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Nous allons étudier le métier d’élu et le fonctionnement de la vie politique en analysant le système
politique français, qui est un système représentatif, c’est-à-dire que l’on délègue à des femmes et des
hommes politiques le droit de nous représenter dans l’exercice du pouvoir. Ces hommes et ces femmes
politiques représentent des citoyens et aussi bien souvent des partis politiques. Nous allons voir que le
système de concurrence entre des leaders politiques s’est construit assez récemment au XIXème siècle
avec l’instauration du suffrage universel.
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contestant le pouvoir des notables. Sociologiquement, ils appartiennent à une plus grande diversité et
correspondent à ce que l’on a appelé les nouvelles classes républicaines sous la IIIème République,
c’est-à-dire qu’ils sont souvent issus des professions libérales ou de la bourgeoisie intellectuelle
(médecins, avocats, notaires, enseignants). Ce sont aussi quelques ouvriers représentant les premiers
mouvements ouvriers en voie de structuration. Ces divers groupes vont être porteurs d’une nouvelle
vision de l’activité politique. Pour eux, la politique va avant être une affaire d’idées avant d’être une
affaire de personnes, donc une affaire de programmes et d’idéologies plus que d’ancrage local. Ces
discours vont être conformes aux ressources qu’ils peuvent mobiliser dans la lutte politique puisqu’ils
ont peu de ressources personnelles, mais vont s’appuyer sur la propagande électorale (affiches, tracts,
meetings, réunions publiques, etc.). C’est à partir de ce moment que les élections deviennent un
échange de promesses électorales baptisées programmes. La figure du professionnel de la politique va
avoir pour origine cette concurrence entre les notables du XIXème siècle et cette nouvelle classe
républicaine. Il va y avoir un double mouvement : les notables vont se professionnaliser, et, à
l’inverse, les nouveaux entrepreneurs politiques vont se notabiliser. Les notables, de plus en plus
contestés, voire battus, vont imiter leurs concurrents et leurs nouvelles manières de faire de la
politique. Ils vont se mettre aussi à la fin du XIXème siècle à présenter des programmes et faire des
campagnes électorales. Les notables ne disparaissent pas de vie politique, mais ils vont se
professionnaliser dans la mesure où la politique va devenir pour eux une activité à temps plein.
Puisqu’il va y avoir de nouvelles concurrences, ils vont être obligés de rationaliser leur travail
politique. De l’autre côté, les entrepreneurs politiques vont se notabiliser une fois qu’ils vont être élus,
ce qui va être le cas des socialités dans le nord de la France. Ils vont acquérir un ancrage local qu’ils
vont faire valoir ensuite lors des élections. C’est donc un contexte d’accroissement de la compétition
politique qui va faire naître la figure du professionnel de la politique moderne.
Définition du professionnel de la politique par Max Weber : Le professionnel de la politique est celui
qui vit de la politique et pour la politique. Il vit de la politique parce qu’il en tire un revenu. En 1889,
c’est la création de l’indemnité parlementaire. C’est une revendication des ouvriers afin que ceux-ci
puisse bénéficier de revenus pour exercer leurs activités politiques. Pour le politique, c’est un travail
quotidien que de faire de la politique. On crée cette indemnité parlementaire afin d’inciter les moins
riches à faire de la politique. En plus, cette indemnité parlementaire doit permettre aussi aux hommes
politiques d’entretenir des équipes électorales.
C) La crise de la représentation
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Le choix du système représentatif par les révolutionnaires s’explique par la volonté de représenter le
peuple parce qu’au départ le peuple était considéré comme incapable de gérer lui-même les affaires de
la cité et donc il devait s’en remettre à des élites éclairées. C’est pour cela qu’au début on a mis en
place un suffrage censitaire. L’idée était d’écarter, avec le suffrage censitaire, les masses de la
population considérées comme incompétentes. Dès la mise en place du suffrage universel, il n’y a pas
de volonté de relier les élus et les électeurs par une ressemblance sociologique. Les représentants ne
sont pas à l’image de la société, ils doivent incarner l’intérêt général, la volonté générale. Ce n’est pas
un système de représentation miroir de la société qui serait une reproduction miniature de la société.
C’est précisément cette conception de la représentation qui est au cœur des critiques. On peut dater ces
critiques. R. Michels a publié, en 1911, un ouvrage intitulé « Les partis politiques, essai sur les
tendances oligarchiques dans les démocraties ». Aux Etats-Unis un mouvement critique va naître dans
les années 50/60 qui va critiquer le système représentatif. En France, il va falloir attendre les années
70 pour que se développe une critique qui s’appuie sur les origines socioculturelles des hommes
politiques. On va s’intéresser aux logiques de recrutement des hommes politiques en France pour
s’apercevoir qu’ils appartiennent bien souvent à ce que l’on appelle une élite sociale.
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République en 1995. Il est le dernier à effectuer un septennat. Ce type de carrière expose toutefois un
risque majeur dans la carrière politique. Une fois dans l’opposition, on peut perdre toutes ses
responsabilités. C’est pour cette raison que les personnalités politiques qui suivent ces types de cursus
cherchent à se faire élire maire ou député. L’absence de légitimité élective est un handicap pour durer
en politique. La phase d’implantation locale est très importante de la cursus inversé ou moderne. On
peut citer les anciens Ier ministres d’Emmanuel Macron. Ce qui est important est que l’investissement
municipal ou de proximité permet de se faire de cette identité de technocrate parisien. Même, parfois,
la valorisation de l’action locale leur permet de prétendre à des hautes fonctions. Cependant, depuis le
mandant d’Emmanuel Macron, on observe quelques changements. C’est le retour des hauts
fonctionnaires au pouvoir. Enfin, on a un troisième cursus qui a émergé depuis une vingtaine d’années,
notamment depuis la présidence de Sarkozy, qui est le processus de la société civile, c‘est-à-dire être
une personnalité reconnue pour intégrer directement un gouvernement au nom de sa notoriété (Nicolas
Hulot, David Douillet). Il faut retenir que le passage par l’ENA ou les grandes écoles est devenu une
voie royale pour accéder aux plus grandes responsabilités, mais il n’a pas remis en cause la nécessité
d’une implantation locale. Nous allons passer en revue les profils sociaux des hommes politiques. Le
principe de représentation n’implique pas une représentativité sociologique des citoyens. D’ailleurs,
pour l’illustrer on peut mentionner quelques chiffres. La composition de l’Assemblée nationale entre
2017 et 2022 affiche un pourcentage de 63% de cadres et de professions libérales, alors qu’il
représente 17% de la population active. A l’inverse, la catégorie des ouvriers et des employés
représente plus de 40% de la population active, et seulement 2,4% des députés. Les fonctionnaires
représentent 25% des députés lors de la dernière législative. Globalement, il y a un phénomène de
surreprésentation des fonctionnaires de catégorie A, des professions libérales et des enseignants. Le
fait d’être issu des catégories les mieux dotées en capital scolaire et en capital économique est donc
une ressource essentielle pour faire une carrière politique. Rares sont les personnalités de premier plan
à être issues des catégories populaires. On peut quand même citer deux personnalités célèbres. La
première est Pierre Bérégovoy, qui a commencé sa carrière comme ouvrier à la SNCF et qui est
devenu Ier ministre en 1991. On peut aussi citer Charles Pasqua qui a commencé sa carrière de
représentant commercial dans la société Ricard et qui est devenu ministre de l’Intérieur sous Jacques
Chirac à la fin des années 80. Mais, ces cas isolés sont en fait l’exception qui confirme la règle. On va
toutefois nuancer un petit peu le propos puisqu’on ne peut pas conclure avec ces données à l’existence
d’une classe politique homogène. En fait, il y a une nette différence selon les partis politiques. Les
professions libérales et les cadres du secteur privé sont surtout représentés dans les partis de droite :
Les Républicains et la République En Marche. Dans les partis de gauche (notamment chez les
écologistes, le Parti Socialiste et France Insoumise), ce sont surtout les fonctionnaires/enseignants qui
sont représentés. Ce sont surtout les petits partis qui représentent des candidats d’origines sociales de
milieux modestes. C’est le cas du Parti Communiste. Le cas du Rassemblement National est varié. En
effet, on a de nombreuses professions libérales et de cadres privés. Mais, on retrouve, dans la nouvelle
législature, quelques commerçants ou artisans. On voit, à travers ces exemples, comment les partis
politiques et les hommes et les femmes politiques font un usage stratégique de leurs origines
professionnelles pour capter des électeurs.
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Si l’on prend la présence des femmes à l’Assemblée nationale après l’octroi du droit de vote, elles ne
sont que 5% des députées. Avec la Vème République, elles ne sont plus que 1,3% en 1958. Il va falloir
attendre la fin des années 70 pour que ce taux dépasse à nouveau les 4%. Le changement de mode de
scrutin va expliquer la diminution du nombre de femmes. Pour lutter contre l’instabilité ministérielle
de la IVème République, on abandonne le scrutin à la proportionnelle pour le remplacer par un scrutin
uninominal. Or, ce mode de scrutin uninominal favorise les hommes parce que dans ce mode de
scrutin on préfère investir des candidats connus, donc des sortants. Puisqu’il y a peu de femmes élues,
il y a peu de sortantes. Très peu d’hommes vont vouloir laisser leur place dans ce mode de scrutin aux
femmes. Mais, le mode de scrutin n’explique pas tout puisqu’on retrouve cette sous-représentation
dans toutes les élections, quel que soit le mode de scrutin. Si l’on prend le Sénat, en 1989 seules 3%
des sénateurs sont des femmes. En 1999 elles atteignent 6% au Sénat avant la loi sur la parité. En
2014, malgré la loi sur la parité on atteint difficilement 25%. Aujourd’hui, on atteint 35% de femmes
sénatrices. Au niveau municipal, les femmes étaient un peu plus nombreuses du fait du scrutin de liste,
mais peu de femmes accédaient aux fonctions de maire ou d’adjointes. Bien souvent, les femmes
restaient cantonnées à quelques domaines spécifiques comme la santé, la famille, le social ou les
affaires scolaires. Au niveau des maires, ce n’est plus le cas. On a des maires femmes de grandes
villes, comme Anne Hidalgo à Paris ou Martine Aubry à Lille. Jusqu’à une date récente, on a une
quasi-absence des femmes, y compris au niveau ministériel. Seulement 2 femmes ont accédé au poste
de Ier ministre : Edith Cresson en 1992 et Elisabeth Borne en 2022. En fait, l’accès des femmes à des
postes importants est un phénomène récent qui date de la fin des années 90, au fur et à mesure que la
revendication en faveur de la parité s’imposait. Il faut attendre le gouvernement de Manuel Valls en
2014 pour que soit affiché pour la première fois autant de femmes ministres que d’hommes (18 et 18).
Qu’est-ce qui explique la sous-représentation des femmes jusqu’aux années 2000 ?
- Le poids des représentations sur la nature féminine. Il y a eu pendant longtemps un
phénomène d’auto-exclusion où les femmes ne se sentaient pas en capacité de concurrencer
les hommes.
- Le fonctionnement oligarchique, puisque les partis politiques ont été longtemps gérés par des
hommes.
- Le cumul des mandats. La possibilité pour les élus de cumuler des mandats locaux et
nationaux a longtemps expliqué la faible marge de manœuvre des partis politiques pour
investir des femmes.
Face à ce constat, à partir des années 70, on voit se développer l’idée selon laquelle seule la contrainte
juridique pourrait permettre de changer la donne. Etant donné que la volonté de partis politiques pour
investir des femmes en nombre suffisant ne suffit pas, la seule solution qui était légitime était de
légiférer pour contraindre les partis à respecter un quota de femmes parmi les candidats. Le premier
projet de loi en ce sens est déposé en 1975 par Françoise Giroud qui est secrétaire d’Etat à la condition
féminine. Elle dépose un projet de loi à l’Assemblée nationale qui demande que les listes pour les
élections municipales ne comportent pas plus de 85% de personnes du même sexe. Ce projet de loi
équivalait à appliquer un quota de 15% de femmes. Ce projet de loi n’a pas été adopté. C’est en 1982
qu’une autre figure du féminisme, Gisèle Halimi, va introduire un amendant législatif qui propose une
proportion de 30% de candidates aux élections municipales, amendement adopté par les deux
chambres (Assemblée + Sénat) mais jamais appliqué car cela n’a pas été validé par le Conseil
constitutionnel. Cette mesure a été considérée comme inconstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a
appliqué l’article 3 de la Constitution selon lequel la République est indivisible. Ce principe de quota
était incompatible avec le principe républicain de l’accès aux emplois et aux fonctions publiques. Il va
falloir attendre 10 ans pour que ce projet soit repris lors de l’élection présidentielle de 1995 (Lionnel
Jospin et Jacques Chirac). Une fois élu, Chirac crée l’observatoire de la parité. L’objectif est de rédiger
un rapport sur la place des femmes dans la politique et de réfléchir sur la parité. Finalement, la loi est
adoptée le 6 juin 2000.