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Remerciements

J’aimerais d’abord offrir mes remerciements au


professeur Bjarne Melkevik pour avoir accepté l’invitation
d’écrire la préface de mon premier livre. Je suis très honoré
! Vous avez été un témoin privilégié et actif dans mon
parcours académique depuis le tout début. Mon choix allait
vers vous comme une évidence. Merci pour votre patience
et votre loyauté à mon égard.
Je tiens également à remercier messieurs Pascal Richard
et René-Jean Ravault pour la confiance qu’ils m’ont
toujours portée. Vous avez su reconnaître et respecter mon
besoin de liberté dans la poursuite de mes travaux. Votre
générosité envers moi me touche sincèrement.
Je veux aussi exprimer ma gratitude à l’endroit de la
direction de la Collection De Lege Ferenda et
particulièrement madame Laurence Vanin sans qui cet
ouvrage n’aurait pas vu le jour.
Dans un volet plus personnel maintenant, je veux
remercier toute ma famille pour son soutien indéfectible.
Vous contribuez tous de multiples façons à la réalisation de
mes projets. C’est très rassurant et réconfortant de vous
savoir derrière moi. Enfin, un merci particulier à mon frère
Hughes pour les nombreuses heures que tu passes
assidûment à me relire.

Pour le bonheur de ma mère


et à la mémoire de mon père
Avant-Propos
La collection De Lege Feranda participe à la mise en
œuvre d’un espace de confluences intellectuelles qui n’est
rendu possible que par la rencontre des idées et de
l’interdisciplinarité, par le prisme de la philosophie, du
politique et du droit. Cette collection invite à dépasser les
réductions simplistes afin d’appréhender de manière
pertinente l'évolution du droit, son développement, son
champ d’application dont la combinatoire se complexifie à
mesure de son extension et de la nécessité de son
intégration au droit de l’union européenne. Elle a donc
pour objet de penser, dans sa contemporanéité, l’évolution
philosophique, politique et juridique du droit et des droits.
Au regard de ce qui se manifeste, il importe d’aller voir
au-delà du phénomène, afin de saisir une ontologie du droit
et susciter par la multiplication des perspectives - y
compris comparatiste - une analyse à partir de laquelle
pourront s’échanger ou se refléter les différents points de
vue.
Afin de défier les mirages des apparences sociales,
politiques, historiques, il sera nécessaire, à partir de cette
diversité des correspondances et des contributions de
quérir l’essence de ce qui se réalise.
Cette superposition des axes de réflexions - générée par
la diversité des disciplines à l’œuvre dans la
compréhension des phénomènes philosophico juridiques -
toutes ces strates de pensées amplifieront la densité et la
substantialité de cette narration ontologique et sans cesse
renouvelée du droit. De cette profondeur, l’analyse fera
surgir, intrinsèquement, ce qui est nécessaire à normaliser
les pensées afin d’envisager les liens entre un ensemble
normatif complexe et l’introduction progressive du
politique. D’autant que, le droit est, en permanence, habité
par ses propres limites, assujetti à ses règles mais aussi à
son interprétation. Ce qui alors requiert de s’attarder sur la
signification du droit, son lexique spécifique lié à son
énonciation, son champ sémantique et implique de réfléchir
sur son mode d’attribution de sens consécutif à
l’interprétation. À partir de ce qui est révélé, il importe
donc d’envisager le dépassement du phénomène par un
travail herméneutique – ou d’interprétation – afin, dans une
orientation commune, de déterminer le sens de cette
justice manifestée.
Cette entreprise critique exige aussi de penser les
contraires et d’opérer une dialectique permettant de faire
voler en éclats les a priori ou les craintes engendrés par les
changements politiques, juridiques et sociaux économiques
qui ouvrent à l’éphémère comme transition historique,
intermédiaire dynamique entre des possibles.
Cette démarche ne pourra ensuite que rejaillir sur
l’espace européen – en terme géographique cette fois-ci, de
l’horizontalité - dont l’horizon reste évanescent car non
totalement défini, en proposant un fil à plomb régulateur,
c’est-à-dire une éthique de la pensée comme référent
normatif ou vertical des actes à produire, dans cet être
collectif auquel chacun participe.
Cette collection propose donc de méditer la logique du
vivre ensemble à partir d’une multiplicité d’analyses
complémentaires et comparatistes. Elle invite à dépasser
les réductions simplistes ou les réactions parfois
épidermiques entre les États et les citoyens afin de fonder
une onto éthique et faciliter l’être en commun de cet
espace mutant qu’est l’espace européen.
D’où la nécessité de produire une collection
multidisciplinaire à caractère juridique et philosophique
facilitant de nouveau la compréhension : De Lege Feranda.
Laurence VANIN
David REMY
Préface
Penser la conjonction droit et
communication.
La conjonction, le rendez-vous, la rencontre ou la relation
entre le droit et la communication se pense ! À tout le
moins, c’est la proposition que nous fait Guillaume
Provencher dans son ouvrage. Au fil de son étude, l’auteur
réfléchit et dessine les nœuds, les contextes et les
ramifications multiples et divergentes qui entrent en ligne
de compte dans le traitement de cette conjonction
audacieuse. Il mobilise avec maestria les théories de la
communication qu’il approfondit et dirige ensuite avec
finesse vers les produits culturels et humains. En faisant
cela, il vient démontrer tout le bien-fondé de sa démarche
et confirme du même coup la pertinence de son essai.
Provencher saisit une problématique d’actualité et soulève
un questionnement théorique qui vise le cœur même de
notre modernité juridique, c’est-à-dire une modernité qui
se comprend par l’examen à la fois pratique et théorique de
la relation entre droit et communication.
À première vue, retenons d’abord simplement que la
communication a quelque chose à faire avec le droit et que
cela se constate autant dans la pratique juridique que dans
la théorisation du droit.
Dans la pratique juridique avant tout, car un avocat qui se
présente au prétoire doit inévitablement communiquer. Il
doit s’exprimer de façon claire et limpide de manière à
exposer et faire valoir avec justesse les intérêts de son
client, celui qu’il représente. L’habileté d’un procureur à
communiquer efficacement de manière compréhensible ne
lui garantit pas le succès, mais augmente grandement ses
chances de réussite. Quant à l’avocat qui ne sait pas
communiquer, qui communique mal ou qui ne parvient pas
à se faire comprendre de manière utile, il s’aligne pour
perdre son combat avant même d’avoir pu engager
l’affrontement. Un praticien du droit court lui-même à sa
perte en empruntant une autre voie que celle de la
communication convaincante. Que ce soit à l’audience, en
négociation, dans la rédaction de dossiers d’affaires dites
juridiques ou dans la formulation verbale ou écrite de
conseils juridiques, la communication est indispensable à
tous les horizons de la pratique du droit.
Dans un deuxième temps, la communication a quelque
chose à faire avec la théorie parce que là, comme c’était le
cas pour l’avocat dans sa pratique du droit, il faut que
l’auteur d’une théorie prenne les moyens nécessaires pour
partager et faire valoir sa position ; il doit lui aussi
convaincre un auditoire et communiquer efficacement. Une
théorie rassemble des observations, des réflexions et des
conclusions d’un ou de plusieurs chercheurs sur un sujet
donné, en l’occurrence, le droit. Elle doit en définitive avoir
un effet dans le milieu juridique, être à toutes fins utiles.
L’élaboration d’une théorie juridique implique de capturer
et d’élucider ce qui se fait ou peut se faire dans la pratique
à l’intérieur d’un cadre conceptuel et architectonique.
Cependant, la distinction entre la pratique et la théorie a
plutôt tendance à s’estomper dans la jurisprudence. En
effet, les décisions des juges étatiques – surtout à un niveau
hiérarchique élevé – prennent souvent les allures d’une
théorie. Elles prennent la plupart du temps, voire trop
souvent, l’apparence de discours doctrinaux dans lesquels
s’incrustent et viennent se légitimer des positions
théoriques particulières et circonscrites d’une idéologie
propre à une frange de l’oligarchie judiciaire. Cela étant
dit, de manière générale, les maîtres d’œuvre d’un traité,
d’un manuel doctrinal, d’un résumé de décision ou d’une
responsa (c.-à-d. une opinion juridique), d’une théorie
historique, sociologique, anthropologique ou philosophique
du droit s’engagent communicativement envers leurs
éventuels lecteurs en livrant des informations précises sur
les «  sources du droit  » et des données formatives sur la
manière de faire le droit. Ils proposent théoriquement un
véritable savoir-faire juridique. Le caractère communicatif
d’une théorie mène à une plus grande reconnaissance de
l’œuvre et de son l’auteur, ce qui constitue parfois un
objectif inavoué et le véritable salaire du chercheur.
Affirmer que la communication est en lien avec l’exigence
de droit dans une société spécifique a quelque chose de
vrai en soi. Toutefois, une affirmation de la sorte doit
inévitablement prendre en compte le besoin du droit de se
trouver lui-même dans une société où la communication
règne en maître. Historiquement, l’usage du secret et de la
non-publication a su défigurer certaines formes de sociétés
dites de «  droit  ». Bon nombre de sociétés extra-
occidentales pratiquent encore ces formes de non-
communication. Rappelons-nous ici les procès religieux de
la charia où le théologien-arbitre s’entend d’abord en
secret avec l’une et l’autre des parties pour ensuite
organiser un procès d’apparat. Ce dernier ne tient alors
plus que dans le spectacle et aboutit dans une réaffirmation
d’obéissance au religieux. Semblablement, les lois secrètes
communiquées exclusivement à une clique de dirigeants
dans la tradition millénaire de la Chine jusqu’à Mao Tsé-
Toung et encore après servent de manivelle pour assurer la
mainmise de l’oligarchie «  communiste  » (sic!) sur le
Pouvoir.
La publication de la Loi des Douze Tables (Lex Duodecim
Tabularum) estimée en l’an  451 av. J.-C. est un des
événements les plus remarquables de la culture juridique
occidentale. C’est à ce moment que les règles de la
procédure de même que le calendrier judiciaire furent
proclamés et rendus publics. La pratique publique
constituera dès lors le lieu de la compréhension du droit et
les avocats seront reconnus de facto comme les gardiens de
la communication du ius. Cet événement est plus qu’un
symbole, il produit temporellement le séisme responsable
du tsunami communicationnel qui déferla ensuite sur
l’occident, qui marqua et sculpta d’abord cette portion du
globe pour ensuite s’étendre au monde entier.
Aujourd’hui encore, des groupes de la population
mondiale se revendiquent de cet épiphénomène
communicationnel pour justifier toutes sortes de
démarches et demander des changements culturels. Ce
constat confirme l’existence d’une véritable culture de
communication per se. Cette dernière se voit transposer et
trouve des applications dans d’autres champs, dont celui du
droit. Il convient alors de se référer à une culture juridique
de communication dans laquelle l’individu refuse de vivre
dans une hétéronomie non consentie, d’agir et d’obéir
aveuglément. En effet, dans un monde où la communication
règle les échanges, la liberté juridique se mesure plutôt par
la capacité de chacun à se faire juger sur des prémisses
conjuguant adéquatement légitimité et légalité. Un pareil
contexte vient inévitablement inscrire la question du droit
dans une position « polémique » et « révolutionnaire » dans
tous les sens du terme. L’histoire témoigne d’ailleurs en
faveur d’une telle affirmation.
La conjonction droit et communication fut reprise en
philosophie du droit au début des années 1950 et plus
timidement ensuite dans la théorie et dans l’écriture de la
doctrine du droit. Cette période marqua néanmoins le
commencement d’une véritable révolution dans le milieu
des sciences sociales élargies et plus précisément dans
l’étude du droit. Cela peut s’expliquer de diverses façons et
par une conjugaison de facteurs, mais il n’en demeure pas
moins qu’un des événements les plus importants fut
certainement la parution posthume des Investigations
philosophiques (Philosophische Untersuchungen) de
Wittgenstein en 1953; ce que plusieurs désignent comme le
second ou le deuxième Wittgenstein. À cela, il faut ajouter
l’épuisement du positivisme juridique et la difficulté, voire
l’incapacité d’un droit-mis-en-formule à pouvoir répondre
adéquatement aux nouvelles exigences politiques,
économiques et sociales.
Alors qu’il aurait fallu à ce moment-là saisir l’occasion
d’envisager la question juridique au niveau des
propriétaires du droit et dans la pratique de celui-ci, la
mise à l’écart de la communication au profit d’un
paradigme d’une «  science sociale  » n’aura pas donné les
résultats escomptés. De même, la conservation de
l’expression « positivisme juridique » aura tôt fait de mener
à des traitements métaphysiques vains et à la valorisation
de «  concepts  » de circonstances. Ces derniers défigurent
actuellement le paysage intellectuel en hissant et
brandissant les drapeaux du «  pluralisme  », du
« réalisme », du « postmodernisme », et ce, sans parler de
l’avalanche de «  post-post  », une litanie sans fin d’un
nouvel obscurantisme juridique qui ne peut donner rien de
bon.
L’originalité de la démarche de Wittgenstein réside dans
sa considération du langage effectivement parlé par des
personnes en chair et en os. Ce paradigme wittgensteinien
du langage ordinaire trouve spécifiquement une portée
théorique en droit. En constituant l’horizon du sens
possible dans le monde social, il donne congé à
l’importation de modèles théoriques propres aux sciences
naturelles dans le domaine de l’homme et du droit. Il fait à
tout le moins prendre conscience que les tentatives
d’imitations et de transpositions des modèles en
provenance des sciences dures sont fatalement vouées à la
fabrication de « modèles morts ». En essence, le paradigme
du langage ordinaire a permis une prise en compte de toute
la richesse du paradigme historique droit et communication
qu’a été et qu’a représenté la rhétorique juridique.
Parallèlement, il a aussi permis l’élaboration de théories
« communicationnelles » incarnées la plupart du temps par
la figure emblématique de Habermas.
La rhétorique juridique est une richesse pour le
paradigme droit et communication. Elle s’est faite plus ou
moins visible selon les époques, mais elle n’a jamais
disparu du paysage pratique des juristes. Des théoriciens
du droit ont bien tenté de l’écarter et de l’obscurcir par un
surinvestissement doctrinal dans un positivisme juridique
dit faussement « scientifique », mais ils n’ont jamais réussi
à l’effacer complètement. La raison demeure qu’une simple
exposition à une «  vérité-droit  » ou à une «  idée-droit  »
construite sur la base d’une science positiviste (qui n’a rien
de scientifique) ne communique rien, ne sert pas la
compréhension et ne parvient à convaincre que le faible de
l’esprit. Au fond, tout juriste éclairé sait bien qu’il faut
savoir communiquer, se faire comprendre et convaincre
pour pratiquer le droit.
L’an  451 av. J.-C. marque le début du printemps de la
culture juridique occidentale et du même coup, le
commencement de la valorisation pratique et théorique du
ius comme modèle de «  faire  », voire celui de «  savoir-
faire », c’est-à-dire du droit en tant qu’« art de le faire » et
comme étant le fruit d’une activité professionnelle, celle
des juristes/avocats; la iurisprudentia. Cet essor confirme la
facette communicationnelle de la rhétorique juridique et
nous transporte vers des philosophes comme Cicéron,
Seneca ou Quintilien. Ces derniers ne sont que trois
exemples de philosophes de la Cité qui ont utilisé les forces
et les outils communicationnels de la rhétorique pour
éclairer, guider, convaincre et au bout du compte, faire le
ius.
La rhétorique classique et juridique de l’époque romaine
rime avec l’art de convaincre, de triompher et de séduire.
Cependant, au-delà de ces évidences, elle constitue un
véritable «  art de la Cité  »  : un discours autonome du ius,
un contre-pouvoir langagier et une parole publique infusée
à même la société. La stratification de la société romaine
antique et la distribution inégale de la parole publique à
cette époque nous rappellent cependant amèrement que la
situation n’est guère plus réjouissante dans nos sociétés
modernes. Le droit avait un aspect pratique et terre-à-terre
dans la Rome antique. Il aurait su mettre à l’aise n’importe
quel acteur juridique d’aujourd’hui. Le droit entendu
comme parole publique et comme rhétorique juridique
permet de mieux comprendre pourquoi il est parvenu à
symboliser un procès social pendant des millénaires. Il
n’avait pas encore été obscurci par la métaphysique
juridique moderne qui dans sa quête céleste ne recueille
que des règles, des normes, des principes, des fondements
et des raisons; et dont la relation avec le droit demeure
incertaine, voire l’objet de différentes mobilisations
idéologiques propres à une frange de l’oligarchie juridique.
Cette pensée métaphysique et positiviste amène à penser le
droit comme un privilège individuel (un droit) alors que
sous l’angle de la rhétorique juridique, le droit devient plus
noblement un projet de la Cité.
Toutefois, cette volonté de régler les conflits sociaux par
le droit implique que ce dernier évolue au même rythme
que la Cité. Il faut, autrement dit, que le ius ou l’état du
droit se confirme par les dialogues sociaux à travers le
temps. De cette façon, les décisions judiciaires ne peuvent
être que des solutions juridiques valides pour un moment
donné. Le droit est tenu de rester ouvert et de s’adapter
aux changements qui déferleront nécessairement. Aucune
société, ni antique ni moderne, ne peut se leurrer sur sa
stabilité. De toute façon, les libertés des acteurs de la
société auront tôt fait de la nier.
Nous devons à Chaïm Perelman et Theodor Viehweg la
redécouverte et la modernisation de la rhétorique romaine
antique. Ces deux auteurs ont su positionner et révéler la
pertinence de l’expérience juridique dans notre modernité
juridique. La nouvelle rhétorique de Perelman a permis de
souligner l’intérêt de la rhétorique ancienne dans la
pratique du droit en établissant les liens qu’elle entretient
avec les différentes théories de l’argumentation et de la
communication langagière d’aujourd’hui. Elle insiste entre
autres sur la rationalité pragmatique qui puise la
construction de sens à partir d’une communication
argumentée. Ainsi, en situant le droit et la communication
à l’intérieur des bornes de la philosophie pratique,
Perelman se déleste de la philosophie théorique de la
lignée de Kant et Kelsen.
La topique juridique de Viehweg se développe dans le
même esprit pragmatique. Cependant, Viehweg se
distingue de Perelman sur le plan de la logique et du
raisonnement juridique. L’auteur allemand insiste plutôt sur
le travail intellectuel du droit en égard à ses ressorts
humanistes. Il détermine la topique juridique comme une
méthodologie associée à la construction d’un lieu de sens
(le topoï) apte à recevoir en pratique une argumentation et
une communication sociales, culturelles, politiques et
économiques.
Les deux auteurs s’accordent par contre pour affirmer
que le sens de notre modernité juridique se trouve à
l’extérieur du droit-livresque. Ils soulignent de cette
manière, l’essentielle considération ouverte et éclairée
dont doit faire l’objet l’expérience et la pratique juridique
de même que le droit hors-les-livres dans l’analyse de notre
modernité juridique. Cette approche vient donner raison à
Oliver W. Holmes lorsqu’il affirme que « la vie du droit, ce
n’est pas la logique, mais l’expérience  ». Un
surinvestissement théorique ne saurait remplacer
l’expérience du droit qui se fait par le biais de la
communication, de la pratique communicationnelle. Celui
qui tente de le nier est condamné à ne rien comprendre à la
modernité juridique ambiante.
En plus des implications qu’il a pu trouver dans la
rhétorique juridique, le paradigme du langage ordinaire a
aussi trouvé des échos épistémologiques dans les théories
communicationnelles et particulièrement, dans la Théorie
de l’agir communicationnel de Habermas. Nous avons, à
maintes reprises, eu l’occasion d’approfondir et d’analyser
celle-ci par le passé. D’ailleurs, pour l’essentiel du propos
de la présente préface, nous vous renvoyons à Habermas,
Légalité et légitimité, notre plus récent ouvrage sur le sujet.
Sommairement, la théorie habermassienne de l’agir
communicationnel vise à reconstruire le sens des actes
linguistiques avec l’agir dans le monde social. Autrement
dit, chez Habermas, la compréhension possible et
disponible pour les acteurs d’un monde social passe par
une reconstruction de la rationalité impliquée par les actes
de langage énoncés par les acteurs eux-mêmes. C’est donc
par une saisie, à la fois réflexive et concrète, de ce qui rend
un acte langagier (ou un acte de parole) acceptable (ou non
acceptable) que se constitue une compréhension par et
pour les acteurs en chair et en os du monde social.
La forme de vie communicationnelle dépend elle-même de
la grammaire des jeux de langage et se rapporte au
réservoir symboliquement et culturellement mobilisable
par les locuteurs dans les actes langagiers. La perspective
d’une «  compétence communicationnelle  » permet ainsi à
Habermas d’introduire la théorie de la pragmatique
universelle aux actes communicationnels.
La théorie de l’agir communicationnel propose une
approche moderniste et critique de la conjonction droit et
communication. Elle éclaire et revigore le discours
moderne en insistant sur l’empiricité des individus et sur
l’intersubjectivité langagière. Elle insiste aussi sur le rôle
crucial et pivot joué par l’argumentation rationnelle et la
valeur du meilleur argument. Enfin, elle rend possible le
développement d’une théorie sociale, critique et
interdisciplinaire qui peut rendre compte pragmatiquement
et servir la critique immanente dans nos sociétés
modernes. En somme, la théorie de Habermas témoigne
d’un monde qui se fait, se défait et se refait par l’entremise
de ressources communicationnelles et argumentatives.
Il n’y a donc absolument rien « à voir » ou « à observer »
dans le domaine spécifique du droit selon la logique
habermassienne. La connaissance se produit «    en
pratique  » et dans le monde. Elle ne peut se produire
qu’intersubjectivement, c’est-à-dire lorsqu’une multitude
d’individus acceptent et conviennent de coordonner leur
agir et leur monde respectif. L’interprétation monologique
ne vaut rien en terme de «  connaissance  » (ou de
«  reconnaissance  »). C’est l’agrégation qui vient créer
communicationnellement ce qui représente une
« connaissance » pour les individus. C’est elle qui définit le
«  bien  » et le «  mal  », et qui vient déterminer ce qui est
temporairement « vrai » pour chacun des adhérents.
La démarche habermassienne va jusqu’à reconsidérer la
suprématie imméritée accordée à l’interprétation dans le
domaine social et juridique. Pour Habermas,
l’interprétation des textes s’enlise trop souvent dans les
vices d’une philosophie de conscience. Elle devrait plutôt
se concevoir uniquement comme une étape préliminaire à
l’argumentation. L’interprétation a besoin de l’espace
public pour se « tester » publiquement et créer le « sens »
qu’il convient d’attribuer aux textes et particulièrement
ceux en provenance des autorités. Elle ne peut être
accueillie que d’une manière argumentative, en se
déplaçant linguistiquement vers un accueil intersubjectif de
tous les hommes et les femmes ayant une compétence
langagière. Au bout du compte, c’est l’argumentation
communicationnelle qui prévaut.
La Théorie de l’agir communicationnel est
épistémologiquement exigeante. Par contre, il s’agit ici
surtout de reconnaître le rejet, par son auteur, du postulat
voulant qu’il soit possible de construire les sciences
sociales et humaines, voire juridiques, sur la base d’une
interprétation qui se veut, quant à elle, toujours
monologique. Advenant le cas où Habermas aurait raison –
et nous lui accordons l’avantage –, c’est sur la base de
l’argumentation que doit porter notre attention puisque
celle-ci est orientée vers l’autre et possède un caractère
intersubjectif et communicationnel.
La présente préface ne constitue pas la tribune
appropriée pour exposer toutes les conjugaisons possibles
de la conjonction droit et communication. D’ailleurs, nous
avons tenu loin de nous l’idée d’en faire autant. Nous
souhaitions seulement et simplement insister sur le fait que
la relation entre le droit et la communication existe bel et
bien, qu’elle a une histoire, un lieu et une « raison d’être ».
Ces constats nous ramènent à Guillaume Provencher et au
présent ouvrage.
Dans Droit et communication  : Liaisons constatées,
Provencher esquisse de nouvelles interrogations et propose
d’innovantes façons de traiter la relation entre le droit et la
communication. D’entrée de jeu, il nous invite à le suivre
dans un voyage intellectuel où le lecteur est convié
inévitablement à la découverte. Il ne s’agit pas d’un séjour
«  tout inclus  » ou «  clés en main  ». L’exploration est
constituante du voyage. C’est le trajet, la route et le chemin
qui sont les plus importants ici. Chaque lieu visité a un
horizon qui lui est propre et un sol recouvert de plantes,
grandes et petites, que nous n’aurions peut-être pas vues
ou reconnues de la même façon si ça n’avait été de l’aide et
des explications de notre cicérone; et quand le plaisir se
conjugue avec le savoir, c’est la culture qui jaillie.
L’expérience du voyage atteint son paroxysme lorsque
l’auteur nous convie à l’exploration de la société
juridicommunicationnelle, le rendez-vous métaphorique du
droit et de la communication. Il s’agit là, à notre avis, de la
proposition la plus audacieuse et la thèse centrale de ce
livre. Il va sans dire que Provencher innove et fait preuve
d’originalité lorsqu’il présente son concept
juridicommunicationnel. En attachant et fusionnant les mots
« juridique » et « communicationnelle », il désire souligner
«  le caractère d’implication mutuelle et d’interdépendance
du droit et de la communication, mais surtout, leur
solidarité intrinsèque qui vient du fait que l’un comme
l’autre présupposent toujours une communauté humaine  »
(p. 97). Si nous comprenons bien sa position, les sociétés
actuelles seraient prégnantes d’un aspect
juridicommunicationnel tandis que les acteurs du monde
social et du droit le confirmeraient et le réactiveraient sans
cesse en s’adonnant à la pratique d’un jeu, en jouant le jeu
juridicommunicationnel.
En somme, le concept avancé par Provencher se réfère
fondamentalement à deux formes complémentaires.
1) D’abord, il y a l’aspect juridicommunicationnel de nos
sociétés modernes. L’auteur invite à voir et à comprendre
cette forme de société (à tout le moins, une partie de celle-
ci) comme étant construite juridicommunicationnellement.
Cette construction agit ensuite pour lui comme une
métaphore de la réalité des individus. Cela lui permet de
focaliser, à la manière d’une loupe qui converge et grossit,
les emplacements réels et symboliques de la conjonction
droit et communication dans la société.
2) Puis, il y a le jeu juridicommunicationnel auquel
prennent part les acteurs du social et du droit. L’activité
consiste à jouer une pièce intitulée Droit et communication
dont ils ne connaissent pas du tout le scénario. C’est un
véritable jeu shakespearien dans lequel les acteurs sont
obligés de jouer en improvisant sans cesse, mais toujours
en entretenant une dépendance absolue aux produits
culturels qui les entourent. Les acteurs font tout
simplement de leur mieux.
La démarche de Provencher est pluridisciplinaire en ce
qu’elle touche à la fois à la discipline du droit et celle de la
communication, mais elle est aussi interdisciplinaire en ce
qu’elle parvient à concilier à la fois les sciences sociales et
humaines pour aboutir finalement à une description
singulière d’une société juridicommunicationnelle.
La thèse de Provencher est hardie et parfois complexe,
mais elle a toujours l’avantage scriptural de plaire et
d’ouvrir le lecteur bienveillant à une appréciation
différente du monde culturel qui l’entoure ; un monde où la
littérature, les films, la musique, le théâtre, les « lyrics » et
la poésie peuvent nous instruire sur les rendez-vous, voire
les rencontres amoureuses et même libidineuses que
peuvent entretenir le droit et la communication.
À ce stade, trop en dire risquerait de ruiner le plaisir et le
bonheur du lectorat de découvrir lui-même les nouvelles
contrées évoquées. Aux lecteurs d’apprécier.

Bjarne Melkevik
Docteur ès droit
INTRODUCTION

LA NAISSANCE D’UNE
PROBLÉMATIQUE
« Elle veut tout savoir, la justice… mais elle peut pas,
la pôvre!
elle a un bandeau sur les yeux, alors elle voit rien…
C’est pour ça qu’il faut l’aider, faut tout lui dire.
Et y en a à dire…

[…]
La justice a beau suivre son cours…
…elle n’est pas plus instruite! »

SOL (Marc FAVREAU)


La justice sans balance
« Nous nous servons de nos yeux pour voir.
Notre champ visuel nous dévoile un espace limité :
quelque chose de vaguement rond,
qui s’arrête très vite à gauche et à droite,
et qui ne descend ni ne monte bien haut.
En louchant, nous arrivons à voir le bout de notre nez ;
en levant les yeux, nous voyons qu’il y a un bas ;
en tournant la tête, dans un sens,
puis dans un autre, nous n’arrivons même pas à voir
complètement tout ce qu’il y a autour de nous ;
il faut faire pivoter le corps pour tout à fait voir ce qu’il y
avait derrière. »

Georges PEREC
L’espace
Le présent ouvrage rassemble des réflexions sur les
rapports que peuvent entretenir les domaines du droit et
de la communication. Il explore ipso facto différents lieux
de rencontre entre les deux disciplines. Il analyse, sous
divers angles théoriques, leur relation d’implication
mutuelle et de solidarité qui est liée fondamentalement au
caractère social qui les anime. L’essai proposé est présenté
sous une forme intertextuelle qui vient mettre en lien des
lectures, des interprétations de textes ainsi que des
entretiens, toujours de façon à pouvoir mieux
problématiser la question de la relation entre le droit et la
communication. Certains titres et sous-titres de l’ouvrage
témoignent d’ailleurs de ces diverses rencontres livresques
et expérientielles qui ont su guider et nourrir les quelques
réflexions proposées. Nous avons tenu à marquer le sentier
que nous avons emprunté pour que dans un second élan,
nous puissions nous concentrer à ouvrir de nouvelles pistes
et avenues.
Cet essai touche-à-tout est scindé en trois parties dont
chacune est séparée en deux chapitres. La première partie
s’intitule Deux visions et un seul être humain. Le premier
chapitre détermine l’environnement théorique dans lequel
l’excursion se poursuivra. Il aborde particulièrement deux
auteurs qui ont su développer respectivement deux visions
complémentaires de la communication. Dans le deuxième
chapitre, il est question des multiples facettes de l’être
humain. À la fois individu, sujet et personne, l’être humain
est complexe à l’image de la société qui l’accueille. Cette
deuxième portion aborde aussi l’humain dans un contexte
communicationnel; sous l’angle du récepteur. Nous y
traitons d’autonomie du sujet et de la personnalisation des
messages.
La deuxième partie est intitulée La société
juridicommunicationnelle. Elle s’intéresse au caractère
social du droit et de la communication. Le premier chapitre
traite de la société moderne ainsi que des principes
juridiques et communicationnels sur lesquels elle est
fondée et qui font d’elle une société pleinement
«  juridicommunicationnelle  ». Dans le second chapitre,
nous abordons l’institution qui parvient, par le moyen de la
codification, à assurer la liaison entre le droit et la
communication. Le travail de codification au sein de
l’institution permet le passage d’un « sens pratique » à une
règle écrite sans pour autant faire de la seconde,
l’équivalente du premier. Ce transit est essentiel au
maintien de la paix et de l’ordre social, car il rend possible
la discussion légitime qui permet l’élaboration des lois.
L’institution est probablement le lieu de rencontre le plus
intime entre le droit et la communication; elle conserve
toutefois plusieurs secrets d’alcôve.
L’interprétation ou la méthode du juriste est le titre de la
troisième et dernière partie de l’ouvrage. Le premier
chapitre se consacre aux principes généraux de
l’interprétation en herméneutique générale tandis que le
second chapitre tente la transposition de ces principes à la
sphère juridique avec tous les ajustements et précautions
que cela implique. Il existe trois grands lieux
d’interprétations dans le domaine du droit; trois grands
lieux d’élaborations des discours juridiques  : la doctrine,
l’activité législative et le tribunal. C’est dans ce dernier lieu
que le juge, figure la plus représentative de l’institution
judiciaire, est appelé à rendre justice. Son travail consiste
en une recherche d’équilibre entre la rigidité des lois et le
caractère flou des faits; il est constamment en quête du
juste.
Finalement, à titre de conclusion et à la lumière du
chemin parcouru, nous proposons cinq regards différents et
originaux sur cette relation unique entre le droit et la
communication; cette liaison inévitable, voire nécessaire,
que nous avons constatée d’une multitude de façons.
AU DÉPART, LE DROIT
D’un point de vue extérieur au monde juridique, le droit
est à peu près tout ce qu’on ne veut pas entendre; c’est la
règle, l’interdit, la manière de faire ou autrement dit, la
procédure. À l’avenant, c’est aussi la peur du gendarme, la
sanction possible, la condamnation et le jugement. Toutes
ces facettes du droit se heurtent à nos réalités
quotidiennes. Elles sont présentes et très préoccupantes,
mais tout aussi nécessaires. Les lois et les innombrables
règlements peuvent parfois donner l’impression d’être
traqués, obligés ou contraints. Or, ces éléments que nous
jugeons légitimement contrôlants sont essentiels à
l’exercice de notre liberté. Pour mieux saisir cette idée,
prenons l’exemple d’un autre grand système reconnu pour
ses nombreuses règles et contraintes d’utilisation  : la
langue. Parler ou bien comprendre une langue signifie être
en mesure d’utiliser ses constituants de manière à faire
surgir un sens de leurs agencements. La connaissance ou la
maîtrise d’une langue «  suppose que tous se soumettent
aux limites qui donnent sens aux mots qu’elle contient  »1,
une soumission nécessaire à l’exercice d’une pleine liberté
d’expression.
Une société qui accueille un nouveau membre doit
procéder dans le meilleur délai à son identification. Cette
dernière se fait par le biais de ses institutions. Le nouveau-
né a-t-il à peine vu le jour qu’il est déjà lié. L’institution
assure l’ordre en attribuant à chacun une place précise et
en instaurant un cadre commun à tous. Elle nous inscrit
dans une filiation générationnelle en plus de nous
reconnaître la personnalité juridique et les droits qui s’y
rattachent2. C’est parce que nous sommes liés et
circonscrits au cadre, tels les mots aux règles du langage,
que nous sommes en mesure d’être libres dans la société
qui nous a vus naître. Ce sont «  les liens du Droit et les
liens de la parole [qui] se mêlent ainsi pour faire accéder
chaque nouveau-né à l’humanité, c’est-à-dire pour attribuer
à sa vie une signification  »3. L’humain est probablement le
seul être vivant à s’interroger aussi ardemment sur la
détermination d’un sens à la vie. La quête est difficile et
longue et le résultat est bien souvent empreint d’absurdité,
mais «  c’est parce que la vie devrait en avoir un que l’on
peut parler d’une vie qui n’a pas de sens  »4. La tâche de
trouver ce juste sens pèse sur les épaules de tout un
chacun. En effet, depuis la modernité, «  l’ordre social et
humain n’est plus donné par la volonté divine, mais par
l’action humaine  »5. Dès lors, les sociétés modernes ne
dépendent plus que de leur aptitude à s’organiser
(systèmes juridique et politique) et de leur capacité à
communiquer avec elles-mêmes (communication sociale).
Elles sont tributaires du droit et de la communication
qu’elles mettent elles-mêmes en action.
Définir
Trouver une signification ou une définition à un mot d’une
langue qui nomme un objet semble a priori aisément
réalisable si cet objet à définir est clairement identifié. Par
exemple, la définition est facilement envisageable s’il s’agit
d’un objet concret, visible et tangible, comme la table de
travail sur laquelle nous sommes en train d’écrire. Il faut
tout de même la définir en prenant bien soin de rendre
compte le mieux possible de ses caractéristiques propres. Il
ne faut pas chercher à généraliser. Les traits énoncés dans
la définition de la table de travail pourraient s’apparenter
grandement à celles d’une table de chevet ou d’une table
de cuisine. Pourtant, leurs fonctions et leurs dimensions ne
sont pas les mêmes. Tous les mots du langage désignent
quelque chose, mais nous ne dirons absolument rien «  à
moins que nous n’expliquions exactement quelles
distinctions nous désirons faire  »6. Il est donc essentiel de
préciser la fonction, l’emplacement, les dimensions, les
traits et les couleurs de la table de travail afin de ne pas la
confondre avec d’autres tables. La prudence est de mise,
mais la difficulté est surmontable. Le degré de difficulté se
relève ensuite lorsque nous souhaitons définir une
collection d’objets comme l’eau, le fer ou encore l’homme.
Pour ces derniers, nous ne possédons que des échantillons.
La définition n’est alors possible que d’après le modèle des
échantillons produits. Elle ne peut que consister qu’à
l’ensemble des caractéristiques intrinsèques communes de
ces échantillons.
Le niveau de complexité explose lorsqu’il s’agit de
trouver une définition à un mot dont le sens n’est pas ou ne
peut pas être unique. « [I]l est différent de caractériser un
objet individuel ou un type repéré sans contestation ou de
caractériser un objet individuel ou un type désigné par un
mot dont le sens est discuté.  »7 Ces objets et ces types
contestés sont des «  construits humains  ». Ils doivent être
interprétés, mais comme pour les questions de goût, une
discussion ne peut permettre de conclure à une seule
vérité. «  Plusieurs analyses différentes peuvent être
correctes. [Les construits humains peuvent] être
interprété[s] simultanément de diverses façons à des
niveaux différents de l’esprit. »8 Plus il y a d’humains, plus
il y a de sens à discourir et plus il faut en parler. L’amour, le
sublime, la vérité, le droit et la communication sont ces
genres de construits difficiles à cerner et pour lesquels il
demeure toujours un brin de mystère; «  tout ce que l’on a
écrit ou dit de plus n’est pas la solution mais seulement
l’énoncé de problèmes qui ne sont toujours pas résolus.
L’explication qui semblerait convenir dans un cas ne vaut
rien dans dix autres »9. Nous pouvons alors nous demander
si ces constructions ne trouveraient pas leur sens dans leur
polysémie. Cette multiplicité des possibilités nous
rapprocherait de la solution sans pour autant nous spécifier
quelle serait la bonne. Il se pourrait alors que nous fassions
erreur, mais au lieu de concevoir une seule solution, nous
en imaginons beaucoup, ainsi nous ne deviendrons
l’esclave d’aucune10.
Les construits humains sont des constructions mentales
qui «  permettent de lier les uns aux autres des actes qui
forment des séries, et prêtent ainsi une certaine
prévisibilité à la vie sociale  »11. Leurs définitions prennent
souvent la forme d’un modèle ou d’une métaphore. C’est
toujours d’un type-idéal dont il est question, «  la
représentation la plus épurée d’une réalité  »12. Depuis
Weber, le type-idéal nous aide «  à rendre le réel plus
intelligible. […] Il indique un horizon, une perspective, une
tendance. Il n’est pas, en lui-même, vrai; il peut seulement
être plus ou moins utile, suggestif, éclairant. »13 Les types-
idéaux sont introuvables dans la réalité. Ils ne représentent
pas la vérité. Ils proposent plutôt la validité d’un
«  ensemble conceptuel construit à partir de matériaux
observés dans diverses situations concrètes, mais qui sont
agencés de la manière la plus rationnelle possible pour
composer un tout cohérent et unifié. »14 Les chercheurs et
les auteurs traitent souvent de mêmes sujets et abordent
précisément les mêmes problèmes. Cependant, l’un choisit
de porter une plus grande attention à ceci plutôt qu’à cela.
Les nuances deviennent l’objet central des discussions
parce que le choix et les possibilités d’agencement des
mots sont pratiquement infinis. La définition d’un construit
humain tel que le droit tient essentiellement à des
arguments et qui dit « argument », dit aussi oppositions et
divergences d’opinions.
Dualisme juridique
Le droit n’a pas d’équivalent dans la société. Il est
insaisissable dans son entier et sa définition fait l’objet de
débats incessants. Nous distinguons deux grandes
familles15 qui soutiennent chacune une conception du droit
diamétralement opposée. «  Il fallait bien, comme le dit
Villey, que le dualisme métaphysique de Descartes
engendre un dualisme juridique.  »16 Alors d’un côté, il y a
les positivistes légalistes pour qui le droit n’est souvent
qu’un ensemble de règles ou de normes; les partisans de la
matière. De l’autre, il y a les défenseurs d’un certain droit
naturel, aussi appelé le droit commun; ils se disent
jusnaturalistes. Pour eux, le droit tend davantage du côté
du Cogito et de l’intuition; c’est le monde des âmes et des
valeurs, mais aussi un monde flou qui aboutit souvent à
l’illogisme et l’irrationalité de la pensée.
Il ne doit pas être question de valeurs dans la définition
du droit des positivistes les plus pures. Pour eux, le droit
s’inscrit dans la pratique, mais «  une pratique de totale
dépendance par rapport aux textes des lois »17. Aborder le
droit dans une perspective positiviste, c’est avoir en tête
l’image du juge aveugle, celui qui ne fait pas de distinction
pour un cas particulier et qui ne voit pas les conséquences
de ses décisions  : «  dura lex, sed lex  »18. Cette logique
s’apparente à celle nécessaire à la résolution d’une
équation mathématique. Cette méthode rassurante pour le
justiciable est «  la condition de la sécurité juridique  »19.
Elle a vu le jour dans le dessein de protéger le citoyen
contre les abus d’anciens régimes corrompus. De cette
façon, les juges sont les outils du Législateur; « les bouches
qui prononcent les paroles de la loi  » pour reprendre la
célèbre formule de Montesquieu dans De l’esprit des lois.
Pour être en mesure de procéder à la manière d’un calcul
syllogistique, il doit cependant exister une règle de droit,
une seule, applicable à tous les cas et dépouillée de toute
ambiguïté. Cette règle (la majeure de l’équation) doit
ensuite être complétée par les conditions sine qua non qui
l’entourent (les mineures de l’équation). La décision
judiciaire devient alors la solution du syllogisme et
l’expression de la justice. Si un système de justice était
pourvu d’une telle règle, le travail du juge ne se résumerait
qu’à faire ressortir et déterminer les faits, puis à les
transposer dans les termes de la loi, comme l’application de
valeurs à des variables. Le but recherché par l’utilisation
d’un système syllogistique est d’en arriver à un dispositif
qui n’émanerait pas du raisonnement du juge, mais du
simple agencement de données. Le juge ne devrait pas se
soucier des conséquences de sa décision parce que la loi
est dure, mais c’est la loi. Malheureusement pour les
partisans d’une telle idéologie, le juge est humain. Ses
jugements seront à tous les coups imprégnés de subtilités
et de nuances, de sorte qu’une décision judiciaire sera
toujours différente de la précédente. La rigidité de la
mathématique ne parvient pas à contenir toutes les
possibilités de l’humanité.
Plus qu’un syllogisme
Tenter d’exposer le raisonnement juridique sous la forme
d’un syllogisme n’est pas en soi une mauvaise idée, car il
est vrai que le processus décisionnel nécessite la mise en
place d’une certaine logique. Cependant, la forme
syllogistique n’est pas en mesure de garantir la valeur de la
conclusion. La logique juridique est une logique spécifique,
elle « est liée à l’idée que l’on se fait du droit et s’adapte à
celle-ci  »20. De la même façon, «  nous concevons le droit
selon que nous concevons d’abord le monde »21. Autrement
dit, la logique juridique doit tenir compte d’abord et avant
tout de la conception que nous avons du monde.
En pratique, lorsque la loi est claire et sans ambiguïté, il
suffit de la suivre et de l’appliquer. N’étant pas d’origine
divine, les lois ont nécessairement des formes imparfaites.
Devant les défauts et les imprécisions des règles, les juges
doivent aller au-delà du texte et porter un regard sur les
usages. De plus, ils sont tenus de rendre une décision juste
et équitable. « L’équité est le retour à la loi naturelle, dans
le silence, l’opposition ou l’obscurité des lois positives.  »22
Cette loi naturelle dont nous parle Perelman est au cœur de
la deuxième grande conception du droit. Elle n’a pas un
contour défini; elle ne se trouve pas dans les livres. Les
jusnaturalistes ont un rapport à la loi qui est très différent
des positivistes, voire diamétralement opposé. Ils refusent
la toute-puissance des lois et des décisions des détenteurs
du pouvoir. Pour eux, c’est la nature des choses, un ordre
naturel ou vital qui est la première source du droit. «  La
complexité de la société, due en grande partie à l’essor des
techniques, a en effet révélé, depuis plus d’un siècle, la
difficulté à expliquer le droit par la seule application des
lois de l’État.  »23 Pour les jusnaturalistes, le droit ne peut
pas se définir sans faire référence aux valeurs. Il suffit
d’ailleurs de retourner aux conceptions juridiques romaines
pour comprendre que les lois ne sont pas le droit. Il y a
toujours quelque chose d’un autre ordre au-dessus d’elles :
les valeurs. En somme, la connaissance du droit positif ne
permet pas de saisir l’ensemble des éléments qui
construisent le droit. «  Ce n’est point “l’homme”, c’est le
monde social qui est la matière de cette science.  »24
L’analyse du droit nécessite de tenir compte d’une panoplie
d’éléments qui relèvent de la complexité même du droit25.
Un juriste ne peut pas se limiter à connaître les textes des
lois, mais il doit les aborder dans une perspective
interdisciplinaire. « Sauf à prétendre que le droit s’explique
par lui-même, ce qui ne saurait manquer de conduire à des
spéculations pseudo-scientifiques, les hypothèses
théoriques mobilisées en vue d’expliquer les phénomènes
juridiques doivent nécessairement être empruntées à
d’autres champs du savoir  : l’histoire, l’économie, la
psychologie ou la sociologie, par exemple.  »26 Et pourquoi
pas la communication !

VERS LA COMMUNICATION
« Si un médecin ne sait que la médecine, il ne saura
même pas la médecine. »27
Abel Salazar
Si nous tentions une transposition juridique de cette
maxime du célèbre professeur portugais qui était à la fois
médecin, scientifique, artiste et philosophe, nous
arriverions à quelque chose du genre  : «  Si un juriste ne
sait que les lois, il ne saura même pas le droit. » L’étude du
droit ne doit pas se limiter à la connaissance des lois. Elle
doit s’ouvrir à d’autres champs d’expertise et domaines du
savoir. La science juridique a souvent fait l’objet d’analyse
dans le cadre de recherches en sciences sociales
(sociologie, histoire, politique, géographie, etc.). Ces
recherches ont permis de réfléchir sur les significations et
les directions que nous souhaitons donner au projet
juridique moderne. Elles ont contribué considérablement à
notre connaissance générale du droit et du phénomène
juridique en général.
La science juridique aussi a été proactive. Elle a fait des
percées étonnantes. Elle a touché entre autres choses, aux
sciences dites exactes, à la médecine par exemple,
apportant à cette dernière de nombreuses considérations
d’ordre éthique en plus de relever pour elle diverses
contraintes légales. L’échange droit-médecine fut
cependant réciproque. En effet, la médecine a apporté au
droit ses connaissances au gré de ses recherches et de ses
découvertes. Elle a contraint le droit à changer et à
s’adapter aux nouvelles réalités qu’elle a imposées. La
détermination du statut juridique du fœtus, la
décriminalisation (ou non) de l’euthanasie assistée et
l’encadrement de l’utilisation des cellules souches sont
quelques exemples d’apports ou d’aménagements que le
droit a dû faire à l’égard du domaine biomédical.
La médecine n’est pas le seul domaine à avoir heurté la
science juridique de plein fouet. «  L’explosion de la
communication a produit une onde de choc profonde et
pénétrante sur le droit. Aujourd’hui l’impact [de la
communication] sur le droit est à la mesure des
bouleversements politiques, technologiques et
économiques.  » La communication a envahi toutes les
28

disciplines. Il n’y a aucune exception. Cette invasion est


due en grande partie à l’avancement de la technique et des
moyens de communication. Pour plusieurs, la technique est
constitutive de toute communication, si bien que souvent,
elle est perçue comme une nouvelle idéologie, voire une
nouvelle religion. Toutefois, la technique n’est pas en
mesure de médiatiser ni de symboliser, nous dit Ellul29. Elle
ne parvient pas à entrer en relation avec l’homme. En fait,
elle «  empêche la communication, car elle la neutralise,
fragmentant et divisant à l’infini les hommes entre eux »30.
Pourtant, la technique et les moyens de communication
avaient promis de nous apporter le bonheur, l’égalité, la
science et la culture, mais «  on ne parle jamais autant de
communication que dans une société qui ne sait plus
communiquer avec elle-même  »31. À l’époque d’Aristote, il
n’était pas question d’internet, de satellite ou de téléphone
et malgré tout, la communication était un principe au cœur
de la société. Avec le temps, « [o]n se parle de plus en plus,
mais on se comprend de moins en moins.  »32 Nous
semblons avoir perdu le fil conducteur de ce principe
antique qui assurait la cohérence et l’équilibre du groupe.

Dualisme communicationnel
Le niveau de difficulté pour définir la communication est
aussi élevé que pour le droit. Une définition trop étroite
risquerait d’en restreindre toute la portée. Une définition
de la communication doit tenir dans la nuance. La
communication est difficile à cerner. Elle fait l’objet
d’aucun consensus général. Elle «  s’offre à nous sous une
myriade de formes. Ainsi donc, la communication peut être
personnelle, inégalitaire ou médiatisée.  »33 Elle est parfois
le contenant, parfois le contenu. Elle peut prendre les
allures d’un appareil technologique comme le téléphone
cellulaire ou le modem, mais elle peut aussi revêtir l’aspect
plus romantique d’un regard ou d’un sourire. Elle peut
passer à la fois par le verbal, par l’écrit ou par le geste.
Pour Attallah, la communication met en situation des traits
psychologiques, sociologiques et économiques. Nous
ajoutons des traits juridiques. «  [L]es techniques ne sont
que la pointe visible de cet immense iceberg [puisque] la
communication existe depuis que les hommes vivent en
société, c’est-à-dire depuis toujours. Depuis toujours, ils
produisent, échangent, rêvent, combattent,
s’organisent.  »34 L’omniprésence de la communication
amène à penser que c’est aussi un peu la vie. En effet, la
communication lato sensu, c’est vivre, c’est être, c’est-à-
dire se définir, c’est aussi faire et agir. Comme «  personne
n’est une île  »35 et qu’il y a les autres et le monde, la
communication pose la question du rapport entre soi et les
autres ainsi qu’entre soi et l’environnement qui nous
englobe.
Nous constatons ici, comme dans le domaine juridique,
que deux grandes conceptions de la communication
s’opposent. La première met l’accent sur la pratique et les
techniques. Elle se fonde habituellement sur le modèle
traditionnel de la communication, c’est-à-dire celui d’un
canal reliant un émetteur à un récepteur. Quant à la
deuxième conception de la communication, elle prend le
sens d’échange et de relation, renvoyant ainsi à ce que
plusieurs appellent l’idéal de la communication : le partage,
la communion et la compréhension mutuelle, voire pour
Wolton, la cohabitation. Cette deuxième approche n’offre
pas de contour précis; c’est le flou et c’est l’indicible,
l’imprécision et parfois le mystère.
Finalement, le dualisme cartésien n’a pas non plus
épargné la sphère de la communication. La pensée de
Descartes «  est l’ancêtre d’autres dualismes, celui du
“sujet” et de “l’objet”, d’une séparation radicale entre les
hommes et la nature, entre les connaissances morales et
les sciences dites objectives, entre la valeur et le fait, le
devoir être et l’être  »36, entre le vrai et le vraisemblable,
entre la représentation et l’expression, et
hypothétiquement, entre le droit dans sa positivité et la
communication sociale. Il faut garder en tête qu’un
dualisme est toujours une question d’équilibre. Il ne s’agit
pas de choisir une conception au détriment de l’autre, car
ce qui fonde un dualisme, c’est justement la dualité et
l’opposition. En d’autres mots, ce n’est que lorsque les
conceptions dualistes sont traitées en parallèle, en
reconnaissant leurs besoins et leurs apports mutuels, que
nous sommes en mesure de dégager un sens utile à leurs
analyses.

È
PREMIÈRE PARTIE –
DEUX VISIONS ET UN SEUL ÊTRE
HUMAIN

CHAPITRE 1 – DEUX GRANDES


VISIONS
« L’homme n’est pas entièrement coupable :
il n’a pas commencé l’histoire;
ni tout à fait innocent puisqu’il la continue. »

Albert CAMUS
L’été
« HOLLY : “Too many misunderstanding.
Whoever invented the telephone never had a
conversation.” »

Rodrigo GARCÍA
Nine Lives

« You can lead people to truth,


but you can’t make them understand it. »

Bill WATTERSON
The Calvin and Hobbes Tenth Anniversary Book
LUCIEN SFEZ – DE LA REPRÉSENTATION ET
DE L’EXPRESSION
Pourfendeur d’une pensée critique que l’étude des
communications ne peut ignorer37, Sfez explore autant les
théories de la communication que celles qui entourent la
prise de décision. Outre ses deux conceptions de la
communication38, représentative et expressive, ce qui nous
a particulièrement intéressés chez Sfez est son traitement
de la décision judiciaire ainsi que sa théorie du « surcode »
sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir. Nous avons
eu le privilège de rencontrer Sfez et de le questionner
concernant notre objectif de cerner la relation entre le
droit et la communication39. Vous trouverez des passages
de cette rencontre dans la présente section et tout au fil de
l’ouvrage.
Représentation – Une machine
Abordons dans un premier temps la conception
représentative de la communication chez Sfez  : la
représentation. Cette dernière revêt un caractère
fonctionnel. Elle met en lumière la réalité des sociétés
modernes et le grand bagage d’informations qu’elles ont à
gérer. Conception linéaire par surcroît, la représentation
renvoie à l’idée de transmission et de diffusion. Elle
identifie les acteurs  : l’émetteur et le récepteur. Elle
distingue l’un de l’autre en attribuant à chacun des qualités
distinctives, en d’autres mots, en créant des divisions; un
écart. Elle vient faire la différence entre le tien et le mien,
entre toi et moi. Elle discerne l’émetteur du récepteur et
introduit un canal entre les deux. La conception
représentative de la communication élaborée par Sfez est
souvent représentée dans les théories de la communication
par le modèle télégraphique, ou celui de la boule de billard.
Dans ce dernier modèle, un sujet émet une boule de billard
dans un circuit. La boule contient le message et trouve son
chemin jusqu’à un second sujet qui le réceptionne
immanquablement. Cette vision est la manière classique de
traiter et de parler de la communication.
Adhérer aux principes de la conception représentative de
la communication amène à percevoir la communication
comme une machine, c'est-à-dire comme un assemblage
complexe qui permet d’effectuer une tâche par la
transformation d’énergie. Dans le cas de la communication,
l’énergie c’est l’information. Concevoir la communication
comme une machine, c’est la concevoir comme un objet, un
appareil ou un instrument; un outil de communication
comme un ordinateur ou un téléphone cellulaire. Le sujet
est situé à l’extérieur de la communication; il est toujours
séparé de son objet qu’il utilise et maîtrise.
Linéarité et inaltérabilité
Le principe premier du modèle de la représentation tient
dans la linéarité de la trajectoire ainsi que dans
l’inaltérabilité du message. Ce dernier passe par un canal
sans avoir la possibilité d’être modifié. Cependant, pour
qu’il soit en mesure de circuler librement, le message doit
être préalablement traité. C’est ce qu’on appelle le codage
et c’est à l’émetteur que revient cette tâche. Le codage est
aussi la liberté qu’on reconnaît à l’émetteur de choisir les
mots qu’il désire. Au bout du canal, il y a le récepteur. Le
message agit comme le représentant de l’émetteur auprès
du récepteur qui ne fait que le recevoir. Il est toujours
passif. Le seul élément essentiel de cette dernière étape est
que le récepteur ait un minimum de stock lexical et
syntaxique en commun avec l’émetteur afin d’être en
mesure de décoder le message; décodage ou décryptage
stricto sensu. Le but poursuivi est la découverte d’un
message donné. Il n’est nullement question d’interprétation
dans la conception représentative de la communication.
L’objectif est une « simple intériorisation sans création, seul
l’émetteur est créatif  »40 dans la représentation. Par
surcroît, si le message n’atteint pas son but ou n’est pas
bien compris, c’est à l’émetteur que revient la faute. C’est
lui qui détient le pouvoir et c’est à lui de faire en sorte que
son message soit acceptable et compréhensible. Le
récepteur est passif et entièrement influençable. Il est à la
merci d’une campagne de propagande.
Séquence et atomisation
Le deuxième principe de la représentation est que chaque
opération est considérée distinctement. C’est d’une
communication séquentielle et structurale dont il est
question ici. L’opération débute chez l’émetteur et le
mouvement s’arrête lorsqu’il atteint le récepteur. La
communication trouve une finalité à tous les coups. Les
messages échangés n’entrent pas en relation entre eux.
Chaque acte est isolé. Les réponses constituent de
nouveaux messages, à chaque fois un nouveau départ et
jamais la suite de la première émission.
Ce constat nous amène au troisième principe que sous-
tend une analyse représentative de la communication  :
l’atomisation des éléments. L’émetteur, le message et le
récepteur sont analysés isolément dans le modèle de la
machine. Prenons l’exemple de l’ordinateur et d’un
échange de courriels entre deux individus. Le sujet-
émetteur fait le choix des mots et des ponctuations qu’il
désire. Il construit son message qui devra par la suite être
codé. Le clavier et les logiciels permettent de coder son
message en langage informatique. Une fois construit et
envoyé, le message est inaltérable et indépendant. Il fait
cavalier seul lorsqu’il se détache de l’émetteur et prend le
chemin du canal qui le mènera jusqu’à la boîte de réception
de courriels du sujet-récepteur. Ce dernier n’a pas d’autre
alternative que de le réceptionner. Plusieurs messages
peuvent se trouver dans le canal en même temps. Ils
circuleront sans jamais se cogner. Chaque message est un
nouvel envoi. L’émetteur n’a pas besoin d’attendre une
réponse du récepteur pour envoyer un nouveau message. Il
est libre d’envoyer au récepteur ce qu’il veut.
Le sort du message repose uniquement sur les épaules de
l’émetteur dans la conception représentative de la
communication. C’est lui qui choisit les mots et construit
son message. Il doit s’efforcer de limiter un tant soit peu
les obstacles possibles, les bruits qui pourraient venir
altérer son message initial. L’utilisation de la répétition et
l’emploi de synonymes augmentent la redondance et
diminuent les possibilités de décodage fautif par le
récepteur. Cependant, il y a une limite à la redondance; on
ne parle jamais pour ne rien dire. Le modèle de la boule de
billard est téléonomique, nous dit Sfez, la communication
est orientée vers un but; l’émetteur utilise le message pour
se faire comprendre. Il ne peut se soustraire, ni soustraire
le récepteur à son statut d’être humain, or nous le savons,
« le blanc et le noir, il y en a marre. Le gris, il n’y a que ça
d’humain. »41 Alors, si tout est dans la nuance, le modèle de
la représentation ne sera pas en mesure d’assurer sa
finalité à tous les coups, notant ici une imperfection. Sans
pour autant le rejeter du revers de la main, le modèle de la
représentation ne peut totalement embrasser la réalité
humaine. Trop divisé, séparé, isolé, atomisé, voire
déconnecté, le modèle représentatif ne permet pas
d’assurer le succès de la communication. Le comportement
du récepteur est totalement imprévisible face à un
message. Il peut ne pas être là; il peut l’accepter
aveuglément; il peut être absolument contre ou il peut ne
pas en tenir compte du tout. Son comportement est
impossible à prévoir, mais le récepteur demeure néanmoins
absolument essentiel à la réalisation d’une communication
réussie. Accepter cet échec de la communication et penser
l’incommunication42, c’est déjà travailler à sa
reconstruction et à son succès.

Expression – Un organisme
La deuxième conception de la communication chez Sfez
est expressive; c’est l’expression. Dans cette optique, il
n’est plus question d’éléments pris isolément. On y trouve
«  des hiérarchies peut-être, mais enchevêtrées les unes
dans les autres, si bien qu’on ne sait plus distinguer ce qui
est base et ce qui est sommet  ».43 La relation tripartite
(émetteur-canal/message-récepteur) avec une finalité du
premier modèle n’est plus. L’image de la boule de billard
qui trouve sa fin lorsqu’elle s’empoche dans le récepteur ne
tient plus. Dorénavant, c’est l’image d’un organisme
complexe qui permet à Sfez de cerner ce qu’est la
communication. Cette dernière a maintenant la forme
d’une relation sujet/monde où les deux partenaires
pratiquent des échanges incessants. Une vision expressive
de la communication requiert un regard plus large. Elle
implique que nous ayons une perspective englobante, voire
systémique.
Changement de préposition
Tout est dorénavant inter relié dans le modèle de
l’organisme. Sujets et objets ne font pas exception. Il faut
comprendre la communication comme un seul et grand
ensemble. Il n’est pas question de séparer les éléments
comme dans le premier modèle. Autrement dit, un sujet ne
fait pas qu’utiliser les outils de communication, il les
influence et se laisse influencer par eux. Il ne fait pas que
vivre avec les objets du monde, il vit dans le monde et dans
la communication. Un changement de préposition s’impose
selon qu’on parle d’une vision représentative ou expressive
de la communication.
De la linéarité dans le premier modèle, nous passons à la
circularité du mouvement dans le second. Tous les
éléments entrent désormais en relation les uns avec les
autres dans un système ouvert et dynamique ; ils
influencent autant qu’ils sont influencés. Si dans la
première conception (la représentation), ce sont les
éléments et leur finalité qui comptent, «  dans le système
[ouvert de l’expression] ce sont les relations qui importent
et non le nombre des éléments  »44. La communication
devient l’environnement politique, social, économique,
biologique et idéologique de l’homme dans la conception
expressive. «  Le domaine des affaires humaines
proprement dit consiste dans le réseau des relations
humaines, qui existe partout où des hommes vivent
ensemble. »45 C’est dans les limites de son environnement
social que l’homme est en mesure de s’accomplir.
Autrement dit, «  toute communication nécessite un
contexte, que sans contexte, il n’y a pas de sens et que les
contextes n’ont de sens que parce qu’ils s’insèrent eux-
mêmes dans une classification des contextes, formant de
nouveaux contextes  »46. Voir la communication comme un
écosystème cohérent, dans lequel l’homme influence le
système autant qu’il est influencé par lui, n’empêche pas la
représentation d’exister comme objet. «  Le avec n’est pas
exactement chassé. Nous vivons avec et dans un monde
plein de machines, et c’est là, pour nous, comme une
nature. »47
L’orchestre
Contrairement à la communication représentative,
l’expression ne trouve pas sa finalité lorsque le message est
reçu. Il y a continuité et interaction. Le récepteur passe de
la passivité à l’activité. Il n’est plus «  propagandé  »48 tel
qu’il était dans la première conception. Il peut accepter,
mais il peut refuser, négocier ou répondre au message qu’il
reçoit. « [L’émetteur] peut tenter de “faire prévaloir”, mais
ne peut prescrire ou garantir le [récepteur] qui possède ses
propres conditions d’existence.  »49 Le récepteur ou
«  l’observateur a une influence déterminante sur ce qu’il
prétend observer. [De plus,] il se sait observé autant qu’il
observe lui-même. On peut nommer cette position
“intersubjective”.  »50 En d’autres mots, tout ce que nous
faisons peut avoir une influence autour de nous. D’un autre
côté, tout ce qui est fait autour de nous peut aussi avoir
une influence sur nous. Toute la vie sociale devient
intersubjective, de sorte que «  l’intersubjectivité s’impose
comme un cadre normatif à la question de l’agir politique
et social »51. Il est impossible de lui échapper. Il s’agit d’un
système interrelié, continu et sans fin. L’intersubjectivité
est à la base de la vie sociale et en même temps, le cadre
de toute communication.
Dorénavant, l’information ne vient plus de l’extérieur,
mais de l’intérieur. «  La communication est insertion d’un
sujet complexe dans un environnement lui-même complexe.
Le sujet fait partie de l’environnement, et l’environnement
fait partie du sujet.  »52 Il n’est pas du tout question d’une
réalité objective. Il s’agit plutôt d’une science du sujet qui
joue dans un grand ensemble, «  mais dans ce vaste
orchestre culturel, il n’y a ni chef ni partition. Chacun joue
en s’accordant sur l’autre.  »53 L’image de l’orchestre
permet de démontrer que la communication est l’affaire de
tous les individus. Il n’est plus question d’être au début ou
à la fin du processus, mais d’être partout à la fois. Pour
Scheflen, membre du Collège invisible de Palo Alto, «  la
“partition” de la communication n’a pas été formulée par
écrit et, dans une certaine mesure [elle] a été apprise
inconsciemment  »54. Cette partition invisible, en tant que
grammaire du comportement, est utilisée par chacun sans
le savoir.
L’expression, comme deuxième définition de la
communication, prend si bien les allures du social que nous
pouvons aisément parler de communication organisée
socialement en opposition à «  un processus plus ou moins
sophistiqué de messagerie  : communiquer, c’est aussi
l’expression d’un monde, sa coconstruction. À partir de là,
une équation plus ou moins explicite, selon les auteurs, se
met en place  : organisation égale communication  »55. Le
monde organisé s’exprime par le biais de nos paroles. De
cette façon, nos paroles deviennent l’expression du monde
organisé, donc, de la vie sociale. Nous exprimons toujours
un monde qui s’exprime en nous et au travers de nous56.
En opposition au modèle télégraphique de la machine
(représentation), le modèle orchestral de l’organisme
(expression) «  revient à voir dans la communication le
phénomène social que le tout premier sens du mot rendait
très bien, tant en français qu’en anglais  : la mise en
commun, la participation, la communion  »57. Cette
communion sociale à laquelle la communication expressive
nous invite n’est pas sans trouver des similitudes avec le
concept de droit commun58 dans le domaine juridique.

D’une rencontre avec Sfez59 – sur Descartes et


Spinoza
Au début de nos recherches, nous souhaitions faire un
lien entre le droit et les métaphores de la représentation et
de l’expression telles qu’élaborées par Sfez. Nous avions
développé l’idée que le droit se rattachait plutôt à la vision
expressive de la communication. Quant à Sfez, il lui
semblait que le droit allait préférablement dans le sens de
la première approche de la communication, celle de la
représentation.
«  [Le droit] vient s’appliquer à une réalité, qui est donc
extérieure à la réalité, c’est donc déjà une représentation.
Si vous connaissez une fille, que vous vivez avec elle et
que vous lui avez mis un anneau au doigt, on dira que
vous l’avez épousée. En tant qu’époux, vous avez des
droits et des devoirs. Cela vient s’appuyer ou s’appliquer
à une réalité. Cela veut dire que c’est de la
représentation. »60
Tout système juridique est constitué de représentations
successives en cascades. Comme tout système de
représentation, il vient créer un espace de différenciation
entre les éléments, ce qui permet l’organisation. Le droit
est tout simplement le mode d’organisation des sociétés le
plus connu. Pour Sfez, le droit est l’avalanche d’un paquet
de représentations qui s’appuient les unes sur les autres.
Le contexte juridique français, qui se fonde sur le Code
civil, n’est sûrement pas étranger à une telle idée. Il faut
cependant apporter quelques nuances et précisions sur
cette cascade de représentations. Afin de mieux
comprendre sa perception de la relation entre le droit et la
communication, il nous avait référé à l’analyse qu’il avait
faite en opposant deux grands auteurs, Descartes et
Spinoza61. Il rattachait le premier à la représentation et le
second, à l’expression.
Descartes
Le système cartésien est un système de représentation.
Pour que le système de Descartes fonctionne, «  nous
sommes obligés de nous rapporter à un élément fixe,
moteur, qui est Dieu, et Dieu, c’est l’expression, Il est
actif  »62. Autrement dit, pour fonder la représentation, il
faut un élément central qui soit extrareprésentatif. Le Dieu
de Descartes est un Dieu transcendant qui est placé au-
dessus des humains. Il est situé à l’extérieur du monde des
hommes.
Spinoza
Quant à Spinoza, il a toujours une conception de Dieu,
mais ce dernier est installé dans les choses. Il est dans le
monde. Il est à l’intérieur de nous en ce moment. Il est à
l’intérieur de la table sur laquelle nous travaillons, de notre
téléphone, de nos livres, etc. Pour Spinoza, «  c’est
l’immanence, ce n’est pas du tout la transcendance  »63.
Pour fonctionner, le système de Spinoza a besoin de la
même chose que Descartes, mais à l’envers.
Le système cartésien place Dieu à l’extérieur comme
élément fixe du système tandis qu’à l’inverse, «  Spinoza
met à l’intérieur, un système représentatif juridique
quasiment outrancier  »64. La raison d’une telle intégration
est qu’un système de pure fusion est impossible en soi.
Pour que le système démocratique fonctionne, il faut être
en mesure de faire des différences. La ville n’est pas la
campagne, précise Sfez, ils ont un mode d’organisation
différent. Spinoza met en place un système doté d’une
minutie notariale remarquable. De cette façon, il s’organise
pour que le général qui dirige la ville n’ait aucunement à
voir avec le général de la campagne. Les choses doivent
être séparées, car « si Dieu est installé partout, aussi bien
chez vous, chez moi, dans ma serviette, dans les livres,
dans le machin, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus
rien dire »65. Quand tout est fluide et parfait, il n’y a rien à
faire; c’est pour ça qu’il faut séparer les choses. Il faut
créer un écart sinon il n’y a plus aucune possibilité d’agir. Il
faut créer un système d’organisation qui soit au service de
la démocratie. Cette dernière suppose des séparations, des
cloisonnements et tout un système de représentation.
«  Voyez comment la représentation vient au secours d’un
Dieu fusionnel et immanent chez Spinoza et comment le
Dieu fusionnel vient au secours du système cartésien de la
représentation.  »66 Évidemment, il ne peut s’agir ici que
des idées dominantes, mais il est important de noter ce jeu
entre l’expression et la représentation.
Des perspectives différentes
Bien que les adeptes d’une philosophie organiciste de la
communication ne s’en soient jamais revendiqués, nous dit
Sfez, c’est sur la base des principes de l’expression telle
que développée par Spinoza que s’appuie leur conception.
Cette dernière est de l’ordre de l’«  audible  », c'est-à-dire
que « je perçois ma voix sans recours à un instrument pour
la capter. Ce que je ne peux faire avec le regard. Je ne peux
me voir qu’à l’aide d’un objet réfléchissant. »67 Nous avons
besoin d’un objet extérieur, par exemple un miroir, afin
d’offrir à nos yeux le reflet de notre image. En d’autres
termes, la représentation relève du « visible », car «  [elle]
indique le fait de rendre sensible un objet absent, donc de
le mettre devant les yeux  »68. Ce passage, ou encore cette
mutation du visible à l’audible, ne doit pas être prise à la
légère. En effet, elle implique un nouveau rapport au
temps. Nous passons de la séquence à la simultanéité.
C’est dorénavant le bruit qui nous organise. Nous sommes
en mesure de nous entendre sans passer par un tiers objet.
Nous sommes à l’entrée et à la sortie du canal. Il n’y a donc
plus de début, ni de fin, mais un mouvement qui continue
sans cesse. Il n’y a rien à l’extérieur dans l’hypothèse d’un
modèle spinoziste de la communication. Tout est intégré  ;
toutes les possibilités sont là. C’est parce que nous pouvons
que nous voulons. Cette position se trouve à l’antipode de
la vision cartésienne qui considère plutôt le vouloir comme
responsable du pouvoir. En effet, pour Descartes, c’est
notre volonté qui prime. C’est parce que nous voulons que
nous pouvons.
Intégration et influences mutuelles
L’être humain est complexe à l’image de son
environnement. Comme tout est intégré, c’est-à-dire que la
partie est dans le tout qui est lui-même dans la partie, nous
constatons «  qu’il y a analogie de structure entre son
organisme propre et le grand animal qu’est le cosmos  »69.
L’équilibre entre l’ordre et la connexion qui permet
l’érection des idées chez l’homme est de même nature que
celui qui permet l’érection des choses dans le monde. Nous
entendons par là que nos relations aux idées en tant
qu’individu sont du même ordre que nos relations aux
choses du monde. Cette similarité n’est peut-être pas
étrangère au fait que c’est toujours l’homme qui décrit le
cosmos. Nous entrons en contact avec nous de la même
manière que nous entrons en contact avec le monde. Il y a
une seule forme de communication possible ce qui assure
la cohérence du système et la cohésion d’ensemble. Il y
aura toujours une seule réalité même s’il nous est loisible
d’utiliser différents modèles pour nous la représenter.
La réalité de la réalité, c’est l’absolu et la fusion. Or, si
tout est absolu et fusionné, il n’y a rien à faire. C’est
pourquoi nous devons y intégrer un système qui viendra
séparer les éléments. Ce système est celui de la
représentation. Intégré à l’organisme, il est un moyen qui
permet à l’homme de se rapprocher le plus possible de la
réalité. Nous sommes en mesure de toucher au système de
représentation, mais l’absolu reste absolu. La réalité et la
représentation de la réalité, ce n’est pas la même chose. Il
y a une certaine correspondance, mais en aucun cas une
équivalence.
Prenons l’exemple de la langue, un modèle de
représentation bien connu. Les mots, la grammaire et la
syntaxe d’une langue nous permettent de se représenter
plus ou moins justement la réalité absolue et inaltérable de
nos vies vécues. Ces éléments de la langue sont mis à notre
disposition. Ils constituent des formes altérables et
malléables. Nous remettons d’ailleurs habituellement la
gestion de la langue entre les mains d’organismes publics.
Pour le français, l’Office de la langue française se voit
reconnaître l’autorité pour définir et circonscrire le
français et son emploi. La règle grammaticale française qui
dit que nous devons écrire « les animaux » plutôt que « les
animals  » est un choix qui relève de l’homme, de l’homme
francophone par surcroît. Une forme ou l’autre n’altère en
rien la réalité. « Les animaux » ou « les animals » renvoient
à la même idée qu’il y a plus qu’un animal, donc qu’il y a
des animaux.
Puisque que nous sommes dans un système inter relié où
tout s’appuie sur tout et que tout peut tout influencer, la
réalité aussi doit pouvoir être altérée d’une certaine façon
par les systèmes de représentation. Prenons l’exemple du
droit dans une perspective positiviste, c’est-à-dire comme
un ensemble de normes obligatoires qui s’appliquent à la
réalité. Un comportement contraire à une norme est
susceptible éventuellement d’être sanctionné. En fait, «  le
droit est quelque chose qui fonctionne en l’absence de
sanctions juridictionnelles, mais qui ne peut fonctionner
que s’il y a une menace de sanctions  »70. En d’autres
termes, le droit n’a pas besoin d’être sanctionné pour
exister, mais «  il faut la peur du gendarme  »71 pour qu’il
soit respecté. Lorsque nous allons en voiture, nous mettons
habituellement notre ceinture de sécurité. Ce n’est pas la
présence physique à nos côtés d’un policier qui nous
pousse à le faire, mais plutôt la peur d’une éventuelle
sanction (et un souci de sécurité). Nous le faisons et c’est
fini. Après, cela devient une habitude qui pourrait même, à
la limite, venir frapper d’ostracisme les récalcitrants. Cela
est peut-être moins le cas pour la ceinture de sécurité, mais
c’est certainement ce qui est en train de se passer avec les
fumeurs dans les établissements publics. Voilà comment un
règlement, issu d’un système de représentation, en
l’occurrence le droit, peut venir à influencer la vie en
société. À la base, il ne s’agissait que d’un moyen pour
protéger la santé des gens. Aujourd’hui, il devient
inconcevable d’agir autrement. La réalité a été altérée par
le système de représentation. Les échanges entre la
représentation et l’expression sont constants et il n’est
point question de choisir entre les deux. Il faut apprendre à
les conjuguer.

JÜRGEN HABERMAS – DU SUCCÈS ET DES


ENTENTES
Habermas a élaboré une théorie de la communication
sociale dans ce qu’on appelle maintenant le modèle
communicationnel habermassien. Habermas est bien de
son temps, car il ne peut concevoir l’individu hors de son
milieu. Pour lui, la société, le langage et la culture ne
peuvent être analysés séparément de l’individu, car tous les
éléments s’influencent mutuellement. «  L’être humain est
un microcosme, qui contient en lui-même toute la
complexité du macrocosme.  »72 Tous les discours, les
intentions ou les intérêts particuliers sont dorénavant
interprétés, discutés et susceptibles d’être altérés par les
autres parties de ce grand tout qu’est le monde. Dans le
modèle habermassien, où l’interprétation et la discussion
sont les deux points forts, tout devra être le fruit d’un
dialogue entre les individus, même l’autorité morale des
normes sociales.
Modèle de l’agir communicationnel
Héritier de l’École de Francfort et assistant d’Adorno,
Habermas a mis au point un modèle qui permet d’analyser
« scientifiquement » l’agir social. Il fonde son modèle de la
scientificité communicationnelle sur «  l’idéal d’une
intersubjectivité. Ainsi, sa spécificité est la relation entre
un sujet et un autre sujet.  »73 Le dialogue et la discussion
constituent les moyens pour arriver à la connaissance.
C’est ce que Habermas appelle le critère
d’intersubjectivité.
Deux usages
C’est dans une communication langagière classique,
impliquant un émetteur et un récepteur, que le critère
d’intersubjectivité voit le jour. Habermas distingue deux
modes d’utilisation du langage, voire deux conceptions de
la communication. La première implique un locuteur et un
auditeur. Elle est désignée «  comme l’usage cognitif,
caractérisé par un locuteur qui est en “communication”
avec un auditeur “à propos” de quelque chose, où le
locuteur exprime donc ce qu’il veut dire  »74. Dans cette
conception, le locuteur s’exprime sur quelque chose et
l’auditeur écoute. Puisqu’il a le désir de dire quelque chose,
le locuteur adoptera une attitude objectivante. Il tentera de
se rapprocher le plus possible de la manière dont les
choses se manifestent et se rendent perceptibles. Il s’agit là
d’une perception très fonctionnelle de la communication. À
l’usage cognitif du langage, Habermas oppose l’usage
communicationnel. Ce dernier vise un autre objectif,
beaucoup plus noble, qui est celui d’accéder à une
compréhension commune d’une même chose.
Deux attitudes
L’usage communicationnel du langage développe des
idées de partage et de communion. Il permet à un locuteur
et à un auditeur d’arriver à une compréhension commune
d’une situation ou d’un problème. Habermas perçoit cette
étape comme un test. «  Grâce à ce test, il y a donc aussi
possibilité de se mettre d’accord sur les remèdes, les outils,
les arrangements, etc., de l’ordre normatif, légal ou
institutionnel. »75 L’usage communicationnel implique à tout
coup une attitude performative de la part des deux sujets
impliqués. En somme, se situer dans le premier ou le
second mode d’usage nécessite l’adoption d’une attitude
totalement différente, voire diamétralement opposée.
«  Celui qui veut “dire quelque chose à quelqu’un”
adopte une attitude objectivante, du fait que l’on
présuppose une relation entre ce que l’on dit des choses
et les choses telles qu’elles se manifestent. Par contre
dans le cas de celui qui adopte une attitude
communicationnelle, on entre dans une sphère
d’intercompréhension où le langage sert à partager
quelque chose “avec” quelqu’un d’autre. »76
Le locuteur qui fait un usage communicationnel du
langage travaille à s’entendre avec son auditeur sur une
même situation qui existe dans le monde. «  Le locuteur et
l’auditeur se rencontrent en adoptant chacun une attitude
performative en tant que première et deuxième personne,
non en tant qu’antagonistes ou objets dans le monde des
entités dont ils parlent.  »77 Autrement dit, l’auditeur du
locuteur devient son interlocuteur. Les choses sont là, mais
leurs connaissances ne sont possibles que si l’on s’entend
sur la chose étudiée. En d’autres termes, ce que le modèle
habermassien nous dit, c’est que tout doit passer par
l’interprétation. Non seulement tout doit être interprété,
mais rien ne pourra se dégager sans faire des efforts pour
s’entendre sur lesdites interprétations; sans développer des
attitudes performatives.
Un usage cognitif et fonctionnel du langage vient séparer
les choses. Il en fait des «  objets  » à part. Du coup, cette
objectivation s’impose au locuteur et à l’auditeur. Ce
dernier devient en quelque sorte propagandé pour
reprendre l’expression d’Ellul. Il est amené à accepter le
message reçu, en toute passivité. À l’opposé, « [l’] attitude
communicationnelle en impliquant le sujet de façon
performative dans son attitude face à l’autre sujet, fait
éclater le rapport d’objectivation face à l’autre en tant
qu’objet.  »78 Le modèle de Habermas se base sur une
relation de sujet à sujet réunis dans le même monde vécu.
C’est mutuellement que les sujets orienteront leurs quêtes
de sens ou de validité. C’est parce qu’ils cherchent à
s’entendre que la fin poursuivie par leur acte de langage
« se situe au-delà du monde objectif dans lequel ils peuvent
intervenir en tant qu’acteurs qui poursuivent un but tout en
adoptant une attitude d’observateurs »79. Le sens ne passe
plus par les objets, mais il est dorénavant issu de l’entente
entre des sujets capables de paroles et d’actions. Cette
capacité que nous avons à agir et parler vient entériner le
caractère communicationnel de notre réalité commune. La
communication langagière est teintée d’implicites, de non-
dits et de préjugés. Elle ne peut pas suivre un cheminement
linéaire d’un usage cognitif et objectivant. Pour faire ou
avoir du sens80, elle doit impliquer une attitude
communicationnelle qui passe par la compréhension
mutuelle entre les sujets, une intercompréhension.
Deux orientations
Chez Habermas, les actes de communication sont dirigés
vers deux attitudes différentes. La première attitude qui
dirige ses opérations vers une objectivation est appelée un
«  succès  ». Les succès suivent un parcours linéaire et
trouvent une finalité. Une fois arrivé au bout du processus,
le sens qui en sort est le même qui était là au point de
départ. Le message est placé en tant qu’objet et n’est pas
influencé par l’auditeur qui n’a pas la chance de
l’interpréter. Le locuteur et l’auditeur sont inexorablement
d’accord à tous les coups. Leur communication est toujours
un succès. C’est alors à se demander «  quel sens peut
revêtir un combat entre deux adversaires d’accord sur les
mêmes principes »81.
Les actes de communication impliquant une attitude
performative se nomment «  ententes  ». Ils échappent à
l’analyse rationnelle. Ils reposent sur des a priori tels que
les coutumes, les comportements hérités, les usages et les
valeurs. Habermas fait ici référence à une Lebenswelt, ou le
«  vécu du monde  » selon Sfez. Une Lebenswelt, « c’est un
“fonds” commun à un groupe d’individus unis par cet
arrière-plan non explicité »82. C’est à la fois le monde vécu
et le vécu du monde. Une Lebenswelt est toujours présente
dans le groupe. Elle vient rythmer la vie, mais elle n’est pas
expresse au sens juridique du terme, c’est-à-dire à la façon
d’une règle de droit positif. Elle est dans la pratique, mais
une pratique dans la méconnaissance. Bien qu’elle ne soit
pas écrite, elle est instinctivement respectée et répétée par
les membres du groupe.
L’exemple de la coutume internationale
Le traitement de la coutume en droit international est
susceptible de nous aider à mieux saisir le concept de la
Lebenswelt; s’y attarder demeure à tout le moins éclairant.
La signature du Traité de Westphalie83 marque
habituellement le point de départ de la pratique du droit
international moderne. Les relations entre les peuples de la
terre n’ont évidemment pas débuté avec la signature de ce
traité. Les peuples coexistent depuis que le monde est
monde. Depuis la nuit des temps et sous différentes formes,
ils réussissent à cohabiter tant bien que mal. Des usages
anciens et répétés ont tranquillement pris des formes
normatives, mais non écrites. Ces us et coutumes sont
acceptés par les communautés. Ils ont l’autorité et la
légitimité pour pouvoir s’appliquer. «  [La coutume]
constitue une source de droit à la condition de ne pas
contrevenir à un texte de loi.  »84 Elle est très présente en
droit international. Cependant, la simple pratique, même
répétée, ne permet pas d’établir qu’il s’agit d’un usage ou
d’une coutume. C’est lorsque les acteurs ont la conviction
qu’ils agissent selon une règle; lorsqu’ils ont la croyance du
« droit » ou de « nécessité » (Opinio juris sive necessitatis)
que les pratiques reçoivent le titre de coutume. C’est un
peu la même chose pour la Lebenswelt parce qu’elle
contient elle aussi la bonne manière de faire les choses.
Elle n’est pas inconnue parce qu’elle est «  vécue  », mais
elle est certainement méconnue. En agissant conformément
à elle, les membres de la communauté «  [la] considèrent
comme un signal qui leur est adressé  »85. Ils ont alors la
conviction d’agir conformément à une règle et font d’elle
« un modèle de comportement et […] une obligation »86.
Lebenswelt et Habitus
Ces commentaires sur la Lebenswelt ne sont pas sans
rappeler le concept de l’habitus chez Bourdieu, «  cette
disposition réglée à engendrer des conduites réglées et
régulières en dehors de toute référence à des règles »87. Il
faudrait évidemment utiliser tous les gants blancs du
monde et nuancer chacun des mots employés pour pouvoir
espérer les comparer convenablement, mais nous pouvons
tout de même, a prima facie, constater que tous les deux
sont essentiellement pavées d’indicibles, de non-dits et
d’intuitions. Fondées sur la base d’une connaissance
méconnue, ces conceptions contiennent tout le savoir pour
permettre l’érection d’une nouvelle fondation. « Inscrite[s]
dans les institutions et les usages qu’elle[s] [ont] pour
mission de faire perdurer. [Leur] structure
communicationnelle est donc intimement liée à la structure
technopratique d’une société. »88

À
CHAPITRE 2 – DE LA PERSONNE À
LA PERSONNALISATION
« Cé quand tête coupé, ou pas mété chapeau. »

Proverbe haïtien
(Tant qu’on n’a pas encore la tête tranchée,
on peut garder espoir de porter un jour un chapeau.)

Dany LAFERRIÈRE
Pays sans chapeau

CALVIN AND HOBBES © 1988 Watterson. Used by permission of Universal


Uclick.
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Bill WATTERSON
Calvin and Hobbes : Weirdos from another planet!
STAMATIOS TZITZIS – D’UN INDIVIDU, D’UN
SUJET, D’UNE PERSONNE
La communication, c’est comme une grande parade que
nous regardons passer, mais qui à la suite de son passage,
nous entraîne avec elle. Non seulement nous la suivons,
mais nous faisons partie intégrante du défilé. Ainsi, nous
saluons la foule qui nous salue en retour et qui sera à son
tour à nos côtés pour saluer la foule, dont nous ferons alors
de nouveau partie. Nous changeons constamment de rôle.
Nous participons à une grande valse où le meneur mène et
est mené ; multiplicité des rôles, mais toujours un seul et
même être, l’humain.
La pluralité est la condition de l’homme moderne ; le
contexte dans lequel s’engage toute l’action humaine, nous
dit Arendt. Elle possède le double caractère de l’égalité et
de la distinction, autrement dit, «  nous sommes tous
pareils, c’est-à-dire humains, sans que jamais personne ne
soit identique à aucun autre homme ayant vécu, vivant ou
encore à naître  »89. Chaque individu est identifié à la
naissance. En plus de lui trouver un nom, on l’insère dans
une filiation en lui reconnaissant une mère et un père, un
lieu et une heure de naissance. Cette identité lui est propre
et unique. Une fois qu’il est identifié et reconnu, l’individu
est en mesure d’acquérir des droits ; il devient sujet.
L’individu et le sujet sont deux facettes du même être. « La
grandeur de la condition humaine réside justement dans
cette tension maintenue entre l’un et l’autre, dans cet
entre-deux problématique qui n’est jamais “pure identité ni
pure différence”. »90 Puis, c’est la conjugaison de l’individu
et du sujet qui permet enfin l’édification ou l’avènement de
la « personne », la troisième facette de l’homme moderne,
celle qui lui permet d’entrer en relation.
En résumé, c’est l’«  individu  » qui définit l’être humain
par sa simple existence. Une fois qu’il est identifié, l’être
humain devient un «  sujet  » dans l’organisation sociale.
Conjugués ensemble, ces deux premiers aspects de l’être
humain permettent l’avènement de la «  personne  ».
Individu, sujet et personne désignent tous les trois le même
être humain. Le vocabulaire varie, mais chaque terme est
porteur de significations particulières. Nous tenterons ici
de démystifier celles-ci.

L’individu
La figure de l’Homme universel a fini par remplacer
complètement celle de Dieu au sein des institutions
modernes. Paradoxalement, c’est toujours à l’image de
Dieu que cet Homme raisonnable est construit. La raison
de cette immuabilité est que l’être humain ne peut pas
percevoir Dieu ou le monde autrement que par lui-même. Il
n’a pas les moyens de concevoir les choses autrement qu’à
son image. Dans cette logique, l’Homme moderne qui
prend les nouveaux traits de l’imago Dei est constitué,
comme son prédécesseur, sur des principes d’unicité et
d’indivision. Il fait «  un  », il est «  individu  »  : «  Être
indivisible, il est la particule élémentaire de toute société
humaine, particule stable et dénombrable, douée de
propriétés juridiques constantes et uniformes. Être unique,
il est incomparable à tout autre et constitue à lui-même sa
propre fin.  »91 Tous les êtres humains sont des individus.
Nous sommes tous frères et sœurs dans la grande famille
de l’Humanité parce que l’«  individu  » nous rend tous
égaux. Nier cette individualité revient à nier le statut d’être
humain et «  aucune idéologie ne peut justifier la négation
de l’être de l’homme »92. Malheureusement, l’histoire nous
l’enseigne et l’actualité nous le répète, lorsque des volontés
politiques tentent de nier cette individualité sur la base de
critères scientifiques ou des fondements historiques et
culturels, des désastres surviennent inévitablement93. Les
génocides sont de tristes exemples modernes de ces
déroutes majeures de l’Humanité.
Identité
Un État qui fait une distinction94 entre les individus sur la
base d’un critère objectif, culturel ou scientifique vient nier
son principe d’égalité. Il s’inscrit en opposition à l’idée
générale des Droits de l’Homme. «  L’existence humaine
renvoie à l’homme comme étant d’une espèce; à l’individu,
comme unité anonyme appartenant à cette espèce, mais
encore – et surtout – à la personne impliquant la noblesse
onto-existentielle de l’homme.  »95 Le mot «  personne  »
s’entend dans un sens hobbesien de l’existence; il est
homme-sujet, soumis à la volonté du Léviathan qui
détermine le mien du tien et instaure un système de justice
fondé sur l’idée de propriété. La société dans laquelle
l’homme vient au monde le reconnaît selon une attribution
particulière. L’humain naissant se voit sortir de l’anonymat
à jamais en se faisant octroyer la propriété de son identité.
La société qui l’accueille le greffe d’un nom, d’un lieu de
naissance et d’une filiation générationnelle. Elle fixe le
nouvel arrivant dans le temps. Elle vient attribuer une juste
part à chacun. Il s’agit vraiment d’une attribution et non
d’un choix. Ce juste partage est fait par les institutions qui
«  ont la charge de produire les humains et de les
acheminer vers la mort »96. Le lien qui unit l’humain à une
institution est essentiel. «  Coupé de tout lien […], l’être
humain est voué à l’idiotie, au sens étymologique du terme
(grec idios  : “qui est restreint à soi-même”).  »97 L’octroi
d’une identité est un principe qui relève de la
représentation, c’est à dire qui vient s’appliquer à une
réalité. La reconnaissance de l’être humain permet de lui
donner des formes afin que nous puissions le voir. C’est une
identification pour représenter et non pas pour distinguer.
L’identité est la forme donnée à un individu pour le
reconnaître parmi les autres. Cette identité demeurera le
propre du sujet même «  après sa disparition, intacte
comme singularité irrépétable dans la mémoire  »98. La
différence entre le concept d’individu et celui de sujet se
trouve dans l’identité, mais il n’est pas question ici de faire
correspondre une clé avec une serrure. Le sujet n’est pas
un simple complément de l’individu.
Le sujet
Ce qui caractérise le sujet réside en grande partie dans
sa capacité. Cette dernière constitue « le référent ultime du
respect moral et de la reconnaissance de l’homme comme
sujet de droit  »99. La capacité est étroitement reliée à la
notion d’identité. Reconnaître un sujet, c’est être en
mesure de répondre à la question «  qui  »; c’est pouvoir
relier une action ou une parole à son auteur. « L’action qui
n’a point de nom, point de “qui” attaché à elle, n’a aucun
sens, alors qu’une œuvre d’art garde sa signification même
si nous ignorons le nom de son auteur. »100 La capacité d’un
sujet à se désigner comme étant l’auteur de ses propres
actes est au cœur de ce qu’est vraiment la capacité, le
pouvoir-faire. Comme dans une vision représentative de la
communication où l’émetteur est responsable de son
message, le sujet est le maître de ses actions et de ses
paroles. Cette possibilité de faire, de dire et d’agir nous
permet de déduire le concept éthico-juridique de
l’imputation. Nous voulons le faire parce que nous pouvons
le faire. «  Le vouloir ici est identique au pouvoir.  »101
Contrairement au pouvoir de faire de Descartes qui tenait
de sa propre volonté — quand on veut, on peut — c’est
plutôt une démarche de nature spinoziste qui cerne le
mieux la réalité du sujet. En ce sens, le vouloir vient parce
que nous pouvons : quand on peut, on veut. Autrement dit,
nous pouvons parce que nous sommes sujets  ; parce que
nous sommes imputables. « En place et lieu d’un sujet qui
peut parce qu’il veut, nous avons un [sujet] qui est supposé
vouloir uniquement parce qu’il peut.  »102 Ricœur reprend
l’expression aristotélicienne et consacrée d’«  agent  » pour
désigner celui qui est le «  père de ses actions  ».
L’imputabilité d’une action à un agent nous permet
d’affirmer que le sujet est porteur de droits et de devoirs et
non le contraire. Ce n’est point l’obligation qui impute la
responsabilité à l’agent, mais c’est parce qu’il a la capacité
et qu’il peut le faire qu’on lui reconnaît le droit ou le devoir
de le faire. Ainsi, « le sujet annonce le renvoi au soi comme
porteur d’obligation du droit positif »103. En règle générale,
il est plus souvent débiteur que créancier, précise Tzitzis.
Imputabilité
Le concept éthique et juridique duquel découle la notion
d’imputabilité comporte deux volets. Il renvoie à l’idée de
bien et celle d’obligation, nous dit Ricœur. Ces deux
prédicats nous permettent de juger comme étant bonnes ou
mauvaises, permises ou défendues, les différentes actions.
Or, les actions ne tiennent pas «  en l’air  » de façon
autonome. Nous pouvons les imputer à des agents. Lorsque
nous disons « qu’une personne s’exprime rationnellement ;
nous disons qu’elle ne se comporte pas seulement de façon
rationnelle, mais qu’elle est elle-même rationnelle  »104.
C’est ainsi que le jugement s’applique de manière réflexive
aux pères des actions eux-mêmes, les agents. Juger les
actions d’autrui, c’est porter un jugement sur autrui. C’est
en somme «  l’estime de soi et le respect de soi qui
définissent la dimension éthique et morale du soi, dans la
mesure où ils caractérisent l’homme comme sujet
d’imputation éthico-juridique  »105, mais si «  parler des
défauts des autres, disait Proust, demeure une manière de
parler de soi  »106, juger les autres, c’est donc aussi une
façon de se juger soi-même. Tous pourvus des mêmes
attributs du sujet, nous sommes des agents dignes de
respect et d’estime. Nous sommes tous capables de juger
les actions des autres. Or, si cette capacité nous donne la
possibilité de juger comme étant bonnes ou mauvaises,
permises ou défendues, les actions des agents dignes de
respect et d’estime, cette capacité nous donne aussi la
possibilité de juger de la même façon nos propres actions
et du coup, de nous juger nous-mêmes. Finalement, ce qui
distingue le sujet tient dans sa capacité à estimer ses
propres actions selon les prédicats «  bon  » et
« obligatoire ».
La personne
L’individu et le sujet sont deux aspects qui caractérisent
l’homme, mais ce dernier n’est pas seul au monde. «  La
philosophie du [XVIIIe siècle] n’a vu que l’homme et
l’univers et jamais la société.  »107 L’homme n’est rien, ou
encore si peu, s’il ne peut pas entrer en relation. L’individu
et le sujet ne permettent pas d’affirmer toute sa réalité
ontologique. Il faut y distinguer également la « personne »
qui naît de la conjugaison de l’individu et du sujet. Elle
«  est une manifestation de l’être qui se substantialise,
jouissant d’une liberté de choix créatrice  »108. Elle est à la
fois la volonté, l’instinct et la créativité. En fait, elle est
prosôpon109, c’est-à-dire « le principe fondamental de la vie
personnifiée qui proteste contre le scientisme de la
raison »110. La personne se fonde sur les valeurs du monde.
Il est impossible de la cerner complètement. Elle est à la
fois l’irrationnel et le flou, la volonté et l’instinct, le regard
et le geste. La personne transporte l’être humain à un
autre niveau. Sa propre quête de connaissances l’oblige à
s’ouvrir aux autres et l’empêche de se refermer sur elle-
même. La personne nous mène à l’Autre ; elle inaugure
l’altérité.
Reconnaissance
Le sujet impose un espace de différenciation. Il nous
différencie de nos semblables en déterminant une identité
unique à chacun. Si tout était fusionné, nous n’aurions
aucun intérêt à chercher. Pour passer du sujet à la
personne, il faut la relation au tiers. «  Hier l’homme était
défini par son identité, aujourd’hui, il est aussi défini par
les relations. Hier, l’identité était l’obstacle à la
communication, aujourd’hui, elle en est la condition. »111 Le
sujet permet une relation entre «  toi  » et «  moi  »  : une
reconnaissance mutuelle; en te reconnaissant toi, je me
reconnais moi. Cependant, «  dans ce rapport du moi à
l’autre, le moi surgit non pas comme un “être-en-soi” et
“pour-soi”, mais comme un être en-relation-à-autrui  »112. Il
manque ainsi à toi et à moi, la relation au tiers. Ce dernier
se conjugue à la troisième personne (il/elle), c’est
l’institution, le cadre commun reconnu à la fois par toi et
moi. « Si le cadre est commun, le message à communiquer
est nouveau et ne s’épuise pas dans ce cadre commun. »113
Le fait que toi et moi parlions français (institution de la
langue) ne met pas fin à la relation, au contraire, le cadre
commun de la langue ne constitue que le point de départ
des échanges. Toi et moi confirmons simplement que nous
communiquerons en français et par la suite, tout est
possible.
Chaque agent (moi/toi) est relié à un autre agent (toi/moi)
par le biais de systèmes sociaux organisés (tiers), les
ordres de reconnaissance114. Celui qui parle ou agit
reconnaît être l’auteur de son acte et entre du même coup
dans une grande interaction avec le tiers. Le sujet amène
l’imputabilité tandis que la personne apporte la
reconnaissance et la confiance avec son rapport au tiers.
Prenons l’exemple d’un contrat. Par définition, le contrat
est un « écrit qui constate la convention par laquelle deux
ou plusieurs personnes font naître, entre elles, des
obligations ou transfèrent un droit réel  »115. Il constitue la
preuve des intentions des deux parties cocontractantes. Les
engagements pris dans le contrat doivent être honorés par
les deux parties (Pacta sunt servanda). À moins qu’elle
contrevienne à des règles d’Ordre public, la commune
intention des parties détermine les règles d’application du
contrat qui doivent impérativement être observées116. Elles
font la loi des parties  : pacta dant legem contractui. Le
contrat donne une structure juridique aux intentions des
parties. Il assure la liaison entre les cocontractants. De la
même façon, l’institution assure les liaisons entre les
membres d’une communauté; c’est un contrat à échelle
sociale. Les liaisons entre les personnes sont possibles
parce qu’elles passent par le tiers institué. La
reconnaissance n’est pas uniquement l’affaire de « toi » ou
de «  moi  », mais de tout le monde qui se trouve dans le
même ordre de reconnaissance. « Le vis-à-vis n’est plus toi,
mais le tiers que désigne de façon remarquable le pronom
chacun, pronom impersonnel, mais non anonyme. »117
Vivre sans lien – la question de l’apatridie
Il est difficile de croire que des êtres humains dans les
sociétés d’aujourd’hui naissent encore dépourvus de liens,
sans papier et sans nationalité. Malgré l’omniprésence de
l’État dans les affaires des citoyens, il arrive pourtant
fréquemment que des gens vivent détacher de tout, libres
comme personne d’autre. Ils sont tellement libres qu’ils
n’existent pratiquement pas. Sans identité, sans lien, ils
vivent littéralement hors du système. Ces «  électrons
libres » sont des apatrides118. Ils sont laissés entièrement à
eux-mêmes. Ils n’existent pas aux yeux des fonctionnaires
bien qu’ils se tiennent debout en chair et en os devant les
institutions gouvernementales. Ils sont isolés et non
reconnus. La société ne leurs connaît pas de traces et « la
police ne s’occupe que de ceux qui ont une existence  »119.
Ils ne sont pas dans le système; ils ne sont pas et pourtant
ils sont bel et bien là. Cette situation est intenable. Il faut
mettre fin au désordre et à la folie. Il faut les reconnaître et
les rattacher. Il faut les identifier et les faire naître au sein
des institutions étatiques.
La naissance des sans-papiers
La Déclaration universelle des droits de l’Homme est
claire  : «  Tout individu a droit à une nationalité [et] à la
reconnaissance en tous lieux de sa personnalité
juridique.  »120 L’apatridie ne devrait tout simplement pas
exister. Elle sourd pourtant parce que la mise en œuvre de
ces «  vœux pieux  » est laissée entre les mains des états
souverains. En effet, la plupart du temps, la situation
d’apatridie est causée par la divergence entre les
législations nationales.
«  L’enfant étranger qui naît sur le territoire d’un État
qui adhère strictement au système de jus sanguinis sera
techniquement un apatride de droit si l’État national de
ses parents adhère au système de jus soli; en vertu de la
législation de son pays, une femme peut perdre sa
nationalité si elle se marie avec un étranger et
deviendra apatride si la loi de l’État national de son
mari ne lui attribue pas automatiquement une
nationalité. »121
Une sanction juridique ou politique à l’égard d’un
particulier peut mener à une situation d’apatridie. Une
décision de l’État national suite à un séjour trop prolongé à
l’étranger est aussi à même de priver un ressortissant de sa
nationalité, précise Arbour. L’apatridie n’est pas toujours
l’affaire d’une seule personne. Elle est susceptible de
toucher un groupe d’individus lorsqu’elle est occasionnée
par des changements politiques ou territoriaux122. Enfin, le
trafic d’humains et l’immigration clandestine sont
responsables de la naissance de nombreux cas de sans-
papiers. Par choix ou par contraintes, des individus se
soumettent à des gens trop peu scrupuleux qui les
détroussent de leur identité et ainsi, les rendent invisibles
aux yeux du pays hôte. Il s’agit d’un mal nécessaire, diront
certains, dans le cas de l’immigration, car s’ils procédaient
par le chemin de la légalité, les clandestins seraient
probablement repoussés aux frontières.
Des pistes de solutions
Les politiques en matière de régularisation des sans-
papiers sont d’ores et déjà des sujets de débats très chauds
dans les grandes terres d’accueil comme la France et les
États-Unis. C’est que le malaise ne saurait persister
toujours. En pratique, l’apatridie place des êtres humains
et des États dans l’embarras et soulève des questions
existentielles : « Qui sont les apatrides? », « Que font-ils »,
«  Quoi faire d’eux?  », «  Comment les aider?  ». Deux
orientations différentes et complémentaires ont vu le jour
en droit international public. Les États ont débuté par
reconnaître un statut juridique minimal aux apatrides et se
sont ensuite penchés sur les causes de l’apatridie.
C’est dans un premier temps «  la Convention relative au
statut des apatrides du 28 septembre 1954 qui [est venu
fixer] le régime juridique minimum qu’un État doit
accorder aux apatrides qui vivent à l’intérieur de ses
frontières  »123. La première étape en vue d’enrayer
l’apatridie a été d’abord de reconnaître un statut aux
apatrides; une reconnaissance minimale. Les États n’iront
pas jusqu’à reconnaître l’apatridie de facto, mais ils
s’invitent dès lors à une plus grande ouverture lorsque les
raisons qui ont mené à la situation de heimatlosat sont
valables.
Le deuxième volet des efforts internationaux sur la lutte
aux situations d’apatridie a pris forme dans la Convention
des Nations Unies sur la réduction de l’apatridie et dans la
Convention sur la nationalité de la femme mariée de 1957.
« L’État contractant s’engage à accorder sa nationalité à
toute personne née sur son territoire et qui serait
autrement apatride; qui plus est, toute personne née en
dehors du territoire d’un État contractant, mais dont
l’un des parents avait la nationalité de cet État au
moment de la naissance de cette personne a le droit de
recevoir la nationalité dudit État si, sans cela, elle
devait rester sans nationalité aucune. »124
Ce qui se dégage essentiellement de ces trois conventions
est qu’un État ne doit pas être responsable de la naissance
d’une situation d’apatridie. Les décisions étatiques ne
doivent en aucun cas priver quiconque de sa nationalité. De
plus, si l’État a la possibilité de remédier à une situation
d’apatridie, il a le devoir de le faire. Ces efforts sont
louables, mais les nombreuses réserves apportées par les
États à cette triade de conventions leur offrent
malheureusement une portée bien limitée.

RENÉ-JEAN RAVAULT125 – D’UN ÉMETTEUR,


D’UN RÉCEPTEUR
L’émission et la réception constituent les deux pôles d’une
communication. Corollairement, l’émetteur et le récepteur
sont les deux faces de celui qui communique ; le recto et le
verso de la personne qui entre en relation. La
communication appelle à un travail conjoint des deux
acteurs communicants. Ensemble, ils créent un sens aux
choses du monde et à leur propre existence. La création
dont il est question ici découle davantage de la découverte
que d’une construction ex nihilo. La communication s’érige
«  pleinement [comme] une transaction dans laquelle
l’homme invente et attribue des significations pour réaliser
ses projets.  »126 De cette façon, le sens ne peut pas se
trouver dans le message. « [L]es décodages ne suivent pas
automatiquement les codages »127. En conséquence, le sens
doit être et naître ailleurs. C’est là, entre autres, l’élément
clé de la vision des constructivistes américains qui ne
peuvent percevoir le message ailleurs que dans la tête des
individus.

Le triomphe du récepteur
Les recherches dans le domaine de la communication
portent encore couramment sur les effets des produits
communicationnels. Elles négligent trop souvent de traiter
du sens véritablement perçu par les destinataires de ces
produits128. Ravault explique partiellement cette tendance
par «  la popularité dont jouissent encore les théories du
contrôle de la société et de la culture par les médias  »129.
Ces théories développées dans l’entre-deux-guerres
consistent à croire que le récepteur exposé à une
propagande médiatique est automatiquement converti et
contrôlé. L’idée d’un récepteur passif a fait son chemin et a
focalisé les recherches sur l’analyse de ce qui se passe du
côté de la production et de la diffusion.
Or, l’homme arrive dans un monde qui est déjà là. Il est
récepteur d’abord et avant tout. La communication est une
science du sujet. Elle ne peut pas se limiter à la production
et à la distribution d’informations. Elle doit aussi
impérativement porter sur les conditions de la réception et
c’est pourquoi, graduellement, le récepteur est venu
détrôner l’émetteur dans le schéma traditionnel de la
communication. La réception est dorénavant active et le
récepteur est actif. La position occupée par le récepteur est
la plus intéressante parce qu’elle permet de relativiser la
communication; elle permet un choix. Le récepteur a su
trouver sa place comme véritable détenteur du pouvoir de
détermination du sens d’une communication, et ce, bien
qu’il complique tout, qu’il est là où on ne l’attend pas et
qu’il ne comprend pas toujours ce qu’on voudrait qu’il
comprenne. Le récepteur est, pour Thayer, la seule source
créatrice de tous les messages130. Le succès de la
communication réside dans le triomphe du récepteur.
Brève histoire de la réception active
C’est à Schramm131 que nous devons la démonstration de
la désuétude des théories du contrôle social et culturel
nous dit Ravault. L’Américain se refusait à considérer la
communication comme étant l’effet d’un projectile
magique. Il a fait passer le récepteur de la passivité à
l’activité en séparant la communication en deux actes  :
l’émission et la réception. Puis, c’est en se penchant sur
l’échec des méthodes propagandistes des Alliés sur les
soldats allemands lors de la seconde Grande Guerre que
Shils et Janowitz132 ont contribué à l’avancement des
théories de la réception active. Ils ont pu démontrer que les
dirigeants nazis avaient su utiliser la propagande des Alliés
à leur avantage en s’attardant à bien identifier les tracts
comme étant de provenances américaines. L’effet désiré par
les Alliés ne fut pas celui escompté. Au contraire, il a
renforcé le moral des troupes allemandes. Les deux
chercheurs américains en sont venus à la conclusion que
c’est l’attribution d’un caractère d’étrangeté aux tracts qui
a contribué à la réussite de la contre-propagande.
Autrement dit, en les taxant du sceau américain, les tracts
se sont heurtés aux valeurs allemandes. Ils n’ont pas su
trouver la finalité espérée. Le destinataire ne s’est pas
avéré être le propagandé escompté ni celui souhaité
d’ailleurs. C’est ensuite par le biais d’analyses en
marketing et en comportement organisationnelle que
l’autonomie du récepteur prendra du galon. Thayer
distinguera des facteurs qui vont au-delà du simple contenu
informationnel, nous dit Ravault, tandis que « Dunn rejoint
Klapper pour affirmer que la plupart des communications
entre émetteurs et récepteurs sont influencées par une
infinité de variables.  »133 En somme, le récepteur actif
détermine le sens du message en fonction de sa perception,
de ses propres intentions et besoins. Il prend aussi en
considération ce qu’il croit être l’intention de l’émetteur et
ce qu’il peut en faire. Le récepteur actif se distingue par sa
capacité qu’il a de personnaliser les messages qu’il reçoit.
Il a toujours l’avantage, une longueur d’avance sur
l’émetteur, car il a la possibilité d’agir deux fois : il reçoit et
il répond.
Deux réseaux
La flexibilité de la tige d’un jeune arbre permet de
l’orienter et de fixer sa position pour le reste de sa vie134.
Son écorce se développera ensuite et il sera alors
pratiquement impossible de changer son allure ou la
direction de ses branches sans l’abîmer. L’environnement
qui accueille l’arbre se charge de lui donner les moyens et
une orientation adaptée qui lui assurera la survie. Comme
l’arbre qui naît dans la forêt, nous naissons dans une
société qui se charge de nous enseigner les rudiments de la
vie en société. Les parents, l’État, l’école, l’Église ; tous
s’affairent à nous inculquer les fondements de notre
culture. L’apprentissage de la langue, des croyances et des
valeurs constitue la pratique de toutes les sociétés. C’est en
bas âge que nous sont transmis et appris ces valeurs et
référents psychosocioculturels. «  Il faut admettre que l’on
voit mal comment on pourrait attendre que les enfants
soient adultes pour qu’ils puissent délibérément choisir
leur langue et leur culture.  »135 Ravault emploie
l’expression « coerséduction »136 pour parler de l’action de
ces réseaux traditionnels de coercition socioculturelle. Il
est difficile de saisir la véritable portée de ces réseaux
puisqu’ils sont fondés sur la base de valeurs et de
croyances, mais il est clair qu’ils sont bien présents en
chacun de nous. Les réseaux traditionnels de coerséduction
sont confrontés quotidiennement aux réseaux globalisés
d’information et de communication qui ont vu le jour grâce
au fulgurant développement des technologies d’information
et de communication (TIC). Les deux réseaux influencent le
récepteur. Seulement, une trop grande importance est
souvent accordée aux nouvelles technologies, sous-
estimant du même coup l’impact du milieu d’où nous
provenons.
L’effet boomerang
L’idée d’une « gouvernance rationnelle universelle »137 fait
tranquillement son chemin depuis la fin de la deuxième
Grande Guerre et la naissance de l’Organisation des
Nations Unies. Cependant, nous sommes encore bien loin
de voir la réalisation d’un véritable gouvernement global.
Les difficultés liées à la construction de l’Europe révèlent
au grand jour la hardiesse de la tâche de rassembler dans
un même groupe et dans l’unité, des pays et des cultures
diversifiés. Malgré tout, «  compte tenu de l’effondrement
des tentatives de Mondialisation communiste, cet attirail
peut être considéré, au premier regard, comme simple
instrument de l’occidentalisation du monde.  »138 Prenons
l’exemple de la grande présence médiatique des États-Unis
à travers le monde. Les médias américains possèdent un
savoir-faire indéniable. Ils ont les moyens, l’expertise et
l’expérience. Ils constituent une référence. L’Amérique
médiatique sait faire, mais elle ne tient pas uniquement à
être la meilleure, ni à développer les techniques les plus
innovatrices. Elle cherche littéralement à imposer ses
méthodes et ses valeurs comme l’unique façon de faire les
choses et de voir le monde. Or, « l’expansion mondiale des
communications américaines ou l’impérialisme culturel
américain n’équivaut pas à conquérir les esprits, ni à
imposer une idéologie ou une façon de voir et de vivre »139.
Le paysage actuel semble présumer que « les sociétés non
alignées sur l’Occident n’ont d’autre perspective que de
s’auto-annuler en tant que culture (sauf à survivre
folklorisées)  »140. Le suicide n’est pourtant pas la seule
solution. La survie est possible; c’est l’effet boomerang. Ce
dernier a été observé maintes fois dans les rapports avec
les communications de masse américaines  : la révolution
iranienne, le développement économique de la République
fédérale Allemande et celui du Japon et plus récemment,
les attentats du 11 septembre141. Le monde entier a pu
constater dans ces occasions que l’exhibitionnisme
occidental, voire l’arrogance américaine142, peut parfois lui
jouer des tours.

Personnalisation et surcodage
L’idée d’une personnalisation des messages chez Thayer
trouve un penchant européen dans les théories de Sfez et
son concept du surcode143. Il y a le code et il y a les
surcodes. Par code, il faut voir une structure contraignante.
La langue et le droit en sont deux brillants exemples, mais
il ne faut pas se limiter à ces structures connues. Il y a par
exemple l’habitus «  qui s’affirme dans la confrontation
improvisée avec des situations sans cesse renouvelées, il
obéit à une logique pratique, celle du flou, de l’à peu près,
qui définit le rapport ordinaire au monde  »144. À la
rencontre de ces codes, c’est-à-dire, «  quand les
contraintes spécifiques d’un code s’ajoutent aux
contraintes spécifiques d’un autre code, l’effet est
imprévisible et, sur l’instant invisible. C’est cela le
surcode. »145 En d’autres termes, c’est comme si la touche
personnelle, le style individuel, personnel et libre, qui régit
une œuvre, une action voire une décision, est le résultat de
contraintes additionnées. Cette addition de code ne
s’entend cependant pas comme un simple cumul avec une
somme fixe. «  L’effet de surcodage est un effet de sens,
c’est-à-dire qu’il dépasse largement les prévisions des
codes. Cette addition est aussi une division, une
soustraction, une annulation, une torsion. Effet
imprévisible.  »146
Le récepteur crée un sens unique et
imprédictible au message parce qu’il est dans le monde et
que le monde se trouve en lui.
«  Le “message” pour Thayer, comme le “surcode” pour
Sfez sont “individués” ou incarnés par l’acteur
communiquant et non portés par une structure
contraignante que serait la langue ou un autre média.
Pour Thayer, les médias ne véhiculent que des propos,
des produits communicationnels, et pour Sfez, ce qui est
inscrit dans la structure contraignante de la langue
relève de la forme, du sens commun, de la grammaire,
etc., et non de la parole, du symbolique ou de la
signification “individués”. »147
La communication passe dorénavant par le récepteur qui
est social. Du coup, la communication devient elle-même
sociale. « Le média est dans le monde, au même titre que le
récepteur, de même que le monde est dans le média et le
récepteur. Chacun est subjectivement objectif dans sa
grande activité de mariage avec le monde.  »148 D’autres
auteurs ont traité de cette «  individuation par effet de
surcodage » ou de cette « personnalisation des messages »
comme des influences psychologiques et sociologiques des
actions humaines. Ces influences, peut-être moins
contraignantes que le concept de surcode, ont été
davantage reconnues et réemployées dans d’autres sphères
d’étude.
L’exemple du livre
Tel un précurseur aux théories de la réception active,
Sartre a écrit en 1948 que «  l'opération d'écrire implique
celle de lire comme son corrélatif dialectique et [que] ces
deux actes connexes nécessitent deux agents distincts. »149
Cependant, les processus d’écriture et de lecture d’un livre
ne sont pas symétriques ; ils sont concurrents. Ils ne sont
pas simultanés, «  le livre sépare plutôt en deux versants
l’acte d’écrire et l’acte de lire qui ne communiquent pas; le
lecteur est absent à l’écriture; l’écrivain absent à la
lecture »150. Pour la personne qui lit, le moment et le lieu du
décodage sauront apporter des influences. Une bonne
écriture ne mène pas nécessairement à une bonne lecture.
Cette dernière est toujours laissée à la discrétion du
lecteur151. Une lecture sera différente à tous les coups
parce que le lecteur a son propre vécu et qu’il change avec
le temps et ses expériences. Pareillement, des lecteurs
différents mèneront à différents résultats. La lecture est un
acte intransitif qui engendre une pluralité de sens152. Cette
polysémie est indéterminée et évolutive, voire totalement
imprévisible, car elle est sous l’effet d’un surcodage. Un
livre peut se vendre à des milliers d’exemplaires, le sens
qui lui sera donné sera unique à chaque lecture tant et si
bien que «  [c]’est toujours et jamais dans le même fleuve
que l’on se baigne. »153
L’exemple du suffrage
Quittons maintenant le monde de la littérature pour une
brève incursion dans celui de la politique. Prenons une
élection au suffrage universel qui vise à élire les députés
qui siègeront à l’Assemblée législative d’un état
démocratique, par exemple, les élections législatives en
France ou les élections générales québécoises. En période
électorale, les candidats aux postes de députés proposent
des orientations, prononcent des discours ou promettent
des actions. Malgré tous leurs efforts et dévouements, le
choix des électeurs se fait plutôt à partir d’autres
motivations. L’image projetée par les chefs des partis a
beaucoup à voir avec les résultats finaux. En effet,
l’adhésion à un clan plutôt qu’à un autre tient davantage de
l’attachement aux leaders qui les guident qu’aux enjeux
véritablement exposés. Les raisons qui motivent les
électeurs peuvent n’avoir rien à voir avec les débats qui ont
eu lieu en campagne électorale. Un électeur peut baser son
choix politique sur la base d’une idéologie ou de valeurs
qu’il juge beaucoup plus fondamentales. Ainsi, il ne faut
pas demander à un souverainiste québécois de voter pour
un parti politique qui défend une idéologie fédéraliste, de
même, à un communiste français de voter à droite.
L’électeur n’est lié à personne; ni à son conjoint, ni à son
patron. Il peut fonder son choix sur les facteurs qui
l’enchantent. Son vote peut être contestataire, absolument
cynique ou profondément partisan de sorte qu’«  en allant
voter, les électeurs répondent en fait à une autre question
qui ne leur est pas posée, et dont ils supposent qu’elle est
plus importante  »154. Lors d’un référendum, on demande
simplement au peuple de s’exprimer par «  oui  » ou par
«  non  » à une question précise et pourtant, c’est tout un
débat de société qui s’installe et qui entre en ligne de
compte dans le résultat.

È
DEUXIÈME PARTIE –
LA SOCIÉTÉ
JURIDICOMMUNICATIONNELLE

CHAPITRE 1 – REGARDS CROISÉS


« Le paon fait la roue
le hasard fait le reste
Dieu s’assoit dedans
et l’homme le pousse. »

Jacques PRÉVERT
La brouette ou les grandes inventions
« PETE : The preacher said it absolved us.

EVERETT : For him, not for the law! I’m surprised at you
Pete.
Hell, I gave you credit for more brains than Delmar.

DELMAR : But there were witnesses, saw us redeemed!

EVERETT : That’s not the issue, Delmar.


Even if it did put you square with the Lord, the State of
Mississippi is more hardnosed. »

Ethan COEN et Joel COEN


O Brother Where Art Thou
d’après « L’Odyssée » d’Homère

PAUL ATTALLAH – SOCIÉTÉ MODERNE


Les sociétés se transforment et se développent au rythme
lent des évolutions et celui plus rapide des révolutions. Les
transformations laissent des traces et imposent parfois des
ruptures définitives avec le passé. «  La profondeur et la
radicalité des bouleversements ne font qu’accentuer la
visibilité du trait.  »155 Le passage à la modernité constitue
probablement le trait le plus marquant de l’histoire des
sociétés occidentales156. Il résulte des changements
idéologiques développés au fil du XVIIIe siècle  : C’est
l’Aufklärung; les Lumières157.
Saint-Simon, que plusieurs reconnaissent comme l’un des
fondateurs de la sociologie, a qualifié la modernité
d’époque critique de la société. Elle s’oppose et s’insère
entre des époques organiques. Ces dernières «  sont celles
pendant lesquelles la vie se développe harmonieusement,
soutenue par un système d’idées bien construites et
universellement acceptées  »158. C’est au moment de la
rupture de l’harmonie idéologique et organique des
sociétés occidentales que la modernité voit le jour. C’est ce
que les successeurs de Saint-Simon ont désigné comme le
passage de la société traditionnelle à la société moderne.
L’esprit critique qui anime l’époque de la modernité se fait
sentir à tous les niveaux et dans toutes les sphères de la
société. C’est souvent dans ces périodes effervescentes que
les productions culturelles et artistiques sont les plus
fortes.
«  À y regarder de plus près, on s’aperçoit […] que les
grandes créations se multiplient justement dans les
périodes que l’on peut tout au plus qualifier de périodes
des transitoires par référence à cette classification
historique rigide. En d’autres termes, les grandes
créations naissent toujours de la dynamique
conflictuelle entre les normes des anciennes couches
dominantes sur le déclin et celles des nouvelles couches
montantes. C’est incontestablement vrai dans le cas de
Mozart. »159
Ce qui semblait pour toujours inébranlable est désormais
en état d’abattement total. «  [L’]ordre social vacille et se
perd[  ;] les composantes mêmes de cet ordre se débattent
dans des contradictions de tous genres.  »160 La voix du
peuple retentit avec vigueur et assourdit celle de Dieu dans
la société moderne. La transcendance divine qui anime et
organise la société traditionnelle s’éclipse peu à peu au
profit d’une raison humaine négociée. Les fondements de la
société sont bousculés. La société moderne est là et
pourtant, tout est à faire.
FERDINAND TÖNNIES –
GEMEINSCHAFT/GESELLSCHAFT
Jusqu’à ce jour, aucune conception idéologique n’a pu
prétendre être de la même ampleur que la modernité.
L’héritage légué dans le Siècle des lumières a évolué depuis
le temps, mais il n’a pas été révolu complètement ; son
impact est encore visible. Les Lumières ont défini et
configurent encore notre manière d’être et d’agir au XXIe
siècle. L’Aufklärung a contribué largement à façonner,
«  pour une part au moins, ce que nous sommes, ce que
nous pensons et ce que nous faisons aujourd’hui  »161.
L’utilisation du mot «  moderne  » sous-entend qu’il y a eu
quelque chose avant (société ancienne ou traditionnelle) et
de là, on suppose qu’il y aura aussi quelque chose après
(société postmoderne). Parler de la société moderne ne
peut pas se faire sans expliquer la rupture avec ce qui l’a
précédée, car «  une Modernité quelle qu’elle soit a
nécessairement affaire aux mises de la reproduction ;
autrement dit, elle succède »162. Tönnies fait une distinction
et relève les différences entre la Gemeinschaft
(communauté) et la Gesellschaft (société)163. Son travail
permet de mieux saisir la dichotomie entre la société
traditionnelle et la société moderne. Cependant, ces
appellations ne sont que des fictions sociologiques, des
idéaux-types au sens wébérien du terme. « L’unilatéralité et
l’intensification de certains aspects de la réalité donne de
la cohérence à l’idéaltype, tandis que la réalité elle-même
est beaucoup plus confuse.  »164 La Gemeinschaft et la
Gesellschaft n’ont jamais existé à l’état pur si bien qu’il est
impossible de marquer la transition de l’une à l’autre de
façon nette et précise. En effet, le changement s’étend sur
une très longue période et laisse même planer l’idée « que
nous sommes toujours confrontés à des sociétés qui
ressemblent plus ou moins à la Gemeinschaft ou à la
Gesellschaft »165.
Urbanisation et industrialisation
La déruralisation marque la fin du XVIIIe et tout le XIXe
siècle. L’exode rural est tel que ce sont dorénavant les
centres urbains qui regroupent la majorité des habitants
des sociétés européennes et nord-américaines. Le
mouvement massif des citoyens de la campagne vers la
ville peut s’expliquer de plusieurs façons. « [L]’arrivée d’un
mode de production capitaliste et des rapports de
productivité et de propriété qu’il instaure »166 peut justifier
en partie le déplacement des populations. Jusqu’à la fin du
XVIIIe siècle, les paysans de la société traditionnelle
pratiquent essentiellement une agriculture de subsistance.
Les récoltes servent concrètement de nourriture. Pour tous
les autres biens qu’ils ne peuvent pas produire eux-mêmes,
les paysans doivent s’en remettre au commerce qui n’est
pas une invention de la modernité. En effet, l’activité
commerciale existe dans la société traditionnelle, mais le
traitement qui en sera fait dans la société moderne le
détournera de ses fonctions classiques167. Le commerce est
voué à changer drastiquement d’orientation dans la société
moderne avec la montée du capitalisme qui «  réside
précisément dans la transformation permanente et illimitée
du capital en production, de la production en capital et du
capital en production.  »168 Le capitalisme introduit
graduellement une nouvelle forme d’exploitation foncière.
Les terres cultivables qui assuraient la subsistance des
paysans sont désormais perçues comme des biens
immobiliers exploitables, un capital à partir duquel il faut
chercher à retirer le maximum de bénéfices. Les fermes
traditionnelles prennent des allures de petites industries;
ce sont des exploitations agricoles. L’agriculteur est de
moins en moins un paysan et de plus en plus un
entrepreneur en agriculture. Les modes de production
changent et sont calqués sur les usines. Le développement
des techniques et la mécanisation de l’agriculture
réduisent la main d’œuvre nécessaire à l’exploitation. Les
artisans de la terre d’hier prennent la direction des grands
centres où ils deviennent, dans le vocabulaire de Marx, le
prolétariat urbain, les ouvriers ou les travailleurs de la
ville169. L’urbanisation et l’industrialisation sont intimement
liées. Elles imposent une nouvelle réalité et transforment la
manière de faire les choses.
Spécialisation et isolement
La polyvalence est de mise à tous les niveaux dans la
société traditionnelle. Le sort de chacun est bien souvent
laissé à lui-même. Un paysan sur sa terre doit être
«  multitâche  ». Il doit être en mesure de tout faire  : de la
construction de bâtiments à l’exploitation céréalière, en
passant par le soin des animaux, la transformation des
produits et la vente des récoltes. C’est tout le contraire qui
semble vouloir se passer dans la société moderne. Chacun
cherche à être spécialiste, à devenir expert à une étape
précise d’une production et laisser à autrui le soin de
développer ses aptitudes pour les autres phases de la
chaîne de production; c’est la division du travail.
«  La division du travail se fonde sur le fait que deux
hommes peuvent mettre en commun leur force de
travail et se conduire l’un envers l’autre comme s’ils
étaient un. Cette “unité” est exactement le contraire de
la coopération, elle renvoie à l’unité de l’espèce par
rapport à laquelle tous les membres un à un sont
identiques et interchangeables. »170
Autrement dit, la division du travail insère des exécutants
permutables à chacune des phases de la production. Les
étapes, les phases ou les niveaux sont isolés et spécialisés.
Ils sont toujours sans finalité. C’est l’enchaînement de
ceux-ci qui mène au but. La division du travail a reçu un
accueil triomphal dans le secteur industriel où elle a pris
l’allure des chaînes de montage dans les usines. Le but
recherché par le capitalisme est le profit et pour le
maximiser, la division technique du travail telle que prônée
par Smith est essentielle, car elle permet d’assurer la
productivité et l’efficacité. Cependant, le secteur industriel
ne fut pas le seul à être touché par ce nouveau mode
d’organisation du travail. En fait, ce sont tous les secteurs
de la société qui ont, d’une certaine façon, cherché à
appliquer le concept de division du travail à leur propre
profit.
Le cumul des rôles sociaux dans la société traditionnelle
est non seulement possible et bien vue, mais il constitue
pleinement la règle. En effet, il est convenu qu’une fonction
sociale déteigne sur toutes les autres. « C’est ainsi que l’on
pouvait être à la fois père de famille, juge, commerçant,
éleveur, etc. Et c’était précisément parce qu’on était bon
père de famille qu’on était habilité à devenir juge et parce
qu’on était juge qu’on exerçait une autorité accrue dans le
commerce, et ainsi de suite. »171 La société moderne rompt
avec cette idée d’amalgamation des rôles en emboîtant le
pas de la spécialisation. Elle distingue, en même temps, la
vie privée de la vie publique. Elle peut, par exemple,
concevoir qu’un mauvais père de famille puisse exercer la
fonction de juge. Une telle conception aurait été
inconcevable dans la société traditionnelle. La séparation
des rôles sociaux change les habitudes personnelles et
quotidiennes des individus parce qu’elle change
fondamentalement les rapports qu’ils ont entre eux. Elle
rassemble les citoyens selon leurs intérêts et leurs champs
de spécialisation, mais si elle les regroupe d’abord, elle les
sépare et isole ensuite en groupes.
Confiance et contractualisme
Il est difficile de faire confiance à son prochain quand on
ne le connaît pas vraiment et encore davantage lorsqu’on
éprouve à son égard un sentiment d’étrangeté. Auparavant,
le «  simple fait de vivre en société intime garantissait
l’accomplissement des obligations et le respect des
autres »172. Ces liens traditionnels ont beaucoup souffert et
se sont affaiblis avec l’avènement de la société moderne.
Une poignée de main emportait un consentement et une
entente dans la société traditionnelle. Le non-respect de
cette dernière entraînait de grandes conséquences parmi
les membres intimes de la communauté. Prenons l’exemple
d’un débiteur qui ne s’acquitte pas de sa dette. Il y a
probablement à ce manquement une sanction juridique,
mais « il y a aussi d’autres sanctions qui sont importantes.
Si par exemple [le créancier] prévient toute la famille et les
amis que c’est un salop, que [le débiteur] lui doit de
l’argent et ne la lui donnant pas, il crève de faim, c’est une
sanction autrement pesante que la sanction
juridictionnelle  » . L’être humain est orphelin dans une
173

masse de monde. Il n’entretient plus, avec la même


intensité, ses liens intimes avec les membres de sa
communauté. Rares sont les gens qui connaissent
véritablement tous leurs voisins (le phénomène est encore
plus frappant dans les grandes villes), alors comment
peuvent-ils en venir à faire confiance à quelqu’un qu’ils
méconnaissent ? La réponse : par le biais du contrat.
«  Au XIXe siècle, des auteurs qualifiaient la modernité
par le fait que le contrat y soit devenu “la base
définitive du Droit humain”. Ces hommes ne voyaient
pas dans le contrat une abstraction éternelle suspendue
dans le ciel platonicien des Idées, mais l’aboutissement
indépassable d’un progrès historique arrachant les
hommes aux sujétions des statuts pour le faire accéder
à la liberté. Selon eux, l’histoire du Droit a un sens et ce
sens nous conduit à un monde émancipé où l’Homme ne
porte pas d’autres chaînes que celles qu’il se fixe à lui-
même. »174
Le contractualisme est cette « idéologie selon laquelle le
lien contractuel serait la forme la plus achevée du lien
social et aurait vocation à se substituer aux impératifs
unilatéraux de la loi  »175. Il est devenu pour certains
l’emblème de la modernité. Il a représenté un moyen
d’émancipation pour des peuples fraîchement décolonisés,
car «  accéder à la culture du contrat est devenu la
condition d’accès à la modernité et au concert des
nations  »176. C’est par un contrat que ces nouveaux pays
ont acquis leur indépendance et c’est encore par un contrat
d’adhésion aux textes de l’ONU qu’ils sont entrés dans le
concert des nations. C’est par le contrat que tout devient
possible.
L’exemple du mariage
Le contrat est de mise à tous les niveaux, à tous les
stades et à toutes les occasions de la vie sociale
d’aujourd’hui. Il cadence l’ensemble des rapports entre les
citoyens. Par exemple, les relations modernes entre
employeurs et employés sont fondées sur le principe du
contrat de travail et de la convention collective ; se loger
fait appel au même désir de négociation en obligeant la
signature de baux de location pour l’occupation d’un
appartement. Toutes les formes de relations, même les plus
intimes, ont pris le pas du contractualisme et du
consensualisme. Le contrat de mariage est un exemple
frappant. À une certaine époque, pas si lointaine, l’union
maritale était dictée par la structure sociale. La coutume et
les intérêts familiaux avaient préséance sur l’amour entre
les époux. Le mariage était davantage une transaction et
un échange de bons procédés qu’une déclaration publique
soutenant que madame et monsieur partagent un amour
réciproque et désirent faire vie commune. Aujourd’hui, le
mariage peut être pensé comme cela à cause du contrat.
Le contrat de mariage moderne est complexe et ultra
précis. Non seulement il n’est plus réservé aux seuls
couples homme/femme, mais il contient des spécifications
quant aux patrimoines des deux conjoints et de façon plus
surprenante, sur la manière de les liquider à la fin de
l’union177. Le divorce est maintenant chose commune. Il
faut en tenir compte, il faut le prévoir. C’est parce que la
fin est déjà planifiée dans le contrat de mariage que « nous
imaginons les conjoints comme partenaires autonomes
n’ayant d’engagement l’un envers l’autre que l’intérêt de
leur propre sentiment amoureux  »178. Le patrimoine des
époux demeure le propre de chacun et à en dessiner les
contours dans un contrat de mariage, ils s’assurent que ce
sont les sentiments qui sont le fondement de leur union et
non un quelconque avantage pécuniaire qui leur serait
réservé dans l’éventualité d’une rupture.

Des théories éclairantes


La distinction proposée par Tönnies entre la
Gemeinschaft et la Gesellschaft permet de mettre en
lumière les différences entre la société traditionnelle et la
société moderne. Cependant, distinguer, c’est davantage
constater, qu’expliquer. Le travail de Tönnies permet de
saisir les changements qui se sont produits, mais ne
parvient pas à appréhender les raisons qui ont favorisé la
transition. Le passage à la modernité a fait l’objet de
plusieurs réflexions et tentatives de justification. Il a donné
lieu à des théories explicatives dont les plus importantes
furent probablement proposées par Marx et Weber.
Karl Marx
Regarder le passé nous amène souvent à l’idéaliser. Le
portrait de la société traditionnelle que nous venons de
dresser peut donner l’image d’une société tissée serrée, où
la communication directe semble au centre de tout, comme
un monde idéal où tout le monde se comprend et les
inégalités sont inexistantes. Par contre, si les choses ont
changé, c’est peut-être parce qu’elles n’étaient pas aussi
idéales qu’elles le laissent paraître. Marx fonde son analyse
de la société sur la base de critères économiques. Il expose
«  la pérennité des luttes sociales, les nombreuses révoltes
d’esclaves dans les sociétés esclavagistes, les nombreuses
jacqueries (révoltes paysannes) qui ont traversé tout le
Moyen Âge européen ainsi que la Révolution française qui
montre bien l’existence d’antagonismes de classe
profonds  »179 dans la société traditionnelle. Les idéaux
qu’elle véhicule ne sont que des leurres pour Marx. Il
reconnaît d’ailleurs explicitement comme bénéfiques les
apports faits par la société moderne. Pour lui, cette
dernière constitue un saut en avant. Elle chambarde et
ébranle toutes les fondations. Elle offre de nouvelles
possibilités au niveau social et économique. D’entrée de
jeu, elle est plus démocratique et favorise l’émancipation
des individus. Cependant, la société moderne pourrait être
encore meilleure si elle ne maintenait pas des
contradictions et des oppositions entre les classes. La
société moderne que Marx a observée est
« intrinsèquement biaisée et elle ne sert que les intérêts de
la couche privilégiée de la population aux dépens des
autres »180. C’est pourquoi Marx souhaite le développement
d’un esprit de solidarité afin de lutter contre les inégalités
et la pauvreté. Le socialisme de Marx constitue un appel à
travailler ensemble pour créer un corps normatif qui
permettrait l’érection d’une société fondée sur l’idéal des
Lumières.
«  Contre les Lumières, Marx aurait pu dire  : “Pourquoi
prôner philosophiquement la libération de l’homme des
tutelles d’autorités hétérogènes, si par ailleurs vous
permettez politiquement que l’homme croupisse
enchaîné dans la société? En fait, à quoi bon avoir
chassé les autorités hétérogènes de nos têtes, si vous
acceptez que les forces hétérogènes brisent et aspirent
toute forme d’humanité dans la chair même des
hommes, des femmes et des enfants?” »181
En somme, Marx critique le maintient d’une lutte entre
les classes sociales dans le passage de la société
traditionnelle à la société moderne. Il propose en revanche
des changements normatifs et législatifs qui permettraient
concrètement «  la transformation de l’État de droit à
caractère libéral et restreint à un État de droit et de bien-
être de type démocratique »182. Ce que Marx suggère est un
retour à la source, un retour au sujet. En effet,
fondamentalement, « [l]e Droit est le terrain intermédiaire
sur lequel les sujets se rencontrent dans la poursuite des
droits, une sphère de résolution des contestations entre
sujets. L’essence du Droit est la relation entre sujets et
droits. »183 Pasukanis reprendra plus tard ce filon marxiste
et consacrera le sujet comme l’atome de toute théorie
juridique184. Le nouvel État de droit démocratique ainsi
souhaité ne peut être légitime «  que [si] son élaboration
résulte d’une égale participation de tous les citoyens à la
discussion qui doit présider à son adoption »185, c’est-à-dire
qu’il se bâtit sur l’idéal d’une intersubjectivité  : Quod
omnes tangit, ab omnibus approbari débet186.
Max Weber
Sociologue postmarxiste, Weber élargit son analyse à des
facteurs autres qu’économiques. Il ne rejette pas les
analyses de Marx, mais il les étoffe en affirmant «  que les
formes de rationalités peuvent jouer un rôle tout aussi
déterminant que les contradictions économiques  »187. Les
formes de rationalités constituent les raisons de l’existence
d’une organisation, les motivations qui poussent une
société à s’organiser ; ce qui la justifie. Les sociétés sont
constituées d’une variété de formes de rationalités. Aucune
d’elles n’est fondée exclusivement sur une seule rationalité
bien définie.
« [L]e capitalisme n’est qu’un aspect d’un processus de
développement rationalisant plus général. La recherche
scientifique rationnelle pratiquée par un corps de
spécialistes, la bureaucratie rationnelle, pierre
angulaire de l’État moderne, la musique
rationnellement harmonieuse, une doctrine juridique
rationnelle, l’organisation rationnelle de l’entreprise
avec une comptabilité rationnelle et basée sur
l’existence du travail formellement libre – voici selon
[Weber] des exemples d’un rationalisme spécifique,
particulier à la civilisation occidentale. »188
La société traditionnelle est profondément marquée par
une rationalité religieuse méticuleusement structurée et
organisée. Elle s’impose à toutes les autres formes de
rationalités. Elle est constamment la source de tensions et
de conflits : c’est la transcendance divine. « Dans la mesure
où l’homme moderne a cessé de croire aux puissances
magiques, le monde a été démystifié ou, dans la
terminologie de Weber, “désenchanté”.  »189 Le
désenchantement permet à d’autres formes de rationalités
de prendre du galon. La société moderne s’organise
dorénavant autour d’une rationalité bureaucratique précise
Weber. Au fur et à mesure que l’État prend de l’expansion
dans la société moderne, la rationalité bureaucratique
l’accompagne. La bureaucratie n’admet pas l’exception par
essence. Les cas particuliers ne trouvent pas preneur dans
ce mode d’organisation. Le bureaucrate est un automate. Il
doit toujours être objectif. La bureaucratie dans la société
moderne fait de tout un chacun un élément commun et
interchangeable, mais paradoxalement, la société moderne,
c’est aussi la reconnaissance des rationalités personnelles
et de l’individualisme.
«  L’individualisme signifie que la rationalité de chacun
sera désormais valorisée, que chacun sera désormais
appelé à exposer ses raisons et raisonnements et à les
défendre contre autrui. L’individualisme signifie que la
société devra désormais s’organiser en fonction de la
libre expression de chacun, c’est-à-dire en fonction du
suffrage universel, du débat parlementaire, de l’enquête
scientifique, de la volonté populaire. Cela signifie que la
bonne société sera désormais celle qui respecte
l’individu. »190
Comment est-il alors possible d’objectiver, d’ordonner ou
d’organiser une société fondée sur l’hyper subjectivité de
ses membres  ? C’est là la grande question qui nous anime
depuis l’avènement de la modernité. Concilier l’ordre social
et l’autonomie individuelle constitue encore un défi au XXIe
siècle.

SOCIÉTÉ DE COMMUNICATION
Tönnies, Marx et Weber usent de moyens différents et
choisissent des angles d’approches dissemblables afin
d’expliquer le passage de la société traditionnelle à la
société moderne. Quoique Tönnies décrive plus qu’il
n’explique, les études des trois auteurs reconnaissent «  la
disparition de la transcendance divine propre à la société
ancienne et son remplacement par le débat public propre à
la société moderne  »191. La religion implique une
soumission à tout ce qui est divin. Elle est déterminante et
teinte tous les aspects de la société traditionnelle. La
religion offre une réponse à tout et contient toutes les
justifications. «  [Elle] est l’ombre portée sur le réel.  »192
C’est la religion qui est derrière le concept de Roi de droit
divin et qui a assuré le pouvoir des grandes familles
pendant des générations. Le Roi siège sur un trône parce
qu’il est l’élu de Dieu ; l’ordre social est tel parce que Dieu
l’a souhaité ainsi. Il est inutile de chercher à comprendre la
volonté divine dans un système fondé principalement sur
une rationalité religieuse et divine, il ne suffit même pas de
l’accepter ou d’y croire, mais simplement de s’y conformer.
La transcendance divine s’éclipse
Les liaisons sociales, jusque-là fondées sur la religion,
tombent avec l’avènement de la société moderne. Elles sont
dorénavant construites sur la base d’une intersubjectivité
discursive, car la «  religion ne fournit plus le cadre
obligatoire, structurant tant la société dans son ensemble
que l’expérience des individus  »193. Les divinités, le
mystique et la magie ne sont plus acceptés aveuglément.
En positionnant le moteur de l’histoire dans la lutte des
classes, Marx découvre que « l’ordre social et humain n’est
plus donné par la volonté divine, mais par l’action humaine.
C’est également ce que souligne Weber avec le concept de
rationalité.  »194 La religion n’est pas reléguée aux
oubliettes, mais elle est à tout le moins relativisée et ses
implications sont atténuées. Les théories wébériennes font
de la rationalité religieuse une manière parmi d’autres
d’organiser l’ordre social. La transcendance divine
s’éclipse dans la société moderne. Le monde est
désenchanté et la croyance ancienne fortement
hiérarchisée, fixée et rigide, qui assurait l’ordre social et
humain, est mise au rancart au profit d’une raison humaine
négociée.
L’importance croissante accordée à la voix du peuple (vox
populi) au détriment de la voix de Dieu (vox Dei) dans les
affaires de la société constitue un des éléments majeurs de
la transformation engendrée par les Lumières. Ce passage
du coq à l’âne195 impose un changement drastique de
perspective, car la voix de Dieu provient d’un lieu qui se
situe au-delà des hommes alors que la voix du peuple prend
naissance en chacun de nous. Le rapport des hommes à
l’ordre social et à l’autorité subit un renversement. C’est
pourquoi le passage de la société traditionnelle à la société
moderne ne s’effectue pas dans la continuité ni dans
l’évolution naturelle des choses, mais bel et bien dans la
révolution. Il faut dorénavant aborder les choses
autrement. Il faut consulter tout le monde.
Le débat public s’installe
La religion a réponse à tout dans la société traditionnelle.
Elle semble avoir tout compris et tout prévu. Elle a ses
droits et ses devoirs, ses lois et ses interdits. En mettant la
religion à l’index, l’homme ne peut désormais compter que
sur lui-même dans la société moderne. Tout doit passer par
la discussion et le consensus. De plus, il doit lui-même
mettre en place les structures qui permettront d’engendrer
le débat. Les lois doivent recevoir l’assentiment de tous
pour trouver la légitimité nécessaire pour s’appliquer et
s’imposer. Guidés par leur raison individuelle, les membres
de la société doivent parvenir à une entente ; à une forme
de grand contrat social. Le moyen qu’ils ont de s’entendre
réside dans leur capacité individuelle de discourir et
d’argumenter, c’est-à-dire de communiquer, «  comme si la
communication devenait la condition normative de
fonctionnement, ou plutôt de cohabitation des sociétés »196.
Un grand débat public s’installe et prend la place de la
transcendance divine. «  Les sociétés modernes dépendent
pour leur organisation, leur fonctionnement et leur survie
des modalités, conditions et possibilités de
communication.  » 197
Les sociétés modernes sont des
sociétés de communication.
SOCIÉTÉ DE DROIT
Inversement, pour que la communication puisse s’imposer
comme une valeur inéluctable dans tous les rapports
sociaux, « il faut une société mobile, ouverte, tournée vers
le changement, qui privilégie l’initiative, sépare le religieux
du politique et du militaire, reconnaisse la singularité et
l’égalité des sujets, le droit à s’exprimer, la liberté
d’opinion, et finalement le pluralisme politique  »198. Cette
société ouverte et mobile, voire démocratique, doit être
fondée sur des principes dialectiques et juridiques. Il s’agit
de la «  situation d’une société dont le comportement des
membres est soumis à un ensemble de règles
juridiques  »199. Les sociétés modernes sont aussi des
sociétés de droit.
Nul ne peut prétendre être au-dessus des lois dans une
société de droit moderne. Nous sommes bien loin du
concept de Roi de droit divin qui prête au détenteur du
pouvoir la possibilité de se soustraire aux lois en se
prétendant être l’élu de Dieu. Si des immunités sont encore
reconnues, elles ne le sont que partiellement et
spécifiquement. Elles ne sont jamais absolues. Elles ont
simplement comme objectif de rendre plus efficace le
travail des représentants des peuples (élus et diplomates).
Le droit n’est pas une invention de la modernité. Les
sociétés de droit modernes se distinguent cependant par
l’adhésion à un principe nouveau, celui de la primauté du
droit.
La primauté du droit – l’exemple canadien
Le Québec et le Canada sont des sociétés de droit, c’est-à-
dire, des états «  dont le système de gouvernement est
soumis à la primauté du droit »200. Cela signifie que tous les
organes des gouvernements, leurs membres, y compris les
dirigeants, sont soumis au droit positif québécois et/ou
canadien. Non seulement ils y sont soumis, mais c’est tous
leurs pouvoirs qui en découlent. En d’autres mots,
l’autorité et les pouvoirs reconnus aux administrations
publiques québécoises et canadiennes viennent du droit (de
la Constitution canadienne), et non de leur propre force. Au
Canada, la fonction exécutive est hiérarchiquement
inférieure aux fonctions législatives et judiciaires. Ce
principe de la primauté du droit peut être désigné
également sous le nom de «  principe de légalité  » ou
encore par l’expression « État de droit »201.
Le Parlement canadien rassemble tous les députés élus
après une élection. Ces derniers sont les représentants du
peuple. Reconnaître la suprématie du Parlement permet de
s’assurer que rien ni personne n’est au-dessus du peuple et
par voie de conséquence, que le peuple ne peut être soumis
qu’à lui-même. «  Le seul gouvernement légitime d’un pays
est celui qui a été choisi par la libre volonté du peuple de
ce pays; c’est la fameuse volonté générale  »202 qu’on
retrouve chez Rousseau et Locke. La volonté générale
reconnaît un pouvoir aux dirigeants de contraindre le
peuple qui demeure néanmoins maître de sa destinée. Ce
principe a reçu l’appellation de «  Rule of Law  » en anglais
et se veut l’antithèse du pouvoir personnel ou de
l’arbitraire. Il ne faut pas confondre l’arbitraire et le
discrétionnaire. «  Alors que l’arbitraire permet d’agir à sa
guise, le discrétionnaire laisse une marge de jeu tout en
faisant l’objet de limites.  »203 Le pouvoir est balisé. Le
gouvernement dirige dans les limites et avec la latitude qui
lui est expressément reconnue. Ses actions sont encadrées
et peuvent être sanctionnées.
La plus haute instance judiciaire du Canada reconnaît
quatre grands principes corollaires à la primauté de la
légalité. Le premier de ces principes consiste à reconnaître,
avant toute chose, l’existence d’un droit. Nous reviendrons
sur cet élément un peu plus loin. Le deuxième principe est
celui de la clarté, c’est-à-dire que l’attribution du pouvoir
doit être claire et identifiable. Les textes législatifs doivent,
de manière expresse, spécifier le pouvoir et ses limites.
Troisièmement, l’utilisation du pouvoir doit se faire sans
discrimination. La Charte canadienne des droits et libertés
est d’ailleurs enchâssée dans la Constitution canadienne.
Tous les tribunaux ont la capacité de sanctionner un
comportement qui serait fautif ou contraire à l’esprit de la
Charte. Cette possibilité de sanction constitue le quatrième
et dernier principe corollaire à la primauté de la légalité au
Canada. Reprenons maintenant le premier de ces principes,
celui qui évoque, au préalable, la nécessaire
reconnaissance de l’existence d’un droit.
« La Cour suprême a eu l’occasion de rappeler ce sens
premier de la primauté du droit en 1985, après avoir été
amenée à juger inconstitutionnelles à peu près toutes
les lois de la province du Manitoba. En raison du
principe constitutionnel de la primauté du droit, elle a
alors décidé que toutes ces lois, malgré leur invalidité,
allaient devoir continuer de recevoir pleine application
sur le territoire. À défaut de quoi une situation plutôt
anarchique eut risqué d’être engendrée. Aux yeux de la
Cour, l’ordre minimal que requiert la primauté du droit
peut donc parfois nécessiter, paradoxalement, la mise
en œuvre de normes n’ayant aucune valeur
juridique. »204
Ce que dit essentiellement la Cour Suprême du Canada
est «  simplement que l’anarchie est tout le contraire du
règne du droit. […] Avant d’être une limite ou une
contrainte à l’État, la primauté du droit postule l’existence
de l’État. »205 Si nous voulons être en mesure de parler de
la primauté du droit, il faut qu’il y ait d’abord un minimum
d’ordre, voire un minimum d’État206.

D’une rencontre avec Tzvetan Todorov207 – sur


une implication mutuelle
L’ordre social n’est plus donné dans la société moderne
comme c’était le cas dans la société traditionnelle. La
transcendance divine a laissé la place à une raison humaine
négociée. L’ordre social doit donc naître d’un grand
dialogue de tous contre tous208. Il doit faire l’objet d’une
discussion et d’un consensus, d’une grande négociation
sociale dans laquelle chacun doit avoir la possibilité de
s’exprimer en toute liberté si nous voulons que l’ordre
social reflète avec justesse la volonté générale du peuple.
En fait, c’est toute la structure organisationnelle de la
société moderne qui doit dorénavant faire l’objet de
pourparlers. Il est essentiel que chacun puisse avoir son
mot à dire sur ce qui le touche. Cette grande causerie
moderne prend forme dans et grâce à la communication.
Cela nous amène à penser que ce qui permet à la société
moderne de se doter d’une structure et d’un ordre social
doit inévitablement passer et être pensé par le biais de la
communication.
Le principe de la légalité que nous venons d’aborder
trouve la légitimité pour s’appliquer dans une société de
droit parce qu’il est le résultat de la volonté générale; des
volontés individuelles communiquées et négociées. Or, la
communication nécessaire pour l’érection de telles assises
axiomatiques dans la société n’est possible que si elle est
méticuleusement organisée et ordonnée, voire
juridiquement orchestrée. L’État de droit offre le cadre
institutionnel essentiel qui permet l’exercice de la
communication libre et raisonnée requise par la société
moderne.
« Pour qu’il y ait communication entre les membres d’un
groupe, il faut qu’il y ait une communauté. Or dès qu’il y
a communauté, il y a des règles de vie en commun, et
ces règles sont codifiées dans ce que nous appelons le
droit. Alors d’une certaine façon, le droit ne peut pas se
passer de la communication et la communication ne
peut pas se passer du droit, mais, l’une ne règle pas,
n’est pas la cause de l’autre, n’a pas de préséance sur
l’autre. C’est plutôt une implication mutuelle, de
solidarité qui est liée au fond, fondamentalement, à leur
caractère social. C’est le fait que, l’un comme l’autre,
présuppose une communauté humaine. »209
Communiquer, c’est être libre, mais c’est aussi
reconnaître l’autre comme son égal par le biais de
l’institution qui nous lie. La communication est possible
parce qu’elle postule à quelque chose de commun, à la
présence d’un cadre collectif minimal. La langue est un
cadre commun à partir duquel toute communication est
possible. Si nous n’avions pas une langue en commun, nous
ne pourrions pas communiquer. Cependant, la langue est
seulement un exemple. Le droit français constitue un cadre
commun à tous les citoyens de la France. Le cadre commun
peut prendre différentes formes, mais l’important demeure
qu’il faut qu’il soit partagé par tous les membres du
groupe. Le droit ne permet pas en soi de communiquer,
mais il constitue «  une sorte de contexte idéologique qui
permet de comprendre quel sens nous mettons dans les
mots, dans les concepts et dans les outils dont nous nous
servons »210. Chacun partage le même cadre commun et par
le biais de la langue (qui est aussi un cadre commun
partagé), nous parvenons à le communiquer. Le droit et la
communication s’influencent et se présupposent
mutuellement et instantanément de sorte que toute
tentative de déterminer lequel des deux aurait préséance
sur l’autre se perdrait en conjectures.
SOCIÉTÉ JURIDICOMMUNICATIONNELLE
Alors, d’un côté, il y a la communication comme élément
essentiel à la société ouverte de la modernité et, de l’autre
côté, il y a un cadre démocratique et juridique, tout aussi
indispensable qui permet la réalisation de la
communication. Parler de la société moderne, c’est parler à
la fois d’une société de droit et d’une société de
communication  ; c’est parler d’une société
«  juridicommunicationnelle  ». Nous avons ajointé les
expressions « juridique » et « communicationnelle » afin de
former ce néologisme et marquer du même coup, le
caractère d’implication mutuelle et d’interdépendance du
droit et de la communication  ; la coalescence des tissus
organiques de la société moderne. Cette solidarité
intrinsèque vient du fait que l’un et l’autre présupposent
toujours une communauté humaine. Ce n’est que parce
qu’ils sont ensemble et parce qu’ils sont soudés, qu’ils
parviennent à ériger des structures organisationnelles ou
des montages étatiques qui tiennent compte de la
subjectivité humaine.
Une théorie qui porte sur la société moderne doit
inévitablement comporter deux volets si elle souhaite
expliquer efficacement comment elle parvient à
«  s’organiser en fonction d’une subjectivité
individualiste  » . Elle devra présenter concomitamment
211

une théorie de l’organisation sociale (droit) et une théorie


de la subjectivité humaine (communication), chacune se
fondant sur l’autre. Il ne s’agit même pas de choisir, de
donner préséance au premier ou au second, mais plutôt de
constater que le droit et la communication pratiquent des
échanges incessants et constants et qu’il faut trouver le
moyen de concilier les deux. Tout est une question
d’équilibre. L’idée d’une société juridicommunicationnelle
qui serait fondée sur le modèle d’un tribunal permet de
rappeler, voire d’imposer un nécessaire traitement conjoint
du droit et de la communication dans l’analyse de nos
sociétés contemporaines.
La démocratie et le totalitarisme
Nous pouvons définir la démocratie comme un régime
politique dans lequel c’est le peuple qui détient le véritable
pouvoir. Un État démocratique s’organise de manière à
permettre au peuple de modeler et de modifier les règles
sociales par le biais de ses représentants. C’est un système
qui permet à la volonté générale de s’exprimer. Cependant,
pour qu’un régime démocratique soit viable, le principe de
l’autonomie collective doit être limité par celui de
l’autonomie individuelle. Il faut faire passer la différence,
séparer l’un l’autre, créer un écart. Une démocratie sépare
habituellement les affaires de l’État et celles de la Religion.
Cela n’empêche pas de croire ni de pratiquer les rites
religieux, mais c’est dans la sphère individuelle de chacun
que cela doit se faire. «  La démocratie est un régime
laïque, non athée. »212 Cette séparation entre le privé et le
public est saluée par certains et critiquée par d’autres. Ces
derniers voient là une explication à l’affaiblissement du lien
social dans les régimes démocratiques et de la
détérioration du tissu social commun. La crainte réside
dans le fait que laissé à lui même, l’individu d’un régime
démocratique serait tenté de créer son propre système de
valeurs sans se soucier des autres. Seulement, la
démocratie n’est pas une anarchie. Elle a des limites qui
sont apportées par son corollaire : le droit.
L’histoire, encore récente, démontre que des régimes
politiques ont émergé en faisant la proposition de remédier
à ces prétendues lacunes de la démocratie. Leurs
instaurations furent cependant impossibles sans la mise en
place d’actions politiques radicales qui menèrent à la
création d’états totalitaires. Il n’est plus question de « je »
(autonomie individuelle) dans ces régimes totalitaires. Tout
est désormais fonction de «  nous  » (autonomie collective).
«  Logiquement, le grand moyen pour assurer cette
autonomie (collective), le pluralisme, est écarté à son tour
et remplacé par son contraire, le monisme.  »213
L’individualité de chacun doit être transportée dans l’unité
commune de « sorte que chaque particulier ne se croit plus
un, mais partie de l’unité, et ne soit plus sensible que dans
le tout »214. Le « moi » de chacun ne représente plus rien à
lui seul. Il ne trouve une finalité que dans le groupe. Rien
n’est épargné. Tous les secteurs de la vie sont touchés. Les
croyances, les goûts et les amitiés doivent être conformes à
la norme publique et à l’opinion du parti au pouvoir qui
« contrôle dorénavant aussi bien la vie publique que la vie
privée des gens  »215. Une divergence d’opinions avec les
autorités peut avoir des conséquences fatales pour les
dissidents. Les états totalitaires vont aller jusqu’à rétablir
une unité théologico-politique. Ils vont se construire tel un
dogme, sur la base d’une vérité incontestable et un idéal à
atteindre. L’état totalitaire est vertueux et impose la
soumission et la croyance.
«  Le totalitarisme contient une promesse de plénitude,
de vie harmonieuse et de bonheur. Il est vrai qu’il ne la
tient pas, mais la promesse reste là, et on peut toujours
se dire que la prochaine fois sera la bonne et qu’on sera
sauvé. La démocratie libérale ne comporte pas de
promesses semblables  ; elle s’engage seulement à
permettre à chacun de chercher par soi-même bonheur,
harmonie et plénitude. Elle assure, dans le meilleur des
cas, la tranquillité des citoyens, leur participation à la
conduite des affaires publiques, la justice dans leurs
rapports entre eux et avec l’État  ; elle ne promet
nullement le salut. »216
Le besoin de dogme
Il ne faudrait pas croire que la démocratie naît pour
autant d’une acceptation résignée du monde tel qu’il est.
La démocratie travaille elle aussi pour un monde meilleur.
Elle est empreinte du même désir de changer les choses,
mais elle ne va pas jusqu’à déifier la Raison comme dans
les régimes totalitaires. L’utopie démocratique existe. Elle a
le droit d’exister, mais elle ne doit pas s’imposer par la
force, ici et maintenant. La solution démocratique repose
dans la séparation de l’ordre social des structures de l’état
et non dans l’élimination de l’autonomie individuelle au
profit de la collectivité. Quand le Christ a dit que son
royaume n’était pas de ce monde217, il ne voulait pas dire
que son royaume n’existait pas, mais qu’il était présent
dans l’esprit de tout un chacun. La démocratie ne mène pas
au paradis sur terre. «  Elle ne satisfait pas le besoin de
salut ou d’absolu  ; elle ne peut pour autant se permettre
d’en ignorer l’existence. »218 En effet, le besoin de dogme a
été trop souvent mis de côté dans la société moderne. «  Il
n’est pas niable en effet que l’État – tout État – a besoin, au
cours de sa constitution comme dans toute son histoire,
d’un ensemble de croyances qui servent de ciment et de
fédérateur à sa légitimité d’État.  »219 Le dogmatisme est
très souvent associé à la société traditionnelle et à la
transcendance divine qu’il évoque. Or, «  l’attitude
contemporaine reconnaît implicitement que la dogmaticité
recouvre un phénomène obscur et compact, touchant aux
pouvoirs de la parole aussi bien qu’à l’enjeu de Raison ou
de dé-Raison dans la communication humaine »220.
Les dogmes se retrouvent dans tous les États, car aucun
État ne peut prétendre exister sans la présence d’un
minimum de croyances fondatrices. En d’autres mots et à
degrés variables, tous les États sont en partie fondés sur
des dogmes.
CHAPITRE 2 – INSTITUTION ET
CODIFICATION
« On n’est pas fou quand on trouve un système qui vous
sauve.
On est rusé comme l’animal qui a faim.
La folie, ça n’a rien à voir.
C’est le génie, ça. La géométrie. La perfection. »

Alessandro BARICCO
Novecento : pianiste

Pascal ÉLIE
Aux marches du palais
Journal du Barreau du Québec (2006)

PIERRE LEGENDRE – DE LA DIGNITÉ À LA


VÉRITÉ (EN PASSANT PAR L’INSTITUTION)
Vérité  ! Voilà le mot clé qu’il faut retenir lorsqu’il est
question de l’œuvre de Legendre. Pour l’illustre professeur
français, la vie en société fonctionne sur un fond de Vérité.
«  Seulement, cette Vérité nous l’ignorons, elle fonctionne
sans être sue.  »221 Toute organisation se développe selon
une «  idée de l’œuvre à réaliser  »222 et fonctionne dans la
manœuvre de quelque chose qui paraît adéquat. Legendre
emploie le mot «  Axiome  » pour désigner cette évidence
sociale «  fondatrice d’effets qui touchent précisément à la
corde sensible de ce que nous appelons dignité  »223. La
dignité humaine joue le rôle de l’arbitre dans les rapports
entre les hommes. Elle agit comme une référence qui
permet de se rapprocher du vrai. «  [E]lle représente le
point de référence ontologique de ce qui est permis ou
interdit à l’homme en tant qu’unité idéale de son
espèce.  »224 C’est la Référence avec une majuscule.
«  Préserver sa dignité, c’est agir en conformité avec les
seuls principes et maximes acceptés par le sujet.225 »
La dignité humaine comprend deux volets, le premier est
existentiel (individu) et le second est personnel (sujet et
personne). Le volet existentiel empêche de réduire la
personne au-dessous de son statut d’être humain.
«  L’homme est comme existence dans le monde,
indépendamment des perceptions subjectives des autres.
[Sa] réalité ontologique s’affirme au-delà des
représentations des autres agents rationnels.  » 226
Le point
de départ de ce volet est l’élan de l’homme qui a permis le
passage d’un état primitif au « statut privilégié de la nature
humaine de pouvoir se modeler et se façonner selon sa
liberté de choix »227. Le deuxième volet de la dignité, celui
personnel, concerne la condition humaine placée dans un
ordre sociopolitique. La dignité du second volet fait autant
référence au « mérite public d’un homme, qui est la valeur
que l’État lui reconnaît  »228 qu’à la liberté d’action de
l’homme ou au concept d’autonomie chez Kant, c'est-à-dire
à sa capacité à penser l’universel. « La dignité personnelle
est celle qui fait de l’individu anonyme une personne
éponyme [sujet identifié]. Je deviens éponyme face au
visage du prochain qui engage ma responsabilité
personnelle. »229 Ainsi, parce que je suis imputable de mes
actions, je deviens alors libre de celles-ci. Cette
responsabilité est par ailleurs réciproque. Elle sous-entend
une obligation absolue qui est celle de respecter l’autre en
tant que personne concrète qui trouve elle aussi sa place
dans l’environnement social. Nous sommes le fruit d’un
partage. L’institution, en l’occurrence l’État, me reconnaît
et reconnaît l’autre. Mutuellement, nous nous
reconnaissons aussi. «  On devient responsable du
dommage parce que, d’abord, on est responsable
d’autrui.  »230 Cette reconnaissance mutuelle est à la base
du concept de responsabilité qui régit par ailleurs tout le
droit des obligations.
« La dignité personnelle concerne dès lors les relations
intersubjectives dans une société démocratique où la
justice est définie en relation avec autrui (scésis pros
héteron). L’hétéros, autrui, est l’autre concret, le
prochain, celui qui se présente comme créancier,
demandant ce qui est le sien, mais qui, en le
demandant, reconnaît en même temps ma relation avec
lui, et, par là, les éventuels devoirs qu’il a envers moi.
Dans ce jeu de rôles, on est à la fois créancier et
débiteur. »231
La dignité, du latin dignitas, a de particulier qu’elle ne
meurt pas (dignitas non moritur). « Elle est à la base de la
personnalité qui imprime les qualités de l’homme dans
l’éternité du devenir.  »232 Traduit par Legendre, cela
signifie que l’Axiome ne meurt pas non plus. «  Il pose la
vérité, il la décide, par une proposition comportant sa
propre démonstration.  »233 Ainsi auto démontrée, cette
vérité qui relève de l’absolu se retrouve transposée en vrai
par cette évidence sociale. Elle s’élève au-dessus de tout.
Le quelque chose qui paraissait adéquat au départ prend
l’allure d’une vérité déifiée.
«  Aucun État, pas même ceux qui se proclament
absolument laïcs, ne saurait se maintenir sans mobiliser
un nombre de croyances fondatrices, qui échappent à
toute démonstration expérimentale et déterminent sa
manière d’être et d’agir. De même que la liberté de
parole et la possibilité de communiquer n’y seraient pas
possibles sans la dogmaticité de la langue, de même les
hommes ne pourraient y vivre librement et en bonne
intelligence sans la dogmaticité du Droit. »234
Tous les États se développent ou fonctionnent dans la
manœuvre d’une vérité déifiée. D’abord sacralisée, elle
sera par la suite ritualisée au sein de montages étatiques et
juridiques. L’objectif de ces montages «  consiste à
administrer la vérité, à la gérer, à l’infliger aux sujets
humains parlants et désirants qui composent l’humanité en
proie à la reproduction en chaque système
d’organisation.  » 235
Le dogme constitue l’inévitable
Référence à la Vérité à laquelle nous ne pouvons nous
soustraire d’aucune façon. Nous y sommes soumis
inconsciemment. À notre insu, nous sommes le fruit des
montages d’une culture ou d’un amalgame de plusieurs
cultures. Ces montages que nous qualifions de «  vrai  »
permettent de nous rapprocher de la vérité absolue, de ce
que nous nommons le « vraisemblable », mais toujours sans
pouvoir l’atteindre. Plus vrai que le vrai, le vraisemblable
est intouchable. Fondamentalement et instinctivement,
c’est pourtant lui qui nous tient en concert et qui assure la
cohésion et l’harmonie dans le groupe. C’est en jouant
ensemble et en s’appuyant l’un sur l’autre que le vrai et le
vraisemblable nous font avancer dans notre quête de
connaissances. «  Quant à savoir le vrai sur le vrai, nous
pouvons toujours courir. »236 Nous vivons dans un mythe de
Sisyphe, une situation absurde et répétitive, un véritable
dédale kafkaïen dans lequel nous aurons souvent
l’impression de perdre notre temps à chercher comme « le
perd celui qui cherche la trace de l’oiseau dans l’air ou
celle du poisson dans l’eau.  »237 Cependant, c’est cette
action de chercher, cette quête perpétuelle de la Vérité qui
parvient à donner un sens à la vie. «  La lutte elle-même
vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut
imaginer Sisyphe heureux. »238
Les montages dogmatiques
Parmi les montages qui nous laissent miroiter la
possibilité de la Vérité et d’un absolu, il y a l’ensemble
institutionnel étatique, le «  montage légal, du corpus au
sens juridique, représentable métaphoriquement par un
Sujet géant que nous nommons l’État »239. Il s’agit là d’une
figure symbolique qui s’apparente à celle du Léviathan de
Hobbes et non pas à celle d’une figure diabolisée digne
d’une époque foucaldienne. L’État permet de personnifier le
pouvoir  ; de dessiner une figure à ce flou absolu qui nous
anime et nous dirige. Il donne un visage au peuple qui
commande. «  La personnification se produit parce que les
manifestations de communion des membres du groupe sont
des crises subjectives dans lesquelles l’idée directrice de
l’État passe elle-même à l’état subjectif dans les
consciences des sujets. »240 L’État permet de se représenter
ce qui nous mène. « Le premier sens du verbe représenter
est rendre présent, rendre sensible.  »241 Bien que la
représentation soit possible, les symboles ne parviennent
pas à saisir complètement cette vérité auto démontrée. Son
explication relève de l’impondérabilité. La Vérité est
imprévisible et insaisissable contrairement à la
représentation de la Vérité qui est malléable et altérable.
La Vérité et la représentation de la Vérité ne seront jamais
l’équivalent l’une de l’autre. Il demeurera toujours un jeu,
un écart. Ici, représenter ne signifie pas substituer. Cela
dit, aucune société ne peut faire l’économie d’un tel
système de représentation. «  Si l’on recherche l’absolu
incarné à l’état pur, on se trouve confronté à la mort et au
néant »242. Or, nous sommes bien vivants et nous voulons le
demeurer. C’est pourquoi nous mettons en place un
système qui nous sauve  ; un système qui tend à la Vérité
sans nous faire traverser de l’autre côté. «  [I]l ne peut y
avoir de système institutionnel qui ne fonctionne au nom
de. Pour obtenir cet au nom de, des montages complexes
agencent […] la représentation, la mettent en œuvre et lui
permettent de produire ses effets subjectifs et sociaux. »243
Le droit est un système de représentation qui donne des
formes à la Référence d’un peuple et qui lui permet d’agir
sur lui même en fonction de lui même.
« Une institution est une idée d’œuvre […] qui se réalise
et dure juridiquement dans un milieu social; pour la
réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise qui lui
procure des organes; d’autre part, entre les membres
du groupe social intéressé à la réalisation de l’idée, il se
produit des manifestations de communion dirigées par
les organes du pouvoir et réglées par des
procédures. »244
Une fois qu’elle est en place, l’institution n’a plus à se
justifier. «  Une Légalité, pour fonctionner, suppose la
communication sociale dans la méconnaissance.  »245 Il
s’agit d’une Référence dogmatique. La seule exposition de
la Référence suffit puisque sa compréhension est
inconsciente aux sujets. Les ordres juridiques étatiques
sont les moyens de la dogmaticité. «  Ce ne sont pas les
commandements du pouvoir, au moment où ils sont
produits comme des actes, qui sont acceptés par le peuple.
Ce n’est même pas le pouvoir en soi qui est accepté, c’est
l’institution politique au nom de laquelle le pouvoir
commande. »246
La Nation
Une religion renvoie toujours à quelque chose de plus
grand que soi; à une présence au-dessus de nous. Cette
instance immatérielle implique corollairement l’adhésion à
un ensemble de valeurs et de croyances. Les sujets de
dévotion et les rites religieux peuvent varier parce que les
religions sont multiples. Elles se conjuguent au pluriel,
mais elles ont toutes en commun l’élévation d’un dogme en
principe absolu. La dogmatisation des croyances et des
valeurs est le propre de toutes les religions. De tout temps,
elles ont développé une dilection et un rapport privilégié
avec le Sacré. «  La religion a été, est souvent encore une
cosmologie, une morale, un ciment communautaire, un
fondement de l’État et de la politique.  »247 Cependant, il
s’est produit un changement drastique lors du passage de
la société traditionnelle à la société moderne. Les Lumières
ont causé une onde de choc dans les relations sacro-
étatiques. Les références au divin ont opéré une mutation.
Le Sacré n’a pas été éliminé pour autant. Il est demeuré
présent sauf qu’il a trouvé de nouveaux fondements dans
des valeurs complètement humaines. Il est passé d’un
corps céleste à un corps terrestre. Il a subi une
métempsychose, une petite mort suivie d’une résurrection
ou d’une réincarnation.
La mort de la religion comme unique fondateur du lien
social permet l’émergence de nouveaux corps collectifs
dédiés à un absolu terrestre. Le prolétariat et le socialisme,
la race aryenne et le nazisme, avec des images d’un régime
politique idéal se sont avérés effrayants, voire terrifiants.
Leurs destins tragiques ont laissé finalement toute la place
à un cadre fondé sur la volonté générale qui tient compte
paradoxalement des autonomies individuelles alors
promues au rang d’absolu. Il est pourtant paradoxal de
parler d’un absolu individuel. Par définition, «  l’absolu
devrait valoir pour tous; s’il n’est bon que pour un individu,
il lui reste relatif  »248. Cette contradiction fait l’objet de
débats depuis près de trois siècles. La célèbre année 1789
est cependant plus marquante que d’autres dans tout ce
long processus d’émancipation des individus. La Révolution
française a cherché non seulement à renverser la
monarchie, mais elle s’est attardée en plus à modifier le
fondement même de l’État français. En transférant le
pouvoir dans les mains du peuple, elle est venue le modifier
absolument. « Mettre les Droits de l’homme à la place de la
Bible n’est pas simplement substituer un texte à un autre,
c’est aussi déclarer au vu et au su de tous qu’un absolu
terrestre a remplacé l’absolu céleste.249 » Ce nouvel absolu
humain porte le nom de Nation.
La Nation constitue la Référence d’un peuple et l’État sa
traduction en termes institutionnels. Dorénavant, «  le
peuple devient l’objet de l’État, l’entité qu’il encadre, qu’il
forme, qu’il instruit, qu’il nourrit, qu’il assujettit et qu’il
choie  »250. L’État démocratique fondé sur le principe de
l’État de droit «  n’est pas l’incarnation de l’absolu, il
constitue un ordre perfectible et relatif, non une promesse
de salut »251. Il est un montage institutionnel qui assure la
liaison dogmatique entre l’absolue Nation et la matière
humaine. L’État ne nous sauvera pas, mais il nous offre le
cadre nécessaire afin de trouver notre propre formule pour
s’accomplir ; « tout ce qu’on exige des actions de l’individu,
c’est qu’elles ne franchissent pas les limites de la loi  »252.
Les institutions dogmatiques nous font jouer sur le terrain
du flou généralisé et de l’à-peu-près, mais en même temps,
elles nous installent au milieu de la forme, de la procédure
et de la rigueur extrême. Le dogme permet d’assurer la
liaison entre la vérité et l’apparence de celle-ci; entre
l’insaisissable et ce qu’on peut toucher; entre la Nation et
l’État; entre la vie en société et le système juridique qui la
régule et enfin, entre la communication et le droit.

Ferdinand de Saussure – L’institution de la


langue
Le vraisemblable, ou ce que Legendre appelle le
«  presque vrai  », ne peut pas être conçu simplement
comme une reproduction du vrai à la manière d’une
photographie qui reproduit la réalité sur une pellicule. Les
deux ne peuvent pas se détacher complètement. Il doit
demeurer un lien entre le vrai et le vraisemblable de la
même façon qu’il existe toujours une correspondance entre
un nom et la chose qu’il nomme. En apparence, il s’agit
d’«  une opération toute simple, ce qui est bien loin d’être
vrai. Cependant, cette vue simpliste peut nous rapprocher
de la vérité.  »253 La conception saussurienne du rapport
signifiant/signifié nous sera d’une grande utilité pour tenter
de mieux saisir le lien qui unit le vrai au vraisemblable.
Pour Saussure, l’unité linguistique comporte deux facettes.
Elle est faite du rapprochement de deux termes. Le point
de départ du circuit de la parole est dans le cerveau d’une
personne, précise-t-il. C’est là qu’on retrouve les faits de
conscience qu’il appelle «  concepts  ». Ces derniers «  se
trouvent associés aux représentations des signes
linguistiques ou images acoustiques servant à leur
expression »254.
Figure 1 Figure 2 Figure 3
Concept Signifié
« Arbre » —
Image acoustique Signifiant
Arbor
Le signe linguistique ne vient donc pas unir une chose et
un nom, mais plutôt un concept et une image acoustique
(voir figure  1). Le signe n’est pas la concrétisation du son
qu’on entend (physique), mais plutôt la figure qu’il
représente pour nous (psychique). C’est d’ailleurs ce que
Saussure appelle l’empreinte psychique. C’est aussi grâce à
elle qu’il nous est possible de nous parler à nous-mêmes, et
ce, sans émettre un son, ni utiliser nos organes du langage.
Grâce à ces empreintes, le langage que nous utilisons
n’entre pas seulement en scène dans l’interaction avec
autrui. Le langage est en nous et nous sommes langage255.
C’est pourquoi «  les mots de la langue sont pour nous des
images acoustiques qu’il faut éviter de parler des
“phonèmes” dont ils sont composés  »256. Le signe
linguistique peut être résumé comme le rapport entre le
concept et l’image acoustique, ou du rapport entre un
signifié et un signifiant (voir figure  3). Regardons un cas
concret dans l’exemple de l’arbre de Saussure que nous
avons repris ici (voir la figure  2). Nous remarquons que si
nous cherchons le sens du mot, ou du mot latin d’origine,
par laquelle l’image acoustique de l’arbre est représentée,
nous ne pouvons imaginer autre chose que cette image de
l’arbre. « Si de ce fait n’importe quel autre rapprochement
se trouve écarté, on aperçoit comme un rapport
d’obligation, l’établissement d’un lien nécessaire au sens
romain de la formule.  »257 En parlant une langue, un sujet
se reconnaît comme étant soumis à la légalité du signe
linguistique. La langue qu’il emploie constitue le cadre et
assure l’ordre. En usant des mots d’une langue, le sujet
parlant paye sa dette à l’institution. D’ailleurs, « apprendre
à tout enfant à parler est la première manière d’honorer
cette créance  »258.  Pour Saussure, la langue est une
institution devant laquelle tous ceux qui l’emploient sont
égaux. Or, que le niveau ou la sophistication de celui ou
celle qui la parle ne soit pas le même est à considérer, mais
n’empêche pas de noter une certaine forme d’égalité.
L’institution du nom
L’institution de la langue n’est pas la seule à représenter
un cadre commun devant lequel tous sont égaux. Nous
pouvons remarquer que «  de la même manière, tous sont
égaux devant le nom, et les institutions fonctionnent sur ce
terrain pour faire en sorte que tous les humains – les fous
eux-mêmes – adviennent à la propriété du nom, c’est-à-dire
au statut d’être un sujet »259. Même la fin de la vie humaine
n’y changera rien. La mort n’entraîne pas la fin du nom. Il
deviendra le nom d’un disparu. Pour Legendre,
l’immortalité du nom est possible parce que la société est
fondée sur un dogme. À cet effet, il relève trois niveaux
d’interprétation de ce nom. Le premier niveau est celui du
simple «  c’est écrit  ». Il constitue le cadre phatique de la
communication parce qu’il assure le contact ou
l’identification. L’attribution d’un nom indique qu’il est
question d’untel, né à tel endroit, de tels parents et ainsi de
suite. L’institution fixe l’individu dans une filiation260. Cette
reconnaissance fait de lui un sujet de droit unique qui peut
alors engager sa responsabilité et poser des actes
juridiques. Le deuxième niveau est plutôt porteur d’une
symbolique qui ne peut être perçue que dans la pratique de
la vie courante. En d’autres mots, le nom est lié à la
fonction de l’individu, à son statut, à son titre ou à son rang
social. Il peut aussi être lié à son prestige, à sa grandeur
d’âme, à sa réputation ou à sa personnalité. Le nom est
interprété selon des impressions et des sentiments, il est
plutôt «  ressenti  ». Finalement, la troisième forme
d’interprétation du nom se situe au « niveau mythologique
proprement dit de la rencontre du lieu grand A, du lieu où
s’écrit le nom qui ne meurt pas, mais aussi où nous
rencontrons les fantômes »261. À ce niveau d’interprétation,
nous nous retrouvons au cœur même de la dogmatique. En
instituant un nom à un individu, en le greffant d’une
filiation ou autrement dit, en l’inscrivant dans une
généalogie, l’État vient créer un écart. Il vient séparer la
ville de la campagne, dirait Sfez. Ici, « la difficulté tient en
ce que les êtres humains à la fois disposent d’une existence
finie et sont pourvus d’une conscience ouverte et
infinie  »262. L’institutionnalisation du nom permet de gérer
le lieu de l’Autre absolu.
« [Cette gestion fait] en sorte que ledit sujet entre dans
la vie par la grande porte symbolique, c’est-à-dire que
cet Autre-là qui n’est pas réel demeure là où il est,
insaisissable et logiquement inaccessible, qu’il ne
devienne pas – doublure terrifiante du sujet – le fantôme
du nom, une caricature du signifiant dans le Réel. »263 
En immortalisant le nom dans le vrai, l’institution
s’assure qu’il ne viendra pas hanter l’indicible
vraisemblable. Pour Legendre, l’institution du nom
positionne l’homme dans un univers dogmatique. En fait, la
partie dogmatique de l’homme «  consiste à affirmer que
deux mondes entièrement séparés coexistent, l’un fini et
mauvais, ici-bas, l’autre parfait et infini, ailleurs, en haut,
au ciel  »264 et surtout que le passage de l’un à l’autre est
interdit. Le dogmatique empêche la démence. « Autrement
dit, le dogmatique s’occupe de faire obstacle à la
psychose. »265
Droit et communication : Une liaison constatée
dans l’institution
Poursuivant dans la même logique en appliquant les
acquis que nous venons de voir, nous pourrions affirmer
que la communication sociale et le juridique sont deux
notions différentes cohabitant sous l’égide de la société, la
première étant infinie et le second plutôt achevé. «  Le
social n’est pas le juridique, bien qu’ils se lient
étroitement. »266 Le juridique reçoit une implication dans le
social, mais il n’en est pas son équivalent, il le dépasse
dans sa manière qu’il a de symboliser. Le juridique est du
symbolique pour un sujet. Il est l’affirmation de son lien
social de sujet. Par cette activité de symbolisation, le sujet
qui erre inconsciemment dans le social parvient à voir plus
clair, à comprendre et à agir. «  Le dogmatisme juridique
permet cela, tout en empêchant la poussée naturelle à la
psychose : voilà son utilité, il barre la route à la folie. »267 Il
institue un ordre. Il vient fonder une certitude dans la tête
des sujets. De celle-ci, découle ensuite toutes les autres
certitudes. La dogmatique est le lien qui assure la relation
humaine au savoir absolu. Or, ce «  lien qui unit-sépare le
sujet de l’absolu politique permet, dans la version romano-
chrétienne, de poser la limite, c’est-à-dire la Loi  »268.
Autrement dit, parmi tous les textes, il faut distinguer le
Texte absolu des autres textes, qui ne sont que des
commentaires. Ils sont des intermédiaires toujours
réinterprétables. Loi et communication sont liées dans
l’institution  : «  La loi de la communication et la
communication de la loi.  »269 Voilà comment Legendre
choisit de résumer la problématique institutionnelle. La
communication est normative en ce sens qu’elle affirme
publiquement ce qui ne doit pas rester privé. Elle met en
commun le lien politique de naissance par le biais du droit
qui crée l’écart et permet l’identification et la
symbolisation. «  Il faut créer l’écart, sinon il n’y a plus
aucune possibilité d’agir. Quand tout est communication,
quand tout est fluidifié, il n’y a rien à faire, c’est pour ça
qu’il faut séparer. »270 La problématique institutionnelle est
une «  question de symbolisation qui assigne le
gouvernement social dans le registre du langage  »271,
précise Sfez.
Une terre d’accueil
Lorsqu’un enfant vient au monde, il est accueilli. Il arrive
dans un monde qui est déjà en place, déjà organisé, « car la
société ne naît pas de l’homme, aussi loin qu’on remonte
dans l’histoire, c’est lui qui naît dans une société déjà
donnée  »272; non seulement donnée, mais ordonnée. Cette
nature qui nous accueille tout un chacun possède ses
règles d’usage. Elles ne sont ni écrites ni expresses.
L’homme naissant n’en est définitivement pas l’auteur. Il y
est soumis impérativement par amour ou par obligation,
par « coerséduction », nous dirait Ravault. Cette structure
régulatrice naturelle est le fruit du travail du temps et de la
sagesse. « La nation – par le biais de l’organisation sociale
et de la langue – introduit dans l’expérience des êtres
humains des contenus et des formes plus anciens qu’eux et
dont ils ne sont jamais en mesure de s’assurer la
maîtrise. »273 Elle confirme la présence de l’homme dans un
monde symbolique, c'est-à-dire «  rien d’autre qu’un vaste
et complexe système de systèmes de signes  »274.
L’interprétation des symboles et des signes permet de
trouver une signification. Cependant, pour espérer accéder
à ce sens, il faut que l’enfant apprenne d’abord un
langage275. Il doit apprendre à parler une langue. Cet
apprentissage implique qu’il se soumet au « Législateur de
la langue ». Ce sont nos parents qui occupent ce rôle dans
un premier temps. Puis, il y a l’école ou parfois l’Église qui
viennent compléter notre formation linguistique. La langue
maternelle est la première ressource dogmatique. Elle est
la première source du sens : « Les paroles du père sont les
premiers mots qui nous permettent d’interpréter le
monde »276. 
La langue est indispensable à la constitution du sujet. Elle
lui donne la liberté de s’exprimer et de penser selon ses
propres aspirations. Or, c’est en posant une limite au sens
des mots et en imposant des règles d’usage que la langue
assure l’ordre nécessaire à l’exercice de cette liberté.
L’ordre est ce qui assure une certaine logique. Par et dans
les limites qu’elle impose, la langue offre à son utilisateur
la liberté de choisir les mots et de les agencer à loisir.
«  Sans sa radicale hétéronomie, il n’y aurait pas
d’autonomie possible. »277 Si tout un chacun donnait le sens
qu’il désire aux mots ou s’il en changeait la signification à
son gré, nous ne serions pas à même de trouver une
quelconque logique à une phrase. Aucun sens ne serait en
mesure d’émerger de la plus petite des allocutions. «  [L]a
communication entre les hommes n’est possible que si les
mots ont un sens, c’est à dire un sens un.  »278 À cet effet,
rappelons-nous le dialogue entre Alice et Humpty Dumpty
dans le célèbre récit de Carroll.
« ‘When I use a word, ‘ Humpty Dumpty said, in rather a
scornful tone, ‘it means just what I choose it to mean –
neither more nor less.’
‘The question is, ‘ said Alice, ‘whether you can make
words mean so many different things.’
‘The question is, ‘ said Humpty Dumpty, ‘which is to be
master – that’s all.’ »279
Certaines tournures de phrases, des expressions ainsi que
des néologismes attribuent de nouveaux sens à des mots.
Réinventer ou dénaturer, ces derniers ne peuvent faire sens
que s’ils trouvent d’abord une justification à partir des
mots déjà reconnus. De même, les usages spécifiques à un
milieu ne sont possibles que s’ils trouvent un appui dans le
langage commun. Une langue évolue dans le temps. Elle
peut changer. Des expressions nouvelles ou des
néologismes viennent parfois à ne plus avoir besoin de se
justifier, car ils deviennent partie intégrante de la langue
qui se laisse influencer par les usages et les usagers.
Un jardin imparfait
Un nourrisson est inséré et ordonné dans une chaîne
générationnelle dès sa naissance. Nommé et inscrit dans
une filiation, l’enfant est identifié. Cette identification le
suivra jusqu’à sa mort et même après. Avant même qu’il
puisse faire usage d’un quelconque mode d’expression
langagier, de prononcer un seul mot, l’État fait de lui un
sujet de droit. Conjointement, «  les liens du Droit et les
liens de la parole se mêlent ainsi pour faire accéder chaque
nouveau-né à l’humanité, c’est-à-dire pour attribuer à sa vie
une signification, dans le double sens, général et juridique,
de ce mot »280. Sans les montages dogmatiques de la langue
et du droit, la race humaine fonctionnerait dans l’indicible,
dans l’implicite, dans le non-dit, dans la perfection et dans
l’absolu. Or, ce n’est point le cas de l’Humanité. Au
contraire, c’est plutôt l’imperfection généralisée. L’homme
vit dans un jardin imparfait  : «  ni entièrement déterminé
par les forces qui la produisent, ni infiniment malléable par
la volonté des puissants. Il est ce lieu où nous apprenons à
fabriquer de l’éternel avec du fugitif.  »281 Les institutions
sont édifiées et aménagées de manière à « situer le savoir
absolu et toucher, si j’ose dire, les bornes du discours, du
parlable, du dicible »282. Elles assurent les liaisons. Dans la
découverte progressive d’une forme, on découvre un sens
comme «  un jaillissement de l’ordre dans le chaos. En cet
instant même, la matière devient beauté  »283. C’est cette
logique de la beauté et des arts qu’il faut garder en tête
lorsqu’on s’attarde à la problématique des dogmes. Alors
qu’ « [e]n science, un plus un est toujours égale à deux; en
art, ce peut être aussi égal à trois, voire plus  »284. L’ordre
institué dans le chaos ne met pas fin à la confusion, il le
rend simplement viable en ouvrant la possibilité à toutes
les libertés. « La liberté, c’est la liberté de dire que deux et
deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le reste
suit. »285
PIERRE BOURDIEU – DU SENS ET DES RÈGLES
DU JEU (EN PASSANT PAR LA CODIFICATION)
Le monde est ordonné comme un grand jeu auquel
l’existence humaine participe. Lors de sa mise au monde,
« l’homme entre dans ce jeu dont il ne lui appartient pas de
fixer, mais d’apprendre et de respecter les règles. Il en va
des constitutions politiques comme de l’accord du participe
passé ou du mot pour dire “table”.  »286 Le dogmatique est
ce qui mène à poser à la fois les règles grammaticales et
les règles juridiques. Il est ce qui assure le lien entre le
dicible et l’indicible, il est un entre-deux. Le dogmatique
est à l’image de Janus, le dieu romain à deux visages
opposés. «  Janus est le dieu des portes, ayant tout comme
elles une double face. Janus est le dieu des
commencements  ; il ouvre et ferme l’année et le mois de
janvier lui est consacré. Janus est aussi le démon des
passages.  »287 Il constitue une porte d’accès. En fait, il
constitue la seule porte d’accès possible pour espérer
développer un bon sens du jeu. Il est à la fois lui-même le
sens du jeu, mais sa réalisation est impossible sans les
règles du jeu. Cette confusion se résout dans et par
l’institution.
Quelques bémols
Avant de poursuivre, nous nous devons d’apporter
quelques précisions sur l’emploi des termes «  jeu  » et
«  règle  ». Si leur emploi nous permet de mieux saisir le
concept évoqué, la portée de leur sens usuel peut nous
induire en erreur. L’image du jeu est probablement la moins
mauvaise pour évoquer les choses sociales nous dit
Bourdieu. Néanmoins, il faut être prudent en l’employant,
car elle évoque l’idée qu’il y a à la base un inventeur du jeu
qui a mis en place une structure régulée à la manière d’un
Législateur. Il faut plutôt aborder le jeu «  pour dire qu’un
ensemble de gens participent à une activité réglée, une
activité qui, sans être nécessairement le produit de
l’obéissance à des règles, obéit à certaines régularités »288.
Quant au mot « règle », il peut à la fois évoquer un modèle
scientifique qui sert à mieux représenter la réalité de la
régularité du jeu, comme il peut vouloir dire l’ensemble de
la réglementation objective qui vient s’imposer aux joueurs.
Cet ensemble est la « Loi ». Finalement, il peut représenter
la règle juridique proprement dite. Dans ce cas-ci, nous
parlerons des lois positives. C’est habituellement à la Loi
ou aux lois qu’on se réfère lorsqu’il est question de « règle
du jeu  ». Ces distinctions théoriques sont importantes.
Cependant, s’y limiter mènerait inévitablement vers un
raisonnement faux, ou du moins incomplet. Selon Bourdieu,
afin d’éviter de se retrouver dans ce cercle vicieux, « il faut
inscrire dans la théorie le principe réel des stratégies,
c’est-à-dire le sens pratique, ou, si l’on préfère, ce que les
sportifs appellent le sens du jeu  »289. Ce sens du jeu
s’acquiert par l’expérience du jeu lui-même.
Le sens pratique du jeu
Cette notion du sens pratique est en rupture avec les
théories objectivantes. Fondée sur l’action, la stratégie du
jeu social est définie par l’histoire et s’acquiert dès
l’enfance dans la seule pratique des activités sociales. « Le
bon joueur, qui est en quelque sorte le jeu fait homme, fait
à chaque instant ce qui est à faire, ce que demande et exige
le jeu. »290 Tout ne peut être prévu par les règles. Tous les
codes civils du monde n’arriveront jamais à couvrir toutes
les situations humaines. Avoir le sens du jeu suppose la
capacité à inventer une solution dans une situation
imprévue. La règle juridique écrite ne permet pas en
l’espèce de résoudre tous les problèmes parce que s’en
tenir à elle ne permet pas de s’en écarter. Il faut donc
adopter, nous dit Bourdieu, des stratégies de double jeu.
Celles-ci consistent à agir en fonction des intérêts, mais
aussi en apparence, conformément à la règle. Autrement
dit, si la règle convient, utilisons-la. Par contre, si elle n’est
pas suffisamment précise, le bon sens saura nous éclairer.
Le sens pratique a un sens en conformité avec le sens de la
règle, car les deux ne sont pas en opposition. La règle
découle du sens pratique, mais ne l’achève pas. Ensemble,
ils s’assurent de trouver un juste sens.
Le sens du jeu n’est pas partagé également. Il y a des
différences entre les membres d’une équipe sportive. Les
joueurs de soccer ne sont pas tous des Diego Maradona; les
joueurs de hockey, des Wayne Gretzky; les joueurs de
baseball, des Babe Ruth; les joueurs de basketball, des
Michael Jordan et ainsi de suite. Les positions sont les
mêmes pour tous, mais les joueurs ne sont pas pour autant
interchangeables. Tous n’ont pas le même habitus, nous dit
Bourdieu.
«  [L’habitus est constitué de] systèmes de dispositions
durables et transposables, structures structurées
prédisposées à fonctionner comme structures
structurantes, c’est-à-dire en tant que principes
générateurs et organisateurs de pratiques et de
représentations qui peuvent être objectivement
adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de
fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires
pour les atteindre, objectivement “réglées” et
“régulières” sans être en rien le produit de l’obéissance
à des règles et, étant tout cela, collectivement
orchestrées sans être le produit de l’action
organisatrice d’un chef d’orchestre. […] L’habitus assure
la présence active des expériences passées qui,
déposées en chaque organisme sous la forme de
schèmes de perception, de pensées et d’action, tendent,
plus sûrement que toutes les règles formelles et toutes
les normes explicites, à garantir la conformité des
pratiques et leur constance à travers le temps. »291
Le bon joueur est celui qui agit toujours en conformité. Il
est toujours là où il le faut. Il est toujours là pour bloquer
les tirs, comme si les tirs le commandaient, mais c’est
plutôt lui qui les commande. « L’habitus comme sens du jeu
est le jeu social incorporé, devenu nature. Rien n’est plus
libre ni plus contraint à la fois que l’action du bon
joueur.  »292 L’habitus est le sens du jeu inscrit dans l’être,
c’est sa nature même. C’est ce qui définit son humanité. À
ce sujet, «  l’Humanité doit être classée plus grosse que
l’égalité »293. Unique et fondé en chacun de nous, l’habitus
indique le chemin à suivre, le jeu à jouer. Or, dans ce grand
jeu, il n’y a pas que des stratégies, il y a aussi des règles.
Un sens pratique régulé
Les États de droit accordent beaucoup d’importance aux
règles, si bien qu’ils ne semblent pas en mesure de
concevoir pouvoir fonctionner sans elles. Il est cependant
important de rappeler «  que la règle n’est pas
automatiquement efficace par soi seule et qu’elle oblige à
se demander à quelle condition une règle peut agir  »294.
Ainsi, au côté de la règle expressément posée, c’est-à-dire
le calcul rationnel de la bonne conduite, il y a des principes
régulateurs. Ces derniers sont contenus dans l’habitus
selon Bourdieu. Afin de développer son concept, il a, en sa
qualité de sociologue, comparé différents types de sociétés.
Il a posé entre autres son regard sur des communautés se
situant à l’opposé des sociétés de droit : des communautés
possédant peu de choses codifiées. Cette absence de
codification massive n’empêche pas que les membres de
ces groupes agissent conformément à certaines règles
pratiques. Toutes les sociétés possèdent un certain nombre
de règles, normes ou impératifs pré-juridiques. Chez
Legendre, ces impératifs pré-juridiques prennent l’aspect
des formulations religieuses, mais ce sont également les
proverbes, les adages et les maximes. Peu importe
l’appellation qu’ils prennent, ces principes explicites, mais
non écrits, concernent les récoltes, les mariages et les
coutumes en général. La pratique ne rend pas toujours
justice à ce type de règles pré-juridiques. Bourdieu donne
l’exemple de la tradition maritale arabe et berbère qui
reconnaît et salue les mariages avec la cousine parallèle.
Ceci a beau constituer le principe, la pratique est tout
autre. Ce type de mariage est en fait assez rare.
Maximes ou adages
La disparité entre les principes et la pratique peut aussi
être observée dans les sociétés hautement codifiées comme
les sociétés de droit. Ces dernières possèdent énormément
de maximes qui viennent réaffirmer des principes sous-
jacents. Ces maximes juridiques sont appelées des adages
et servent à la construction du sens pratique. Elles sont
souvent issues du latin. Cependant, tous les adages ne
présentent pas le même degré de juridicité. Certains sont
des adages de droit stricto sensu. Ils forment des règles de
droit. D’autres adages gravitent simplement autour du
droit. Ils le soutiennent plutôt qu’ils l’énoncent. Ces
derniers, para-, meta- ou suprajuridiques, ne disent que
l’essentiel. «  La charge intellectuelle de l’adage est une
quintessence »295, elle ne transmet avec finesse le message
qu’une fois épuré et éprouvé. L’adage est toujours le fruit
de la sapience, d’une sagesse bien assumée.
Prenons l’exemple de la maxime « nul n’est censé ignorer
la loi » qui constitue un principe reconnu en droit français
et québécois. Si la maxime aligne le principe, l’exception
d’ignorance a quand même sa place dans certains cas. Ici,
la distance n’est pas dramatique puisque la maxime est
tout de même porteuse d’un raccourci vers la règle
juridique générale. Cependant, «  le décalage est plus
gênant – c’est une question de degré – lorsque l’adage
énonce une semi-vérité qui, en dehors du domaine où elle
règne, laisse la place à la vérité contraire »296. C’est le cas
de la maxime «  qui ne dit mot consent  » qui interprète le
silence comme une approbation. Cette maxime n’est vraie
que dans des situations bien particulières. L’acceptation
tacite ne constitue pas la règle générale comme dans notre
premier exemple. Ainsi, à cette maxime, nous pouvons en
opposer une autre encore plus importante; la maxime « qui
se tait ne s’oblige  ». Cette dernière est diamétralement
opposée à la première. Seul le sens pratique pourra nous
aider à choisir laquelle des deux est appropriée selon un
cas donné. Les deux sont vraies et bonnes, mais elles ne
sont pas pour autant applicables en tout temps et en tout
lieu. Aucune règle, maxime ou adage n’est absolu.
Aujourd’hui, l’adage est encore en circulation dans la
sphère juridique. Sa présence est le signe d’une tradition
vivante qui démontre que ceux et celles qui l’ont perpétuée
ont su transmettre un peu de « sens du jeu ».
La codification
La régularité des conduites permet certaines prévisions
et des prédictions. Elle rend probable une certaine
pratique, mais elle ne parvient pas à la fonder dans un
principe régulé, dans un modèle de comportement où
chaque acteur fait de sa pratique une véritable
obligation297. De plus, les conduites de l’habitus n’offrent
pas l’assurance de la régularité comme c’est le cas des
agissements déduits des lois et des règlements. « L’habitus
a partie liée avec le flou et le vague. Spontanéité
génératrice qui s’affirme dans la confrontation improvisée
avec des situations sans cesse renouvelées, il obéit à une
logique pratique, celle du flou, de l’à-peu-près, qui définit le
rapport ordinaire au monde.  »298 Cette incertitude de
l’habitus ne permet pas de faire peser sur lui une situation
à haut degré de risque. Bourdieu souligne d’ailleurs le
rapport qui existe entre le niveau de codification et le
degré de risque d’une situation. À première vue, nous
sommes en mesure de constater que plus un rapport est
fragile, donc qu’il est plus susceptible de déboucher sur un
conflit, plus la codification et la régulation s’imposent à lui.
Prenons l’exemple d’un mariage qui implique deux parties
provenant de groupes sociaux historiquement et
idéologiquement éloignés. Ils possèdent des habitus
différents. Plus ils sont distincts et plus les collisions sont
possibles. Pourquoi alors prendre de tels risques? La raison
est que ces unions apportent souvent leurs lots de prestige.
Quand l’héritier d’un trône choisit d’épouser une personne
d’un autre royaume, le profit symbolique de cette union est
grand, autant que le risque qui s’y rattache. En procédant
par une formalisation des pratiques et des rituels, le risque
n’est pas complètement éliminé, mais il se voit grandement
réduit, voire neutralisé.
L’exemple de la diplomatie internationale
Les visites interétatiques sont toujours des moments à
haut risque de dérapage. Lorsqu’un pays va à la rencontre
d’un autre, il apporte son propre système de valeurs. La
tension est pratiquement inexistante lorsque ce dernier
trouve des affinités avec celui du pays hôte. Il en est tout
autrement lorsque les systèmes de valeurs sont
diamétralement opposés. Dans ces cas plus difficiles, il faut
prendre des précautions pour ne pas choquer ou offenser
l’autre. Les risques d’accrochage sont omniprésents et les
conséquences peuvent être désastreuses. Une erreur
diplomatique peut naître d’un quiproquo et trouver des
suites dans un conflit armé. Il ne faut pas chercher bien
longtemps pour trouver des exemples de glissements
diplomatiques qui ont obligé un État à faire des excuses à
un autre afin d’éviter quelconque forme de représailles. Les
embargos commerciaux, l’imposition de visas ou de droits
de douane particuliers découlent bien souvent de relations
diplomatiques qui se constèrent en échec. La diplomatie
internationale implique toujours un caractère cérémonial et
protocolaire. Elle possède un langage qui lui est propre.
Tout est prévu; rien n’est laissé au hasard de la rencontre.
La diplomatie, c’est de la mathématique appliquée aux
relations internationales. Quand deux chefs d’État se
rencontrent, le lieu, l’heure et le temps de discussion sont
porteurs de significations. Par exemple, un chef d’État qui
rencontre le président américain à la Maison-Blanche ou à
Camp David en dit long sur la relation entre les États-Unis
et le pays invité. La diplomatie, c’est beaucoup de
protocoles, d’ordres des discours, de couleurs de chaise ou
de quantités de drapeaux. Plus la rencontre est formelle,
plus le cadre est important, car plus la situation est
officielle, plus les risques sont grands.
Codifier, c’est objectiver, c’est publier et c’est
officialiser
Les lois et les règlements d’un État esquissent les traits
d’une certaine culture. Ils se regroupent dans ce que nous
appelons le droit. De cette façon, le droit au Québec se veut
en quelque sorte le reflet du mode de vie des Québécois. Ce
dernier est différent du mode de vie en France, ou ailleurs.
C’est pourquoi le droit québécois n’est pas le droit français.
«  Entendu dans un sens très général, le droit d’un État
donné constitue normalement le miroir plus ou moins fidèle
de la réalité concrète du pays. »299 La codification permet la
représentation, car «  codifier, c’est à la fois mettre en
forme et mettre des formes »300; codifier, c’est représenter,
mais c’est aussi objectiver. La codification permet de
passer de la pratique à un état objectif de la pratique. Bon
an mal an, nos agissements suivent des principes plus ou
moins régulés et ordonnés. Notre comportement est guidé
par des schèmes pratiques. Ces derniers permettent à la
codification d’identifier les actions, de les distinguer, de les
classer et enfin, de les hiérarchiser. Autrement dit, la
codification permet l’élaboration d’un manuel ou d’un
guide de procédure qui conserve la méthodologie de la
bonne conduite. Cependant, il faut faire attention. «  La
logique de la pratique, c’est d’être logique jusqu’au point
ou être logique cesserait d’être pratique.  »301 La
codification doit toujours être accompagnée d’une théorie
de ses effets, sans quoi la codification pourrait se
substituer à la chose codifiée de sorte qu’on se retrouverait
avec une règle ou un code qui ne fait plus de sens avec la
réalité des choses codifiées.
La codification permet de minorer les effets de l’implicite
et du flou. L’acte de codifier se fait plus rare dans les
groupes où les membres sont dotés d’habitus semblables.
Quand tout le monde pense et agit de la même façon, de la
bonne façon, il n’y a aucune raison d’y établir une règle
puisque les actions se régulent d’elles-mêmes. À l’opposé,
nous pouvons imaginer que la codification se fera
abondante dans les groupes marqués par le caractère
inhomogène de ses membres. Les sociétés d’aujourd’hui
sont hétérogènes comme aucune autre ne l’a été dans
l’histoire de l’humanité. Le développement des moyens de
transport et des communications a permis un véritable
creuset302 culturel à la grandeur de la planète. Cependant,
«  la fin des distances physiques [aura révélé] l’incroyable
étendue des distances culturelles  »303. La codification joue
un rôle essentiel de régulateur en permettant une
communication minimale. Elle offre la possibilité à tous de
travailler sur une même base, objective et commune.
Codifier, c’est aussi publier ou encore publiciser dans le
sens où la codification permet de rendre public ce qui ne
doit pas demeurer privé. La publication se veut l’«  action
de porter des documents à la connaissance du public, par
leur insertion dans un journal officiel  »304. Codifier, c’est
donc d’autre part, officialiser. Conjointement, la publication
et l’officialisation permettent d’informer les tiers de l’état
actuel des choses. Elles dressent les bases sur lesquelles
devra se tenir toute communication. «  L’effet
d’officialisation s’identifie à un effet d’homologation.
Homologuer, étymologiquement, c’est s’assurer qu’on dit la
même chose quand on dit les mêmes mots, c’est
transformer un schème pratique en un code linguistique de
type juridique.  »305 La codification permet l’érection d’un
cadre commun et ouvre la porte à toutes les possibilités de
discussions.
Codifier, c’est ouvrir la porte à la
communication
La formalisation est l’effet ultime de la codification,
soutient Bourdieu. Elle vient en finir avec le flou et les à-
peu-près. La formalisation trace clairement la frontière
entre la ville et la campagne. Elle crée un écart nécessaire,
un espace de différenciation. Pour Legendre, «  une
humanité ne peut être organisée sans l’institution d’un
espace où ça se sait, où ça se sait absolument  »306. La
formalisation concrétise l’accord commun qui permet aux
acteurs d’associer le même sens au même son et le même
son au même sens. «  La codification rend les choses
simples, claires, communicables  ; elle rend possible un
consensus contrôlé sur le sens, un homologein  : on est
assuré de donner le même sens aux mots.  »307 Cette
approbation commune absolument nécessaire se retrouve
aussi dans le code linguistique de Saussure. « En effet, tout
moyen d’expression reçu dans une société repose en
principe sur une habitude collective ou, ce qui revient au
même, sur la convention.  »308 La formalisation assure la
constance et la stabilité. Elle vient pallier les
particularismes de certaines situations. En préférant la
généralité, elle assure la calculabilité et la prévisibilité et
évite les inventions, les improvisations et les créations. « Le
langage, c’est un mode d’emploi, un cahier des
charges.  »309 Imaginez une langue qui travaillerait tout le
temps et uniquement à faire avancer le schmilblick310,
aucun sens ne pourrait s’en dégager.
Une langue qui inventerait de nouvelles règles de
grammaire et de nouveaux mots à chaque fois qu’elle
cherche à désigner quelque chose ne désignerait
absolument rien au bout du compte. «  [L]e langage
apparaît […] comme une mise en scène qui exerce un
pouvoir, il détermine les frontières de la représentation
d’un Monde. »311 C’est la même chose dans le cas du droit,
il faut qu’il y ait une certaine formalisation ou encore, une
constance afin de maintenir l’ordre social. Une société dans
laquelle chacun ferait ses propres lois serait l’apanage
d’une société anarchique, totalement intolérable et
invivable, voire utopique. Codifier, c’est mettre en scène et
«  mettre des formes, c’est donner à une action ou à un
discours la forme qui est reconnue comme convenable,
légitime, approuvée, c’est-à-dire une forme telle que l’on
peut produire publiquement, à la face de tous, une volonté
ou une pratique qui, présentée autrement, serait
inacceptable  »312. Ces formes «  [permettent] à la force de
s’exercer pleinement en se faisant méconnaître en tant que
force et en se faisant reconnaître, approuver, accepter, par
le fait de se présenter sous les apparences de
l’universalité »313. C’est à partir d’elles que découlent toute
notre liberté et l’ensemble de nos possibilités. «  Finitum
producit infinitum : le fini produit de l’infini. »314 Les formes
viennent légitimer la force, mais en même temps, c’est la
force qui parvient à légitimer la forme. «  Procédure et
codification restent inséparablement liées. [Ensemble, elles
constituent] un instrument garantissant l’autonomie
juridique [et] rendent acceptables toutes formes de
décisions émanant d’une autorité et assurant l’ordre social
et politique. »315 Elles assurent un double élan légitimant.

È
TROISIÈME PARTIE –
L’INTERPRÉTATION OU
LA MÉTHODE DU JURISTE

CHAPITRE 1 – INTERPRÉTATION
« Ce sont les mots qui existent, ce qui n’a pas de nom
n’existe pas.
Le mot lumière existe, la lumière n’existe pas. »

Francis PICABIA
Jésus-Christ Rastaquouère
« Quand je lis un livre, aujourd’hui, j’en oublie le début
avant d’être arrivé à la fin.
Parfois, ma mémoire n’est même plus de taille à retenir la
lecture d’une seule page.
Et je suis là en train de dégringoler, comme si je me tenais
par les mains,
d’un alinéa au suivant, d’une phrase à l’autre,
et bientôt j’en serai au point de ne plus pouvoir retenir que
des mots isolés, chaque fois inconnu,
et jetant la brève lueur d’étoiles filantes le temps que je les
lise,
pour aussitôt sombrer de nouveau dans les flots noirs du
fleuve Léthé
et dans l’oubli total. »

Patrick SÜSKIND
Amnésie littéraire
« Les années passent,
et j’ai si souvent raconté cette histoire
que je ne sais plus très bien si c’est d’elle que je me
souviens
ou seulement des paroles avec lesquelles je la raconte. »

Jorge Luis BORGES


La nuit des dons
DU SIGNE À L’EXPLICATION
La connaissance des sciences humaines, c’est d’abord la
connaissance de nous-mêmes. «  L’homme est
[possiblement] 316
le seul être à s’interroger de manière
aussi radicale sur le sens de son existence. Si la question
du sens se pose, c’est qu’il a conscience de la finitude de
son extension dans le temps. »317 En naissant, l’être humain
n’a comme seule assurance qu’il mourra un jour. « Si nous
n’étions installés au milieu d’objets qui par leur durée
peuvent servir et permettre d’édifier un monde dont la
permanence s’oppose à la vie, cette vie ne serait pas
humaine. »318 Lorsque nous portons un regard sur l’homme,
c’est de valeurs dont il est essentiellement question. Nous
nous attardons à regarder un être fondamentalement flou.
L’exactitude des sciences de la nature n’est pas chose
possible ici, « en effet, ce qui s’oppose au vrai ne peut être
que faux […], mais ce qui s’oppose à une valeur ne cesse
pas d’être une valeur  »319. Les questionnements sur l’être
humain se succèdent en cascade parce que toutes les
réponses ne sont pas exactes ni certaines. Tout est toujours
une question d’interprétation. Cependant, à la base de tous
les questionnements, il se trouve nécessairement une
mécompréhension. « Il faut déjà savoir quelque chose pour
poser une question.  »320 Autrement dit, c’est lorsque
quelque chose accroche que nous sommes interpellés.
Cette apostrophe est la première de toutes les conditions
herméneutiques. C’est à ce moment que le processus
d’interprétation se déclenche. Sur le chemin de la Vérité,
nous sommes à la recherche de sens  ; nous cherchons à
expliquer, à comprendre, enfin, à interpréter les choses.
Aujourd’hui, nous sommes en mesure de tout voir par le
biais d’internet et de la télévision321. Toutefois, nous
réalisons bien vite que ce n’est pas parce que nous voyons
les choses que nécessairement nous les comprenons. La
visibilité d’un message n’assure pas sa compréhension de
la même façon que l’intelligibilité d’un texte dépasse la
simple capacité de le lire322. Un texte peut très bien être lu
sans pour autant avoir été compris. C’est bien souvent le
cas des textes législatifs et réglementaires. « Une loi n’est
pas une œuvre de littérature. »323 Les libellés des lois font
usage de termes et de significations bien spécifiques qui
rendent leur compréhension difficile, parfois impossible
pour certains. Ils nécessitent fréquemment le besoin de
recourir à un spécialiste, l’avocat ou le notaire. « Le mythe
du Code Napoléon, lisible dans les chaumières et
intelligible pour tous, est éclaté.  »324 Les lois sont
complexes. Elles sont à l’image des sociétés qu’elles
cherchent à encadrer. La cohabitation et
l’intercompréhension imposent un recours à
l’interprétation.
Un monde de signe
Wittgenstein publie son fameux Tractatus325 au début des
années 1920. Ce dernier confirme l’existence d’un tournant
linguistique en philosophie et dans les sciences humaines.
Le couplage de la linguistique avec certaines formes de la
logique a permis à une théorie générale des signes de voir
le jour. Dès lors, la sémiotique est la science qui étudie la
vie des signes dans la société. À partir de ce virage, « [c]e
qui était signe est devenu un objet de recherche prioritaire
et ce qui ne l’était pas a été construit comme signe  »326.
L’histoire de monsieur Sigma327, que nous raconte Eco,
permet de nous rendre compte à quel point nous vivons
effectivement dans un univers rempli de signes. Au
demeurant, Sigma serait dans un monde de signes même
s’il était complètement isolé et immergé dans la nature.
Nonobstant, les signes ne sont pas les phénomènes
naturels, car ces derniers ne communiquent rien, nous dit
Eco. « Ils ne parlent à Sigma que dans la mesure où toute
une tradition rurale lui a enseigné à les lire.  »328 Un signe
ne voudrait rien dire s’il ne renvoyait pas à autre chose, ou
s’il n’était pas interprété. Un signifié n’est possible que s’il
y a d’abord un signe. D’ailleurs, c’est là la nature même du
signe, car «  si le signe est signe ou fait signe, c’est parce
qu’il ne renvoie jamais à lui-même, mais toujours à ce qui
veut être dit et senti  »329. Chez Saussure, la langue est un
système de signes qui exprime des idées. Il existe d’autres
systèmes, mais celui de la langue est simplement le plus
important. Le sens ne se trouve pas dans la structure du
langage, ni dans les règles syntaxiques, mais dans ce que
ces dernières nous mènent à penser. La langue constitue le
cadre commun et la structure essentielle à une
intercompréhension. «  Une structure est un modèle
construit à travers des opérations simplificatrices qui
permettent d’uniformiser des phénomènes divers d’un
même point de vue »330. La langue est la structure partagée
qui permet la rencontre entre les individus, la base
commune qui rend possible toute communication.
La poésie
Si la structure ne détermine pas le sens, elle permet tout
au moins de s’en approcher. Le sens naît d’un dialogue
intérieur, nous dit Grondin. C’est lui qui nous agite. C’est
lui qu’on cherche à exprimer dans la parole, sans jamais y
arriver complètement. Cependant, c’est cet «  échec qui
confirme que ce langage intérieur constitue la fibre la plus
intime du langage, celui auquel la poésie nous rend
attentifs »331. Pour Baudelaire, il n’y a rien de plus précieux
à ses yeux que l’esprit poétique, car pour l’auteur des
Fleurs du mal332, «  vivre en poète lui permet de préserver
l’essentiel  : l’accès à l’absolu, à l’infini, à l’éternel  »333. Le
poète «  s’adresse à lui-même  : quelque chose en toi gémit
au milieu du silence. »334 S’attarder au sens intérieur, c’est
se faire herméneute « au sens où l’herméneutique désigne
depuis toujours “l’art de comprendre”. Il s’agit d’un art, et
non d’une science, puisque le sens qu’il s’agit de
comprendre et d’entendre ne se laisse jamais réduire aux
“termes” dans lesquels il s’ex-prime et s’épuise.  »335 Une
interprétation s’inscrit dans un langage qui constitue sa
limite. Elle n’est pas en mesure de venir à bout de
l’expérience du sens et pourtant, c’est le mieux que nous,
humains, puissions faire. Nous n’y échappons pas
facilement «  sauf par la poésie, écrit inexplicable,
politiquement précieux, “démenti radical d’une théorie
fonctionnaliste de la communication humaine”  »336. La
poésie permet d’entrer en contact avec le vrai et faire un
avec le réel. Le poète va «  au-delà  » des mots. Il se sert
d’eux comme un tremplin. Il nous invite à le suivre ; il nous
montre le chemin. Les mots nous rassurent. Ils nous
indiquent celui du retour.
« Les poètes sont des mimes : ils ne savent pas ce qu’ils
disent parce qu’ils font corps avec ce qu’ils disent. Ils
parlent comme on danse et s’il est vrai qu’ils peuvent
inventer, improviser, ils ne possèdent pas le principe de
leur invention. Le poète selon Platon est l’antithèse
absolue du philosophe. […] Dans cette condamnation du
poète, en fait, il y a une théorie implicite de la pratique.
Le mime ne sait pas ce qu’il fait parce qu’il fait corps
avec ce qu’il fait. Il ne peut pas objectiver, s’objectiver,
notamment parce qu’il lui manque l’écrit et tout ce que
rend possible l’écrit  : et d’abord, la liberté de revenir
sur ce qu’on a dit, le contrôle logique que permet le
retour en arrière, la confrontation des moments
successifs du discours. »337
Paul Ricœur — De l’herméneutique
Comme ce n’est pas donné à tout le monde d’être poète.
Il faut se donner les moyens de se comprendre. Il faut
interpréter les choses, leur trouver un sens.
L’herméneutique est la science de l’interprétation. Elle
permet de faire un lien entre différentes mécaniques
intellectuelles  : l’explication, la compréhension, la
qualification, l’argumentation et l’application (la décision).
En décortiquant l’interprétation en divers stades dans une
chaîne d’opérations, il est possible de mieux comprendre le
problème de la liberté de l’interprète qui n’est pas une
liberté arbitraire, « c’est au contraire la dialectique entre la
contrainte des règles et l’engagement spontané et créateur
de l’interprète  »338. Autrement dit, l’interprétation réside
dans la quête d’un équilibre entre la rigidité d’une règle
qui assure la cohérence, et l’infinie créativité de
l’interprète qui assure son autonomie  : libre-arbitre.
L’équilibre n’est pas parfait et il ne le sera jamais. C’est
toujours d’un équilibre instable qu’il est question dans
l’interprétation. Les réajustements sont nécessaires et
constants. Le niveau d’autonomie et d’impératif n’est pas le
même selon que l’interprétant se trouve à un stade ou à un
autre de la chaîne d’opérations. Ricœur soutient que la
liberté de l’interprète tend à augmenter à mesure qu’il
avance dans le processus interprétatif. De cette façon, la
liberté est à son minimum à l’étape de l’explication; elle vit
dans l’instabilité aux étapes de la compréhension et de la
qualification; elle est finalement à son maximum aux étapes
de l’argumentation et de l’application (la décision).
Le discours se trouve en amont de la textualité.
Techniquement, cette dernière «  n’ajoute rien au
phénomène de la parole, sinon la fixation qui permet de la
conserver »339. Cette fixation permet de rompre avec le côté
éphémère du discours en plus de rendre le texte autonome.
L’écrivain jouit d’une liberté créatrice. Certes, il est libre,
mais il demeure néanmoins soumis aux règles que lui
impose la langue qu’il emploie. Par conséquent, il choisit,
organise et manipule les signes linguistiques pour leur
donner une certaine signification. Les mots, les phrases et
la ponctuation sont organisés afin de former un tout qu’il
juge cohérent et porteur de sens.
« Tout matériau caractéristique d’une discipline donnée
a un inépuisable registre de lois qui lui sont propres, et
il oppose une résistance correspondante à l’arbitraire
du créateur. Pour qu’une œuvre d’art voie le jour, il faut
que le flot de l’imagination personnelle se modifie de
telle sorte qu’il puisse être traduit dans un de ces
matériaux. C’est uniquement parce que le créateur
arrive – en dépit de la fusion spontanée – à surmonter la
tension récurrente entre son imagination et le matériau
que son imagination prend forme, qu’elle devient partie
intégrante d’une œuvre et qu’elle est en même temps
communicable, autrement dit objet d’un écho éventuel
auprès des autres, même si ce ne sont pas
nécessairement les contemporains de l’artiste. »340
Le contact avec le lecteur se fait par le biais des mots,
des phrases et de la ponctuation choisis préalablement par
l’écrivain. Quant au sens, il ne fera pas le voyage. Il devra
être re-créé, non pas à l’image d’une création du néant,
mais plutôt à l’image d’une découverte. « En réalité, il n’y a
pas des créateurs d’idées, il y a seulement des
trouveurs.  »341 Lire un livre ou n’importe quel texte, c’est
considérer l’œuvre pour ce qu’elle est. Le lecteur d’une
œuvre n’est pas tenu envers son auteur et le contraire est
tout aussi vrai. Un livre doit toujours faire avec deux
grandes absences, celle du lecteur à l’écriture et celle de
l’auteur à la lecture. «  Le texte est en quelque sorte «  en
l’air  », hors monde ou sans monde […] Les mots écrits
deviennent mots pour eux-mêmes.  »342 C’est la carrière
indépendante du texte qui ouvre la porte aux possibilités
d’interprétations. Évidemment, l’écrivain et le lecteur se
posent des questions l’un sur l’autre. Écrire des lettres,
disait Kafka, « c’est faire un commerce avec des fantômes,
non seulement avec celui du destinataire, mais encore avec
le sien propre  »343. Heureusement, ils ne demeureront
toujours que des fantômes.
DE L’EXPLICATION À LA COMPRÉHENSION
Un signe n’existe jamais seul. Il suppose toujours
l’existence d’un autre signe qui renvoie encore à quelque
chose d’autre. De la même façon, un mot s’inscrit dans une
phrase, dans un paragraphe, dans un texte et dans un
contexte. L’étymologie moderne du mot «  contexte  »
renvoie à l’idée d’ensemble et d’enchaînement. Une lecture
ne peut pas se limiter à expliquer les mots et à les définir.
Elle doit tendre à chercher ce qu’ils veulent dire « tout en
respectant leur mystère. Il ne faut pas que les mots aient
l’air d’avoir tout saisi.  »344 La compréhension consiste à
découvrir un sens à cet ensemble de signes qu’est le texte
et c’est là, la tâche du lecteur. L’acte de lecture cherche à
comprendre et à interpréter le texte. Pour Ricœur, lire c’est
enchaîner un discours nouveau au discours du texte, c’est
lui redonner vie.
Un mot s’inscrit dans le contexte d’une phrase qui
s’inscrit dans celui d’un texte qui vient à son tour s’inscrire
dans celui d’un genre littéraire. Les mots, les phrases, les
textes et les genres littéraires sont objectifs. Ils sont
ordonnés, classifiés et même institutionnalisés. Quant aux
choix des mots et à l’organisation particulière d’un texte,
ils incombent à un auteur humain empreint de subjectivité.
Un texte est toujours «  individué  », voire personnifié. Il
découle de la vie spirituelle de son auteur. En somme, la
production d’un texte comporte un volet objectif et un volet
subjectif. De la même façon, «  ce n’est que dans une telle
totalité d’ordre objectif ou subjectif que peut s’accomplir la
compréhension  »345. La production comme la
compréhension d’un texte demeure toujours la résultante
d’un processus éminemment personnel. Il est impossible de
demander à quelqu’un d’autre de comprendre les choses
pour soi.346
Hans-Georg Gadamer – Du cercle de la
compréhension
L’herméneutique générale fonctionne selon certains
préceptes. Il y a parmi ceux-ci, la règle de la bonne
correspondance ou de la convenance appropriée  : la règle
du «  fit ». Le terme «  fit » en anglais représente mieux que
d’autres cette règle qui soutient que le tout doit se
comprendre à partir de la partie et que la partie doit se
comprendre à partir du tout. Les herméneutes des Temps
modernes ont su assurer la transposition de cette règle de
l’art oratoire de la rhétorique ancienne à l’art de la
compréhension. La règle du «  fit  » renvoie le tout à la
partie, puis la partie au tout. L’un s’appuie sur l’autre
incessamment. Cette règle suit un parcours circulaire, de
sorte que «  l’anticipation de sens, par laquelle le tout est
visé, ne donne lieu à une compréhension explicite que si les
parties, qui se déterminent en fonction du tout,
déterminent elles aussi ce tout  »347 ; c’est le cercle de la
compréhension. Nous sommes à même de constater
l’interdépendance de l’un envers l’autre lorsqu’une
personne nous demande comment se dit tel ou tel mot dans
une autre langue. Nous rétorquons alors presque toujours :
«  dans quel sens ou dans quel contexte voulez-vous le
dire  ?  » Le mouvement du cercle de la compréhension
procède toujours du tout vers la partie pour retourner
ensuite au tout. C’est la justesse des particularités avec le
tout qui est à la base de la compréhension. Une
incohérence entre le tout et la partie ne permettrait pas
l’achèvement d’une bonne compréhension.
La chose avant toute chose
La tentative de comprendre un texte n’implique pas de se
placer dans le lieu et dans le temps de l’auteur. De toute
façon, un tel essai serait nécessairement voué à l’échec. Il
faut comprendre un texte à partir de lui-même et pour ce
qu’il est. La compréhension cherche à trouver une
légitimité propre à ce que l’autre a écrit.
«  Avant de lire un livre d’histoire, ne privilégie pas les
faits qu’il relate, mais la personne de l’historien. Lis sa
biographie, puis celle de son biographe, enfin celle du
biographe de sa biographie. Le peux-tu? Non, sans
doute. Donc, tu n’apprendras rien d’autre que le
jugement d’un certain homme, à un certain moment,
tableau d’une certaine époque dont ne subsistent que
des traces incomplètes. L’historien est le produit d’une
histoire que tu ne peux pas mieux connaître que celle
qu’il rapporte. Et, selon son âge, le même historien peut
relater la même histoire de différentes façons tant il est
vrai qu’on ne se baigne pas deux fois dans le même
fleuve. »348
Dans une conversation, il existe une relation entre deux
sujets. Cependant, quand un texte est fini, comme dans le
cas d’un livre, la communication cesse. Les actes d’écriture
et de lecture impliquent des sujets et un objet. Ici, «  la
tâche de l’herméneutique est d’éclairer cette merveille de
la compréhension qui n’est pas une communication
mystérieuse des âmes, mais une participation à un sens
commun  »349. Le but poursuivi par la compréhension est
d’en arriver à un «  accord  » sur la chose. Cette chose est
en l’occurrence le livre. Il est objet. En assurant un contact
linguistique, le livre devient le cadre phatique de la réalité
de l’auteur. Il vient créer un écart avec elle. Le livre, c’est
de la représentation parce qu’il vient s’appuyer à une
réalité. La compréhension implique, quant à elle, de
réparer cette division par le biais d’un sujet (le lecteur), et
un sujet, c’est l’expression, «  convoquant culture,
traditions, mémoire du passé sous l’espèce d’images
“significatives”, c’est vers l’interprétation qu’elle tend  »350.
Depuis toujours, la tâche de l’herméneutique a été de
redresser cet accord manquant. Gadamer nous explique
que l’échec de l’introduction d’une conscience historique à
prétention universelle (Schleiermacher) aura permis
d’aborder l’histoire sous un nouveau jour, comme le devenir
de ce que nous sommes. Les tentatives de rétablissements
des ponts chez Ast feront de l’histoire une quête de la
vérité du présent et non pas uniquement un élément du
passé. C’est dans cette perspective que le cercle de la
compréhension chez Heidegger a pu revêtir une possibilité
positive de connaissance, poursuit Gadamer.
«  [Cette possibilité] n’est bien sûr saisie de manière
authentique que si l’interprétation a compris que sa
tâche première, constante et dernière reste non pas de
se laisser à chaque fois donner sa préacquisition, sa
prévisée et sa préconception selon des coups de tête ou
des concepts populaires, mais, en les élaborant,
d’assurer son thème scientifique à partir des choses
mêmes. »351 »
L’interprétation doit être limitée par les choses elles-
mêmes. «  Le dire de l’herméneute est un re-dire, qui
réactive le dire du texte.  »352 Cela implique qu’il faut
d’abord se laisser déterminer par la chose elle-même.
« Pour être autorisé à en extrapoler tous les sens possibles,
il faut comprendre avant tout [ce qui est dit],
grammaticalement parlant.  »353 Cette étape ne constitue
pas la finalité du processus d’interprétation, mais la
rigueur imposée par «  la chose elle-même  » doit être
présente tout au long du processus. L’herméneute doit
s’imposer cette exigence. Elle lui évitera des égarements
qu’il pourrait lui-même s’asséner.
Des hypothèses falsifiables
L’opération de compréhension nécessite d’avoir des
projections et des anticipations sur le sens général de ce
qui doit être compris. Par exemple, celui qui cherche à
comprendre un texte doit aborder sa lecture avec en tête
des hypothèses falsifiables sur le sens général du texte. Ce
sont ses préconçus et ses préjugés qui lui permettront une
certaine comparaison. « Avoir compris l’explication signifie
avoir à l’esprit un concept de ce qui a été expliqué, c'est-à-
dire un échantillon ou une image  »354 auquel l’interprète
peut se référer pour comparer. Évidemment, les projections
de départ doivent être révisées au fur et à mesure que le
texte informe l’interprète sous peine de l’induire en erreur
à un moment ou à un autre. Les conceptions préalables
seront de plus en plus conformes aux dires du texte parce
qu’elles seront sans cesse réajustées au fil de la lecture.
Cet ajustement progressif des préconceptions au texte lui-
même est un exercice essentiel. Il assure le versant objectif
de la compréhension. Toutefois, la pure objectivité n’est pas
possible, car le «  lecteur ne [peut] réagir qu’à travers ses
propres émotions  »355. Il ne peut pas s’effacer
complètement devant un texte. Au contraire, «  l’ouverture
à l’opinion d’autrui ou du texte veut toujours dire qu’on met
celle-ci en relation avec la totalité de ses propres opinions,
ou inversement  »356. Si la comparaison fait ressortir les
différences, il faut encore qu’elles soient interprétées. Les
différences doivent être analysées au regard de l’univers de
référence de l’interprète. Cette mise en perspective
donnera naissance à un univers différencié, une structure
différentielle qui permet au bout du compte, une
compréhension singulière de l’objet analysé357. C’est en
jouant de la différ(a)nce au sens derridien de l’expression
que l’interprète rétablit les ponts et les accords manquants.
L’anticipation de la perfection
La compréhension nécessite une unité parfaite de sens,
nous dit Gadamer. Elle implique une cohérence globalisée.
Nous devrions toujours présumer de la perfection d’un
texte, non pas qu’il soit pour autant parfait, mais plutôt
qu’il soit abordé comme un tout cohérent. Cette
anticipation de la cohérence ou de la perfection d’un texte
doit servir de guide au lecteur. Comme un éclaireur, la
croyance de la cohérence globalisée du texte accompagne
la personne qui lit sur le chemin de la compréhension. Afin
de mieux saisir son concept de «  l’anticipation de la
perfection  », Gadamer nous donne l’exemple d’une lettre
de correspondance. Quand le destinataire de la lettre en
fait la lecture, il doit lire en prétendant à la véracité de ce
qui y est écrit. Il doit accepter l’idée que son correspondant
est mieux placé que lui pour affirmer ce qui est écrit. De
toute façon, cela est pour la plupart du temps vrai, car
l’auteur de la lettre a le privilège de pouvoir dire qu’il est là
où il est et qu’il est plus au fait de ce qui s’y passe.
Présumer de la perfection ne signifie pas prétendre que ce
qui est dit est la vérité ou d’une quelconque façon vrai. En
fait, «  ce n’est que lorsque cette volonté de faire valoir la
vérité de ce qui est dit échoue que l’on en vient à tenter de
“comprendre” le texte comme l’opinion d’autrui »358.
Une multifinalité
Si tout est possible dans l’interprétation, toute
interprétation n’est pas pour autant possible. Celui qui ne
tient pas compte de ce qui a été dit ou écrit (de la chose
stricto sensu) se rendra rapidement compte qu’il n’est pas
en mesure de l’intégrer à sa propre attente de sens.
Autrement dit, si la lecture est faite sur la base
d’hypothèses non falsifiables, le tout sera inévitablement
incohérent, voire le fruit d’un travail inutile. Le texte
permet l’interrogation, mais fixe aussi les limites. Une
bonne compréhension ne permet pas de se laisser aller au
hasard de sa propre opinion, mais elle n’impose pas pour
autant la neutralité, ni même un effacement de soi. En
effet, «  celui qui veut comprendre un texte est, au
contraire, disposé à se laisser dire quelque chose par
lui  »359. La compréhension implique à la fois une
appropriation et une distance par rapport à ses propres
opinions et préjugés. Ces derniers forment le versant
subjectif de la compréhension. Un lecteur a l’obligation de
lier sa compréhension à la chose elle-même. Une
compréhension qui ne s’accorde pas avec les dires du texte
ne peut être valable. Cette obligation de s’en remettre au
texte constitue le versant objectif de la compréhension. Le
lecteur se retrouve donc à mi-chemin entre la familiarité et
l’étrangeté, c'est-à-dire «  entre l’objectivation qui résulte
de la mise à distance historique, d’une part, et
l’appartenance à une tradition, d’autre part. C’est dans cet
entre-deux que se trouve le lieu véritable de
l’herméneutique.  »360 Cet écart est essentiel afin d’assurer
la compréhension, mais il impose en même temps l’idée
qu’un texte possède toujours une multifinalité. Autrement
dit, comme il y a une multitude de façons de comprendre
un texte, il ne peut pas y avoir une seule bonne
compréhension, mais une multitude de compréhensions
valables et valides. «  Si quelqu’un dit “rouge” (le nom
d’une couleur) devant un auditoire de 50 personnes, on
peut s’attendre à ce qu’il y ait 50 rouges dans les têtes. Et
on peut être certain que tous ces rouges seront très
différents. »361
L’exemple de la photographie russe
Dans un exemple362 exposant sa théorie du «  surcode  »,
Lucien Sfez expose les différentes perceptions d’une
photographie faite en Russie en 1917. Cet exemple, résumé
ici-bas par Ravault, illustre bien les propos de Gadamer sur
l’infinité des sens possibles qu’apporte la compréhension.
L’exemple dresse un bon portrait des résultats
imprévisibles issus de cet entre-deux de la rencontre entre
un objet et les préjugés des interprétants.
« Au moment où elle a été prise, cette photo avait pour
but de montrer la participation des ouvriers aux
manifestations de 1917 et elle était, alors, perçue
comme telle. Plus tard, d’autres observateurs davantage
préoccupés par les mutineries des troupes durant la
Première Guerre mondiale, constateront qu’il y avait,
dans la scène représentée, plus de soldats que
d’ouvriers. Plus tard encore, mobilisées par les
revendications féministes, des militantes verront bien
que, sur cette même photo, il y avait plus de femmes
que d’hommes. Enfin, une fois la ferveur révolutionnaire
retombée, on s’apercevra que la même structure
picturale exhibait des passants qui lançaient des
quolibets aux manifestants ou les regardaient défiler
d’un air goguenard. »363
L’exemple de la photographie russe est frappant. Le sens
donné à la photo erre dans plusieurs directions en fonction
de qui la regarde et à quel moment il la regarde. Il n’en
demeure pas moins qu’il s’agit toujours et à chaque fois de
la même photographie. Cette exemple démontre très bien
que la compréhension n’implique pas de devoir se
transposer à la place de l’auteur. En plus d’être impossible,
une telle transposition limiterait la compréhension à une
seule possibilité. La distance du temps apporte de
nouvelles perspectives. La multiplicité des possibilités nous
rapproche de la solution sans pour autant nous spécifier
laquelle est la bonne. Il se peut alors que nous fassions
erreur, mais au lieu de concevoir une seule solution, nous
en imaginons beaucoup, ainsi nous ne deviendrons
l’esclave d’aucune364. Tout en demeurant conforme à la
chose, c’est là la tâche de l’herméneute de se risquer à des
projections.
Tzvetan Todorov – Mémoire et sélection
La vie humaine est un enchaînement d’expériences et de
circonstances. Les événements de nos vies nous marquent
tous. Certains plus que d’autres, mais il demeure toujours
des traces dans la mémoire des gens qui les ont vécus. Ces
empreintes mnésiques sont saisissables et périssables.
Elles ne constituent qu’une infime partie des événements
passés, le reste est perdu. La conservation ou la perte ne
relève pas toujours du libre-arbitre de chacun. Elle est
parfois le fruit du hasard ou de pulsions inconscientes dans
l’esprit des individus. Elle amène à penser qu’au fond,
«  c’est Dieu qui tient la gomme à effacer  »365. La mémoire
humaine n’est pas celle des ordinateurs qui conservent
tout. «  La mémoire est l’oubli  : oubli partiel et orienté,
oubli indispensable.  »366 Il faut se donner la chance d’aller
boire à la source de Léthé. Se rappeler de tout serait
intenable. Il faut pouvoir oublier un peu, parfois beaucoup.
La mémoire c’est à la fois l’oubli et la conservation, c’est
une sélection. À la manière d’un juge qui siège à un procès,
le travail de la mémoire consiste à écarter ou à conserver
certains éléments de preuve selon un critère de pertinence
lié au but poursuivi. Cependant, à la différence du juge, le
choix de conserver ou d’écarter les faits n’est pas toujours
volontaire. Le choix s’impose de lui-même à l’occasion et il
est le fruit de l’autonomie de l’esprit à d’autres moments.
«  Je retiens même ce que je ne veux pas retenir, et je ne
peux pas oublier ce que je veux oublier. »367 Le travail de la
mémoire peut se tromper, mais rien n’est fixé pour
toujours. La mémoire peut se souvenir et peut oublier à
tout moment. Le travail de la mémoire est téléonomique. Il
est orienté de manière à trouver un sens à notre existence.
Il débute par une sélection des faits. Une fois choisis,
déterminés et validés, les faits devront être compris, puis
interprétés. En d’autres termes, il faut les incorporer à
notre réalité personnelle, les mettre en relation les uns
avec les autres, avec nous et voir comment ils interagissent
ou comment ils s’opposent. Une mémoire «  demeure
personnelle, individuelle, “psychologique” et rattachée à
notre capacité (avant tout linguistique) de la mettre en
mots. »368 Elle ne peut avoir du sens que pour un individu
en particulier. Il y a autant de mémoires qu’il y a
d’individus.
« Le passé est infini, on ne peut jamais évoquer tout ce
qui s’est passé, même dans une journée. Une vie ne
suffirait pas à énumérer tout ce qui s’est passé dans une
journée369. La mémoire c’est celle des individus, c’est ce
que chacun a vécu, c’est une source très précieuse pour
l’histoire, mais l’histoire, n’est pas simplement une
juxtaposition de mémoires individuelles. L’histoire passe
par l’historien. Le rôle de l’historien est de hiérarchiser
les éléments du passé. Si l’on transpose la chose au
tribunal, c’est pareil. Le juge n’est pas sensé se
comporter comme un témoin parmi d’autre, c'est-à-dire,
se souvenir de ceci, mais pas de cela, de recueillir tel et
tel témoignage et en laisser tomber d’autres. Il est
censé rationaliser ses choix et les justifier
rationnellement. Vous me direz, on peut tout
rationaliser. Mais nous autres, êtres humains, nous ne
disposons pas d’autres moyens d’aller plus loin que
d’introduire ce critère dans un débat argumenté. »370
Pour l’essentiel, nous pourrions affirmer avec Ricœur que
« le débat dans lequel culmine la discussion herméneutique
– à savoir le rapport dialectique entre expliquer et
comprendre – a pour symétrique, en philosophie du droit, le
débat engagé entre argumentation et interprétation »371. Si
la symétrie est possible, elle ne peut pas pour autant
aboutir en une simple application des éléments généraux
au cas particulier du droit. La sphère juridique a une
nature et une fonction unique. Elle impose de s’y attarder
précisément. « L’exercice de la justice n’est pas simplement
un cas d’arguments, mais de prise de décision. C’est ici la
lourde responsabilité du juge, dernier anneau de la chaîne
de procédures, à quelque degré que ce soit. »372
CHAPITRE 2 – LES JURISTES
« Et alors le jeu commence.
C’est un jeu qui se joue surtout à deux :
d’un côté il y a le pro coureur…
(on l’appelle le pro coureur passqu’il court, c’est lui qui fait
la poursuite)
Puis en face, y a l’autre : celui qui parle pour toi.
Celui-là, pluss il parle, pluss ça te coûte cher…
C’est pour ça qu’on l’appelle l’avocat de la dépense !
Mais toi tu t’en fais pas, tu t’en fiches
t’es prévenu…

Quand le jeu commence, toi, entre ces deux-là,


tu te sens un peu comme une balle…
Sauf qu’ils te frappent jamais.
Ah non, ils oseraient pas te frapper,
passque le juge est là qui suit le jeu.
Du haut de sa magique stature, il en rate pas une…
il s’expressionne avec un irrévocabulaire
et une juridiction parfaite…
tout ce qu’il dit c’est incontestable…
c’est le chef incontesté !
Quand la foule se met à rigoler faut l’entendre :
“Silence ! Silence, ou je suspends
l’odieuse !”
C’est pas long ça se calme…
Et puis il est drôle, le juge, il dit toujours :
“Poursuivez ! poursuivez ! ”
Il a beau être juge, il doit être un peu parti…
avec ses : “Poursuivez ! poursuivez ! ”
on sent qu’il a un faible assez fort pour la poursuite.
D’ailleurs c’est toujours la poursuite qui commence…
c’est toujours le pro coureur qui a le premier mot[.] »
SOL (Marc FAVREAU)
La justice sans balance
DE LA COMPRÉHENSION À LA
QUALIFICATION
Dans la mesure où comprendre rime parfois avec justifier,
nous sommes en droit de nous poser la question sur la
pertinence d’une quête de la compréhension des atrocités
du monde. Chercher à comprendre les massacres ou les
tragédies n’implique pas une justification de ces
événements, mais travaille plutôt à en empêcher le retour.
Il n’existe pas de cause qui mène automatiquement à une
même conséquence. Il faut faire une différence entre juger
et comprendre, «  car juger, c’est tracer une séparation
entre le sujet qui juge et l’objet jugé, alors que
comprendre, c’est reconnaître notre appartenance
commune à la même humanité  » . La sphère juridique
373

revêt, de ce point de vue là, un caractère bien particulier.


Un juriste n’a pas la possibilité d’évacuer la responsabilité.
Il doit toujours rattacher un acte à son auteur. C’est de
cette façon que le système juridique est en mesure
d’assurer l’ordre social. Un juriste qui se contente de
comprendre les événements n’accomplit pas pleinement sa
tâche.
«  Un historien ou un économiste, un psychanalyste ou
un sociologue ne raisonnent jamais en termes de
responsabilité ; mais un juriste est contraint de le faire.
Son rôle est de garantir la paix sociale. Il ne faut pas
faire de lui, en une formule simpliste un conservateur,
car la paix sociale exige autant un souci de mouvement
qu’un souci d’ordre. Ici, en matière de responsabilité, la
paix sociale exige absolument qu’on s’arrête dans la
recherche des origines. Il faut imputer à tel ou tel, à tel
service ou à tel autre, à telle collectivité ou à telle autre,
la responsabilité du dommage. Raisonnons ici en termes
psychanalytiques  : le chaos social s’installe
immédiatement. » 374

Dire le droit, c’est remettre en place les éléments et


rétablir la juste distance entre la victime et l’accusé. Une
décision judiciaire vise toujours des actions qui ont été
effectivement commises à un moment et dans un lieu
précis. Le travail d’un juge consiste d’abord dans une
reconnaissance des parties et des faits. Le magistrat
s’affaire ensuite à relier les effets des actions à leurs
auteurs ; il impute, il tranche et décide, enfin, il juge. Quant
à la compréhension, elle ratisse un lieu plus vaste. Elle vise
le genre humain dans son ensemble. Elle s’intéresse à
l’autonomie d’un sujet non déterminé et à la capacité de
chacun à agir selon son propre gré, car « les hommes sont
tous potentiellement capables du même mal, mais ils ne le
sont pas effectivement, car ils n’ont pas eu les mêmes
expériences  »375. Comprendre une situation implique de se
positionner comme un être humain faisant partie de
l’Humanité et de s’interroger sur les conséquences d’une
telle unité englobante. Ainsi, comme le souligne Melkevik,
«  [n]e faut-il pas […] juger en conscience notre histoire,
toute histoire, pour apprendre, pour soumettre le mal à
notre propre “nature” enfin, pour apprendre la leçon de
l’avilissement qui accompagne trop souvent l’œuvre de
l’homme?  »376 Juger en conscience, ce n’est pas juger
comme un juge, mais c’est parvenir à la compréhension
morale des événements pour ne pas les répéter. Il n’y a
plus de rupture entre nous (je) et eux (tu), parce que les
autres sont en nous et que nous vivons à travers eux. De
cette façon, la compréhension morale des événements peut
aller plus loin sans pour autant nous mener à des
certitudes, car «  la conduite des individus recèle une part
irréductible de mystère – c’est en cela qu’ils sont
humains  »377. Comprendre sans juger, ou juger en
conscience, c’est troquer la responsabilité pour la fatalité,
or «  la fatalité, c’est personne, la responsabilité, c’est
quelqu’un  »378. Un jugement judiciaire ne doit pas pour
autant faire abstraction d’une réflexion morale. Au
contraire, la compréhension morale des événements aide à
la construction d’un jugement, mais il faut tout de même en
fin de compte être en mesure de tracer la limite pour
assurer un certain ordre des choses. La décision d’un juge
est «  une communication, un appel au partage qui lui
donne sa véritable légitimité que la loi, qui lui sert d’assise
et de balise, ne saurait lui conférer d’une façon
automatique et certaine du seul fait de sa source ou de son
point d’ancrage »379. Autrement dit, la compréhension et le
jugement se côtoient et se complètent. « Au plan juridique,
on déclare l’auteur responsable des effets de son action. Au
plan moral, c’est de l’autre homme, autrui, que l’on est tenu
responsable.  »380 À la base, nous pouvons être tenus
responsables d’un dommage que dans la mesure où nous
sommes d’abord responsables d’autrui.

Trois grands lieux d’élaboration des discours


juridiques
Les faits «  qui parlent d’eux-mêmes  » n’ont pas besoin
d’être débattus. Pour tous les autres, une discussion doit
s’organiser. Peu importe le lieu où ils se tiennent et la
forme qu’ils prennent, les débats ont tous en commun une
dépendance à ce que les Grecs ont nommé la rhétorique,
c’est-à-dire, la technique du discours efficace. «  La
rhétorique, c’est un art de la parole persuasive issu des
pratiques judiciaires et politiques de l’Antiquité grecque.
C’est donc une technique qui envisage toujours le but de la
parole comme une entreprise de conviction.  »381 Le but
poursuivi est toujours une adhésion à la thèse proposée par
le moyen du discours, car «  quand on a recours à
l’expérience pour obtenir l’adhésion à une affirmation, il ne
s’agit pas de rhétorique »382. L’art du rhéteur réside dans la
persuasion, dans sa capacité à convaincre et à faire
adhérer un auditoire à son propos383. La rhétorique est
essentielle à partir du moment où l’on doit s’entendre sur
le sens d’un mot, d’une thèse, d’une idée et ainsi de suite.
Une adhésion est toujours à degrés variables. C’est une
question de choix et de validité, mais non de vérité. Une
thèse peut s’avérer simplement plus adéquate dans une
situation donnée. «  Les vérités sont impersonnelles, et le
fait qu’on les reconnaît, ou non, ne change rien à leur
statut. Mais l’adhésion est toujours l’adhésion d’un ou
plusieurs esprits auxquels on s’adresse, c'est-à-dire un
auditoire.  »384 L’attachement à une thèse est une affaire
humaine, elle tient dans les nuances et la subjectivité.
Quant à la Vérité, elle est objective et demeure toujours
insaisissable.
Aristote s’est penché sur toutes les formes d’expression
de la pensée pour finalement les regrouper et distinguer
trois grands genres oratoires que sont les discours
judiciaire, délibératif et démonstratif (épidictique). Ces
trois situations de discours possibles sont en mesure de
rallier et rassembler tous les autres. Autrement dit, peu
importe «  selon que l’on veut accuser/défendre,
persuader/dissuader, louer/blâmer/instruire, on aura
recours à trois genres différents de discours  » 385
pour le
faire. Reprenons maintenant ces trois modèles discursifs et
situons-les dans le cadre d’une analyse littéraire. Le genre
délibératif implique que l’auditeur soit le juge des choses à
venir. Il implique du même coup une certaine controverse
politique. Quant au genre judiciaire, il suppose que
l’auditeur soit le juge des choses accomplies, donc du
passé. Il est constitué habituellement sous la forme du
litige judiciaire. Finalement, le troisième genre de discours
pose l’auditeur de manière à ce qu’il soit informé des
qualités des choses exposées. Cependant, « [c]ontrairement
à l’opinion d’Aristote, les discours épidictiques [ou
démonstratif] ont un effet sérieux, celui de créer une
communion autour de certains événements, certaines
personnes, certaines réalisations, dont la mise en valeur
caractérise la culture d’une société  »386. Cette triade de
discours n’est pas sans nous rappeler387 la classification des
assertions performatives des actes de langage dans le
modèle communicationnel habermassien. En effet,
Habermas distingue et désigne les actes de langage de
trois façons  : constatifs, normatifs et expressifs. Les
premiers actes constatent, proposent et qualifient les
choses. Ils sont en quête de vérité. Quant aux actes
normatifs, ils prescrivent, promettent et régulent. Ils sont
en quête de légitimité ou de justesse. Troisièmement, les
actes de langage expressifs évoquent des sentiments, des
goûts et des perceptions. Ils sont en quête de sincérité et
d’authenticité388. Les analyses tridimensionnelles des
discours chez Aristote et des actes de langage chez
Habermas trouvent également, à notre avis, une certaine
correspondance dans le domaine juridique. Nous
distinguons là aussi trois genres de discours ou plutôt, trois
grands lieux d’élaboration des discours juridiques  : «  [L]a
doctrine, domaine privilégié des juristes professionnels  ;
l’activité législative, génératrice de droit positif  ; enfin
l’opération judiciaire, “lieu” privilégié de l’application du
droit dans l’enceinte des tribunaux.  »389 Nous ferons un
survol de ces trois lieux, mais nous accorderons un intérêt
particulier au tribunal, car c’est là, nous croyons, que nous
sommes à même de mieux constater la relation entre le
droit et la communication.
La doctrine
Le premier lieu d’élaboration de discours juridique dont
nous allons traiter est celui de la doctrine. Par définition, la
doctrine rassemble « les ouvrages dans lesquels les auteurs
expliquent et interprètent le droit. [Elle se veut aussi l’]
opinion d’un ou de plusieurs auteurs sur une question de
droit »390. La doctrine est habituellement le fruit du travail
d’étudiants, de professeurs et de chercheurs universitaires,
mais elle peut aussi naître sous la plume de juristes
praticiens, avocats, notaires ou juges. Peu importe sa
source, elle est chargée d’opinions et de critiques. Elle fait
constamment l’objet de débats. À une époque lointaine, la
doctrine était considérée comme une source formelle du
droit. Elle était contraignante. Certes, sa force
contraignable était moindre que celle de la jurisprudence
ou de la loi, mais la doctrine avait quand même la capacité
de pouvoir s’imposer à tous les acteurs juridiques.
Aujourd’hui, la doctrine constitue plutôt la conscience
critique du droit. Elle en demeure une source, mais elle a
perdu son caractère formel et contraignant. Elle éclaire les
juristes, mais ne s’impose plus à eux. Elle «  permet de
prendre de la hauteur, de prendre de la distance, de penser
le droit calmement et plus profondément, sans la passion
des causes du moment, sans intervenir en défense d’un cas
concret  »391. La doctrine peut également servir de point
d’appui aux prétentions des juristes dans leur travail. De
cette façon, elle peut venir justifier une démarche judiciaire
entreprise par un avocat ou encore, renforcer les
arguments qui accompagnent la décision d’un juge. La
doctrine n’offre aucune vérité, seulement des opinions.
Cependant, son caractère didactique lui permet d’illustrer,
de démystifier et de renseigner. Au final, la doctrine permet
au juriste de développer sa propre opinion sur une situation
donnée. Le travail du juriste consistera ensuite à l’insérer
dans un débat afin que l’opinion puisse être discutée. C’est
donc avec une certaine humilité que la doctrine fait
avancer le droit. Même si elle n’est plus contraignable, la
doctrine demeure fondamentale.
L’activité législative
Le deuxième lieu d’élaboration des discours juridiques
prend place dans le cadre des débats animés entre les
différents représentants de la population (élus ou nommés);
c’est l’activité législative qui a comme tâche d’élaborer les
lois et les règlements d’un État. Cette dernière s’exerce
souvent selon les principes du bicaméralisme, c’est-à-dire
en deux phases, par le concours de deux chambres
distinctes (haute et basse). C’est d’ailleurs le cas de
l’activité législative canadienne qui scinde le Parlement en
deux chambres distinctes, la chambre des communes et le
Sénat. Cette division existe également aux États-Unis entre
la chambre des représentants et le Sénat ainsi qu’en
France entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Par contre,
au Québec, l’Assemblée Nationale détient seule, tous les
pouvoirs d’élaboration législative depuis l’abolition du
conseil législatif en 1968.
Le Parlement est l’organe d’un État qui construit le droit
positif. Qu’il soit scindé en deux chambres ou non, il
discute, élabore, vote et fait entrer en vigueur les lois d’un
État de droit. Il classe et hiérarchise les textes législatifs
conformément à la théorie pure du droit de Kelsen. Cette
théorie pyramidale de la normativité place la constitution
de l’État au premier rang, au sommet de la hiérarchie. La
constitution se veut la norme des normes, puis s’ensuivent
les lois-cadres, les lois, les règlements, les décrets et les
actes administratifs. Toutes les lois et les avenants qui
voient le jour sous l’égide du Parlement doivent être
conformes au rang supérieur qui les voit poindre. Ce
respect de la hiérarchie des normes doit pouvoir remonter
jusqu’au texte constitutionnel de l’État  ; c’est le test de
validité constitutionnelle. Ce dernier permet aux lois de
trouver la légitimité nécessaire pour pouvoir s’appliquer à
tous les membres du groupe. Cependant, il faut pour cela
considérer la constitution comme étant porteuse des
valeurs de ce même groupe. Or, la constitution est un texte
et ne sera jamais autre chose que le fruit du travail des
hommes, une construction purement humaine. C’est
pourquoi la lecture d’un texte constitutionnel doit
impérativement se faire avec prudence et méfiance392. Le
test de validité constitutionnelle ne doit pas mener à déifier
un texte écrit à la base par des humains. Le texte de la
constitution, comme n’importe quel texte législatif, comme
n’importe quel texte, doit être interprété afin de trouver
son juste sens.
Prenons l’exemple d’une loi votée à une Assemblée
législative quelconque. Cette loi est tellement générale
qu’on ne peut pas comprendre à sa seule lecture ce qu’elle
veut dire. Cependant, « si le texte paraît silencieux à celui
qui n’en fait qu’une lecture légère, les principes qu’il
établit sont éloquents pour celui qui a soin de les
méditer  »393. Voilà  ! Il faut méditer la loi, l’interpréter afin
d’en faire ressortir le sens et ensuite lui trouver une
application dans la société. L’interprétation est la méthode
de tous les juristes. Le Législateur et le Gouvernement
agissent à la manière d’un juge dans l’élaboration des
textes légaux, «  à un niveau différent certes, mais la
démarche de compréhension de la nature des choses est
identique à celle du juge, de l’avocat ou du notaire; tous
exercent le métier de juriste  »394. Reprenons maintenant
notre loi hypothétique et supposons que celle-ci prévoit la
création d’un conseil ou d’un comité d’analyse. En fait,
c’est tout ce qu’elle dit la loi. Seule, elle ne peut rien faire.
Il lui faut un décret d’application afin de concrétiser la
volonté du Législateur. Ce décret émane du Gouvernement
et permet la transposition ou l’application du texte de loi
dans la vie sociale. Il est le résultat d’un travail
d’interprétation d’un texte législatif par un organe exécutif.
Un texte de loi ne mentionne jamais les gens qui siègent
sur un conseil, ni la durée du mandat et encore moins la
rémunération des membres. Tout ce qu’il dit le texte de loi,
c’est que le conseil devra accompagner le ministre dans
l’orientation de sa politique. Évidemment, une telle formule
se prête à des interprétations extrêmement fortes, «  alors
au fond, c’est clair que tant qu’il n’y a pas de décret
d’application, donc d’interprétation, une loi n’a pas tout à
fait le statut de loi  »395. Une loi demeure un texte parmi
d’autres tant qu’un décret du conseil exécutif, véritable
interprète du gouvernement, ne vient pas préciser qui
siège au conseil, pour combien de temps, dans quel but et
de quel pouvoir le conseil découle. Interpréter un texte,
disait Ricœur, c’est lui redonner vie. Interpréter un texte de
loi, c’est lui donner une vie sociale.
Le tribunal
L’emplacement d’un Palais de justice, habituellement
situé au centre des activités de la ville, ainsi que
l’architecture souvent particulière du bâtiment396 qui
l’abrite indiquent le caractère extraordinaire de la situation
qui nous y amène. C’est en ce lieu hautement formalisé et
ritualisé que se jouent les destinées de plusieurs
concitoyens. Le Palais de justice, c’est le terrain de jeu des
avocats397. C’est dans ce grand parc social que se trouve le
troisième grand lieu d’élaboration de discours juridiques  :
le tribunal. Ce dernier est un module de jeu qui permet la
résolution des conflits entre les citoyens de manière
paisible. Il constitue une enceinte particulière dans laquelle
prennent place un juge et des parties en litige
habituellement représentées par des avocats. La
distribution des rôles au tribunal ne peut pas être
égalitaire, car si la partie demanderesse se présente de son
propre chef dans une salle de cour, la partie défenderesse y
est toujours convoquée. Le juge, les avocats, les parties ou
les témoins auront tous la possibilité de s’exprimer dans un
procès, mais chacun le fera selon une mise en scène bien
rodée. On ne parle pas quand on veut ni de ce qu’on veut
au tribunal. Chacun aura son droit de parole à un moment
précis et convenu d’avance. La discussion devra porter
uniquement sur le fond du litige et non pas sur la forme du
procès  ; d’autres instances sont prévues pour cela. Un
procès ne doit pas et ne peut pas procéder à chaque fois
sur sa propre démarche. Il n’en finirait plus de finir. Le
procès doit servir comme un véhicule. Nous ne
reconstruisons pas le moteur d’une voiture à chaque
utilisation du véhicule. Nous nous contentons de démarrer,
d’embrayer et d’avancer. Il s’agit pour nous d’un rituel.
Autant le procès français que le «  trial » anglais impliquent
une forme de ritualisation398. Dans les deux cas, c’est tout
le déroulement de l’instance qui est prévu dans les règles
de procédures. Rien n’est laissé au hasard. Il suffit de
répéter comme le font les acteurs de théâtre soir après soir,
représentation sur représentation, une pièce pourtant à
chaque fois différente ; un spectacle unique399.
Le juge
Traditionnellement, le juge occupe la tribune la plus
élevée dans la salle de cour. Les parties ont requis sa
présence et lui ont donné le mandat de trancher et de
régler leur litige. Le travail du juge ne doit pas consister à
une recherche d’accord entre les parties. Le juge n’est pas
un conciliateur ou un médiateur. Il doit se prononcer et
décider, remettre de l’ordre et assurer la paix sociale. La
mise en scène du procès dans un tribunal est parfois
empreinte d’une grande théâtralité, mais celle-ci est
essentielle. Un procès exige ce genre de décorum. Le
caractère solennel et formel du processus judiciaire donne
une légitimité supplémentaire à la décision ou au jugement
judiciaire. «  La mise en scène vient au soutien de la
représentation imaginaire de l’institution.  »400 Autrement
dit, elle structure et érige l’autorité de l’institution
judiciaire. Elle fait en sorte que les décisions des juges « se
présentent comme un résultat pratique de l’application
logique de critères et de règles connus et liants tous les
membres d’une même société  »401. La mise en scène
s’assure que nous soyons d’accord sur les mêmes principes
de fonctionnement, que nous parlions tous le même
langage.
« Avec l’institution du tribunal, le procès confronte des
parties qui sont constituées “autres” par la procédure
judiciaire; bien mieux, l’institution s’incarne dans la
personne du juge, qui, placé en tiers entre les parties du
procès, fait figure de tiers au second degré; il est
l’opérateur de la juste distance que le procès institue
entre les parties. […] C’est seulement dans la figure du
juge que la justice se fait reconnaître comme “première
vertu des institutions sociales”. »402
Le juge est la figure la plus représentative de la justice
dans nos sociétés. Il est doté d’un pouvoir coercitif. Ses
décisions ont vocation à s’appliquer et à s’imposer.
Cependant, le juge doit être précautionneux et se servir de
son pouvoir avec justesse et vigilance. Il ne doit pas en
abuser, car parfois « on commence par vouloir la justice et
on finit par organiser une police  »403. Afin de pallier cette
éventualité et devant l’impossibilité de pouvoir donner
l’assurance de la vérité de la justice, le juge propose des
arguments au soutien de la validité de ses décisions. Le
juge n’est pas un enquêteur dans un système contradictoire
comme celui du Canada. Il ne recherche pas la preuve. Ce
sont les parties en cause qui présentent au juge les preuves
au soutien de leurs prétentions. Le juge doit trancher à
partir des éléments qui lui sont présentés. Il n’a pas le
loisir d’aller chercher de la preuve à l’extérieur. De plus, il
doit demeurer sans parti-pris pendant tout le processus
judiciaire.
L’impartialité est le mot d’ordre des juges. La pure
objectivité n’existe pas, mais l’impartialité est possible. Il
faut faire passer la différence. Évidemment, le juge ne peut
pas soustraire sa subjectivité dans la sélection des faits et
des normes applicables. Cependant, il doit prendre toutes
les précautions afin d’assurer l’impartialité maximale de
son jugement. Le juge doit écouter les deux points de vue,
les témoignages et les contre-interrogatoires. Il ne doit pas
faire de la procédure une banquette à charge. «  Dans le
monde des conduites humaines, il n’y a pas d’objectivité,
mais il y a des degrés très variables de la subjectivité, et
notamment, cette forme d’intersubjectivité qu’est
l’impartialité.  »404
Il faut trouver un mot pour désigner le
travail du juge tel qu’il doit être; les défaillances relèveront
d’une autre affaire. L’impartialité n’est pas une
connaissance qui peut s’apprendre. Il s’agit d’un sens
pratique qui s’acquiert avec le temps. Tous les citoyens ne
possèdent pas les moyens de le développer de la même
façon, car tous n’ont pas les mêmes expériences. «  Un
homme qui se vante de ne jamais changer d’opinion est un
homme qui se charge d’aller toujours en ligne droite, un
niais qui croit à l’infaillibilité. Il n’y a pas de principes, il
n’y a que des événements ; il n’y a pas de lois, il n’y a que
des circonstances. »405 Le juge siège au tribunal parce qu’il
est doté de connaissances en droit certes, mais aussi et
surtout parce qu’il a une expérience de vie qui trouve une
correspondance avec les valeurs de la société. «  La
philosophie reconnaît depuis longtemps que seule
l’expérience de la vie peut inculquer, à des degrés divers
selon la personnalité de chacun, la prudence, la sagesse, la
perspicacité et la sagacité.  »406 À la manière des sages et
des poètes, les juges «  savent prendre la liberté avec la
règle officielle qui permet de sauver l’essentiel de ce que la
règle visait à garantir  »407. Cette liberté qui se veut aussi
créatrice permet aux juges de parer à toutes les
éventualités de la vie sociale, car c’est toujours au regard
des faits eux-mêmes et dans la façon de les qualifier
juridiquement que le juge fonde les arguments de son
jugement.
DE LA QUALIFICATION À L’ARGUMENTATION
Le tribunal est un merveilleux laboratoire social où se
côtoient sans cesse les expériences et les règles de vie en
commun. Cependant, pour avoir du sens en droit, il faut
pouvoir qualifier juridiquement les choses. Le processus de
qualification juridique n’est pas une tâche exclusive au
juge. Les avocats des parties en litige qualifient
juridiquement les faits et interprètent les lois eux aussi.
«  [L’avocat] entend en effet son client, les témoins, les
experts, la partie adverse et cela avant même tout procès.
Et, de toute évidence, en cas de procès, la qualification du
juriste est débattue collectivement.  »408 Ce débat autour
des faits et des règles permet de s’approcher de la vérité –
de ce qui s’est réellement passé, mais dont il ne reste que
le récit – et de ce que la loi veut vraiment dire et qui s’offre
aux acteurs juridiques sous la forme d’un texte à
interpréter. Weinstock souligne qu’à la manière des
sciences pures ou exactes qui avancent dans un processus
collaboratif dans lequel les chercheurs tentent de prouver
et de tester, de réfuter ou de confirmer, de pousser et
d’élargir la portée des résultats de leurs collègues, «  le
système contradictoire en droit serait une sorte de
processus collectif de découverte de la vérité. Chacun
tentant d’invalider la position des autres, il en ressortira
une position aussi proche de la vérité que possible, parce
qu’informée par ces multiples tentatives de réfutation  »409.
Le procès permet l’expression d’une vérité judiciaire. Cette
dernière s’exprime dans la décision qui ne demeure
cependant toujours rien qu’« une perspective sur un litige :
une vérité sortie d’une dispute  »410. La décision judiciaire
n’emporte plus toutes les vérités comme c’était le cas dans
le passé. La vérité judiciaire est dorénavant
concurrencée . Elle doit apprendre à conjuguer avec
411

d’autres vérités comme, par exemple, les vérités


scientifiques, médiatiques, journalistiques ou religieuses.
Sur le jugement et la faculté de juger
Le travail du juge consiste précisément à juger d’une
situation litigieuse, mais bien qu’il en fasse sa tâche
principale, il n’en possède pas pour autant l’exclusivité. Au
contraire, la faculté de juger est le propre de l’homme. À la
question de savoir « qui nous sommes pour tenter de juger
le jugement des autres […] on ne peut répliquer que par
cette autre question : que serions-nous tous privés de cette
faculté »412? Le jugement est essentiel, car il constitue une
preuve d’autonomie. Cette dernière s’acquiert par la
capacité d’un sujet à se déprendre de toute forme
d’autorité qui limite sa liberté d’agir et de penser par lui-
même. L’autonomie de penser d’un sujet est liée à sa
capacité à estimer les actions (les siennes et celles des
autres) selon les prédicats « bon » et « obligatoire », c'est-
à-dire de les juger. La faculté de juger implique la prise
d’une décision qui devient ensuite celle de son auteur. Ce
dernier demeure toujours responsable de sa décision, car le
jugement ne permet pas d’évacuer la responsabilité. Un
sujet ne peut pas avoir de liberté sans responsabilité. De la
même façon, il ne peut pas avoir de liberté sans la
possibilité de juger.
« Selon qu’il s’agit de viser la solution juste et conforme
au droit pour le juge, l’équité pour le citoyen, le bon
gouvernement de la société pour le politique, l’utilité et
le meilleur prix pour le consommateur ou le
manufacturier, les critères retenus et l’appréciation
finale seront plus ou moins différents même si le
jugement provient de la même personne – le magistrat
est aussi un consommateur, le manufacturier est aussi
un citoyen, etc. D’ailleurs, il est également fort possible
que la même personne jugeant du même cas en deux
moments différents n’arrive pas au même résultat. On
saisit ainsi la plasticité des jugements alors même que
le processus intellectuel qui y mène emprunte chaque
fois à peu près le même chemin. »413
Tous les jugements sont porteurs d’effets, mais leurs
effets sont toujours relatifs. Le titre et la qualification de
l’auteur d’un jugement permettent de les classer sur une
échelle des effets des jugements. De cette façon, un
spécialiste qui émet un jugement dans sa spécialité trouve
sa place au sommet alors qu’un non-initié arrive
habituellement au bas de l’échelle. Nonobstant, tout n’est
pas perdu pour le profane, car par le biais de l’éducation et
de l’expérience, il pourra entreprendre une ascension. Le
jugement judiciaire est parmi les rares types de jugement
trouvant des effets dans tous les domaines. En effet, une
décision de justice peut s’imposer dans tous les milieux et
pourtant, le juge n’est spécialiste que du droit. La preuve
faite par les experts permet à un juge de trancher dans un
sens ou dans un autre accordant ainsi aux spécialistes le
bénéfice de la décision. Il conservera par contre la
responsabilité de celle-ci. Le caractère particulier, voire
même pointu, de certains domaines a favorisé l’éclosion et
la mise en place de tribunaux spécialisés. L’autorité d’une
décision d’un juge spécialiste dans sa spécialité est à son
comble, mais demeure soumise aux instances supérieures
sur les questions de droit. L’organisation juridique est une
structure hyper hiérarchisée. Lorsque ce n’est pas le
Conseil constitutionnel, c’est la Cour Suprême qui trône au
sommet de la hiérarchie.
Les jugements appellent naturellement à la critique et au
dialogue. Ils doivent être discutés parce que nous ne
pouvons pas nous y fier absolument. Or, si nous avons le
devoir de les critiquer, nous avons aussi l’obligation de les
respecter et là, s’ouvre la grande question de la
désobéissance civile qui implique une tiraillerie incessante
entre légalité et moralité. Un jugement ne doit pas recevoir
une application bête et directe du seul fait du titre de son
auteur ou de l’institution dont il émane. Un juge ne doit pas
recevoir d’approbation implicite comme à l’époque de la
procédure inquisitoire où «  le juge était revêtu d’une aura
d’auctoritas qui lui donnait la vraie possibilité de dire le
Droit, de dire de la vérité judiciaire »414. Nous avons vu que
depuis l’avènement de la société moderne, les lois sont les
fruits d’une négociation. De cette manière, «  les
conclusions juridiques, quelle que soit au demeurant
l’autorité qui les pose, sont toujours discutables. Nées de la
dialectique, ces conclusions demeurent dans la
dialectique » . Il ne faut jamais cesser de questionner, de
415

contester, de valider et de discuter les jugements


judiciaires. La doctrine est un lieu privilégié pour ce genre
de discussion.

DE L’ARGUMENTATION À LA DÉCISION
La technique juridique ne doit pas reposer sur l’idée
d’appliquer le droit positif à une réalité  ; «  les juristes
n’ayant pas la prétention de penser, mais seulement la
fonction de tenir les emblèmes de la Loi.  »416 Il faut plutôt
penser le contraire, c’est-à-dire, d’appliquer les faits de la
réalité au droit positif. Bauzon s’inspire et réaffirme les
enseignements de Villey lorsqu’il soutient que « les lois ne
s’appliquent pas aux faits, c’est l’inverse qui se produit, ne
serait-ce que pour dépasser leur antinomie  »417. Comme la
réalité de l’expérience de la vie est dans son ensemble
insaisissable, il est impossible de prétendre avoir tout
prévu. Tous les codes civils du monde ne viendront pas à
bout de l’expérience du monde vécu. Rappelons-nous ce
que Sfez nous a dit, lorsque les « codes » s’entrechoquent,
le résultat demeure à tous les coups imprévisibles. Partant
de cette idée sfezienne qu’il est impossible de tout prévoir,
il devient alors facile de concevoir que les juges sont
régulièrement confrontés à des vides juridiques, des cas
difficiles ou selon l’expression consacrée en anglais par
Dworkin, des «  hard cases  ». C’est d’ailleurs à partir de
ceux-ci que Dworkin élabora une théorie de l’interprétation
en réfutant d’abord ce qu’il considère être les trois axiomes
du positivisme juridique :
«  (1) Les lois sont réputées édictées par quelqu’un, en
position de commandement, elles sont donc identifiées
par leur pedigree.
(2) Elles sont réputées régir des dispositions non
équivoques.
(3) Si aucune réponse à la question posée ne paraît
contenue dans le droit en vigueur, alors le jugement de
l’affaire est remis au pouvoir discrétionnaire du
juge. »418
D’emblée, nous pouvons affirmer que ce n’est pas le
pedigree d’une loi qui permet de déterminer son sens, mais
bien l’interprétation. Une loi est d’abord un texte, rien
d’autre qu’une série d’énoncés linguistiques. Il ne peut
découler de ce texte aucune norme ni intention. « Un texte
de norme a besoin d’une interprétation avant toute chose
parce qu’il doit être appliqué à un cas concret. »419 Le texte
de norme n’est pas la norme, précise Müller. Il peut, au
mieux, constituer un point de départ dans le processus de
concrétisation de la norme ou de décision, mais il ne
saurait en rien contenir sa finalité. En somme, ce n’est
définitivement pas une quête de l’intention de l’auteur ou
du pedigree d’une loi qui mène à la découverte du sens
d’une loi. Quant au deuxième axiome positiviste, il se
déconstruit de lui-même, nous dit Dworkin. En effet, des
auteurs qui se réclament du positivisme juridique
reconnaissent que les lois, même les plus explicites,
conservent une structure ouverte qui pourrait mener à des
interprétations non prévues. L’idée même d’une structure
ouverte s’inscrit en opposition avec l’idéologie positiviste
traditionnelle, précise Ricœur.
Enfin, pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire reconnu
au juge devant une obscurité de la loi, il mérite que nous
précisions certains éléments. Nous savons qu’
«  [i]nterpréter c’est recréer  »420
au sens où créer, c’est
d’abord « planifier et organiser afin de mettre en rapport et
maîtriser. C’est, en deux mots, mettre en œuvre tous les
moyens s’opposant au désordre et à l’accidentel.  »421 De
cette façon, le juge n’est pas «  un démiurge qui crée ex
nihilo, mais un artisan qui s’applique à donner des formes
plus parfaites aux formes caduques de la loi »422. Le pouvoir
discrétionnaire n’est pas un pouvoir arbitraire. Le juge
n’est pas le Législateur. C’est à partir des lois en vigueur
que le juge fonde son raisonnement et prend une décision.
Le juge est un interprète devant la loi en ce sens que
«  l’interprétation fait de façon visible appel, dans la
reconstruction du sens du texte, à des rapports de
convenance, de justesse ou d’ajustement, entre
l’interprétation proposée d’un passage difficile et
l’interprétation de l’ensemble de l’œuvre.  »423 Dworkin a
démontré comment la règle de la bonne correspondance
est transposable à la sphère juridique en utilisant le modèle
du texte narratif; en faisant des juristes des romanciers.
L’interprétation juridique applique ce que nous avons
appelé plus haut la règle herméneutique du «  fit  » qui
assure la cohérence de l’ensemble par le fait que la partie
s’interprète mutuellement avec le tout et vice versa.
Dworkin donne l’exemple d’un ouvrage où des narrateurs
doivent ajouter un chapitre à tour de rôle. Dans cette
chaîne, aucun des auteurs ne détermine seul le sens global
de l’ouvrage. Bien qu’aucune règle ne le précise, chacun
des auteurs présume ce sens dans l’optique de demeurer
cohérent. Cette idée de «  fit  » s’accomplit dans la
conjugaison entre les précédents d’une part et les
présumés en élaboration d’autre part. «  Autrement dit,
d’un côté, le déjà jugé, de l’autre, le profil anticipé de
l’entreprise juridique considérée dans son historicité.  »424
L’image du roman apportée et appliquée au monde
juridique par Dworkin est bonne, mais elle doit
impérativement se refuser à penser que la seule contrainte
d’un juriste réside dans ce qui a été écrit avant. Le juriste
doit être contraint par les récits historiques, mais en plus, il
doit considérer qu’il fait lui-même partie de l’histoire. « Le
devoir d’un juge est d’interpréter l’histoire juridique et non
pas d’en inventer une meilleure.  »425 Le critère de la
cohérence constitue l’élément clé de toute argumentation
juridique.
La rectitude
Outre le critère de la cohérence, l’argumentation
juridique doit aussi prétendre à la rectitude afin de
parvenir au bout de la chaîne d’opérations de
l’interprétation. Comme la cohérence et la rectitude sont
impliquées dans la décision, elles y sont présumées,
l’argumentation à partir de laquelle la décision découle doit
nécessairement y prétendre. «  [L]a rectitude est la
prétention qu’élève toute argumentation, dès lors qu’elle
admet le critère de la communicabilité universalisable. Un
bon argument est celui qui idéalement serait non
seulement compris, tenu pour plausible, mais acceptable
par toutes les parties concernées. »426 L’argument peut être
de différentes natures.
«  Il peut s’agir d’un argument d’autorité  : "J’ai raison
parce que je suis ton professeur et tu es mon élève
donc, taie toi." Il peut aussi s’agir d’un argument
purement subjectif et émotif  : "Ça me plaît et ça ne se
discute pas." L’argument peut aussi tenir à la capacité à
argumenter et de raisonner de la personne en face de
moi, c'est-à-dire finalement, à une dimension
d’universalité qui nous est commune. Bien sûr, il s’agit
d’une universalité imparfaite et incomplète. Ce n’est pas
parfait, mais nous ne confondons pas les genres
d’arguments, nous faisons toujours une différence entre
l’argument d’autorité et l’argument rationnel. »427
Un argument rationnel n’implique pas une vérité, mais
exige toujours une validité ou une adhésion.
«  L’argumentation ne vise pas exclusivement l’adhésion à
une thèse parce qu’elle est vraie. On peut préférer une
thèse à une autre parce qu’elle semble plus équitable, plus
opportune, plus utile, plus raisonnable, mieux adaptée à la
situation.  »428 Une thèse peut être appropriée à une
occasion et ne plus convenir du tout à un autre moment.429
De la même façon, «  une clé convient si elle ouvre la
serrure qu’elle est supposée ouvrir.  »430 Cette convenance
dénote une capacité, celle de la clé à «  fiter  » et non pas
celle de la serrure.
Le juge a le pouvoir et le devoir de trancher des litiges. Il
doit appliquer la loi coûte que coûte. Il a des contraintes de
temps en plus d’avoir l’obligation de rendre un jugement,
peu importe les dispositions des lois. Un juge ne peut pas
s’abstenir de décider d’un litige. Il peut se récuser à
l’occasion, mais il sera alors simplement remplacé par un
autre juge portant la même robe. Une décision judiciaire ne
porte jamais sur une situation fictive. « Seul le cas concret
peut être décidé.  »431 La décision doit trouver une
application dans le quotidien des parties impliquées. Elle
ne peut pas se contenter d’être l’expression de grands
principes ou de vœux pieux. Une décision judiciaire est
sollicitée par la situation concrète d’un différend. Il est bien
normal que son dénouement trouve une application tout
aussi tangible. Au final, la décision du juge doit reposer sur
des arguments. La prétention à la rectitude est sous-
entendue dans toutes les décisions judiciaires. Elle est
reconnue par toutes les parties impliquées; même la partie
perdante d’un procès admet cette prétention implicite.
« [S]i l’argumentation juridique n’avait pas pour horizon le
discours normatif général visant à la rectitude, aucun sens
ne pourrait être donné à l’idée d’argumenter
rationnellement.  » 432
Il doit avoir une cohérence logique
entre les prémisses de départ et la conclusion finale. C’est
ce qu’Alexy a nommé la « justification interne ». Dès lors, il
est impensable de considérer le processus judiciaire
comme pouvant se réduire à imaginer un cas découlant
d’une règle, car ce sont les faits qui s’appliquent aux lois et
non le contraire. «  Le juge doit toujours interpréter la loi
parce qu’il passe du général au particulier.  »433 Il doit à la
fois reconnaître le caractère de la norme et le cas
particulier afin de les relier. Une décision judiciaire ne peut
donc pas naître d’une simple équation syllogistique, car
l’application d’une règle implique une opération complexe
nécessitant une interprétation de la norme et des faits, et
ce dans un ajustement mutuel. Cette dynamique
d’interdépendance est la même qui anime le débat
expliquer-comprendre que nous retrouvons dans l’étude
des textes généraux. Si nous transposons alors cette idée
au domaine juridique, nous constatons avec Ricœur que
«  l’argumentation constitue la trame logique et
l’interprétation la trame inventive du processus aboutissant
à la prise de décision  »434. Ceci laisse croire que la
dialectique explication-compréhension en herméneutique
générale trouve effectivement sa symétrie dans
l’enchevêtrement entre argumentation et interprétation en
herméneutique juridique.

Le juste
L’interprétation de la norme et l’interprétation des faits se
conditionnent mutuellement dans le cadre d’un procès.
«  Ce rapport est une fusion entre la nature des choses (to
dikaion phusikon) et le droit positif (to dikaion nomikon) qui
fut dénommée «  droit politique  » (to dikaion politikon) par
Aristote.  »435 La décision judiciaire est l’expression de ce
«  droit politique  », mais c’est aussi l’expression de la
justice. Cette dernière « fait partie intégrante du souhait de
vivre bien. […] Le souhait de vivre dans des institutions
justes ne signifie pas autre chose »436 et comme le souligne
Aristote, «  dans ce qui est juste entre concitoyens, il y a,
d’un côté, ce qui est naturel et, de l’autre, ce qui est
légitime (ou selon les traductions, conventionnel).  »437
Autrement dit, la décision judiciaire se veut une quête du
juste, un équilibre ou un rapport balancé entre les faits et
les lois, entre la communication sociale et le droit positif.
Cette relation d’implication mutuelle ne peut pas ne pas
être. Le juste naît de la dialectique sur la nature des choses
disputées. Il est davantage une recherche qu’une solution.
CONCLUSION

VARIATION SUR DEUX THÈMES


« Magie du théâtre! me dis-je.
 Qu’importe la salle, la scène
et ce qui va se passer sur scène.
l’essentiel c’est que quelque chose va se passer. »

Andreï MAKINE
La musique d’une vie
À titre de conclusion, nous proposons une variation sur
les thèmes du droit et de la communication. Nous vous
présentons cinq façons différentes d’aborder la relation,
cinq regards possibles du même rapport, cinq angles ou
encore, cinq approches qui prouvent bien que dans cette
relation entre le droit et la communication, aucune des
parties n’est la cause de l’autre et aucune ne peut faire
l’économie de son « semblable ». Cette relation en est une
d’implication mutuelle et de solidarité qui est liée
fondamentalement au caractère social de la communication
et du droit. Cette relation est nécessaire, elle ne peut pas
ne pas être. C’est la magie de la vie sociale, car qu’importe
le lieu, la forme ou la manière dont cela va se passer,
l’essentiel c’est que quelque chose va se passer entre le
droit et la communication.
La communication pour le droit
Un gouvernement qui est légitime est celui qui représente
la volonté du peuple. Or, le peuple, c’est la communauté,
mais c’est d’abord et avant tout des personnes qui ont
ressenti le besoin et qui ont communiqué le désir de vivre
ensemble. Pour y arriver, elles ont discuté et se sont mises
d’accord afin d’ériger des institutions qui ont comme tâche
unique et complexe, la gestion de leurs pouvoirs joints. Ces
institutions ont eu la lourde corvée d’élaborer un système
afin d’ordonner la vie sociale. Ce sont les institutions qui se
sont faites créatrices de droit et non les individus eux-
mêmes. Cependant, afin d’être légitime aux yeux de tous, le
reflet de l’harmonie ou de l’entente originelle doit se
maintenir en permanence au sein des institutions qui ont
vocation de s’imposer aux membres du groupe. Comme la
société évolue et les temps changent, les institutions
doivent s’ajuster perpétuellement afin de demeurer en tout
temps une concrétisation de la volonté générale sans cesse
renouvelée. Cela constitue le gage de leur légitimité.
Une institution est légitime lorsqu’elle résulte
concrètement de la bonne entente entre les membres de la
communauté qui l’institue. Autrement dit, c’est le
fondement même de l’institution qui doit faire l’objet d’un
consensus et d’une négociation, et non seulement ce qui
émane de l’institution. Cette nécessité d’impliquer tout le
monde dans la négociation ne fait pas en sorte que le
système est parfait, mais il sera à tout le moins légitime.
L’opposition entre perfection et légitimation est du même
ordre que le rapport entre vérité et validité. Par
conséquent, le système démocratique et juridique qui
organise un État de droit ne prétend pas à la perfection. Il
est simplement le système le plus adéquat pour un groupe
dans un lieu donné. Il n’offre la promesse d’aucun salut. Il
s’affaire uniquement à représenter bon an mal an la volonté
du peuple le plus justement possible. Comme celle-ci
change au fil du temps, les institutions en place dans un
État de droit changent aussi. Elles nécessitent d’être
réajustées et ravisées constamment.
L’ordre social est construit par les institutions installées
au sein du groupe. Il n’est plus donné ni imposé par une
force extérieure. La transcendance divine issue des
sociétés anciennes s’est éclipsée et a laissé la place au
débat public et à une raison humaine négociée dans nos
sociétés modernes. L’ordre social est assuré par un
méticuleux système juridique. Ce dernier ne constitue pas
un élément fixe comme la majeure d’une équation
syllogistique. Il est altérable et malléable. Il fut à l’origine
le fruit d’une négociation, il demeure pour toujours
renégociable, voire continuellement renégocié. En somme,
nous ne risquons pas trop de nous tromper en affirmant
que c’est la communication entre les membres d’une
communauté qui permet la mise en place d’institutions
légitimes qui rendent possible une vie en société ordonnée
et paisible, comme si quelque part, c’était la
communication qui permettait le droit.
Le droit pour la communication
À la lumière de ce que nous avons évoqué dans notre
ouvrage, nous pouvons affirmer, en nous épargnant
quelques nuances et de manière non restrictive, mais sans
pour autant s’y méprendre, que le droit a essentiellement
une fonction d’ordonnancement dans la société. Aménagé
systématiquement, il structure et organise la vie des
membres d’une communauté. Enfin, c’est lui qui assure le
maintien de l’ordre et de la paix sociale. Sous ces allures, le
droit est un système juridique, un système de
représentation et d’organisation sociale. Sa structure
particulière permet une détermination et une séparation
des éléments. Il faut séparer les choses, car si tout est
fusionné et lié, rien n’est possible. L’absolu nous confronte
au néant et à la mort. Il faut créer un écart pour permettre
à la vie d’exister. Le droit insère un sujet dans une société
déjà ordonnée. Il identifie les sujets et marque les
différences. L’identification faite par le droit permet de
distinguer le mien du tien et inaugure l’altérité qui rend
possible les échanges et la communication.
Le droit permet le classement, l’identification et
l’ordonnancement, mais il institue aussi un cadre commun
à tous. Il s’érige en tiers  ; il se fait institution. Le droit
permet d’entrer en relation en se présentant à la manière
d’un langage. Comme une langue constitue un cadre
commun à partir duquel toute communication est possible,
le droit n’achève pas les relations sociales, il pave plutôt la
voie à un monde de possibilités. Ce n’est que lorsque deux
personnes se mettent d’accord sur le sens des mots qu’ils
peuvent être utilisés sans restriction. De la même façon, ce
n’est que lorsque deux personnes partagent le même
souhait de vivre bien et en paix  ; lorsqu’elles sont en
accord sur le sens des valeurs; lorsqu’elles se
reconnaissent mutuellement comme étant en mesure de
vivre ensemble; alors, c’est à ce moment-là que tout
devient possible, que la vie sociale peut s’accomplir. À quoi
bon vivre ensemble ou se parler, si on n’est pas fait pour
s’entendre. En somme, nous ne risquons pas trop de nous
tromper en affirmant que le droit met en place une
structure qui rend possible une grande communication
sociale, comme si quelque part, c’était le droit qui
permettait la communication.
Le droit des communications
Les libertés d’expression, de parole et de presse heurtent
sans cesse les structures rigides des États modernes qui ne
parviennent pas à s’adapter adéquatement aux réalités
contemporaines des technologies d’information et de
communication que sont la rapidité et l’accessibilité
globalisées. Les outils de communication d’aujourd’hui
permettent les échanges du sud au nord et de l’est à
l’ouest. Ils transforment l’échiquier mondial en un véritable
plancher de danse communicationnel où les informations
semblent de plus en plus circuler au rythme du baladi et de
la salsa qu’à celui de la valse. Les médias et l’internet font
voyager l’information d’un bout à l’autre de la planète. Or,
ce qui est acceptable à un endroit dans le monde ne l’est
pas nécessairement partout. Les chocs culturels sont très
nombreux. Le risque de conflits est présent et le besoin de
réguler les échanges l’est encore davantage. Les règles de
droit positif qui régissent les technologies d’information et
de communication sont souvent bafouées. Elles ne sont pas
respectées parce que la plupart du temps, elles sont
inadaptées. Plutôt que de favoriser les échanges, elles
nuisent et engendrent des malaises et des défaillances. Le
droit en vigueur dans un domaine à caractère hautement
innovateur comme celui des technologies d’information et
de communication prend trop de temps à changer. Il ne
parvient pas à suivre le rythme qui lui est imposé à tel
point que les règles sont pratiquement obsolètes au
moment où elles entrent en vigueur. La règle de droit
étatique ne s’avère plus être l’outil le plus adéquat pour
encadrer le domaine performant des technologies
d’information et de communication, car dans ce dernier,
c’est la pratique qui mène le bal.
La désuétude de la règle de droit et l’incapacité du
système qui l’a fait naître à suivre la cadence forcent les
acteurs du milieu des technologies d’information et de
communication à trouver des moyens alternatifs pour
assurer l’ordre. Plutôt que d’attendre l’aboutissement d’un
processus législatif lendore, ils s’autorégulent par des
conventions et des contrats qui naissent de la volonté des
parties et qui constituent en tout point, la loi des parties.
Ils vont même jusqu’à prévoir des méthodes de résolution
de conflits. Ces nouveaux modes de régulation et de
résolution de conflits entrent directement en compétition
avec les institutions étatiques traditionnelles. Les
institutions législatives et judiciaires doivent revoir et
redéfinir leur rôle dans nos sociétés parce que c’est
l’ensemble des rapports entre les citoyens qui a
concrètement changé. Elles ne sont pas vouées à
disparaître pour autant, mais leurs fonctions et leurs
utilités ont besoin d’être révisées et réaffirmées.
Les sociétés occidentales sont des sociétés de droit qui
mettent de l’avant le principe de la légalité. Qui trop
embrasse mal étreint, les lois ont été adulées, clamées,
voire élevées au-dessus de tout. Elles ont été déifiées, si
bien qu’il nous est désormais difficile de concevoir la vie en
société autrement que régulée par des lois et des
règlements. Les réalités technologiques du secteur des
communications imposent une vision qui va à l’encontre de
l’idéologie positiviste-légaliste voulant que l’ordre social ne
puisse être assuré que par les règles et les organes de
l’État. Le lien contractuel devient peu à peu le nouveau lien
social et ce constat nous force à devoir repenser le
juridisme en vigueur dans nos sociétés. Il faut adopter une
perspective plus large du droit et cesser de le voir
uniquement comme un ensemble de règles ou de lois. Les
effets des technologies d’information et de communication
sur le droit ne peuvent pas se régler en quelques
élaborations ou modifications de libellés législatifs. Ils
imposent l’adoption d’un nouveau cadre d’analyse.
L’avancement rapide des technologies d’information et de
communication a changé les rapports humains et a mis en
lumière la nécessaire implication de la communication dans
une analyse du droit et de la société. C’est là la preuve que
le droit est d’abord une affaire humaine et sociale, mais
aussi, et surtout, toujours une question de communication.
La communication du droit
Le droit fait partie de nos vies et pourtant, nous n’avons
pas toujours le loisir ni le plaisir de le comprendre. Il est là,
sous différentes formes ; il nous lie, il se vit et il se lit. En
effet, le droit s’offre à nous abondamment sous la forme de
textes, ce sont les lois et les règlements  ; c’est le droit
positif. Ce dernier occupe une grande place et a la
tendance malicieuse de se prétendre être tout le droit. Or,
les lois est les règlements ne constituent que des mots sur
du papier, de la poésie étatique ou encore, un exercice de
style gouvernemental. Ils auront un sens juridique
uniquement lorsqu’ils auront été interprétés. Cependant, la
compréhension et l’interprétation d’un texte de loi ne sont
pas à la portée de tous. L’usage singulier de certains mots
communs, des tournures de phrase austères, des concepts
juridiques sous-entendus qui renvoient à d’autres ainsi que
la présence d’expressions et de locutions latines rendent la
lecture d’un texte juridique pénible et laborieuse pour un
non-initié. La première étape consiste à déchiffrer tout ce
charabia hermétique. Le décryptage est parfois impossible
pour certaines personnes. Quant aux lecteurs plus aguerris
pour qui la lecture du texte est possible, cette dernière ne
leur assure pas pour autant une bonne compréhension.
Pour bien saisir un texte de loi, il faut le confronter à un
cas concret. La meilleure façon de comprendre le droit est
encore de le vivre. En effet, il n’y a pas une meilleure
compréhension du droit que celle qui est faite par celui aux
prises avec une situation réelle de conflit. En peu de temps,
il deviendra maître de la situation. Le droit se situe dans la
réalité et dans l’action. Il doit se faire connaître sous son
vrai jour, celui de la pratique. Les règles et les procédures
sont les outils des juristes et non l’affaire des citoyens. Ce
qu’il faut à ces derniers, c’est le sentiment d’agir
conformément à la norme  ; c’est une bonne pratique dans
la méconnaissance. Autrement dit, ce qui importe au
citoyen est la marche à suivre et non le positionnement de
la virgule dans un texte de loi. La règle demeure
néanmoins un proche parent de la pratique, mais la
pratique n’est pas la règle. Ce qui compte c’est le message
de la Loi et non celui des lois.
Ce qui paraissait loin hier se trouve aujourd’hui à nos
portes. Le développement et la démocratisation des moyens
de transport et des techniques d’information et de
communication sont responsables de l’avènement de
sociétés de plus en plus hétérogènes. La fin des distances
physiques nous a imposé de revoir notre approche des
distances culturelles. Le système juridique québécois est le
reflet de la société québécoise. Si cette dernière change,
son système juridique doit aussi changer. Autrement dit,
comme le visage de nos sociétés a changé, les systèmes
juridiques qui les organisent ont dû, eux aussi, s’adapter à
la réalité multiculturelle d’aujourd’hui. La vie dans nos
sociétés ne peut pas faire l’économie du droit. Cependant,
pour s’imposer, il doit être légitime aux yeux de ceux à qui
il s’impose. Cela comprend les citoyens de longue date et
les nouveaux arrivants. La paix sociale n’est possible que
dans la mesure où le système juridique l’assurant, l’assure
adéquatement. Chaque citoyen a le droit de savoir la
marche à suivre. Les institutions étatiques doivent
apprendre à faire passer le message du droit. C’est là la
preuve que la communication est d’abord une affaire
humaine et sociale, mais aussi, et surtout, souvent une
question de droit.
Le droit et la communication
Tous les jeux se ressemblent un peu. En effet, sans
exception, ils convient tous des joueurs, des objectifs, des
points, des gagnants et des perdants, un début et une fin.
Avant de jouer à un jeu, peu importe le jeu, il faut se mettre
d’accord sur la façon de jouer. Il est impératif d’établir au
préalable le cadre dans lequel le jeu sera possible. La
différence entre les jeux réside dans les règlements. Ce
sont eux qui déterminent l’identité du jeu et qui expliquent
comment y jouer. Les règlements varient selon le niveau,
l’expérience ou le nombre de joueurs, le lieu où le jeu va se
jouer et le temps dont disposent les joueurs. Bien qu’il y ait
des instructions, il n’existe pas une seule et unique manière
de jouer à un jeu. En effet, il y a plusieurs modes d’emploi
et de multiples façons de jouer à un même jeu. En somme,
les joueurs qui souhaitent jouer ensemble discutent et
s’entendent sur les règles du jeu dans lequel ils évolueront.
Cependant, les règles du jeu ne font pas tout le jeu. Ce
dernier n’est rien tant qu’il n’est pas joué. Les règlements
d’un jeu contiennent la marche à suivre et les principes
généraux du jeu. Ils ne peuvent pas prévoir tous les coups,
car toutes les situations d’un jeu ne sont pas prévisibles. Il
faut constamment réinterpréter les règlements à la lumière
d’une situation réelle de jeu. À l’instar de la vie en société,
le jeu est à la fois la structure et ce qu’il structure,
contenant et contenu  ; à la fois les règles et la pratique,
rigide et flexible ; à la fois réglée et imprévisible, ordonnée
et floue. À la différence par contre, il n’y a pas de fin dans
ce grand jeu social, il n’y a que des changements de
joueurs. Chaque naissance s’inscrit au cœur d’une mêlée
perpétuelle. Les joueurs se suivent et se ressemblent.
La société moderne est nuancée à l’image de l’homme qui
la constitue et qui la détermine. Elle se fonde
simultanément sur l’impondérabilité de la communication
sociale et la rigueur du droit. Elle constitue une société
juridicommunicationnelle fondée sur le modèle du tribunal.
À la manière d’un juge, elle en quête d’un juste équilibre.
Le droit et la communication sont indissociables. Le droit,
c’est beaucoup plus qu’une loi. Il s’agit d’un cadre normatif
qui rend public ce qui ne doit pas rester privé  ; c’est
pratiquement de la communication. En même temps, les
outils de communication, c’est de la représentation, des
systèmes qui rendent possible la discussion  ; c’est
pratiquement comme le droit. Nous ne nous tromperions
probablement pas complètement si nous osions affirmer
rapidement que le droit, c’est de la communication et que
la communication, c’est du droit. Évidemment, nous ne le
ferons pas, car nous ne serions pas en mesure de prouver
l’équivalence hors de tout doute raisonnable et une telle
affirmation ne saurait pas se satisfaire d’une appréciation
fondée sur la base d’une prépondérance des probabilités.
Cependant, nous pouvons affirmer la nécessité de l’un pour
l’autre. Fusion ou confusion, et pourquoi pas tout
simplement institution. Cette dernière constitue le lieu de
rencontre privilégié entre le droit et la communication.
C’est là qu’ils pratiquent des échanges incessants, répétés
et constants dans une mise en scène savamment
orchestrée. Le droit et la communication s’appuient l’un
sur l’autre en alternance et en permanence. Ils se rendent
mutuellement nécessaires sans pour autant pouvoir
prétendre affirmer une prédominance de l’un sur l’autre.
Le droit et la communication sont toujours en quête d’un
juste équilibre.
in fine
Les programmes de formation juridique et d’accession à
la profession d’avocat mettent énormément d’emphase sur
l’apprentissage du droit positif. Il est vrai que ce qui fait un
bon juriste est la connaissance de la règle et de la
procédure, mais ce qui en ferait un meilleur, c’est la
connaissance et la prise en compte du contexte social du
droit. Il ne s’agit pas de changer l’un pour l’autre, mais de
trouver un juste équilibre. Le métier d’avocat ne consiste-t-
il pas après tout dans la pratique du droit ?
BIBLIOGRAPHIE
« D’où philosophes-tu? »

Michel FOUCAULT cité par Michel VILLEY


Carnets, XIV, 47
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Articles de revue, actes de colloques et


contributions parcellaires
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dans Résumé de conférence prononcée au Centre de Recherche en Droit
public de l’Université de Montréal, Montréal, 25 janvier 2001
BUSS, A., « Les rationalités du droit et l’économie dans la sociologie du droit de
Max Weber » (2005) 39 Revue Juridique Thémis 111
BRODEUR, J.-P., « La pensée postmoderne et la criminologie » (1993) 26, 1 Revue
de criminologie 73
DE GANTES, A., « Praxéologie de la dominance dans la société informationnelle.
Reconfiguration de la question hiérarchique dans le capitalisme cognitif  : le
détour par Henri Laborit », dans Texte revu après communication faite lors de
la Journée d’études Axes et Cibles Analytiques, Paris, 24 mai 2003
DWORKIN, R., « Le positivisme », (1985) 1 Droit et Société 35 (Traduit par Michel
TROPER)
FRANKEL, M., « The Search for Truth : An Umpireal View » (1975) 123 University
of Pennsylvania Law Review 1031
HALL, S., « Codage/décodage », (1994) 68 CNET Réseaux 27
LUCIEN, A. et P. RICHARD, «  Le langage comme représentation du Monde,
l’exemple de l’hébreu  », dans Actes du Colloque international – La
représentation dans tous ses états, Toulon, 8 et 9 novembre 2007
NERHOT, P., «  L’interprétation en sciences juridiques. La notion de cohérence
narrative » (1990) 111, 3 Revue de synthèse 299
RAVAULT, R.-J., « Défense de l’identité culturelle par les réseaux traditionnels de
"coerséduction". » (1986) 7, 3 International Political Science Review 251
––––––––, «  Incommunicable américanité  » (1990) 15 Cahiers de recherche
sociologique 53
––––––––, «  Is there a Bin Laden in the Audience?, Considering the Events of
September 11 as a possible Boomerang Effect of the Globalization of US
Mass Communication. » (2002) 20, 3 Prometheus 295
––––––––, «  La réception des communications organisationnelles dans le
contexte de la mondialisation. » dans Contributions introductives au Colloque
du C.E.R.C.O.R.  : Les recherches sur la communication organisationnelle en
débat, Université de Rennes 2, 29-30 novembre et 1er décembre 2001, p. 74
Bis à 79.
ROCHER, G., « Pour une sociologie des ordres juridiques », (1988) 29 Les Cahiers
de Droit 91
SAMSON, P., «  L’architecture juridique en changement  » (2012) 44, 8 Le journal
du Barreau du Québec 12
THÉRIEN, G., « Pour une sémiotique de la lecture. » (1990) 18, 2 Protée : théories
et pratiques sémiotiques 67
WEINSTOCK, D., «  Introduction aux fondements de l’éthique et de la
déontologie  », dans Collection de droit 2011-2012, École du Barreau du
Québec, vol. 1, Éthique, déontologie et pratique professionnelle,
Montréal/Cowansville (Qc), Barreau du Québec/Éditions Yvon Blais, 2011, p.
19 à 27.

Entretiens personnels
SFEZ, L., Entretien, Paris, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, le 15 juin 2005
TODOROV, T., Entretien, Paris, Écoles des Hautes Études en Sciences Sociales, le
16 juin 2005

Législation
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c.-64.
Convention des Nations Unies sur la réduction de l’apatridie, 13 décembre 1975,
Recueil des traités des Nations Unies, vol. 989, page 175.
Convention relative au statut des apatrides, 6 juin 1960, Recueil des traités des
Nations Unies, vol. 360, page 131.
Convention sur la nationalité de la femme mariée de 1957, 11 août 1958,
Recueil des traités des Nations Unies, vol. 309, page 65.
Déclaration Universelle de droits de l’Homme, Résolution de l’Assemblée
Générale 217 A (III), Document des Nations Unies A/810, 71 (10 décembre
1948).

Jurisprudence
Bilodeau c. P.G. Manitoba, [1986] 1 R.C.S. 449
Renvoi sur le droit linguistique au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721
Renvoi sur la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217

Filmographie
DALDRY, S., The Reader, États-Unis/Allemagne, Weinstein co., 2008, 124 mins.
LIORET, P., Tombés du ciel, France/Espagne, Canal+/Procirep, 1993, 91 mins.
ROSE, S., La vie avec mon père, Québec, Christal Films, 2005, 105 mins.
SPIELBERG, S., The Terminal, États-Unis, Dreamworks, 2004, 129 mins.

Musicographie
COLE, P., « P.R.E.N.U.P. », sur Ithaca, Decca Records, 2010
GAINSBOURG, S., « Yellow Star », sur Rock Around the Bunker, Philips, 1975
KRS-ONE et GREENIE, «  Sign the Prenup  », sur It’s all good, KRS-One Label,
2010
WEST, K. et J. FOXX, «  Gold Digger  », sur Late Registration, Def Jam Records,
2005

Exergues
BARICCO, A., Novecento  : pianiste, Traduction et postface par Françoise BRUN,
Entretien par Jean-Baptiste HARANG, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1999,
93 pages.
BORGES, J.L., Le livre de sable – El libro de arena, Traduit par Françoise ROSSET,
Préface et notes de Jean-Pierre BERNÈS, Paris, Gallimard, Folio Bilingue No
10, 1990, 287 pages.
CAMUS, A., L’été, Paris, Gallimard, Folio 2€ No 4388, 2006, 131 pages. (Extraits
de Noces suivi de L’été, Folio No 16)
COEN, E. et J. COEN, O Brother Where Art Thou (You) d’après «  L’Odyssée  »
d’Homère, Scénario bilingue, Traduit de l’américain par Olivier PEYON et
Richard MCCARTHY, Cahiers du Cinéma, Coll. Petite bibliothèque, 2000, 173
pages.
ÉLIE, P., «  Aux marches du palais.  » (2006) 38, 5 Le journal du Barreau du
Québec 6
FAVREAU, M., Presque tout Sol, Montréal, Les éditions internationales Alain
Stanké inc., 1995, 464 pages.
GARCÍA, R. (Scénario et realisation), Nine Lives, États-Unis, Magnolia-Sony,
2005, 115 mins.
LAFERRIÈRE, D., Pays sans chapeau, Montréal, Les Éditions du Boréal, Compact
No 185, 2006, 276 pages.
MAKINE, A., La musique d’une vie, Paris, Éditions du Seuil, Points No 982, 2001,
130 pages.
PEREC, G., Espèces d’espaces, 2e édition, Paris, Éditions Galilée, Coll. L’Espace
critique, 2000, 183 pages.
PICABIA, F., Poèmes, Édition établie par Carole BOULBÈS, Préface de Bernard
NOËL, Paris, Mémoire du Livre, 2002, 394 pages.
PRÉVERT, J., Paroles, Texte intégral et dossier par Yan LE LAY, Lecture d’image
par Isabelle VARLOTEAUX, Paris, Éditions Gallimard, Folio Plus Classiques No
29, 2004, 353 pages.
SÜSKIND, P., Un combat et autres récits, Paris, Librairie Fayard, Poche No 14192,
1996, 91 pages.
VILLEY, M., Réflexions sur la philosophie et le droit – Les Carnets de Michel Villey,
Textes préparés et indexés par Marie-Anne FRISON-ROCHE et Christophe JAMIN,
Préface de Blandine KRIEGER et François TERRÉ, Paris, Presses Universitaires
de France, 1995, 542 pages.
WATTERSON, B., Weirdos from another planet  ! A Calvin and Hobbes Collection,
New York, Universe Press Syndicate/Scholastic inc., 1990, 128 pages.
––––––––, The Calvin and Hobbes Tenth Anniversary Book, Kansas City, Andrews
McMeel Publishing, 1995, 208 pages.

1
Alain SUPIOT, Homo juridicus – Essai sur la fonction anthropologique du Droit
(Homo juridicus…), Paris, Seuil, 2005, p. 8.
2
L’attribution de la personnalité juridique et les droits de la personnalité sont
prévus aux articles 1 et 3 du Code civil du Québec : « Tout être humain possède
la personnalité juridique  ; il a la pleine jouissance des droits civils. [art. 1] –
Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à
l’inviolabilité et à l’intégrité de sa personne, au respect et au nom, de sa
réputation et de sa vie privée. [art. 3] » dans C.c.Q., L.Q., 1991, c-64.
3
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 8.
4
Jean GRONDIN, Du sens de la vie – Essai philosophique (Du sens…), Montréal,
Bellarmin, 2003, p. 17.
5
Paul ATTALLAH, Théories de la communication – Histoire, contexte, pouvoir
(Théories…), 2e édition, Québec, Télé-Université-PUQ, 2000, p. 27.
6
Ludwig WITTGENSTEIN, Investigations philosophiques (Investigations…), dans L.
WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus suivi de Investigations
philosophiques, Paris, Gallimard, 1986, p. 115 et ss., à la page  120. Une
nouvelle traduction de cet opus le plus déterminant de la deuxième manière
wittgensteinienne est disponible depuis quelques années sous le titre et la
référence suivante  : Recherches philosophiques (Recherches…), Paris,
Gallimard, 2004, 369 pages, à la page 33.
7
Lucien FRANÇOIS, Le problème de la définition du droit – Introduction à un cours
d’évolution de la philosophie du droit à l’époque contemporaine (Le
problème…), Liège (Be), FDÉSSL, 1978, p. 71.
8
Yves WINKIN (dir. publ.), La Nouvelle communication (Nouvelle…), Paris, Seuil,
2000, p. 125.
9
Anton TCHEKHOV, «  De l’amour  », dans A. TCHEKHOV, Un royaume de femmes
suivi de De l’amour, Paris, Gallimard, 2009, p. 83, à la page 86.
10
Inspiré d’un dialogue entre les personnages de Guillaume et Alinardo dans
Umberto ECO, Le Nom de la rose (Rose…), Paris, Grasset, 1982, p. 327 à 330, à
la page 330.
11
Philippe CORCUFF, Les nouvelles sociologies – Constructions de la réalité
sociale, Paris, Nathan, 2002, p. 94.
12
Guy ROCHER, «  Pour une sociologie des ordres juridiques  » (Des ordres…),
dans Les Cahiers de Droit, Vol. 29, No 1, 1988, p. 91 à 120, à la page 97.
13
Tzvetan TODOROV, Mémoire du mal, Tentation du bien – Enquête sur le siècle
(Mémoire…), Paris, Robert Laffont, 2000, p. 18.
14
ROCHER, Des ordres…, loc. cit., p. 97.
15
La dichotomie naïve que nous proposons vise à ne pas perdre de vue notre
objectif principal qui est de problématiser la relation entre le droit et la
communication. Nous ne souhaitons pas ici, relancer un débat qui «  peut en
effet laisser croire que l’on traite de deux conceptions [du droit] dont les
significations seraient absolument opposées, entre lesquelles on devrait
choisir  : il faudrait se dire ou bien jusnaturaliste, ou bien positiviste [alors]
que  : a) les expressions "jusnaturalisme" et "positivisme juridique" ont été
employées avec des significations si diverses que les rapports entre les deux
courants se placent sur des plans différents selon que l’une ou l’autre de ces
significations est en cause; b) ce n’est que dans un de leurs sens que ces
expressions constituent une véritable alternative. Ignorer ces divers plans
produit une curieuse conséquence  : bien souvent, les arguments des deux
adversaires ne font que se croiser et, à la suite d’un duel mortel, ils sont tous
deux plus vivants qu’auparavant. » dans Norberto BOBBIO, Essais de théorie du
droit, Bruxelles/Paris, Bruylant/LGDJ, 1998, p. 39. Notre démarche vise plutôt à
susciter un intérêt pour un nouveau dualisme original (droit/communication) et
une nouvelle forme de discussions sur la société.
16
Michel VILLEY, La formation de la pensée juridique moderne : Cours d’histoire
de la philosophie du droit (La formation…), Paris, PUF, 2003, p. 508. L’ouvrage
didactique fut originalement publié en 1968 chez Montchrestien.
17
Paulo FERREIRA DA CUNHA, Droit et récit (Récit…), Québec, PUL, 2003, p. 13.
18
La loi (est) dure, mais (c’est) la loi. Cette maxime latine est très connue chez
les juristes, mais nous en trouvons d’autres variantes. Ainsi, nous aurions pu
opter pour Durum est, sed ita lex scripta est (Ceci est dur, mais telle est la loi
écrite) pour souligner, de la même façon, le caractère impératif de la loi dans
sa forme textuelle. Voir Albert MAYRAND, Dictionnaire de maximes et locutions
latines utilisées en droit (Maximes…), 3e édition, Cowansville (Qc), Yvon Blais,
1994, p. 119.
19
Charles PERELMAN, Logique juridique – Nouvelle rhétorique (Logique…), 2e
édition, Paris, Dalloz, 1999, p. 15. La 1ère édition qui date de 1979 a été publiée
sous le nom de Chaïm Perelman.
20
PERELMAN, Logique…, op. cit., p. 5.
21
VILLEY, La formation…, op. cit., p. 509.
22
PERELMAN, Logique…, op. cit., p. 17.
23
Stéphane BAUZON, Le métier de juriste – Du droit politique selon Michel Villey
(Métier…), Québec, PUL, 2003, p. 48.
24
VILLEY, La formation…, op. cit., p. 429.
25
«  naturel et positif, norme-fait-valeur, normativiste-"judiciariste",
systématique-topique, branches du droit, sources du droit, etc. » dans FERREIRA
DA CUNHA, Récit…, op. cit., p. 24
26
François OST et Michel van de KERCHOVE, « De la scène au balcon. D’où vient
la science du droit ? », dans François CHAZEL et Jacques COMMAILLE (dir. publ.),
Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ, 1991, p. 67 à 80, à la page
77.
27
Cité et traduit dans FERREIRA DA CUNHA, Récit…, op. cit., p.  23. Il n’est pas
complètement faux d’associer Salazar à cette maxime puisqu’il en a fait sa
ligne de conduite personnelle et l’a réemployée à plusieurs occasions. Elle
constitue même la devise de l’Institut des sciences biomédical (ICBAS) qui
porte son nom au Portugal. Ce centre de recherche est reconnu pour favoriser
l’interdisciplinarité auprès de ses chercheurs. Cela étant dit, la maxime
portuguaise «  O Médico que só sabe Medicina nem Medicina sabe  » est
habituellement attribuée à José de Letamendi (1828-1897), un prédécesseur de
Salazar.
28
Jean MARTIN, «  La communication en quête d’un droit  », dans Lucien SFEZ
(dir. publ.), Dictionnaire critique de la communication (Dictionnaire…), Tome 2,
Paris, PUF, 1993, p. 1213 à 1218, à la page 1213.
29
C’est pourquoi «  Ellul veut le retour du sujet, de l’intention, du sens, de la
transmission (communication) au-delà de tous ces objets ou opérations » dans
Lucien SFEZ, Critique de la communication (Critique…), Paris, Seuil, 1992, p.
164. Voir aussi Jacques ELLUL, L’Empire du non-sens – L’art et la société
technicienne, Paris, PUF, 1980, p. 196.
30
Lucien SFEZ, Critique…, op. cit., p. 164.
31
Lucien SFEZ, La communication (La communication…), 8e édition, Paris, PUF-
Que sais-je ?, 2010, p. 5.
32
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 6.
33
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 9.
34
Dominique WOLTON, Il faut sauver la communication (Sauver…), Paris,
Flammarion, 2005, p. 25.
35
«  No man is an Island  », John DONNE, cité et traduit dans Yvon RIVARD,
Personne n’est une île, Montréal, Boréal, 2006, p. 7 et couverture.
36
VILLEY, La formation…, op. cit., p. 507.
37
Un «  Mélanges » lui a d’ailleurs été dédié il y a quelques années. Ce dernier
a permis de constater le large éventail des influences sfeziennes dans l’étude
de la communication et des sciences politiques. «  Sa Critique de la décision a
marqué la science politique en transformant l’analyse du processus de décision.
Son analyse de la Politique symbolique distingue les notions d’image et
d’opérations symboliques. Sa Critique de la communication débouche sur le
concept de "tautisme" pour marquer la confusion et la clôture technico-
médiatiques. Sa critique du Rêve biotechnologique et de l’utopie de La Santé
parfaite ouvre une réflexion sur les rapports qu’entretiennent Technique et
Idéologie et démonte les fictions techniciennes contemporaines.  » dans Alain
GRAS et Pierre MUSSO (dir. publ.), Politique, Communication et technologies  :
Mélanges en hommage à Lucien Sfez (Mélanges…), Paris, PUF, 2006,
couverture.
38
Il existe en vérité trois conceptions sfeziennes de la communication  :
représentative, expressive et confondante. Cette dernière relève cependant de
la confusion des deux premières  ; c’est la menace Frankenstein. «  Ici, la
communication n’est plus que la répétition imperturbable du même (tautologie)
dans le silence d’un sujet mort, ou sourd-muet, enfermé dans sa forteresse
intérieure (autisme) [  ; tautisme]  » dans SFEZ, La communication…, op. cit., p.
88 à 120, à la page 119. Nous ne tiendrons pas compte de cette troisième
conception aux fins de notre analyse. Nous explorerons uniquement les
conceptions expressive et représentative.
39
La rencontre avec Sfez a eu lieu à son bureau de l’Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne au mois de juin 2005. Nous avions convenu d’un entretien
dans le cadre d’un stage de recherche alors que nous poursuivions nos études
de Maîtrise en Communication (M.A.) à l’Université du Québec à Montréal
(2004-2007). L’entretien avait pour objectif d’enrichir nos connaissances
livresques sur la communication et amorcer un travail de problématisation de
la relation entre le droit et la communication.
40
Sfez, La communication…, op. cit., p. 48.
41
Romain GARY, Les cerfs-volants, Paris, Gallimard, 1983, p.  332  ; repris dans
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p.  234. Au surplus, «  rien n’est blanc ou noir et
[…] le blanc, c’est souvent le noir qui se cache et le noir, c’est parfois le blanc
qui s’est fait avoir » dans Romain GARY (Émile AJAR), La vie devant soi (La vie…),
Paris, Mercure de France-Folio, 1975, p. 84.
42
L’échec répété des communications amène à penser l’incommunication
comme l’obligation de « respecter l’autre, comprendre sur quoi repose l’altérité
[…] admettre la liberté de l’autre, avec ses différences et ses identités. » dans
Dominique WOLTON, «  Penser l’incommunication  », dans D. WOLTON, Sauver…,
op. cit., p. 139 à 173, à la page 139.
43
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 53.
44
Lucien SFEZ, Critique de la décision (Décision…), Paris, PFNSP, 1992, p.86.
45
Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne (Condition…), Paris,
Calmann-Lévy, 1983, p. 241.
46
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 57.
47
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 45.
48
Expression utilisée par Jacques ELLUL dans Propagandes, Paris, A. Colin,
1963; reprise et citée dans Sfez, Critique…, op. cit., p. 161. L’ouvrage d’Ellul fut
repris intégralement en 1990 aux Éditions Économica.
49
Stuart HALL, «  Codage/décodage  » (Codage…), dans Réseaux, No 68, CNET,
1994, p. 27 à 39, à la page 36.
50
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 61.
51
Bjarne MELKEVIK, «  À propos de Marx et sa conception du droit  :
intersubjectivité, matérialité et normativité » dans Cahiers de critique du droit,
No 2, 1989, p. 3 à 16, tel que repris dans B. MELKEVIK, Réflexions sur la
philosophie du droit (Réflexions…), Québec/Paris, PUL/L’Harmattan, 2000, p.
152 à 169, à la page 164. Ce dernier ouvrage fut intégralement repris en 2010
dans un assemblage original. Voir B. MELKEVIK, Philosophie du droit – Volume 1
(Volume 1…), Québec, PUL, 2010, p. 239 à 450.
52
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 87.
53
SFEZ, Critique…, op. cit., p.  236. Sur le modèle orchestral de la
communication, voir WINKIN, Nouvelle…, op. cit., p. 25 et 26.
54
Albert E. SCHEFLEN, Communication Structure  : Analysis of a Psychotherapy
Transaction, 2e édition, Bloomington/London, Indiana University Press, 1973, p.
181 ; tel que traduit et cité dans WINKIN, Nouvelle…, op. cit., p. 25.
55
Gilles COUTLÉE, « Tautisme et communication organisationnelle », dans GRAS
et MUSSO (dir. publ.), Mélanges…, op. cit., p. 269 à 275, à la page 272.
56
« [J]’exprime le monde qui m’exprime » dans SFEZ, La communication…, op.
cit., p. 87.
57
WINKIN, Nouvelle…, op. cit., p. 26. Voir également à la page 14 pour un bref
survol de l’évolution des sens donnés au mot « communication ».
58
La symétrie n’existe pas, mais il faut tout au moins admettre que la
ressemblance est séduisante. Le parallélisme étymologique entre les
expressions «  communion  », «  communication sociale  », «  communauté  » et
« droit commun » a encouragé notre démarche et nos efforts de rapprochement
entre le droit et la communication.
59
Supra, note 39.
60
Entretien personnel avec Lucien SFEZ (Entretien…), Paris, Université Paris 1-
Panthéon-Sorbonne, le 15 juin 2005.
61
Notre analyse sur Descartes et Spinoza trouve sa source dans les propos de
Sfez tenus lors de notre entretien ainsi que dans ses ouvrages. Il ne s’agit pas
d’une étude exhaustive de l’un ou de l’autre des auteurs. Le portrait que nous
en dressons glisse volontairement sur les détails et nous aide simplement à
comprendre plus efficacement les modèles de la représentation et de
l’expression chez Sfez.
62
SFEZ, Entretien…, op cit.
63
SFEZ, Entretien…, op cit.
64
SFEZ, Entretien…, op cit.
65
SFEZ, Entretien…, op cit.
66
SFEZ, Entretien…, op cit.
67
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 73.
68
Stamatios TZITZIS, La personne – Criminel et victime (La personne…), Québec,
PUL, 2004, p. 160.
69
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 56.
70
SFEZ, Entretien…, op. cit.
71
SFEZ, Entretien…, op. cit.
72
Tzvetan TODOROV, Le jardin imparfait – La pensée humaniste en France (Le
jardin…), Paris, Grasset, 1998, p. 81.
73
Bjarne MELKEVIK, «  Le modèle communicationnel en science juridique  :
Habermas et le droit », dans Les Cahiers de Droit, Vol. 31, No 3, 1990, p. 901 à
915, tel que repris dans Horizons de la philosophie du droit (Horizons…),
Québec/Paris, PUL/L’Harmattan, 1998, 93 à 106, à la page 95; repris dans la
Collection Dikè au PUL en 2004 et plus récemment, dans MELKEVIK, Volume 1…,
op. cit., p. 1 à 237.
74
MELKEVIK, Horizons…, op. cit., p. 95.
75
Bjarne MELKEVIK, Rawls ou Habermas – Une question de philosophie du droit
(Rawls…), Québec/Bruxelles, PUL/Bruylant, 2001, p.  15  ; repris intégralement
dans MELKEVIK, Volume 1…, op. cit., p. 451 à 649.
76
MELKEVIK, Horizons…, op. cit., p. 96.
77
Jürgen HABERMAS, Vérité et justification (Vérité…), Paris, Gallimard, 2001,
p. 52.
78
MELKEVIK, Horizons…, op. cit., p. 96.
79
HABERMAS, Vérité…, op. cit., p. 52.
80
«  L’anglais aime dire qu’une chose "fait du sens" (it makes sense). En
français, on dit plus délicatement qu’elle en a, qu’elle y a part, au sens partitif
du terme, qui présuppose que l’ordre du sens ne relève pas de la simple
fabrication. » dans GRONDIN, Du sens…, op. cit., p. 49, note 2.
81
Gabriel GARCÍA MÁRQUEZ, Cent ans de solitude, Paris, Seuil, 1968, p. 94.
82
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 154.
83
Le Traité de Westphalie a mis fin à la Guerre de Trente ans (1618-1648),
dans Jean-Maurice ARBOUR et Geneviève PARENT, Droit international public
(D.i.p.…), 5e édition, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2006, p.  20. Une 6e édition
est à paraître à l’automne 2012.
84
«  Coutume n.f.  » dans Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et
canadien (Dictionnaire…), 4e édition, Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, p.164.
85
Herbert L. Adolphus HART, Le concept de droit (Concept…), 2e édition,
Bruxelles, FUSL, 2005, p. 109.
86
HART, Concept…, op. cit., p. 109.
87
Pierre BOURDIEU, Choses dites (Choses…), Paris, Minuit, 1987, p. 81.
88
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 157.
89
ARENDT, Condition…, op. cit., p. 42-43
90
Jean-Claude GUILLEBAUD, Le goût de l’avenir, Paris, Seuil, 2003, p. 235.
91
SUPIOT, op. cit., p. 279
92
Stamatios TZITZIS, La Personne, l’humanisme, le droit (Humanisme…),
Québec, PUL, 2001, p. 36.
93
« Première étape dans la mise en application en France de la solution finale,
le port de l’étoile jaune est instauré dès le mois de juin 1942, par la 8e
ordonnance du commandement militaire allemand. Outre l’humiliation et la
peur, cette mesure constitue une mise à l’épreuve des rapports des Juifs avec la
société française  : le port de la "Yellow Star" revient à annoncer aux voisins,
aux commerçants, aux passants que l’on croise dans la rue, qu’on est juif, qu’on
est un paria. Obligatoire pour tous les Juifs âgés de plus de six ans, l’étoile doit
être en tissu jaune solide et porter en caractères noirs l’inscription "Juif"; elle
doit avoir la dimension de la paume d’une main et les contours noirs; enfin, elle
doit être portée, solidement cousue, bien visiblement sur le côté gauche de la
poitrine à partir du 7 juin 1942. » dans Gilles VERLANT, Gainsbourg, Paris, Albin
Michel, 2000, p.  53. Alors qu’il s’appelait encore Lucien Ginzburg, Serge
Gainsbourg a porté son étoile jaune. Cet épisode lui inspirera plus tard la
chanson Yellow Star qui paraît sur l’album Rock Around the Bunker en 1975 sur
étiquette Philips. La chanson souligne la difficulté de vivre en société lorsqu’on
est frappé d’ostracisme  : «  J’ai gagné la Yellow Star/Je porte la Yellow
Star/Difficile pour un Juif/La loi du Struggle for life/ Quand il a la Yellow
Star/Yellow Star/Oh yeah  !  » dans Serge GAINSBOURG, Dernières nouvelles des
étoiles – L’intégrale, Paris, Librairie Plon, 1994, p. 247.
94
L’organisation de la justice se fait souvent taxer d’offrir un système à deux
vitesses : une pour les riches et l’autre pour les pauvres. Si cette distinction a
parfois effectivement lieu, elle ne constitue pas une différenciation fondée à la
base entre les individus. Dans une société de droit, les riches et les pauvres
demeurent égaux devant la Loi. Certes, le système n’est pas parfait, mais ceci
relève d’un autre niveau d’analyse qui pourrait davantage être liée à la façon
de définir les sujets et à penser les droits de chacun en dehors des multiples
forces externes qui animent les rapports entre les individus.
95
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 15.
96
Pierre LEGENDRE, L’empire de la vérité – Introduction aux espaces
dogmatiques industriels – Leçons II (L’empire…), 2e édition, Paris, Fayard, 2001,
p. 51.
97
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 8.
98
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 9
99
Paul RICŒUR, Le Juste (Le Juste…), Volume 1, Paris, Esprit, 1995, p. 30.
100
ARENDT, Condition…, op. cit., p. 238.
101
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 55.
102
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 73.
103
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 40.
104
HABERMAS, Vérité…, op. cit., p. 46.
105
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p. 33.
106
Fernand MORIN, Pourquoi juge-t-on comme on juge? – Bref essai sur le
jugement (Jugement…), Montréal, Liber, 2005, p.  10, faisant probablement
référence à ce célèbre passage de Proust  : «  Et à la mauvaise habitude de
parler de soi et de ses défauts il faut ajouter, comme faisant bloc avec elle,
cette autre de dénoncer chez les autres des défauts précisément analogues à
ceux qu’on a. Or, c’est toujours de ces défauts-là qu’on parle, comme si c’était
une manière de parler de soi, détournée, et qui joint au plaisir de s’absoudre
celui d’avouer. D’ailleurs il semble que notre attention, toujours attirée sur ce
qui nous caractérise, le remarque plus que toute autre chose chez les autres.
Un myope dit d’un autre : "Mais il peut à peine ouvrir les yeux"; un poitrinaire
a des doutes sur l’intégrité pulmonaire du plus solide; un malpropre ne parle
que des bains que les autres ne prennent pas; un malodorant prétend qu’on
sent mauvais; un mari trompé voit partout des maris trompés; une femme
légère, des femmes légères; le snob, des snobs.  » dans Marcel PROUST, «  À
l’ombre des jeunes filles en fleurs – Deuxième partie/Noms de pays : le pays »,
dans M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Tome 1 – «  Du côté de chez
Swann et À l’ombre des jeunes filles en fleurs  », Paris, France Loisirs, 1999,
p. 699 et ss., à la page 809.
107
TODOROV, Le jardin…, op. cit., p. 25.
108
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 40
109
Il ne faut pas confondre la « personne » et la personnalité juridique. Celui
qui a la personnalité juridique est porteur d’obligation, c’est un sujet de droit.
La personne morale par exemple a la personnalité juridique, mais elle ne
constitue pas une personne au sens d’un prosôpon.
110
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 40
111
WOLTON, Sauver…, op. cit., p. 20.
112
TZITZIS, La personne…, op. cit., p. 42
113
Entretien personnel avec Tzvetan TODOROV (Entretien…), Paris, École des
Hautes Études en Sciences Sociales, le 16 juin 2005.
114
Nous nous joignons à Ricœur qui se joint lui-même à Jean-Marc Ferry pour
«  désigner du terme d’"ordres de reconnaissance" les grandes organisations
qui structurent l’interaction  : systèmes techniques, systèmes monétaires et
fiscaux, systèmes juridiques, systèmes bureaucratiques, systèmes
pédagogiques, systèmes scientifiques, systèmes médiatiques, etc.  », dans
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p.  35-36; Jean-Marc FERRY, Les puissances de
l’expérience, Volume 2 – « Les ordres de la reconnaissance », Paris, Cerf, 1991,
470 pages, p. 7 à 115.
115
« Contrat n.m. » dans REID, Dictionnaire…, op. cit., p. 142.
116  
Les articles 1434 et 1458 du Code civil du Québec veillent à assurer le
respect des engagement et la stabilité des contrats : « Le contrat valablement
formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé,
mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages,
l’équité ou la loi.  » [art. 1434] Au surplus, «  Toute personne a le devoir
d’honorer les engagements qu’elle a contractés. » [art. 1458] dans C.c.Q., L.Q.,
1991, c-64.
117
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p. 37.
118
L’apatridie (heimatlosat) souligne l’état d’une personne dépourvue d’une
personnalité juridique attribuée par un État. L’apatride (heimatlos) est sans
attache, il n’a pas de nationalité. Il est le ressortissant d’aucun État à la
différence d’un réfugié par exemple, qui conserve toujours sa nationalité peu
importe où il se trouve.
119
GARY, La vie…, op. cit., p. 49.
120
Respectivement les articles 15 et 6 de la Déclaration Universelle de droits de
l’Homme adoptée et proclamée par l’Assemblée générale dans sa résolution
217 A (III) du 10 décembre 1948.
121
ARBOUR et PARENT, D.i.p.…, op. cit., p. 477. Jus ou jure sanguinis signifie « par
le droit du sang »; c’est la règle selon laquelle la nationalité est déterminée par
celle des parents. Jus soli veut dire « par le droit du sol ou du territoire »; c’est
la règle selon laquelle la nationalité découle du lieu de naissance; dans
MAYRAND, Maximes…, op. cit., p. 258-259.
122
Ce sont des changements politiques qui ont obligé Viktor Navorski, le
personnage interprété par Tom Hanks dans le film The Terminal réalisé par
Steven SPIELBERG en 2004, à devoir rester dans la zone internationale de
l’aéroport new yorkais où il est arrivé. Navorski est empêché d’entrer sur le
territoire américain du fait que son pays, suite à un conflit pendant son transit,
n’existe plus sur la scène internationale. Ayant la nationalité d’un pays qui n’est
plus reconnu et n’étant pas davantage reconnu par le pays hôte, le voyageur
désormais sans patrie se trouve trappé dans un univers flou qui est tout
simplement intenable. Cette comédie romantique est inspirée de l’histoire vraie
de Mehran Karimi Nasseri (Sir Alfred Mehran) qui a demeuré près de deux
décennies dans le terminal Roissy de l’Aéroport Charles-De-Gaulle de Paris;
dans Alfred MEHRAN et Andrew DONKIN, The Terminal Man, Londres, Corgi, 2004,
253 pages. Son récit a également trouvé une autre interprétation
cinématographique, cette fois-ci en France et dix ans plus tôt, dans le film
Tombés du ciel de Philippe LIORET.
123
ARBOUR et PARENT, D.i.p.…, op. cit., p. 477; Convention relative au statut des
apatrides, 6 juin 1960, R.T.N.U., vol. 360, p. 131.
124
ARBOUR et PARENT, D.i.p.…, op. cit., p. 478. À titre d’exemple, conformément
à la Convention des Nations Unies sur la réduction de l’apatridie, 13 décembre
1975, R.T.N.U., vol. 989, p. 175; et la Convention sur la nationalité de la femme
mariée de 1957, 11 août 1958, R.T.N.U., vol. 309, p. 67.
125
Ravault fut notre interlocuteur privilégié pendant près de trois ans. En plus
de nous avoir enseigné, il a codirigé, avec Charles Perraton, la rédaction du
mémoire que nous avons déposé dans le cadre de notre Maîtrise en
communication à l’UQAM. Ses nombreux commentaires et analyses ont
largement contribué à nos efforts de problématisation de la relation entre le
droit et la communication.
126
SFEZ, La communication…, op. cit., p.  78. C’est le modèle de la
communication de Barnlund dont il est question ici. Ce dernier accorde une
très grande importance aux conditions de la réception des messages. De cette
façon, le sens n’est pas reçu par les destinataires en toute impunité. Au
contraire, il est pleinement inventé par eux. Le récepteur est responsable du
sens. Barnlund et son modèle s’inscrivent ainsi en opposition à une vision
représentative de la communication. Voir Dean C. BARNLUND, « A Transactional
Model of Communication », dans Kenneth K. SERENO et C. David MORTENSEN (dir.
publ.), Foundations of Communication Theory, New York, Harper & Row, 1970,
p. 83 à 102.
127
Hall distingue trois positions à partir desquelles peut s’effectuer un
décodage  : 1. La position dominante-hégémonique – Elle implique une
compréhension et une acception sans restriction par le récepteur. Cette
position est fréquente lorsque l’émetteur et le récepteur sont issus d’un même
milieu, qu’ils partagent les mêmes codes de référence ou, dans un langage
bourdieusien, qu’ils ont des habitus semblables. 2. La position négociée – Elle
signifie elle aussi que le récepteur comprend et accepte, mais cette fois-ci, il
évoque des raisons différentes ou bien il conserve une certaine méfiance. 3. La
position contraire – Celle-ci s’inscrit globalement à l’opposé de ce que
l’émetteur voulait dire. Cette position peut amener l’émetteur à devoir revoir
sa production en totalité ou en partie. Évidemment, ces trois positions ne
peuvent constituer que des types idéaux, car il y autant de possibilités de
décoder un message qu’il y a de messages et de récepteurs. dans HALL,
Codage…, loc. cit., p. 37-38.
128
La communication a le dos large. Les études qui se réclament d’elle traitent
d’une variété de sujets allant des médias, au cinéma, à la télévision, à
l’information, aux organisations et réseaux sociaux, à internet et aux jeux
vidéo; elles se confondent parfois dans les Lettres, les langues et le
journalisme; elles font dans la production et la diffusion de produits
communicationnels; elles proposent aussi des analyses à caractère
sociologique, sémiologique ou philosophique. Toutes ces perspectives de
recherche sont valables. Elles sont complémentaires dans notre quête de
connaissances sur la communication. Cependant, il ne faudrait pas privilégier
des approches (plus lucratives) au détriment des autres. Une discussion
épistémologique sur l’étude de la communication s’impose dans nos
universités. La Faculté de communication de l’Université du Québec à Montréal
s’est faite proactive. Après s’être détachée des Lettres au milieu des années
2000, la Faculté a scindé ses horizons de recherche et a créé en son sein, le
Département de communication sociale et publique, l’École des médias et
l’École de langues. Sur le questionnement épistémologique dans les études en
communication, voir entre autres  : René-Jean RAVAULT, «  "Étudier la
communication" ou pratiquer "les sciences de l’information et de la
communication"  ?  »  ; Gaby HSAB, «  Une épistémologie de la communication,
pour quoi faire ? » ; Serge PROULX, « Penser la conception et l’usage des objets
communicationnels  », dans Johanne SAINT-CHARLES et Pierre MONGEAU (dir.
publ.), Communication : horizons de pratiques et de recherche, Montréal, PUQ,
2005, p. 7 à 28; p. 53 à 70; p. 297 à 318.
129
René-Jean RAVAULT, «  Défense de l’identité culturelle par les réseaux
traditionnels de "coerséduction".  » (Défense…), dans International Political
Science Review, Vol 7, No 3, juillet 1986, p. 251 à 280, à la page 252.
130
Lee THAYER, Communication and Communication Systems in Organization,
Management and Interpersonal Relations (Systems…), Homewood (Ill.), R. D.
Irwin, 1971, p. 123. [Notre traduction]
131
Voir Wilbur SCHRAMM, Men, Messages and Media  : A Look at Human
Communication, New York, Harper & Row, 1973, 341 pages. La deuxième
édition de cet ouvrage est disponible sous W. SCHRAMM et William E. PORTER,
Men, Women, Messages, and Media : Understanding Human Communication, 2e
édition, New York, Harper & Row, 1982, 278 pages.
132
Voir Edward A. SHILS et Morris JANOWITZ, «  Cohesion and disintegration in
the Wehrmacht in World War II  », dans Bernard BERELSON et M. JANOWITZ (dir.
publ.), Reader in Public Opinion and Communication, New York, Free Press,
1966, p. 407-420. La 3e édition des travaux de Shils et Janowitz sont publiés
sous « Impact of Allied Propaganda on Wehrmacht Solidarity in World War II »
dans M. JANOWITZ et Paul. M. HIRSCH, Reader in Public Opinion and Mass
Communication, 3e édition, New York, The Free Press, 1981, p. 341 à 347.
133
Ravault, Défense…, loc. cit., p. 258; voir THAYER, Systems…, op. cit. ; Watson
DUNN, Advertising, Its Role in Modern Marketing, New York, Holt, Rinehart and
Winston, 1969, 629 pages.  ; Joseph T. KLAPPER, The Effects of Mass
Communication, New York, Free Press, 1960, 302 pages.
134
Inspiré du proverbe camerounais : « You can bend a tree or orient its course
only when it is very young. » dans Tokunbom ADELEKAN , African Wisdom, Valley
Forge (PA), Judson Press, 2004, p. 76. Dans le même esprit : « Donne de bonnes
habitudes au jeune homme en début de carrière; même devenu vieux, il ne s’en
départira pas.  » dans «  Les Proverbes 22, 6  », dans COLLECTIF, La Bible –
Traduction œcuménique (La Bible…), 10e édition, Paris, S.B.F./Cerf, 2004, p.
1604.
135
René-Jean RAVAULT, «  La réception des communications organisationnelles
dans le contexte de la mondialisation.  » (Réception…), dans Contributions
introductives au Colloque du C.E.R.C.O.R. : Les recherches sur la communication
organisationnelle en débat, Université de Rennes 2, 29-30 novembre et 1er
décembre 2001, p. 74 Bis à 79, à la page 75 Bis.
136
Le néologisme employé par Ravault tient à l’assemblage des mots
«  coercition  » et «  séduction  ». Avec cet oxymore, il tente de «  concilier deux
thèses par lesquelles la sociologie s’est efforcée d’expliquer le processus de
socialisation des individus ou de reproduction culturelle de la société. La notion
de coercition est effectivement empruntée à la sociologie durkheimienne qui
insiste sur les rapports de force et d’autorité contraignant l’enfant à adopter
les normes, valeurs et croyances de la communauté qui l’a vue naître. Tandis
que la notion de séduction se rapproche plus des thèses de Tarde sur la
socialisation par imitation et amour des parents, thèses qui sont aussi
compatibles avec les positions freudiennes sur ce sujet.  » dans RAVAULT,
Réception…, loc. cit., p.  78 (note 3b). Voir également : RAVAULT, Défense…, loc.
cit., p. 259.
137
La gouvernance rationnelle universelle implique une culture étatique, une
expansion planétaire des méthodes managériales et un culte de la démocratie,
dans Pierre LEGENDRE, «  Préface à la deuxième édition  » (Préface…), dans P.
LEGENDRE, Le désir politique de Dieu – Étude sur les montages de l’État et du
Droit – Leçons VII (Le désir…), 2e édition, Paris, Fayard, 2005, p. I à IX, à la page
II. L’ouvrage original est paru en 1988, mais pour reprendre les mots de
Legendre, la deuxième édition n’a pas subi de retouches de fond. Ce faisant,
nous avons tenu à distinguer la préface de l’œuvre original afin de marquer la
différence entre les deux époques de rédactions.
138
LEGENDRE, Préface…, op. cit., p. II.
139
René-Jean RAVAULT, «  Incommunicable américanité  », dans Cahiers de
recherche sociologique, No 15, automne 1990, p. 53 à 90, à la page 53.
140
LEGENDRE, Préface…, op. cit., p. II.
141
René-Jean RAVAULT, «Is there a Bin Laden in the Audience?, Considering the
Events of September 11 as a possible Boomerang Effect of the Globalization of
US Mass Communication. », dans Prometheus, Vol. 20, No 3, 2002, page 295 à
300.
142
Pour le plaisir et pour mieux comprendre l’idée d’arrogance que nous
évoquons, voici une retranscription «  non officielle  » d’une communication
radio entre les autorités maritimes canadiennes et un navire américain en
1995  : «  Américains  : Veuillez dévier votre route de 15° nord pour éviter une
collision. À vous. Canadiens : Veuillez plutôt dévier votre route de 15° sud pour
éviter une collision. À vous. Américains : Ici le capitaine d’un navire des forces
navales américaines. Je répète  : veuillez modifier votre course. À vous.
Canadiens  : Non, veuillez, vous, déviez votre course, je vous prie. À vous.
Américains  : Ici c’est le porte-avions USS Lincoln, le second navire en
importance de la flotte navale des Etats-Unis d’Amérique. Nous sommes
accompagnés par trois destroyers, trois croiseurs et un nombre important de
navires d’escorte. Je vous demande de dévier votre route de 15° nord ou des
mesures contraignantes vont être prises pour assurer la sécurité de notre
navire. À vous. Canadiens  : Ici c’est un phare. À vous. Américains  : Silence.  »
dans Jean-Paul DUBOIS, Une vie française, Paris, Seuil/l’Olivier, 2004, p. 379-380.
Cette histoire circule depuis plusieurs années déjà, mais l’événement n’a
jamais été confirmé par les autorités américaines. En fait, il nous importe peu
de savoir si la conversation a bel et bien eu lieu. Le récit a tellement été repris
qu’il fait désormais partie de la culture générale (nous tirons d’ailleurs le récit
d’un roman). Il se veut le reflet de la perception que beaucoup avait de
l’Amérique à une époque où nous pouvions encore lui reprocher ses tentatives
impérialistes.
143
Le surcode de Sfez ne doit pas du tout être confondu avec le surcode
deleuzien qui évoque, quant à lui, la perspective d’une domination d’un super-
code sur les autres codes; d’un surcodage despotique. « Tous les flux codés de
la machine primitive sont maintenant poussés jusqu’à une embouchure, où la
machine despotique les surcode. Le surcodage, telle est l’opération qui
constitue l’essence de l’État […] Les castes sont inséparables du surcodage, et
impliquent des “classes” dominantes qui ne se manifestent pas encore comme
classes, mais se confondent avec un appareil d’État. […] C’est le surcodage qui
destitue la terre au profit du corps plein déterritorialisé, et qui, sur ce corps
plein, rend le mouvement de la dette infini.  » dans Gilles DELEUZE et Félix
GUATTARI, Capitalisme et schizophrénie, Tome 1 – « L’Anti Œdipe », Paris, Minuit,
1972, p. 236 ; Voir aussi p. 227 à 236 et p. 285 à 312.
144
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p.96.
145
SFEZ, Décision…, op. cit., p. 358.
146
SFEZ, Décision…, op. cit., p. 431.
147
René-Jean RAVAULT, «  Penser la décision et critiquer la communication  »
(Penser…), dans GRAS et MUSSO (dir., publ.), Mélanges…, op cit., p. 255 à 267, à
la page 257.
148
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 45.
149
Il poursuit en soulignant que «  [c]’est l’effort conjugué de l’auteur et du
lecteur qui fera surgir cet objet concret et imaginaire qu’est l’ouvrage de
l’esprit. » dans Jean-Paul SARTRE, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard,
1988, p. 50.
150
Paul RICŒUR, Du texte à l’action – Essais d’herméneutique II (Du texte…),
Paris, Seuil, 1986, p. 155.
151
Les dix droits imprescriptibles du lecteur sont : « le droit de ne pas lire, de
sauter des pages, de ne pas finir un livre, de relire, de lire n’importe quoi, au
bovarysme, de lire n’importe où, de grappiller, de lire à haute voix, de nous
taire. » dans Daniel PENNAC, Comme un roman, Paris, Gallimard, 1992, p. 147 et
ss.
152
RAVAULT, Défense…, loc. cit., p.  260. Ravault relève et résume ici les
observations de Todorov et de Barthes sur la lecture. Voir Tzvetan TODOROV,
Critique de la critique – Un roman d’apprentissage, Paris, Seuil, 1984, aux pages
74 et 75 ; Roland BARTHES, Essais critiques, Paris, Seuil, 1981, aux pages 140 et
149.
153
Gilles THÉRIEN, «  Pour une sémiotique de la lecture.  » (Lecture…), dans
Protée, Vol. 18, No 2, 1990, p. 67 à 80, à la page 76; voir aussi Gérard VINCENT,
L’histoire de l’Homme racontée par un chat (Chat…), Paris, Quai Voltaire, 1992,
p. 12.
154
WOLTON, Sauver…, op. cit., p. 33-34.
155
LEGENDRE, Préface…, op. cit., p. III.
156
Nous sommes habitués aux récits européens et américains sur la modernité.
Pour un regard différent sur la Révolution française et les changements
idéologiques apportés par les Lumières, voir Alejo CARPENTIER, Le Siècle des
Lumières (Siècle…), Paris, Gallimard, 1962, 464 pages. Dans ce roman,
Carpentier nous fait découvrir « la Révolution sous un aspect peu connu, celui
qu’elle prit aux Antilles, à Cuba, à la Guadeloupe et dans les Guyanes. Certes
les événements politiques déterminants se passaient à des milliers de lieues de
là, mais aucun de ceux qui marquèrent en France les étapes et les tourmentes
de l’Histoire entre 1789 et 1808 ne resta là-bas sans conséquences. » dans Jean
BLANZAT, « Préface », dans CARPENTIER, Siècle…, op. cit., p. 9 à 16, à la page 12.
157
Nous risquons peu de nous tromper si nous limitons notre définition de
l’Auflärung comme étant le moment où l’humanité fait un nouvel usage de sa
raison et modifie le rapport traditionnel entre la volonté, l’autorité et l’usage de
la raison. Pour davantage de précisions et de nuances, voir le célèbre «  Was ist
Auflärung ? » de Kant dans Emmanuel KANT, Qu’est-ce que les Lumières ?, Paris,
Hatier, 1999, ainsi que le traitement qu’en fait Foucault dans Michel FOUCAULT,
« What is Enlightment ? » (« Qu’est-ce que les Lumières ? ») (Lumières…), dans
P. RABINOW (dir. publ.), The Foucault Reader, New York, Pantheon Books, 1984,
p. 32 à 50, tel que repris dans M. FOUCAULT, Dits et écrits – 1954-1988, Tome IV
– « 1980-1988 », Paris, Gallimard, 1994, p. 562 à 578.
158
Renato TREVES, Sociologie du droit (Sociologie…), Paris, PUF, 1995, p. 43.
159
Norbert ELIAS, Mozart – Sociologie d’un génie (Mozart…), Paris, Seuil, 1991,
p. 18-19.
160
TREVES, Sociologie…, op cit., p. 43.
161
FOUCAULT, Lumières…, op. cit., p. 562.
162
LEGENDRE, Préface…, op. cit., p. III.
163
Ferdinand TÖNNIES, Communauté et société – Catégories fondamentales de
la sociologie pure, Paris, PUF, 2010, 276 pages.
164
Andréas BUSS, « Les rationalités du droit et l’économie dans la sociologie du
droit de Max Weber » (Rationalités…), dans Revue Juridique Thémis (R.J.T.), No
39, 2005, p. 111 à 150, à la page 117.
165
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 21.
166
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 12.
167
Le commerce sert traditionnellement à pallier aux manques. Il prend très
souvent la forme de troc. Le profit n’est pas nécessairement recherché et les
échanges de biens entre paysans sont très fréquents. L’esprit de communauté
règne dans les campagnes de l’époque. Tout le travail du paysan est orienté
dans le but de faire vivre, voire faire survivre, sa famille et subséquemment sa
communauté. Les surplus qui n’auraient pas eu le malheur d’être saisis par les
autorités sont conservés et employés à pallier d’éventuels cas de forces
majeures.
168
…« Il s’alimente dans l’innovation technologique et dans les profits réalisés
par la vente de son produit. Il tire son dynamisme de la division rationnelle du
travail et de la combinaison travail/technique/capital sans cesse réajustée.  »
dans Jacques B. GÉLINAS, La globalisation du monde – Laisser faire ou faire?
(Globalisation…), Montréal, Écosociété, 2000, p.  25, dans les notes en bas de
page.
169
ATTALLAH, Théories, op. cit., p. 12
170
ARENDT, Condition…, op. cit., p. 173.
171
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 14.
172
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 15.
173
SFEZ, Entretien…, op. cit.
174
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 136.
175
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 142.
176
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 137.
177
Les engagements prénuptiaux (prenuptial agreement ou tout simplement
prenup) sont monnaie courante dans le milieu des affaires et chez les artistes.
Les tabloïds font souvent l’étalage de ces ententes prénégociées de séparation
ou de divorce lorsqu’elles concernent des couples célèbres. Le «  prenup  » est
désormais attaché à la célébrité hollywoodienne. Il a été consacré dans
plusieurs chansons dont Sign the Prenup de KRS-ONE et GREENIE sur l’album It’s
all good sortie en 2010 sur l’étiquette indépendante de KRS-One : «  Hey baby,
welcome back home to my crib…only 3 more weeks till dis is where u gonna
live…Now don’t get suspicious, but I’ve done all the dishes…and laid out this
trail of chocolate kisses…So hey future misses, before we get in trouble fast […]
We can talk about the wedding – we can plan all of ‘dat stuff…but one thing
first…You gonna sign this prenup ! Put your name on the X before I call you my
"ex". » Voir également la chanson Gold Digger de Kanye WEST et Jamie FOXX sur
l’album Late Registration paru chez Def Jam en 2005 et finalement, dans un
autre registre musical, la chanson P.R.E.N.U.P. de Paula COLE sur son album
Ithaca paru en 2010 sur étiquette Decca.
178
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 16.
179
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 23.
180
MELKEVIK, Réflexions…, op. cit., p. 167.
181
MELKEVIK, Réflexions…, op. cit., p. 164.
182
MELKEVIK, Réflexions…, op. cit., p. 167.
183
Paul Q. HIRST, «  Postface  », dans Bernard EDELMAN, Le droit saisi par la
photographie, Paris, Bourgois, 1980, p. 191 à 217, à la page 203. Publié une
première fois en 1973 chez Maspero, puis chez Bourgois en 1980 avec la
postface de Hirst, l’ouvrage d’Edelman a fait l’objet d’un nouvel assemblage en
2001. La postface n’y est plus, mais le livre fut enrichi de trois autres textes :
«  Le personnage et son double  », «  La rue et le droit d’auteur  » et «  L’œil du
droit  : Nature et droit d’auteur  », dans B. EDELMAN, Le droit saisi par la
photographie – Éléments pour une théorie marxiste du droit, Paris, Flammarion,
2001, 200 pages.
184
Evgeny B. PASUKANIS, La Théorie générale du droit et le marxisme, Paris, EDI,
1970, p. 160. Pour un approfondissement sur la relation entre Pasukanis et le
marxisme, voir Bjarne MELKEVIK, Marxisme et philosophie du droit – Le cas
Pasukanis, Paris, Buenos Books, 2010, 128 pages  ; Pasukanis et la théorie
marxiste du droit, Lille, l’Atelier National de reproduction des thèses,
Université de Lille III, 1988. Quant à cette dernière, prenez note que nous
travaillons présentement à l’élaboration d’une nouvelle mouture. L’ouvrage est
à paraître dans la Collection Dikè au PUL au courant l’année 2013.
185
Jacques LENOBLE, Droit et communication – La transformation du droit
contemporain, Paris, Cerf, 1994, p. 60, dans la note 1.
186
«  Ce qui touche (concerne) tous doit être approuvé par tous  » dans
MAYRAND, Maximes…, op. cit., p. 438
187
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 24.
188
BUSS, Rationalités…, loc. cit., p. 118.
189
BUSS, Rationalités…, loc. cit., p. 119.
190
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 315.
191
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 38.
192
Jean Louis SCHEFER, «  La mort d’Adam – Texte d’introduction  », dans
Giambattista VICO, Origine de la poésie et du droit – De Constantia jurisprudentis
(Poésie…), Paris, Cafe Clima Éditeur, 1983, p. 7 à 22, à la page 20.
193
Tzvetan TODOROV, Les Aventuriers de l’absolu (Les Aventuriers…), Paris,
Robert Laffont, 2006, p. 10.
194
ATTALLAH, Théories, op. cit., p. 27.
195
Ce sera toujours un âne qui porte des reliques  : «  Un baudet chargé de
reliques, s’imagina qu’on l’adorait  : Dans ce penser il se carrait, recevant
comme siens l’encens et les cantiques. Quelqu’un vit l’erreur, et lui dit : "Maître
Baudet, ôtez-vous de l’esprit une vanité si folle. Ce n’est pas vous, c’est l’idole à
qui cet honneur se rend, et que la gloire est due." D’un magistrat ignorant c’est
la robe qu’on salue.  » dans Jean de LA FONTAINE (1621-1695), «  L’Âne portant
des reliques  », tel que repris dans Antoine GARAPON, Bien juger – Essai sur le
rituel judiciaire (Bien juger…), Paris, Odile-Jacob, 2010, p. 11. La première
édition de l’ouvrage de Garapon portait le titre de la fable : L’Âne portant des
reliques – Essai sur le rituel judiciaire, Paris, Centurion, 1985, 211 pages.
196
WOLTON, Sauver…, op. cit., p. 32.
197
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 314.
198
WOLTON, Sauver…, op. cit., p. 26.
199
« État de droit » dans REID, Dictionnaire…, op. cit., p. 245.
200
Donald POIRIER et Anne-Françoise DEBRUCHE, Introduction générale à la
Common Law (Common Law…), 3e édition, Bruxelles/Cowansville (Qc),
Bruylant/Yvon Blais, 2005, p. 29.
201
Henri BRUN, Guy TREMBLAY et Eugénie BROUILLET, Droit Constitutionnel
(Constitutionnel…), 5e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2008, p.  685. Voir
également POIRIER et DEBRUCHE, Common Law…, op. cit., p. 29.
202
TODOROV, Le jardin…, op. cit., p. 102.
203
BRUN, TREMBLAY et BROUILLET, Constitutionnel…, op. cit., p. 692.
204
Renvoi sur le droit linguistique au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721. Voir
également Bilodeau c. P.G. Manitoba, [1986] 1 R.C.S. 449, 458, dans BRUN,
TREMBLAY et BROUILLET, Constitutionnel, op. cit., p. 694-695.
205
BRUN, TREMBLAY et BROUILLET, Constitutionnel, op. cit, p. 694.
206
La Cour suprême aura l’occasion une nouvelle fois de rappeler, dans le
Renvoi sur la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, 257, que le principe de
la primauté du droit est ce qui assure aux citoyens la stabilité, la prévisibilité et
l’ordre nécessaire à l’exercice de leurs activités. Autrement dit, que «  [l]a
primauté du droit évoque donc la loi et l’ordre avant de suggérer la notion de
liberté. » dans BRUN, TREMBLAY et BROUILLET, Constitutionnel, op. cit., p. 695.
207
La rencontre avec Todorov a eu lieu à l’École des Hautes Études en
Sciences Sociales (EHESS) au mois de juin 2005. L’entretien s’est tenu dans le
cadre du même stage de recherche qui nous a mené à rencontrer Sfez. Todorov
est un historien des idées. Il ne revendique aucune théorie. Il observe, scrute
puis partage en toute humilité le fruit de ses constatations avec un regard qui
lui est bien particulier. Ses observations sont justes, cohérentes et rigoureuses.
Elles ont stimulé nos propres réflexions en plus de contribuer
considérablement à la réalisation de notre objectif de problématisation de la
relation entre le droit et la communication.
208
« Par cela il est manifeste que pendant ce temps où les humains vivent sans
qu’une puissance commune ne leur impose à tous un respect mêlé d’effroi, leur
condition est ce qu’on appelle la guerre; et celle-ci est telle qu’elle est une
guerre de chacun contre chacun. » dans Thomas HOBBES, Léviathan ou Matière,
forme et puissance de l’État chrétien et civil (Léviathan…), Paris, Gallimard,
2000, p. 224.
209
TODOROV, Entretien…, op. cit.
210
TODOROV, Entretien…, op. cit.
211
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 315.
212
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p. 22.
213
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p. 25.
214
Éric DESMONS, Mourir pour la patrie ?, Paris, PUF, 2001, p. 77.
215
Gina STOICIU, L’aveuglement de Janus – Mythes, mythologie politique et
reconstruction identitaire collective (Janus…), Montréal/Bucarest,
Humanitas/Libra, 1997, p. 29.
216
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p. 28.
217
Évangile selon Saint Jean, 18, 36 dans COLLECTIF, La Bible…, op. cit., p.
2617.
218
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p. 41.
219
Jean-Jacques SUEUR, Pour un droit politique – Contribution à un débat,
Québec, PUL, 2011, p. 42.
220
Pierre LEGENDRE, « Communication dogmatique », dans SFEZ, Dictionnaire…,
op. cit., Tome 1, p. 25 à 47, à la page 25.
221
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 24.
222
Maurice HAURIOU, Aux sources du droit – Le pouvoir, l’ordre et la liberté (Aux
sources…), Caen, Centre de Philosophie politique et juridique – Université de
Caen, 1986, p. 98. (texte original publié en 1933)
223
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 25.
224
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 36.
225
TODOROV, Le jardin…, op. cit., p.73.
226
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 36.
227
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 37.
228
HOBBES, Léviathan…, op. cit., p. 174.
229
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 38.
230
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p. 63.
231
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 39.
232
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 38.
233
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 25.
234
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 18.
235
LEGENDRE, L’empire…, op. cit.,p. 26.
236
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 27.
237
CARPENTIER, Siècle…, op. cit., p. 461.
238
Albert CAMUS, Le mythe de Sisyphe – Essai sur l’absurde, Paris, Gallimard,
1942, p. 168.
239
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 29.
240
HAURIOU, Aux sources…, op. cit., p. 111.
241
TZITZIS, La personne…, op. cit., p. 159-160.
242
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 247.
243
LEGENDRE, Le désir…, op. cit., p. 20.
244
HAURIOU, Aux sources…, op. cit., p. 96
245
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 24.
246
HAURIOU, Aux sources…, op. cit., p. 75
247
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 9-10.
248
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 11.
249
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 204.
250
ATTALLAH, Théories…, op. cit., p. 48.
251
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 241.
252
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 242
253
Ferdinand de SAUSSURE, Cours de linguistique générale (Cours…), Paris,
Payot & Rivages, 1995, p. 97.
254
SAUSSURE, Cours…, op. cit., p. 28.
255
« En effet puisque l’âme humaine est le berceau, la patrie et l’habitat de la
langue, toutes les propriétés de la langue passent en elle subrepticement.  »
dans Wilhelm von (Guillaume de) HUMBOLDT, Sur le caractère national des
langues et autres écrits sur le langage, Paris, Seuil, 2000, p. 127-129.
256
SAUSSURE, Cours…, op. cit., p. 98.
257
LEGENDRE, Le désir…, op. cit., p. 34.
258
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 40.
259
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 31.
260
Un nom peut ne pas être unique. L’homonymie est possible, mais la filiation
d’un sujet sera singulière et originale. Autrement dit, même si des individus
portent le même nom, les situations généalogiques de chacun seront toujours
différentes. Des Guillaume Provencher, il y en a eu, il y en a, il y a en aura
encore, mais jamais aucun d’eux ne pourra prétendre être le même que moi.
261
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 32.
262
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 198.
263
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 33.
264
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 198.
265
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 33.
266
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 34.
267
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 170.
268
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 170-171.
269
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 99.
270
SFEZ, Entretien…, op. cit.
271
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 171.
272
Alain FINKIELKRAUT, La défaite de la pensée (Défaite…), Paris, Gallimard,
1987, p. 25.
273
FINKIELKRAUT, Défaite…, op. cit., p. 30.
274
Umberto ECO, Le signe – Histoire et analyse d’un concept (Le signe…), Paris,
LGF, 1992, p. 17.
275
«  Selon la conception traditionnelle du langage, les signes font toujours
signe vers quelque chose, vers une "présence réelle" de la chose (le mot
"pomme" renverrait, par exemple, à la "chose" pomme, ici présente, que je
peux pointer du doigt et dans laquelle je peux croquer). [Quant au sens chez
Derrida, il] est censé être "différent" du signe, se trouver "hors" de lui, mais
cette différence ne peut toujours être pointée que par le langage.  » dans
GRONDIN, op. cit., p.  49. Chez Derrida, le sens se trouve dans la différ(a)nce,
c’est-à-dire, dans une différence différée; dans une dynamique qui met à l’écart
(qui diffère) la différence. Voir Jacques DERRIDA, «  La différance  » dans J.
DERRIDA, Marges de la philosophie, Paris, Minuit, 1972, aux pages 1 à 29.
276
Cette phrase est prononcée par le personnage de Patrick Agira (David La
Haye) lorsqu’il répond à une journaliste qui le questionne sur son célèbre père
dans les derniers moments du film de Sébastien ROSE, La vie avec mon père,
Québec, Christal Films, 2005. Rose est devenu cinéaste après avoir obtenu un
Baccalauréat en philosophie à l’Université de Montréal et une Maîtrise en
Sciences Humaines à l’Université de Strasbourg. Il dispense d’ailleurs à
l’occasion des cours à l’Université du Québec à Montréal dans le programme
d’études littéraires. Son film La vie avec mon père a remporté, l’année de sa
sortie, le Prix du public au Festival international du film Karlovy Vary en
République Tchèque. Il aborde de manière originale, avec humour et
philosophie, la relation entre frères et celle entre un père et ses fils.
277
SUPIOT, Homo juridicus, op. cit., p. 8.
278
Paul RICŒUR, De l’interprétation – Essai sur Freud, Paris, Seuil, 1965, p. 33.
279
Lewis CARROLL, « Through the Looking-Glass and What Alice Found There »,
dans L. Carroll, Alice’s Adventures in Wonderland and Through the Looking-
Glass, Londres, Wordsworth, 1993, p. 125 à 264, à la page 205.
280
SUPIOT, Homo juridicus…, op. cit., p. 8.
281
TODOROV, Le jardin…, op. cit., couverture.
282
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 39.
283
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 252.
284
Citation de l’artiste Josef ALBERS telle que traduite et citée dans T. G.
ROSENTHAL, Josef Albers – Articulation : Formulation (Albers…), 2e édition, Paris,
Thames & Hudson, 2006, deuxième de couverture. La formulation anglaise et
originale fut reprise dans LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 40 : « In science, one
plus one is always two, in art it can also be three, or more. »
285
George ORWELL, 1984, Paris, Gallimard, 1972, p. 119.
286
FINKIELKRAUT, Défaite…, op. cit., p. 26.
287
STOICIU, Janus…, op. cit., p. 9.
288
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 81.
289
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 77.
290
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 79.
291
La définition est de Bourdieu, mais la troncature et l’assemblage est de De
Gantès. Ce dernier porte à l’attention la ressemblance entre le concept de
l’habitus et celui de l’inconscient systémique chez Laborit qui soutient aussi la
présence de règles dominantes en chacun de nous et qui, comme chez
Bourdieu, «  structureront les motivations de l’action au long de l’existence
individuelle.  » dans Alain DE GANTES, «  Praxéologie de la dominance dans la
société informationnelle. Reconfiguration de la question hiérarchique dans le
capitalisme cognitif  : le détour par Henri Laborit  », Texte revu après
communication faite lors de la Journée d’études Axes et Cibles Analytiques,
Paris, 24 mai 2003, p. 12.
292
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 80.
293
TODOROV, Entretien…, op. cit.
294
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 94.
295
Gérard CORNU, Linguistique juridique (Linguistique…), 3e édition, Paris,
Montchrestien, 2005, p. 384.
296
CORNU, Linguistique…, op. cit., p. 376.
297
HART, Concept…, op. cit., p. 109
298
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 96.
299
ARBOUR et PARENT, D.i.p.…, op. cit., p. 22.
300
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 96.
301
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 97-98.
302
Bien que l’expression «  melting-pot  » est reconnue et acceptée dans la
langue française, nous préférons employer le terme non emprunté de
« creuset » pour parler de ce grand lieu de rencontre culturel.
303
WOLTON, Sauver…, op. cit., p. 19
304
« Publication n.f. » dans REID, Dictionnaire…, op. cit., p. 493.
305
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 100.
306
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 38.
307
BOURDIEU, Choses…, op cit., p. 101.
308
SAUSSURE, Cours…, op. cit., p. 100.
309
Frédéric GROS, Marcher, une philosophie, Paris, Flammarion, 2011, p. 89.
310
Le Schmilblic (sans « k ») était une émission française créée et animée par
Guy Lux à la fin des années 1960. Ce jeu a connu un succès impressionnant
surtout après la sortie d’un sketch de Coluche du même nom (avec un « k »). Le
but était de trouver le schmilblick, un mot quelconque, à partir d’une série de
définitions possibles. Chaque participant tentait à sa façon de faire avancer le
schmilblick. Le résultat était en fin de compte un cafouillis total où plus rien,
aucun mot, ne semblait trouver de correspondance de sens avec les définitions
usuelles. Schmilblick est aussi utilisé pour désigner un objet quelconque, un
truc ou encore une patente en québécois. Pour le sketch de Coluche, voir
COLUCHE, L’intégrale des sketches, Paris, Le Cherche midi, 2011, p. 71 à 76.
311
Arnaud LUCIEN et Pascal RICHARD, «  Le langage comme représentation du
Monde, l’exemple de l’hébreu  », dans Actes du Colloque international – La
représentation dans tous ses états, Toulon, 8 et 9 novembre 2007, p. 2.
312
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 103.
313
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 103.
314
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 40.
315
Lukas K. SOSOE, «  Préface à l’édition française  », dans Niklas LUHMANN, La
légitimation par la procédure, Québec, PUL/Cerf, 2001, p. XIII à XLII, à la page
XXX.
316
Humains, nous n’avons pas les moyens de savoir ce que pense le chat, mais
nous pouvons l’imaginer. C’est ce à quoi s’est risqué Gérard Vincent dans son
Histoire de l’homme racontée par un chat. Cet ouvrage singulier dans lequel
Vincent ne prétend être qu’un traducteur (une traduction du siamois),
Akhénaton, un chat, raconte l’histoire de l’homme depuis les pharaons. C’est
son état de chat avec ses multiples vies qui lui ont permis d’être un témoin
privilégié de l’évolution de notre espèce. L’exercice est intéressant et mérite le
détour. Voir VINCENT, op. cit.
317
GRONDIN, Du sens…, op. cit., p. 7.
318
Paul RICŒUR, «  Préface  » dans Arendt, Condition…, op. cit., p. 5 à 32, à la
page 21.
319
PERELMAN, Logique…, op. cit., p. 109.
320
WITTGENSTEIN, Recherches…, op. cit., p. 43.
321
« On veut pas l’sawoère qu’osse qu’est arrivé : ON VEUT LE WOÈRE ! On s’est
pas acheté une télévision pour rien ! » dans le célèbre monologue «  Cable TV »
de l’humoriste québécois Yvon Deschamps qui date du début des années 1970.
Ce passage fait sans contredit partie des annales de l’humour au Québec au
même titre que «  L’union, qu’osse ça donne  ?  », dans Yvon DESCHAMPS, Tout
Deschamps, Montréal, Lanctôt, 1998, p. 79, à la page 82.
322
Jean-Louis BEAUDOIN, «  L’illisible  : la lecture contemporaine de la loi et du
jugement  » (L’illisible…), dans Résumé de conférence prononcée au Centre de
Recherche en Droit Public de l’Université de Montréal, Montréal, 25 janvier
2001, p. 4.
323
Lucie LAUZIÈRE, « Le sens ordinaire des termes de droit », dans Jean-Claude
GÉMAR (dir. publ.), Langage du droit et traduction – Essai de jurilinguistique,
Montréal, Linguatech/Conseil de la langue française, 1982, p. 39 à 47, à la
page 44.
324
BEAUDOIN, L’illisible…, loc. cit., p. 5.
325
Ludwig WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus, Paris, Gallimard, 1993,
125 pages.
326
Jean-Paul BRODEUR, «  La pensée postmoderne et la criminologie  », dans
Revue de criminologie, Vol. 26, No 1, Montréal, 1993, p. 73 à 121, aux pages 91
et 92.
327
ECO, Le signe…, op. cit., p. 11 à 30.
328
ECO, Le signe…, op. cit., p. 18.
329
GRONDIN, Du sens…, op. cit., p. 51.
330
Umberto ECO, La structure absente (La structure…), Paris, Mercure de
France, 1972, p. 53.
331
GRONDIN, Du sens…, op. cit., p.  52; La poésie permet au poète de toucher
aux bornes du réel et de l’absolu. En fait, elle est le réel véritablement absolu,
précise NOVALIS, tel que repris dans TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 211.
La poésie est née de la nécessité. Elle constitue la langue des premiers
peuples; c’est la religion et les lois. Le premier à avoir parlé la langue poétique
fut probablement Moïse; le premier des poètes dans VICO, Poésie…, op. cit.,
p. 121, 135 à 138.
332
En avant de leur temps (1857), « les poèmes des Fleurs du mal constituent
en quelque sorte les vidéoclips de l’époque ! En effet, chacun des textes n’est-il
pas un récit condensé au maximum ? Une succession d’images éblouissantes ?
Avec des surprises, des musiques et des rythmes divers  ? Quiconque prend la
peine de s’y attarder connaîtra un plaisir redoublé  : celui de découvrir que
d’autres ont pensé comme nous et que nous ne sommes donc pas seuls; et celui
de goûter un texte bien ciselé, qui nous transporte comme le fait l’écoute d’une
chanson que nous aimons. “Les fleurs du mal sont le livre de la condition
humaine”, affirmait Blaise Allan, un spécialiste de Baudelaire.  » dans Serge
PROVENCHER, «  Présentation  », dans Charles BAUDELAIRE, Les fleurs du mal,
Montréal, ERPI, 2007, p. XI, à la page XII ; Blaise ALLAN, «  Introduction  » dans,
C. BEAUDELAIRE, Les fleurs du mal suivi du Spleen de Paris, Paris et Lausanne,
Clairefontaine, 1947, p. 8.
333
TODOROV, Les Aventuriers…, op. cit., p. 223.
334
Pierre LEGENDRE, Paroles poétiques échappées du texte – Leçons sur la
communication industrielle (Paroles…), Paris, Seuil, 1982, p. 12.
335
GRONDIN, Du sens…, op. cit., p. 52. Les poèmes contiennent une histoire. Ce
sont des expressions quintessenciées d’une vie humaine vécue. « Pour écrire un
seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut
connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel
mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir
repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres
inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours
d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait
qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie qu’on ne la comprenait pas
(c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui
commençaient si singulièrement par tant de profondes et graves
transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à
des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de
voyages qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne
suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de
beaucoup de nuits d’amour dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de
femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes
accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants,
être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et
les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des
souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la
grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs eux-mêmes ne
sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard,
geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est
qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le
premier mot d’un vers. » dans Rainer Maria RILKE, Les cahiers de Malte Laurids
Brigge, Paris, Seuil, 1966, p. 25
336
SFEZ, Critique…, op. cit., p. 174 reprenant LEGENDRE, Paroles…, op. cit., p. 12.
337
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 99-100.
338
Paul RICŒUR, «  Le problème de la liberté de l’interprète en herméneutique
générale et en herméneutique juridique  » (Le problème…), dans Paul AMSELEK
(dir. publ.), Interprétation et droit, Bruxelles/Aix-en-Provence, Bruylant/PUAM,
1995, p. 177 à 188, à la page 177.
339
RICŒUR, Du texte…, op. cit., p. 154.
340
ELIAS, Mozart…, op. cit., p. 101.
341
HAURIOU, Aux Sources…, op. cit., p. 101
342
RICŒUR, Du texte…, op. cit., p. 157-158.
343
Franz KAFKA, «  Prague, début avril 1922  », dans F. KAFKA, Lettres à Milena,
Paris, Gallimard, 1988, p. 266 à 269, à la page 267.
344
Michel VILLEY, Réflexions sur la philosophie et le droit – Les Carnets de Michel
Villey, Paris, PUF, 1995, I, 59, p. 18. ; repris dans BAUZON, Métier…, op. cit.,
p. 173.
345
Hans-Georg Gadamer, La philosophie herméneutique (Philosophie ), Paris,
PUF, 1996, p. 74.
346
La compréhension implique de pouvoir voler de ses propres ailes. L’image
de l’oiseau nous aide à mieux saisir la nécessaire implication des versants
objectif et subjectif. Chez l’oiseau, c’est le travail combiné, conjoint et
simultané des plumes tectrices (les ailes) et des plumes rectrices (la queue) qui
lui offrent la possibilité de décoller, de voler, de planer et de se poser. Les
tectrices sont des plumes qui assurent la portance de l’oiseau alors que la
queue lui sert de gouvernail. C’est sur la queue que nous retrouvons
habituellement les plumes les plus longues, les plus fortes et les plus solides.
La queue est rigide. Elle est construite sur une charpente qui ne s’en laisse pas
imposer. C’est grâce à sa queue et à sa structure que l’oiseau est en mesure de
se diriger dans le ciel. Les caractéristiques particulières de la queue sont
déterminées en fonction du climat et des intempéries que l’oiseau aura à
surmonter, si bien qu’on ne sait plus trop si c’est l’oiseau qui s’est adapté au
milieu, ou si c’est le milieu qui a su constituer un oiseau à son image. La queue
est essentielle à l’oiseau, mais seule, elle ne lui permet pas de s’envoler. Il a
besoin de ses ailes. Ces dernières sont flexibles et souples. Elles battent au
vent et elles s’adaptent. Elles sont toujours aux premières loges. Ce sont des
plumes de couvertures qui témoignent de l’histoire de l’oiseau par leurs
blessures et leurs égratignures. Si l’oiseau n’avait qu’une queue, il ne serait
pas en mesure de décoller. Comme un avion, il aurait besoin d’un réacteur,
d’une puissance extérieure pour lui permettre de s’élever. Il ne serait donc pas
en mesure de se mettre seul en position plus avantageuse et avoir une
meilleure perspective sur le monde. Si notre oiseau avait seulement des ailes, il
pourrait certainement décoller, mais il ne serait pas en mesure de garder son
équilibre. Il n’aurait pas d’autre choix que de monter et de descendre en
catastrophe une fois épuisé. C’est parce qu’il est doté de deux membres
différents et complémentaires que notre oiseau est en mesure de décoller, de
voler, de planer et de se poser. La queue et les ailes travaillent ensemble. Les
faiblesses de l’une servent de faire-valoir aux forces de l’autre. Ce n’est qu’en
s’ajustant l’une sur l’autre, en trouvant un point d’équilibre que l’oiseau est en
mesure de prendre son envol et de poursuivre son chemin et sa migration. De
la même manière, celui qui cherche à comprendre un texte doit faire reposer sa
compréhension et son interprétation sur la base de critères objectifs (les mots,
les phrases, les règles, etc.) et subjectifs (l’esprit créatif, l’imagination, etc.). Ce
n’est qu’avec le concours des deux qu’il parviendra à s’élever.
347
GADAMER, Philosophie…, op. cit., p. 73.
348
VINCENT, Chat…, op. cit., p. 12.
349
GADAMER, Philosophie…, op. cit., p. 74.
350
SFEZ, La communication…, op. cit., p. 9.
351
GADAMER, Philosophie…, op. cit., p. 75-76.
352
RICŒUR, Du texte…, op. cit., p. 155.
353
Umberto ECO, Les Limites de l’interprétation (Les Limites…), Paris, Grasset,
1992, p.35.
354
WITTGENSTEIN, Recherches…, op. cit., p. 68. L’ancienne traduction parle quant
à elle d’ « un concept de l’expliqué dans l’esprit, c’est-à-dire un modèle » dans
WITTGENSTEIN, Investigations…, op. cit., p. 151.
355
THÉRIEN, Lecture…, loc. cit., p. 74.
356
GADAMER, Philosophie…, op. cit., p. 77.
357
Pascal RICHARD, Le jeu de la différence – « Réflexions sur l’épistémologie du
droit comparé », Québec, PUL, 2007, p. 20.
358
GADAMER, Philosophie…, op. cit., p. 80.
359
GADAMER, Philosophie…, op. cit., p. 78.
360
GADAMER, Philosophie…, op. cit., p. 81.
361
Citation de Josef ALBERS dans Eugen GOMRINGER (dir. publ.), Josef Albers : His
Work as Contribution to Visual Articulation in the Twentieth Century (Albers…),
New York, George Wittenborn, 1968, telle que traduite et reprise dans
ROSENTHAL, Albers…, op. cit., p. 21.
362
On peut lire l’exemple dans SFEZ, Décision…, op. cit., p. 358.
363
RAVAULT, Penser…, op. cit., p. 258.
364
ECO, Rose…, op. cit., p. 330. Ce pastiche inspiré de la «  méthode pour
arriver à une vérité probable à travers une série d’erreurs certaines » (p. 327)
a déjà été utilisé dans notre introduction, lorsque nous parlions de la difficulté,
voire de l’impossibilité de parvenir à une seule et unique définition du droit.
Supra, p. 24.
365
GARY, La vie…, op. cit., p. 11.
366
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p 140.
367
THÉMISTOCLE d’après CICÉRON dans Tzvetan TODOROV, Mémoire…, op. cit.,
p. 133.
368
Bjarne MELKEVIK, « La part à Léthé : sur droit et mémoire » dans Stamatios
TZITZIS, La mémoire, entre silence et oubli, Québec, PUL, 2006, p. 487 à 504, tel
que repris dans B. MELKEVIK, Droit, mémoire et littérature (Mémoire…), Québec,
PUL, 2010, p. 59 à 76, à la page 66.
369
Ce qui n’a pas empêcher Perec de tenter sa chance de deux et de belles
façons dans Georges PEREC, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Paris,
Christian Bourgois, 1975, 50 pages et dans G. PEREC, La vie mode d’emploi,
Paris, Fayard, 2010, 640 pages.
370
TODOROV, Entretien…, op. cit.
371
RICŒUR, Le problème…, op. cit., p. 177.
372
… « Quand ce dernier mot du juge est un mot de condamnation, le juge se
rappelle à nous comme porteur non seulement de la balance mais du glaive. »
dans Paul RICŒUR, Amour et justice, Paris, Points, 2008, p. 28.
373
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p 137.
374
SFEZ, Décision…, op. cit., p. 364.
375
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p. 137.
376
Oui, répond Melkevik, «  car si le mal vient de nous, nous n’avons rien
d’autre à faire qu’à apprendre le mal comme étant notre histoire et chercher à
éviter de commettre, dans les limites de la possibilité humaine, la même bêtise
deux ou mille fois de suite !  » dans Bjarne MELKEVIK, «  Le Liseur de Bernhard
Schlink  : la question de droit et de mémoire  » dans MELKEVIK, Mémoire…, op.
cit., p. 15 à 49, à la page 49. Schlink est l’auteur du célèbre roman Le liseur qui
a fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 2008 avec en tête
d’affiche, Kate Winslet (gagnante de l’Oscar de la «  meilleure actrice  » pour
son rôle) et Ralph Fiennes. Dans cet œuvre romanesque, Schlink propose en
fait une analyse philosophique sur le devoir de mémoire dans une Allemagne
qui panse ses plaies et règle ses comptes après la guerre. Lui même juriste et
philosophe du droit, Schlink s’offre, par la romance, la possibilité de dire des
choses qu’un cadre académique ou juridique ne saurait lui permettre. Voir
Bernhard SCHLINK, Le liseur, Paris, Gallimard, 1996, 243 pages. Melkevik
propose également, dans un deuxième élan, un retour sur Le liseur de Schlink à
la lumière de la sortie du film The Reader de Stephen DALDRY en 2008, dans B.
MELKEVIK, «  Un film, un holocauste et un passé qui hante la conscience
moderne. Épilogue sur Le liseur de Schlink  » toujours dans MELKEVIK,
Mémoire…, op. cit., p. 51 à 58.
377
TODOROV, Mémoire…, op. cit., p. 139.
378
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p. 60.
379
MORIN, Jugement…, op. cit., p.37.
380
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p. 62.
381
Georges FORESTIER, Introduction à l’analyse des textes classiques – Éléments
de rhétorique et de poétique du XVIIe siècle (Classiques…), Paris, Nathan, 1993,
p. 14.
382
PERELMAN, Logique…, op. cit., p. 106.
383
L’art de persuader et de maîtriser la discussion, c’est aussi l’art d’avoir
toujours raison et l’art de la guerre. «  Schopenhauer sait que les mots et les
arguments sont des poignards dont la pointe peut tuer; il sait aussi que la seule
réalité qui vaille est notre propre victoire, même si le vrai maître du jeu reste
finalement le langage et ses ressources infinies.  » dans Didier RAYMOND, «  Le
langage en état de guerre – Postface », dans Arthur SCHOPENHAUER, L’art d’avoir
toujours raison, Paris, Mille et une nuits, 2000, p.  79 à 85, à la page 85 et
couverture.
384
PERELMAN, Logique…, op. cit., p. 107.
385
FORESTIER, Classiques…, op. cit., p. 19.
386
PERELMAN, Logique…, op. cit., p. 110.
387
Il ne s’agit ici bel et bien que d’un rappel qui nous fait se souvenir. Il ne
faudrait pas voir là une tentative de notre part d’établir une équivalence ou une
quelconque symétrie entre les deux auteurs. Il s’agit simplement de constater
une ressemblance dans la manière de trier et d’établir les regroupements.
388
MELKEVIK, Horizons…, op. cit., p. 97.
389
RICOEUR, Le problème…, op. cit., p. 180.
390
« Doctrine n.f. » dans REID, Dictionnaire…, op. cit., p. 209-210.
391
FERREIRA DA CUNHA, Récit…, op. cit., p. 19.
392
L’histoire a démontré à plusieurs reprises qu’un texte constitutionnel peut
s’avérer contraire à l’esprit du peuple qu’il encadre. Lorsque c’est le cas, c'est-
à-dire quand le texte constitutionnel s’éloigne trop du cadre partagé par les
membres de la communauté, le texte constitutionnel peut être contesté, voire
complètement changé. C’est dans ces moments, où la correspondance n’existe
plus entre les valeurs du groupe et les textes supposés les encadrer, que nous
assistons à des cas d’insoumission civique et des révoltes. Le «  Printemps
arabe » est un bel exemple de la conséquence possible d’une disharmonie entre
le peuple et sa constitution. À un autre niveau évidemment, au Québec cette
fois-ci, où « il y a déjà longtemps que nous avons renoncé à défier les lois » (p.
60), une politique gouvernementale sur la hausse des frais de scolarité a
soulevé un mouvement contestataire dans la communauté estudiantine
québécoise en 2012, les «  carrés rouges  ». Devant l’ampleur des
manifestations, le gouvernement en poste adopte une «  loi matraque  » pour
faire régner l’ordre et la paix : la loi 78. S’ensuit un mouvement populaire qui
dépassera largement le cadre du conflit étudiant. Dans le cas du Québec, ce
n’était pas le texte constitutionnel qui jurait avec les valeurs du groupe, mais
bien un texte législatif. La grève étudiante québécoise de 2012 a d’ailleurs été
surnommée le «  Printemps érable  ». Voir le premier roman inspiré de ce
«  Printemps québécois  », dans Patrick NICOL, Terre des cons, Montréal, La
Mèche, 2012, 98 pages.
393
Jean-Baptiste PROUDHON, Cours de droit français, Dijon, 1810; tel que repris
dans François GÉNY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, 2e
édition, Tome 1, Paris, LGDJ, 1954, p. 39, dans la note 6  ; repris également
dans Paul DUBOUCHET, Sémiotique juridique, Paris, PUF, 1990, p. 135.
394
BAUZON, Métier…, op. cit., p. 25. Au surplus, « [l]e législateur est un juriste,
il dit ce qui revient comme biens et charges aux citoyens. Le juge est un juriste,
il rectifie les déséquilibres de cette attribution. Et de manière générale, les
juristes sont ceux, tels les avocats ou les conseillers juridiques, qui adaptent les
lois pour tenter d’assurer la survie ou le bien-vivre dans la Cité. », à la page 64.
395
TODOROV, Entretien…, op. cit.
396
Les styles architecturaux néoclassique ou néogothique présents dans les
bâtiments dédiés à la justice dans les vieux pays contribuèrent à une
représentation de la justice comme une autorité transcendante verticale et
sacrée. Le bâtiment participait à sa façon à assurer la liaison entre Dieu et le
juge. Pour David Marrani, les constructions d’aujourd’hui sont «  en train de
“brouiller” la clarté du message transmis par le bâtiment. Ainsi, plutôt que de
retrouver la transcendance verticale de l’autorité, [elles] illustrent maintenant
une “vision contemporaine inspirée d’une forme de transcendance horizontale
destinée à représenter l’immanence de la démocratie. Pourtant, en modifiant
cette configuration verticale pour la remplacer par une plutôt horizontale, nous
sommes sortis du sacré pour entrer dans le marché”.  » Ces propos ont été
tenus lors d’une contribution de Marrani au projet Vers une cyberjustice du
Centre de recherche en droit public (CRDP) de l’Université de Montréal au
mois de mai 2012. Ils ont été relevés et publiés dans Philippe SAMSON,
«  L’architecture juridique en changement  », dans Le journal du Barreau du
Québec, Vol. 44, No 8, Août 2012, p.  12. Dans la même veine architecturale,
voir aussi Josiane BOULAD-AYOUB, « Les Palais de justice de Montréal : Du temple
à la tour  » et François CHALIFOUR, «  L’œil ambulant, le Palais de justice et la
représentation – Élaboration d’un modèle d’analyse sémiotique  » dans Nycole
PAQUIN (dir. publ.), Les signes de la justice et de la loi dans les arts, Québec,
PUL, 2008, p. 51 à 74 et p. 75 à 104.
397
«  Courthouse is the lawyer’s playground  ». La version anglaise de notre
affirmation souligne mieux le caractère ludique (qui concerne le jeu) du lieu de
travail des avocats que nous souhaitons évoqués. En effet, le mot «  court  » en
anglais peut aussi bien désigner le Palais de justice que l’aire de jeu au tennis
et dans divers sports de raquette. L’avocat joue, mais il ne s’amuse pas pour
autant. Il est sérieux, car le sort de son client en dépend. L’avocat s’occupe de
ce qui est inéluctable dans la société. Il est un spécialiste de l’inévitabilité pour
reprendre l’expression du philosophe italien Vallauri que nous rappelle Da
Cunha. Ainsi, à la manière d’un médecin qui s’occupe des pathologies, l’avocat
s’occupe des dysfonctions de la vie sociale. Il possède deux visages, l’un admiré
et l’autre détesté. Il « est aussi bien l’austère et banal technicien des normes et
des textes, un fonctionnaire du pouvoir, que le bon vivant flatteur des jurys,
magicien au verbe facile, sans morale et sans âme. » dans FERREIRA DA CUNHA,
Récit…, op. cit., p.  43-44. L’avocat revêt l’uniforme beaucoup plus noble de
sauveur lorsque celui-ci travaille à notre cause dans la résolution de nos
conflits; sauvetage coûteux s’il en est parfois, mais sauvetage tout de même.
398
Pour une analyse rigoureuse et originale du droit par le biais de la
psychanalyse ainsi qu’un regard sur le procès et le «  trial » comme événement
juridique ritualisé, voir David MARRANI, Rituel(s) de justice – Essai
anthropologique sur la relation du temps et de l’espace dans le procès,
Bruxelles, E.M.E & InterCommunications, 2011, 84 pages  ; p.  21-24. Voir
également GARAPON, Bien juger…, op. cit.
399
Le spectacle Ionesco qui regroupe les pièces La cantatrice chauve et La
leçon d’Eugène Ionesco tient l’affiche plusieurs soirs par semaine sans relâche
depuis 1957 au Théâtre de la Huchette à Paris. Depuis ses débuts, le spectacle
a été joué plus de 17000 fois. C’est un record de longévité, un véritable succès
qui continue d’attirer et de faire revenir les touristes, les amateurs de théâtre
et les curieux. Peu importe le nombre de fois qu’elles auront été jouées, ces
pièces auront constitué un nouveau spectacle chaque soir parce les acteurs
offrent à tous les coups des performances qui sont uniques. De la même façon,
un procès aura beau s’organiser des centaines de fois par jour dans un palais
de justice, ce ne sera jamais deux fois la même chose  : non bis in idem.
Concernant Le spectacle Ionesco, voir http://www.theatre-
huchette.com/le_spectacle_ionesco et pour le plaisir de l’œuvre, voir Eugène
IONESCO, La cantatrice chauve suivi de La leçon, Paris, Gallimard, 1954, 151
pages ou encore, rendez vous à Paris, à la Huchette.
400
Arnaud LUCIEN, La justice mise en scène – Approche communicationnelle de
l’institution judiciaire (Mise en scène…), Paris, L’Harmattan, 2008, p. 15.
401
MORIN, Jugement…, op. cit., p. 38.
402
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p.15.
403
Albert CAMUS, Les justes, Paris, Gallimard, 1950, p. 107.
404
TODOROV, Entretien…, op. cit.
405
Honoré de BALZAC, Le Père Goriot, Paris, LGF-Poche, 1995, p. 172.
406
MORIN, Jugement…, op cit., p.9.
407
BOURDIEU, Choses…, op. cit., p. 79.
408
BAUZON, Métier…, op. cit., p. 25.
409
Daniel WEINSTOCK, «  Introduction aux fondements de l’éthique et de la
déontologie  », dans Collection de droit 2011-2012, École du Barreau du
Québec, Éthique, déontologie et pratique professionnelle, Barreau du
Québec/Yvon Blais, Montréal/Cowansville (Qc), 2011, p.  7. L’auteur renvoie à
Marvin FRANKEL, « The Search for Truth : An Umpireal View », (1975) 123
University of Pennsylvania Law Review, 1031.
410
FERREIRA DA CUNHA, Récit…, op. cit., p. 27.
411
La vérité judiciaire n’a plus l’autorité pour s’imposer devant toutes les
autres. Il n’est désormais plus question d’une seule vérité, mais bien d’une
multitude de vérités qui entre en relation. Cette conjugaison des discours des
vérités se produit dans l’espace public. Voir LUCIEN, Mise en scène…, op. cit.,
p. 77 à 99.
412
MORIN, Jugement…, op. cit., p. 9-10.
413
MORIN, Jugement…, op. cit., p. 12.
414
FERREIRA DA CUNHA, Récit…, op. cit., p. 28.
415
BAUZON, Métier…, op. cit., p. 185.
416
LEGENDRE, L’empire…, op. cit., p. 32.
417
BAUZON, Métier…, op. cit., p. 24.
418
Voici les trois axiomes du positivisme juridique selon Dworkin tels que
repris et reformulés dans RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p.  166; Voir Ronald
DWORKIN, « Le positivisme  », traduit de l’anglais par Michel Troper, dans Droit
et Société, Vol. 1, 1985, p. 35 à 60, aux pages 35 et 36.
419
Friedrich MÜLLER, Discours de la méthode juridique (Méthode…), Paris, PUF,
1996, p. 208.
420
Michel TROPER, «  La motivation des décisions constitutionnelles  » dans
Chaïm PERELMAN et Paul FORIERS (dir. publ.), La motivation des décisions de
justice, Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 287 à 302, à la page 288.
421
Citation de Josef ALBERS dans GOMRINGER, Albers…, op. cit., telle que reprise
et traduite dans ROSENTHAL, Albers…, op. cit., p. 9. Pour le paraphraser, nous
pourrions dire que recréer, c’est replanifier et réorganiser afin de remettre en
rapport et remaîtriser. C’est, en deux mots, remettre en œuvre tous les moyens
s’opposant au désordre et à l’accidentel. « C’est pourquoi cela correspond à un
besoin humain et caractérise la pensée et l’action de l’homme  », poursuit
Albers.
422
TZITZIS, Humanisme…, op. cit., p. 147.
423
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p. 167-168.
424
RICŒUR, Le problème…, op. cit., p. 183.
425
Patrick NERHOT, «  L’interprétation en sciences juridiques. La notion de
cohérence narrative », Revue de synthèse, 1990, Vol. 111, No 3, p. 299 à 329, à
la page 320.
426
… «  On reconnaît là la thèse habermassienne de l’accord potentiel au
niveau d’une communauté sans limites ni contraintes. C’est sur cet horizon de
consensus universel que se placent les règles formelles de toute discussion
prétendant à la rectitude. » RICŒUR, Le problème…, op. cit., p. 184. Ce sont ces
règles qui sont à la base de la pragmatique universelle du discours chez
Habermas. Tout un chacun se voit reconnaître un droit égal d’intervention et
nul n’est interdit de parole. Ces règles régissent l’entrée en discours, mais elles
ne sont pas seules. Il y a aussi les règles présentes pendant le déroulement de
la discussion. Un interlocuteur doit accepter la substance des propositions
faites au fil de la discussion afin de la faire avancer. Dans un cas de refus, le
dissident doit justifier du mieux qu’il peut sa décision par le biais d’arguments.
À la fin de l’argumentation, il doit avoir satisfait son besoin d’argumenter, mais
il doit aussi accepter les conséquences de la décision. L’argument qui est
acceptable par toutes les parties, c’est aussi celui qui est accepté par eux.
427
TODOROV, Entretien…, op. cit.
428
PERELMAN, Logique…, op. cit., p. 116.
429
« LE DIRECTEUR : “Les responsables doivent parfois savoir être impopulaires.
Le temps finit toujours par leur donner raison, tu verras.” – ÉRIC  : “Mais
comment peux-tu prétendre à l’avance avoir raison ? Toujours raison ? Il n’y a
pas qu’une vérité, et même s’il n’y en avait qu’une, elle présenterait
nécessairement des facettes différentes. Quand te soucies-tu de la face cachée
des choses  ? Et puis la réalité évolue  : ce matin il se pouvait que tu aies eu
raison, et puis quelque chose arrive, et voilà que tu as tort. N’est-ce pas alors le
moment de revoir son point de vue  ?”  » dans la pièce de théâtre de François
OST, Antigone voilée, Bruxelles, De Boeck, 2009, p. 69.
430
Ernst Von GLASERSFELD, « Introduction à un constructivisme radical », dans
Paul WATZLAWICK (dir. publ.), L’invention de la réalité – Contributions au
constructivisme, Paris, Seuil, 1996, p. 19 à 43, à la page 23.
431
MÜLLER, Méthode…, op. cit., p. 211.
432
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p.  178. Voir Robert ALEXY, A Theory of Legal
Argumentation, Oxford, Clarendon Press, 1989, 323 pages.
433
TODOROV, Entretien…, op. cit.
434
RICŒUR, Le Juste…, op. cit., p. 218.
435
BAUZON, Métier…, op. cit., p.  10-11. Voir ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
(Nicomaque…), Paris, Flammarion, 2004, [1134, b 18], p. 260.
436
RICOEUR, Le Juste…, op. cit., p. 17.
437
ARISTOTE, Nicomaque…, op. cit., [1134, b 18], p. 260.
Dans la collection « De Lege
Ferenda »
MARRANI David, Rituel(s) de justice, Essais anthropologique
sur la relation du Temps et de l’Espace dans le Procès,
2011. ISBN  : 978-2-8066-0103-2. 14,00  €. 2011.
ID EME E1045895
T. Freixes, J.C Remotti, D. Marrani, J. Bombin, L.  Vanin, La
gouvernance multi-level  : penser l’enchevêtrement, 2012
ISBN : 978-2-8066-0307-4. 28.00 €. ID EME E1045946
PROVENCHER Guillaume, Droit et communication  : liaisons
constatées, 2013. ISBN  : 978-2-8066-1035-5 23,00  € ID
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