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Bref Guide des étapes de la visualisation dans la

pratique du Ngöndro du Longchen nyingthik


de Patrül Rinpoche

Namo Samantabhadraye !

Quand le Tibet était plongé dans les ténèbres des cinq dégénérescences1 ,
Grâce au char de ta grande bodhicitta incommensurable2
Tu fis se lever le soleil des enseignements du Mantra secret :
Roi du Dharma de l’Orgyen, je te garde à jamais à l’esprit !
La quintessence de la vision éveillée du Véhicule adamantin de l’Ancienne
Traduction
Est entièrement condensée comme une goutte de sang du Coeur des dâkinî,
Un trésor qui se manifeste comme l’expression spontanée de la dharmatâ :
Ô maître et seigneur du Dharma, toi qui nous transmets ces enseignements, protège-
moi !
En un vase unique, tu as rassemblé l’élixir vital des grands enseignements secrets
De la vaste et profonde réalisation du Guru Vidyâdhara3 détenteur des six [lignées]4
Et tu as ainsi comblé tes disciples fortunés en les menant à la maturité et à la
libération :
Ô maître d’une infinie bonté, je m’en remets à toi jusqu’à l’Éveil !

Après ces vers d’hommage, je vais maintenant consigner par écrit d’un seul trait les
étapes de la visualisation des instructions ordinaires, extérieures et intérieures du
Longchen nyingthik.

Prendre refuge
Pour prendre refuge, considérez que l’endroit où vous êtes assis est entièrement fait
de différentes substances précieuses : c’est un champ pur de bouddha, d’une beauté
ravissant l’esprit, sans dénivellations ni aspérités, lisse comme la surface d’un
miroir5 . En son centre, devant vous, se dresse un arbre qui exauce tous les souhaits
avec cinq branches principales, dont les feuilles, les fleurs et les fruits remplissent
l’espace dans toutes les directions.

Légèrement au-dessus de la branche centrale, sur un trône de joyaux soutenu par huit
grands lions et sur un siège de lotus, de soleil et de lune, se tient l’incomparable trésor
de compassion qui incarne tous les bouddhas du passé, du présent et du futur, notre
glorieux maître racine sous l’aspect du grand Orgyen Dordjé Tchang, le grand
Vajradhara d’Oddiyâna. Son teint est blanc nuancé de vermeil6 . Il a un visage et deux
mains et est assis dans la posture royale. De la main droite, il tient un vajra d’or à
cinq branches en un geste de menace. Dans sa main gauche en mudrâ d’équanimité

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repose une coupe crânienne débordante de nectar, dans laquelle se trouve l’aiguière
de longue vie – également emplie du nectar d’immortelle sagesse – et ornée en son
sommet d’un arbre qui exauce tous les souhaits. Il est uni, en une étreinte
inséparable, à son épouse de sagesse, la blanche Yéshé Tsogyal, qui tient couperet à
lame courbe et coupe crânienne. Il est vêtu d’une cape de brocart, du châle
monastique et d’une tunique ; la coiffe de lotus orne sa tête.

Sur la branche située devant lui se trouve le Bouddha Shâkyamuni entouré des mille
bouddhas de cette Ère Fortunée, Tous sont sous la forme suprême du nirmânakâya,
les uns blancs, les autres jaunes, rouges, verts ou bleus. Ils portent les vêtements
monastiques et sont parés des trente-deux marques majeures et des quatre-vingts
marques mineures telles que l’éminence crânienne et les dessins de roues sous la
plante des pieds. Ils sont tous assis les jambes croisées dans la posture de vajra.

Sur la branche de droite7 se trouvent les bodhisattvas : les huit grands Fils Proches8
entourés par le Sangha des nobles bodhisattvas. En signe de leurs efforts constants et
infatigables pour le bien des êtres, ils se tiennent tous debout dans la posture
d’équanimité. Ils sont parés des treize ornements du parfait sambhogakâya.

Sur la branche de gauche se trouvent les deux suprêmes shrâvaka9 entourés par la
noble communauté des shrâvaka et des pratyekabuddha vêtus des robes monastiques.

Sur la branche arrière, au sein d’un entrelacs de lumière d’arc-en-ciel, se trouve le


Joyau du Dharma sous forme de livres empilés dont les voyelles et les consonnes
résonnent spontanément, avec au sommet les six millions quatre cent mille tantras
du Dzogpachenpo.

Au-dessus de la tête de Guru Rinpoché se trouvent tous les maîtres de la lignée du


Dzogchen depuis le dharmakâya Samantabhadra jusqu’à notre gracieux maître
racine. Ils sont assis l’un au-dessus de l’autre de sorte que le trône du maître
précédent se situe légèrement au-dessus de la tête du maître suivant.

Tout autour de Guru Rinpoché se trouvent les maîtres racines et de la lignée en haut,
l’assemblée des déités yidam dans la partie centrale, et les mamo et les dâkinî en bas.
Dans les intervalles se tiennent tous les protecteurs du Dharma de la sagesse et de
l’activité. Considérez que les protecteurs masculins sont tous dirigés vers l’extérieur
pour écarter tout obstacle ou circonstance défavorables à la pratique du Dharma et à
l’atteinte de l’Éveil, et pour empêcher tout obstacle extérieur de pénétrer. Tandis que
les protectrices du Dharma sont toutes tournées vers l’intérieur pour parer à tout
obstacle ou circonstance défavorables à la pratique du Dharma et à l’atteinte de
l’Éveil, et pour empêcher tout accomplissement de s’échapper.

Assis à votre droite se trouve votre père en cette vie et, à votre gauche, votre mère.
Devant vous se trouvent tous les êtres des six destinées et des trois mondes avec, en
tête, vos adversaires les plus acharnés et les forces hostiles qui vous nuisent. Ils

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forment tous ensemble une immense foule qui recouvre toute la surface de la terre.

Comme expression physique de votre respect, vous vous prosternez tous ; pour
exprimer verbalement votre respect, vous récitez les vers de la prise de refuge ; et,
l’esprit empli de respect et animé d’un désir ardent et d’une complète confiance, vous
prenez du fond du coeur la résolution suivante :

Que ce soit dans les situations élevées ou basses, dans le bonheur ou dans la peine,
dans des circonstances bonnes ou mauvaises, à partir de maintenant je ne
demanderai plus conseil à mon père ni ne rechercherai l’avis de ma mère, et je ne
déciderai plus par moi-même ! Je me confierai à vous seuls, les Trois Joyaux, les
véritables objets de Refuge. À vous iront toutes mes offrandes. Vous serez les seuls
objets de ma pratique.

Récitez la formule du refuge, « kön chok soum ngö… » (« Dans les Trois Joyaux et
leur essence… »), puis, à la fin de la session, considérez qu’en résultat de votre
dévotion envers l’assemblée du Refuge, d’innombrables rayons de lumière – blanche,
jaune, rouge, verte et bleue – jaillissent des différentes déités. Quand ils vous
touchent, vous et tous les êtres, votre karma, vos émotions perturbatrices, vos
tendances habituelles, votre négativité et vos obscurcissements accumulés depuis des
temps sans commencement sont complètement purifiés comme lorsque la lumière du
soleil levant inonde une grotte et en dissipe l’obscurité. Instantanément, vous et tous
les êtres, vous vous envolez dans un bruissement d’ailes, comme une volée d’oiseaux
que disperse une pierre, et vous vous dissolvez dans l’assemblée des déités du Refuge.

Puis les déités du Refuge se fondent graduellement en lumière : au centre, les


bouddhas se dissolvent tous en Shâkyamuni ; à droite, les bodhisattvas se dissolvent
tous en Avalokiteshvara ; et à gauche, le noble Sangha des shrâvaka et des
pratyekabuddha se dissout en Shâripûtra. Tous trois se dissolvent dans le Dharma
situé à l’arrière, puis le Joyau entier du Dharma se dissout en Guru Rinpoché. Tous
les maîtres, les yidam, les protecteurs du Dharma et les gardiens qui entourent Guru
Rinpoché se dissolvent aussi en lui. Enfin, Guru Rinpoché se fond doucement en
lumière et disparaît. Restez ainsi un moment dans cet état dénué de toute référence
conceptuelle. Puis, au sortir de cette méditation, reconnaissez tout ce qui apparaît et
existe comme la forme des déités du Refuge et dédiez les mérites.

Développer la bodhicitta
Lorsqu’on développe la bodhicitta, la dissolution des déités du Refuge suit le même
ordre que celui que nous venons de décrire. Ici, toutefois, Guru Rinpoché se dissout
en vous et vous considérez alors que la bodhicitta absolue, présente dans l’esprit des
objets du Refuge, naît clairement dans votre esprit.

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La purification de Vajrasattva
Le principal obstacle à toutes les expériences et les réalisations extraordinaires de
cette voie profonde, ce sont vos actions négatives, vos obscurcissements, et vos
tendances habituelles. Pour les purifier, il n’est pas de méthode plus profonde que la
méditation et la récitation du lama Vajrasattva. Voici comment la pratiquer.

Considérez que vous êtes sous votre forme ordinaire. À une hauteur de flèche au-
dessus de votre tête, sur un siège de lotus et de lune, se trouve la syllabe Houng d’un
blanc brillant ; elle se transforme en votre glorieux maître racine, incomparable
trésor de compassion, l’essence de tous les bouddhas du passé, du présent et du futur.
Il apparaît sous la forme du Bouddha Vajrasattva du sambhogakâya, d’un blanc
étincelant comme un pic enneigé qu’illuminent les rayons de cent mille soleils, avec
un visage et deux bras. De la main droite, il tient devant son coeur le vajra à cinq
pointes du rigpa-vacuité et dans la gauche, qui repose contre sa hanche, la cloche de
l’apparence-vacuité. Ses deux jambes sont croisées dans la posture de vajra et il
enlace en une étreinte inséparable son épouse de sagesse, la blanche Vajragarva
(Dordjé Nyenma [tib.]) Leurs corps sont de pure lumière, à la différence de ceux des
êtres ordinaires.

Au coeur de Vajrasattva se trouve un disque de pleine lune sur lequel se tient la


syllabe blanche Houng, aussi fine que si elle avait été tracée avec un cheveu. Les
lettres du mantra des cent syllabes encerclent le Houng dans le sens des aiguilles
d’une montre comme « les cornes du bétail » (ce qui signifie qu’elles sont très
rapprochées mais ne se touchent pas). Alors que vous récitez le mantra des cent
syllabes en gardant bien les quatre pouvoirs à l’esprit, imaginez que le nectar blanc
de la bodhicitta s’écoule de chaque syllabe de la guirlande du mantra.

Le nectar traverse le corps de Vajrasattva puis émerge du point d’union avec son
épouse de sagesse, pénètre en vous par « l’ouverture de Brahmâ » au sommet de
votre tête et lave tout l’intérieur de votre corps. Toutes les impuretés sortent en
masse par vos deux orifices inférieurs, la plante de vos pieds et tous les pores de votre
peau. Toutes vos maladies physiques sont évacuées sous forme de sang pollué et de
pus infect ; toutes les forces négatives sont expulsées sous forme de poissons, de
serpents, de crapauds, de têtards, d’araignées, de scorpions et de fourmis ; et toute
votre négativité est éliminée sous forme de fumée, de liquide, de nuages et de vapeurs
noirâtres.

Au-dessous de vous, la terre dorée s’ouvre pour laisser apparaître le Seigneur de la


Mort, Yama, entouré de tous les êtres féminins et masculins envers lesquels vous
avez des dettes karmiques et de tous ceux qui cherchent à se venger sur votre vie.
Tandis que vous récitez le mantra des cent syllabes, vos impuretés se déversent à
flots dans leurs bouches béantes, ainsi que dans les mains et les bras que ces êtres
tendent vers vous, pleins d’espoir.

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À la fin, imaginez que le Seigneur de la Mort et tous ceux qui se trouvent sous terre –
les créanciers karmiques de toutes sortes et tous ceux qui veulent se venger en
prenant votre vie – sont totalement satisfaits. Les vieux comptes sont réglés, les
dettes sont acquittées, tout désir de vengeance est complètement pacifié, et vous êtes
lavé de tous vos méfaits passés et de tous vos obscurcissements. Yama referme sa
bouche et ses poings, ses bras retombent, et la terre se referme.

Imaginez que votre corps est à présent transparent à l’intérieur comme à l’extérieur,
tel un vase de cristal immaculé. Au sommet de votre tête se trouve le chakra de la
grande félicité avec ses trente-deux canaux radiaux incurvés vers le bas. À votre
gorge se trouve le chakra de la réjouissance avec ses seize canaux radiaux incurvés
vers le haut. Au niveau de votre coeur se trouve le dharmachakra avec ses huit
canaux radiaux incurvés vers le bas. Au niveau de votre nombril se trouve le chakra
de la manifestation avec ses soixante-quatre canaux radiaux incurvés vers le haut.

À mesure que le nectar blanc brillant de la bodhicitta remplit vos quatre chakra, vous
recevez les quatre transmissions de pouvoir (du vase, secrète, de la sagesse-
connaissance suprême et du précieux mot), vous êtes purifié des quatre
obscurcissements (karmiques, émotionnels, cognitifs et des tendances habituelles), et
vous accomplissez les quatre kâya (nirmânakâya, sambhogakâya, dharmakâya et
svâbhâvikakâya).

Le lama Vajrasattva est satisfait et vous dit en souriant :

Fils, fille de noble famille, tes actes négatifs, tes obscurcissements, tes méfaits et tes
transgressions sont tous purifiés.

Vous accordant ainsi sa grâce, il se fond en lumière comme du beurre placé sur une
pierre chaude et se dissout en vous.

Vous apparaissez à présent sous la forme de Vajrasattva, tel que vous l’avez visualisé
auparavant. Dans votre coeur se trouve un disque lunaire de la taille d’une graine de
moutarde aplatie avec, en son centre, une syllabe Houng bleue. Devant le Houng se
tient la syllabe Om blanche, à sa droite Vajra jaune, à l’arrière Sa rouge et à sa
gauche Tva vert.

Alors que vous récitez le mantra (om vajra sattva houng), d’innombrables rayons de
lumière multicolores émanent des syllabes et prodiguent des offrandes qui réjouissent
tous les bouddhas et bodhisattvas des dix directions. Les bénédictions de leur Corps,
de leur Parole et de leur Esprit reviennent sous forme de flots de lumière et de rayons
de lumière qui se dissolvent en vous et vous confèrent l’accomplissement suprême et
les accomplissements ordinaires. Ceci établit les conditions interdépendantes
nécessaires à la réalisation du dharmakâya pour votre propre bien.

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Puis considérez que les rayons de lumière touchent tous les êtres animés des six
royaumes qui peuplent les trois mondes, et purifient leur karma, leurs émotions
perturbatrices, leurs tendances habituelles, leur négativité et leurs obscurcissements.

L’univers entier devient le champ de bouddha Abhirati, Joie Manifeste, et tous les
êtres qu’il contient se transforment en Vajrasattva blancs, jaunes, rouges, verts et
bleus. Tous récitent le mantra « om vajra sattva houng » qui résonne en un immense
bourdonnement. Ceci établit les conditions interdépendantes nécessaires à l’atteinte
du rûpakâya pour le bien d’autrui. Comme il est dit :

En accomplissant le bien de soi-même et d’autrui par l’émission et la


réabsorption [de lumière], on purifie les obscurcissements cognitifs.

À la fin de la session, visualisez que l’univers entier – le champ pur Joie Manifeste –
se dissout dans les êtres qu’il contient, les Vajrasattva. Puis tous ces Vajrasattva se
dissolvent en vous, le Vajrasattva principal.

Vous aussi, vous vous fondez progressivement en lumière de l’extérieur vers


l’intérieur, jusque dans le Om à votre coeur. Le Om se dissout dans le Vajra, le Vajra
dans le Sa, le Sa dans le Tva, le Tva dans le shapkyou du Houng, le shapkyou dans le
A-tchoung, le A-tchoung dans le corps du Ha, ce corps dans la tête du Ha, cette tête
dans le croissant, le croissant dans le bindu et le bindu dans le nada. Enfin, le nada se
dissout à son tour et vous demeurez un moment dans un état dénué de référence
conceptuelle.

Lorsque vous sortez de cet état, reconnaissez l’univers entier et les êtres qu’il
contient comme le champ pur Joie Manifeste et ses habitants, et dédiez les mérites.

Réunir les accumulations

1. L’offrande du mandala
Commencez par disposer cinq petits tas sur le mandala d’accomplissement : celui du
centre représente le Bouddha Vairocana entouré des déités de la famille bouddha ;
celui de l’est, le Bouddha Vajrasattva10 et les déités de la famille vajra ; celui du sud,
le Bouddha Ratnasambhava et les déités de la famille ratna ; celui de l’ouest, le
Bouddha Amitâbha et les déités de la famille padma ; et celui du nord, le Bouddha
Amoghasiddhi et les déités de la famille karma.

Vous pouvez aussi considérer, comme dans la pratique du Refuge, que la pile centrale
représente votre maître racine sous la forme de Guru Rinpoché avec tous les maîtres
de la lignée dzogchen au-dessus de lui. Dans ce cas, la pile située devant vous
représente le Bouddha Shâkyamuni et les mille parfaits bouddhas de cette Ère
Fortunée ; celle de droite les huit grands bodhisattvas entourés du noble Sangha des
bodhisattvas ; celle de gauche, Shâripûtra et Maudgalyâyana et le noble Sangha des

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shrâvaka et des pratyekabuddha ; et celle de derrière représente le Joyau du Dharma
sous forme de livres empilés.

Pour le mandala d’offrande, récitez « om vajra bhoumi ah houng… » (L’Offrande du


mandala en trente-sept points) et disposez l’offrande de l’univers extérieur par
étapes. La première série de tas qui représente les quatre continents avec le mont
Meru au centre, constitue un monde. Mille de ces mondes forment un « univers de
premier ordre composé de mille mondes ». En multipliant ceci par mille, on obtient
ce que l’on nomme un « univers de deuxième ordre composé de mille fois mille
mondes ». Puis, en le multipliant encore par mille, on obtient ce qu’on appelle « un
grand système universel de troisième ordre composé de mille millions de mondes »
ou trichiliocosme.

Imaginez, dans tous ces mondes, les plaisirs les plus exquis des dieux et des hommes
et offrez-les à votre maître et aux déités du nirmânakâya. Ceci constitue l’offrande du
mandala ordinaire du nirmânakâya.

Imaginez ensuite Akanishtha Ghanavyuha (Toukpoköpa [tib.]), parfaitement doté de


toutes les caractéristiques inconcevables d’un royaume du sambhogakâya
spontanément manifesté, ainsi que d’innombrables déesses d’offrandes – comme la
déesse de la beauté et ainsi de suite –, et offrez-les à votre maître et aux déités du
sambhogakâya. Ceci constitue le mandala extraordinaire du sambhogakâya.

Puis, sur la base du mandala qui symbolise le dharmadhâtu non conditionné, placez
de petits tas représentant votre attachement aux apparences et aux pensées de toutes
sortes. Offrez-les à votre maître et aux déités du dharmakâya. Ceci constitue le
mandala exceptionnel du dharmakâya.

2. L’accumulation de kusâli ou tchö


Vous êtes sous votre aspect ordinaire. Dans le ciel devant vous se trouve un trône de
pierres précieuses soutenu par un lion, un éléphant, un paon, un oiseau
shang‑shang11, et un cheval. Assis là sur un lotus, un soleil et une lune, et des piles de
coussins de soie se tient votre maître racine. Tout autour de lui, sur une infinie
variété de sièges – de lotus, de disques solaires, de cadavres et autres –, se trouvent
les maîtres de la lignée en haut, les déités yidam dans l’espace intermédiaire, ainsi
que les mamo et dâkinî en bas. Des myriades de protecteurs et de gardiens du
Dharma les entourent.

En dessous d’eux sont assis tous les êtres des six destinées et des trois mondes.

Si vous connaissez bien la phase de développement (kyérim [tib.]), vous pouvez


réciter « Phat ! » et simultanément éjecter votre conscience par le canal central et «
l’ouverture de Brahmâ » au sommet de votre tête, où elle se transforme
instantanément en Tröma, la Mère Courroucée.

7
Si ce type de pratique de visualisation ne vous est pas familier, commencez par
méditer sur votre conscience en tant que Tröma, puis en prononçant la syllabe « Phat
! » considérez qu’elle fuse par le sommet de votre tête.

Quoi qu’il en soit, Tröma Nakmo – l’essence de votre conscience – est noire, avec un
visage et deux mains. De la main droite, elle brandit dans le ciel un couperet à lame
courbe pour trancher les trois poisons à la racine. C’est avec cela qu’elle sectionne
maintenant votre crâne au niveau des sourcils. Le reste de votre dépouille est devenu
énorme, gros et gras, aussi grand que la totalité du trichiliocosme. Tröma utilise votre
crâne pour en faire une coupe crânienne de la taille du cosmos tout entier – un
milliard de mondes. De la main gauche, elle saisit la coupe crânienne et la place, le
front lui faisant face, sur un foyer constitué de trois crânes humains dont chacun est
aussi vaste que le mont Meru. Puis, à l’aide du couperet à lame courbe qu’elle tient
dans la main droite, elle soulève tout votre cadavre et le place dans la coupe
crânienne.

Visualisez maintenant dans l’espace au-dessous de la coupe crânienne le trait vertical


d’une lettre A rouge, qui a la nature du feu et est brûlante au toucher. Au-dessus de la
coupe crânienne apparaît la syllabe blanche Hang qui, elle, a la nature du nectar. Le «
petit A » [ou A tronqué] s’enflamme et chauffe la coupe crânienne jusqu’à ce que le
cadavre se fonde en un nectar bouillonnant et que tout ce qui est pollué ou impur soit
expulsé sous forme d’écume mousseuse.

Sous la chaleur du feu le Hang se met à fondre et des gouttes de nectar commencent à
s’en écouler. Puis des rayons de lumière jaillissent du Hang vers les bouddhas et les
bodhisattvas et, en retour, leur compassion et leurs bénédictions – sous forme de
nectar de sagesse et de rayons de lumière bleue – se dissolvent dans la coupe
crânienne. Finalement, la syllabe Hang se fond en lumière et se mêle au nectar de la
coupe crânienne.

La fête bariolée
Du nectar de sagesse rouge et blanc en ébullition s’élève de la vapeur qui prend la
forme d’offrandes matérielles défiant l’imagination, comme les huit symboles de bon
augure et les sept emblèmes de la royauté – ombrelles, bannières de victoire, dais,
roues en or à mille rayons, conques blanches qui s’enroulent vers la droite, etc. –, qui
sont présentées aux invités du haut. Elles se transforment en toutes sortes de
substances agréables pour les yidam, dâka, dâkinî, protecteurs et gardiens du Dharma
qui s’en délectent.

En dessous, tous les êtres des six royaumes d’existence reçoivent tout ce qu’ils
souhaitent et désirent : ceux qui veulent de la nourriture reçoivent de la nourriture,
ceux qui désirent des vêtements reçoivent des vêtements, ceux qui souhaitent une
demeure reçoivent une demeure. Considérez que tous leurs souhaits sont comblés et
qu’ils sont pleinement satisfaits.

8
La fête blanche
Puis au-dessus d’eux, la multitude inconcevable des maîtres racine et de la lignée, des
bouddhas et des bodhisattvas absorbe le nectar par leur langue qui a la forme d’un
tuyau de vajra creux. Considérez qu’ils sont contentés et satisfaits, que vous
parachevez les accumulations, purifiez vos obscurcissements et recevez tous les
accomplissements, suprême et ordinaires.

L’assemblée des déités yidam consomme à son tour le nectar, en l’absorbant par leurs
langues creuses en forme de vajra, de roues, de joyaux, de lotus, ou de doubles vajra.
Vous parachevez ainsi les accumulations, purifiez vos obscurcissements, et recevez
tous les siddhi, suprême et ordinaires.

Dans l’espace en face de la coupe crânienne, les protecteurs du Dharma de la sagesse


et de l’activité prennent alors leur part du nectar avec leurs langues en forme de
rayons solaires creux. Ainsi, tous les obstacles et circonstances défavorables à votre
pratique du Dharma et à votre réalisation de l’Éveil sont dissipés.

Ensuite, si vous êtes un pratiquant expérimenté en visualisation, considérez


qu’émane de vous une multitude inconcevable de dâkinî d’activité, en nombre égal à
celui des êtres animés ; toutes tiennent une coupe crânienne pleine de nectar de
sagesse qu’elles offrent à chacun des êtres.

Sinon, vous pouvez aussi imaginer que vous-même, Tröma, prenez la coupe
crânienne dans votre main pour répandre le nectar, ce qui satisfait tous les êtres des
six royaumes et purifie leur vision karmique, leurs souffrances et leurs tendances
habituelles.

Pensez particulièrement à tous ces êtres, masculins et féminins, envers lesquels vous
avez contracté des dettes karmiques dans toutes vos vies passées depuis des temps
sans commencement.

Il y a les dettes qui écourtent notre vie parce que nous avons tué, celles qui nous font
souffrir de maladies parce que nous avons agressé ou battu autrui, et celles qui nous
appauvrissent parce que nous avons volé. Il y a des dettes liées à la protection
accordée par des supérieurs, aux services rendus par des inférieurs, ainsi qu’à l’aide
et au soutien prodigués par des égaux ; il y a les dettes envers nos suzerains et celles
envers nos subordonnés.

Lorsque tous ces créanciers, masculins et féminins, ont leur content, vous êtes libéré
de vos obligations karmiques, vos dettes sont remboursées, vous êtes délivré de leur
vengeance meurtrière et purifié de toutes vos mauvaises actions et de vos
obscurcissements.

Tous les êtres masculins atteignent le niveau du noble Avalokiteshvara et tous les
êtres féminins aeignent le niveau de Jétsü n Târâ.

9
Récitez « Phat ! » et demeurez dans un état dénué de tout concept d’offrande, de
donneur et de bénéficiaire des offrandes.

Le guru yoga
Puis viennent les instructions sur le guru yoga, la pratique destinée à faire s’élever la
sagesse de la réalisation dans votre esprit. L’entraînement aux terres pures des
bouddhas nécessite une grande force d’esprit, considérez donc votre environnement,
tout ce qu’embrassent vos perceptions, comme le champ pur de la Lumière de Lotus,
absolument parfait dans toutes ses caractéristiques.

Vous êtes en son centre. Afin de vous assurer que vous êtes un réceptacle adéquat
pour les transmissions de pouvoir et afin de créer les conditions interdépendantes
favorables pour suivre le maître et développer la sagesse de la félicité-vacuité de Guru
Rinpoché, considérez que vous êtes, en essence, la dâkinî Yéshé Tsogyal. Votre forme,
cependant, est celle de Vajrayoginî, de couleur rouge, avec un visage, deux mains, et
trois yeux qui regardent ardemment le coeur du maître.

De la main droite tenue en l’air, vous jouez d’un petit tambour de crânes pour tirer
les êtres du sommeil de l’ignorance et de la confusion. Votre main gauche tient
contre votre hanche un couperet à lame courbe qui tranche les trois poisons à la
racine. Votre corps est nu, paré seulement d’ornements d’os et de guirlandes de
fleurs. Vous êtes visible et cependant insubstantielle, tel un reflet dans un miroir.

Dans le ciel, à une longueur de flèche au‑dessus de votre tête, visualisez un lotus aux
cent mille pétales, surmonté d’un disque solaire sur lequel repose un disque de lune.
Là siège votre glorieux maître racine, l’incomparable trésor de compassion qui
incarne tous les bouddhas du passé, du présent et de l’avenir. Il apparaît sous la
forme du grand Vajradhara de l’Oddiyâna (Orgyen Dordjé Tchang), avec un visage et
deux mains.

Il tient dans la main droite un vajra d’or à cinq branches à hauteur de son coeur et,
dans la gauche, une coupe crânienne débordante de nectar dans laquelle se trouve
l’aiguière de longue vie – également emplie du nectar d’immortelle sagesse – et
ornée en son sommet d’un arbre qui exauce tous les souhaits. Au creux de son bras
gauche, il enserre le khatânka (trident) qui symbolise son épouse de sagesse, la
princesse Mandâravâ. Les trois pointes représentent l’essence, la nature et la
compassion (ngowo, rangshyin, t’oukdjé). En dessous de ces trois pointes, trois têtes
coupées – un crâne desséché, une tête fraîchement coupée et une troisième en
décomposition – symbolisent les trois kâya. Les neuf anneaux de fer qui ornent ses
fourchons représentent les neuf yâna. Le khatânka est aussi paré de mèches de
cheveux de mamo et de dâkinî mortes et vivantes, signe que le maître les a toutes
subjuguées en pratiquant l’ascèse yoguique dans les huit grands charniers.

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Il porte la coiffe de lotus, la cape de brocart, les robes du Dharma et la tunique. Ses
deux jambes sont dans la posture royale.

Tout autour de lui, au sein d’un entrelacs de lumière des cinq couleurs, apparaissent
les huit vidyâdhara de l’Inde, les vingt‑cinq disciples du Tibet, les déités des Trois
Racines et un océan de protecteurs liés par serment. Votre visualisation doit être si
vive que toutes vos perceptions ordinaires cessent immédiatement.

Lorsque vous récitez la Prière en sept lignes, de « Houng ! Aux confins nord-ouest du
pays d’Oddiyâna » jusqu’à « gourou padma siddhi houng », invoquez l’environne-
ment et tous les habitants de la Glorieuse Montagne couleur-de-cuivre et considérez
qu’ils se dissolvent dans l’assemblée des déités que vous avez visualisées.

Multipliant alors votre corps autant de fois qu’il y a d’atomes dans l’univers,
prosternez-vous. Faites des offrandes extraordinairement vastes, qu’il s’agisse de
possessions réelles ou d’offrandes créées par l’esprit. Confessez toutes vos actions
négatives et vos obscurcissements accumulés depuis des temps sans commencement.
Considérez qu’ils sont purifiés par les rayons de lumière qui émanent du coeur des
déités du champ de mérites et touchent le tas noir sur votre langue où sont
rassemblés tous vos actes négatifs, obscurcissements et tendances habituelles du
corps, de la parole et de l’esprit. Réjouissez‑vous de toutes les actions positives qui
ont jamais été accumulées, qu’elles soient absolues ou relatives. Implorez les
bouddhas de mettre en mouvement la roue du Dharma des trois yâna. Faites-leur la
requête de demeurer parmi nous tant que le samsâra n’est pas entièrement vidé et de
ne pas passer en nirvâna. Dédiez toutes les actions positives accumulées dans le
passé, le présent et le futur afin qu’elles soient la cause de l’Éveil de tous les êtres.

Quand vient le moment de « Faire mûrir les siddhi », dites la prière « Ô Guru
Rinpoché, Précieux Maître… » (« jétsun gourou rinpoché… ») une fois après chaque
récitation de cent mantras de Guru Rinpoché. Puis passez à « Invoquer les
bénédictions » et récitez, après chaque mâlâ, la prière commençant par « Je n’ai
personne d’autre vers qui me tourner… » (« dak la ré sa… ») et finissant par « Purifie
nos obscurcissements émotionnels et cognitifs, ô puissant ! » (« …drip nyi chong shik
nu t’ou chen »).

Quand vient le moment de recevoir les siddhi, récitez « Dans l’espace entre les
sourcils du maître... » (« gourui min tsam… ») et recevez les quatre transmissions de
pouvoir. Puis, en réponse à votre dévotion et à vos aspirations ferventes, le maître
manifeste sa compassion et vous sourit avec un regard plein d’amour.

De son coeur jaillit un rayon de lumière rouge et chaude et, au moment où il vous
touche – vous, Vajrayoginî –, vous vous dissolvez en une sphère de lumière rouge de
la taille d’un pois qui fuse vers le guru comme une étincelle hors du feu et se fond
dans son coeur. Puis Guru Rinpoché se dissout à son tour, et vous demeurez dans
l’état non-né du dharmakâya, l’ultime simplicité sans concept ni référence. Ensuite,

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dédiez les mérites.

Vertu !

| Traduit en français à partir de l'anglais par le Comité de traduction française de Rigpa. Ce texte
présente beaucoup de similitudes avec certaines sections du célèbre texte de Patrül Rinpoche, le
Kü nzang lamai shéloung, et nous avons été influencés par le style et la terminologie choisis dans le
Chemin de la Grande Perfection , merveilleusement traduit en français et en anglais par le Comité de
traduction Padmakara.

Version : 1.3-20220828

1. Les cinq dégénérescences sont : la dégénérescence de la longévité, du karma ou


de l’activité, des temps, des émotions et de la « vue » [ou des croyances]. Voir
Dilgo Khyentsé Rinpoché, Guru Yoga, Ithaca : Snow Lion Publication, 1999, p.
50. [N.D.T. : ouvrage non traduit en français] ↩

2. La bodhicitta est incommensurable, ou « innombrable » en termes de durée


(parce qu’elle est cultivée durant d’innombrables éternités) et d’objet (parce
qu’elle est dirigée vers d’innombrables êtres animés). ↩

3. Ceci fait référence à Rigdzin (vidyâdhara [skt.]) Jigmé Lingpa. ↩

4. Les six lignées sont : la lignée directe d’esprit à esprit des Victorieux ; la lignée
par signes des vidyâdhara ; la lignée orale des êtres réalisés ; et les trois lignées
de transmission des terma – la lignée investie par le pouvoir de l’aspiration, la
lignée de succession par déclaration prophétique et la lignée confiée à la garde
des dâkinî. ↩

5. Comparable à la stance 35 du chapitre X du Bodhicaryâvatâra : Que la terre soit


partout pure, | Sans gravier ni aspérités, | Plane comme la paume de la main | Et
lisse comme le lapis-lazuli ! ↩

6. Le commentaire de Jamyang Khyentsé Wangpo décrit Orgyen Dordjé Tchang


de couleur bleue. ↩

7. C’est-à-dire à la droite de Guru Rinpoché. ↩

8. Les bodhisattvas Mañjushrî, Vajrapâni, Avalokiteshvara, Kshitigharba,


Sarvanîvaranavishkambin, Âkâshagarbha, Maitreya et Samantabhadra. ↩

9. Shâripûtra et Maudgalyâyana. ↩

10. Selon le Kü nzang lamai shéloung, c’est le bouddha Akshobhya qui est
mentionné à la place de Vajrasattva. ↩

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11. Oiseau mythologique (mi-aigle, mi-homme) qui joue des cymbales en volant. ↩

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ISSN 2753-4812

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