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Clara Lamotte Ethnologie générale

Fiche de lecture n°1 

L’étude de cas élargie, l’ethnographie globale de Burawoy

Michael Burawoy est un sociologue britannique, ayant soutenu une thèse à l’Ecole de Chicago. Il est
connu pour avoir promu une sociologie plutôt radicale et réflexive. Il s’est inspiré de l’école
anthropologique sociale de Manchester pour établir cette proposition méthodologique (l’étude de
cas élargie) appliquée à sa propre enquête.

Le premier constat présenté est qu’il est complexe de rendre compte d’un monde ou d’une situation
de terrain à laquelle nous participons de la façon la plus objective possible et d’en faire découler des
théories qui la bouscule. A travers ce texte « L’étude de cas élargie. Une approche réflexive,
historique et comparée de l’enquête de terrain » de Michael Burawoy, deux grands modèles
scientifiques pour faire une enquête de terrain, la méthode positive et la méthode réflexive, sont
présentées. Il s’agit d’une réflexion épistémologique, historique et méthodologique sur le travail de
terrain. L’argument principal du texte pourrait être que ces deux procédés sont scientifiques,
complémentaires et possèdent leurs propres qualités, selon Michael Burawoy : « Ces derniers (i.e. les
scientifiques) préfèrent […] même cautionner le rejet de la science plutôt que de se confronter à
deux modèles scientifiques, qui détraquerait leur prescriptions méthodologiques » (l. 34-37 ; p°427).
Il veut prouver que l’on peut extrapoler les théories en s’opposant au fait que nous devrions
systématiquement prendre en compte un « dualisme méthodologique » (Alvin Goulder). Plus
précisément, Burawoy valorise l’étude de cas élargie « En effet, il nous amène à élaborer un modèle
alternatif des pratiques interprétatives et explicatives en sciences sociales -ce que les scientifiques
sont peu disposés à encourager […] J’espère quand même démontrer que la science réflexive est
utile à terme » (l.30-39 ; p° 427), qu’il a lui-même utilisé et appliqué pour son étude sur la
zambianisation que l’on pourrait considérée comme « post-coloniale » (1968-1972). Burawoy, à
partir du terrain de sa thèse, essaye de conceptualiser un modèle pour les sciences sociales.

Dans un premier temps, Burawoy critique les critères de scientificité de la méthode positive. Par
exemple, la méthode positive avec son outil de l’enquête par questionnaire, ne réponds pas
complètement et réellement aux normes demandées par la théorie des 4R de J. Katz, il ajoute
d’ailleurs « même la meilleure enquête par questionnaire ne peut satisfaire les principes de la
science positive ». Selon lui, nous avons toujours intégré des facteurs externes dans nos enquêtes et
même en science, il existe des exemples de phénomènes empiriques généralisables. C’est ainsi qu’il
introduit l’étude de cas élargie, comme une sorte de critique explicite de la «  Grounded Theory », qui
collecte et analyse de façon méthodique des informations (démarche inductive). Burawoy réactualise
ainsi sa grille de lecture en valorisant le travail empirique, de terrain. La science réflexive naît du
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décalage entre les principes de la science positive et ce qu’il se passe en réalité. Elle fait preuve d’un
engagement dans le monde où communiquent et échangent les observateurs et les acteurs, puis les
processus locaux et les forces globales, pour enfin terminer sur un dialogue réflexif avec la théorie
elle-même.

Dans un second temps, il mentionnera les limites des principes réflexifs en avançant que
l’ethnographe, par la science positive, est un observateur, il conserve ainsi sa capacité de
détachement et reste dans des procédures d’objectivisation tandis que l’approche réflexive prône
l’intervention et la participation, ce qui peut potentiellement perturber l’enquête car ce dernier n’est
plus dénué de toute subjectivité. L’étude de cas élargie ne relève en aucun cas d’une neutralité et lui-
même ne l’étais pas dans ses recherches sur la zambianisation, rien que du point de vue de la place
qu’il occupait dans ce cadre-ci (il ne pouvait pas occuper un poste dans les mines en tant que
« caucasien blanc », il a ainsi pris des postes similaires à celui de cadre), simplement il en est bien
conscient et il l’admets. Plus globalement, l’un des points importants qui limitent cette étude selon
lui sont essentiellement les effets de pouvoirs ; il est ainsi nécessaire de les analyser réflexivement et
consciemment.

En prenant l’exemple de son terrain sur le travail dans les mines et la zambianisation, il s’aperçoit
que malgré la décolonisation, les structures de race et de classe n’ont pas fondamentalement changé
dans les mines, bien au contraire. Burawoy déploie une théorie du néocolonialisme à ce sujet, sous
un modèle rationnel dans une perspective résolument marxiste. Ces propos prennent en partie son
sens grâce à sa mise en relation avec une réalité sociétale de sous-développement observée et
conceptualisée dans d’autres contextes sociaux. Dans cette situation, il décrit la grande importance
de la prise en compte des forces extérieures et d’une recontextualisation. La Zambie, étant
dépendante du cuivre, est aussi sous le leadership du FMI, une grande force internationale.

Burawoy décrit la rencontre anthropologique comme « quelque chose d’ineffaçablement unique ».


Pour illustrer cette idée, cela à fait échos, en moi, avec « L’épiement sans trêve et la curiosité de tout
» (2012) où Michel Naepels décrit le travail de l’ethnographie comme l’inscription d’une relation qu’a
l’ethnographe avec ses sujets, les choses et non la description, à proprement dite, des choses elle-
même. Il intègre ainsi une véritable unicité dans l’écriture mais aussi dans le fait de capturer des
instants qui nourriront la recherche (matériaux de terrain). Nous pouvons faire un autre
rapprochement avec l’article « Des « études de cas » aux généralisations fondées » de Marie
Buscatto, à l’intérieur duquel des généralisation d’études de cas sont présentées, avec pour
référence théorique Burawoy qui les nomme « étude de cas élargie ». Ainsi, est mentionnée par
Buscatto, une étude sur la psychologisation sociale au sein d’une grande entreprise d’assurance
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(Hermès) liée à la stigmatisation d’une hiérarchie intermédiaire. L’auteur de cette recherche s’est
appuyé sur d’autres contextes sociaux similaires pour élargir son étude ainsi que sur les théories de
Burawoy. 1 A titre d’illustration de l’argument et comme expérience personnelle, cela me fait penser
à mon mémoire, sur une minorité ethnique vietnamienne, les bahnar, et leur rapport à la
mondialisation. Au tout début, je pensais faire mon terrain uniquement sur un petit village
montagnard qui se nomme Kondoxing (Hauts-Plateaux du centre Vietnam, près de Kontum),
toutefois après réflexions et échanges avec des bahnar ainsi que des chercheurs, j’ai décidé d’aller
dans plusieurs villages bahnar pour pouvoir avoir une vision d’ensemble, plus pertinente, élargie de
façon à pouvoir suivre les personnes « étudiées » à travers leurs différents espaces temps.

Une des principales implications que la théorie de Burawoy pourrait faire naître, est la possibilité de
mettre en lien beaucoup plus de travaux suivant leur contextes sociaux, et d’en faire découler des
concepts plus généraux. Ainsi, ses propres terrains sont particulièrement diversifiés d’un point de
vue géographique et anthropologique (lieu, sujet, année, …) et Burawoy justifiait ce choix. Les
frontières du monde étaient alors moins prises en compte et pouvait être élargie à partir de
situations rencontrées sur le terrain.

Une autre implication que nous pouvons émettre face à ce texte, est celle de devoir faire un choix
entre deux méthodes scientifiques qui s’exclut parfois mutuellement : la méthode positive et l’étude
de cas élargie.

1
Marie Buscatto, « Des « études de cas » aux généralisations fondées », SociologieS [En ligne], La recherche
en actes, Champs de recherche et enjeux de terrain, mis en ligne le 09 mai 2012, consulté le 16 novembre
2019.

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