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Dans ce corrigé, je détaille les opérations requises par la méthode d’étude de documents.

La politique au village.
De nature politique, ce témoignage exceptionnel datant de 1943, extrait de La vie d’un simple d’Émile
Guillaumin, un paysan, autodidacte (a fréquenté l’école publique et lu par lui même ), décrit la campagne
électorale pour les législatives de 1893 dans un village du Bourbonnais, une région du Massif central,
enclavée, moins dépeuplée qu’aujourd’hui. Ce document nous renseigne sur la politisation des
campagnes à la fin du XIX e siècle.
Contexte. 1893. Secouée par de nombreuses crises- Boulanger, Panama et bientôt l’Affaire Dreyfus, la
IIIe République qui a mis près de dix ans à s’installer, s’enracine pourtant, finit par être acceptée par la
majorité des citoyens.
Cet enracinement repose donc sur les paysans qui forment encore la majorité de la population, près de
60 %. Les Républicains en ont pris conscience après l’échec de 1848. Pendant tout le II Empire, les
paysans sont restés sous la coupe de notables, propriétaires fonciers, médecins, pharmaciens, plutôt
hostiles à la République, influencés par la candidature officielle, une entrave à la pleine expression du
peuple. Sous la III e République, on assiste à une politisation des campagnes qui veut dire
démocratisation, émancipation.
Ce document va nous permettre d’étudier la politisation des campagnes. Nous étudierons le « rituel
républicain » avant de voir que s’affrontent dans cette campagne plusieurs programmes politiques.

1. Le rituel républicain dans un régime démocratique et libéral.


(Plusieurs élèves ont négligé cette étape de l’explication).
« Rituel républicain » cette expression qui laïcise le vocabulaire religieux insiste sur le fait qu’en
démocratie la vie politique repose sur la consultation régulière des citoyens. Le bon déroulement des
élections nous renvoie à l’acceptation du régime par les Français, son enracinement. Les élections
législatives qui élisent les députés de l’Assemblée nationale sont alors les plus importantes. Le texte ne
porte que sur une partie du rituel républicain, la campagne électorale, non sur le vote.
Partir du texte : surligner ce qui a un rapport avec ce thème : les affiches électorales lues par les
paysans, réunions électorales, après la messe, les réactions... les commenter en décrivant la nature
politique du régime.
La politisation des campagnes repose sur la III e République, ce régime démocratique et libéral.
A partir de 1879, les Républicains majoritaires mettent en place un ensemble de lois qui consolident la
constitution de 1875 et transforment la République en régime libéral. Des libertés fondamentales
d’expression et de réunion sont garanties. (fin de la censure, condition pour un age d’or de la presse).
Cette élection législative permet d’élire l’Assemblée nationale, la clé de voute de ce régime parlementaire.
( à définir).
La mention sur les panneaux électoraux montre que les paysans qui ont fréquenté l’école peuvent lire.
Les Républicains font de l’école le lieu de formation des citoyens, un outil d’émancipation, mais aussi le
lieu de la méritocratie républicaine. (La population était déjà alphabétisée dans les années 1880, les
républicains améliorent les conditions matérielles de l’enseignement, ils bâtissent des écoles, forment et
rémunèrent les instituteurs.) Du monde paysan sont largement issus les hussards noirs de la République.
La réunion électorale a lieu le dimanche pour attirer le plus de monde possible. Les paysans travaillent
la semaine. Elle a lieu après la messe. La sécularisation a commencé : le recul des pratiques religieuses. Le
catholicisme devient une « religion saisonnière » ; sont christianisées les grandes étapes de la vie-
baptême, mariage, décès ; le dimanche la messe est plutôt fréquentée par les femmes ; les hommes
attendent au bistrot. Il existe cependant des différences régionales : en Bretagne, dans le Nord et l’Est, le
catholicisme conserve toute son importance. Les paysans se retrouvent pour la campagne électorale dans
un cabaret. Ce haut lieu de sociabilité, de retrouvailles se politise.
Sans le développer vous devez mentionner les autres constituants de l’enracinement de la
République, absents du document. La politisation des campagnes passe aussi par la lecture de la presse
qui pénètre les campagnes aussi même si les effets peuvent être contradictoires puisse que la «  fait-
diversification » de l’actualité entraîne une dépolitisation. Les paysans sont passés également par la
conscription obligatoire. C’est la fin des terroirs. Les campagnes françaises sont en voie de
désenclavement. Comme sur le reste du territoire, dans les écoles, mairies, les bustes de Marianne
occupent l’espace public. Les citoyens se retrouvent autour du dra
peau, chantent la Marseillaise à l’occasion de la célébration de la fête nationale, le 14 juillet.

2. Une République pluraliste et partisane.


Les débats entre les candidats font émerger deux visions de la République.
« Ne devons nous pas à la Républicain l’école publique gratuite…. » montre que M Gouget est un
républicain modéré, opportuniste. Ici il reprend les grandes réformes du début de la République, l’école en
particulier, et sa conception du progrès (voir le texte de Gambetta). Les « revendications » exprimées dans
ce texte – lois sociales et séparation de l’Eglise et de l’Etat, renvoient à l’inachèvement de la
démocratisation en 1893. Les ouvriers se sentent exclus de la République ( Fusillade de Fourmies) et en
matière de lois sociales, la France reste en retard sur ses voisins anglais et allemand. Le pape a préconisé
en 1893 le ralliement des Catholiques à la République mais l’Affaire Dreyfus va remettre en cause ce
processus. Au début du Xxe siècle les radicaux reprendront ce programme et le mettront en œuvre en
portant tous leurs efforts sur la laïcité. Ce texte a donc une dimension prophétique, il est tourné vers
l’avenir.
Renaud est un candidat républicain mais socialiste. Il a tendance à amalgamer républicains et anti
républicains et dénonce une « République bourgeoise ». Au nom de égalité défendue par la II e
République et la Commune il réclame une République sociale. Mais l’auteur ne réclame pas seulement
une meilleure représentation des couches populaires, il aspire à une transformation radicale de la société  :
la fin de la propriété privée et la mise en place de structures sociales coopératives  ! Les arguments utilisés
transposent la rhétorique marxiste de l’exploitation dans un monde paysan inégalitaire. Le texte nous
montre que le socialisme ne touche pas exclusivement le monde ouvrier.

Ce témoignage nous renseigne sur la politisation des campagnes même si le texte ne concerne que le
rituel d’une campagne électorale. Les Républicains ont préféré s’appuyer sur les paysans et les couches
nouvelles plutôt que sur les ouvriers encore attachés à la Révolution et à la lutte de classes. La III e
République a donné satisfaction au petits paysans plutôt qu’au prolétariat rural présent dans ce document.
En 1943, date de parution de La Vie d’un simple, le régime de Vichy présente les campagnes comme un
monde figé, conservateur... Les censeurs de ce régime autoritaire n’ont pas bien lu le livre.

Je joins une copie réussie.


Bonne compréhension du texte et bonne mise en œuvre de la méthode. Il manque au début une
caractérisation de la III e République une évaluation sur le poids démographique et donc politique des
campagnes.

Le document étudié est un extrait de La vie d’un simple d’Émile Guillaumin, datant de 1943, qui, à
travers le récit de la vie de Tiennon, un métayer Bourbonnais, montre les transformations du monde rural en
France au XIXème siècle. Cet extrait prend place à la veille des élections législatives de 1893, durant la III ème
République, et décrit l’effervescence politique dans un village alors que des candidats s’apprêtent à
prononcer leur discours. Cet engouement politique résulte d’un enracinement de la République dans les
campagnes dont la nécessité fut mise en évidence par l’échec de la II ème République. En effet, la fragilité de
se régime résidait dans le fait que la Révolution n’avait été menée qu’en ville. Les campagnes restaient alors
plutôt conservatrices et sous l’influence des notables notamment lors d’élections. Le suffrage universel est
une composante essentielle de tout régime démocratique mais pas suffisante. C’est pourquoi les
Républicains, apprenant de leurs erreurs, entamèrent un processus d’apprentissage de la démocratie dans les
compagnes pour créer une République durable, la III ème République. Bien Aussi se demandera-on comment
ce document permet de comprendre l’enracinement de la République dans les campagnes ? D’une part, on
étudiera les mesures mises en place par la III ème République garantissant la liberté d’expression des citoyens.
D’autres part, on s’intéressera aux différentes visions données de la Républiques par les deux candidats.
Contexte historique à compléter.

La transformation du peuple en acteur politique est un héritage de la Révolution française bien que le
suffrage universel ne soit instauré que sous la I ère République. Cependant, celui-ci n’a de poids que dans un
régime démocratique et libéral qui favorise l’essor de la vie politique. En effet, sous le Second Empire, son
importance était amoindrie par la mise en place de la candidature officielle. Mais, sous le III ème Empire, « on
va voter » pour les membres du corps législatif (directement ou indirectement) qui exercent eux-mêmes un
contrôle sur le pouvoir exécutif. A développer. De plus, le suffrage universel atteint sa pleine-puissance
grâce aux libertés fondamentales accordées : les « grandes affiches vertes, jaunes et rouges » accrochées au
mur comme outils de campagne politique sont rendues possibles grâces aux grandes lois de 1881 et 1882
assurant la liberté d’expression entre autres. Elles accordaient aussi la liberté de se rassembler comme en
témoigne « l’orateur qui devait faire sa réunion  ». De plus, ces dernières permettent reposent aussi l’âge
d’or de la presse, considérée comme le « quatrième pouvoir » dans une démocratie.
Pour perdurer, une démocratie nécessite également un apprentissage. En effet, seulement « ceux qui
savent lire » sont touchés par les affiches et la presse. C’est pourquoi, le ministre de l’instruction publique,
Jules Ferry, instaure l’école gratuite, laïque et obligatoire de six à treize ans, afin d’achever l’alphabétisation
des français. De plus, l’école a pour but de former des citoyens responsables en développant notamment
l’esprit critique des élèves, de les rendre aptes à prendre des décisions pour leur pays par eux-mêmes. C’est
ainsi que peu à peu, les paysans se libèrent de l’influence des notables. Bien Par l’intermédiaire de l’école
républicaine, le gouvernement cherche également à intégrer toute la population en créant un régime fondé
sur la méritocratie et non plus sur la naissance, avec l’instauration de bourses pour les élèves les plus
brillants par exemple.
Toutes ces réformes ont permis de créer une véritable effervescence politique au sein du village
car « la salle se remplit en dix minutes et le bistrot dut installer dehors des tables improvisées  ». De plus,
celles-ci marquent la fin de la tutelle politique et le début du pluralisme puisque plusieurs candidats prennent
la parole devant les villageois. Oui.

Les deux candidats qui s’expriment dans cet extrait décrivent deux visions très différentes de la
République, montrant ainsi l’existence d’une liberté de penser (des opinions différentes) mais aussi que la
République divise.
D’une part, le deuxième candidat se dépeint comme fervent défenseur de la République en
s’exclamant « Ne devons-nous pas à la République l’école publique gratuite et la diminution du temps de
travail ! » rappelant ainsi les accomplissements du régime. Il tente de remporter les voix des paysans en
affirmant que « s’il y avait des républicains comme M. Gouget, nous aurions bientôt l’impôt sur le revenu
qui frapperait les riches, et des retraites pour les vieux travailleurs ». Ainsi, il se présente comme un
républicain avec un programme en partie socialiste avec son projet de redistribution des richesses («  impôt
sur le revenu » et « retraite pour les vieux travailleurs »). Comme certains, il entend créer une République
fraternelle en cette période de crise. Par ailleurs, il souhaite une République laïque dans laquelle « l’Église
romprait avec l’État ». En effet, l’Église s’est montrée hostile à la République dès le premier jour car elle
n’accepte pas la notion de liberté de penser en contradiction avec ses dogmes. De plus, la République
influencée par le positivisme qui veut que l’on explique tout par la science dont les avancées, et
particulièrement le travail de Darwin sur l’évolution, contredisent les croyances chrétiennes. Oui Ce discours
parait quelque peu prophétique puisque toutes les lois proposées sont quelques années plus tard adoptées par
l’État. Il faut cependant noter que le récit est écrit en 1943, soit cinquante ans après le déroulement de
l’action. Il a donc été écrit en connaissance des faits.
Oui, mais commencez par montrer que sont largement reprises les grandes réformes accomplies par
la République.
D’autre part, le premier candidat propose une vision plus méfiante à l’égard de la République. Il
s’affirme « candidat socialiste » et le montre en commençant son discours par « Malheureux ouvriers des
champs » pour s’attirer la sympathie des paysans. Il manifeste un grand mépris à l’égard des partis politiques
principaux « monarchistes, bonapartistes, républicains » et les ridiculise « ils se chicanent pour la galerie ». Il
emploie registre courant voire familier pour s’adresser à tout le monde mais aussi se distinguer des autres
« orateur[s] » qui selon lui « s’entendent tous pour mieux vous duper ». Son programme est socialiste et très
largement influencé par la thèse du Parti communiste de Karl Marx. En effet, son communisme scientifique
s’oppose au capitalisme (présent dans la plupart des pays industrialisés). Selon Renaud, les paysans sont
manipulés par « des bourgeois qui font leurs affaires avant tout » et qui les exploitent. C’est ici que, pour les
communistes, réside la grande contradiction du capitalisme car il repose sur « le vol de l’ouvrier ». C’est
pourquoi le candidat espère « le jour … où, cultivateurs, vous aurez vos champs, comme les mineurs
auront leurs mines et les ouvriers d’industrie leurs usines » : il souhaite une nationalisation des moyens de
production afin de lever la contradiction. Enfin, il reprend une idée de Marx, la lutte des classes, puisqu’il
incite à ne plus « se faire représenter par des bourgeois » comme pour renverser la hiérarchie sociale. De
plus, il utilise des injonctions comme « cessez » qui donnent un aspect violent à son discours rappelant le
combat à mener.
Bien. Il faut ajouter ici que les idées socialistes conçues pour le monde ouvrier sont transposées dans
le monde rural.

Ce texte permet donc de mieux comprendre le processus d’enracinement de la démocratie qui


commença par un apprentissage et la mise en place de libertés fondamentales donnant à chacun le pouvoir de
décider pour la nation. Puis, avec les différents moyens de diffusion, l’essor du pluralisme a permis de créer
une vie politique garantissant ainsi que la voix de chacun soit entendue. Cela permit à la III ème République de
perdurer jusqu’en 1940, mettant fin à la période d’instabilité institutionnelle instaurée par la Révolution
française. Ce texte est donc pertinent mais a pour limites le fait d’avoir été écrit cinquante ans après le
déroulement de l’histoire, ce qui a permis à l’auteur de créer un discours presque prophétique pour le second
candidat. On peut donc se demander si ce récit est un véritable reflet de la réalité. De plus, il ne fait allusion
qu’à une certaine partie de l’acculturation républicaine, il reste muet sur la construction dans toutes les villes
de places de la République par exemple. Enfin, il ne donne pas la parole à des membres d’autres partis
comme les monarchistes. Un peu maladroit.

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