement climatique dont l'impor- droits de propriété ont subi une catastrophe Le principe de précaution doit s’appliquer en 2 000 « land trusts » des États-Unis, les associa-
de son empreinte posthume. tance les causes et les effets sont incertains. Les décisions concernant le futur de l’envi- environnementale ; ce furent les cas des pays priorité à l’action de la puissance publique par tions et les propriétaires devraient être encou-
ronnement doivent-elles être prises en se communistes mais aussi de Haïti et de nombre nature irresponsable. En effet, à la différence ragés à protéger leurs espaces. À nouveau, la
Prendre soin de l’environnement peut-il référant au « principe de précaution » ? d’autres dictatures. des entreprises et des individus, les États fonc- fiscalité incitative (amortissement du don fon-
être confié au secteur privé ? Il demeure toujours un risque d’atteinte à l’en- tionnent de telle manière que ce n’est jamais cier en cinq ans sur l’impôt sur le revenu) de-
* Simon Kuznets, (1901-1985) est un économiste et statisti- Le secteur public est confronté au problème de vironnement résultant de l’action de l’homme. celui qui a pris une décision qui en subit les vrait rendre inutile l’intervention des pouvoirs
cien américain d'origine biélorusse, lauréat du Prix Nobel
gestion de l’environnement. Réunir les infor- Démontrer qu’il n’existe pas de risque est conséquences, bonnes ou mauvaises. publics. Le Conservatoire du littoral doit
d'économie en 1971.Il est considéré comme l'un des princi-
paux contributeurs à la théorie de la croissance économique mations pour une prise de décision efficace est impossible. Il reste aussi une incertitude liée « La main invisible du constituer une exception et non la règle. La
et comme l'inventeur du concept de PIB (1934). coûteux. Les motivations des politiciens et des à l’absence d’action qu’ignore le principe de
précaution.
marché est dotée d’un 5e principe : Assurer une certaine égalité
entre les gagnants et les perdants face aux
protection et la gestion des espaces sensibles
seront toujours mieux assurées par des pro-
pouce vert. » Al Gore contraintes environnementales priétaires et associations que par la puissance
QUELQUES IDÉES SIMPLES DOIVENT Ceci vaut notamment pour les contraintes ins- publique pourvu que les incitations juridiques,
INSPIRER L’ACTION POLITIQUE crites dans les documents de planification fiscales et financières soient bien adaptées.
1er principe : Croissance économique et en- Le plus grand mérite du libéralisme environ- physique : il faut reconnaître la réalité de « l’ex-
vironnement sont étroitement liés nemental est d’avoir compris que les droits propriation réglementaire » qui, à la différence Évaluation des décisions publiques
Le concept de développement durable ne peut de propriété de nature diverse, considérés de l’expropriation physique, n’entraîne aucune L’étude d’impact sur l’environnement des amé-
être mis en œuvre que si les politiques pu- jusque dans les années 1970 comme un obs- indemnisation. Tous les pays, sous des formes nagements et ouvrages rendue obligatoire �
bliques favorisent la croissance non seulement tacle à la protection de l’environnement,
du PNB mais aussi et surtout les revenus des étaient au contraire un atout et une force qu’il
individus. Il faut bien comprendre que les ci- convenait de mobiliser. Il s’agit d’un retourne- L'ASSÈCHEMENT DE LA MER D'ARAL,
LES PAYS OÙ LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE toyens aisés des pays riches se préoccupent ment de perspective difficile à admettre sinon une conséquence de la politique agricole
EST PEU, MAL OU PAS RECONNUE, davantage de l’environnement. scandaleuse pour l’écologisme militant ! intensive menée par l'URSS dans les années
ne sont pas précisément ceux qui 60, détournant les eaux des 2 fleuves
Des formes anciennes et coutumières des qui l'alimentaient.
brillent par la défense de la qualité
de leur environnement. 2e principe : Les droits de propriété qui sont droits de propriété en commun remarquable-
au cœur du système économique libéral ment étudiés par Elinor Ostrom (pâturages,
sont aussi au centre de la protection envi- eaux, forêts…) méritent toute notre attention et
ronnementale protection. La gestion patrimoniale oblige à la
Toute atteinte aux droits de propriété est sus- responsabilité et interdit « le libre accès dont la
ceptible d’entraîner des dégâts écologiques. En ruine est la destination inévitable » (Hardin).
effet, les droits de propriété privés ou en com- Au nom de la protection de l’environnement, il
mun définissent un régime de responsabilité est tentant d’accroître au-delà du raisonnable
en matière de pollution et assurent un contenu les atteintes aux droits de propriété pourtant
réel au principe pollueur/payeur. garantis par la Constitution, non seulement en