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SAINT BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE

Author(s): J. G. Bougerol
Source: Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age , 1969, Vol. 36 (1969),
pp. 131-167
Published by: Librairie Philosophique J. Vrin

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/45134408

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SAINT BONAVENTURE
ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE

Parmi les schemes dionysiens utilisés par saint Bonaventure celui de


la hiérarchie occupe une place importante. Nous le trouvons en effet en
théologie trinitaire, en angelologie, en ecclésiologie comme en théologie
spirituelle, c'est-à-dire que saint Bonaventure n'hésite pas à universaliser
la hiérarchie plus encore que n'a pu le faire Denys.
Cette étude voudrait fonder ce jugement sur une analyse objective des
textes. Après avoir dégagé la notion générale de la hiérarchie chez Bona-
venture en la confrontant à la notion dionysienne, nous indiquerons les
applications de cette notion aux différentes hiérarchies et à l'âme
hiérarchisée.

I. Notion générale de la hiérarchie .

Dans la distinction 9 de son deuxième Livre des Sentences, Pierre


Lombard, tout en citant Denys1, Hugues de Saint-Victor2 et la Summa
Sententiarum 3, n'emploie pas une seule fois le mot 4 Hierarchia '
C'est chez Alexandre de Halès que nous trouvons un texte auquel
demeurera fidèle saint Bonaventure4 : « Sed quoniam novem ordinēs
angelorum pertinent ad hierarchiam, oportet cognoscere quid sit hierarchia
et quid est quod dicitur hierarchia. »

(1) P. Lombard, Liber Sent. II , d. 9, c. 1 (éd. Quaracchi 1916, 345) cite la Summa
sent., tr. 2, c. 5 (PL 176, 85) où Denys est invoqué, CHf c. 6 (Dionysiaca, 830 ss.).
(2) Hugues de Saint-Victor, De sacram . fidei Christ ., I, p. 5, c. 30 (PL 176, 260).
(3) Summa sentent ., tr. 2, c. 5 (PL 176, 85-87). On sait que la Summa sententiarum
dépend tout à la fois d' Hugues de Saint-Victor et d'Abélard, mais la question de son
auteur demeure encore insoluble. Pierre Lombard l'a utilisée abondamment, dans un
texte habituellement pur. Cf. J. de Ghellinck, Le Mouvement théologique du XIIe siècle,
2® éd., Paris 1948, 197-203.
(4) Alex. Hal., Glossa in II Sent., d. 9, n. 1 (II, 83).

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132 J. G. BOUGEROL

Il est vrai qu'Alexandre de Halès sembl


d'Auxerre6 : « Primo ergo dicendum est
ordinēs distinguuntur per ierarchias. In
describit beatus Dionysius sic... ».
Saint Bonaventure reprend la questio
définitions de Denys en les commentan
dans la définition magistrale qu'il empr
trois définitions se trouvent chez Deny
définit la Hiérarchie incréée : « Hierarchia est divina pulchritudo ut
simpla, ut optima, ut consummata vel consummativa », « La beauté
qui convient à Dieu dans sa simplicité, dans sa bonté, dans sa perfection
fondamentale7. » Bonaventure, tout en citant textuellement la version
de Jean Scot Érigène, n'en transforme pas moins Denys, car l'Aréopagite
n'a pas l'idée d'introduire une définition de la hiérarchie incréée pour
éclairer la notion de hiérarchie céleste. Denys n'a même jamais usé du
mot ' hierarchia ' pour désigner la divinité, il emploie plutôt 4 thearchia '
ou 4 divinitas ', dans les versions latines8.
Il s'agit donc bien là d'une transformation volontaire que Bonaventure
fait subir au texte dionysien. Le commentaire qu'il en fait explicite
encore son intention de dépasser la théologie trinitaire de Denys. La
trinité ne préjuge pas de l'unité, ni l'unité de la trinité. Mais l'unité
est la perfection de la trinité et la trinité celle de l'unité. En effet, l'unité
dans la trinité est signifiée par les mots : « Hierarchia est divina pulchri-
tudo... » Or la beauté consiste dans la pluralité et l'égalité, comme le

(5) Guill. Aux., Summa aurea , II, tr. 3 (fol. 42a). Nous reviendrons à ce texte
où l'auteur cite comme étant de Denys, la définition de Prévostin de Crémone.
Alexandre de Halès emprunte peut-être à Guillaume d'Auxerre cette définition, mais
il ne l'attribue plus à Denys et la cite comme si elle était de lui. Bonaventure l'a peut-être
pensé, car il la qualifie de « quaedam deflnitio magistralis » (II Sent., d. 9, praenota ta-
ll, 238). Cette définition se trouve dans le manuscrit de la Summa de Prévostin,
cod. Todi 71, fol. 91b. Il faut remarquer que l'explication donnée de cette définition
par Alexandre de Halès est assez différente de celle de Guillaume d'Auxerre.
(6) Dans l'ordre où les cite Bonaventure, CH, c. 3, § 1 (Dion., 786) ; c. 3, §1 (Dion.,
785-786) ; c. 3, § 2 (Dion., 787-788). Cl. notre étude sur Saint Bonaventure et le Pseudo -
Denys V Aréopagite, dans les Actes du Colloque Saint Bonaventure 1968, E F , supplément
annuel 1968.
(7) Trad. M. de Gandillac, Œuvres complètes du Pseudo-Denys V Aréopagite, Pa
1943, 196.
(8) Cf. les nomenclatures données par Dionysiaca de 'Hierarchia', 'Thearchia
'divinitas'. Luc Mathieu, La Trinité créatrice d'après Saint Bonaventure, 41 s. qui
montre que ce prolongement de la notion de hiérarchie jusqu'à la Trinité a été introduit
par Hugues de Saint-Victor dans son Expos, in HC, 1. IV, super C. 3 (PL 175, 993 AB).
Saint Thomas refuse cette interprétation comme étrangère à Denys. ST, Ia, q. 108,
a. 1, conci., tandis que Bonaventure, nous le voyons ici et nous le retrouverons dans
Hexaem ., coll. 2, n. 16 (V, 339a), fait de la hiérarchie supracéleste ou divine, la
première des hiérarchies, parce qu'il la voit aussi, à partir de la personne du Père,
comme un « sacer principatus »ģ

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 133

dit saint Augustin9. Nous retrouvons ici ce que Bonaventure a longuem


développé dans le premier Livre des Sentences10 dans les question
disputées11 et qu'il reprendra dans l' Itinerarium12, en faisant appel
l'axiome dionysien « Bonum difïusivum sui13 ».
Mais la pluralité ne préjuge pas de l'unité : « ut simpla... », car l
pluralité en Dieu n'enlève aucune simplicité à l'unité. De même, l'unité
ne préjuge pas de la pluralité : « ...ut optima... », car l'unité est telle e
Dieu qu'elle est en même temps souveraine bonté qui est la source d'un
parfaite communication, c'est-à-dire de la pluralité des personnes.
Enfin, l'unité est la perfection de la pluralité et la pluralité celle
l'unité : « ...ut consummata... » ce qui signifie que la perfection absolu
et souveraine réside dans la trinité et l'unité. Il faut remarquer que
Bonaventure ne répète pas ici le terme qu'il a employé en citant Denys :
« ...vel consummativa... », mais l'explication s'y réfère explicitement car
la perfection réside, en effet, dans la trinité jaillissant d'une source
féconde en l'unité divine.
Saint Bonaventure entend donc accrocher en quelque sorte tout l'uni-
vers des hiérarchies créées à la Hiérarchie divine, comme des « analogies
au sens dionysien. Dans la coll. 21 in Hexaemeron , il développera abon
damment sa pensée en montrant comment du soleil monarchique de
la Trinité découlent les illuminations dans la hiérarchie céleste et de là,
dans la hiérarchie ecclésiastique, enfin dans l'âme hiérarchisée. Nous
reviendrons sur ce texte important.
La deuxième définition présentée par Bonaventure est, en réalité,
la première et la seule que donne Denys : « Hierarchia est ordo divinus,
scientia et actio, deiforme quantum possibile similans, et ad inditas ei
divinitus illuminationes proportionaliter in Dei similitudinem ascendens. »
R. Roques traduit ainsi ce texte : « La hiérarchie, à mon sens, est un
ordre sacré, une science et une activité, qui s'assimilent à la forme divine,
autant qu'il leur est possible, et qui, par les illuminations divines, s'élèvent,
dans la mesure de leurs forces, à l'imitation de Dieu14. »
La manière dont Bonaventure présente cette définition après qu'il
ait situé la Hiérarchie divine au sommet et à l'origine de l'univers hiérar-
chique lui permet de souligner ici l'aspect « egressus » de la hiérarchie
angélique. Elle « sort » de Dieu en tant qu'image et ressemblance, tout
comme l'homme lui-même.
Elle sort de Dieu par mode d'image : «... ordo divinus, scientia et

(9) Aug., De vera religione , c. 30, n. 56 (PL 34, 146 ss.).


(10) I Seni., d. 2, a. un., q. 2 (I, 53 s.).
(11) M. Trin., q. 2, a. 1, arg. 7 et ad 7 (V, 60).
(12) Itin., c. 6, n. 2 (V, 310). Cf. Hexaem ., coll. 11, n. 11 (V, 381 ; éd. Delorme, 137).
(13) Cf. notre étude, Saint Bonaventure et le Pseudo-Denys, c. 2.
(14) R. Roques, La notion de hiérarchie selon le Pseudo-Denys, dans AHDLMA,
24 (1949), 183 s.

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actio ». La théologie des appropriati


en tant qu'ordre ou puissance ordo
rapporte au Père, en tant que scien
l'Esprit-Saint. Bonaventure ajoute : « S
tiam et voluntatem », rattachant ains
qu'il a donnée de l'assignation augus
consiste dans les trois puissances sous
de la pluralité des actes dans lesquels r
par rapport à l'autre : la mémoire e
son intelligence et l'intelligence en co
qui est bon. Ces trois puissances sont
genre qu'elle sans être son essence. D
elle-même, elle peut se mémoriser, se
La hiérarchie sort aussi de Dieu par
quantum possibile est, similans... ».
habitus, une disposition stable, - c'e
retour à Dieu par les illuminations d
La troisième définition proposée par Bonaventure est, en réalité,
donnée par Denys comme le but de la hiérarchie : « Hierarchia est ad
Deum, quantum possibile est, similitudo et unitas, ipsum habens scientiae
sanctae et actionis ducem, et ad suum divinissimum decorum immuta-
biliter definiens ; quantum vero possibile est, reformat suos laudatores »
dont nous donnons la traduction de R. Roques : « le but de la hiérarchie
c'est, autant qu'il se peut, l'assimilation et l'union à Dieu. Cette assimi-
lation et cette union ont Dieu lui-même comme maître de toute science
et de toute activité, elle ne cesse de contempler sa très divine bont
autant qu'il est en elle, elle marque de son empreinte ses sectateurs16 »
Saint Bonaventure ne se méprend d'ailleurs pas sur le sens que donne
Denys à cette définition. Pour Denys, c'est le but de la hiérarchie, pou
Bonaventure c'est l'aspect « regressus », retour à Dieu. La hiérarch
porte en elle ce retour comme une exigence, comme un habitus et
vit dans son actualité sous la conduite de Dieu. Ce retour immuable est
d'une plénitude de grâce et de charité telle que, par sa fécondité, l
hiérarchie peut aider les autres.
Remarquons en passant que Bonaventure a légèrement, et en apparenc
seulement, transformé le texte dionysien et sa version latine. Alors q
Denys entend dire que la hiérarchie reçoit l'empreinte de la bonté div
selon sa capacité et fait de ses sectateurs des images parfaites de Dieu,
Bonaventure a lu Scot Érigène en rattachant « les sectateurs »
membre de phrase précédent après avoir transformé le participe ť refo
mata ' en indicatif ť reformat ' dans la citation du texte et en partici

(15) /. Sent., d. 3, p. 2, a. 1 (I, 80-87).


(16) R. Roques, op. cit., 184. La fin de la traduction est de nous.

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présent 4 reformans ' dans le commentaire. On doit s'habituer à de tel


infidélités chez les maîtres médiévaux. D'autant plus que Bonavent
demeure fidèle à la pensée de Denys en suggérant ici ce que l'Aréopag
dira ailleurs, l'influence médiatrice des ordres supérieurs sur les ordr
inférieurs.
Ainsi, Bonaventure a d'abord marqué le caractère hiérarchique d
la monarchie divine. Puis il a présenté la notion dionysienne de l
hiérarchie dans sa sortie de Dieu, à son image et ressemblance, et dan
son retour en plénitude à l'unité. Il n'est pas étonnant dès lors qu
veuille rassembler tous ces éléments dans une définition qu'il emprun
à son maître Alexandre de Halès « quaedam definitio magistralis » :
« Hierarchia est rerum sacrarum et rationabilium ordinata potestas, in
subditis debitum retinens principátům », que nous pourrions transcrire
en l'interprétant dans l'esprit même de Denys : « La Hiérarchie est
pour les choses sacrées et raisonnables la puissance ordonnée qui maintient
son principát sur elles (par rapport au premier principe). »
Mais comme le montre R. Guardini17, cette définition magistrale ne
recouvre qu'une partie de la réalité hiérarchique. Entre le Commentaire
des Sentences et l'Hexaemeron, que séparent plus de quinze années de
réflexion et d'expérience religieuse, Bonaventure a mûri sa vision hiérarchi-
que du monde. Il ne répète pas la définition de Prévostin, mais à partir
de la définition dionysienne : « La hiérarchie à mon sens est un ordre
sacré, une science et une activité, qui s'assimilent à la forme divine,
autant qu'il leur est possible, et qui, par les illuminations divines, s'élèvent,
dans la mesure de leurs forces, à l'imitation de Dieu18 », Bonaventure
commente de la façon suivante : « L'Ordre de puissance correspond au
Père, la Science sacrée au Fils, l'activité au Saint-Esprit. Ainsi la hiérarchie
signifie la puissance, la science et l'activité. Car la puissance sans la
science est émoussée, la science sans l'activité infructueuse. Du fait
qu'elle approche le soleil éternel, elle doit être un ordre sacré ; en consé-
quence, elle est deiforme car elle forme la créature partie par la nature,
partie par la grâce, partie par la gloire : par l'image, par la ressemblance,
par la déiformité. Elle s'élève par les illuminations divines, par une

(17) R. Guardini, Systembildende Elemente in der Theologie Bonaventuras, Leiden


1964, 149 s. Cf. ibid., 176-183 sur les sources de la pensée bona ventunenne.
(18) Hexaem., coll. 21, n. 17 s. (V, 434), éd. Delorme, 241. La reportation Delorme
est beaucoup moins nette que celle de l'édition critique et semble dépendre de II Sent.,
d. 9, Praenotat. Voici le texte de Quaracchi : « Ordo potestà tis respondet Patri, scientia
sacra Filio, operatio Spiritui sancto. Unde hierarchia dicit potentiam, scientiam,
actionem. Potentia enim sine scientia hebes est, scientia sine actione, infructuosa.
Et hoc enim, quod appropinquat soli aeterno, oportet, quod sit sacra ordinatio ; et
per hoc sequitur, quod sit deiformis, quia format earn seu creaturam partim per
naturam, partim per gratiam, partim per gloriam : per imaginem, per similitudinem,
per deiformitatem. Et ideo ascendit ad inditas ei illuminationes, ascendens per influen-
tiam. Haec autem influentia non est simpliciter quid increatum ; nec ex hoc sequitur,

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influence. Cette influence n'est pas simp


dire qu'elle est influence d'une influence
Dieu. Elle signifie, en effet, une continu
et une réduction au premier principe, et
réalité distante. C'est donc une influenc
comme le Fils est sorti du Père et rev
l'assimile à un ordre sacré, à une science et à une activité par le fait
« qu'elles s'élèvent dans la mesure de leurs forces à la déiformité », partie
par la nature de l'image, partie par la nature de la ressemblance, c'est-à-
dire de la grâce, partie par la nature de la déiformité de la gloire ; la
mesure de leurs forces, le plus ou le moins dépend de la capacité et
détermine la réduction à la ressemblance avec Dieu. »
Bonaventure transpose donc ici ses réflexions sur la gradatio entium
Vemanatio et la reductio.
Si maintenant nous recherchons les sources auxquelles a pu s'adresser
saint Bonaventure, la première à s'offrir est l'Expositio in Caelest .
Hierarch. d'Hugues de Saint-Victor. En effet, nous l'avons déjà noté19,
Hugues est le premier à étendre la notion de hiérarchie à la divinité.
Et il le fait précisément à propos du texte dionysien que Bonaventure
assigne comme première définition de la hiérarchie20. Voici d'ailleurs le

quod influentiae sit influentia, quia haec influentia reducit in Deum ; dicit enim conti-
nuationem cum primo principio et reductionem in ipsum, non sicut res distans. Unde
vera est influentia, quae egreditur et regreditur, ut Filius exivit a Pâtre et revertitur
in ipsum. Unde dicit, quod est assimilata in sacra ordinatione, scientia et operatione
per hoc, quod est « ad deiforme, quantum possibile est, ascendens », partim per náturám
imaginis, partim per náturám similitudinis, scilicet gratiae, partim per naturam deifor-
mi ta tis gloriae ; et proportionaliter, quia secundum plus et minus, ut capax est, est
in Dei similitudinem rcducta. » Cf. notre Lexique saini Bonaventure, Paris 1969, art.
influentia. La traduction que nous donnons ci-dessus précise une nuance impor-
tante que nous n'avons pas assez mise en lumière dans l'article du Lexique. L 'influentia
qui, dans la pensée de Bonaventure, explique la vision hiérarchique de l'univers et la
ju8tifle, est une réalité complexe. Elle est tout à la fois présence et action de Dieu.
Sans risquer aucune confusion, car Dieu « summe distat a creaturis », I Sent., d. 25,
a. 2, q. 2, fund. 1 (I, 444a). Y influentia manifeste la présence intime de Dieu à toutes
les créatures « intimus est cuilibet rei et summe praesens et totus in qualibet re ».
I Sent., d. 37, p. 1, a. 3, q. 1, conci. (I, 647a).
A son stade ultime de réflexion et d'expérience religieuse, Bonaventure considère
donc la hiérarchie comme un organisme dynamique, vivant et concret, dans lequel
le niveau des structures naturelles s'achève dans le niveau de l'unité surnaturelle.
(19) Cf. note 8.
(20) Hugues de Saint-Victor, Expos, in CH, 1. IV, super c. 3 (PL 175, 993 BC).
Cf. aussi 1. I, c. 2 et 3 (PL 175, 927-930) où Hugues afflrme que trois hiérarchies ou
« puissances sacrées » sont décrites par Denys : Prima principalis omnium, et forma, et
exempla reliquarum summa, et ineffabilis potestas est Trinitatis, simplex, et una, et
uniformis sine gradu et differentia, et comparatione, summa et aeterna, et perfecta,
et vera in omnia opera sua condenda et regenda propria virtute omnipotens, nihil
externum suscipiens, nihil suum amittens (I, c. 3-PL 175, 929 C). Saint Bonaventure

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 137

texte du victorin : « ... Sensus hic est, quod divina pulchritudo, qu


summām nominamus hierarchiam, secundum quam caeterae factae
sunt hierarchiae, pura est universaliter, id est omnino, utpote quia semper
simpla quidem est unitate, optima bonitate, consummativa perfectione. »
Ce texte est une bonne aubaine pour Bonaventure, car il lui permet de
développer à partir de la « divina pulchritudo » son exposé trinitaire.
Nous pensons, d'ailleurs, que la citation faite par Bonaventure :
« ...consummata vel consummativa » se réfère à Hugues : « ...et quia
optima est, et consummata, nec solum consummata, sed etiam consum-
mandorum omnium consummativa. »

II. La contemplation des hiérarchies.

Nous avons déjà noté que Denys n'a jamais étendu son idée de la
hiérarchie à la Trinité. Mais il faut remarquer ici que la hiérarchie supra-
céleste ne paraît pas une fois dans le Commentaire de I Sent .
Par contre, le mot se trouve dans le Breviloquium 21. Le développement
de la pensée est dans Hexaemeron 22.
La collation 20 se présente en quelque sorte comme une introduction
générale à l'explication de la quatrième vision, celle de l'intelligence
élevée par la contemplation.
Après avoir cité le texte de Gn 1, 14-19, thème commun des coll. 20
et 21, Bonaventure explique et divise le texte sacré. L'intelligence ne
peut accéder à cette quatrième vision que par le désir dont parle Daniel,
Dn 9,23. Quoi qu'on lise, quoi qu'on entende, quoi qu'on fasse, c'est par
la voie du désir qu'on y parvient, car il faut d'abord goûter et le goût
de Dieu n'est suave que si l'on a envie de le goûter.
Cette vision de l'intelligence contemplative répond à l'œuvre du
quatrième jour de la création lorsque Dieu créa le soleil, la lune et les
étoiles. Elle n'est possible que si l'âme possède en son firmament ces
trois luminaires pour éclairer la réalité universelle : la contemplation
de la monarchie céleste qui comprend Dieu et les Anges (n. 4-12) ; la
contemplation de l'Église militante (n. 13-21) ; la contemplation de
l'esprit humain hiérarchisé (n. 22-26).
Ce vaste préambule peut nous apprendre beaucoup. Il doit surtout
nous permettre de mieux comprendre l'esprit dans lequel Bonaventure
va développer son sujet.

fait allusion à ce texte dans Hexaem., coll. 2, n. 16 (V, 339a). Le terme « consummativa »
se trouve aussi dans Thomas Gallus, Extraelio de Angelica Hierarchia , éd. Alonso,
520, 1. 9.
(21) Brevil.y prol., § 3, n. 2 (V, 205 ; notre éd. 103) : ... et hoc totum perillum unum
hierarcham Jesum Christum, qui... et media persona in illa supercaelesti hierarchia
beatissima Trinitatis.
(22) Hexaem.y coll. 21, n. 1-15 (V, 431-434 ; éd. Delorme, 223-249).

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138 J. G. BOUGEROL

Et d'abord, la métaphysique de la lumi


une analogie remarquable : que serait le
étoiles? Il ne serait qu'une masse ténébr
en est-il de l'âme privée de la grâce d
lumière et tourne son regard vers la te
l'âme remplie de soleil,* de lune et d
regarde vers le haut23.
L'âme ainsi illuminée peut dès lors cont
et l'influence qui descend d'elle sur l'Égl
Bienheureuse l'âme qui se contemple ains
d'en-haut, et de là remonte vers la hiérarchie illuminée, c'est-à-dire
l'angélique, jusqu'à la hiérarchie illuminante, le « divinus principatus »
des personnes divines.
Bonaventure rend alors raison de l'assimilation des hiérarchies aux
diverses lumières : la monarchie céleste à la lumière solaire, l'Ég
militante à la lumière lunaire, l'âme hiérarchisée à la lumière stellaire
Avant d'entrer dans le détail des objets de la contemplation de l
hiérarchie supracéleste (coll. 21, n. 1-15), de la hiérarchie céleste o
angélique (coll. 21, n. 16-33), de l'Église (coll. 22, n. 1-23) et de l'âm
hiérarchisée (coll. 22, n. 24-42), il est indispensable de valider la conte
plation elle-même lorsqu'elle se porte sur ces différents objets. Et tou
d'abord, comme Bonaventure l'enseigne dans le De triplici via , la
4 meditatio ' doit précéder la 4 contemplatio ' comme une application
de tout l'esprit à l'intelligibilité que l'on désire vivement présenter à
la lumière divine comme une offrande dont on attend en retour le

(23) Cf. Aug., De genesi contra Manich., I, c. 17, n. 28 (PL 34, 186 s.) ; De genesi
ad lilteram incompl., c. 12, n. 37 (PL 34, 235 s.). Saint Augustin part de l'idée d'homo-
imago. L'image réside dans l'homme intérieur, raison et intelligence. La station
debout de l'homme, sa tête érigée vers le haut en est une manifestation.
(24) La reportation Delorme, 224, est plus explicite que la version Quaracchi, elle
est seule à dire : « ... luculenta considera tio caelestis Monarchiae, quae comprehendit
Deum cum angelis... ». A noter que dans les deux reporta tions, Bonaventure emploie
« mens » pour désigner l'être spirituel de l'homme. Cf. I Sent., d. 3, p. 2, dub. 2 (I, 94) :
« Mens dicitur ab actu essentiali. Propterea est intelligendum, quod actus essentialis
' quo est ' dat animae esse generalissimům, et sic dicitur essentia ; vel in quantum
dat esse generale, et sic dicitur vita, quia anima est in genere viventium ; aut in
quantum dat esse spirituale, et sic mens. Mens enim non dicitur nisi quod vivit vita
intellectiva - vel anima in se dicitur essentia, ut actus corporis vita, ut perfectibilis
a Deo mens. » « Mens » signiñe donc l'être spirituel capable de Dieu par la mémoire,
l'intelligence et la volonté. Alexandre de Halès entendait « mens », de l'esprit en tant
que connaissant ( Glossa II Sent., d. 2, n. 5-II, 16 et Summa, II, n. 392-11, 471). Cf.
Lexique Saint Bonaventure , avec textes et références. Ajouter M. D. Chenu, La théologie
au XIIe siècle, Paris 1957, 297 note 4.

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 139

' contuitus ' de la ' contemplatio ,a6. Ici, ť meditatio ' est remplacé par
t consideratio '. Comme le précise le De triplici via: « ...ut ex parte Dei
praecedat admiratio divina, quasi major propositio, ex parte nostra
consideratio, quasi assumtio ; et sic fìat latriae plena exhibitio, quasi
conclusio26 ».
La considération de la monarchie céleste est assimilée à la lumière
solaire pour trois raisons : l'éclat d'une pureté privilégiée, l'éclat d'une
limpidité remarquable, l'éclat d'une ardeur vivifiante.
La pureté privilégiée de la lumière du soleil est tout à la fois belle et
féconde. C'est à ce titre que la Sagesse éternelle et l'âme qui la contem
sont assimilées à cette lumière : la Sagesse éternelle conçoit les raisons
exemplaires et les diffuse dans l'âme et l'élève à l'amour sponsal27.
La limpidité remarquable de la lumière du soleil permet à l'âme
contemplative de voir, dans le même rayon qui l'illumine, la créature
du monde, les esprits angéliques et le rayon supersubstantiel. L'âme
devient comme un miroir de toutes les réalités. Le rayon qui la frappe
« qui continet omnem dispositionem et repraesentat omnes theorias,
est in anima, et in ilio anima absorbetur per mentis transformationem
in Deum28 ».
L'ardeur vivifiante de la lumière solaire demande à être accueillie
par les âmes pour porter son fruit. La diversité des situations, Bonav
ture la situe dans les saisons : l'hiver est la saison de ceux que la lum
ne vivifie pas, le printemps est celle des médiocres, tandis que l'exta
est réservée à l'été des âmes qui trouveront le repos en automne.
L'action du rayon de la lumière du soleil sur les âmes emportées da
l'extase est inexplicable. Il illumine en même temps qu'il enflamm
il donne à l'espérance une poussée de désir irrésistible, à la foi la prom
d'une vision, à la charité l'accès à la jouissance spirituelle. La réportat
Delorme semble plus précise dans la manière d'expliquer la « doct
ignorantia » résultant de l'irradiation de l'âme. L'esprit créé est aveu
par une lumière trop forte à supporter, il est ébloui et ne peut en auc
manière scruter du regard celui dont parle Denys : « Taceant, qu
approquinquare volunt, qui posuit tenebras latibulum suum29. »

(25) Tripl, via , c. 1, n. 2 (VIII, 3) : Si vis ... illuminari verte te ad intelligentiae


radium.
(26) Tripl, via , c. 2, n. 12 (VIII, 11) Cf. Lexique Saini Bonaventure , Paris 1969,
pour les définitions et les références. Sur contemplatio et consideratio , cf. J. Leclercq,
Études sur le vocabulaire monastique , Rome 1961, 137 note 42 où le savant bénédictin
montre l'origine de consideratio chez saint Bernard.
(27) Saint Bonaventure s'appuie sur Isidore, Etymolog ., III, c. 71, n. 1 (PL 82,
178). Dans sa paraphrase de DN, Thomas Gallus explique les propriétés du soleil,
c. 1, § 1 et § 4 (Dion., 681-146 et 682-170).
(28) Hexaem., coll. 20, n. 8 (V, 426). Même texte dans Delorme, 226.
(29) MT, c. 1, § 2 (Dion. 569-570). La réportation Delorme présente ici une version
remaniée de Denys (Delorme, 227).

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140 J.C. BOUGEROL

Ainsi, la contemplation du premier ob


est tout à la fois amour et jubilation
La considération de la hiérarchie h
militante est assimilée à la lumière d
reflète durant la nuit la lumière qu'elle
réfléchie présente des zones d'ombre e
tante se présente à notre contemplation
sa clarté est tout à la fois subobscure o
tique, enfin ordonnée.
Le reflet lumineux dans l'Église es
est sacrement et figure. A l'appui de s
le mot de Denys : « aliter non est possi
nisi varietāte sacrorum velaminum ana
Ainsi, le rayon de l'éternité que nous
il nous est possible de le voir dans le re
chargé de figures et de sacrements.
qu'en usant de l'intelligence spirituelle
ne livre sa signification que dans l'allé
dans la tropologie et l'eschatologie dan
Bonaventure, à la pleine lune, nous verrons alors, quand le lion de la
tribu de Juda surgira et ouvrira le livre, quand seront consommées les
passions du Christ que son corps souffre en ce temps. Car il faut qu'Hérode
ressuscite sous le règne duquel le Christ fut bafoué et Pierre emprisonné31 ».
Le reflet lumineux dans l'Église est, en second lieu, extatique. En usant
de l'image des rapports de position de la Lune par rapport au Soleil,
Bonaventure montre comment dans l'Église vie active et vie contempla-
tive ne sont qu'une seule et même réalité profonde. Quand l'hémisphère
de l'esprit est rempli de lumière, l'homme extérieur est comme difforme
et sans parole. L'homme sage ne descend vers l'action que poussé par
la nécessité, car l'action l'éloigné de cette illumination.
Enfin, le reflet lumineux dans l'Église est ordonné, c'est-à-dire rangé
pour la lutte contre les puissances de ce monde. Mais c'est remplie de
joie que l'Église affronte ainsi les ennemis du Christ.
Ainsi, la considération de l'Église comme lumière réfléchissant le
soleil de la monarchie céleste appartient à la triple théologie symbolique,
mystique et spéculative, selon les trois aspects sous lesquels on la regarde.
Le troisième objet de la contemplation est la considération de l'esprit
humain hiérarchisé. Bonaventure l'assimile à la lumière des étoiles dont
le rayonnement est stable, beau et joyeux. L'âme qui le possède est
hiérarchisée.

(30) Denys n'est cité que dans la reportation de Quaracchi (V, 427b), dans la version
de Scot Eriugène.
(31) Hexaem., coll. 20, n. 15 (V, 428).

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 141

Le rayonnement de cette lumière est, en premier lieu, stable82. Selon


la croyance de son temps, Bonaventure pense que les étoiles sont fixes
dans le ciel. Le contemplatif doit, de même, ne pas vaciller mais maintenir
un regard d'aigle sur les réalités spirituelles. Il faut noter ici que la
reportation de Quaracchi fait appel à l'autorité de Denys33, tandis que
la reportation Delorme cite Aristote, De caelo et Mundo**. Le contemplatif
ne peut demeurer ainsi que s'il possède en lui l'ordre des degrés hiérarchi-
ques et court de vertu en vertu. C'est dire que Bonaventure exige de
lui une fidélité sans défaillance : « Hae considerationes faciunt animas
robustas. »
Le rayonnement de la lumière des étoiles est en second lieu, beau.
La beauté n'est pas dans l'extérieur, mais dans la beauté de la sagesse
que le contemplatif ne peut posséder que par une attention soutenue
et une circonspection vigilante.
Enfin, ce rayonnement est source de joie. L'âme inspirée par Dieu
court vers lui par le désir. De la joie de la rencontre naît une lumière
indéfectible36.
Ainsi, et Bonaventure résume ici ses réflexions, lorsque l'âme s'élève
à la considération d'elle-même, elle est comme le dit le Liber de Causis
cité par la reportation Delorme, « in horizonte aeternitatis >>36. Quand elle
s'élève à la considération de l'Église militante, elle atteint la lumière
que réfléchit la lune. Quand enfin elle est absorbée en Dieu, elle atteint
le soleil. A l'aide d'images bibliques tirées de Ct 6,9, Si 50,6-8, Bonaventure
montre que la considération de soi, pour maintenir le contemplatif dans
l'humilité, s'accompagne de brouillard et d'ombre. Quant à la considéra-
tion de l'Église militante, le contemplatif en reçoit l'illumination en
jetant un regard attentif sur son histoire. Lorsque le contemplatif atteint
à la vision de Dieu, autant qu'il lui est possible ici-bas, il devient comme
Moïse (Gn 9,13), médiateur entre Dieu et les hommes.
La contemplation est donc pour l'Église et dans l'histoire du salut
d'une efficacité remarquable, à une seule condition : « Nec enim est anima

(32) t Mansivus * se traduit par ' stable ' Cf. Novum glossarium mediae lalinitatis
Aarhus 1959, 145.
(33) CH , c. 1, §2 {Dion., 730-732) : « In sacra tissimorum eloquiorum a Pâtre traditas
illuminationes (quantum possibile) respiciemus ; et ab ipsis symbolice nobis et anagogico
manifesta tas caelestium animorum hierarchias (quantum potentes sumus) conside-
rabimus... immaterialibus et non trementibus mentis oculis recipientes... Etenim neque
ipsa usquam umquam aliquando radius propria singulari unitate deseritur... et manet
intra se... uniformiter ilxus... » (version Scot Eriugène).
(34) Aristote, De caelo et mundo , c. 8 text. 44 s, c. 9 text. 56, c. 12 text. 67 s, c. 13
text. 83.
(35) Dans la reportation Delorme, 231, Bonaventure rappelle la définition que Denys
donne de la hiérarchie, CH, c. 3, § 1 (Dion., 786) : « ut pulchra, ut simpla, ut optima »
- voir plus loin 160 s.
(36) Liber de causis, § 2, éd. Bardenhewer, 165.

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142 J. G. BOUGEROL

contemplativa, nisi per Ecclesiam sus


C'est dans l'Église et en s'appuyant sur
toute sa valeur.
La vision qui s'étend sur les collations 20 à 23 répond à l'œuvre dn
quatrième jour. Mais Bonaventure ne peut manquer de regarder vers le
sixième jour où Dieu fit l'homme à son image et selon sa ressemblance.
Ce sixième jour37, mis en parallèle avec le sixième sceau et le sixième
Ange, est un temps promis aux méchancetés des aboyeurs, 'latrantium '.
Un temps viendra où Dieu ravira à ces méchants le rôle qu'il avait rêvé
d'eux et le donnera aux pauvres qu'il établira les juges des douze tribus
d'Israël. Bonaventure reviendra sur ce sujet dont l'importance n'échappe
à personne, malgré qu'il sorte des limites de notre étude38.

III. La hiérarchie supracéleste ou divine.

Après ce long préambule indispensable que constitue la collation 20


in Hexaemeron , Bonaventure étudie l'objet des différentes hiérarchies39 :
la hiérarchie divine, Dieu Trinité en lui-même dans ses rapports avec les
créatures en tant que Créateur, sauveur, sanctificateur ; la hiérarchie
céleste, celle des Anges et des bienheureux ; la hiérarchie subcéleste,
celle de l'Église militante et des personnes singulières qui la composent.
L'ordre régnant dans l'univers hiérarchique est comme le déroulement
des participations à la ressemblance surnaturelle avec Dieu, de la ressem-
blance de grâce manifestée dans la hiérarchie ecclésiastique à la ressem-
blance de gloire resplendissant dans la hiérarchie angélique jusqu'à
l'absolue identité régnant dans la hiérarchie divine.
Le caractère de l'exposition bonaventurienne apparaît dans l'emploi
des triades. La perfection du nombre ternaire vient de la nécessité des
trois personnes en Dieu, elle vient aussi de la perfection de ce nombre
dans la création toute entière qui porte ainsi dans sa structure la marque
de la Trinité40.
Bonaventure étudie donc en premier lieu la hiérarchie supracéleste
ou divine41. Le plan qu'il suit est fort simple : la Trinité est source des
illuminations hiérarchiques, tout d'abord comme exemplaire de création,

(37) Bonaventure en a déjà parlé dans Hexaem ., coll. 15, n. 14 (V, 390).
(38) Cf. Hexaem., coll. 23, n. 14, 15 (V, 447). J. Ratzinger, Die Geschichtstheologie
des heiligen Bonaventura, Munich 1959, 111-112; S. Clasen, Franziskus Engel des
sechsten Siegels, Werl 1962, 216-248.
(39) La reportation Delorme, 234 donne une version plus précise que la reportation
Quaracchi : « Haec ergo tria modo in considerationem veniunt, scilicet quomodo habet
has tres illuminationes ; et incipiendum est a sole. »
(40) Cf. I Sent., d. 2, a. un., q. 4, conci. (I, 57 s).
(41) Hexaem., coll. 21, n. 115 (V, 431-434); Delorme, 234-240. Sur la circum-
incession, voir Lexique saint Bonaventure, avec textes et références.

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 143

de salut et de sanctification, en second lieu comme se manifestant aux


esprits angéliques et humains.
Au départ de cette contemplation, Bonaventure affirme : « Est igitu
Sol aeternus vigens, fulgens, calens42. Le soleil éternel est puissan
resplendissant, ardent. Il représente la Trinité, le Père souverainemen
puissant, le Fils souverainement resplendissant, l'Esprit-Saint sou
rainement ardent ; le Père lumière toute-puissante, le Fils clarté tout
resplendissante, l'Esprit-Saint amour tout ardent. La distinction d
personnes divines dans l'unité et leur circumincession dans la distinctio
se retrouve dans le soleil dont la puissance est resplendissante et arden
la splendeur puissante et ardente, l'ardeur puissante et resplendissante4
A cette circumincession correspondent neuf illuminations, dont tro
sont des acceptions absolues : le Père en soi, le Fils en soi, l'Esprit-Sain
en soi et six sont des relations : le Père est dans le Fils et dans l'Espri
Saint, le Fils est dans le Père et dans l'Esprit-Saint, l'Esprit-Saint est
dans le Père et le Fils.
Ces neuf illuminations permettent de comprendre les appropriations
essentielles dont certaines se rapportent à la Trinité créatrice, d'autres
se rapportent à elle comme salvatrice, d'autres enfin comme sanctifica-
trice.
La première appropriation permet d'attribuer au Père la puissance
de principe, au Fils la sagesse de salut, à l'Esprit-Saint la volonté de
sanctification. Ces attributions se présupposent l'une l'autre et s'enche-
vêtrent. Il est même impossible d'en assigner une en Dieu sans assigner
les autres.
Le Breviloquium l'a déjà expliqué : « Ces conditions sont attribuées
au premier principe souverainement, parce qu'elles sont parfaites et
générales. Elles sont appropriées aux trois personnes parce qu'ordonnées
l'une à l'autre44. »
La seconde appropriation manifeste le salut en toute piété, en toute
vérité, en toute sainteté. Toute l'histoire du salut est, en effet, pieuse,
vraie et sainte. De cette exemplarité découlent trois lois, la loi de nature
appropriée au Père ; cette loi toute de piété apparaît dans la création,
dans la tension des êtres vers celui qui leur apporte le complément. La
loi de l'Écriture est attribuée au Fils, car elle est loi de vérité dans la
promesse qu'elle annonce. La loi de grâce qui est loi de sainteté est
appropriée à l'Esprit-Saint.
La Trinité imprime ces lois dans l'esprit raisonnable. La loi morale
se réfère, en effet, à ces trois lois. A partir de cette considération, Bonaven-
ture montre, dans un esprit très dionysien, que ces lois ont en Dieu leur

(42) Delorme, 234.


(43) Cf. I Sent., d. 19, p. 1, a. 1, q. 4 (I, 347 ss.) ; Plant, parad., n. 4 (V, 576).
(44) Breuil., p. 1, c. 6, n. 2 (V, 214-215 ; notre éd., 95).

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144 J. G. BOUGEROL

prédétermination : « Has etiam leges a


habet ipse Deus apud se et eis vivit45
comme de l'exemplaire sans que Dieu
Dieu est donc véritablement « sui ipsi
sanctus amator ».
La troisième appropriation convient à Dieu comme sanctifiant, selon
laquelle on peut attribuer l'éternité au Père, la beauté au Fils, la joie
au Saint-Esprit. Les trois mots : 'aeternitas ', 4 formositas ', 4 jucunditas '
sont equipares à ceux de saint Hilaire46 : 4 aeternitas ', 4 species ', 4 usus '.
Se reflétant dans la contemplation, cette appropriation rend l'âme
semblable à Dieu en la rendant participante de son éternité quand, dans
sa mémoire, elle prend conscience de son désir de Dieu ; elle est rendue
participante de la beauté divine en la voyant. On pense au mot de Grégoire
de Nysse : Contempler, c'est devenir ce que l'on regarde47. L'âme participe
enfin à la joie même de Dieu en jouissant de lui.
Ainsi, Dieu est le « Monarcha » de toutes les hiérarchies en ce sens que
les appropriations que nous venons de contempler ne sont pas seulement
des conditions attribuées à Dieu en soi, mais nous les lui attribuons en
tant qu'il est le principe de toute hiérarchie, qu'il gouverne toute hiérarchie
et qu'il est la fin où toute hiérarchie atteint à la béatitude.
Bonaventure tire alors une conséquence de ces considérations : Dieu
vrai « Monarcha » doit être souverainement puissant, il doit présider
suprêmement, il est le berger souverainement doux. La première appro-
priation convient au Père, la seconde au Fils, la troisième à l'Esprit-Saint
bien qu'il y ait circumincession entre elles. Ce n'est pas seulement jeu
dialectique, mais traduction dialectique de la réalité48. La conclusion
suit en nécessité rationnelle, qui éclaire les relations entre la Hiérarchie
supracéleste et la Hiérarchie céleste ou angélique. Si Dieu est d'abord
fort d'une souveraine transcendance, il s'ensuit qu'il est souverainement
stable dans ses jugements, souverainement sage dans la vérité, souveraine-
ment saint dans son amour. La stabilité convient au Père tel qu'en

(45) Hexaem ., coll. 21, n. 7 ; Delorme, 236. Cf. Ill Sent., d. 37, a. 2, q. 1 (III, 821 ss.).
(46) Hilaire, De Trinitate , II, n. 1 (PL 10, 51). Cf. Alex. Hal., Summa, I, n. 448
(I, 641-642) ; Bonav., I Sent., d. 31, p. 2, a. 1, q. 2 et 3 (I, 341 ss.) ; Brevil., p. 1, c. 6
(V, 214 ; notre éd., 93-99).
(47) Greg. Nysse, In Cant., Horn. V (PG 44, 868 D). Cf. R. Leys, L'image de Dieu
chez saint Grégoire de Nysse, Paris-Bruxelles, 1951, 51-52.
(48) La version Delorme, 239 donne une expression plus détaillée de cette appro-
priation dans la circumincession : « Nam Pater in se est summa celsitudine pollens,
Pater in Filio est summa fortitudine praesidens, Pater in Spiritu sancto est summa
dulcedine pascens ; similiter Filius in se est summa fortitudine praesidens, est Filius
in Pâtre summa celsitudine pollens, Filius in Spiritu sancto summa dulcedine pascens ;
Spiritus sanctus in se (est) summa dulcedine pascens, Spiritus sanctus in Patře summa
celsitudine pollens, Spiritus sanctus in Filio summa fortitudine praesidens. Talis
decet ut sit noster Monarcha. »

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 145

lui-même, la sagesse au Père tel qu'il est dans le Fils, la sainteté au Pè


tel qu'il est dans l' Esprit-Saint.
De même, notre « Monarcha » gouvernant le monde avec une force
extrême est souverainement authentique. Bonaventure emploie ic
« authenticus » dans le sens où l'entendait le Moyen âge, dans son accept
plénière : Dieu exerce le gouvernement du monde personnellement, c
il possède en lui le pouvoir de le gouverner en ne se référant à nul aut
qu'à lui-même49. Dieu est aussi souverainement « praevalidus », c'est-à-d
très fort dans sa spécialité et souverainement invincible.
La suite du texte précise le sens de ces trois mots : Dieu est « authe
ticus » en prescrivant les lois, il possède en propre 1" auctoritas '. Il e
'praevalidus vel virilis ' dans le service des hommes, 'invictus ', en surm
tant ses ennemis. L" auctoritas ' convient au Fils tel qu'il est dans
Père, la ' virilitas ' au Fils tel qu'en lui-même, le 'triumphus ', au
tel qu'il est dans l' Esprit-Saint. La version Quaracchi ajoute : « Et
his consistit media hierarchia angelica, quae appropriatur Filio, u
patebit. » De fait, le jeu des appropriations va permettre à Bonaventu
de développer sa dialectique des relations entre les différents ord
angéliques et les personnes divines. Nous sommes loin de Denys po
lequel la transcendance divine nous interdit ce jeu dangereux.
Enfin, notre ' Monarcha ' est comme le berger qui nous fait paî
avec une souveraine douceur. Il est donc nécessaire qu'il soit anim
d'un zèle souverain en nous conduisant par la main et en marchant dev
nous, souverainement connaisseur, ' sagax ', pour nous instruire, souv
rainement empressé, ' sedulus ', pour veiller sur nous. Il nous cond
en nous donnant des exemples à suivre, il nous livre des ' documenta
pour nous instruire, il nous aide avec empressement.
Ainsi, notre « Monarcha » est comme le soleil vers lequel regardent
aspirent tous les esprits célestes et humains.
Toutes les conditions que nous avons contemplées se trouvent parfait
ment en Dieu, tout à la fois dans l'appropriation aux personnes et dan
la circumincession. C'est par elles que la « creatura assimilatur Creatori
On sait que pour saint Bonaventure l'image est de création, tandis que
la ressemblance, 'similitudo ' est œuvre de la grâce60. Elle est tout
dynamisme du retour à Dieu : « Et secundum hoc procedit primo illu
nando et irradiando spiritus caelestes, scilicet angelos...61. » Les an
reçoivent en premier les illuminations parce qu'ils sont les plus semblab
et les plus proches de la hiérarchie supracéleste «videlicet suprem

(49) Cf. M. D. Chenu, La Théologie au XIIe siècle , 353 ss. Un texte de Simon de
Tournai illustre notre commentaire : « De Deo vero cum dici tur, non praedicat motus
actionem ab agendo dietam sed auctoritatem ab authentico. » Summa , ms. Paris
Nat lat. 3114 A, fol. lid, cité par M. D. Chenu, ibid., 353 note 1.
(50) Cf. II Sent., d. 16, dub. 3 (II, 407).
(51) Delorme, 240.

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personarum Trinita tem ». Illuminés par


la configuration deiforme et la hiérarchis
le « sacer principatus » pour les hiérar
ont donc mission de hiérarchiser l'Égli
Ecclesia ». L'étude de la hiérarchie ang
en lumière le jeu des appropriations trini
qu'en a donné Bonaventure.

IV. La hiérarchie céleste ou angélique .

Les praenotata de II Sent ., d. 9 ont p


donner de la notion dionysienne de la
assez complet. Après avoir défini avec
ce qu'est Tange, Bonaventure commente q
La première décrit l'ange dans son êtr
possibilités, son action et sa durée, tand
met en lumière l'ordination surnaturelle
sa nature, ressemblance de Dieu par l'inf
par la gloire à laquelle il participe.
Saint Bonaventure expose alors ce qu'es
la subdivision de chacune des trois hié
définition de Grégoire64 : l'ordre est le rass
semblables par le degré de participation a
Il faut noter aussi que saint Bonaventur
le terme de hiérarchie, en un sens certes
chacune des trois triades66.
Le classement des anges et leur dénomination ont été différemment
traités. Si tous les théologiens sont d'accord pour affecter à la hiérarchie
supérieure les Séraphins, les Chérubins et les Trônes, ils divergent dans
l'assignation des anges aux deux hiérarchies suivantes. Les uns, avec
Denys, affectent à la hiérarchie médiane les Dominations, les Puissances
et les Vertus et à la hiérarchie inférieure les Principautés, les Archanges
et les Anges, tandis que les autres, avec Grégoire et Bernard, classent
dans la hiérarchie médiane les Dominations, les Principautés et les

(52) Jean Damascène, De fide orihod ., II, c. 3 (PG 94, 866 ; version Burgundio
de Pise, c. 17, n. 2, éd. E. Buytaert, 69) : « Angelus igitur est substantia intellectualis,
semper mobilis, arbitrio libera, incorporea, Deo ministrans, secundum gratiam, non
natura, immortalitatem suscipiens ; cuius substantiae speciem et terminům solus
creator noscit. Incorporeus autem et immaterialis dicitur, quantum ad nos. » Cf.
Alex. Hal., Summa , II, n. 107-108 (II, 136-143).
(53) DJS y c. 4, § 22 ( Dion ., 269-270).
(54) Homil. in Evang.t II, homil. 34, n. 7 ss. (PL 76, 1249 ss.).
(55) Cf. les titres des chapitres de HCy c. 7, 8, 9 ( Dion ., 835, 869, 892). Cf. R. Roques,
L'univers dionysien , 136 note 2.

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 147

Puissances et dans la hiérarchie inférieure les Vertus, les Archanges e


les Anges66. Saint Bonaventure s'emploie à éclairer ces divergence
Il faut d'abord souligner l'accord unanime dans la répartition des hiér
chies selon les trois éléments essentiels de la hiérarchie, ordre, scienc
et action. La hiérarchie supérieure est celle de la science, la médiane e
celle de l'ordre, tandis que la hiérarchie inférieure est celle de l'action
C'est là répartir les hiérarchies selon l'essence même des ordres qui le
constituent. Si l'on considère par contre le ministère imparti aux différents
ordres, on doit admettre que les ordres composant la hiérarchie supérie
sont ceux des contemplatifs, tandis que ceux de la hiérarchie médi
sont les prélats et ceux de la hiérarchie inférieure les actifs.
Au passage, Bonaventure donne la seule définition que l'on puisse
trouver chez lui de la contemplation : « ...contemplationis, quae consistit
in conversione ad Deum, ideo cum ad conversionem necessario requiratur
triplex actus et triplex donum, scilicet tentionis, cognitionis et dilectio-
nis... >>67.
A quelle explication donner notre préférence, celle de Denys ou celle
de Grégoire? Le point de vue différent auquel elles ont été conçues
permet de souligner leur complémentarité. Mais il reste cependant que
l'angelologie dionysienne semble mieux rendre compte de la réalité.
L'autorité de l'auteur, la référence de Grégoire lui-même et l'aspect
qu'elle souligne lui confèrent, dans l'esprit de Bonaventure, la première
place68.
Dans ce texte d.9, praenotata, nous trouvons un préliminaire technique
au traité des anges. Les neuf questions de la distinction s'appuient sur
ces données de base pour établir une recherche sur les ordres angéliques.
Nous retiendrons le fondement de l'argumentation bonventurienne qui
nous semble être la distinction entre dons naturels et dons surnaturels
pour distinguer entre eux les ordres célestes. Les essences angéliques
constituent, tout comme les hommes, une seule et même espèce. Et de
même que l'on peut distinguer entre eux les hommes par leurs dons
naturels ou par leur fonction ou par leur dignité ou par l'usage qu'ils
font de la grâce divine, de même en est-il chez les anges. Pas plus que la
couleur de la peau ou que la condition sociale ne peuvent créer entre les
hommes une différence spécifique, de même les noms différents et la
place occupée par les anges ne peuvent permettre de les classer en des
espèces distinctes69. D'ailleurs on ne peut distinguer entre eux les ordres

(56) CH , c. 6, § 2 ; c. 8, § 1 s ; c. 9, § 1 s (Dion., 833 s, 892 s) ; Grégoire, Homil.


in Evang., II, homil. 34, n. 7 (PL 76, 1249) ; Bernard, De consider., V, c. 4, n. 8
(PL 182, 792).
(57) II Sent., d. 9, praenotata (II, 240).
(58) Cf. notre étude Saint Bonaventure et le Pseudo-Denys VAréopagite, dans Actes
du colloque saint Bonaventure 1968, EF (supplément annuel 1968), 64-73.
(59) II Sent., d. 9, a. un., q. 1 (II, 243).

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148 J. G. BOUGEROL

angéliques par les dons naturels qui ne s


à l'influence de la grâce. C'est uniquemen
qui donne une base de distinction entre
qualité entre les dons départis par Dieu
la volonté souveraine du Créateur61.
Il est dès lors possible de mieux comprendre les noms des neuf ordr
angéliques. L'Écriture nous les révèle62, les Pères en ont recherché
justification. Bonaventure pose le principe que la distinction entre
ordres provient non pas d'un don spécial, puisque tous les anges possède
tous les dons, mais du don qu'ils possèdent en prééminence, les Séraphin
la charité, les Chérubins la science63. Elle provient, en outre, de la prés
ance des ordres les uns sur les autres, car les uns influent sur les autre
en les purifiant, les illuminant et les perfectionnant, mais cette préséa
ou ť praelatio ' cessera après le jugement final64.
Mais le cadre étroit du Commentaire des Sentences ne permettai
pas à Saint Bonaventure de développer à sa manière et selon son gé
propre, ce qu'il concevait des hiérarchies célestes.
Dans le Breviloquium , il prend déjà plus de libertés. Il décrit d'abor
la création des esprits supérieurs et l'apostasie des démons65. Ce n
qu'après l'épreuve décisive du choix que les bons Anges ont été hiérar-
chisés : « sic ad Deum conversi statim fuerunt confirmati... et hoc secun-
dum triplicem hierarchiam, scilicet supremam, mediam et infimam66 ».
S'il ne mentionne que la classification de Denys sans justifier son
choix, il reprend en d'autres termes, ce qu'il avait expliqué dans les
praenotata de la d.9 : « Ils sont créés et agissent selon un ordre hiérarchique
commencé en eux par la nature et achevé par la gloire qui, en stabilisant
l'instabilité du libre-arbitre, a illuminé leur perspicacité, ordonné leur
service et renforcé leur virtuosité67. » La hiérarchie supérieure met en
valeur la perspicacité de la raison dans la contemplation, les Trônes
vénèrent la Majesté divine, les Chérubins la comprennent, les séraphins
l'aiment. Nous sommes là très proches de Denys pour qui les Séraphins
brûlent d'amour, les Chérubins sont totalement ouverts aux dons de
la sagesse divine et les Trônes reçoivent avec vénération les grâces du

(60) II Sent., d. 9, a. un., q. 2 (II, 244).


(61) Ibid., q. 3 (II, 246).
(62) Ibid., q. 4, ad 1 (II, 249).
(63) Ibid., q. 4, ad 7 (II, 249).
(64) Ibid., q. 5, conci. (II, 252).
(65) Brevil ., p. 2, c. 6 et 7 (V, 224-225 ; notre éd., 87-95).
(66) Ibid., p. 2, c. 8, n. 1 (V, 225 ; notre éd., 97). Cf. II Sent., d. 9, q. 4 (II, 247-294)
où Bonaventure a montré qu'il ne saurait y avoir de nom, d'ordre ou de hiérarchie
pour les démons, car ordre et hiérarchie qui justiñent le nom signifient une influence.
Or, chez les démons, cette influence n'existe plus en raison de leur choix libre et
irrévocable.
(67) Ibid., n. 3 (V, 226 ; notre éd. 99).

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 149

Trancendant68. La hiérarchie médiane possède la parfaite virtuosi


qui est chez les Dominations force de commandement, chez les Vertus
force d'exécution et chez les Puissances force de combat. Denys est enc
là présent69. Quant à la hiérarchie inférieure, elle répond à l'ordonna
parfaite du service, les Principautés gouvernent, les Archanges révèlen
les Anges soutiennent « parce qu'ils gardent ceux qui sont debout
peur qu'ils ne tombent et aident ceux qui sont tombés à ressurgir70 »
Le texte capital sur la hiérarchie céleste se trouve dans la collation 2
in Hexaemeron. Nous l'avons déjà analysé dans sa première partie,
lorsqu'il s'est agi de la hiérarchie angélique. Après avoir rappelé q
Denys donne trois définitions71, il ne cite que celle dont il avait donn
le texte en second dans les pvaenoïaia : « Hierarchia est ordo divinus,
scientia et actio... ». C'est, rappelle Bonaventure, la définition selon
1" egressus '. L'influence des illuminations divines est une 'continuatio ' :
« dicit continuationem cum primo principio et reductionem in ipsum,
non sicut res distans72 ». Elle est une influence véritable qui répond au
* proodos ' et à 1" épistrophe ' dionysiennes. Elle sort et revient comme
le Fils est sorti du Père et revient en Lui.
Saint Bonaventure va dès lors poursuivre sa dialectique des appropria
tions. Si l'ordre correspond au Père, la science divine au Fils et l'activit
à l' Esprit-Saint, la hiérarchie suprême est appropriée au Père, la hiérarch
médiane au Fils et la hiérarchie inférieure à l' Esprit-Saint. Les hiérarchi
sont des imitations de l'exemplaire éternel. Elle reproduisent dans leur
totalité cette imitation comme des aspects différents de la céleste mona
chie : « Ratio (version Quaracchi : suflicientia) autem horum ordinu
sumitur aut ex ratione exemplaritatis aeternae aut ex hierarchiae inte-
gritāte aut ex supercaelestium aspectuum diversitate (version Quaracchi
secundum dispositionem caelestiae monarchiae). »
La remarque suivante nous indique dans quel but saint Bonaventur
va développer le jeu des appropriations et des circumincessions : « C
considérations ayant une très grande utilité, il est très funeste de l
négliger. Car de même que toutes les lumières du ciel sont au servi
d'un homme aveugle bien qu'il n'y participe pas ou qu'il ne les remarqu

(68) Cf. R. Roques, L'univers dionysien, 136-141 qui se réfère à CH., c. 7 (Dion.,
835-868).
(69) Cf. R. Roques, op. cit., 141-143; E. Gilson, La Philosophie de saint Bonaventure,
Paris 1943, 213 ss.
(70) Brevil. , p. 2, c. 8, n. 3 (V, 226; notre éd., 101). Cf. R. Roques, op. cit., 143-147.
Il faut noter que Bonaventure ne parle aucunement du principe dionysien de la
subordination verticale des triades hiérarchiques.
(71) Du moins, dans Delorme, 241. La reporta tion Quaracchi ne mentionne, en
effet, qu'une seule définition. Delorme a raison de dire que le paragraphe de sa repor-
tation reprend le texte des praenotata de la II Sent., d. 9. La reportation Quaracchi
est plus claire et plus originale.
(72) Hexaem., coll. 21, n. 18 (V, 434).

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150 J. G. BOUGEROL

pas, de même les anges offrent à tou


pour l'homme qui néglige quotidienneme
ces se succèdent à l'infini en omettant
Il est évident que l'homme impuissant
appel à la foi pour comprendre le rôle jo
angéliques. Elles sont comme des aides q
sans visibilité vers le Dieu Transcendant.
Dès lors, dans cette lumière de foi, Bonaventure peut reprendre c
qu'il a déjà dit à propos de la hiérarchie supracéleste. La distinct
entre les ordres angéliques ressort de la manière dont ils reproduis
l'exemplaire éternel, puissant, resplendissant, ardent. Si la hiéra
angélique descend des personnes divines et s'élève jusqu'à l'assimi
parfaite à elles, il est nécessaire qu'un ordre de cette hiérarchie rép
au Père tel qu'il est dans l' Esprit-Saint. De même, trois autres o
doivent répondre au Fils dans sa triple condition et de même trois au
à l' Esprit-Saint. L'ordre répondant au Père tel qu'en lui-même est c
des Trônes, tandis que les Chérubins répondent au Père tel qu'il est
le Fils et les Séraphins au Père tel qu'il est dans l'Esprit-Saint. Da
hiérarchie inférieure enfin, les Principautés répondent à l'Esprit-Sa
tel qu'il est dans le Père, les Archanges à l'Esprit-Saint tel qu'il est d
le Fils, les Anges à l'Esprit-Saint tel qu'en lui-même74.
La distinction entre les hiérarchies crée entre elles une différence de
situation à l'égard des illuminations divines. Bonaventure revient i
à la lettre de Denys. La hiérarchie suprême s'origine directement e
Dieu et reçoit de lui les illuminations, la hiérarchie médiane est illuminé
par Dieu et par la hiérarchie suprême, la hiérarchie inférieure enfin es

(73) Delorme, 242.


(74) A la fin du n. 20, la version Delorme, 243, rappelle la révélation de frère Égide :
f quidam sanctus frater Aegidius per revelationem habuit quod Gabriel, quia Media-
torem Dei et hominum nuntiabat, querit de media hierarchia, licet hoc modo non
dicat aliqui8 Magistrorum. » La version Quaracchi, tout en taisant le nom du frère
Égide est plus explicite (V, 434 b) : « Et dicebat, quod semel conferebat cum uno,
de quo ordine fuisset Gabriel. Et dicebat ille, quod sibi revelatum fuerat, quod erat
de media hierarchia et de medio ordine, scilicet Virtutum. Et hoc videtur valde
congruum, ut ille qui erat nuntius conceptionis Filii Dei, de ilio ordine mitteretur,
qui Filio appropriatur. Item, quia erat nuntius Mediatoris, congruum fuit, ut de medio
ordine mitteretur. Hoc dictum est secundum probabilitatem. Unde etiam Gabriel
vocatus est fortitudo Dei et venit ad confortandam Virginem. Item, quia debebat
mitti communis persona. »
En III Sent. y d. 2, dub. 4 (III, 586), Bonaventure dit au contraire que Gabriel appar-
tenait probablement à l'ordre des Archanges. Il se réfère ici à l'antienne de Magnificat
des 2es Vêpres de la fête de S. Gabriel (24 mars). Albert le Grand dit la même chose.
II Sent. y d. 3, a. 15. Alexandre de Halès ne mentionne Gabriel que pour lui conférer
la 'fortitudo'. Glossa II Sent ., d. 10, n. 7 (II, 100). Cf. Bernard, Homilia I super
Missus est, n. 2 (PL 183, 56 s) ; Grégoire, II Homil. in Evang., homil. 34, n. 9 (PL 76,
1251).

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 151

illuminée par Dieu et par les deux hiérarchies qui la précèdent. Le ray
du soleil éternel illumine donc la hiérarchie la plus proche de lui et la
hiérarchise à sa ressemblance. Puis, par elle, il parvient à la hiérarchi
médiane et de là à la hiérarchie inférieure. Et « per omnes in ecclesia
ticam », ce qui n'est pas proprement dionysien76. La reportation Delorm
précise cependant : « propter quem illuminationem ordinem novissim
animabus divinitus hierarchizatis illustrationes de hierarchia infima
effunduntur ». Ceci est beaucoup plus conforme à l'orthodoxie dion
sienne76.

L'assimilation aux personnes divines entraîne un développement


parallèle à ceux que nous avons notés dans l'analyse de la hiérarchi
supracéleste.
Les hiérarchies s'accordent tout d'abord à Dieu Trine, créateur, sauveu
et sanctificateur. Or, il est plus noble de sanctifier que de créer ou de
sauver, de créer que de sauver. La hiérarchie suprême correspond donc
au premier Principe en tant que perfection de sanctification, la hiérarch
médiane lui correspond en tant que principe créateur et la hiérarch
inférieure lui correspond en tant que sauveur.
Le détail de ces assimilations peut être donné en un tableau suggestif :
Dieu sanctificateur

éternité Père Trônes


beauté Fils Chérubins
joie ES Séraphins
Dieu créateur

puissance Père Dominations


sagesse Fils Vertus
volonté ES Puissances

Dieu sauveur

piété Père Anges


vérité Fils Archanges
sainteté ES Principautés77.

Il est apparu aussi que Dieu est vrai « Monarcha » souverainement


puissant, président suprême, berger très doux. Un nouveau tableau
permet de comprendre les assimilations :

(75) CH, c. 10, § 1 (Dion., 917-920). Cf. R. Roques, op. cit., 147-153. Pour Denys,
la hiérarchie céleste n'arrête rien à soi. Mais c'est la hiérarchie inférieure qui, seule,
influe sur la hiérarchie humaine.
(76) Delorme, 243. Cf. De Trinitate, serm. (IX, 354 b). Référence à Denys : CH,
c. 10, § 2 (Dion., 920).
(77) Hexaem., coll. 21, n. 23 (V, 435; Delorme, 243).

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152 J. G. BOUGEROL

Dieu souverainement puissant


sainteté Séraphins
sagesse Chérubins
fidélité Trônes

Dieu président suprême


authenticité Dominations
compétence Vertus
invincibiilté Puissances

Dieu berger très doux


zèle Principautés
sagacité Archanges
empressement Anges78.

La hiérarchie est ordre, science et action. Dans la hiérarchie céleste


comme dans la hiérarchie humaine, on doit trouver le genre de vie corr
pondant à ces trois éléments : à l'activité correspond la vie active, à la
science la vie contemplative, à l'ordre la vie mixte. A la science correspo
la hiérarchie suprême : divinisatrice chez les Séraphins, spéculativ
chez les Chérubins, judiciaire chez les Trônes. A l'ordre correspond
hiérarchie médiane : sublime chez les Dominations, viril chez les Vertu
triomphal chez les Puissances, A l'activité correspond la hiérarchie
inférieure : purifiante chez les Anges, illuminante chez les Archanges
unifiante chez les Principautés79.
Au passage, Bonaventure se pose la question de savoir si l'ange envoy
à Isaïe était un séraphin ou un « Ange ». L'Écriture lui donne le nom d
Séraphin en raison du ministère qu'il accomplit80.
Une dernière possibilité de distinction entre les ordres angéliqu
est celle des rapports de la hiérarchie céleste avec Dieu, avec elle-mêm
et avec la hiérarchie inférieure.
Sous l'aspect des rapports de la hiérarchie céleste avec Dieu, Bonaven-
ture découvre trois orientations possibles : la mémoire reçoit, l'intelligenc
réfléchit, la volonté unit. Les Séraphins répondent à l'union volontaire,
les Chérubins à l'intelligence spéculative, les Trônes à la mémoire réceptiv
Sous l'aspect des rapports de la hiérarchie céleste avec elle-même, c'est
l'ordre qui établit les distinctions possibles : les Dominations établissent
ce qu'il faut faire, les Vertus l'exécutent, les Puissances en défenden

(78) Ibid., n. 24-26 (V, 435 ; Delorme, 244).


(79) Ibid., n. 27-30 (V, 436 ; Delorme, 245-246).
(80) La reportation Delorme attribue à Denys le texte : « Illi supremi ab intimis
nunquam recedunt », tandis que Quaracchi ne donne pas de références. Il s'agit en
réalité de Grégoire, II Homil. in Evang., hom. 34, n. 12 (PL 76, 1254). La mission
angélique vers Isaïe est mentionnée chez Denys, CH, c. 13, § 2 (Dion., 944-945).

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 153

l'exécution contre toute déviation. Sous l'aspect des rapports de la


hiérarchie céleste avec la hiérarchie humaine : les Anges nous enseignen
ce qu'il faut faire, les Archanges ce qu'il faut choisir81.
Il reste à Bonaventure de vérifier si sa réflexion l'a éloigné de Denys
ou s'il lui demeure fidèle. Les extraits de la Hiérarchie céleste qu'il a lus
et que nous ont transmis en termes différents les deux reportations
Quaracchi et Delorme, sont intéressants à plus d'un égard82.

Hugues de Saint-Victor
Quaracchi Delorme
et Denys
Ex verbis Dionys», De De iis novem choris Cf. CH, c. 7 (Dion., 835-
angelica hierarchia, capi- angelorum habes copiose 868). c. 13, § 3 (Dion.,
tulo septimo, extrahitur, in libro De angelica 945-960).
quod hierarchia. Nam ut de Hugues de Saint- Victor,
Amor Seraphim est con- multis aliqua scribantur, Expos, in CH, 1. VI
tinuus, summe intensus, quae ibi a Dionysio (PL 175, 1034-1044)
summe penetrativus us- ponuntur, in Seraphim
que ad cor Dei, usque est amor continuus, in-
ad intima Dei ex intimis tensus, penetrativus, in-
animae procedens ; et timus, suavis, sapiens,
ponit proprietates ignis acutus ; hic amor docet
semper mobilis. Et lo- diligere ex toto corde
quitur isto modo de igne etc.

largo modo, ut exten-


datur ad quintam essen-
tiam. Et in hoc osten-
ditur amor continuus,

De Virtutibus ; « virtus Virtu tes habent stabili-


est enim ultimum de tātēm in durando, scili-
potentia » ; unde non cet in non deflciendo,
dicitur quaecumque po- fortitudinem in resis-
tentia virtus, sed quae tendo, continuità tern (in)
est ultimata, nec quae- vires administrando ;
cumque res dicitur vir- nam docent mentem
tuosa, sed quae habet contemplantis non -
stabilitātēm in durando, de ficere nec cessare, sed
fortitudinem in resis- in divina attentissime,
tendo. Item, quod sit Armi ter sursumduci ;
fortis, numquam imbe-
cilli ter inflrmetur, quam
dem Deus vult influere
in earn, et in maxima
erectione recipire illumi-
nationes. Item, quod
habeat sublimitatem,
quod semper ad divina
feratur.

(81) Bonaventure a déjà développé ces idées dans II Seni., dš 9, praenotata (II,
240 ab).

6-1

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154 J. G. BOUGEROL

Hugues de Saint-Victor
Quaracchi Delorme
et Denys
Similiter de Potestati- Sicut Dominationes
bus. Dominationum est, praesidentiam, Virtu tes
imperare ; Virtutum, executionem, ita habent
prosequi ; Potestatum, Potestates vim defen-
ordinare, ut nihil sit sivam, repulsivam, ex-
contrarium, unde dicit terminativam, trium-
vim repulsivam. phativam, conservati-
vam, respectu hostium
terriflcam et ordinatam,
ut nil omnino contra-
rium inveniatur in exer-

citu spirituum caeles-


tium.

Item, Principatuum est In infima hierarchia est Cf. CH, c. 9 (Dion., 892-
deducere ; ordinate, potenter, di- 916).
recte ducere in divina. Hugues de Saint-Victor,
Prima enim et principa-Expos . in CH, 1. IX
lis ratio deductionis et (PL 175, 1087-1100).
concomitantiae est apud
Principatus.

Archangelorum, reve- Archangelorum est a


lare ; superi oribus secreta ac-
cipere et sub se Angelis
intimare.

Angelorum, nuntiare. Angelorum autem ordo


in custodiam humanam

principaliter deputatur ;
qui dicuntur angeli, quia
nuntii vel missi, eo quod
ultimo ipsis et magis
universaliter ministe-
rium deputatur, licet
omnes « angeli » appel-
lentur, eo quod divini
fungantur officio ad hu-
manae naturae ministe-
rium implendum me-
diate vel immediate.

Il importe, en conclusion, de déterminer les rapports entre la doctrine


bonaventurienne de la hiérarchie céleste et celle du Pseudo-Denys qui
constitue sa source fondamentale82.
Déjà, Bonaventure semble préférer la définition dionysienne de l'ange,
de même qu'il préfère la classification de Denys à celle de Grégoire comme

(82) La reportation Delorme, 248 ajoute au texte que reproduit Quaracchi un long
alinéa qui constitue un résumé excellent de toute la 2e partie de la collation 21 sur la
hiérarchie angélique.

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 155

plus conforme à la réalité. Bien sûr, lorsqu'il cherche à justifier à la suite


de Denys, les noms des neuf ordres angéliques, il va puiser aux mêmes
sources que lui, l'Écriture et les Pères, les arguments propres à étayer
sa conclusion. Il résout la question du principe de la distinction entre les
ordres d'une manière assez personnelle83.
Dans le Breviloquium, Bonaventure n'innove pas, sinon en donnant
de la doctrine commune une formulation claire et concise. Par contre,
dans la collation 21 que nous venons d'analyser, il a connu et lu la Glossa
d'Alexandre de Halès sans pour autant la copier, ni utiliser toutes les
« auctoritates » alléguées84. En conclusion, on peut affirmer que Bonaven-
ture se tient assez près du texte de Denys et situe les différents ordres
angéliques dans un contexte dionysien mais où interviennent les différentes
traditions auxquelles il a fait appel : Hugues de Saint-Victor et Alexandre
de Halès, pour ne citer que les principaux.

V. La hiérarchie ecclésiastique: l'Eglise militante .

Nous passons à la collation 22 dont la première partie (n. 1-23) est


consacrée à l'étude de l'Église militante. En voici le plan : La considération
de l'Église militante comparée à la lune, doit apporter à l'âme contempla
tive la stabilité, ses ordres correspondent à la hiérarchie supérieure, sous
différents aspects : Io sous l'aspect des «processus», trois ordres fonda-
mentaux, promotionnels et consommants répondent à la triple hiérarchie
céleste et aux trois personnes divines ; 2° sous l'aspect de l'« ascensus » :
les purificateurs, les illuminateurs et les perfectifs ; 3° sous l'aspect du
ministère : les actifs, les contemplatifs, les mixtes. L'épilogue qui conclut
parle du futur ordre séraphique.
Au point de départ, Bonaventure situe le problème. La considération
de l'Église militante et de sa structure hiérarchique est pour le contem-
platif la base ferme sur laquelle il peut s'appuyer : « Ideo mater nostra
est mater influentiarum, quibus effìcimur filii Dei86. » Recevant la lumièr
et l'influence de la hiérarchie céleste, l'Église militante la distribue à
son tour sur les âmes fidèles. Par elle seulement, le contemplatif peut

(83) Saint Thomas, en effet, la, q. 108, a. 4, résout autrement cette question :
« Ordinēs distinguuntur in angelis, completive quidem secundum dona gratuita, dispo-
sitive autem secundum dona naturalia. » Alexandre de Halès cite Bernard, De
consideratione , V, c. 4, n. 8 (PL 182, 792 s.). Nous revenons d'ailleurs à Alexandre
de Halès dans la conclusion de l'étude sur la hiérarchie céleste.
(84) Cf. Alex. Hal., Glossa II Sent., d. 9, n. 1-19 (II, 83-94). D'après les éditeurs
de Quaracchi (II, 83 note n. 2-4), Alexandre est tributaire d'un anonyme cod. vat.
lat. 691, de Guillaume d'Auxerre, Summa aurea, II, tr. 3 (fol. 45 v-48 r), de Philippe
le Chancelier, Summa de bono (fol. 73 d-82 a) et d'autres. Cf. Glossa, II, 8+-20+.
(85) Delorme, 249. A. Elsasser, Die verschiedenen Stände in der Kirche nach der
Lehre des heiligen Bonaventura, dans WW, 31 (1968), 13-29 a minutieusement étudié
la coll. 22.

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156 J. G. BOUGEROL

atteindre le soleil éternel. Les Philos


n'ont pu utiliser sa médiation, d'où l
Comment se présente l'Église milita
Comme une hiérarchie nettement structurée dont Bonaventure va
analyser les différents éléments :

Io L'Église est née dans le temps et progresse sans cesse. Sous l'aspec
de ce processus d'évolution, on peut considérer en elle trois ordres tripl
les ordres fondamentaux, c'est-à-dire ceux qui en sont les piliers hist
riques, correspondant à la hiérarchie angélique suprême ; les ordre
promotionnels qui sont à l'origine de son évolution, correspondan
la hiérarchie angélique médiane ; les ordres que Bonaventure appe
« consummantes » l'on peut traduire, faute de mieux, par « consommant
qui apportent à l'Église l'achèvement dans sa vie intérieure. Reprenon
chacun de ces aspects.
Les ordres fondamentaux sont au niveau spirituel les plus haut plac
alors qu'au niveau corporel, ils apparaissent comme la racine et la b
de l'édifice. Le Christ tête de l'édifice de l'Église tient la place suprêm
dans la hiérarchie humaine, car la tête est la racine spirituelle de l'homme87
Dans l'Église on trouve donc trois ordres fondamentaux, les Patriarch
les prophètes, les apôtres. Le tableau suivant résume les assimilations
ces trois ordres :

Patriarches Père tel qu'en lui-même Trônes (stabilité dans la foi)


Prophètes Père tel que dans le Fils Chérubins (limpidité dans la
connaissance)
Apôtres Père tel que dans l'Esprit- Séraphins (ferveur dans la
Saint. charité).
Les trois ordres promotionnels éta
long de son évolution historique : les
Martyrs Fils tel que dans le Père Dominations (l'Église est
dilatée par le sang des
martyrs).
Confesseurs Fils tel qu'en lui-même Vertus (l'Église attaquée par
hérésies a triomphé dans
une foi plus explicite par
les confesseurs).
Vierges Fils tel que dans l'Esprit- Puissances (L'Esprit-Saint a
Saint. vaincu la chair par la
chasteté des vierges)

(86) Hexaem., coll. 22, n. 2 (V, 438).


(87) C'est là une idée d' Aug., In Ps . 29, enarr. 2, n. 10 (PL 36, 223) : « Rebus ergo
ad ima tendentibus in imo ponitur fundamentům : Ecclesia vero Dei in imo posita
tendit in coelum. Fundamentům ergo nostrum ibi positum est, Dominus noster Jesus
Christus sedens ad dexteram Patris. »

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 157

Les trois ordres « consommants » apportent à l'Église sa perfection vitale.


Nous conservons les termes mêmes qu'emploie Bonaventure pour les
désigner : les présidents, les magistrats, les réguliers.

Présidents Esprit-Saint tel que dans Principautés (Les prélats qui


le Père détiennent l'autorité).
Magistrats Esprit-Saint tel que dans Archanges (les m
le Fils gnent la doctrine de la foi).
Réguliers Esprit-Saint tel qu'en lui- Anges (Les moines
même dans l'humilité).

2° La deuxième distinction des ordres de l'Ég


à l'« ascensus », c'est-à-dire à la hiérarchisatio
l'Église. Or la hiérarchisation s'établit par t
illumination, union ou perfection.

Les trois ordres « purifiants » doivent laver


de toute ignorance et de tout diabolisme ; les
exorcistes.

Portiers excluant les impurs, les excommuniés et Anges


les incroyants et accueillant les fidèles
Lecteurs purifiant de l'ignorance par la lecture de Archanges
la Parole de Dieu

Exorcistes lavant de toute intrusion du diable Principautés

Les trois ordres « illuminants » doivent éclairer l'Église par leurs


exemples extérieurs, par les épîtres apostoliques et par l'Évangile ; ce
sont les acolytes, les sous-diacres et les diacres.

Acolytes Lumière matérielle et spirituelle de Puissances


l'Église
Sous-diacres Les Épîtres apostoliques qu'ils lisent et Vertus
s'efforcent de vivre

Diacres L'Évangile de Jésus-Christ Dominations88.


Les trois ordres « consommants » administrent les sacrements du salut
dont le plus parfait est celui du Corps du Christ, administrent les ordres

(88) Cf. IV Sent., d. 24, p. 2, a. 2, q. 4, conci. (IV, 634-636) où Bonaventure rejette


successivement trois solutions, celle d'Isidore que donnait Pierre Lombard (Isidore,
VII, Etymolog., c. 12-PL 82, 290 ss.), celle de Denys, EH, c. 5, p. 1, § 3 (Dion., 1325-
1330) et celle de Hugues de Saint-Victor, II De sacram. Christ, fid., p. m, c. 5 (PL 176,
423). La solution qu'il détermine est la même que l'on retrouve dans saint Thomas,
ST, suppl., q. 37, a. 2, conci. Pour les attaches historiques de la question, cf. Alex. Hal.,
Glossa IV Sent., d. 24 (IV, 399-433) avec les notes et références.

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158 J. G. BOUGEROL

privilégiés, administrent avec pleine a


les prêtres, les Évêques, le Pape et les Pa
Prêtres Les sacrements du salut Trônes
Évêques Les ordres privilégiés Chérubins
Pape et Patriarches L'autorité suprême Séraphins.
La reportation Delorme est plus précise encore concernant le Pape :
« Et quia super Apostolos est Christus et princeps Petrus, ideo oportet
esse tertium ordinem, scilicet papalem, quia papa est pater patrům vel
pascens... Roma autem quasi civitas solis est caput et princeps... Haec
enim sola habet plenariam potestà tem et jurisdictionariam. In papa
ergo debet esse summa perfectio89. »

3° La troisième distinction des ordres de l'Église militante se rapporte


au ministère dans l'Église des ordres de l'église militante se rapporte au
ministère dans l'Église, nous dirions aujourd'hui, après Vatican II, le
peuple de Dieu : au sommet, Bonaventure place les contemplatifs, au
bas des degrés, les laïcs et au milieu, les prélats. L'ordre des laïcs ou
actifs est au bas de l'échelle, correspondant au Père car il engendre des
clercs et des moines sans être lui-même engendré par l'un des deux autres
ordres. L'ordre clérical correspond au Fils, car il est engendré par l'ordre
des laïcs et engendre l'ordre monastique. Celui-ci correspond au Saint-
Esprit, car il est engendré et n'engendre pas.
Laïcs le peuple de Dieu Anges
les consuls Archanges
les princes Principautés
Clercs les ministres sacrés Puissances
les prêtres Vertus
les Pontifes Dominations
Moines les moines dont l'office es
les spéculatifs Chérubins
les extatiques Séraphins.

L'ordre monastique, d'après la reportation


« noirs » et les « blancs », Cisterciens, Prémon
tains et Chanoines réguliers : « Omnibus is
ut orent pro illis qui dederunt. »
Les spéculatifs étudient l'Écriture qui ne pe
des âmes pures : « Non enim potes noscer

(89) Cette reportation n'est pas mentionnée par Y. M


giques de la querelle entre mendiants et séculiers dans l
et le début du XIVe , dans AHDLMA , 28 (1961), 113. Elle rend cependant plus claire
encore l'analyse très judicieuse qu'il fait de la pensée de saint Bonaventure. Nous
ajoutons les références à des textes parallèles de Bonaventure : Expos. reg.t c. 2, n. 1
(VIII, 397) ; c. 9, n. 4 (VIII, 428) ; Apol. paup.t c. 3, n. 23 (VIII, 251) ; c. 12, n. 3-5
(VIII, 317); c. 12, n. 9 (VIII, 319); c. 12, n. 10 (VIII, 319).

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 159

spiritum Pauli. » Il est donc nécessaire que les spéculatifs soient cloîtrés
avec Moïse et gravissent la montagne. Ce sont les Prêcheurs et les Mineurs.
Les Prêcheurs s'adonnent principalement à la spéculation dont ils tirent
leur nom, puis à l'onction. Les Mineurs principalement à l'onction, puis
à la spéculation : « Utinam iste amor vel unctio non recedat a Cherubim. »
Bonaventure rappelle ce qu'il a rapporté dans sa Legenda major90 :
le bienheureux François voulait que ses frères étudient pour mettre en
pratique ce qu'ils auront appris et, après l'avoir mis en pratique, pour
enseigner aux autres ce qu'ils doivent faire. A quoi sert de beaucoup
savoir sans rien goûter? « Multa enim scire et nihil gustare quid valet? »
Quant à l'ordre extatique, c'est l'ordre séraphique dont fait partie
saint François. L'Église trouvera dans cet Ordre, sa perfection : « quis
autem ordo iste futurus sit, vel iam sit, non est facile scire. » La reportation
Delorme ajoute : « nec florebit iste ordo nisi prius Christus patiatur in
suis. »
Bonaventure ajoute enfin un épilogue. Les trois ordres distingués sous
ce dernier aspect du ministère établissent le degré de perfection selon
les états et non selon les personnes, « quia una persona laica aliquando
perfectior est quam religiosa ».
Dans la reportation Delorme, la conclusion vaut la peine d'être citée :
« Unus autem est Monarcha, qui est principium omnium ordinum et
graduum. Totum enim Ecclesiae corpus unum est, unum cibum habens,
unum praemium expectans, una columba tam formosa, ut dictum est,
similis lunae. Extra hanc unitatem non est membrum Christi. »
Il est inutile de revenir ici sur ce que J. Ratzinger a déjà fort clairement
montré pour la théologie de la primauté universelle du pape91. Nous
avons déjà mentionné l'apport de Y. Gongar à la compréhension de
Bonaventure92. Une question reste ouverte et demanderait une étude
comparée minutieuse : l'influence joachimite chez Bonaventure93. On
pourrait utilement aussi rechercher les influences littéraires de Thomas
Gallus. Nous en avons déjà parlé dans le cours de notre étude.
Il reste que Bonaventure est directement tributaire de Denys par
Alexandre de Halès et Hugues de Saint-Victor94.

(90) Leg. maj., c. 11, n. 1 (VIII, 535); trad. D. Vorreux dans Saint François
ď Assise. Documents , Paris 1968, 681-682.
(91) J. Ratzinger, Der Einfluss des Bettelordensstreites auf die Entwicklung der
Lehre vom päptslichen Universalprimat , unter besonderer Berücksichtigung des heiligen
Bonaventura , dans Theologie in Geschichte und Gegenwart. Festgabe M. Schmaus,
Munich 1957, 697-724.
(92) Y. M. Gongar, art. cit., surtout 105-114.
(93) Cf. J. Ratzinger, Die Geschichtstheologie des heiligen Bonaventura, Munich
1959, 106 s. ; O. Gonzalez, Misterio trinitario y existencia humana, Madrid 1966,
612-625.
(94) Cf. les conclusions de notre étude, Saint Bonaventure et le Pseudo-Denys VAréo-
pagite, dans Actes du colloque saint Bonaventure, Paris 1969, 113-123.

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160 J. G. BOUGEROL

VI. La hiérarchisation de l'âme .

Bonaventure veut en dernier lieu parler de la hiérarchisation de Tame.


Dans la collation 20, n. 22-30, il avait donné le sens même où il entend
la lumière sous laquelle cette considération va se poursuivre.
L'âme est hiérarchisée lorsqu'elle possède un rayonnement comme
celui des étoiles dans le ciel. Ce rayonnement est triple : radiatio mansiva,
decora, jucunda.
La « radiatio mansiva » fait l'homme viril et robuste par la fermeté
qu'il met à fixer l'ordre des degrés hiérarchiques et des vertus,
la « radiatio decora » donne à l'homme la beauté de la sagesse,
la « radiatio jucunda » apporte en réponse au désir, la joie de la lumière
sans fin.

Reprenant ici le sujet dans toute son ampleur, Bonaventure va suivre


le plan suivant : l'âme hiérarchisée possède des degrés correspondant
à la Jérusalem céleste et disposés en trois niveaux selon l'« ascensus »,
le « descensus » et le « regressus ».
Io Selon l'« ascensus » : industria cum natura
industia cum gratia
gratia super natura m et industiam96
2° Selon le « descensus » : secundum virtutes susceptivas
- - custoditivas
- - distributivas

3° Selon le « regressus » : secundum virt


- - interiores
- - superiores

(95) Dans la reportatioii Quaracchi ÍV, 441), Bonaventure


de Verceil, Thomas Gallus propose trois degrés : natura, industria, gratia. Or, saint
Bonaventure n'accepte pas que la hiérarchisation soit, même au niveau le plus bas,
œuvre de la nature. C'est pourquoi il précise : industria cum natura, industria cum
gratia, gratia super naturam et industriam. Les éditeurs de Quaracchi avouent n'avoir
pas trouvé la référence chez Thomas Gallus. Il semble que, d'après le texte de Hexaem .,
coll. 22, n. 24, Bonaventure ait connu le commentaire d'Isaîe de l'Abbé de Verceil,
au moins le c. 10 inséré dans son Explanatio in HC qui date de 1243. Si nous remarquons
que dans Itin.t cģ 4, n. 4 (V, 306), les notes mêmes de Thomas Gallus apparaissent
sans aucune des modifications apportées dans Hexaem., on doit conclure que
Bonaventure a pu prendre connaissance de Y Explanatio de Thomas Gallus entre 1259
et 1273. G. Théry a édité dans VS - suppl. 47 (1936) (147-(162), le texte que nous
citons, (152) : «Prima mansio est tota in ipsa natura citra industria. Secunda tota
industria intra nature metam. Tercia tota supra naturam et industriam. » C'est un
commentaire de HC, c. 10, § 3 (Dion., 923) : « Quod et secundum se ipsam unaquaque
et caclestis et humana mens, speciales habet primas et medias et ultimas ordinationes
et virtutes, ad dictas secundum unumquemque hierarchicarum illumina tionum speciales
sursumactiones juxta proportionem manifesta tas. » (version Sarrazin).

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 161

Les mots principaux de la classification des trois niveaux de la hiérar-


chisation doivent être définis : ascensus, descensus, regressus. Comme
l'explique J. M. Bissen96, la hiérarchisation de l'âme signifie « sa confor-
mation spirituelle, intellectuelle et morale aux êtres à elle supérieurs
Dieu et les anges, ou encore l'Église97 ». Le premier niveau est l'« ascensus ».
Bonaventure le définit comme la montée de l'intelligence en Dieu, comme
une considération nouvelle de Dieu à partir de la considération de la
créature98. Cette montée en Dieu recherche sa présence dans les choses
visibles, dans les choses invisibles, l'âme ou les anges, enfin en Dieu
lui-même, car « imago ab ipsa veritate formatur et Deo immediate
conjungitur », dit saint Augustin99.
Le second niveau est le « descensus ». C'est la poursuite de Dieu s'humi-
liant jusqu'à devenir le serviteur. Celui qui veut monter avec le Christ
au ciel doit, à son exemple, descendre et reconnaître sa propre iniquité
et sa fragilité100.
Le troisième niveau est le « regressus », ou retour à Dieu par l'activité
vertueuse dans la grâce101. C'est d'ailleurs à ce niveau que se situe la
troisième définition de la hiérarchie que Bonaventure a trouvée dans
Denys102. Le «regressus» commencé par la grâce s'achève dans la
gloire103.
Les mots ainsi définis, on peut suivre l'application qu'en va faire
Bonaventure à la hiérarchisation de l'âme.

1 0 Au niveau de l'« ascensus ». La première condition de la contemp


tion est la montée de l'échelle de Jacob104. Elle est réalisée par tr
facteurs : industria cum natura, industria cum gratia, gratia super nát
rám et industriam.

(96) J. M. Bissen, Les conditions de la contemplation selon saint Bonaventure , dans


FF, 17 (1934), 387.
(97) Roger Marston connaît le texte de Bonaventure. Cf. Quest . disp. de anima,
q. 6, éd. Quaracchi 1932; 341.
(98) III Sent., d. 17, a. 2, q. 1, ad 3 (III, 372). Cf. Ilin , c. 4, n. 4 (V, 307). Cf. Lexique
saint Bonaventure, Paris 1969, art. Ascensus , 21.
(99) I Sent., d. 3, p. 1, a. un,, q. 1, ad 4 (I, 73). Aug., 83 QQ., q. 51, n. 2 (PL 40,
32 s.) ; De spiritu et anima , c. 11 (PL 40, 786 s.). Autres textes importants : Comm. Le,
c. 9, n. 49 (VII, 232) ; c. 13, n. 72 (VII, 356) ; Ascens., serm 3 (IX, 319).
(100) Ascens., serm. 3 (IX, 319). Cf. Comm. Le, c. 2, n. 108; c. 4, n. 65 (VII, 68,
104). Cf. Lexique saint Bonaventure , art. Descensus.
(101) Cf. Lexique saint Bonaventure, art. Regressus.
(102) Cf. ci-dessus, 134.
(103) II Sent., d. 5, dub. 3 (IL 143).
(104) Gn 28, 12. Ci. Comm. Le, c. 9, n. 49, n. 72 ; c. 13, n. 72 (VII, 232, 239, 356).
Bonaventure emploie le mot « otium » cher au vocabulaire monastique dans Comm.
Le, c. 9, n. 72 : « Ascensus in montem signifìcat otium contemplationis. » Cf. J. Leclercq
Otia monastica, Rome 1963, 27-41 ss.

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162 J. G. BOUGEROL

« Industria » désigne l'effort personn


elle-même106. « Natura », c'est l'âme e
1. - L'effort personnel à partir de ce
natura », est triple : la « nuntiatio », la
pondant aux Anges, aux Archanges et au
c'est le tri opéré volontairement entr
« Industria debet discernere inter nunti
eligenda. » La « dictatio » délibère : « utr
utrum expediat106 ». La « ductio » décid
quatur ». C'est là affaire de maîtrise de s
« Prosequi autem est assumere in faculta
Bonaventure ajoute en fin psychologu
et des Archanges qui sont lucides dans leur vision et leur jugement,
mais bien peu sont des Principautés qui décident d'accepter ou de s'inter-
dire tel message des sens au nom du but poursuivi, la montée vers Dieu.
2. - L'effort personnel collaborant avec la grâce, « industria cum
gratia » est triple, lui aussi : l'« ordinatio », la « roboratio » et l'« impera-
tio », correspondant aux Puissances, aux Vertus et aux Dominations.
L'ascèse devient ici plus exigeante, elle est impossible sans la grâce.
L'« ordinatio » consiste à orienter vers Dieu ce qui a été décidé « propter
Deum » et donc à repousser ce qui n'est pas « propter Deum ». En quelque
sorte, cette ordination volontaire ne double pas la « ductio », elle en
vérifie, dans la lumière et le dynamisme de la grâce, la pureté. C'est là
chose difficile que vient aider la « roboratio », le courage puisé dans
l'amour. L'« impera tio » couronne l'effort ascétique. « Et licet ii tres
gradus adscribantur industriae, tarnen non possunt bene exerceri sine
gratia », ajoute saint Bonaventure108.
3. - La grâce intervient désormais seule au-dessus des puissances
naturelles de l'âme et de l'effort volontaire, « gratia super naturam et
industriam ». Son action est triple : « la « susceptio », la « revelatio »
et l'« unctio » ou « unio »109. L'âme est élevée au-dessus d'elle-même,

(105) Saint Thomas emploie le mot dans le même sens dans lia , q. 47, a. 13 ad 4
et a. 14 ad 1. Il le fait dériver de « deinotès » d'Aristote, VI Elhic., c. 12, n. 9 (1144 a
23). Nous sommes d'accord avec H. Duméry, Itinéraire , Paris 1960, 77 note 3 pour
situer ici ce que, plus tard on va nommer l'ascèse. Cf. Itin., c. 4, n. 4 (V, 306) qui reprend
les neuf degrés mentionnés ici. Cf. aussi ci-dessus note 91 sur Thomas Gallus.
(106) La reportation Delorme, 258 est beaucoup moins claire et confond l'ordre des
opérations envisagées ici.
(107) Aug. De Trin., X, c. 11, n. 17 (PL 42, 892). Cf. I Sent., d. 1, a. 1, q. 1, fund. 1
(I, 30).
(108) Reportation Delorme, n. 26, 258.
(109) On lit dans Ilin ., c. 4, n. 4 (V, 306) : « unctio », tandis que les deux reporta tions
Quaracchi et Delorme donnent « unio ». Il semble que Bonaventure emploie indiffé-
remment ces deux mots et même aussi « unitio ». Cf. Lexique saint Bonaventure, art.

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 163

sursumacta. La « susceptio » est l'accueil des illuminations divines dan


la mesure où l'âme s'y est préparée110. La « revelatio » est l'entrée da
le mystère. Enfin l'« unio », le terme de la montée dynamique en Die
Dans ces trois degrés ultimes, l'âme hiérarchisée est comparée aux Trôn
aux Chérubins et aux Séraphins.

2° Au niveau du « descensus ». La deuxième condition de la contemp


tion se réalise avec l'aide de trois groupes de vertus : les vertus d'accu
« susceptivae » ; les vertus d'assomption, « custoditivae » et les vertus
de témoignage, « distributivae111 ».
1. - Les vertus d'accueil sont au nombre de trois qui disposent l'âme
recevoir la lumière divine : la vivacité du désir, la perspicacité du rega
la fermeté du jugement, correspondant aux Séraphins, aux Chérubins
et aux Trônes.
Il n'est pas d'âme contemplative sans le désir vivace de voir Dieu,
comme le feu ardent des Séraphins. Moïse monta vers le feu qui se trouvait
au sommet de la montagne et qu'il avait vu lorsqu'il était à son pied.
Moïse ne put redescendre pour parler au peuple, avant d'être monté
jusqu'au feu112.
La perspicacité du regard est tout à la fois vigilance et conscience de
la valeur du don que fait Dieu. Cette perspicacité éloigne les images et
les occupations étrangères.
La fermeté du jugement, « tranquillitas judicii », éloigne toute passion
ou perversion du jugement. Sans quoi, on risque de recevoir en vain le
don de Dieu.

2. - Les vertus d'assomption sont triples : l'autorité de l'obéissance


la virilité du propos et la volonté de vaincre, correspondant aux Domina
tions, aux Vertus et aux Puissances.
L'autorité de l'obéissance, « auctoritas imperii », est la soumission
volontaire à la volonté divine. La virilité du propos, « virilitas propositi »
Bonaventure aime particulièrement ce mot « virilitas » qu'il définit
« Firmitas in proposito », fermeté dans l'accomplissement de ce que l'on

Unclio , 129. Cf. Expos, reg., prol., n. 2 (VIII, 392), où Bonaventure cite CH, c. 3, n. 2
et EH, c. 1, n. 3 dans la version V de Thomas Gallus. Cf. G. Théry, Les œuvres de
Thomas Gallus, dans VS, suppl. 32 (1932) (36) ; cf. aussi Pedro Hispano, éd. M. Alonso,
Lisbonne 1957, 560.
(110) Reporta tion Delorme, n. 27, 258 : « primo enim est susceptio luminum divi-
norum secundum praeparationem in recipiente rcpertam. »
(111) Bonaventure dit, n. 28 : «secundum Dionysium ». Il s'agit de if C, c. 15, § 3
(Dion., 1000-1010) où Denys détaille la signification des sens et des organes dans le
composé humain. Cf. Expos, reg., c. 3, n. 5 (VIII, 408) où Bonaventure cite EH, c. 1,
§ 2 et 4 selon le sens, mais assez proche de Thomas Gallus ; cf. éd. M. Alonso, 559-560.
(112) Cf. Lexique saint Bonaventure, art. Desiderium, 52, où l'on trouvera les références
et la bibliographie.

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164 J. G. BOUGEROL

a décidé113. Enfin, la volonté de vaincre,


au contemplatif de dire avec saint Paul :
ma force114 ».

3. - Les vertus de témoignage sont au n


dent aux Anges, aux Archanges et aux Pr
l'exemple qui nous fait donner notre vie
parole qui témoigne de la présence activ
l'humilité du service auquel le contempla
se dérobe pas.

3° Au niveau du « regressus ». La troisièm


comporte, selon saint Grégoire, trois deg
Dieu hors de soi, en soi et au-dessus de so
1. - Les puissances extérieures sont h
judicieuse, « discreta perlustralo », do
d'inutile ou d'impur dans la maison de l'âme ; par le choix judicieux,
« discreta praeelectio », qui doit ordonner notre volonté ; enfin, par la
décision judicieuse, « discreta prosecutio », qui ordonne nos actes dans
la bonne voie.

2. - Les puissances intérieures sont ordonnées par une mortification


rigoureuse, « districta castigatio » dans le but de déraciner la triple libido :
soif de domination, désir de jouissance et passion de possession. Chaque
jour, il faut lutter contre ces trois tendances par l'humilité, la chasteté
et la pauvreté, sans quoi elles pullulent comme la mauvaise herbe116.
Par la mortification, l'âme est ordonnée aux Puissances.
Les puissances intérieures sont ordonnées aussi par une fermeté rigou-
reuse : la vigilance de l'esprit lutte contre toute négligence, la tolérance
apaise l'impatience, la confiance transforme la défiance. L'âme est alors
ordonnée aux Vertus.
Elles sont enfin ordonnées par un rassemblement rigoureux des énergie
qui permet à l'âme hiérarchisée d'être le temple de Dieu en dominant se
appétits, qui lui permet d'être ordonnée aux Dominations en dominant

(113) Cf. Tripl, via, c. 3, n. 9-10 (VIII, 16) ; Perf. evang., q. 1 (V, 122) ; Annunl .
BMV, serm., 6 (IX, 684 a).
(114) Ph 4, 13.
(115) Grég., Super Ezech., II, hom. 5, n. 8 ss. (PL 76, 989 ss.). Bonaventure cite
à Tappili de Grégoire, le Liber de Causis, prop. 3 (éd. Bardenhewer, 165) : « Omnis
anima nobilis habet tres operationes. Nam ex operationibus ejus est operatio animalis
et operatio intelligibilis et operatio divina. » La même démarche se retrouve dans Itin.,
c. 1, n. 4 (V, 297), tandis que dans Solil., prol., n. 2 (VIII, 28-29). Bonaventure explique
pourquoi il porte ses réflexions sur quatre objets : intérieurs, extérieurs, inférieurs
et supérieurs, selon les quatre dimensions données par saint Paul dans Ep. 3, 14-17.
(116) Delorme, 261 : «semper pullulant sicut herba ».

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 165

ses imaginations, qui lui permet d'être maîtresse chez elle en domin
ses préoccupations117.
3. - Les puissances supérieures sont hiérarchisées par l'œuvre d
grâce : « Quando enim anima facit quod potest, tunc gratia facile le
animam, et Deus ibi operatur, ut sit digna semper admissio, digna in
tio, digna inductioU8. ». Les ordres angéliques correspondant son
Trônes, les Chérubins et les Séraphins.
La digne élévation, « digna admissio » fait dire à l'âme : « Debo
crie dans la nuit au commencement des veilles ; répands ton cœur com
de l'eau devant Yahvé» et : «Seigneur, tout mon désir est devenu toi,
pour toi mon soupir n'est point caché119 ». La digne attention ne perd
rien de ce qui s'offre à son regard scrutateur : « Réveille-toi, réveille-toi !
debout, Jérusalem ! Tiens-toi sur la hauteur. A cette vue, tu seras radieuse,
ton cœur sera gonflé d'émotion120. » Alors l'âme contemplative attend
dans l'espérance la digne introduction, « digna inductio », elle est emportée
en Dieu bien-aimé : « Son bras gauche est sous ma tête et sa droite
m'étreint. Je suis à mon Bien-aimé et mon Bien-aimé est à moi. Il paît
son troupeau parmi les lis21 ». A ce degré, l'âme ressent la communion,
elle devient un seul esprit avec Dieu : « Celui qui s'unit au Seigneur n'est
avec lui qu'un seul esprit122 ».
Ainsi l'âme hiérarchisée est configurée à Dieu : « per contuitionem
Dei sui deiformiter hierarchizata123 ».
Après un excursus sur les signes du Zodiaque appliqués allégoriquement
à l'âme hiérarchisée, Bonaventure conclut en demandant au contemplatif
d'éviter à tout prix la présomption et l'erreur. Le danger de présomption
qui plonge l'âme dans la plus néfaste illusion est évité par l'humilité.
Le danger de l'erreur qui prend toute pensée pour une révélation divine
est évité par la lecture de l'Écriture qui contient la loi, les Prophètes et
Jésus-Christ124.

(117) Le rassemblement des énergies détruit la présence des démons, qui selon Denys,
DN, c. 4, § 23 {Dion., 280) ont une « furor irrationalis », une « amens concupiscentia »
et une « phantasia proterva ». Bonaventure cite dans les deux reportations, la version E
(Scot Eriugèneì.
(118) Delorme, 262 note des termes quelque peu différents mais dont le sens est
le même : superadmissio, circumspectio, inductio.
(119) Lm 2, 19 et Ps. 37, 10.
(120) Cette citation est un mélange de Is 51, 17, Ba 5, 5 et Is 60, 5.
(121) Ct 2, 6 et 6, 3.
(122) I Co 6, 17. Cf. la même exégèse paulienne dans L. Cerfaux, Le chrétien dans
la théologie paulinienne, Paris 1962, 276.
(123) Delorme, 262.
(124) La fin de cette coll. 22 se retrouve en substance dans Plant, parad., n. 4-7
(V, 575-576). Cela permettrait peut-être de dater le De plantatione paradisi par rapport
à l' Hexaemeron. Par ailleurs, E. Gilson, La Philosophie de saint Bonaventure, 2e éd.
Paris 1943, 364-365, a analysé cette collation 22 et l'a résumée dans un tableau très
suggestif.

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166 J. G. BOUGEROL

Conclusion

Quand, après avoir analysé les réflexions que saint Bonaventure n


a livrées dans leur forme la plus achevée, celle des collations in Hexa
ron , on se reporte à l'exposé minutieux de R. Roques, L'Univers diony
on est tout à la fois surpris et rassuré.
Surpris, car la distance apparaît fort grande entre Denys et Bona
ture, à la fois dans le temps et dans la compréhension du même ob
Les environnements des deux théologiens sont en effet très éloi
sinon étrangers l'un à l'autre. En outre, Denys parvient à Bonavent
dans un texte traduit et même grossi d'interprétations et de commen
qui en infléchissent la portée et même l'authenticité, Hugues de Sai
Victor et Thomas Gallus, pour ne citer que les principaux.
Mais on est cependant rassuré, car les divergences ne peuvent voi
la profonde connivence de Denys et de Bonaventure. Si la pensée di
sienne représente en elle-même, une entreprise difficile de concord
entre la foi chrétienne dont elle est imprégnée et les hiérarchies néo
niciennes auxquelles elle entend demeurer fidèle, l'effort tenté par B
venture apparaît plus difficile encore.
Parmi les divergences, il faut mentionner en premier lieu la notion
hiérarchie. Bonaventure tire du texte dionysien trois définitions lui
mettant de situer le « sacer principatus » de Prévostin de Crémo
finalement de construire avec les trois définitions, une notion univer
Les éléments essentiels de la hiérarchie dionysienne s'y trouven
demment, l'ordre, la science et l'activité. Mais ils deviennent chez
Bonaventure les vecteurs de Vinfluentia. Pour Bonaventure, la Hiérarchie
est la réalité ou plutôt la Réalité est hiérarchique. L'Un s'exprime dans
la hiérarchie des trois personnes de la Trinité comme dans un Multiple
parfaitement ordonné selon les exigences nécessaires de la circumincession
et des appropriations. L' Un s'exprime dans le Multiple de la hiérarchie
angélique et par elle, dans le Multiple de la hiérarchie ecclésiastique
où il retrouve l'Un en chacun des membres du Corps du Christ, dans
un contact et une relation personnelle125.
Bonaventure a tenté de tirer des conclusions théologiques et spirituelles
de sa métaphysique exemplariste. Sa vision religieuse de la réalité s'étend
d'un point de départ causal dans un sens génétique jusqu'à un point
d'arrivée téléologique dans un sens intentionnel. Lorsqu'il en arrive à
l'explication du mystère de la déification, il met au centre de sa réflexion

(125) Cf. R. Guardini, Systembildende Elemente , en particulier 93-115, où l'auteur


montre clairement les structures de la pensée bonaventurienne.

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BONAVENTURE ET LA HIÉRARCHIE DIONYSIENNE 167

le Christ médiateur qui, en tant que Verbe incréé, incarné et inspiré est
présent au départ comme au terme de la réalité.
Tout semble se passer comme si Bonaventure avait situé la Théologie
mystique de Denys au cœur de la Hiérarchie ecclésiastique , si nous nous
permettons de reprendre la suggestion de R. Roques126.
Si, comme nous le pensons, Bonaventure a pu utiliser, dans sa lecture
de Denys, les travaux de Thomas Gallus en particulier à partir de 1257,
il apparaît que Denys Ta aidé à systématiser sa vision de la réalité.
Denys est une « autorité » qu'il vénère à plus d'un titre et dans lequel
il aime retrouver un écho de ses propres préoccupations.
J. G. Bougerol.

(126) A cette différence près, que R. Roques situe sa réflexion dans une lecture appro
fondie de Denys considéré en lui-même, tandis que Bonaventure semble parfois plus
utiliser le vocabulaire de Denys que sa pensée authentique. Cf. R. Roques, L'univers
dionysien , Paris, 1954, 328-329.

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