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2. L'interprétation du catharisme
Hervé Rousseau
Rousseau Hervé. 2. L'interprétation du catharisme. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24ᵉ année, N. 1, 1969. pp.
138-141;
doi : 10.3406/ahess.1969.422040
http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1969_num_24_1_422040
2. L'interprétation du catharisme
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par René
de
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et des obscurités sur d'autres points : elle ne résout pas les difficultés,
elle les transfère x.
2. Qu'elle se fonde sur des textes suffisamment nombreux et clairs,
en tenant compte de leur contexte historique. Or, ce n'est pas le cas.
R. Nelli fait appel à deux textes : le traité cathare anonyme sans doute,
mais surtout le Livre des deux principes de Jean de Lugio qu'il a traduit
dans ses Écritures cathares.
Le « traité anonyme » peut être daté de 1220, et serait originaire de la
Narbonnaise 2 ; le Livre des deux principes qui, s'il n'est de Jean de Lugio,
reflète sa doctrine, serait postérieur à 1250 et originaire de Bergame. Est-il
légitime d'éclairer le « traité anonyme » au moyen du Livre de Jean de
Lugio ? Cela est douteux, lorsqu'on sait l'importance des variations dans
le temps et l'espace des thèmes cathares, et les dissensions qui existaient
à l'intérieur même de la secte des dualistes absolus Albanenses dont faisait
partie Jean de Lugio, d'après le témoignage de Sacchoni ; celui-ci précise
que « Ce Jean de Lugio et ses complices n'osent pas révéler (leurs thèses)
à leurs fidèles, de peur que ces derniers ne se séparent d'eux, en raison de leurs
innovations et du schisme qu'ils sèment entre les cathares » 3. Les thèses
de Jean de Lugio seraient donc des innovations même parmi les dualistes
absolus : il est dès lors peu probable qu'elles expliquent le « traité
anonyme ». Jean de Lugio n'est pas représentatif de la pensée cathare
authentique.
Il en résulte que le « traité anonyme » doit être étudié pour lui-même
et en lui-même, par une exégèse minutieuse et rigoureuse : ce travail est
désormais fait, grâce à Mlle Thouzellier. Pour comprendre ce traité, il
n'est nul besoin de supposer une théorie subtile du néant ; il suffit également
de replacer le chapitre relatif au nihil dans le contexte du traité pour
comprendre le sens de l'argumentation fondée sur ce mot. Il ne s'agit pas
pour le cathare de donner une définition du mal, mais de démontrer que,
ce monde étant ce qu'il est — vanité, temporalité, nullité - — il n'a pu
être créé par le Dieu bon qui ne crée que de l'éternel, et qu'il faut supposer
un autre principe, indépendant de Dieu. Il s'agit-là d'une argumentation
classique chez les cathares, que l'on retrouve sous de multiples formes
parallèles. Pour donner un exemple, le cathare Bélibaste 4 raisonne ainsi :
t Dieu avait dit que rien de ce qu'il a fait lui-même ne pouvait périr, parce
que son Verbe, par lequel il a fait toutes choses, dure pour l'éternité, et
c'est pourquoi rien de ce qu'a fait le Père saint ne peut périr. Puisque
tout ce qui est dans ce monde visible, c'est-à-dire le ciel, la terre et tout ce
qui s'y trouve, périra et sera détruit, il n'a donc rien fait de ces choses-là,
mais c'est le seigneur de ce monde qui a fait tout cela. » Cette opposition
entre éternel et périssable est parallèle à l'opposition entre charité et nihil.
Il faut souligner enfin le type d'argumentation du « traité anonyme » :
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