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Tamponnade 765
gique et les prélèvements de liquide et de tissu péricardique tion chirurgicale, grâce à l’amélioration du retour veineux, le
permettent en général de retrouver l’étiologie de cet épanchement. maintien d’une pression de perfusion tissulaire suffisante, et la
restauration d’une fonction contractile ventriculaire. Tout traite-
ment anticoagulant sera arrêté, voire neutralisé pour ralentir une
DIAGNOSTIC éventuelle hémorragie intrapéricardique. De même, les médica-
ments qui diminuent la réaction compensatrice adrénergique sont à
SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE éviter. Enfin, on maintient le patient en ventilation spontanée avec
une supplémentation en oxygène. En effet, la ventilation en pres-
La présentation clinique classique (triade de Beck) associe une sion positive entraînerait une diminution soudaine du retour
hyperpression veineuse périphérique, une hypotension artérielle veineux avec risque majeur d’insuffisance circulatoire aiguë tant que
systémique et un assourdissement des bruits du cœur. En l’absence le péricarde est sous tension [5].
d’évacuation de l’épanchement, la situation hémodynamique du
patient se dégrade rapidement avec apparition de signes de bas débit
cardiaque. Après une phase de tachycardie réflexe, apparaissent des DÉCOMPRESSION PÉRICARDIQUE
troubles du rythme adrénergiques puis une bradycardie extrême
aboutissant au décès par dissociation électromécanique. Les autres Le traitement de la tamponnade repose sur l’évacuation de cet
signes cliniques fréquemment retrouvés sont les douleurs pleuropé- épanchement péricardique compressif et mal toléré cliniquement.
ricardiques, la dyspnée, une hépatomégalie douloureuse (car Deux formes de drainage péricardique sont alors possibles : le drai-
développée rapidement), les œdèmes des membres inférieurs et le nage chirurgical (péricardotomie) ou le drainage percutané
pouls paradoxal. Enfin, dans seulement 50 % des cas, l’auscultation (péricardocentèse) au lit du patient, le choix de la technique dépen-
cardiaque retrouve un frottement péricardique. dant de la situation hémodynamique et du contexte étiologique.
Une décompression cardiaque par évacuation partielle est
recommandée avant l’anesthésie pour drainage chirurgical. En effet,
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES l’induction de l’anesthésie générale chez un patient présentant une
tamponnade comporte un risque majeur d’arrêt cardiaque irréver-
Le diagnostic de tamponnade, lorsqu’il est évoqué clinique- sible par diminution brutale du retour veineux.
ment, repose sur l’échocardiographie. Cet examen permet à la fois
de visualiser l’épanchement, d’évaluer son abondance et son reten-
tissement et de guider le drainage péricardique. PÉRICARDOCENTÈSE
Le diagnostic d’épanchement péricardique est affirmé sur la
présence d’un décollement systolo-diastolique des deux feuillets du La péricardocentèse au lit est réalisée sur un patient en position
péricarde. Dans la plupart des situations de tamponnade, l’épanche- semi-assise, sous surveillance électrocardioscopique, hémodyna-
ment est circonférentiel avec un décollement antérieur et postérieur, mique, voire échocardiographique. Après désinfection et anesthésie
et un volume estimé entre 500 et 1 000 cm3. locale, une ponction par voie sous-xyphoïdienne est réalisée à l’aide
Les signes échographiques sont l’aspect de swinging heart (cœur d’une aiguille de Dos Santos ou d’un cathéter court (18 G), selon un
dansant), la compression télédiastolique de l’OD, le collapsus proto- angle de 20° environ, tout en maintenant une aspiration douce dans
diastolique du VD, et les variations respiratoires anormales des la seringue placée à son extrémité. La progression de l’aiguille est
volumes ventriculaires. Les signes Doppler de mauvaise tolérance arrêtée dès l’apparition de liquide dans la seringue. La position
d’un épanchement péricardique sont l’inversion du rapport E/A sur correcte de l’aiguille peut être contrôlée par échocardiographie bidi-
la courbe des flux auriculoventriculaires, la diminution inspiratoire mensionnelle avec épreuve de contraste, cette technique permettant
du flux mitral et aortique, ainsi que l’augmentation inspiratoire des d’éviter les ponctions myocardiques [6]. De même, si le tracé
flux tricuspide et pulmonaire [1]. Des erreurs diagnostiques sont cardiaque montre la survenue d’un sus-décalage du segment ST, de
possibles en cas d’hypovolémie, de pathologies pulmonaire, pleu- l’espace PR, ou des extrasystoles ventriculaires, l’aiguille doit être
rale, ou cardiaque préexistantes. Par ailleurs, certains flux, en reculée car elle est alors au contact du cœur. L’aspiration de 100 à
particulier tricuspides, ne sont pas toujours bien analysables chez 200 cm3 de liquide permet en général de lever la compression et
des patients en condition hémodynamique précaire. amène une amélioration hémodynamique. On peut ensuite, par
Les autres examens complémentaires pouvant être utiles sont la l’intermédiaire de l’aiguille, mettre en place un cathéter péricardique
radiographie thoracique qui montre une cardiomégalie dans 50 % souple, par la méthode de Seldinger, afin d’évacuer le reste de l’épan-
des cas, et l’électrocardiogramme de repos montrant un microvol- chement [7]. La péricardocentèse est une méthode simple et efficace
tage des complexes QRS (50 % des cas). L’alternance électrique est pour l’évacuation d’un épanchement péricardique dont la sécurité
rare, mais pathognomonique de la tamponnade, et traduit le balan- est encore accrue par l’utilisation du contrôle échocardiographique.
cement du cœur dans le liquide péricardique. Des modifications Les complications possibles sont l’échec, la ponction de l’OD ou du
péricardiques peuvent aussi être retrouvées : troubles de la repolari- VD pouvant entraîner une tamponnade secondaire, les troubles des
sation diffus, sus-décalage du segment ST ou sous-décalage du rythmes auriculaire et ventriculaire, voire la fibrillation ventricu-
segment PQ. laire, et les lacérations d’artère coronaire [8].
Enfin, le cathétérisme cardiaque droit n’a pas sa place dans le
diagnostic en urgence d’une tamponnade. PÉRICARDOTOMIE
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE Il s’agit d’une courte incision chirurgicale du péricarde, réalisée
par voie sous-xyphoïdienne, et si possible, sous anesthésie locale
La prise en charge thérapeutique d’une tamponnade cardiaque initialement. Le drainage chirurgical peut être associé à une fenêtre
comprend un traitement symptomatique conservatoire et la décom- pleuropéricardique en cas d’épanchement récidivant, ou à une
pression péricardique. Le pronostic immédiat du patient dépend de décortication large (péricardectomie) [9]. Cette technique a pour
la rapidité et de la qualité de cette prise en charge. avantages sa simplicité, la rapidité de sa mise en œuvre, l’absence de
menace pour les vaisseaux coronaires et l’épicarde. Elle permet
l’évacuation des épanchements dont la quantité ou la localisation
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE sont causes d’échec des ponctions, un drainage prolongé de bonne
qualité, ainsi que le prélèvement d’échantillons péricardiques à visée
Le traitement symptomatique n’a de place que dans l’attente de
étiologique.
l’évacuation de l’épanchement péricardique. Après mise en place
d’une voie veineuse de bon calibre, un remplissage vasculaire est
débuté afin de corriger une hypovolémie. Cette mesure permet, par ANESTHÉSIE POUR TAMPONNADE
l’élévation des pressions de remplissage des deux ventricules, de
maintenir le débit cardiaque à des valeurs satisfaisantes et Lors de la réalisation d’une anesthésie pour décompression péri-
d’améliorer l’état hémodynamique du patient en faisant régresser le cardique chez un patient présentant une tamponnade, plusieurs
collapsus ventriculaire diastolique. La nature du soluté de remplis- précautions s’imposent. Après monitorage hémodynamique et
sage choisi semble indifférente qu’il s’agisse de colloïdes ou de expansion volémique, le patient est installé en position demi-assise,
cristalloïdes. On y associe fréquemment l’administration de drogues avec une supplémentation en oxygène, et il est maintenu le plus
inotropes positives afin de stabiliser l’état du patient, avant évacua- possible en ventilation spontanée. En effet, la ventilation contrôlée
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en pression positive intermittente diminue le retour veineux et le [3] Wechsler AS, Auerbach BJ, Graham TC et al. Distribution of intramyocardial
débit cardiaque, ce qui peut être dramatique en cas de tamponnade. blood flow during pericardial tamponade : correlation with microscopic
anatomy and intrinsic myocardial contractility. J Thorac Cardiovasc Surg 1974,
Par ailleurs, les drogues anesthésiques avec des effets dépresseurs sur 68 : 847-856.
la fonction ventriculaire, diminuant le retour veineux ou les drogues [4] Cosio F, Martinez J, Serrano C et al. Abnormal septal motion in cardiac
tamponade with pulsus paradoxus. Chest 1977, 71 : 787-789.
bradycardisantes seront évitées. On utilisera donc préférentiellement [5] Moller CT, Schoonbee CG, Rosendorff C. Haemodynamics of cardiac tampo-
la kétamine pour ses propriétés sympathomimétiques, et l’étomi- nade during various modes of ventilation. Brit J Anaesth 1979, 51 : 409.
date, peu dépresseur du système cardiovasculaire. [6] Dubourg O, Delorme G, Gueret P et al. Pericardiocentesis guided by contrast
two-dimensional echocardiography in cardiac tamponade. J Cardiovasc Tech-
nology, 1989, 8 : 135-140.
[7] Dubourg O, Guéret P. Pathologie cardiaque et vasculaire. Tamponade
cardiaque. Flammarion, Paris, 1998.
RÉFÉRENCES [8] Susini G, Pepi M, Sisillo E et al. Percutaneous pericardiocentesis versus subxi-
phoid pericardiotomy in cardiac tamponade due to postoperative pericardial
effusion. J Cardiothorac Vasc Anesth, 1993, 7 : 178-183.
[1] Aubry P. Les urgences cardiovasculaires. Tamponade cardiaque. Flammarion, [9] Moores DW, Allen KB, Faber LP et al. Subxyphoid pericardial drainage for
Paris, 1998. pericardial tamponade. J Thorac Cardiovasc Surg, 1995, 109 : 546-552.
[2] Hynynen M, Salmenpera M, Harjula ALS et al. Atrial pressure and hormonal
and renal responses to acute cardiac tamponade. Ann Thorac Surg, 1990, 49 :
632-637.