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Sociologie politique

Nous allons étudier le métier d’élu et le fonctionnement de la vie politique en analysant le système
politique français, qui est un système représentatif, c’est-à-dire que l’on délègue à des femmes et des
hommes politiques le droit de nous représenter dans l’exercice du pouvoir. Ces hommes et ces femmes
politiques représentent des citoyens et aussi bien souvent des partis politiques. Nous allons voir que le
système de concurrence entre des leaders politiques s’est construit assez récemment au XIXème siècle
avec l’instauration du suffrage universel.

I- L’émergence des professionnels de la politique


La fin du XIXème siècle (Weber) qui voit apparaitre les premiers professionnels de la politique. La
professionnalisation de la politique est considérée comme un phénomène positif parce qu’elle devait
permettre d’éviter que la fortune personnelle soit le seul critère d’accès aux fonctions politiques. On
pouvait s’attendre à ce que l’entrée en politique d’hommes venant de milieux sociaux variés permette
aux citoyens de se sentir mieux représentés. Très vite, la professionnalisation politique va avoir
presque l’effet inverse. Dès la fin du XIXème siècle, on a déjà des critiques qui vont dénoncer la
dépossession des citoyens au profit d’une minorité d’hommes politiques qui gouvernent qu’on va déjà
caractériser comme une élite coupée du peuple. Cette coupure entre le peuple et les élites politiques est
aujourd’hui un thème omniprésent dans l’espace public. Dans les médias, on met bien souvent en
avant la crise de la représentation, qui se symbolise par l’abstention et les contestations diverses et
variées. On pourrait aussi citer le très faible d’adhésions aux partis politiques. Moins de 1% de la
population en France est adhérente d’un parti politique. Si on prend les enquêtes d’opinion, on observe
une très grande méfiance vis-à-vis des hommes et des femmes politiques, méfiance alimentée par des
affaires de corruption, notamment (années 90 autour des financements des partis politiques). Depuis
maintenant 30 à 40 ans, il y aurait une sorte de divorce entre les Français et les françaises et les
hommes et les femmes politiques. Cette crise de la représentation a des sources beaucoup plus
profondes relatives aux logiques du recrutement des hommes et des femmes politiques. On peut déjà
dire que les élus sont censés représenter le peuple et l’intérêt général, mais ils n’ont pas vocation à
représenter sociologiquement la diversité de la société. De fait, malgré des conditions d’éligibilité
relativement souples, il n’y a qu’une minorité d’individus, le plus souvent issus des catégories les plus
aisées, qui accèdent aux postes de pouvoir. Il y a déjà un premier décalage entre la diversité
sociologique du peuple et sa représentation politique. Un auteur, Pierre Rosanvallon, historien, a
qualifié de « peuple introuvable » la sphère politique française. Dès le XIXème siècle, le principe
représentatif est critiqué car selon ses détracteurs il aboutirait à déposséder le pouvoir des citoyens au
profit d’une élite.

A) Démocratisation et transformation de la compétition politique


La figure du professionnel de la politique apparaît à la fin du XIXème siècle et est liée à l’émergence
et à l’intensification de la concurrence électorale, et à l’irruption de nouveaux acteurs dans le jeu
politique. On va d’ailleurs distinguer deux catégories d’acteurs qui vont prétendre aux fonctions
politiques. On a d’abord les élites traditionnelles, c’est-à-dire les notables. Le notable est un aristocrate
propriétaire foncier, le plus souvent monarchiste. Ces notables fondent leur autorité politique sur leur
statut social. Ils ont une notoriété, un certain prestige social enraciné dans un terroir dans lequel ils
font travailler les populations des villages. Leur pouvoir politique est le prolongement de leur statut
social. Pour faire de la politique, ils vont puiser dans leurs ressources personnelles et recourir au
clientélisme (soutien/voix en échange d’un travail ou d’un logement). Ces notables, au XIXème siècle,
sont des amateurs. Ce ne sont pas des professionnels de la politique dans la mesure où ils ne tirent pas
leurs revenus de la politique et la politique ne constitue pas leur activité principale. On peut même dire
que ces notables ne vont pas défendre de grandes idées ni de programmes politiques, ils s’appuient
uniquement sur leur notoriété. Ensuite, il va y avoir l’apparition de nouveaux acteurs en politique à
côté de ces notables. On voit apparaître à la fin du XIXème siècle ce que l’on appelle les nouveaux
entrepreneurs politiques. Ces nouveaux entrepreneurs politiques vont entrer dans le jeu politique en

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contestant le pouvoir des notables. Sociologiquement, ils appartiennent à une plus grande diversité et
correspondent à ce que l’on a appelé les nouvelles classes républicaines sous la IIIème République,
c’est-à-dire qu’ils sont souvent issus des professions libérales ou de la bourgeoisie intellectuelle
(médecins, avocats, notaires, enseignants). Ce sont aussi quelques ouvriers représentant les premiers
mouvements ouvriers en voie de structuration. Ces divers groupes vont être porteurs d’une nouvelle
vision de l’activité politique. Pour eux, la politique va avant être une affaire d’idées avant d’être une
affaire de personnes, donc une affaire de programmes et d’idéologies plus que d’ancrage local. Ces
discours vont être conformes aux ressources qu’ils peuvent mobiliser dans la lutte politique puisqu’ils
ont peu de ressources personnelles, mais vont s’appuyer sur la propagande électorale (affiches, tracts,
meetings, réunions publiques, etc.). C’est à partir de ce moment que les élections deviennent un
échange de promesses électorales baptisées programmes. La figure du professionnel de la politique va
avoir pour origine cette concurrence entre les notables du XIXème siècle et cette nouvelle classe
républicaine. Il va y avoir un double mouvement : les notables vont se professionnaliser, et, à
l’inverse, les nouveaux entrepreneurs politiques vont se notabiliser. Les notables, de plus en plus
contestés, voire battus, vont imiter leurs concurrents et leurs nouvelles manières de faire de la
politique. Ils vont se mettre aussi à la fin du XIXème siècle à présenter des programmes et faire des
campagnes électorales. Les notables ne disparaissent pas de vie politique, mais ils vont se
professionnaliser dans la mesure où la politique va devenir pour eux une activité à temps plein.
Puisqu’il va y avoir de nouvelles concurrences, ils vont être obligés de rationaliser leur travail
politique. De l’autre côté, les entrepreneurs politiques vont se notabiliser une fois qu’ils vont être élus,
ce qui va être le cas des socialités dans le nord de la France. Ils vont acquérir un ancrage local qu’ils
vont faire valoir ensuite lors des élections. C’est donc un contexte d’accroissement de la compétition
politique qui va faire naître la figure du professionnel de la politique moderne.
Définition du professionnel de la politique par Max Weber : Le professionnel de la politique est celui
qui vit de la politique et pour la politique. Il vit de la politique parce qu’il en tire un revenu. En 1889,
c’est la création de l’indemnité parlementaire. C’est une revendication des ouvriers afin que ceux-ci
puisse bénéficier de revenus pour exercer leurs activités politiques. Pour le politique, c’est un travail
quotidien que de faire de la politique. On crée cette indemnité parlementaire afin d’inciter les moins
riches à faire de la politique. En plus, cette indemnité parlementaire doit permettre aussi aux hommes
politiques d’entretenir des équipes électorales.

B) L’émergence des partis politiques


C’est à la fin du XIXème que les partis politiques deviennent des acteurs centraux de la compétition
politique. Ils vont monopoliser l’activité politique. En réalité, dans la loi, jusqu’en 1901 en France, les
partis politiques sont interdits. Cette reconnaissance tardive est d’abord liée à l’hostilité de la culture
française aux partis politiques. Depuis la Révolution française, les partis étaient considérés comme une
division ou une expression d’intérêts particuliers contrairement à l’intérêt général et à l’incarnation de
la nation issue de la Révolution française. La notion de parti politique était associée à la défense
d’intérêts particuliers. On peut ajouter que même si la loi de 1901 donne un cadre légal aux partis
politiques ces-derniers ne seront reconnus en France constitutionnellement à partir de 1958. Malgré
cette hostilité française et cette loi de 1901 qui arrive tard, des partis politiques se constituent dans les
années 1870 en dehors de tout cadre légal. Les premiers partis français sont les partis issus du
mouvement ouvrier. Ils vont s’appuyer sur les réseaux ouvriers que sont les coopératives, les mutuelles
ou encore les cabarets. Il faut attendre 1901 pour voir apparaître officiellement les partis politiques.
Les premiers qui apparaissent en 1901 sont le parti républicain radical, le parti radical socialiste et
l’alliance républicaine démocratique. Dans les années qui vont suivre, apparaissent l’ensemble des
partis politiques, comme la SFIO en 1905. La vie politique va devenir partisane avec des emblèmes et
des programmes qui vont se diffuser d’abord dans les villes, puis à l’échelle de l’ensemble du
territoire.

C) La crise de la représentation

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Le choix du système représentatif par les révolutionnaires s’explique par la volonté de représenter le
peuple parce qu’au départ le peuple était considéré comme incapable de gérer lui-même les affaires de
la cité et donc il devait s’en remettre à des élites éclairées. C’est pour cela qu’au début on a mis en
place un suffrage censitaire. L’idée était d’écarter, avec le suffrage censitaire, les masses de la
population considérées comme incompétentes. Dès la mise en place du suffrage universel, il n’y a pas
de volonté de relier les élus et les électeurs par une ressemblance sociologique. Les représentants ne
sont pas à l’image de la société, ils doivent incarner l’intérêt général, la volonté générale. Ce n’est pas
un système de représentation miroir de la société qui serait une reproduction miniature de la société.
C’est précisément cette conception de la représentation qui est au cœur des critiques. On peut dater ces
critiques. R. Michels a publié, en 1911, un ouvrage intitulé « Les partis politiques, essai sur les
tendances oligarchiques dans les démocraties ». Aux Etats-Unis un mouvement critique va naître dans
les années 50/60 qui va critiquer le système représentatif. En France, il va falloir attendre les années
70 pour que se développe une critique qui s’appuie sur les origines socioculturelles des hommes
politiques. On va s’intéresser aux logiques de recrutement des hommes politiques en France pour
s’apercevoir qu’ils appartiennent bien souvent à ce que l’on appelle une élite sociale.

II- Débats contemporains autour de la crise de la représentation

A) Les logiques du recrutement politique


Le premier politiste français a avoir étudié les élites politiques est Pierre Birnbaum, qui a publié deux
ouvrages : « Les sommets de l’Etat, essai sur l’élite du pouvoir en France en 1977 et « La classe
dirigeante française » en 1978. Il va montrer dans ces ouvrages les transformations qui ont affecté la
sélection des hommes politiques à partir 1958. Pour rappel, sous la IIIème et la IVème République les
élites politiques étaient surtout issues de la bourgeoisie économique et intellectuelle. Il y avait une
prédominance des avocats parce qu’ils maîtrisaient l’art oratoire et le droit. Sous la IIIème République,
il y a eu plus de 30% d’avocats à l’Assemblée nationale. Birnbaum va montrer qu’à côté du critère de
la fortune deux nouveaux critères de sélection vont apparaître progressivement : l’art oratoire et
l’excellence scolaire. Ce qui va marquer vraiment la transformation majeure de la Vème République,
c’est le passage par les grandes écoles, et notamment par l’ENA créée en 1945. A partir de 1945, cette
école devient la voie royale pour accéder aux responsabilités politiques nationales. D’ailleurs, on voit
de plus en plus de hauts fonctionnaires se lancer dans la compétition électorale parce qu’il faut aussi
de plus en plus maîtriser des compétences techniques et gestionnaires, qui deviennent un critère de la
légitimité politique, d’où l’apparition du terme technocratie. Cette évolution ne rend pas compte de la
diversité des profils des hommes politiques, diversité qui s’observe selon les partis politiques ou selon
l’échelon politique considéré. Il existe deux types de cursus politiques. Le premier est le cursus
classique ou ascendant. Dans ce cursus, la carrière politique commence au niveau local. C’est
l’acquisition d’une notoriété locale qui permet d’accéder à des fonctions nationales, notamment à
travers un siège de député. Ce cursus classique est très répandu à la fin du XIXème siècle et au début
du XXème siècle au moment où les notables monopolisent les postes. Mais, on le retrouve encore
aujourd’hui à une différence près : c’est le militantisme partisan qui sert de tremplin à une carrière
nationale. Le deuxième type de cursus est ce que l’on appelle le cursus moderne ou inversé. Ils s’agit
d’hommes politiques qui commencent leur carrière directement au sommet de l’Etat et qui acquièrent
une implantation électorale au niveau local. C’est ce type de cursus qui se développe avec la création
de l’ENA (devenu INSP en 2021). On a de plus en plus de hauts fonctionnaires de l’ENA ou de
polytechnique qui vont exercer dans un premier temps des fonctions de conseiller ou d’expert auprès
des ministres. Même certains d’entre eux sont nommés ministres directement sans avoir été élus,
comme Jacques Chirac. En effet, il est énarque et rentre à la Cour des comptes en 1962. Il commence
sa carrière comme membre du cabinet de Georges Pompidou, qui est alors Ier ministre. Il devient
député de Corrèze en 1967. Puis, il devient ministre en 1968, avant de devenir Ier ministre pour la
première fois entre 1974 et 1976. En 1976, il crée le RPR et il est élu maire de Paris en 1977. Ensuite,
il redevient Ier ministre entre 1986 et 1988 sous la cohabitation, puis devient Président de la

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République en 1995. Il est le dernier à effectuer un septennat. Ce type de carrière expose toutefois un
risque majeur dans la carrière politique. Une fois dans l’opposition, on peut perdre toutes ses
responsabilités. C’est pour cette raison que les personnalités politiques qui suivent ces types de cursus
cherchent à se faire élire maire ou député. L’absence de légitimité élective est un handicap pour durer
en politique. La phase d’implantation locale est très importante de la cursus inversé ou moderne. On
peut citer les anciens Ier ministres d’Emmanuel Macron. Ce qui est important est que l’investissement
municipal ou de proximité permet de se faire de cette identité de technocrate parisien. Même, parfois,
la valorisation de l’action locale leur permet de prétendre à des hautes fonctions. Cependant, depuis le
mandant d’Emmanuel Macron, on observe quelques changements. C’est le retour des hauts
fonctionnaires au pouvoir. Enfin, on a un troisième cursus qui a émergé depuis une vingtaine d’années,
notamment depuis la présidence de Sarkozy, qui est le processus de la société civile, c‘est-à-dire être
une personnalité reconnue pour intégrer directement un gouvernement au nom de sa notoriété (Nicolas
Hulot, David Douillet). Il faut retenir que le passage par l’ENA ou les grandes écoles est devenu une
voie royale pour accéder aux plus grandes responsabilités, mais il n’a pas remis en cause la nécessité
d’une implantation locale. Nous allons passer en revue les profils sociaux des hommes politiques. Le
principe de représentation n’implique pas une représentativité sociologique des citoyens. D’ailleurs,
pour l’illustrer on peut mentionner quelques chiffres. La composition de l’Assemblée nationale entre
2017 et 2022 affiche un pourcentage de 63% de cadres et de professions libérales, alors qu’il
représente 17% de la population active. A l’inverse, la catégorie des ouvriers et des employés
représente plus de 40% de la population active, et seulement 2,4% des députés. Les fonctionnaires
représentent 25% des députés lors de la dernière législative. Globalement, il y a un phénomène de
surreprésentation des fonctionnaires de catégorie A, des professions libérales et des enseignants. Le
fait d’être issu des catégories les mieux dotées en capital scolaire et en capital économique est donc
une ressource essentielle pour faire une carrière politique. Rares sont les personnalités de premier plan
à être issues des catégories populaires. On peut quand même citer deux personnalités célèbres. La
première est Pierre Bérégovoy, qui a commencé sa carrière comme ouvrier à la SNCF et qui est
devenu Ier ministre en 1991. On peut aussi citer Charles Pasqua qui a commencé sa carrière de
représentant commercial dans la société Ricard et qui est devenu ministre de l’Intérieur sous Jacques
Chirac à la fin des années 80. Mais, ces cas isolés sont en fait l’exception qui confirme la règle. On va
toutefois nuancer un petit peu le propos puisqu’on ne peut pas conclure avec ces données à l’existence
d’une classe politique homogène. En fait, il y a une nette différence selon les partis politiques. Les
professions libérales et les cadres du secteur privé sont surtout représentés dans les partis de droite :
Les Républicains et la République En Marche. Dans les partis de gauche (notamment chez les
écologistes, le Parti Socialiste et France Insoumise), ce sont surtout les fonctionnaires/enseignants qui
sont représentés. Ce sont surtout les petits partis qui représentent des candidats d’origines sociales de
milieux modestes. C’est le cas du Parti Communiste. Le cas du Rassemblement National est varié. En
effet, on a de nombreuses professions libérales et de cadres privés. Mais, on retrouve, dans la nouvelle
législature, quelques commerçants ou artisans. On voit, à travers ces exemples, comment les partis
politiques et les hommes et les femmes politiques font un usage stratégique de leurs origines
professionnelles pour capter des électeurs.

B) Les femmes en politique


Le droit de vote est accordé aux femmes en 1944. Malgré cet octroi de vote aux femmes, il n’a pas mis
fin automatiquement à une situation d’exclusion de la vie politique en France dans le sens où elle sont
largement restées à l’écart des fonctions politiques. Face à ce constat, les revendications pour une plus
forte présente des femmes en politique n’ont cessé de s’accentuer tout au long du XXème siècle et ont
abouti en 2000 à une loi qui impose la parité. Ce sont des considérations constitutionnelles qui ont
abouti sur la loi sur la parité en juin 2000.

1. De l’exclusion politique des femmes à la parité

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Si l’on prend la présence des femmes à l’Assemblée nationale après l’octroi du droit de vote, elles ne
sont que 5% des députées. Avec la Vème République, elles ne sont plus que 1,3% en 1958. Il va falloir
attendre la fin des années 70 pour que ce taux dépasse à nouveau les 4%. Le changement de mode de
scrutin va expliquer la diminution du nombre de femmes. Pour lutter contre l’instabilité ministérielle
de la IVème République, on abandonne le scrutin à la proportionnelle pour le remplacer par un scrutin
uninominal. Or, ce mode de scrutin uninominal favorise les hommes parce que dans ce mode de
scrutin on préfère investir des candidats connus, donc des sortants. Puisqu’il y a peu de femmes élues,
il y a peu de sortantes. Très peu d’hommes vont vouloir laisser leur place dans ce mode de scrutin aux
femmes. Mais, le mode de scrutin n’explique pas tout puisqu’on retrouve cette sous-représentation
dans toutes les élections, quel que soit le mode de scrutin. Si l’on prend le Sénat, en 1989 seules 3%
des sénateurs sont des femmes. En 1999 elles atteignent 6% au Sénat avant la loi sur la parité. En
2014, malgré la loi sur la parité on atteint difficilement 25%. Aujourd’hui, on atteint 35% de femmes
sénatrices. Au niveau municipal, les femmes étaient un peu plus nombreuses du fait du scrutin de liste,
mais peu de femmes accédaient aux fonctions de maire ou d’adjointes. Bien souvent, les femmes
restaient cantonnées à quelques domaines spécifiques comme la santé, la famille, le social ou les
affaires scolaires. Au niveau des maires, ce n’est plus le cas. On a des maires femmes de grandes
villes, comme Anne Hidalgo à Paris ou Martine Aubry à Lille. Jusqu’à une date récente, on a une
quasi-absence des femmes, y compris au niveau ministériel. Seulement 2 femmes ont accédé au poste
de Ier ministre : Edith Cresson en 1992 et Elisabeth Borne en 2022. En fait, l’accès des femmes à des
postes importants est un phénomène récent qui date de la fin des années 90, au fur et à mesure que la
revendication en faveur de la parité s’imposait. Il faut attendre le gouvernement de Manuel Valls en
2014 pour que soit affiché pour la première fois autant de femmes ministres que d’hommes (18 et 18).
Qu’est-ce qui explique la sous-représentation des femmes jusqu’aux années 2000 ?
- Le poids des représentations sur la nature féminine. Il y a eu pendant longtemps un
phénomène d’auto-exclusion où les femmes ne se sentaient pas en capacité de concurrencer
les hommes.
- Le fonctionnement oligarchique, puisque les partis politiques ont été longtemps gérés par des
hommes.
- Le cumul des mandats. La possibilité pour les élus de cumuler des mandats locaux et
nationaux a longtemps expliqué la faible marge de manœuvre des partis politiques pour
investir des femmes.
Face à ce constat, à partir des années 70, on voit se développer l’idée selon laquelle seule la contrainte
juridique pourrait permettre de changer la donne. Etant donné que la volonté de partis politiques pour
investir des femmes en nombre suffisant ne suffit pas, la seule solution qui était légitime était de
légiférer pour contraindre les partis à respecter un quota de femmes parmi les candidats. Le premier
projet de loi en ce sens est déposé en 1975 par Françoise Giroud qui est secrétaire d’Etat à la condition
féminine. Elle dépose un projet de loi à l’Assemblée nationale qui demande que les listes pour les
élections municipales ne comportent pas plus de 85% de personnes du même sexe. Ce projet de loi
équivalait à appliquer un quota de 15% de femmes. Ce projet de loi n’a pas été adopté. C’est en 1982
qu’une autre figure du féminisme, Gisèle Halimi, va introduire un amendant législatif qui propose une
proportion de 30% de candidates aux élections municipales, amendement adopté par les deux
chambres (Assemblée + Sénat) mais jamais appliqué car cela n’a pas été validé par le Conseil
constitutionnel. Cette mesure a été considérée comme inconstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a
appliqué l’article 3 de la Constitution selon lequel la République est indivisible. Ce principe de quota
était incompatible avec le principe républicain de l’accès aux emplois et aux fonctions publiques. Il va
falloir attendre 10 ans pour que ce projet soit repris lors de l’élection présidentielle de 1995 (Lionnel
Jospin et Jacques Chirac). Une fois élu, Chirac crée l’observatoire de la parité. L’objectif est de rédiger
un rapport sur la place des femmes dans la politique et de réfléchir sur la parité. Finalement, la loi est
adoptée le 6 juin 2000.

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