Économie rurale

Tour d'horizon à propos de rentabilité en matière de machinisme

agricole
R. Carillon

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Carillon R. Tour d'horizon à propos de rentabilité en matière de machinisme agricole. In: Économie rurale. N°21, 1954. pp. 23-
27;

doi : https://doi.org/10.3406/ecoru.1954.1352

https://www.persee.fr/doc/ecoru_0013-0559_1954_num_21_1_1352

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TOUR D'HORIZON A PROPOS
EN MATIÈRE DE MACHINISME AGRICOLE
Chef du Service de la iiiimiimimmimiiiiiiiiiimiiiimii
par
Documentation
M. CARILLON
« Plus que jamais, nous devons donner à l'activité
française son plein développement et mettre les
ressources du pays en pleine .valeur. Transformées par
la motoculture, nos campagnes offriront à tous de
magnifiques débouchés ». Ainsi s'exprime l'auteur
d'un article consacré à l'agriculture. Article
d'actualité •? Non !
Cette citation n'est pas récente. Il s'agit d'un
passage relevé dans l'introduction d'un article. paru en
1919 au lendemain de 1* avant-dernière grande
guerre. Les mêmes idées animent des déclarations
identiques qui fleurissent depuis 1945 dans les milieux
spécialisés. Qu'est-ce à dire ? Faut-il admettre que
ce qui a constitué un faux départ en 1919 va
maintenant réussir 7 Faut-il croire qu'on veut réellement
mettre enfin en valeur l'agriculture française et
assurer aux familles agricoles une vie décente ? *
Or, on ne peut pas distribuer plus -sans produire
davantage. L'agriculture française est donc
condamnée à l'expansion, pour autant qu'on veuille
améliorer le sort des agriculteurs et qu'on répugne à
bouleverser la structure de cette agriculture.
Cette expansion dont on parle tant, impose, qu'on
le veuille ou non, la recherche de débouchés accrus.
L'expérience montre que de tels débouchés existent
mais qu'ils exigent de la part des fournisseurs
éventuels des efforts substantiels quant à la qualité et
aux^prix des produits offerts. L'amélioration de la
qualité de la production agricole est un problème
spécial qui ne concerne pas directement cet exposé.
Il en est autrement en ce qui concerne les prix de
vente des produits agricoles.
L'agriculteur est, en effet, un monsieur dont le
métier est de tirer du sol des produits végétaux et
animaux. C'est en vendant tout ou partie de sa
production que l'agriculteur reçoit de l'argent.
Cet argent lui permet d'acheter et d'utiliser les
instruments, les services et les produits nécessaires
à une nouvelle campagne de production. Une fois
cette dépense- obligatoire assurée, ce qui reste de
l'argent reçu, constitue le salaire et le bénéfice de
l'exploitant agricole. C'est le volume de ce salaire
et de ce bénéfice qui caractérise le niveau de vie de
DE RENTABILITÉ
sur le machinisme agricole .
l'exploitant. Plus ce /volume est important, plus
l'exploitant est satisfait.
Il existe beaucoup, de moyens pour hisser à un
niveau agréable ce volume d'argent qui subsiste
lorsque les dépenses de production sont payées. Ces
moyens ce trouvent cependant limités lorsqu'en plus
on recherche pour les produits agricoles des prix de
vente aussi bas que possible. Dans ce cas, parmi les
solutions qui subsistent, il en- est une qui consiste à
comprimer le plus possible les dépenses de
production. Cette réduction suppose qu'on parvienne à
dépenser moins pour obtenir un même résultat.
Quelquefois, on veut aller plus loin encore. On se
propose d'obtenir alors de meilleurs résultats avec une
dépense moindre.
C'est là ce qu'on appelle faire des économies. Les
gens savants déclarent qu'on améliore la
productivité. Cela revient à dire qu'on tire un meilleur parti
J'un moyen de production.
Cr, le machinisme agricole constitue un important
moyen de production. Il est donc d'un grand intérêt
d'en tirer un bon parti, c'est-à-dire d'étudier sa
rentabilité.
Qu'est-ce que la productivité et la rentabilité ?
Dans son sens général, la productivité est le rapport
d'une production aux moyens nécessaires pour
l'obtenir. Définition claire, mais peu suggestive. La
rentabilité, de son côté,, est un terme moins obscur
dont on fait grand usage. Dans son sens le plus
courant, qui est aussi le plus restreint, la rentabilité
d'un moyen de production est la faculté de procurer
plus ou moins de bénéfices à celui qui l'utilise.
Si donc, pour réaliser un travail connu, on peut,
faire appel à plusieurs équipements différents, il est
utile de comparer leur rentabilité en comparant le
coût respectif de chacun d'entre eux. On peut
imaginer aussi que, lorsqu'on compare deux
équipements, l'un ne devienne plus rentable que l'autre
qu'à partir d'un certain niveau d'utilisation : on dit
alors qu'on a affaire à un seuil de rentabilité de l'une
des solutions par rapport à l'autre.
Or, quelles sont les grandes catégories
d'équipement en matière de machinisme agricole ? Les tra-^
vaux agricoles peuvent être réalisés en choisissant
 — 24 —
parmi trois méthodes principales : la méthode
manuelle, la méthode mécanisée et la méthode
motorisée. La méthode manuelle; la plus primitive, est à
la base de toutes les agricultures. Elle subsiste
encore dans certains pays. Même en Europe
Oc identale, les jardiniers l'appliquent encore qui utilisent des
outils agricoles. La méthode mécanique, qui vient
ensuite, est axée sur la traction animale. Elle utilise
des machines agricoles tirées par des attelages. La
méthode motorisée enfin, constitue le dernier stade
de l'évolution normale. Elle fait appel au moteur
inanimé pour tirer et pour actionner des machines
de plus en plus complexes. C'est la motoculture
.
avec son cortège de tracteurs et de rr\achines
adaptées. s b) la nature du sol ;
La première matière de toute étude de rentabilité
dans le domaine du machinisme agricole devrait
■
donc consister à comparer entre elles ces trois
méthodes de culture. En fa:t, compte tenu de la
situation de l'agriculture, on se contente en France,
généralement^ de comparer la traction animale et le
tracteur. Cependant, il est encore des cas liiîtés
pour lesquels il conviendrait de comparer les
machines agricoles tractées par des attelages animés et
les outils à main.
Comment se pratique la comparaison de deux
types d' équipement agricole ?
La comparaison de la rentabilité de deux types
d'équipement agricole peut être générale ou
particulière. Elle peut être générale lorsqu'on se propose
de mettre en balance deux équipements
foncièrement différents., C'est notamment le cas de la
comparaison de la traction animale et de la traction
mécanique. Elle peut être particulière lorsque, dans une
même catégorie d'équipements, on compare
plusieurs variantes tels par exemple que plusieurs
tracteurs de puissances différentes ou plusieurs
machines de rendements différents.
Lé cas le plus fréquent concerne évidemment la
comparaison de la traction animale et de la
motoculture. C'est là une étude passionnante car il s'agit de
savoir si l'agriculture peut se libérer des sujétions
de la traction animale ou si certaines structures trop
exiguës ne peuvent pas adopter la motoculture sans
se ruiner. Mais cette étude n'est pas simple car
à côté des calculs comptables bruts que tout le
monde connaît maintenant très bien, interviennent des
facteurs qui par leur jeu plus ou moins souple,
peuvent modifier sensiblement les résultats bruts dans
un sens ou dans l'autre.
Ces facteurs ressortent à quatre catégories. On
rencontre d'abord des facteurs directs agissant
immédiatement sur le prix de revient de chaque
équipements, facteurs qu'il convient de ne pas négliger.
Ce sont : i Cette affirmation, n'est pas lancée en l'air. De
a) les changements intervenant dans la main-
d'œuvre lorsque les deux types d'équipement n'ont
pas les mêmes rendements ;
b) le degré de remplacement réel de l'un des
équipements par l'autre ou, au contraire, la
surimposition de l'un des équipements sur l'autre pour
des raisons psychologiques ou économiques ;
c) le transfert plus ou moins important des
hectares primitivement consacrés à l'alimentation des at-
lelées, au profit de cultures destinées à
l'alimentation humaine ou à l'élevage d'un cheptel de rente
accru.
Puis viennent les facteurs inhérents à la nature de
l'exploitation et qui favorisent tel équipement
plutôt que tel autre. Ce sont :
a) le morcellement de l'exploitation ;
c) le relief ;
d) la proportion dessurfaces en herbe ;
e) la nature des cultures.
Il faut cons'dérer ensu'te des facteurs qui dérivent
de la structure des deux équipements en cause: Ce
sont :
a) le rendement du matériel qui peut permettre,
lorsqu'il est favorable, une exécution plus
op ortune des travaux agricoles ;
b) la puissance du matériel qui, lorsqu'elle est
forte, permet d'approfondir le travail du sol et, en
améliorant les façons culturales,- d'augmenter le
rendement de la terre.
Enfin, des facteurs d'ordre psychologique doivent
être a)' pris
l'agriculteur
en considération
choVt bien
: «ou mal son
équipement et l'utilise bien ou mal ;
b) tel équipement est de nature à maintenir les .
jeunes à la terre alors que tel autre équipement ne
les attire pas.
Tous ces facteurs ne sont pas toujours facilement
chiffrables d'une façon comptable stricte et c'est par
là que les problèmes de rentabilité en matière
d'équipement agricole se compliquent. Il ne semble
pas nécessaire de rappeler à des économistes les
précautions qu'il y a lieu de prendre en la matière.
Il est plus efficace d'attirer l'attention sur un
aspect de la question qui passe trop souvent inaperçu
et que peut-être même, certains agriculteurs fran-
ais ignorent trop. Cet aspect vient d'être
parfaitement mis en évidence au cours d'une session
d'études organisée par l'O.E.C.E. sur la mécanisation
des petites exploitations agricoles. La résolution
finale de cette session comporte un point essentiel qui
est le suivant « Les différentes étapes de la
mécanisation des petites exploitations agricoles j supposent
de telles connaissances de la part de l'agriculteur
qu'il ne peut les acquérir que grâce à une
vulgarisation spécialement adaptée ».
nombreux pays étrangers ont constaté que les petites
exploitations qui se motorisent demeurent pendant
4 à 5 ans, dans une situation plus tragique que celles
 — 25 —
qui sont restées à la traction animale. Pourquoi ?
Parce que les petits exploitants commettent des
erreurs et qu'ils ne savent pas tirer convenablement
parti de leur nouveau matériel.
Cette affirmation peut s'appuyer sur un exemple.
Certes, il est beau de comparer traction animée et
tracteur, mais les comptables savent-ils qu'un
tracteur peut tout simplement coûter du simple au
double selon l'utilisation qu'on en fait. Car un moteur
peut durer deux fois. plus d'heures s'il fonctionne
toujours à sa charge optimum et la consommation
de carburant pour exécuter un travail' donné peut
varier de 1 à 2 selon qu'on choisit une bonne ou une
mauvaise combinaison de vitesse, une bonne ou une
mauvaise largeur de travail. m d'alourdissement d'autant plus intéressantes qu'elles
Qu*a-t-on fait en France pour conseiller les
agriculteurs dans ce domaine ? Pas grand'chose jusqu'à
ces derniers mois. Mais il appartiendra à un Centre
National du Machinisme Agricole que le Ministère
de l'Agriculture entreprend de réaliser autour de la
nouvelle station d'essais en construction à Antony,
de combler heureusement très bientôt le vide en ce
domaine. D'ores et déjà, des tentatives
intéres antes ont marqué les premiers efforts de
l'Administration dans cette voie nouvelle : de récentes brochures
de vulgarisation sur le moissonnage-battage, sur le
fonctionnement et l'entretien des moteurs et sur les
conseils en matière d'achat des tracteurs d'occasion
constituent notamment les premiers documents
d'une série importante. Des travaux de cette
nature font d'ailleurs plus gravement défaut à
l'agriculture que les études purement économiques, car il ne
sert à rien de disposer d'outils si l'on ne sait pas
s'en servir correctement. Les familles d'exploitants
préfèrent un guide pratique placé à leur portée que
les conclusions élevées des débats philosophiques.
Ainsi en matière de tracteurs agricoles, lorsque
l'agriculteur a choisi son tracteur, il lui reste à bien
l'utiliser. Bien l'utiliser, cela veut d're, économiser
50 % par rapport à un voisin qui utilise mal son ma-
■
tériel. N'est-ce pas. là se montrer soucieux de
rentabilité ? Et l'effort de vulgarisation susceptible
d'aider ou de sauver cet agriculteur, n'est-il" pas
plus « rentable » — c'est le mot — que les discours
généraux sur la productivité ?
Or, les vulgarisateurs savent-ils bien que le choix
du tracteur suppose une longue série de recherches ?
a) La puissance doit être proportionnée au volume
annuel des travaux à accomplir.
b) Le tvpe du moteur se déduit de la puissance
choisie, les moteurs à explosion, parce qu'ils sont
roupies étant réservés aux faibles valeurs de
puis ance, et les moteurs diesel, parce qu'ils sont sobres,
étant mieux adaptés aux fortes valeurs de puissance
car le monde technique est ainsi fait que les plus
souples sont en général les moins sobres.
c) La gamme de vitesse doit être appropriée à la
• nature des différents travaux agricoles à réaliser,
c'est-à-dire aux conditions d'obtention de la
meil eure qualité agronomique du travail.
d) Le poids du tracteur, compte tenu de la vitesse
d'exécution des travaux agricoles les plus fréquents,
et moyennant l'adjonction éventuelle de masses
d'alourdissement, doit permettre d'utiliser la quasi
totalité de l'effort fabriqué par le moteur à la
vitesse de rotation la plus économique.
. e) La force des outils dépend de la vitesse à
laquelle on désire que ces outils travaillent et de
l'effort que le moteur peut transmettre à cette vitesse.
f) La nature du système d'attelage des outils peut
permettre, soit par sa position par rapport à l'essieu,
soit par son principe, de bénéficier de masses
sont immatérielles.
g) La dimension et la nature des pneumatiques
des roues motrices influent enfin grandement sur le
rendement de la transformation roues/sol, c'est-à-
dire de la transformation de l'effort moteur sur les
moyeux des roues en effort de traction à la barre.
L'utilisation du tracteur pose ensuite de continuels
problèmes à son possesseur. En gros, pour les
matériels à essence, deux règles d'or ont à oberver :
choisir toujours la combinaison de vitesse la plus rapide
qui ne fasse pas peiner le moteur ; placer la manette
du régulateur sur une vitesse de rotation du moteur
comprise entre la vitesse de rotation maximum et
la vitesse de rotation correspondant au couple
maximum. Ces règles sont un peu plus souples en ce qui
concerne les tracteurs diesel qui pardonnent les
erreurs de jugement. Les tracteurs semi-diesel, quant
à eux font preuve d'originalité ; ils doivent être
surpassants et il ne convient pas de les faire
fonctionner à pleine charge. Ces exemples rapides, dont
chacun mériterait un long commentaire, apportent
la preuve permanente qu'en matière d'équipement
agricole, la technique joue un rôle primordial car lés
résultats économiques d'une opération peuvent
facilement varier du simple au double si l'utilisateur
est un mauva:s ou un bon technicien.
Or que fait l'économiste ? Il recherche des seuils
de rentabilité de matériels agricoles .utilisés selon un
mode moyen ou présumé tel. Mais, le technicien
vient, qui déclare que de tels seuils. peuvent se
trouver considérablement déplacés dans la réalité des
faits et qu'il existe pratiquement des plages très
étendues qui tiennent lieu de seuils. Si donc on veut
abaisser le plus possible le seuil de rentabilité de
certains matériels modernes, il faut s'arranger pour
que là majorité des agriculteurs — et pas seulement
les grands — se situent dans .la zone des bons
utilisateurs. La vulgarisation en matière de machinisme
agricole a donc un rôle essentiel à jouer. Ce rôle
éclipse sans doute dans un premier stade celui des
études économiques elles-mêmes.
C'est ce qu'ont très bien compris les experts
internationaux réunis par l'O.E.C.E. pour étudier en
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commun la mécanisation des petites exploitations'
familiales. Le communiqué "final publié en avril 1954
déclare en effet que les experts sont convaincus que
le maintien des petites exploitations agricoles est
nécessaire et que la motorisation contribuera à l'ac-
croisement de leur productivité et à l'élévation du
niveau social des populations rurales. Mais
l'autofinancement est difficile à ces exploitations
familiales et de nombreuses connaissances leur font défaut.
Leur sauvegarde est donc une question d'Etat, aussi
bien dans le domaine du financement, que dans
celui des essais, de la recherche, de la vulgarisation et
de l'enseignement.
Par ce détour, on voit que l'aspect sous lequel on
a jusqu'ici l'habitude d'observer les problèmes de
rentabilité en matière d'équipement agricole, est un
aspect comptable restreint. Il est un autre aspect,
celui de la meilleure utilisation des matériels, qui -
est sans doute plus urgent sinon plus vivant, et qui
n'a guère été envisagé jusqu'ici en France bien que
son étude puisse bouleverser totalement certaines
conclusions hâtives. Cet exposé s'est proposé
d'attirer l'attention sur cet aspect, quitte pour cela à
sortir des sentiers battus. Car il est important, en
France d'engager des recherches dans cette direction.;
Comment les pays étrangers s'y sont-ils pris dans
ce domaine ? Que ce soit en Suède, aux Pays-Bas
ou en Allemagne Occidentale, les gouvernements
ont organisé des exploitations-pilotes car la réponse
à la question cruciale : a Est-il possible de
remplacer la traction animée par le tracteur ? » ne peut
être donnée que par la pratique.
Aux Pays-Bas par exemple, une quinzaine d'ex-
nloitations de 10 hectares ou moins fonctionnent
selon ce principe depuis 1947-48. Le tracteur, muni de
ses accessoires, est prêté gratuitement à un petit
exploitant familial moyen. Cet exploitant est choisi
d'intelligence moyenne afin que le facteur humain
n'intervienne pas. Les frais d'entretien et de fonc-
t'opnement sont payés par l'exploitant lui-même.
Celui-ci s'enpage à noter scrupuleusement la durée
et la nature de tous les travaux, ainsi que le détail
de toutes les dépenses. Des livres - comptables sont
tenus par l'exploitant sous la surveillance étroite des
services officiels. L'administration oblige en outre
l'exploitant à supprimer totalement ou partiellement
sa traction animale et à< ne pas travailler pour les
voisins. L'exploitant ne reçoit pas d'aide financière.
Pour établir les bilans, on suppose bien entendu que
l'agriculteur a lui-même acheté Je matériel et qu'il
doit l'amortir. Les résultats de telles expériences
commencent, après 5 ans. à se faire jour. En
somme, on crée des champs d'expériences réels en
supprimant, grâce au soutien de l'Etat, tout risque
initial pour les exploitants-cobayes.
Quelles sont les conclusions valables auxquelles
les pays qui ont entrepris une telle action sont
qu'ici parvenus ? En premier lieu, 'la moyenne des
exploitations agricoles familiales de l'Europe cle
l'Ouest ne sont à la rigueur motorisables qu'à partir
d'une superficie voisine de 8 ha de polyculture.
Cette motorisation est beaucoup plus facile si elle fa;t
appel à une ferme, communautaire entre 2 ou 3
voisins et si une traction auxiliaire de vaches et de
bœufs de trait peut être conservée.
En second lieu, les petits exploitants ne peuvent
pas assurer eux-mêmes, dans des conditions
raisonnables, le f'nancement du nouvel équipement" et le
concours de l'Etat est indispensable.
En troisième lieu, une exploitation familiale qui
se motorise périclite pendant 3 à 5 ans car elle ne
parvient pas à ut'liser convenablement son
nouveau matériel et à adapter suffisamment rapidement
sa structure et ses spéculations. Un grave désarroi
peut envahir ces familles agricoles si elles ne sont
pas soutenues par des "conseils constants appuyés
sur des expériences pratiques valables.
Enfin, il résulte en général de la motorisation un
accroissement du cheptel de rente, c'est-à-dire, pour
les peïites exploitations familiales^ une augmentation
sens'ble du travail confié à la fermière. Il convient
donc parallèlement de soulager les travaux
ménagers en intensifiant les opérations d'adduction d'eau
et d'électrification et en encourageant la
construction de laveries coopératives.
A côté de ces conclusions, une idée essentielle se
dégage des expériences étrangères. C'est que les
solutions préfabriquées ne sont pas viables en matière,
de petites exploitations familiales. Il s'agit toujours
de cas d'espèce. D'autre part, les résultats des
recherches et des essais officiels doivent être expliqués
aux agriculteurs, ainsi que les connaissances
courantes de mécanique qui manquent à la plus grande
partie des exploitants familiaux. Il faut donc porter
la bonne parole auprès des agriculteurs. C'est là
faire oeuvre de rentabilité. Il convient ainsi
d'ac roître le nombre de vulgarisateurs et surtout,
d'ac roître leur efficacité, c'est-à-dire qu'il faut les dégager
de toute improvisation en créant des écoles de
cadres complétées par des stages périodiques.
On rejoint ici une idée essentielle mainte fois
exprimée. N'est pas conducteur de tracteur- agricole
qui veut ! N'est pas vulgarisateur en matière de
machinisme agricole qui veut ! La bonne volonté ne
suffit plus dans tel domaine ou l'ensemble des
connaissances exigées est énorme et va de la
thermodynamique à la technique de la. traction en passant
par l'étude des temps élémentaires et l'organisation
des spéculations. Les efforts épars ne sont donc plus
de mise. Une cordination s'impose pour un travail
précis et efficace. Le rôle de, l'Etat, est de
promouvoir une telle coordination. ~
 — 27 — .
DISCUSSION
M. Dumont. — Le seuil de- rentabilité de 8 ha observé aux
Pays-Bas ou au Danemark correspondrait à une quinzaine
d'hectares chez nous puisque le rendement brut à l'hectare
est, en moyenne, inférieur de moitié. Il semble que l'on
puisse conseiller, comme condition nécessaire à -la rentabilité
du tracteur, qu'il provoque l'élimination de deux chevaux
(remplacés par deux vaches produisant 5.000 litres de lait).
Nombre de petites fermes alsaciennes de 8 ha et ayant un
cheval, qui se sont motorisées sans -supprimer le cheval, ont
été rapprochées de la faillite.
M. Huraux. — Cette question du reuil de rentabilité doit
être étudiée d'une manière précise. Il est intéressant de ri-
^naler à ce propos la méthode d'études utilisée par l'Institut
du. Dr Preuschen, à Bad-Kreuznach. Une ferme moyenne a
été divisée en quatre fermes égales de 5 hectares chacune
exploitée par un homme seul. L'un di'pose d'un cheval, les
trois autres de tracteurs ou porte-outils de caractéristiques
différentes. Ceci permet des comparaisons. Pour pouvoir
transposer les résultats de ces recherches à la France, il
faudrait tenir compte du fait que le porte-outil Lanz ne coûte
en Allemagne que l'équivalent de 330.000 francs.
R. P. Serve. — Je crois que- l'industrie française du
tracteur a commis une grosse erreur en ne s'orientant pas vers
la fabrication de tracteurs de pui:sance moyenne spéciale-
.r.ent conçus pour l'utilisation d'outils portés. Dès 1947, en
effet, on pouvait être assuré que, pour l'exploitation familiale
française, il é'ait nécessaire de mettre au point un type de
tracteur différent du type traditionnel.
Au sujet de la motorisation de l'exploitation familiale, je
voudrais faire remarquer qu'il est souvent difficile de
réduire l'équipe de travail, en particulier lor.que celle-ci est
composée du père et du fils appelé à lui succéder. Malgré la
diminution du cheptel de trait et l'intensification de la
production l'exploitation doit alors le plus souvent accroître sa
•
surface. Ceci pose un problème rocial important.
M. Rolland. — Je pense aussi que la vulgarisation
concernant le bon emploi des machines est une tâche essentielle.
Mais, je crois que l'on a faitété*« quelque chose » dans ce
domaine. Ce travail n'a pas l'œuvre des services officiels
mais il y a eu le livre du R.P. Serve ; il y a eu surtout
l'action des vendeurs de tracteurs.
M. Carillon nous dit que l'on va développer la
vulgarisation en matière de machinirme mais d'après son rapport, il
est surtout question de recherches qui exigent la coopération
de mécaniciens, d'économistes et d'agronomes. Je crois qu'il
serait dangereux de créer des services spéciaux de
vulgarisation en la matière car nous couffrons déjà d'une dispersion
excessive de la vulgarisation.
JVI. Chombart de Lauwe. — Je crois qu'il faut souligner
l'importance de l'outil à main dont l'utilisation dépasse le
cadre du jardin et dont l'amélioration peut êtrs très
profitable.