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Types et genres
de discours
5.2.2. Genres et types
Certains emploient indifféremment « genre » et « type de dis-
cours », mais la tendance dominante est plutôt de les distinguer,
comme nous le faisons depuis le début de ce livre : les genres de
discours relèvent de divers types de discours, associés à de vastes
secteurs d’activité sociale. Ainsi le talk-show constitue-t‑il un genre
de discours à l’intérieur du type de discours télévisuel, lui-même partie
prenante d’un ensemble plus vaste que serait le type de discours mé-
diatique, où figureraient aussi le type de discours radiophonique
et celui de la presse écrite. On divise ainsi la société en différents
56 Analyser les textes de communication
5.2.3. D’autres classifications
On peut répartir les genres de discours en prenant pour inva-
riant non un secteur d’activité mais un lieu institutionnel : l’hôpi-
tal, l’école, l’entreprise, la famille… Si l’on prend pour invariant
l’hôpital, par exemple, on peut inventorier les multiples genres de
discours écrits ou oraux qui y sont pratiqués : la consultation, le
dossier médical, les réunions de service, les séances de radiogra-
phie, etc.
On peut aussi prendre pour critère le statut des partenaires du
discours : discours entre enfants et adultes, entre enfants, entre
hommes et femmes, entre femmes, entre supérieurs et inférieurs,
etc. Mais parler du « discours des jeunes » ou du « discours des
femmes » soulève de grandes difficultés ; ce sont des catégories
trompeuses : un « jeune » participe en fait à de multiples activités
de discours, avec des interlocuteurs très variés.
À côté de ces divisions fondées sur le statut des partenaires
il en est qui reposent sur des positionnements de nature idéolo-
gique : le « discours socialiste » ou le « discours catholique » de
telle époque et de tel lieu… En fait, pour l’analyse du discours,
de telles unités sont indissociables des genres de discours qu’elles
mobilisent et de la manière dont elles les mobilisent (voir infra,
chap. 6).
5.3. Typologies linguistiques
et discursives
5.3.1. Les typologies énonciatives
Nous avons laissé de côté un type de classification moins connu,
car fondé sur des propriétés linguistiques, plus précisément
énonciatives. À la base, on trouve l’opposition établie par le lin-
guiste français Émile Benveniste entre « discours » et « histoire »
(ou « récit »), sur laquelle nous reviendrons au chapitre 10. Pour
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5.4.2. Sécuriser la communication
Comme elle est partagée par les membres d’une collectivité, la
compétence générique permet aussi d’éviter la violence, le malen-
tendu, l’angoisse de part et d’autre de l’échange…, bref de sécu-
riser la communication verbale.
Supposons que je rédige une carte postale de vacances à un
ami ; il sait aussi bien que moi ce qu’on peut attendre d’un tel
écrit et chacun de nous sait que l’autre le sait : il ne sera donc
pas vexé que mon texte soit très court, ni choqué que je parle
seulement du beau temps et de mes visites touristiques, que je
ne mette pas la carte dans une enveloppe, etc. En me confor-
mant ainsi aux normes du genre de la carte postale je ne risque
pas de blesser mon destinataire ou de me déconsidérer (voir
chap. 2, p. 30 la notion de « face »). En outre, comme un cer-
tain nombre de droits et de devoirs sont associés au genre et
que chacun est censé les connaître, il est possible de faire des
transgressions porteuses de sens : si j’envoie du bord de mer
une carte postale de la tour Eiffel à quelqu’un qui habite Paris,
je peux m’attendre à ce qu’il cherche quelque arrière-pensée
dans ce geste. La transgression d’une règle implicite du genre
« carte postale de vacances » permet d’indiquer au destinataire
qu’il doit chercher un sous-entendu, variable selon la situation
(voir chap. 2, p. 23).
Un support matériel
Nous venons d’évoquer les journaux ou les affiches ; ici l’on
entre dans une dimension à laquelle on accorde aujourd’hui
une grande importance : la dimension médiologique des énoncés
(voir chap. 6). Un texte peut passer seulement par des ondes
sonores (oralité), avoir ses ondes traitées puis restituées par un
décodeur (radio, téléphone…), être manuscrit, imprimé à un
exemplaire (imprimante individuelle), figurer dans la mémoire
d’un ordinateur, etc. Une modification de son support matériel
modifie radicalement un genre de discours : un débat politique
télévisé est un tout autre genre de discours qu’un débat dans
une salle avec pour seul public les auditeurs présents. Ce qu’on
appelle un « texte », ce n’est donc pas un contenu qui se fixerait
sur tel ou tel support, il ne fait qu’un avec son mode d’exis-
tence matériel : mode de support / transport et de stockage, donc
de mémorisation.
ATTESTATION
Le prêt immobilier d’un montant initial de EUR 20 000, sous le
numéro de compte et en l’agence cités en rubrique, accordé par
notre établissement à M. X, selon l’offre préalable de prêt établie
en date du 12/06/2000 a été remboursé dans sa totalité par anti-
cipation en date du 09/02/2006, de sorte que la créance de notre
établissement est éteinte.
Il est clairement stipulé que la présente attestation est exclusi-
vement délivrée pour la créance de la Banque représentée par le
prêt enregistré sur le compte cité en rubrique, et que la créance
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5.7.1. Le contrat
Dire que le genre de discours est un contrat1, c’est souligner
qu’il est foncièrement coopératif et réglé par des normes (voir
chap. 2, p. 23). Tout genre de discours exige de ceux qui y par-
ticipent qu’ils acceptent un certain nombre de règles mutuelle-
ment connues et les sanctions encourues s’ils les transgressent.
Bien entendu, ce « contrat » n’a pas besoin de faire l’objet d’un
accord explicite : « C’est justement parce que le contrat de com-
munication est fondateur de l’acte de langage qu’il inclut sa propre
validation. L’autre interlocuteur-destinataire est considéré comme
souscrivant par avance aux termes du contrat2. » Un journaliste
assume le contrat qu’implique le genre de discours auquel il par-
ticipe ; pour un fait divers, par exemple, il est censé être véridique
(ne relater que le vrai), choisir un thème qui relève du fait divers
(un incendie dans une grange et pas un événement politique),
donner toutes les informations nécessaires à la compréhension
(cf. les fameux « qui ? », « quand ? », « où ? »…), ne pas suppo-
ser des savoirs qui ne soient pas ceux de son lecteur-modèle (voir
chap. 3.4), etc. Réciproquement, le lecteur d’un fait divers est en
droit de voir respectées ces normes, qui sont pour lui autant d’at-
tentes liées au genre, mais il ne pourra pas évaluer négativement
le texte si elles sont respectées.
5.7.2. Le rôle
Il existe depuis l’Antiquité une longue tradition de moralistes qui
considèrent les interactions sociales comme un immense théâtre
où l’on ne fait que jouer des rôles. Parler de rôle, c’est insister sur
le fait que chaque genre de discours implique les partenaires à
travers un statut déterminé, non dans toutes leurs déterminations
possibles. Quand un agent de police fait un contrôle d’identité, il
intervient en tant qu’agent de la force publique, non en tant que
père de famille de trois enfants, homme brun, moustachu, avec
un accent toulousain ou alsacien, etc. Quant à l’individu contrô-
lé, il ne l’est qu’à travers des oppositions avoir / ne pas avoir
1 Problématique qui a surtout été développée par P. Charaudeau, dans son livre
Langage et discours (Hachette, 1983) et dans ses travaux ultérieurs.
2 P. Charaudeau, Cahiers de linguistique française, n° 17, p. 160.
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5.7.3. Le jeu
Parler de jeu, c’est en quelque sorte croiser les métaphores du
contrat et celles du théâtre, en mettant l’accent à la fois sur le
respect des règles qu’implique la participation à un genre de dis-
cours et sur la dimension théâtrale. Comme le jeu, un genre im-
plique un certain nombre de règles préétablies censées mutuelle-
ment connues et dont la transgression met un participant « hors
jeu ». Mais, à la différence de celles du jeu, les règles du discours
n’ont rien de rigide ; elles ont des zones de variation, les genres
peuvent se transformer. En outre, le genre de discours est rare-
ment gratuit, alors qu’un jeu est coupé des finalités pratiques, il
vise au délassement.