Vous êtes sur la page 1sur 8

Département fédéral de l'économie DFE

Office fédéral de l'agriculture OFAG


Direction

Seule la parole prononcée fait foi

Manfred Bötsch, le 10 novembre 2010

Assemblée des délégués

Union suisse des paysans


Jeudi 18 novembre 2010, Kursaal, Berne

Actualités de la politique agricole et


Stratégie 2025

Manfred Bötsch, directeur de l’Office fédéral de l'agriculture

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe


Monsieur le Président,
Chers délégués,
Chers invités,

C’est avec plaisir que j’ai accepté l’invitation de votre président, qui m’a prié de vous présenter les
actualités de la politique agricole et la Stratégie 2025. C'est un évènement tout particulier pour moi :
d’une part, c’est la première fois que j’ai l’honneur de me prononcer devant votre assemblée et,
d’autre part, c’est la dernière fois que je parle ici en ma qualité de directeur de l’OFAG. En dépit de
cette situation spéciale, je me garde de céder à la nostalgie ou de me complaire dans un sentimen-
talisme déplacé. Ce n’est pas mon style et cela ne servirait pas non plus la cause, c’est-à-dire une
agriculture durable, axée sur le marché et multifonctionnelle dans notre pays. L'acceptation politique
et le consentement des Suisses à payer pour atteindre cet objectif sont d’autant plus grands que
l’agriculture s’acquitte bien du mandat multifonctionnel attribué par le peuple et inscrit dans la
Constitution fédérale, ce qui en fin de compte est dans l’intérêt bien compris des paysannes et des
paysans.

Une enquête dont les résultats viennent d’être publiés montre que la population, dans sa grande
majorité, est heureusement prête à payer pour l’agriculture. A cet égard, on oublie souvent que ce
n’était pas toujours le cas. L’article constitutionnel qu'on invoque à juste titre si souvent n’a que 14
ans. Il est le résultat d’un processus politique qui a duré huit ans et il a fallu sept votations populaires
perdues concernant par exemple l’arrêté sur le sucre, les contributions de solidarité ou l'arrêté sur le
statut du lait avant d’y parvenir. Lassé par l’ancienne politique agricole, le peuple suisse à approuvé
par une majorité de 77 % des voix l’articule constitutionnel actuel. Le Parlement a concrétisé ce
mandat en 1999, en adoptant la nouvelle loi sur l'agriculture. Après une bonne dizaine d’années, ce
mandat garde toute son actualité. Pour que la population continue de soutenir l’agriculture suisse, nous
devons mettre résolument en œuvre le mandat d’une agriculture multifonctionnelle et développer les
conditions-cadre de la politique agricole, de sorte à maîtriser les défis à venir. Cela nous amène à
poser la question de l’orientation stratégique de la politique agricole.

Mais tout d’abord, comme vous l’avez souhaité, j’aimerais aborder les sujets actuels de la politique
agricole. A cet égard, le débat doit porter tant sur le contenu que sur la communication.

Prenons le taureau par les cornes et commençons par le marché laitier. La dernière décision du
Conseil fédéral de réduire le supplément pour le lait transformé en fromage de 12 centimes au début
de l’année 2011 a suscité l'incompréhension dans de nombreux milieux, même si certains en on vu le
bien-fondé. Le Conseil fédéral aurait pu attendre et corriger le tir dans le courant de l’année. Il avait
effectivement cette alternative. C’est pourquoi nous avons cherché le dialogue avec la branche avant
la décision du Conseil fédéral. La branche a demandé d’une seule voix que le supplément pour le lait
transformé en fromage ne soit pas réduit, tout en sachant qu’une forte augmentation des moyens
financiers serait nécessaire à cette fin. Or, cela n'irait pas de soi, car une telle augmentation
entraînerait un dépassement considérable du budget de l’année en cours. Si les fonds disponibles
restent inchangés, le supplément doit être réduit en raison de la production accrue de fromage.

Si les moyens financiers sont insuffisants - et c’est bien le cas aujourd’hui - la majorité des acteurs
favorise la solution suivante : maintenir le supplément de non-ensilage de 3 centimes et fixer le
supplément pour le lait transformé en fromage de telle manière qu'il ne doit pas être modifié durant
l’année. On voulait éviter des fluctuations dans le courant de l’année.

Ce souhait de la branche a servi de ligne directrice au Conseil fédéral lorsqu’il a pris sa décision. Une
réduction du supplément s’imposait au vu des chiffres actuels du budget et du plan financier. La
décision du Conseil fédéral instaure la transparence et permet d’appliquer un taux constant tout au
long de l'année 2011 jusques et y compris le début de 2012, ce qui assure la stabilité souhaitée.

Vous objecterez peut-être à ce stade, avec raison, que le Parlement n’a pas encore arrêté le budget.
Certes, mais si le Parlement majore le budget, le Conseil fédéral n’aura aucune difficulté à décider
une augmentation rétroactive du supplément pour le lait transformé en fromage. L’expérience montre
que, à la différence d’une réduction rétroactive, personne n'attaque par recours une augmentation
rétroactive. La solution choisie permet donc au Conseil fédéral d'éviter les fluctuations dans le courant
de l’année.
2/8

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe


Permettez-moi encore de prendre cet exemple pour faire quelques remarques sur la communication.
Dans certaines prises de position, y compris celle de l’USP, on a reproché à l’OFAG d'avoir manqué à
sa parole. La décision du Conseil fédéral aurait été pure provocation. Les deux reproches sont faux.
En effet, les options ont été discutées avec les organisations faîtières de l’économie laitière dès le
début du mois de septembre. Si l’on veut être fair-play, on doit reconnaître que des organisations
importantes de l'économie laitière ont suivi la logique du Conseil fédéral, même s’il s’agit là d’une
mesure inconfortable.

Il est regrettable que la recherche commune de la meilleure solution possible ait été discréditée par
certains pour des raisons tactiques. Il serait intéressant de savoir comment ils auraient réagi si le
Conseil fédéral n’avait pas été prévoyant ; il serait ainsi forcé de procéder à une forte réduction du
supplément pour le lait transformé en fromage en été 2011, pour la corriger ensuite vers le haut en
janvier 2012.

Relevons en outre que le Conseil fédéral a demandé cette année deux crédits supplémentaires dans
l’intérêt du secteur laitier. Le premier, s’élevant à plus de 10 millions de francs, a servi à financer
l’augmentation des fonds destinés au supplément pour le lait transformé en fromage. Sans cette
somme en plus, le supplément aurait dû être réduit cette année déjà, en raison de la production
accrue de fromage. En outre, le Conseil fédéral a demandé un crédit supplémentaire de plus de 15
millions de francs dans le cadre de la « Schoggigesetz », pour éviter qu’on soit obligé de faire recours
au trafic de perfectionnement ces derniers mois. Après l’approbation par les commissions financières
des deux Chambres, il y a de bonnes chances que le Parlement approuve les deux crédits.

Le deuxième sujet d’actualité concerne aussi le marché laitier et, plus concrètement, la dénonciation
de l’OFAG à l'autorité de surveillance en ce qui concerne la mise en œuvre de l'organisation du
marché laitier. Vous comprendrez que je ne peux ni ne veux me prononcer sur ce point en raison de
la procédure en cours. L’instance compétente prendra position sur cette dénonciation avant la fin de
l’année. Cependant, je tiens à vous informer que le Contrôle fédéral des finances a mené une enquête
poussée sur cette affaire et qu’il présentera un rapport à ce sujet à la Délégation des finances du
Parlement. Les instances compétentes du Parlement pourront ainsi former leur jugement avant la fin
de l’année et nous apprécierons une information sérieuse du public sur ce point.

Quant à la problématique des quantités supplémentaires, relevons que l’OFAG n’a jamais évité de
prendre des décisions inconfortables. La pratique dans le domaine du refus des quantités
supplémentaires appliquée durant l’année laitière 2008/2009 – l’OFAG a refusé un kilo sur trois kilos
demandés – a été approuvée par le Tribunal administratif fédéral dans l’ensemble des décisions sur
recours à une exception près, où il a jugé trop restrictive la décision de l’OFAG. En ce moment, le
Tribunal administratif fédéral traite de nouveau plusieurs recours déposés contre les mesures
administratives pour dépassement des quantités de production autorisées durant l’année laitière
2008/2009. Nous apprécions qu’une fois encore, une instance indépendante évalue si les dispositions
relatives à la sortie du contingentement décidées par le Parlement ont été appliquées correctement.

Le troisième sujet qui fait débat est la réduction du droit de douane grevant la farine en juillet dernier.
J’aimerais préciser d’emblée, à titre d’autocritique, que la communication de cette décision a laissé à
désirer. Nous aurions dû faire mieux.

Quant au fond, force est de constater que le Conseil fédéral a décidé et communiqué il y a deux ans
déjà la baisse du droit de douane perçu sur la farine au 1er juillet 2009. Il ne peut donc pas être question
d’une surprise. Seul le moment de la première application de la nouvelle formule a donné lieu à un
débat.

Au printemps 2009, l’OFAG a proposé aux milieux intéressés de l’appliquer pour la première fois au
moment de l’entrée en vigueur de la réduction du droit de douane le 1er juillet 2009. En effet, les
stocks sont généralement bas en cette période, de sorte que la correction de la valeur des stocks
serait relativement marginale. On s’y est opposé en arguant que la correction survienne peu de temps
avant la récolte et que les meuniers détiennent encore des stocks de l’année précédente. Il a donc été
convenu en consensus avec la branche – et je dis bien consensus –, de proposer au DFE le 1er
octobre 2009 comme date de la première application de la nouvelle formule. Nous avons proposé au
département le résultat de ce consensus. Les principaux représentants de la branche se sont ensuite
opposés à cette solution et demandé au département de différer la réduction jusqu'au 1er janvier 2010,
en avançant que tout devait être réévalué à la fin de l’année. D’autres l’ont vu d’un mauvais œil en
raison des réévaluations difficiles avec les créditeurs qui seraient à craindre à la fin de l’année. On a
3/8

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe


donc proposé comme délai technique possible le 1er avril 2010 au plus tôt. Tout le monde a considéré
cette proposition comme un poisson d’avril déplacé. L’année s’était ainsi écoulée et il était clair
qu'aucune date n'était bonne.

Le département a enfin décidé d'appliquer la nouvelle formule à partir du 1er juillet 2010. Cette
décision a conduit au blocage des négociations portant sur les prix indicatifs pour la nouvelle récolte,
même si la réduction du droit de douane frappant la farine ne touche pas du tout le prix des céréales.
En effet, il est incontesté qu'elle ne réduit à 20 centimes par kilo que la protection de l’industrie ; la
protection douanière des céréales reste intouchée en raison des facteurs de conversion technique
appliqués à la farine. Dans le débat politique, on peut malgré tout affirmer le contraire. La montée en
flèche des prix du marché mondial début juillet a calmé le jeu. Il est intéressant que les meuniers aient
par la suite regretté secrètement que les négociations sur les prix indicatifs aient échoué.

L’OFAG en a tiré une leçon magistrale : même si quelque chose est décidé et communiqué, il ne faut
pas croire que ce soit connu.

Dans le domaine des céréales, une campagne de cartes postales à notre adresse est actuellement en
cours. Le message est plus que clair : les expéditeurs exigent l’introduction immédiate d’une
contribution à la surface pour les céréales fourragères. L’illustration sur la carte suggère qu'une telle
contribution serait possible si seulement l’OFAG le voulait bien. Or, comme nous l’avons communiqué
au comité de la Fédération suisse des producteurs de céréales, la base légale nécessaire à cette fin
fait défaut dans la loi actuelle sur l'agriculture. Ce n’est donc pas une question de bonne volonté.
Même le Conseil fédéral ne peut ignorer l’absence de base légale. S’y ajoute la question du
financement. A défaut de moyens financiers supplémentaires, improbables au vu des débats sur le
programme de consolidation, il faudrait compenser les besoins supplémentaires au sein de
l’agriculture.

Nous aborderons ce sujet dans le cadre du développement de la politique agricole. Notamment les
nouvelles contributions à la sécurité de l'approvisionnement offriront des possibilités de soutenir
spécifiquement certains domaines.

Pour le moment, c’est toutefois la continuité qui prévaut : dans le cadre de son message de fin juin
concernant les moyens financiers destinés à l’agriculture pour les années 2012 à 2013, le Conseil
fédéral a notamment misé sur la continuité en maintenant les conditions-cadre actuelles pour les deux
années. Les conditions générales juridiques sont donc claires et la stabilité financière est assurée
jusqu’à l’an 2013 inclus.

Pour la période 2014 à 2017, le Conseil fédéral a annoncé une nouvelle étape de développement de
la politique agricole. Plusieurs interventions parlementaires le demandent, notamment la motion de la
CER-E sur le développement du système des paiements directs, la motion Bourgeois sur la stratégie
qualité ou la motion von Siebenthal, qui demande un taux d’autosuffisance de 60 % ; le rapport du
Conseil fédéral rédigé en réponse au postulat Stadler concernant la pénurie de ressources naturelles
aborde également cette question.

A long terme, il faut assurer que le développement de la politique agricole ne soit pas le jouet des
acteurs politiques défendant des intérêts particuliers à court terme, mais qu’il suive une stratégie
cohérente. C’est pourquoi l’OFAG a publié un document de discussion sur une stratégie pour
l’agriculture et la filière alimentaire à l’horizon 2025. Cette stratégie a suscité un écho largement
positif ; notamment les quatre grands axes d’action ont rencontré un accueil favorable. C’est pourquoi
le Conseil fédéral a décidé que la stratégie devrait constituer la base de la Politique agricole 2014-
2017, qu’il prévoit de mettre en consultation dans le deuxième trimestre 2011.

Comme dans votre entreprise, une stratégie doit commencer par le bilan de la situation. Il y a lieu
d'établir notre position actuelle. A ce titre, nous avons présenté le bilan de la nouvelle politique agricole
dix ans après son introduction. Les faits, en soi incontestés, ont fait l'objet d'appréciations différentes
selon le point de vue des diverses organisations. Si l’USP considère que les efforts écologiques ont
été suffisants, elle regrette que l’écart de revenu entre les familles paysannes et les autres groupes
sociaux n'ait pas diminué. Les milieux écologiques reconnaissent certes les améliorations dans la
protection de l’environnement contre les substances nocives, mais jugent l’évolution trop lente.
S'agissant de la biodiversité, on n'a à leurs yeux même pas atteint le creux de la vague. Quant aux
milieux économiques et financiers, ils ne sont toujours pas satisfaits et demandent encore des
améliorations, même si la compétitivité de l’agriculture a progressé et le coût pour l’économie
4/8

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe


nationale s’est de ce fait réduit d'environ un quart. Selon le point de vue, ces différences
d’appréciation sont compréhensibles, tout comme l'engagement politique des acteurs concernés.

Cependant, si l’on est prêt à adopter une perspective dépassant les intérêts politiques à court terme
pour comparer le bilan actuel avec la situation à la fin des années nonante, lorsque le peuple a coulé
plusieurs projets agricoles, on ne saurait ignorer les progrès réalisés à tous les niveaux et donc, le fait
que la politique agricole est bien mieux acceptée qu’il y a dix ans. Bien sûr, on ne saurait non plus
oublier que ce processus a exigé de grands efforts de la part des paysannes et paysans, tout comme
des autres acteurs de la filière.

Mais cela ne nous autorise pas à nous arrêter. Il y a trop de changements autour de nous. Après avoir
établi un bilan de la situation, nous avons procédé dans un deuxième temps à une analyse des défis
futurs pour dégager un scénario d’avenir le plus probable. Cette analyse comprend une évaluation de
l’évolution de plusieurs douzaines de facteurs qui influent sur l’agriculture et la filière alimentaire.
Comme la plupart d’acteurs s’accordent largement sur ce point, je peux résumer comme suit
l’évolution pronostiquée :

L’approvisionnement en denrées alimentaires en quantité et en qualité suffisantes à l’échelle mondiale


est l’un des principaux défis à venir. D’une part, la demande connaîtra une forte progression ; d’autre
part, le potentiel d’accroissement de la production est limité au vu des ressources naturelles (sol fertile,
eau et biodiversité) et des matières premières (p. ex. phosphore) restreintes. Une difficulté en plus : le
changement climatique prévu exigera des adaptations supplémentaires dans les systèmes de
production agricole. C’est pourquoi on doit s’attendre à des pénuries et à une tendance haussière sur
les marchés agricoles, ce qui peut déjà être observé. Les variations des prix augmenteront sur les
marchés mondiaux.

Le Conseil fédéral, estime qu’au vu de ces développements mondiaux, la Suisse doit miser sur une
production efficiente pour tirer l'optimum du potentiel naturel disponible. A cette fin, il est décisif que
l’agriculture adapte sa production aux exigences du marché, conformément à son mandat
constitutionnel. Cette tâche incombe en premier lieu aux entrepreneurs. Dans la perspective d’une
libéralisation du marché, il faut mettre à profit les potentiels d’amélioration en matière de production et
de compétitivité dans l’ensemble de la filière alimentaire. Le fait que cela concerne tous les acteurs de
la chaîne contribuant à la valeur ajoutée n'est pas connu seulement depuis la publication, la semaine
dernière, d’une étude comparative portant sur le commerce de détail. En outre, il y a lieu de
développer de nouvelles approches pour maîtriser la volatilité croissante des prix. Une modernisation
de la loi sur l'approvisionnement du pays pourrait par exemple y contribuer.

Vu que les ressources naturelles sont très sollicitées voire parfois surexploitées, on doit aussi veiller à
une meilleure protection des terres agricoles et à une utilisation durable des ressources naturelles,
notamment pour assurer la production des denrées alimentaires à long terme. Ce principe est vrai tant
à l'échelle mondiale qu'au niveau national. Nous devons prendre en considération la capacité des
écosystèmes. Ni une sous-utilisation ni une sur-utilisation ne sont judicieuses. Dans ce domaine, il est
nécessaire de parvenir encore à des améliorations telles que l'augmentation de l’efficience des
ressources et de combler par étapes les lacunes qui demeurent dans la réalisation des objectifs. Des
analyses de l’efficience des ressources (p. ex. kg N/kg de lait) dans différentes exploitations montrent
qu'il y a des possibilités dans ce domaine.

Vu la raréfaction croissante des ressources et les défis liés au changement climatique, des circuits
économiques aussi fermés que possible gagneront en importance. Les consommateurs devront
également apporter leur contribution ; ils doivent donc être bien informés. A la longue, la discordance
entre le comportement de consommation de tous les jours et les revendications politiques lors des
votations est intenable. Aux yeux du Conseil fédéral, il est aussi capital de préserver la vitalité de
l’espace rural, élément indispensable de notre pays qui contribue substantiellement à la cohésion
sociale et donc, à notre prospérité et à notre bien-être.

Un point au sujet duquel aucun consensus n'a pu être atteint est le degré souhaitable ou tolérable
d’ouverture des marchés agricoles. Nous nous attendons à une interdépendance internationale
croissante dans l’agriculture et la filière alimentaire. Le progrès technique, la répartition plus poussée
des tâches, l'évolution des marchés et la problématique de la pénurie des ressources renforcent d’une
manière générale cette interdépendance. Tous les acteurs sont d’accord sur la nécessité d’une
utilisation optimale des ressources. Cela pourrait signifier que la Suisse, pays où les rendements en
sucre par hectare sont les plus élevés du monde, produise à l’avenir encore plus d'or blanc, pour
5/8

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe


céder en contrepartie du terrain aux Espagnols ou aux Français pour ce qui est de la production du
soja. L’optimum agronomique n’étant pas le même sur tous les sites, une répartition des tâches est
judicieuse au plan écologique aussi bien dans le pays qu’au niveau international.

Il est pour l’moment incertain quand les acteurs politiques concluront les différents accords. Le
Conseil fédéral a néanmoins pris position sur les questions stratégiques telles que la meilleure
manière de se préparer à cette évolution ou de promouvoir, selon un ordre de priorité, les projets
permettant une ouverture par étapes. Dans l’intérêt de la nouvelle génération des agriculteurs,
désireux de travailler pour construire leur avenir, nous sommes appelés, tout comme l’USP, à nous
attaquer à ces questions stratégiques avec un sens aigu de la réalité. Rappelez-vous que jusqu'au
milieu des années nonante, divers milieux agricoles croyaient à la poursuite de l’ancienne politique
agricole. Entre-temps, l'agriculture et la filière alimentaire suisses ont mis en œuvre les résultats du
Cycle d'Uruguay de l'OMC et la nouvelle loi sur l'agriculture sans qu’une catastrophe s’ensuive.

Hormis le bilan de la situation et les défis à venir, la stratégie requiert un système d’objectifs. Je n’ai
pas besoin de m’étendre sur ce sujet, car la grande majorité de la population suisse soutient le mandat
constitutionnel en vigueur. Ce mandat ne fait pas seulement l’objet d’un large consensus: il est aussi
plus actuel et plus moderne que jamais. Le consensus ne doit cependant pas cacher que les avis
divergent sur la pondération des différents objectifs, c’est-à-dire sur la question de savoir combien il
nous faut de production, de biodiversité, de protection des ressources et de protection des animaux,
cette dernière tenant tout particulièrement à cœur à l’USP. Le Conseil fédéral a l'intention des fixer
des objectifs d'étape quantifiés pour alimenter un débat politique permettant de clarifier les priorités.

Sur la base de la situation de départ, des défis prévisibles et des objectifs définis dans la Constitution,
le Conseil fédéral a fixé les quatre éléments-clé stratégiques ci-dessous.

Il veut en premier lieu

garantir une production et un approvisionnement sûrs et compétitifs.

Il convient d’assurer une utilisation optimale du potentiel naturel de production compte tenu de la
capacité des écosystèmes. Pour parvenir à ce résultat dans un contexte d’ouverture toujours plus
large des marchés, il faut continuer de développer et de valoriser le leadership en matière de qualité
du secteur agroalimentaire suisse. En outre, il y a lieu d’utiliser systématiquement le potentiel de
baisse des coûts à tous les échelons de la chaîne de création de valeur ajoutée. Compte tenu de
l’amplification des fluctuations des prix sur le marché, il faut mettre au point des solutions pour
atténuer leur impact.

A titre de deuxième élément-clé, le Conseil fédéral veut

promouvoir une utilisation efficiente des ressources et une consommation durable.

Le système développé des paiements directs et un programme temporaire d’utilisation durable des
ressources doivent permettre d’améliorer encore l’efficience des ressources et de l’énergie. L’intensité
des gaz à effet de serre doit encore être réduite, aussi bien dans la production agricole que dans
l’ensemble de la chaîne de création de valeur ajoutée. Une attention particulière doit être prêtée à la
préservation de terres arables et à la conservation de la biodiversité. La révision de la loi sur
l’aménagement du territoire est donc incontournable. Pour que les objectifs de la politique agricole
soient atteints, il est important que les consommateurs développent également un comportement
d’achat axé sur la durabilité. Cela pourrait aussi apporter une contribution importante à la réduction du
coût de la santé : le problème du « trop » est fondamental sous nos latitudes.

A titre de troisième priorité stratégique, le Conseil fédéral veut

renforcer la vitalité et l’attractivité de l’espace rural.

Le progrès technique et l’augmentation de l’efficience réduisent les besoins de main d’œuvre dans la
production agricole classique. Les structures doivent suivre cette évolution. Le développement
d’activités connexes à l’agriculture, la diversification (p. ex. agritourisme ou production d‘énergie) et
une plus forte mise en réseau des acteurs régionaux aident à la création d’une valeur ajoutée aussi
élevée que possible dans l’espace rural. C’est une condition primordiale pour garantir un

6/8

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe


développement acceptable au plan social. Le paysage cultivé est une ressource importante de
l’espace rural qu’il s’agit de développer dans la direction souhaitée par la population et d’honorer à sa
juste valeur. Il faut ainsi utiliser encore mieux les synergies, par exemple avec le tourisme. La politique
agricole doit donc être comprise comme une partie intégrante d’une politique plus globale pour la
vitalité de l’espace rural.

Quatrièmement, le Conseil fédéral veut

encourager l’innovation et l’esprit d’entreprise dans l'agriculture et la filière alimentaire.

L’innovation est depuis toujours un facteur important de succès. La recherche agronomique, la


formation et la vulgarisation continuent d’apporter une contribution décisive à cet égard. Il faut rendre
possible et influencer positivement l’innovation à tous les échelons (organisation, procédés de
production, développement des produits, commercialisation, etc.). En outre, il y a lieu d’élargir la marge
de manœuvre entrepreneuriale des acteurs (p. ex. utilisation plus flexible des volumes de construction
disponibles) et la charge administrative doit être proportionnée. Il est également important d’intensifier
la collaboration et la mise en réseau au sein de l’agriculture et entre les différents acteurs de la chaîne
de production alimentaire. Un entrepreneur est d’autant plus indépendant de la politique agricole qu'il
réussit sur le marché.

La stratégie reposant sur les quatre éléments précités sera de nouveau soumise à un débat en été
2011, dans le cadre de la consultation sur le développement de la politique agricole de 2014 à 2017.
Fin 2011, le Conseil fédéral transmettra au Parlement le message concernant la Politique agricole
2014-2017.

Avec l’an 2025 comme horizon, la stratégie couvre les trois prochaines enveloppes budgétaires. Selon
l’évolution des conditions-cadre durant cette période, il faudra pondérer différemment les différents
éléments-clé. En principe, il y a lieu de développer la politique agricole de manière à promouvoir
davantage les prestations d’intérêt public fournies dans les domaines où les lacunes en matière
d’objectifs sont les plus grandes et à permettre dans l’ensemble un développement durable du secteur,
ce qui implique notamment un revenu équitable pour les familles paysannes.

Les améliorations concrètes pouvant être réalisées dans le cadre de la prochaine étape, c’est-à-dire la
Politique agricole 2014-2017, dépendent tant des facteurs économiques généraux (prix du marché
mondial, ouverture des marchés, taux de change, évolution des taux d’intérêt) et des mesures
juridiques que des fonds disponibles. Le Conseil fédéral s’est prononcé pour la stabilité des dépenses
dans le domaine d’activités « agriculture et alimentation ». Pour les années 2013-2017, il est au total
prévu d’allouer 13,5 (13,494) milliards de francs pour l’agriculture, ce qui correspond
approximativement à la période en cours.

Compte tenu de la stratégie et des objectifs, le développement de la politique agricole durant les
années 2014 à 2017 portera probablement sur les thèmes suivants :

- Le développement du système des paiements directs constituera un élément important : à cet


égard, il faut prendre en considération l'intention du Parlement de promouvoir d'une manière plus
ciblée les prestations d’intérêt public, d’améliorer l’efficience écologique et de combler par étapes
les lacunes dans la réalisation des objectifs. Le système développé des paiements directs est en
outre flexible, pour rendre possible une réaction adéquate à l'évolution future.

- Le soutien de la stratégie qualité, dont la responsabilité incombe en premier lieu aux acteurs de la
chaîne de création de valeur ajoutée, repose sur trois piliers : le leadership en matière de qualité,
l’offensive sur le marché et le partenariat pour la qualité.

- Les labels et les indications de provenance adéquats ont pour objectif d’augmenter la valeur
ajoutée et d’inciter les consommateurs à un comportement plus durable.

- En outre, il convient de réaliser des projets régionaux permettant d’utiliser le potentiel d’innovation
et d’accroissement de valeur ajoutée dans l'espace rural.

- Last but not least, il faut dynamiser le système de connaissances agricoles et d’élargir la marge
de manœuvre entrepreneuriale.
7/8

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe


Cette liste n’est pas exhaustive. Le processus de formation de l'opinion sur ces thèmes est en cours et
les travaux préparatoires en vue de la consultation sur la Politique agricole 2014-2017 ont commencé.
L’USP, tout comme d’autres organisations et les cantons, y est associée et représentée dans les
différents groupes d’accompagnement.

J’espère que tous les acteurs apporteront conne de coutume une contribution constructive à ce
processus et feront progresser le développement de la politique agricole. Comme nous le savons, qui
n’avance pas recule et il serait regrettable de voir l’agriculture et la filière alimentaire suisses gaspiller
par immobilisme des atouts acquis par un dur travail. Les modifications attendues sont considérables ;
nous ne devons pas nous le cacher, mais nous n’avons pas besoin d'avoir peur. En effet, une
agriculture efficiente et respectueuse de l’environnement et de la nature est incontournable. La rareté
toujours plus perceptible des ressources naturelles fera augmenter la valeur accordée à la nourriture,
au paysage intact, à une riche biodiversité. Chers délégués, toutes ces tendances apportent de l'eau à
votre moulin, et représentent une chance pour l’agriculture et la filière alimentaire suisses. La Suisse
et le monde de demain ont besoin d’une agriculture multifonctionnelle adaptée au site, fournissant des
produits et des biens publics d'une manière durable et conformément aux besoins du marché.

C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas rester immobiles. Au contraire, saisissons la chance
en agissant d’une manière bien réfléchie et résolue. Le peuple suisse continuera alors à vous
accorder une estime bien méritée, chers paysannes et paysans. Dans un monde de plus en plus
intégré, seule une agriculture multifonctionnelle, durable et orientée vers le marché est porteuse
d’avenir. Je vous remercie de votre attention.

8/8

Référence/dossier: 2010-11-10/180 / boe

Vous aimerez peut-être aussi