Textes en

vers vs textes en
prose

“Tout ce qui n’est point prose est vers, et tout ce qui n’est point
vers est prose.” Molière. Le bourgeois gentilhomme.

 
 
La classification des textes en prose et en vers est très ancienne : elle remonte à l’Antiquité
grecque. Elle permettait déjà de distinguer les textes non littéraires (religieux, historiques,
philosophiques, scientifiques, etc.) souvent écrits en prose des textes littéraires, souvent écrits
en vers. Dans la Grèce antique, la littérature était généralement composée en vers car la poésie
était une forme d’art très appréciée et jugée plus noble et plus élaborée. De même, les poètes
étaient des figures importantes dans la société grecque. 
Homère chantant ses poèmes
À cette époque, les poèmes épiques, tels que l’Iliade et l’Odyssée d’Homère étaient très
populaires, ainsi que les poèmes lyriques de Sappo et les poèmes dramatiques. En outre, la
poésie dans la culture grecque était composée pour être chantée ou récitée (donc la poésie
était associée à la performance orale) alors que la prose était plutôt réservée, dans l’ensemble,
aux écrits philosophiques, scientifiques et historiques. Toutefois, les œuvres littéraires
n’étaient pas composées seulement en vers, il y avait aussi, dans la Grèce antique, la prose
littéraire sauf que celle-ci était moins courante que la poésie. Parmi les plus importantes
œuvres littéraires grecques composées en prose, on peut citer Les Dialogues de Platon.
La distinction prose/vers perdure pendant plusieurs siècles au point d’être jugée naturelle,
comme l’indique, par exemple, le maitre de philosophie à Monsieur Jourdain, de Molière :
« Monsieur Jourdain : Il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande
qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser
tomber à ses pieds.
Le Maître de philosophie : Fort bien.
Monsieur Jourdain : Cela sera galant, oui.
Le Maître de philosophie : Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?
Monsieur Jourdain : Non, non ; point de vers.
Le Maître de philosophie : Vous ne voulez que de la prose ?
Monsieur Jourdain : Non, je ne veux ni prose ni vers.
Le Maître de philosophie : Il faut bien que ce soit l’un ou l’autre.
Monsieur Jourdain : Pourquoi ?
Le Maître de philosophie : Par la raison, monsieur, qu’il n’y a, pour s’exprimer, que la prose et les vers.
Monsieur Jourdain : Il n’y a que la prose et les vers ?
Le Maître de philosophie : Non, monsieur. Tout ce qui n’est point prose est vers, et tout ce qui n’est point vers
est prose.
Monsieur Jourdain : Et comme l’on parle, qu’est-ce que c’est donc cela ?
Le Maître de philosophie : De la prose.
Monsieur Jourdain : Quoi ! quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de
nuit », c’est de la prose ?
Le Maître de philosophie : Oui, monsieur. » (Le bourgeois gentilhomme, acte II, scène 4).
Ainsi, pour rédiger le message qu’il voulait adresser à la marquise Dorimène, Monsieur
Jourdain avait, lui explique le maître de philosophie, le choix entre deux choses : écrire son
texte soit en prose, soit en vers. Ces deux formes d’écriture étant, en effet, perçues pendant
longtemps comme distinctes, opposées et exclusives l’une de l’autre.

QU’EST-CE QUE LE
VERS?
Le mot « vers » vient du latin versus signifiant « tourner », « retour », c’est-à-dire retour à la
ligne . À l’origine, ce mot était d’usage dans le domaine de l’agriculture où il désignait le fait
de tourner la charrue au bout du sillon pour revenir et tracer un nouveau sillon ou trait. Peu à
peu, le terme « vers » a fini par désigner la « ligne de labour » (la « ligne tracée sur le sol »
par le laboureur pour semer les graines), le sillon ou le trait lui-même. Plus tard, au XIIIe
siècle, le mot français « vers » est utilisé en littérature pour désigner une ligne d’écriture
notamment la ligne d’un poème, mais tout en gardant l’idée du retour à la ligne. Ainsi, un
décasyllabe (un vers de 10 syllabes), par exemple, s’achève quand on atteint la dixième
syllabe, car juste après, on doit retourner à la ligne pour entamer le vers suivant, et ainsi de
suite.
La faim fait rêver les grands loups moroses ;
La rivière court, le nuage fuit ;
Derrière la vitre où la lampe luit,
Les petits enfants ont des têtes roses.
(Hugo, Choses du soir)
En somme, le mot « vers » désignait en agriculture 1° le fait de tourner la charrue au bout du
sillon ; 2° le sillon lui-même ; et en littérature, 3° la ligne d’écriture, notamment 4° la ligne
d’un poème.
 QU’EST-CE QUI CARACTÉRISE
L’ÉCRITURE EN VERS?
L’écriture en vers est une forme d’écriture structurée qui obéit à des règles strictes
concernant la métrique des syllabes (ou la métrique syllabique) et le rythme des phrases. 

MÉTRIQUE SYLLABIQUE