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Droit privé :

synthèse

Année scolaire 2020-2021

Quadflieg, Carla
Bac 1 IG
Carla Quadflieg 1

PREMIÈRE PARTIE

LE DROIT PRIVÉ DANS LE SYSTÈME JURIDIQUE CONTEMPORAIN

Il faut savoir comment il a été construit, au départ de quoi, pour arriver à quel outil.

4. Le droit privé en 1804 : droit civil et Code Napoléon. Origine et structure du Code

Jusqu’à présent, le plan du Code civil belge était resté inchangé par rapport à la structure
du Code Napoléon de 1804 (après la Révolution française ; on était français à l’époque.
Cette Révolution a entrainé la mise à mal du système judiciaire et législatif préexistant
et féodal), avec un Titre préliminaire (presque totalement disparu aujourd’hui) et trois
Livres.
Tel n’est plus le cas depuis le 1er novembre 2020, date de l’entrée en vigueur d’un
nouveau Code civil introduit dans notre système juridique par la loi du 13 avril 2019 1
(ci-après dénommé « Code civil de 2019 »), qui présente une structure totalement
différente du précédent (cfr infra). Le nouveau code civil intègre le nouveau droit de la
preuve dans le nouveau code civil ; nouvelle codification sur le plan civil. Il est
architecturalement très incomplet puisqu’il n’y a que quelques réformes qui sont
entrées en vigueur (ex : droit de la preuve).
Entre 1804 et 1830, on passe entre les mains des Hollandais ; on subit des influences du
droit hollandais. En 1830 (création de la Belgique) : on prend le meilleur des systèmes
précédents : code civil de 1804 pour ce qui est des droits civils mais également des lois
hollandaises à on a toujours deux particularités par rapport au droit français : la
superficie et l’emphytéose qui sont deux droit réels immobiliers issus de deux lois
hollandaises de 1824.
On s’intéresse beaucoup plus à la réforme du 4 février 2020 qui va réformer en
profondeur le droit des biens ou droit réels qui entrera en vigueur le 1er septembre 2021.
On jongle entre le code Napoléon et le nouveau code civil (droits des biens, droits réels,
droit de la preuve).

5. Description du titre préliminaire et des trois Livres

Importantes mises à jour et notamment :


Modification du titre préliminaire par la loi du 18 juin 2018
Modifications des régimes matrimoniaux par la loi du 22 juillet 2018
Modification des successions par la loi du 31 juillet 2017

1
Loi du 13 avril 2019 portant création d’un code civil et y insérant un livre 8 « La preuve », M.B.,
14 mai 2019.
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En 1804, presque tout le droit privé était contenu dans le Code civil, celui-ci ayant été
constitué au départ de sources multiples existantes, à savoir le droit romain, le droit
coutumier, des ordonnances royales, des lois révolutionnaires, du droit canon, etc…
Si le contenu du Code de 1804 n’est donc pas nouveau, le Code civil est néanmoins
remarquable car il est empreint de l’esprit social nouveau issu de la Révolution (cfr infra)
et, surtout, il est applicable sur l’ensemble du territoire français.

Il a aussi servi de modèle dans de nombreux pays

Il a surtout été adopté, tel quel, lors de la Constitution de la Belgique en 1830. En effet,
les provinces belges incorporées à la France en 1795 se sont vues naturellement
appliquer le « Code civil des Français » promulgué par la loi du 21 mars 1804, contenant
la réunion des lois civiles en un corps de lois. Le Code fut d’ailleurs publié à Bruxelles dès
1804, accompagné d’une traduction néerlandophone 2 . Le Code civil de 1804 régna
aussi, dès 1810, sur les départements qui avaient constitué le Royaume de Hollande, de
telle sorte que c’est bien ce Code qui régissait le droit civil des Pays-Bas lorsque les
provinces belges y furent intégrées (1815-1830). Dès 1815 cependant, fut affirmée aux
Pays-Bas la volonté de rédiger de nouveaux Codes ; parmi d’autres, un projet de Code
civil vit le jour, le projet « Kemper ». C’est sur la base de ce projet que s’opéra tout le
travail de réflexion ultérieur où pointe sans conteste l’influence de juristes belges réunis
en commissions - et notamment le Président (Nicolaï) de la Cour supérieure de justice à
Liège - favorables au maintien du Code civil français de 1804. Le Code civil du Royaume
des Pays-Bas ne devait toutefois entrer en vigueur que le 1er février 1831, à l’exception
des deux lois du 10 janvier 1824 sur la superficie et l’emphytéose qui furent appliquées
immédiatement et qui existent toujours en droit belge aujourd’hui ; une loi de 1829
portait par ailleurs abrogation des Codes français à compter de la mise en vigueur des
Codes nationaux néerlandais. Les évènements d’août 1830 en décidèrent autrement :
dès le 14 janvier 1831, le gouvernement provisoire belge révoquait et les arrêtés royaux
portant l’entrée en vigueur des Codes néerlandais et la loi d’abrogation des Codes
Napoléon.

Résultat : le Code civil des Français est appliqué en Belgique dès la Constitution de celle-
ci.

2
Voy. J. GILISSEN, « Codifications et projets de codification en Belgique au XIX siècle (1804-
1914) », Rev. Belge d’histoire contemporaine / Belgisch Tijdschrift voor nieuwste geschiedenis,
1983, pp. 203 à 284, spécialement pp. 206 à 208.
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Pour information, les Pays-Bas adoptèrent finalement leur Code civil en 1838, Code qui
fut remplacé par le nouveau Code civil, avec une structure totalement différente du
premier Code, dont une grande partie fut applicable à partir de 19923.

6. Fondements du Code Napoléon et évolution du Code civil face à l'évolution de la


société aux 19ème et 20ème siècles

La liberté, caractéristique naturelle de l’homme, dont dériverait l’égalité entre ceux-ci,


est en 1804 la ligne directrice du Code.

En conséquence, la propriété, spécialement immobilière, est placée au premier rang


dans le Code ; elle est accessible à tous les hommes et conçue comme garante de
l’égalité entre les hommes. Le Code de 1804 est essentiellement une législation
patrimoniale.

Exemples : le contrat de mariage conclu librement peut être résolu comme tout contrat,
admettant par là le divorce ; abolition des servitudes personnelles, attachées à la
personne, et maintien des servitudes réelles, attachées au fonds ; abolition du droit
d’aînesse, égalité successorale et lots égaux (conséquence : morcellement des terres).

Le Code fit cependant assez vite l’objet de critiques, contre son caractère trop
patrimonial d’abord ; ainsi, seuls les droits pécuniaires de l’enfant sont précisément
réglementés, sans se préoccuper de son éducation, de sa santé, …

Critiques aussi, dans le sens de l’individualisme toujours, en pointant certaines


catégories de personnes moins égales que d’autres, telle la femme mariée, ou
carrément négligées comme les enfants dits à l’époque « naturels ».

Critiques enfin, dans une autre direction, en constatant que le Code n’est

ni socialiste, puisqu’il a presque totalement omis de s’occuper du statut du travailleur,


ni sociétal puisque, excepté le contrat de société réglementé à l’époque dans l’article
1832 du Code civil, le Code n’appréhende aucunement l’individu en groupes, le
groupement de personnes.

Il faut cependant remarquer que les défauts du Code résultent probablement plus de
ses lacunes (ne pouvant prévoir à l’avance, par exemple, la révolution industrielle) que
de ses erreurs.

3
Voy., pour un historique de ce Code, E. HONDIUS, « Le Code civil néerlandais. Les douze
premières années », in J.T., Bicentenaire du Code civil, 2004, n° 6132, pp. 225 et s., spécialement
pp. 235 à 239.
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Conséquences :
- transformation du Code civil lui-même par réformes 4 ;

Ex. ususfruit du conjoint survivant

- adoption de lois spéciales de droit civil formant avec le Code civil le droit civil ;

Ex. loi sur le bail de résidence principal, loi sur la copropriété forcée d’immeubles ou de
groupes d’immeubles bâtis, …

- création d’autres branches du droit formant, avec le droit civil, le droit privé.
Ex. théorie des troubles de voisinage

7. Création du « Code civil de 2019 »

Dans l’accord du gouvernement du 9 octobre 2014, il était constaté que certaines


parties du droit civil étaient devenues « obsolètes et source de confusion » et qu’une
simplification et une unification de ces matières étaient souhaitables.

Ex.
Les avancées électroniques en droit de la preuve
Les enseignements de la cour de cassation en matière d’accession immobilière
La théorie de l’abus de droit

Dans cette recherche de modernisation, la loi du 13 avril 2019 5, dont l’entrée en vigueur
est fixée au 1er novembre 2020, crée un nouveau Code civil, composé des Livres
suivants :

• Livre 1er. Dispositions générales ;


• Livre 2. Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples ;
• Livre 3. Les biens ;
• Livre 4. Les successions, donations et testaments ;
• Livre 5. Les obligations ;
• Livre 6. Les contrats spéciaux ;
• Livre 7. Les sûretés ;

4
Voy., pour une analyse de l’évolution du Code civil, J.T., Bicentenaire du Code civil, 2004,
n° 6132, pp. 225 et s.
5
Loi du 13 avril 2019 portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 " La preuve ", M.B. 14 mai
2019.
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• Livre 8. La preuve ;
• Livre 9. La prescription.

On transforme donc notre code civil au fur et à mesure des âges et particulièrement
récemment depuis le 1er novembre 2020 en recréant une véritable architecture pour ce
code civil avec un livre premier consacré aux dispositions générales, un livre deux qui
est consacré au droit de la famille en général, un livre trois consacrés aux biens (celui
qui entrera en vigueur le 1er septembre 2021), un livre quatre sur les successions, les
donations, un livre cinq qui sont les obligations, càd les engagements entre partis (pas
encore à l’état de loi voire à projets de lois), un livre six qui sont les contrats spéciaux
(bail, vente, prêt, contrat d’entreprise, sûreté ; pas encore abouti), un livre sept sur les
sûretés, un livre huit sur la preuve (entré en vigueur le 1er novembre 2020 : important
car prouve des créances, des contrats, factures valables), un livre neuf sur la
prescription.

La rédaction de ces neuf Livres a été confiée à différents groupes d’experts, mis sur pied
dès 2015. Les enjeux et les difficultés divergeant en fonction des matières, tous les
projets n’ont pas avancé au même rythme. A l’heure actuelle, le Livre 8 « Le preuve »,
dont le contenu sera analysé infra, a été finalisé et a fait l’objet d’une publication au
Moniteur belge. Le livre 3 relatif aux Biens (Livre II de l’ancien Code civil) a été adopté
par une loi du 4 février 2020 ; la majeure partie de ce Livre sera en vigueur au 1er
septembre 2021.

Les autres travaux sont toujours actuellement en cours au sein de Commissions confiées
à des experts (professeurs d’université).

8. Caractéristiques du droit privé moderne

Au départ, conformément au principe de liberté individuelle de l’homme, on a consacré


le principe de l’autonomie des volontés à l’article 1134 du Code de 1804 (pour des
raisons pratique aussi, le législateur ne pouvant régler toutes les questions), selon lequel
les parties sont aptes à se créer leur propre loi (individus prennent des engagements
qu’ils veulent). On a érigé en sacro-saints principes (principes fondateurs ; qui dominent
les autres) celui de la liberté contractuelle et de l’autonomie des volontés.

Dès lors, l’essentiel des normes de droit privé sont supplétives (je peux y déroger par
contrat) et donc appelées à s’appliquer uniquement lorsque les parties n’ont rien prévu.

Peu à peu, la nature des normes évolue vers davantage d’impérativité, qu’il s’agisse de
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- normes impératives (prise en compte par le législateur des intérêts d’une catégorie
d’individus) ; le législateur veut qu’on n’y déroge pas car il vise à protéger une catégorie
de co-contractant (partie faible)

Exemples
- Le droit du bail de résidence principale : protéger le locataire, considéré
comme la partie faible.
- Le droit de la consommation si on envisage le code de droit de l’entreprise :
rapport de force entre l’entrepreneur et le consommateur ; consommateur
est protégé.

- normes d’ordre public sensu stricto (prise en compte par le législateur des intérêts de
la société PAS droit privé mais bien droit public), nature qui est traditionnellement
l’apanage des normes de droit public et non de droit privé. Plus contraignant encore.

Exemples
- La matière de l’urbanisme : je suis une nouvelle entreprise et je veux
construire un hangar pour du stock. Je ne vais pas pouvoir modifier le relief
de ma parcelle comme ça : j’ai besoin d’un permis. Les règles d’urbanisme
sont des règles d’ordre public ; je ne peux pas y déroger.
- Les atteintes aux bonnes mœurs : on peut organiser comme on veut son
commerce et s’engager par contrat mais il y a des limites d’ordre public : la
vente d’enfants/d’individus : on limite la liberté contractuelle de droits civils
par des règles d’ordre public.

En outre, on constate dans certaines branches du droit privé l’immixtion d’autorités


administratives diverses chargées d’effectuer des contrôles (cfr réglementation du
travail en droit social pour vérifier que les règles de protection, bien-être au travail sont
respectées, réglementation des prix et de la concurrence en droit économique, etc…) ;
évolution donc vers des branches du droit de nature mixte privé/public avec des aspects
« sanction » (ex. nouveau droit pénal social : pour réguler ma relation de travail :
contrôles par le SPF travail et éventuelles sanctions contre un employeur qui bafouerait
les règles de droit au travail).

9. Les sources formelles de droit privé

Outre la loi au sens large, au niveau des différents législateurs belges (loi : pouvoir
fédéral, décret : pouvoir fédéré, ordonnances : région Bruxelles-Capitale), et les arrêtés
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(royaux ou ministériels) et règlements, il faut noter l’existence de coutumes mais aussi
de principes généraux 6.
- Les usages d’un canton (arrondissement judiciaire qui correspond à une
justice de paix ; petit territoire judiciaire à la tête duquel on retrouve le juge
de paix) en matière de coupe d’arbres : on ne trouve pas la taille à laquelle
on doit couper une haie dans le code civil mais bien par les usages du canton
(Fléron, Liège, Visé…). Canton quand pas dans le code civil.

Notions :
- Jurisprudence : ensemble des décisions rendu par un tribunal qui, à force,
vont créer une habitude que les avocats, juristes connaissant. On sait que
quand on va devant la Chambre des constructions à Liège (5ème Chambre) à
Liège, on va avoir une interprétation de la garantie des sénats (=garantie due
par un architecte, un entrepreneur… au constructeur) qui sera tel ou tel
(infiltration d’eau). Ce n’est écrit nulle part dans la loi mais par l’application
que les tribunaux en font (qui est toujours la même, systématique), on voit
se dégager des principes. La jurisprudence se développe dans des zones
d’ombre de la loi (pas clair ; il faut l’interpréter) ou dans des lacunes de la loi
(trou dans la loi). Un seul jugement d’un seul juge ne fonde pas les principes
de jurisprudence mais quand on se retrouve avec des kilos qui disent la même
chose à tendance à jurisprudence.
Exemple : la théorie des troubles de voisinage (1er septembre 2021) ; trouve
son fondement non pas dans une loi, AR mais bien dans la jurisprudence
(cour de cassation = cour suprême des civilistes (cours de droit privé)).

- Doctrine : ensemble des auteurs, scientifiques qui écrivent sur un sujet de


droit. Composée de professeurs d’universités, d’assistants mais aussi de
praticiens de hauts vols. Par des publications dans des revues spécialisées, ils
vont donner des tendances en droit parce qu’ils font des analyses de
jurisprudence, qu’ils font des chroniques, qu’ils font un travail intellectuel
novateur pour essayer peut-être d’être entendu par le législateur et ensuite
d’avoir une loi ou simplement de faire évoluer les mentalités (des juges ou
praticiens). La doctrine peut également être source de droit.
Exemple : à côté du concept de superficie naît un concept de superficie
conséquence et avant la réforme du 1er septembre 2021, il n’y avait pas
d’article consacré à la superficie conséquence. Il fallait savoir qu’un
professeur de droit de l’ULiège avait créé ce concept qui est ensuite né en
droit.

6
Voy., sur les principes généraux, A. BOSSUYT, « Les principes généraux du droit dans la
jurisprudence de la Cour de cassation », J.T., 2005, n° 6201, p. 725.
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DEUXIÈME PARTIE

LES DROITS SUBJECTIFS DE DROIT PRIVÉ

10. Introduction

Rappel : le droit subjectif est « la faculté donnée par le droit objectif à une personne, un
sujet de droit de disposer en maître d’un bien (pouvant être un droit) ou d’une valeur
qui sont reconnus lui appartenir ».

Limitation aux droits subjectifs issus du droit privé, dits, de façon ambiguë, droits civils,
par opposition aux droits subjectifs issus du droit public, appelés droits politiques.

Il y a une multiplicité et diversité des biens ou valeurs censés appartenir à un sujet de


droit, qu’il s’agisse

• De valeurs inhérentes à la personne (on ne peut pas les vendre ni les céder),
Ex
- Filiation, paternité, maternité, majorité

• De choses matérielles,
Ex
- Ma voiture, mon sac, mon ordinateur, ma maison, …

• De prestations auxquelles une ou plusieurs personnes sont tenues vis-à-vis de ce


sujet de droit,
Ex
- Obligations, créances (je peux réclamer la prestation d’une obligation par un
prestataire, un co-contractant, un voisin) ; ce sont des engagements pris à mon
égard, font partie de mon patrimoine.

• De productions de l’esprit du sujet de droit, …


Ex
Droits intellectuels (droits d’auteurs, brevets, …)
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CHAPITRE PREMIER. CLASSIFICATION DES DROITS SUBJECTIFS PRIVÉS

11. Droits patrimoniaux - droits extrapatrimoniaux

Il existe une distinction fondamentale entre les droits patrimoniaux, regroupant les
prérogatives impliquant une idée de valeur pécuniaire, monétaire, de richesse, et les
droits extrapatrimoniaux, n’impliquant pas cette idée de richesse.

1. Droits extrapatrimoniaux (ne pas connaître) :


- droits de la personnalité,
Ex : le droit de l’individu au respect de son corps, droit au respect de la vie privé, …

- droits dérivant de l’état d’une personne (l’état d’une personne étant l’ensemble des
qualités qui caractérisent une personne au niveau de la nation, de la famille et sur le
plan individuel).
Ex : Fils de, époux de, citoyen de tel État, …

En principe, la personnalité et l’état sont inaliénables (qui ne peut pas être vendu,
aliéné), incessibles (je ne peux pas les céder), imprescriptibles (ne se perdent pas par
non usage dans le temps) et insaisissables (nuances à propos des actions d’état ; actions
en matière de terrorisme à peut entrainer la déchéance de la nationalité avec comme
condition d’avoir une deuxième nationalité car c’est interdit de créer des apatrides, càd
des citoyens n’ayant pas de nationalité).

2. Droits patrimoniaux : classification principale et fondamentale (!!!) entre


• Les droits réels, visant à l’appropriation plus ou moins complète d’une chose par
le sujet de droit, ils sont en nombre limité, s’exercent seuls
Ex : propriété, copropriété, l’usufruit (avec l’usage et l’habitation), les servitudes,
la superficie et l’emphytéose.
Propriété : mon droit sur une chose, une ou un corporel ; le droit le plus absolu
(il n’y a rien au-dessus). La propriété donne toutes les prérogatives du bien.
Copropriété : être propriétaire à plusieurs d’un seul et même bien ; j’ai déjà
moins de prérogatives sur le droit, je ne peux pas poser certains actes par rapport
à mon bien sans l’accord des autres propriétaires (à dialogue, collectivisation).
Usufruit : usage et droit de récolter les revenus du bien mais pas le droit de le
vendre.

• Les droits de créance = droits personnels, étant la faculté pour le créancier


(titulaire du droit) d’exiger de son débiteur (titulaire d’une obligation)
l’exécution d’une obligation, relation entre deux personnes : rapport linéaire, ils
sont en nombre non fermé, limité.
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Ex : droit au remboursement d’un prêt, crédit que j’ai fait ; quand je concède un
prêt à un individu. Je suis créancier (droit de créance) et le débiteur est titulaire
d’une obligation de rembourser le crédit.

3. Quant aux droits intellectuels, regroupant les prérogatives d’un sujet de droit sur les
créations de son esprit, qu’il s’agisse de propriété littéraire ou artistique ou de propriété
industrielle, ils présentent à la fois un caractère patrimonial, lorsqu’on envisage les
prérogatives pécuniaires, tel le droit d’exploiter son œuvre et d’en retirer des bénéfices,
et un caractère extrapatrimonial, s’agissant de prérogatives morales, comme le droit à
la paternité ou au respect de l’œuvre.
Ce sont donc des droits hybrides : une branche patrimoniale/pécuniaire (à peuvent
être monnayés) et une branche extrapatrimoniale/non-pécuniaire (à droits d’auteurs).
Ex : si on rénove, il faut l’accord de l’auteur.

12. Distinction classique de droits réels et de droits de créance ; énumération

Dans la vision classique du droit de créance et du droit réel :


- Le droit de créance est la faculté d’exiger de son débiteur l’exécution d’une
obligation, l’accomplissement d’un fait ou d’une abstention ; c’est un rapport
entre deux personnes déterminées ; les droits de créance existent en nombre
illimité.
Ex : J’ai conclu un contrat par lequel un jardinier vient tous les 15 jours tondre
ma pelouse contre rémunération (contrat d’entretien de ma pelouse) : droit
de créance.

- Le droit réel, qui vise à l’appropriation plus ou moins complète (soit toutes
soit une partie des prérogatives) d’une chose par le sujet de droit, serait un
rapport immédiat et direct entre une chose et une personne (pas entre deux
personnes); les droits réels sont limitativement énumérés par le Code civil,
art. 3.3. Choix d’un système fermé.
Ex : Propriété (je n’ai besoin de personne pour exercer mes prérogatives sur
le droit réel), Usufruit (usage et droit de récolter les revenus d’un bien à
maison : peut en prendre possession ou la louer et récolte les loyers ; n’a
besoin de personne) ; usus (=usage) et fructus (=revenu) à usufruit (terme
venant du droit romain

Puisque les droits réels sont en nombre limité, ils peuvent être cités : la propriété, la
copropriété, les droits réels d’usage (à savoir la servitude, la mitoyenneté, l’usufruit
vient de disparaitre du code le droit d’usage, le droit d’habitation reste d’application
Carla Quadflieg 11
dans le code mais ce n’est qu’une variété de l’usufruit) et les sûretés réelles
(l’hypothèque et le gage). On distingue les droits réels principaux, qui sont autonomes
(besoin d’aucun autre droit pour exister), et les sûretés (garanties) réelles (=droit réels
accessoires) qui accompagnent un droit de créance, qui en sont l’accessoire (d’un droit
de créance !!!).

Schéma

• Droits réels principaux : propriété, copropriété, usufruit (et habitation),


servitude, superficie et emphytéose

• Droits réels accessoires : hypothèque (j’ai obtenu un crédit de la banque pour


acheter un hangar pour démarrer un commerce et la banque peut s’assurer du
remboursement de crédit en demandant une hypothèque (sûreté réelle en plus
de celle de rembourser le crédit) pour la garantie de remboursement de ce prêt),
gage, …

A. Droits réels principaux : explication de la structure du Livre 3

- Droit de propriété qui est le droit le « plus absolu »


Art. 544 C. civ. 1804 ; usus : usage, fructus : droit de récolter les fruits (civils
ou industriels) produits par le bien et abusus : droit d’aliéner le bien ;
prérogative la plus extrême sur le bien à droit de vendre ou détruire
(destruction matérielle ou juridique : sort de mon patrimoine) mon bien)
Ou art. 3.50 du nouveau code civil ; droit de retirer toutes les potentialités du
bien (liberté absolues) sans rien faire qui soit interdit par les lois et
règlements (il y a des limites) ; droit absolu (général), exclusif (je l’exerce à
l’exclusion de tout autre) et perpétuel (ne se perd pas par un non usage
trentenaire >< droit réels démembrés : ils se perdent par non usage
trentenaire) ;
!! Mais pas le droit de mettre le feu à ma maison, interdit par le droit pénal,
je dois aussi respecter les droits de mes voisins, …

- Droit de copropriété : sorte d’indivision (propriétaire à plusieurs) ; le droit de


propriété portant sur une même chose, restant unique (non partagée donc),
ce droit est divisé entre plusieurs personnes, qui sont donc titulaires d’un
droit de même nature sur un même bien ; chacun reçoit des quotes-parts
mathématiques abstraites de droits ;
Exemple : Succession légale : un père veuf décède et laisse deux enfants à
la maison reste une et entière mais les enfants ont le même usage de chacune
Carla Quadflieg 12
des parties ; chacun aura une moitié du droit de propriétaire (quote-part :
moitié)

Différentes sortes de copropriété : 3.68

• Copropriété fortuite dont on peut unilatéralement sortir à tout moment par le


partage (art. 815 C. civ. 1804 ; 3.75 nouveau C. civ.) :
Née par succession, sans que les indivisaires n’aient rien fait.

• Copropriété volontaire née par contrat : 3.76, 3.77 :


Nombre incalculable d’exemples ; exemples : entrepreneurs achètent des biens
en commun à copropriété volontaire, qui nait de notre volonté à démarrer une
activité en commun ; nait d’un contrat ; chacun à des quotes-parts.

• Copropriété forcée en général ; non soumise à l’article 815 du Code civil 1804 ;
art. 3.78, 3.83 :
Je ne peux pas en sortir, elle est forcée.
Exemple : cour commune (ferme en U) : tout le monde a des prérogatives sur la
cour (de passage et de passage parfois)

Cas particuliers : mitoyenneté (art. 3.103 et suivants), copropriété forcée


d’immeubles ou groupes d’immeubles bâtis, essentiellement par appartements
(art. 3.84 et suivants)

Exemple : Un mur mitoyen, un immeuble à appartements (escaliers, sol, toit


communs)
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Quelques précisions :
Pour la copropriété fortuite, les copropriétaires peuvent à tout moment solliciter le
partage ; peuvent sortir d’indivision (à défaut d’accord, on va chez le juge qui va désigner
un notaire à y a-t-il plusieurs biens mais souvent, le partage en nature n’est pas
possible à on pratique alors une attribution en nature pour l’un et un partage par
équivalent pour l’autre = l’un acquiert le bien et indemnise l’autre) : acte de partage.

Quant à la copropriété volonté, elle n’est pas susceptible de partage. Si les partis n’ont
pas prévu de l’indivision, alors il n’y aura pas de partage. La réforme qui entre en vigueur
le 1er septembre 2021 va intervenir sur ce point car sanction actuelle est trop sévère. Si
les partis ne s’entendent plus : soit la copropriété a une durée déterminée à pas de
possibilité de partage mais il y aura un partage à la fin de ce laps de temps, soit la
copropriété a une durée indéterminée et dans ce cas, le législateur permet de solliciter
le partage moyennant un délai de préavis jugé raisonnable (max. 5 ans).

La copropriété forcée : éléments communs mis à disposition de lots privés. On ne sait


pas en sortir (indissoluble).

- Des droits réels d’usage portant sur le bien d’autrui (depuis le 4 février 2020
et entre en vigueur le 1er septembre 2021) :

o Le droit de servitude (art. 3.114 et s.) est le droit pour le fonds (=fonds de
terre, parcelle de terrain, bâtiment à élément immobilier qu’on rattache au
foncier, depuis 1804) dominant d’imposer une charge à un autre fonds,
appelé le fonds servant ; charge pour les fonds et non pour les personnes
(important en 1804 à on sort du système féodal), faculté
précise (prérogative limitée), droit perpétuel (porte sur un fond de manière
longue et de manière à faire perdre de la valeur à ce fond), sauf causes
d’extinction limitées (servitude inutilisée pendant 30 ans va s’éteindre par
prescription extinctive) ; origine légale (= distance légale de plantation) ou
« par le fait de l’homme » (contrat, prescription acquisitive, autres)

Exemple
- Servitude de passage (accéder d’un fond à un autre de manière
conventionnelle, pas besoin d’enclave) : une entreprise qui se situe en 2ème
ligne au niveau de la voirie avec une servitude de passage qui y mène et passe
par un autre fond à on profite de la servitude de passage car on est le fond
qui est derrière (servitude doit correspondre à l’exploitation qu’on veut, ex :
camion, véhicules du personnel, le type d’utilisation…) ; doit répondre au
besoin entrepreunarial.
Carla Quadflieg 14
- Servitude de canalisation : passer sous le terrain d’un voisin pour pouvoir se
rejeter à l’égout par exemple.

o Le droit d’usufruit, titre 6, art. 3.138, est le droit d’user d’un bien, meuble
ou immeuble, appartenant à autrui, appelé nu-propriétaire, et d’en
retirer les fruits (reçoit le droit d’usus et fructus), respect de la destination
et obligation de restitution, en principe droit viager (lié à la durée de vie
de l’usufruitier. Au décès de celui-ci, le droit de propriété est
automatiquement reconstitué sur la tête du nu-propriétaire qui a en fait
l’abus et il est rejoint par l’usus et le fructus), origine légale ou
conventionnelle, spécificité du droit d’habitation (particularité :
usufruitier a des prérogatives limitées à lui et sa famille peuvent y vivre
mais ne peut pas le louer ni percevoir le loyer).

Exemples
- L’usufruit conventionnel peut être concédé par le gérant d’une société à sa
société : le gérant d’une société achète un immeuble en s’en réservant la
nue-propriété et cède/vend l’usufruit à sa société = usufruit conventionnel
ou né par contrat. Ma société est une personne morale et l’usufruit des
personnes morales est actuellement limité à 30 ans mais à partir du 1er
septembre 2021, l’usufruitier pourra être modalisé comme on l’entend : plus
de limite temporelle ; jusqu’à 99 ans). Le gérant a la nue-propriété et la
société à l’usufruit et ce par contrat.

- Usufruit du conjoint survivant (usufruit légal) : si un époux décède, le conjoint


reçoit l’usufruit du conjoint décédé : sous le régime légal de la communauté
(pas de contrat de mariage), mon père décède, ma mère reçoit l’usufruit légal
de tous ses biens et moi et mon frère nous en recevons la nue-propriété

o Le droit d’emphytéose : avant loi du 10 janvier 1824 (issu d’une loi


hollandaise), explications sur origine d’emphytéose et superficie.
Le droit d’emphytéose (Titre 7, art. 3.167 et s.) consiste en la pleine
jouissance d’un immeuble appartenant à autrui, sans rien faire qui en
diminue la valeur (mais à part ça, je peux faire ce que je veux :
constructions, aménagements…), la plupart du temps sur un bâtiment
qui existe déjà. Le titulaire du droit est appelé l’emphytéote, le
propriétaire du fonds, le bailleur emphytéotique, analogie avec un
« super bail » mais il s’agit un droit réel ; droit qui ne peut avoir une durée
inférieure à 27 ans (d’habitude un bail a une durée de 9 ans), ni
supérieure à 99 ans. Avantage : très long et protecteur pour
l’emphytéote (durée minimale à je ne peux pas retirer ce droit avant
Carla Quadflieg 15
cette limite). La réforme intervient également en matière de la durée du
droit d’emphytéose pour offrir plus de souplesse aux partis ; on ne
touche pas au délai plafond mais on réduit le délai plancher : 15 ans !
(flexibilité).
Arrive souvent dans le cadre de partenariats privés/publics.

o Le droit de superficie : pour comprendre le droit de superficie, il faut


d’abord comprendre l’étendue de la propriété immobilière, art. 3.63, la
notion de volumes (entité tridimensionnelle) et la notion d’accession
(existe depuis le droit romain et en vertu de laquelle le propriétaire du
sol est propriétaire du sursol et du sous-sol mais connaît déjà beaucoup
de limitation aujourd’hui ; lignes de câbles, avions au-dessus,
exploitation de carrière/minière en-dessous) verticale, art. 3.64 et 3.65.
Le droit de superficie, Titre 8, art. 3.177 et suivants (avant, provenait du
code hollandais et entre dans le nouveau code le 1er septembre 2021,
comme le droit d’emphytéose) : droit réel d’usage qui confère la
propriété de volumes, bâtis ou non, en tout ou en partie, sur, au-dessus
ou en dessous du fonds d’autrui aux fonds d’y avoir tous ouvrages et
plantations.
Question essentielle : la durée du droit de superficie. Le droit de
construire du superficiaire résulte de la nature même du droit
Superficie reste temporaire, pas perpétuelle. En ce moment : 50 ans et
1er septembre 2020 : 99 ans (on harmonise les droits réels d’usage).
Au départ, la conception de volume est innovante (2021) : on
saucissonne horizontalement et plus verticalement.
Le droit de construire fait partie de la nature même du droit de superficie.

Exemples
- Tout le système de la promotion immobilière en droit belge repose sur le
droit réel d’usage qui est la superficie. L’intérêt pour un promoteur
immobilier est de ne pas acheter le sol sur lequel il va construire (ne paie pas
le prix d’achat du terrain et des droits d’enregistrement à 12,5% car son but
est de revendre à partenariat entre le propriétaire du sol, tréfoncier, et le
promoteur qui est le superficiaire ; et vendent 1 à 1 les appartements).
Carla Quadflieg 16

B. Les droits réels accessoires sont dits accessoires car s’accrochant à une relation,
première, de créance ; ils n’ont pas d’existence autonome, ils sont la garantie d’un droit
de créance.
On peut citer, en vertu de l’article 3.3, outre le droit de rétention (ex. droit dont dispose,
à la fin de son droit, le superficiaire sur les constructions qu’il a faites, ce droit persiste
aussi longtemps que le superficiaire n’est pas indemnisé par le tréfoncier),

o L’hypothèque (légale ou conventionnelle (contrat) – uniquement sur des


immeubles) : vient en garantie d’un prêt qui est fait en vue dans l’achat
d’un bien immobilier. Droit réel accessoire le plus courant.

Ex :
- Hypothèque concédée à une banque en garantie d’un prêt fait pour l’achat
d’un immeuble ; cette hypothèque porte, en principe, sur l’immeuble acheté
au moyen du prêt.
- Je développe mon entreprise et je dois acheter un hangar à je contacte ma
banque pour contracter un prêt en vue de l’achat. La banque me demande
une garantie (hypothèque : droit de suite et de préférence).

o Le privilège (toujours légal – sur meubles ou immeubles) ; nuances

Ex :
- SPF finance a un privilège légal du Fisc (en cas de vente de mon immeuble,
notaire note les modifications fiscales et sociales). Privilège du fisc passe en
tout premier
- Privilège du bailleur impayé sur les meubles meublants (il y a des limites : je
ne peux pas saisir tous les meubles, je peux saisir les meubles saisissables et
les vendre pour récupérer le montant du loyer impayé)
- Privilège du vendeur d’immeuble impayé portant sur l’immeuble vendu (j’ai
un privilège qui persiste sur l’immeuble que j’ai vendu, je peux le récupérer
et le vendre pour récupérer l’argent qui ne m’a pas été versé) à rare !

o Le gage (matière modifiée depuis 2013). Avant cette date, le père de


famille qui n’arrive plus à nourrir sa famille met par exemple sa montre en
gage, créancier gagiste peut transformer la montre en argent s’il ne
l’obtient pas. En 2013, on a amélioré cette notion de gage : l’emprunteur
n’a jamais envie de se déposséder du bien qu’il doive mettre en gage à
Carla Quadflieg 17
absence de dépossession. Toujours mobilier mais maintenant : sans
dépossession mais enregistré dans le registre des gages. Loi du 11 juillet
2013, entrée en vigueur le 1er janvier 2018

Ex :
- Gages sur fonds de commerce : on exploite une entreprise et on veut
remettre notre activité. Le repreneur va racheter le fonds de commerce ; ne
sait pas le financer sans un crédit à on passe par l’hypothèse d’un gage sur
fonds de commerce ; pas de dépossession, je garde mon fonds de commerce,
je l’exploite et si je ne rembourse pas, la banque pourra le saisir et le vendre
à quelqu’un d’autre.

13. Originalités (avantages, attributs) fondamentales du droit réel par rapport au droit
de créance dans la théorie classique

1. Au point de vue de la structure : le droit réel serait un rapport immédiat entre


une personne et une chose, tandis que le droit de créance, relation entre deux
personnes, ne toucherait le cas échéant la chose que de façon médiate. Cela a
comme conséquence que le droit réel ne peut porter que sur une chose existante
et spécifiée ; spécialité des droits réels (art. 3.8) : un droit réel sur une chose
future ne nait que lorsque la chose nait (ex. je vous vends la récolte de fraises
2021)

Ex :
- Materne (confitures, compote) contracte avec des agriculteurs pour leur
acheter leur récolte de pommes, fraises… de l’ANNÉE. Au jour où on conclut
le contrat, la récolte n’existe pas encore ; vente d’une chose future. Mais le
droit de réel de propriété sur la récolte n’existe que quand la récolte existe.
Ce principe n’a lieu QUE pour les droits réels.

2. Au point de vue de l’efficacité, le droit réel est muni en principe de deux


avantages que ne possède pas le droit personnel. Il s’agit du droit de suite,
application du principe d’antériorité, et du droit de préférence (important !),
protection contre l’insolvabilité.

A. Le principe d’antériorité et le droit de suite (pour droit réel principal OU accessoire)


Art. 3.4
Selon le principe d’antériorité (on privilégie le droit qui est le premier dans le temps), un
droit réel antérieur prévaut sur un droit réel postérieur ce qui explique qu’en cas de
Carla Quadflieg 18
concours entre deux droits réels principaux, la règle est « prior tempore, potior jure » et
donc l’emporte le premier dans le temps (nuance ultérieurement avec les règles de
publicité).

Ex :
- Si je concède un usufruit à ma maman pour qu’elle puisse, de son vivant,
continuer à vivre dans l’immeuble sans qu’elle ait à se tracasser d’un loyer…,
je concède un usufruit. Je vais faire un acte authentique et transcrire cet
usufruit. Quelques années plus tard, je ne rembourse pas un créancier qui est
par exemple mon oncle. Il décide de saisir mon immeuble et de le mettre en
vente. Le nouveau propriétaire de mon immeuble devra respecter l’usufruit
de ma maman car j’ai un droit réel principal qui est antérieur.
- Une servitude (par exemple de passage), droit réel perpétuel, née par acte
en 1948 et grevant une parcelle suivra cette parcelle en quelques mains
qu’elle passe (même s’il est vendu et revendu) ; ainsi, si le propriétaire du
fonds servant, du fonds grevé, vend sa parcelle, celle-ci demeure grevée de
la servitude qui continuera de porter sur la parcelle vendue et sera opposable
au nouveau propriétaire de celle-ci.

Entre deux droits réels accessoires de même nature, telle l’hypothèque, la règle est la
même, les priorités entre les différents droits réels accessoires étant réglées pour le
surplus, de façon très détaillée, dans la loi hypothécaire essentiellement.

Ex :
- Si j’ai acheté mon immeuble via un crédit sur 20 ans en 2003, j’ai une
hypothèque sur 20 ans qui va exister sur mon immeuble (s’éteint en 2023).
Si je décide de concéder une deuxième hypothèque sur cet immeuble en
2020, en cas de difficultés, les banques vont regarder un premier droit réel
en 2003 : créancier de 2020 est remboursé totalement et le créancier qui
bénéfice de l’hypothèque de 2020 va pouvoir en bénéficier APRÈS
- Pour mémoire, ce principe n’est pas vrai dans le cadre d’un concours entre
des biens réels accessoires qui seraient d’une part un privilège et une
hypothèque, le privilège prime l’hypothèque

Le principe d’antériorité explique donc le droit de suite, à savoir le droit, pour le titulaire
du droit réel, de suivre la chose sur laquelle porte son droit en quelques mains qu’elle
passe pour faire valoir son droit.

Ex :
- J’achète ma maison au moyen d’un prêt garanti par une hypothèque ; je
revends ma maison sans solder le prêt, l’hypothèque perdure.
Carla Quadflieg 19
Au contraire, le droit de créance ne possède aucun droit de suite, comme l’illustre article
3.36. Le créancier chirographaire (qui n’a donc qu’un droit de créance, sans aucun droit
réel accessoire) ne peut suivre tel ou tel bien qui sortirait du patrimoine de son débiteur
si son débiteur commence à vendre différents biens.

Ex :
- Société de toiturier : je contracte avec un châtelain (possédant un très beau
château) ; gros budget, je me dis qu’il n’y aura pas de problème. Si le
châtelain commence à dilapider son patrimoine (vendre des parcelles de
terrains…), on est embêté car la garantie qu’on pensait avoir va commencer
petit à petit à disparaître. On pourrait se retrouver face à un client insolvable
(dépend des délais…) alors que peut-être une grosse partie du travail a été
faite.

Il existe toutefois des tempéraments : ex. l’action paulienne si mon débiteur organise
son insolvabilité (fraude) par des donations ou libéralités à dans ce cas, on peut
contester, rechercher les biens donnés pour dire que les biens étaient dans le
patrimoine au moment où j’ai commencé le travail à exception du droit de créance :
ici, on bénéficie d’une sorte de droit de suite (procédures…). Assez rare car pas facile de
prouver…

B. Le droit de préférence et la protection contre l’insolvabilité


Le droit de préférence permet au titulaire d’un droit réel d’opposer ce droit à quiconque
sans devoir subir la concurrence d’autres droits et en étant préféré en cas d’insolvabilité.
Le droit de créance ne possédant pas cette caractéristique qu’est le droit de préférence,
en cas de concours entre deux ou plusieurs droits de créance, sans droit réel accessoire,
aucun créancier ne sera préféré. Ils subiront la loi du concours quelle que soit la date de
naissance de leur droit, emportant le cas échéant une réduction proportionnelle de leur
créance, appelée réduction au marc le franc (art. 3.6)

Ex :
- Dans mon patrimoine, il y a un appartement qui vaut 180.000 euros et
différentes dettes : un prêt fait par mon frère de 120.000 euros en 2020, un
prêt Cofidis de 70.000 euros contractés en 2017 et un prêt consenti par mon
oncle en 2006 et portant sur 50.000 euros.
- Loi du concours = les créanciers sont mis sur un pied d’égalité
- Réduction au marc le franc = le passif excède l’actif, chacun n’obtiendra donc
qu’une partie du remboursement de sa créance ; aucun créancier ne passe
avant les autres car pas de droit réel accessoire à pas de droit de préférence.
Carla Quadflieg 20
- Formule : actif sur passif = 180.000 (A)/240.000 (P) (6/8) àchacun de mes
créanciers recevra donc 6/8è de sa créance

Évidemment, en cas de concours entre un droit réel accessoire et un droit de créance,


c’est le droit réel qui l’emporte, en vertu du droit de préférence.

Ex :
- Conflit entre créancier chirographaire et créancier disposant d’une sûreté
réelle
- Même exemple mais cas contraire : dans mon patrimoine, il y a un
appartement qui vaut 180.000 euros et différentes dettes : un prêt fait par
ING en 2020 et portant sur 120.000 euros, ce prêt étant assorti d’une
hypothèque portant sur l’appartement et garantissant l’entièreté de la
créance d’ING, un prêt Cofidis de 70.000 euros contracté en 2017 et un prêt
consenti par mon oncle en 2006 et portant sur 50.000 euros.

Dans cette hypothèse, ING, ayant un droit réel accessoire, se paiera (=sera remboursé)
en premier et par préférence sur l’appartement sur lequel porte son hypothèque (droit
de préférence). ING se remboursera totalement. Il restera 60.000 euros d’actif que
Cofidis et mon oncle devront se répartir au marc le franc à pas de droit réel accessoire
à pas de droit de préférence (ils recevront chacun la moitié de leur créance, on fait actif
sur passif donc 60.000 (180.000-120.000) /120.000 = 1/2). ATTENTION : le droit de
préférence ne s’incline pas en raison de la temporalité lorsqu’il est le seul existant.

14. Rapports entre droit réel et droit de créance

A. D’abord, les droits réels, comme les droits de créance, sont des droits patrimoniaux,
impliquant une notion de valeur économique.

B. Ensuite, le plus souvent, le droit de créance est le préliminaire obligé du droit réel (il
le précède) : on est d’abord titulaire d’un droit de créance avant de devenir titulaire d’un
droit réel.

Explication : le plus souvent, lorsque l’on devient titulaire d’un droit (réel) c’est par
transmission, parce qu’une personne transmet le droit à une autre personne. En
d’autres termes, le plus souvent, le droit s’acquiert par mode dérivé (art. 3.14).

Ex :
- Contrat de vente
- Donation
Carla Quadflieg 21
Certes, il existe des modes originaires (art. 3.14) d’acquérir un droit, qui n’impliquent
aucune idée de transmission ; le droit naît dans le chef d’une personne par la réunion
d’une série de conditions fixées par la loi, sans aucune transmission d’une personne à
une autre, mais ils sont moins fréquents.

Ex :
- Prescription acquisitive (aucun contrat mais du jour au lendemain on prend
possession) : mode d’acquisition de la propriété qui est fondée sur une
position trentenaire.
Si j’ai pris propriété d’une petite parcelle (je l’entretiens…), au bout de 30 ans
j’en suis le devenu propriétaire (si personne ne s’en plaint…). à droit
nouveau qui naît en notre chef mais personne ne m’a transmis son droit
préexistant

Or, lorsque l’on acquiert un droit par mode dérivé (contrat), le plus souvent, il y a donc
(sauf succession légale) un acte juridique qui va opérer la transmission du droit, par
exemple un contrat de vente, un contrat de donation, un contrat d’échange ; l’on
constate alors que l’acquéreur, le donataire, reçoit d’abord un droit de créance
(personnel) avant de recevoir son droit réel de propriété.

Ne pas connaître : Explication détaillée avec le contrat de vente : en droit belge, le


principe est inscrit à l’article 1138 du Code civil 1804, de façon générale, et à l’article
1583, spécifiquement pour le cas de la vente : le contrat de vente est conclu par le
simple échange des consentements (quelle que soit sa forme). Aujourd’hui, c’est l’article
3.14 qui reprend cette règle. C’est un contrat, un acte juridique bilatéral au niveau de sa
formation, qui crée des droits et obligations correspondantes dans le chef des deux
parties et notamment l’obligation pour le vendeur de transférer la propriété du bien à
l’acheteur. C’est une obligation correspondant à un droit de créance pour l’acheteur,
celui-ci ayant le droit d’exiger du vendeur qu’il lui transfère la propriété du bien vendu.

Schéma : connaître
La vente est dite parfaite lorsque vendeur et acheteur sont d’accord sur le prix et sur la
chose vendue, dès qu’il y a échange des consentements sur ces deux éléments. (Il faut
mais il suffit que l’acheteur et vendeur soit d’accord sur la chose et le prix pour qu’il y
ait vente.)

Si l’on prend l’exemple d’une vente immobilière, la vente est parfaite à l’échange des
consentements qui sera bien souvent formalisé par une offre acceptée ou la signature
d’un compromis de vente qui est un acte sous signature privée. La vente immobilière en
droit belge n’a jamais lieu au moment du consentement (on retarde la vente jusqu’au
Carla Quadflieg 22
jour de l’acte authentique :) dans les 4 mois (délai voulu par le fisc) du compromis, l’acte
authentique de vente doit être signé devant notaire.
Dans cette hypothèse, l’on retarde le transfert de propriété du bien immeuble vendu
jusqu’à l’acte authentique de vente, le droit de propriété ne nait dans le chef de
l’acquéreur qu’au jour de cet acte, mais entre l’échange des consentements, le
compromis et l’acte authentique, l’acheteur a un droit à la propriété (droit de créance)
de l’immeuble en question si bien que si le vendeur veut se dédire, l’acheteur pourra
l’assigner en passation forcée d’acte authentique pour obtenir la finalisation de la vente
aux conditions convenues et le transfert du droit de propriété.
à Le droit de créance précède donc TOUJOURS le droit réel !

Il arrive cependant bien des cas où l’on n’aperçoit pas ce droit de créance, ce droit à la
propriété qui précède le droit réel, le droit de propriété car l’opération a lieu en un seul
temps (ex. je vais chez MediaMarkt et j’achète un sèche-cheveu, l’échange des
consentements et le transfert de propriété ont lieu simultanément). Le principe est alors
que la propriété est transférée par et au moment de l’échange de consentements. Dès
la conclusion du contrat, l’acheteur a un droit de créance qui lui permet d’exiger du
vendeur l’exécution de son obligation de transférer la propriété et ce droit de créance
se transforme donc immédiatement, par et, en principe, au moment, de cet échange
des consentements, en un droit de propriété, droit réel, sur le bien. Il y a donc d’abord
un droit de créance et ensuite un droit réel, même si ce droit de créance n’existe qu’un
instant de raison.

Toutefois dans certaines circonstances, on aperçoit mieux que ce droit de créance


préexiste au droit réel. C’est notamment, lorsque, par exception, la propriété n’est pas
transférée au moment de l’échange des consentements mais plus tard, qu’il s’agisse :
- Du moment où la chose existe en cas de vente d’une chose future ;
Ex :
- La vente d’une récolte de fruits qui n’a pas encore poussé car nous sommes
en février et que je vends une récolte de pommes qu’il faudra cueillir fin août.
Entre la signature du contrat et la naissance de la récolte qui a été vendue,
l’acheteur a déjà un droit à la propriété sur la récolte vendue, ce droit à la
propriété (= de créance) se transformera en un droit de propriété quand la
chose nait/existe et au moment où il y a transfert de propriété.

- Du moment où la chose de genre est spécifiée, en cas de vente portant sur


une chose de genre (une chose de genre est un bien non individualisé) ;
Ex :
- Un tas de plusieurs tonnes de sable, de terreau…). L’acheteur de 400 sacs de
10kg de sable n’en devient propriétaire que lorsque ses sacs sont
individualisés, lorsque la chose de genre n’est plus un tas de sable
Carla Quadflieg 23
Droit réel est toujours précédé par un droit de créance (susceptible de protection
judiciaire si difficultés).

- Ou encore du moment fixé par les parties en cas d’insertion dans le contrat
d’une clause de réserve de propriété reportant précisément le transfert de
propriété (lien avec le transfert des risques ; sauf exception art. VI.44 du
CDE).

Ex :
- La clause de réserve de propriété (est enregistré dans le registre des gages
à force très importante ; droit réel accessoire (sûreté réelle)), elle est très
fréquente et a pour conséquence de retarder le transfert de propriété
jusqu’à un moment postérieur à l’échange des consentements et
accepté/fixé par les parties au contrat par un commun accord.
Ex : j’accepte un frigo chez Vandenboore, le bon de commande prévoit que
le transfert de propriété et le complet paiement du prix (hors acompte ;
protéger le fournisseur) aura lieu à la livraison (c’est nous que ça protège, ex :
le frigo est détruit) ; bien est installé si prix est totalement payé. Mais le client
a déjà un droit vis-à-vis de nous un droit de créance (droit à la propriété) à
l’échange des contentements qui deviendra un droit de la propriété.

C. Enfin, contrairement à la règle énoncée, il arrive que des droits de créance soient
exceptionnellement pourvus d’un droit de suite (droit réel) ou que, à l’inverse, des droits
réels soient dépourvus de celui-ci.

Ainsi, par exemple, en matière de droit commun des baux d’immeubles (bail à loyer),
l’article 1743 du Code civil 1804 énonce que, sauf clause contraire (sauf si le contrat
indique le contraire), si le bail est authentique (acte notarié car plus de 9 ans) ou à date
certaine (art. 8.22 Code civil ; acte pas authentique mais acte sous signature privée)
(avant que la vente ait elle-même date certaine), le locataire pourra rester dans les lieux
et ne pourra pas être expulsé par l’acquéreur, nouveau propriétaire. En matière de bail,
l’enregistrement (bureau de l’enregistrement et des domaines) est obligatoire et est à
charge du bailleur. Le droit de bail n’est pas un droit réel. Locataire est titulaire d’un
droit de créance, personnel, il est en principe dépourvu/démuni du droit de suite à le
législateur a codifié une loi en prévoyant que le locataire pourra rester dans les lieux
même en cas de vente et ne pourra pas être expulsé.

En Région Wallonne (seulement), l’article 1743 du Code civil n’est plus d’application en
ce qui concerne uniquement les baux d’habitation (=baux de résidence du preneur dans
les liens) et est remplacé par l’article 40 du décret du 15 mars 2018 relatif au bail
Carla Quadflieg 24
7
d’habitation , qui prévoit la même règle d’opposabilité en cas de transmission du bien
loué (pas besoin que l’acte soit authentique ou à date certaine) à si je suis dans les lieux
au moment de la vente, je suis protégé.
Applicable depuis 1804 pour les baux authentiques et à date certaine. Et 15 mars 2018
pour la région Wallonne pour tous les baux d’habitation.

Explication :
Exceptionnellement, un bail de résidence principale est muni d’un droit de suite (le
locataire qui est dans les lieux et qui a un droit antérieur à la vente est protégé), c’est la
volonté du législateur de protéger le preneur en cas de vente par le bailleur de bien loué
(le but étant d’éviter que le nouveau propriétaire puisse expulser le locataire aux motifs
qu’il n’a pas signé son bail et que, le cas échéant le vendeur ne lui a pas indiqué que le
bien vendu était loué). Le but est d’éviter qu’un nouveau bailleur procède à l’expulsion
du locataire.

A l’inverse, en matière de droits réels immobiliers (immeubles ; vente, servitude,


superficie, emphytéose, usufruit sur un immeuble), autres que les privilèges et
hypothèques, le droit réel sera dépourvu de son droit de suite vis-à-vis du tiers protégé
(par la loi hypothécaire) de bonne foi, si l’acte créateur dudit droit réel n’a pas été
transcrit à l’Administration générale de la Documentation patrimoniale. (Droit réel est
dépourvu de droit de suite). La transcription d’un droit réel immobilier ça veut dire que,
par rapport au bien grevé (fond servant), par rapport au bien titulaire de la servitude
(fond dominant), dans les registres fonciers (tenus par l’État), je vais avoir une
retranscription en toutes lettres de mon acte constitutif de servitude (but : à tout
moment, quand je consulte les registres qui sont publics, on obtient intégralement l’acte
constitutif de servitude à publicité vis-à-vis des tiers). On est conscient des servitudes
avant l’acte authentique de vente. Ici, l’hypothèse envisagée est inverse. Des voisins
n’ont pas fait un acte notarié. Si voisin décède, enfants vendent le terrain ; acheteur
veut savoir les servitudes de passages… à Administration ne sait pas car pas acte
notarié à dit qu’il n’y a pas de servitude de passage. Pas de droit de suite car libre de
toute charge à problème car nouvel acquéreur n’a pas connaissance du droit de
servitude. Il y a ici protection de l’acquéreur (tiers protégé de bonne foi ; n’a pas
connaissance de l’acte non transcrit) et va pouvoir dire que l’ancien voisin n’a pas
respecté les règles d’opposabilité à servitude de passage perd son droit de suite. On ne
protège QUE les tiers de bonne foi (ex : pas si l’acquéreur connaît l’existence de l’accord)
à pas de perte du droit de suite.

7
Décret du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation, M.B. 28 mars 2018.
Carla Quadflieg 25
Explication :
Une servitude de passage que deux voisins rédigent sur un bout de papier signé entre
eux (et non sur un acte authentique devant notaire) et qu’ils appliquent et respectent
scrupuleusement 10 ans ne sera pas opposable au nouvel acquéreur du fonds servant,
s’il est de bonne foi, c’est-à-dire s’il ignore l’existence du bout de papier créateur de la
servitude parce par exemple l’un des voisins est décédé et que ce sont ses enfants qui
vendent en parfaite ignorance du service foncier créé entre les fonds et qu’ainsi son acte
d’achat ne mentionne l’existence d’aucune servitude.
Carla Quadflieg 26
CHAPITRE II. LES NOTIONS D'OBLIGATION ET D'ACTION

15. Obligation : définition


L’obligation est l’aspect passif du droit, c’est la charge, c’est la dette corrélative à un
droit, c’est le revers de ma médaille avec un droit. Dans la plupart des cas, « ius et
obligatio sunt correlata », droit et obligation se correspondent.

Schéma :
En face d’un droit, on trouve une obligation (c’est l’autre versant).
Je réclame à mon jardinier d’entretenir 2x l’an mon jardin, jardinier a une obligation.

L’adage (« ius et obligatio sunt correlata ») est toutefois excessif dans la mesure où il
existe, par exception, l’un ou l’autre droit en face duquel ne se trouve point d’obligation.
C’est le cas des droits dits non relationnels (droit en face duquel il n’y a pas d’obligation).

Ex :
- Droit de propriété : je n’ai besoin de personne d’autre pour exercer mon droit
de propriété. à Non relationnel. Je n’ai besoin de personne quand je suis
propriétaire.

16. Obligation réelle et obligation personnelle : sur base de la théorie classique à la


théorie néo-personnaliste
La théorie classique qui n’analyse le droit réel que comme un rapport entre une
personne et une chose a été critiquée fin du 19ème siècle (trop simpliste),
essentiellement pour le motif que le droit existe pour régler des rapports sociaux et donc
des rapports entre des personnes (l’une qui bénéficie d’un droit et l’autre qui est tenue
d’une obligation) et non entre des personnes et des choses.
En face d’un droit réel, j’ai une obligation réelle. Pour pouvoir retrouver l’obligation
réelle, on sait qu’elle est TOUJOURS négative (ne pas faire quelque chose).

L’école néo-personnaliste 8, brièvement résumée, soutient que les droits réels, autres
que le droit de propriété par définition non relationnel, sont aussi des relations entre
personnes, le propriétaire du bien sur lequel existe un droit réel étant effectivement
tenu, et lui seul, d’une obligation.

8
Voy. pour cette théorie, essentiellement, C. RENARD, avec la Collaboration de J. HANSENNE,
Cours d’encyclopédie du droit, polyc., Liège, 1960, spécialement n° 251 ; S. GINOSSAR, Droit
réel, propriété et créance. Elaboration d’un système rationnel des droits patrimoniaux, Paris,
L.G.D.J., 1960.
Carla Quadflieg 27
Cette obligation, négative certes mais obligation quand même, consistant à laisser
s’exercer sur son bien les prérogatives impliquées par le droit réel concédé, est dite
réelle et pèse sur lui parce qu’il est propriétaire d’un bien et qu’il a mis son bien au
service d’autrui en lui conférant un droit réel. Elle sera transmise aux propriétaires
ultérieurs du bien.
Rappel : droit réel est muni d’un droit de suite. Mais aussi, l’obligation négative suit le
bien en quelques mains qu’il passe.
Illustration avec d’autres droits réels relationnels :
• Usufruit – l’usufruitier a le droit d’usufruit et le nu-propriétaire est tenu d’une
obligation réelle, qui est toujours une obligation négative, soit une obligation de ne
rien faire qui nuise aux prérogatives de l’usufruitier.

• Servitude – le titulaire du fonds dominant a le droit réel, le titulaire du fonds servant


est tenu d’une obligation réelle, négative donc, ne rien faire qui entrave l’exercice
de la servitude (le passage par ex.).

• Superficie – le superficiaire a le droit réel de superficie tandis que le tréfoncier est


tenu de l’obligation réelle, négative donc, et doit s’abstenir de tout acte pouvant
entraver l’exercice par le superficiaire de son droit.

• L’obligation personnelle, elle, correspondant à un droit de créance, pèse sur la


personne en tant que personne et à son décès, elle passera, en principe, aux
continuateurs de cette personne, à ses ayant-cause.

• L’emphytéose, l’emphytéote a la jouissance totale d’un immeuble appartenant à


autrui (peut faire des travaux…) et le bailleur emphytéotique est tenu d’une
obligation réelle, ne rien faire qui entrave la jouissance de l’emphytéote.

Ex :
- Par opposition, l’obligation personnelle (droit de créance), est une obligation
de faire (facere), de ne pas faire (non facere) ou de transférer la propriété
d’une chose (dare).
- Je m’engage à entretenir votre jardin, à ne pas faire de bruit de moteur le
dimanche après 13h ou à vous vendre ma moto

17. Classifications des obligations : obligations de facere, dare et non facere


Cette classification joue en matière patrimoniale.
On distingue :
• L’obligation de facere : obligation de faire
Carla Quadflieg 28
Ex :
- Je m’engage à entretenir votre jardin ; obligation de faire (ex : en cas de
conflit de voisinage, entretenir le jardin pour ne pas faire trop d’ombre au
voisin si panneaux photovoltaïques par exemple).

• L’obligation de non facere : obligation de ne pas faire, supposant une abstention, un


laisser-faire. (Peut être une obligation réelle ou n’importe quelle obligation
personnelle).

Ex :
- Je m’engage à ne pas faire de bruit de moteur le dimanche après 13h.
- Obligation de ne pas faire les karts dans mon karting avec le volet ouvert
après 22h30…
- Clause de non-concurrence : je m’engage à ne pas débaucher les clients, des
ne pas m’installer dans un rayon X d’un commerce similaire…

• L’obligation de dare : obligation de transmettre à quelqu’un la propriété d’une


chose, ou la titularité d’un droit réel, ou encore l’obligation de constituer un droit
réel au bénéfice d’autrui.
Explication des actes translatifs et constitutifs, assimilés les uns aux autres la plupart
du temps.

Ex :
- Je m’engage à vous vendre ma moto à une date précise (engagement
unilatéral) : ne vaut pas transfert de propriété puisque je me suis engagé à
une date précise à j’ai retardé le transfert de propriété à ce moment-là mais
entre temps, je suis tenu une obligation de dare.

18. Obligation de moyen et obligation de résultat (distinction) : aperçu


• L’obligation de moyen est l’obligation par laquelle le débiteur s’engage à mettre tout
en œuvre pour aboutir à un résultat déterminé, mais sans garantir l’obtention dudit
résultat.

Ex :
- Je suis humoriste, le Forum m’engage pour un spectacle drôle, mon
obligation est une obligation de moyen, je m’engage à faire de mon mieux
pour faire rire mais je ne peux pas garantir le résultat.
Carla Quadflieg 29
• L’obligation de résultat est l’obligation par laquelle le débiteur s’engage à fournir un
résultat.

Ex :
- Je suis humoriste, le Forum m’engage pour un spectacle drôle qui aura lieu le
1er mars 2022, mon obligation d’être présente au jour convenu et à l’heure
convenue est une obligation de résultat, je m’engage à ne pas être en retard,
je dois atteindre ce résultat

L’intention des parties/la volonté des parties est déterminante pour décider si
l’obligation est de moyen ou de résultat.

Ex :
- Responsabilité médicale : j’arrive aux urgences après un grave accident, si je
ne suis pas sauvée, la responsabilité du médecin en charge de mon cas sera
examinée au regard d’un obligation de moyen.
- Si je suis admise à l’hôpital pour le placement d’une prothèse de genou au
genou gauche, mais que le chirurgien ouvre mon genou droit, il viole une
obligation de résultat, opérer le genou gauche (on doit marquer d’une croix
le membre qui doit être opéré).

Incidence de cette distinction quant à la responsabilité contractuelle : renvoi.

19. L'action : définition


L’action est la traduction sur le plan contentieux, sur le plan judiciaire, sur le plan
dynamique, d’un droit que l’on prétend avoir et que l’on nous conteste
L’action est la troisième facette d’une même réalité : droit, obligation et action.
Ex :
- Si mon droit de propriété sur tel bien est contesté, j’ai une action en
revendication pour me défendre.
- Si mon droit de servitude contesté est remis en question (ex. le voisin place
une haie sur l’assiette d’une servitude de passage), j’ai une action confessoire
de servitude pour le contraindre à me laisser passer (le cas échéant sous
astreinte) ; je peux faire connaitre en justice mon droit de servitude.

20. La notion d'action dans le domaine extrapatrimonial (pour mémoire)


Carla Quadflieg 30
Exemples : exemples de contestation ; ma filiation doit être reconnue (paternité ex :
Delphine Boël)
21. La notion d'action dans le domaine patrimonial
Dans le domaine patrimonial, c’est la même distinction qui resurgit à propos des actions,
que celle vue à propos des droits et des obligations.

On distingue ainsi :
• Les actions réelles, mises en œuvre sur le plan judiciaire d’un droit réel que l’on
prétend avoir et que l’on nous conteste

Ex :
- Action en revendication : un tiers conteste ma propriété, ex : mon voisin
conteste ma propriété sur une bandelette entre nos jardins, il dit qu’on ne
sait pas à qui elle appartient et je dis qu’elle m’appartient, je peux faire une
action de revendication (s’il y met une barrière par exemple).

• Les actions personnelles mettant en œuvre un droit de créance

Ex :
- Action en passation forcée d’un acte authentique de vente immobilière
(expression dynamique de mon droit à la propriété = droit de créance qui
précède mon droit réel de propriété) = action par laquelle je protège mon
droit de propriété (transférer la propriété à obligation).

Importance de la distinction en matière de prescription extinctive, càd le fait qu’une


action, mise en œuvre dynamique d’un droit n’est pas perpétuelle (cfr infra). J’ai intérêt
à réfléchir au fait que je peux perdre mon droit d’action si je laisse s’écouler un temps
trop long. Les actions réelles (droit réel) se prescrivent par 30 ans. Les actions
personnelles (droits de créance) se prescrivent par 10 ans (délai qui dans certains cas
est plus court, ex. 5 ans, 3 ans voire un an).

Rappel :
Droit réel : a le droit de suite, de préférence et les actions réelles se prescrivent par 30
ans.
Droit de créance : en principe non muni du droit de suite et de préférence et les actions
personnelles se prescrivent beaucoup plus rapidement.
Carla Quadflieg 31

CHAPITRE III. LA POSSESSION : DE LA TITULARITÉ ET DE L'APPARENCE

Section 1. Généralités

22. La notion de possession


Avoir un droit signifie être titulaire d’un droit subjectif.

Posséder un droit signifie par contre tout autre chose… La possession, elle, est une
notion de pur fait : c’est le fait de se comporter comme si on était titulaire d’un droit
subjectif indépendamment de la question de savoir si on est véritablement titulaire de
ce droit.

Ex :
- Mon grand-oncle avec lequel j’avais fort peu de contact décède, je suis son
seul héritier légal en vie et donc je vais être contacté par le notaire pour
m’occuper de ses affaires, je vais me charge des obsèques, entrer dans sa
maison (nourrir son chat), gérer les contrats de fourniture (électricité, gaz,…),
entretenir la maison en allant tondre le jardin, en fermant les volets le soir,
je paie l’assurance incendie, je m’occupe des petits remplacements… bref je
me comporte comme si j’étais le plein propriétaire de cet immeuble (je pense
l’être). Puis après quelques années, se présente un quidam que je ne connais
pas, Pierre-Paul, qui exhibe (montre) un testament (olographe) écrit et daté
de la main de mon oncle et par lequel mon oncle lui lègue tous ses biens le
qualifiant d’« ami sur lequel il a toujours pu compter ». Je me suis comporté
comme possesseur (ici de bonne foi en plus puisque j’ignorais l’existence du
testament) de l’immeuble, indépendamment de la question de savoir si j’en
étais bien propriétaire (ce dont on peut douter au regard du testament
olographe exhibé).

La possession, c’est une question d’apparence, de fait. Toutefois, vont être attachées
des conséquences juridiques à cette notion de fait, càd que le législateur va vouloir
protéger cette possession et va attribuer 3 rôles à la possession : rôle probatoire (rôle
de preuve), rôle de protection, rôle acquisitif (devenir propriétaire par le bien de cette
possession).

23. Raisons de la prise en considération par le droit de la possession


Pourquoi le législateur a-t-il donné des conséquences juridiques à la possession ? La
première raison est une constatation statistique selon laquelle la plupart du temps
Carla Quadflieg 32
possession et titularité du droit coïncident donc en protégeant le possesseur, le
législateur se dit que dans la plupart des cas, il protègera aussi le titulaire du droit, le
propriétaire.

Ex :
- Exemple en matière de vente mobilière, il n’est pas rare que l’acheteur ne
dispose pas de preuve de son droit de propriété (ex. je me promène un sac à
l’épaule, il est rare que j’ai sur mon la preuve d’achat de mon sac), si je ne
protège pas le possesseur de tel bien mobilier, qui dans le plupart des cas
sera aussi le propriétaire du sac (il est rare que je me promène avec le sac du
voisin sur l’épaule), je risque de créer une très grande insécurité juridique et
de rendre monnaie courante la pratique des arrachages de sac.
Si le possesseur du sac ne peut pas être protégé, cela veut dire que n’importe
qui peut prendre n’importe quel sac. Il faut donc en droit attacher des effets
à la possession pour 1. protéger le plus souvent le vrai propriétaire et 2. éviter
la justice privée que telle personne se fasse justice à elle-même.
Autres fondements, autres raisons au cas par cas, selon l’effet de la possession considéré
(voy. infra)

24. Champ d’application


Large champ d’application aussi bien dans le domaine extrapatrimonial, avec la notion
de possession d’état, que dans le domaine patrimonial. Mais la possession est
véritablement systématisée et organisée dans ses divers effets dans le domaine de la
propriété et des droits réels.

25. La possession d’état (pour mémoire)

Section 2. La possession dans le domaine patrimonial

26. Applications éparses


Art. 1240 C. civ. 1804, possession d’une créance : le paiement fait de bonne foi à celui
qui est en possession de la créance est valable encore que le possesseur en soit par la
suite évincé (= même si le possesseur de la créance n’est pas titulaire de la créance).

Ex :
- Je suis le locataire d’un vieux Monsieur qui est mon bailleur, il décède, sa fille
me contacte et m’indique qu’elle reprend les droits et affaires de son père
en réclamant le paiement immédiat des loyers sur son compte. Je m’exécute
et continue de payer mes loyers sur le compte de cette héritière, possesseur
Carla Quadflieg 33
manifeste de la créance de paiement du loyer. Quelques mois plus tard, je
suis contactée par un notaire qui m’invite à verser tous les loyers dus depuis
le décès sur son compte car à côté de sa fille, le vieux Monsieur a cédé par
testament la moitié de son patrimoine à sa dernière compagne avec laquelle
sa fille est en guerre, celle-ci a donc droit à la moitié de la créance, du
paiement du loyer, depuis le décès. Je veux m’exécuter pour le futur mais
pour le passé, je pourrais invoquer le fait que j’ai payé de bonne foi en mains
du possesseur de la créance et qu’il appartient ainsi à la compagne de se
retourner contre la fille du défunt pour récupérer le loyer que j’ai payé depuis
le décès. La possession me permet de me protéger car mes paiements faits
de bonne foi au possesseur sont valables, de bonne foi, ne peuvent pas être
remis en cause.

27. Application systématique. Domaine. Distinction possession – détention


La possession est systématisée dans le domaine des biens (très fréquente) : art. 3.18.
On la définit alors comme l’exercice de fait d’un droit, comme si l’on en était titulaire,
soit par soi-même soit par l’intermédiaire d’autrui.

Elle se compose alors de deux éléments constitutifs : corpus (exercice de fait, mainmise
effective sur le bien) et animus (intention de se comporter comme si on était titulaire
d’un droit sur la chose sur laquelle on exerce le corpus).

Ex avec la possession à titre de propriétaire :


- Je suis possesseur de ma maison et du jardin clôturé sur lequel elle débouche,
j’entretiens ce jardin, élague, y fait des plantations, installe un abri de jardin,
des chaises longues, une balançoire, j’y construit une terrasse… (actes
matériels de mainmise sur ce bien) je possède tout ce jardin à titre de
propriétaire, puis au bout de x années, il s’avère qu’une partie substantielle
de ce jardin ne m’appartient pas mais relève de la propriété du voisin. J’aurais
quand même été possesseur de ce morceau de jardin pendant X années et
en fonction de la durée de ma possession, je pourrais y attribuer en droit ou
pas). Les actes que j’ai faits, je les ai faits en pensant vraiment que j’étais
propriétaire.

Le corpus, pur élément de fait, peut être prouvé facilement par toutes voies de droit
(témoignages, présomptions ; pas besoin d’écrit), l’animus, élément intentionnel (se
comporter comme si on était propriétaire), est présumé par l’article 3.18 C. civ. (cas de
présomption légale, réfragable).
Si on a le corpus, on a l’animus (possession).
Carla Quadflieg 34
Détention : corpus sans animus ; elle repose toujours sur un fait légitime, à la différence
de la possession.
Ex. de détention :
- Le bail : le locataire a le corpus sur l’immeuble, mais il n’a pas l’animus, soit
l’intention de se comporter comme un propriétaire, puisqu’il sait qu’un
propriétaire existe, le bailleur, et qu’il a reconnu son droit par le contrat de
bail et le versement des loyers.

La possession va jouer trois rôles en matière, plus spécifiquement, de droits réels : un


rôle probatoire, un rôle de protection, un rôle acquisitif.

28. La possession dans son rôle probatoire (rôle de preuve)


La possession va d’abord servir comme moyen de prouver sa propriété ou titularité d’un
droit réel.
L’article 3.23 du Code civil contient une présomption : une présomption de propriété,
ou plus largement de titularité, découlant de la possession : celui qui a prouvé avoir le
corpus est présumé avoir l’animus et le possesseur est présumé être propriétaire ou
titulaire du droit possédé. Cette présomption repose sur la constatation statistique
énoncée ci-avant, le possesseur est le plus souvent propriétaire ou titulaire. On permet
au possesseur de s’opposer à toute atteinte à sa propriétaire puisqu’il est présumé être
propriétaire. Ma possession vaut présomption de titre ; l’adversaire doit prouver.
Cette présomption peut être renversée (ex. le voleur de mon vélo que j’ai vélo à faire
graver).
Carla Quadflieg 35
29. La possession dans son rôle de protection
En matière immobilière (immeuble ou droit réel immobilier), existe la protection
possessoire visée désormais à l’article 3.25. La réintégrande est l’action judiciaire
accordée au possesseur d’un immeuble ou d’un droit réel immobilier troublé dans sa
possession ou dépossédé par violence ou voie de fait. L’action lui permet d’être rétabli
dans sa possession.

Exemple :
- Le nouveau propriétaire de la parcelle voisine à la mienne estime que ma
clôture est « mal placée », un soir, il la déplace de 2 m sur toute la longueur
de mon jardin et intègre ainsi une bandelette de terrain dont j’étais
possesseur à sa parcelle, je vais pouvoir me plaindre de cette voie de fait, de
cette dépossession, de cet acte violent, auprès du juge de paix dans le cadre
d’une action possessoire. Si le juge retient la voie de fait à il me rétablit dans
ma possession.
- Je suis titulaire d’une servitude de passage, je passe en voiture sur un chemin
qui traverse la parcelle du voisin ; du jour au lendemain, le voisin décide de
faire obstacle à mon passage à je suis troublée dans ma possession.

Dans le cadre d’une action possessoire, on examine que la question de la possession (de
l’apparence de droit ; phase possessoire ; est-ce que j’ai été troublé de manière violente
de ma possession) et non celle de la propriété ou de la titularité du droit réel possédé
(phase pétitoire : ai-je le droit de passer ? Suis-je propriétaire de la parcelle en
question) ; il est interdit de cumuler phase possessoire et phase pétitoire (le juge doit
d’abord trancher le possesseur, avant d’être saisi par une des parties d’une demande
pétitoire qui tranche non plus sur l’apparence de fait, plus la possession mais bien la
titularité de droit réel).
La personne qui se fait justice à elle-même se punit 2x elle-même à pas admis : on
distingue la phase possessoire et pétitoire.

En conséquence, le possesseur est protégé en tant que possesseur, même contre un


trouble émanant du véritable propriétaire, et il sera remis en possession. En cas de
dépossession par acte violent, l’action en réintégrande est possible. Si on n’est pas en
possession de la réintégrande, alors il n’y aura pas de procès possessoire, pas de
rétablissement dans la possession antérieure et il y aura directement un procès
pétitoire. Il est interdit à quiconque, même au verus dominus (=vrai propriétaire), de se
faire justice à soi-même ; si on n’est pas d’accord, on n’agit pas dans le dos de l’autre
personne !
Carla Quadflieg 36
Exemple :
- Mon voisin conteste mon droit de passer sur son fonds en placer de gros
cailloux sur l’assiette de la servitude de passage dont je dispose en vertu d’un
acte notarié, je peux choisir d’agir au possessoire contre cette voie de fait
pour être rétabli dans ma possession et ce même s’il s’avère in fine au
pétitoire qu’il n’avait pas tort car je me suis trompée depuis des années de
parcelles et que ma servitude passe sur la parcelle voisine et non sur celle de
ce voisin, rien ne justifiant de se faire justice à soi-même. Une fois que j’ai
pris une option (possessoire ou pétitoire), le voisin est bloqué dans cette
option. Pour être rétabli dans ma possession et que lui se rend compte que
sur le plan du possessoire, son action n’est pas justifiable et veut aller au
pétitoire, il ne pourra pas car on ne peut pas cumuler les deux.

Avant, on avait trois actions possessoires qui protégeaient le possesseur d’un droit réel
immobilier et maintenant, on en a plus qu’une : la réintégrante.

30. La possession dans son rôle acquisitif (possession nous permet de venir titulaire
d’un droit réel). C’est un droit nouveau qui naît dans mon chef.

A. Art. 3.28 en matière mobilière (important !)


Il s’agit ici de l’article 3.28, « en fait de meubles, la possession vaut titre » ; c’est un
conflit au moins triangulaire (= à trois personnes). C’est pour « contrer » la vente de
vélos (volés ?), de véhicules automobiles…

Application en matière de propriété : A, verus dominus, se dessaisit volontairement


(prêt, dépôt…) d’un meuble dans les mains de B, non dominus (non propriétaire !), qui,
se faisant passer pour le propriétaire, cède à titre onéreux (=vendre) son bien à C,
acquéreur a non domino (qui n’était pas propriétaire), qui doit être de bonne foi (n’est
pas au courant, c’est-à-dire, dans cet exemple, ignorer que B n’était pas le véritable
propriétaire. Si C est en possession du meuble (il a le corpus ; il en prend effectivement
possession) et de bonne foi, il devient propriétaire immédiatement dudit meuble (rôle
acquisitif : la possession fait acquérir la propriété).
Carla Quadflieg 37
Schéma
A vrai propriétaire à loue sa voiture à à B qui n’est donc que locataire
/
Mais qui vend pourtant cette voiture à
/
C qui est un malheureux acquéreur de bonne foi
Qui prend possession du véhicule et en paye le prix à B

Pas de recours de A contre C, A perd immédiatement son droit de suite (mais il pourra
agir contre B)

L’hypothèse est légèrement différente lorsque, à l’origine, le dessaisissement de A est


involontaire (une perte ou un vol).

Schéma
A vrai propriétaire à se fait voler sa voiture par à B qui n’est donc pas propriétaire
/
Mais qui vend pourtant cette voiture à
/
C qui est un malheureux acquéreur de bonne foi qui
prend possession du véhicule et en paye le prix à B

Recours de A contre C pour récupérer son bien pendant 3 ans à partir de la perte ou du
vol (assouplissement de la règle de l’article 3.28 ; moins sévère que le premier cas), son
droit de suite subsiste 3 ans.

Dans ce cas, et ce même contre un possesseur C de bonne foi, A peut revendiquer


valablement la chose pendant un délai de 3 ans à compter de la perte ou du vol.

Dans les deux hypothèses, l’acquisition de propriété par C est immédiate (à part A,
personne ne peut revendiquer le bien en mains de C), il ne s’agit pas d’une prescription
acquisitive triennale mais, dans le cas du dessaisissement involontaire, un risque pèse
sur C pendant 3 ans (il est déjà propriétaire et vis-à-vis d’un tiers qui voudrait saisir son
véhicule par exemple, il peut dire qu’il est propriétaire mais si le tiers est A, C devra
restituer à A et se retourner contre B à moins de protection pour C).

B. Le possesseur, avec une possession utile, à titre de propriétaire ou de titulaire d’un


droit réel, peut devenir propriétaire du bien ou titulaire du droit réel sur ce bien (meuble
ou immeuble) à l’expiration d’un délai de 10ans s’il est de bonne foi, sinon 30 ans (art.
3.26 et 3.27) ; c’est le phénomène de la prescription acquisitive (plus connue).
Carla Quadflieg 38
Posséder un bien (corpus + animus) me permet au bout du délai (10 ans ou 30 ans) de
me prévaloir d’un droit de propriété sur ce bien alors que je n’en étais pas propriétaire
avant par prescription acquisitive.

Ex :
- Si je possède un bien pendant 10 ans de bonne foi, j’en deviens plein
propriétaire
Reprenons l’ex. du décès de mon grand-oncle.
Mon grand-oncle avec lequel j’avais fort peu de contact décède. Je suis son
seul héritier légal en vie et donc je vais être contacté par le notaire pour
m’occuper de ses affaires, je vais me charger des obsèques, entrer dans sa
maison (nourrir son chat), gérer les contrats de fourniture (électricité, gaz,…),
entretenir la maison en allant tondre le jardin, en fermant les volets le soir…
bref je me comporte comme si j’étais le plein propriétaire de cet immeuble,
puis après quelques années, se présente un quidam que je ne connais pas,
Pierre Paul, qui exhibe un testament (olographe) écrit et daté de la main de
mon oncle et par lequel mon oncle lui lègue tous ses biens le qualifiant
d’ « ami sur lequel il a toujours pu compter ». Je me suis comporté comme
possesseur (ici de bonne foi en plus puisque j’ignorais l’existence du
testament) de l’immeuble, indépendamment de la question de savoir si j’en
étais bien propriétaire (ce dont on peut douter au regard du testament
olographe exhibé). Si ce quidam se présente après 10 ans de possession, je
pourrais lui opposer ma possession de bonne foi pendant 10 ans et donc la
prescription acquisitive droit nouveau de propriété qui est né de mon chef
qui est né après 10 ans) de la pleine propriété de l’immeuble qui aura joué
sur l’immeuble en question.
- Vente immobilière : délimitation des biens et jardins. J’achète un bien, j’en
suis propriétaire depuis 45 ans et puis des nouveaux voisins arrivent et ils
font borner leur jardin par un géomètre qui leur apprend que selon les plans
historiques, un bout de parcelle de mon côté de la barrière leur appartient.
Ils me contactent et nous font part de cela. Je vérifie d’abord le plan de
bornage du géomètre et je suis sur les lieux depuis un temps considérable à
je peux opposer ma possession (plus que trentenaire) permettant de devenir
propriétaire de la parcelle, et ce même si je sais pertinemment que cette
parcelle appartient à leur jardin (par exemple, si la barrière a été placée par
mon père et qu’il l’a mise de cette façon). Peu importe ma bonne ou ma
mauvaise foi, je pourrai de toutes façons l’opposer à celui qui se prétend
propriétaire car la durée est suffisamment longue à mécanisme de la
prescription acquisitive (je suis devenu propriétaire).
En droit belge, la prescription acquisitive est fondamentale car tout notre modèle de
propriété immobilière repose sur ce mécanisme.
Carla Quadflieg 39
CHAPITRE IV. TITULARITÉ, PERSONNALITÉ ET PATRIMOINE

31. Introduction
Est brièvement résumée au présent chapitre, la conception classique du patrimoine,
vivement critiquée mais qui conserve des vertus pédagogiques adaptées à un cours
d’introduction au droit.

32. De l'universalité de fait à l'universalité de droit


Dans une conception purement économique, le patrimoine d’une personne est un
ensemble de biens, une universalité de biens, dont la valeur s’apprécie en déduisant de
l’actif, le passif (valeurs positives ou négatives). En droit, la théorie du patrimoine ne
conçoit plus le patrimoine comme un ensemble de biens, réalité économique, mais
comme une universalité de droit, réalité juridique. Le patrimoine se définit alors comme
l’ensemble des valeurs positives et négatives dont une personne est titulaire, tant les
droits (valeurs positives) que les obligations (valeurs négatives). Le patrimoine est donc
conçu comme une réalité juridique abstraite, un contenant indépendamment du
contenu. Le patrimoine est conçu comme une émanation de la personne, de la
personnalité juridique à le patrimoine a les mêmes traits/caractéristiques que la
personnalité juridique. Conséquences : Toute personne juridique a donc un patrimoine.
Seules les personnes juridiques peuvent avoir un patrimoine. Le patrimoine est défini à
l’article 3.35 du nouveau Code civil

33. Patrimoine, expression de la personnalité


Dans cette théorie, le patrimoine est envisagé comme une émanation de la personnalité
ce qui a comme conséquences que le patrimoine emprunte à la personnalité ses
caractéristiques fondamentales (art. 3.35) :

- toute personne a nécessairement un patrimoine et seules les personnes peuvent


avoir un patrimoine ;

Illustrations :
Toute personne juridique, même un mineur, a un patrimoine, une enveloppe, un
contenant (le cas échéant vide de valeurs positives ou négatives)

Seules les personnes juridiques, les personnes physiques ou les personnes morales, ont
un patrimoine, par contre, un syndicat n’en a pas, un fœtus n’en a pas (car pas protégé
au titre de personne juridique), un défunt n’en a plus.
Carla Quadflieg 40
- toute personne n’a qu’un patrimoine, le patrimoine est un et indivisible (je ne
peux pas être à la tête de deux patrimoines et je ne peux pas diviser mon patrimoine en
deux) ; art. 3.35 et 3.36 : un créancier n’a pas de droit sur un bien déterminé du
patrimoine de son débiteur, mais bien sur tout le patrimoine, lequel est mouvant.

Illustrations :
Je démarre une activité d’indépendant, j’achète un peu de matériel et démarre mon
activité commerciale, les créanciers de mon activité commerciale pourront, en cas de
non-remboursement (non-paiement de loyer, dette) de ma part, se servir sur tout mon
patrimoine, je ne peux pas leur opposer qu’ils ne sont que des créanciers commerciaux
et qu’ils ne peuvent donc se servir que sur mon matériel, ma production, mes produits
finis ou mon stock. En d’autres mots, je ne peux scinder mon patrimoine en deux, une
partie privée et une partie commerciale pour soustraire à mes créanciers commerciaux
une partie de mon patrimoine.

Si je ne souhaite pas que les créanciers de mon activité commerciale puissent saisir, en
cas de difficulté, la maison dans laquelle je vis avec ma famille alors je dois créer une
société (autre personne juridique à personne morale en plus de moi, personne
juridique (physique)) dans laquelle sera logée mon activité commerciale ; si j’exerce mon
activité en personne physique, je ne pourrais pas assurer cette protection à ma famille.
On doit toujours estimer les risques de l’activité commerciale avant de se lancer
(prudence).

- le patrimoine est intransmissible, incessible, inaliénable entre vifs (mon


patrimoine, c’est mon enveloppe, contenant et je peux céder les valeurs une à une mais
je ne peux pas le céder), la personnalité ne s’éteignant qu’au décès.

Illustrations :
Je ne peux pas transmettre mon patrimoine à mes enfants de mon vivant dans un
objectif de planification successorale, je peux leur transmettre certains biens spécifiés
mais pas tout mon patrimoine, soit le contenant, l’enveloppe ; à mon décès, mon
patrimoine, cette enveloppe, disparaît en même temps que moi et on le retrouve dans
le chef de mes enfants et mon patrimoine s’éteint par confusion avec le patrimoine de
mes enfants (point 34.)

34. La confusion : conséquence de l’unité et indivisibilité


Illustration de la confusion des patrimoines en cas d’acceptation pure et simple d’une
succession. Corollaire de l’unité, l’indivisibilité.
Carla Quadflieg 41
Ex.
- Au décès de mon père, son patrimoine disparaît. Je suis son fils unique et son
patrimoine dont j’hérite va se confondre instantanément avec le mien (sauf
si je refuse la succession par exemple si elle est déficitaire : que des dettes
par exemple), ce qui signifie que je ne serai qu’à la tête d’un seul patrimoine
et non de deux et que les valeurs positives et négatives présentent dans
l’enveloppe de mon père se retrouveront dans mon enveloppe.

35. Exemples de tempéraments (pour mémoire)


Un patrimoine peut survivre à un défunt ou une personne peut être à la tête de 2
patrimoines (pas vu).

36. Distinction entre la personne physique et la personne morale (pas d’autre


catégorie)
Personne physique : a un corps.
En cas de création d’une personne morale (pas de corps), fût-ce par une seule personne
(art. 1.1 du Code des sociétés et des associations), cette personne morale aura un
patrimoine propre autre que le patrimoine de la personne physique qui en est le gérant.

Au moment de la création d’une société, on doit avoir un apport de fond (capital) à


patrimoine de la personne morale qu’on vient de créer.

Ex. La SRL (société à responsabilité limitée : créée par une ou plusieurs personnes)
remplace les anciennes SPRL, SPRL Starter et SPRLU (société privée à responsabilité
limitée unipersonnelle : une seule personne peut créer une société)

37. Évolution de la notion de patrimoine (pour mémoire)


Pas vu
Carla Quadflieg 42
CHAPITRE V. NAISSANCE, TRANSMISSION ET EXTINCTION DES DROITS SUBJECTIFS
PRIVÉS

Section 1. Naissance des droits subjectifs privés

38. Observation
Rappel : les sources des droits subjectifs privés sont doubles : il y a les actes juridiques
et les faits juridiques.

39. L'acte juridique


Acte posé par des parties avec comme Volonté de produire des effets dans le domaine
du droit (juridique). L’acte peut être unilatéral (rédigé par une seule personne) ou
plurilatéral (rédigé par plusieurs parties) quant à sa formation. L’acte juridique est un
acte qui requiert un écrit la plupart du temps et qui traduit d’une volonté d’une
partie/des parties d’avoir des effets en droit.

Ex :
- Unilatéral : Testament
- Plurilatéral : Contrat (de vente, de bail…)

40. Les faits juridiques


Actes et évènements de nature à produire des effets de droit sans intention juridique
(pas voulue par l’auteur).

Ex :
- La naissance (droit à la nationalité, à l’affiliation, à un patrimoine), le décès
(sauf si testament mais alors l’intention juridique est la conséquence du
testament qui est un acte juridique), la majorité (éligible, électeur)
- Une faute (ex. je téléphone au volant à verbalisé, brûler un feu rouge à je
pourrais renverser un feu rouge)
- Le voisinage (théorie des troubles de voisinage, ex : nuisances sonores à
j’installe la pompe à chaleur de ma piscine à côté de la barrière du voisin et
elle fait du bruit ; le voisin pourrait introduire une action du trouble pour
voisinage)
Carla Quadflieg 43
41. Conséquence de la distinction : la preuve
Prouver un droit, c’est prouver la source de son droit, c’est donc prouver l’acte juridique
ou le fait juridique qui est à l’origine de ce droit.

Or, selon l’article 8.9 du C. civ. 2019 (art. 1341 du C. civ. 1804), vu la possibilité d’une
preuve préconstituée (une preuve littérale (un écrit) = acte sous signature privée ou acte
authentique), les actes juridiques de plus de 3.500 euros (avant : de plus de 375 euros
sous l’empire de l’article 1341 C. civ. 1804) doivent en principe être prouvés par une
preuve littérale. La charge qui pèse sur nous est extrême : si on n’a pas fait l’écrit au
départ, on ne sait pas illustrer notre droit.

Explication :
Un contrat, un acte juridique portant sur une valeur de plus de 3.500euros se prouve
par un écrit (bail avec loyer : on additionne un an de loyer), qu’il s’agisse d’un acte sous
signature privée ou d’un acte authentique mais non par présomptions ou témoignages

Tandis que les faits juridiques peuvent être prouvés par toutes voies de droit (tous les
mécanismes de preuves possibles), y compris par présomptions (indices) ou
témoignages. Cela n’est pas possible en ce qui concerne les actes juridiques.

Ex. :
- Conducteur passe au rouge, je peux faire témoigner des autres piétons,
montrer des photos de caméras…
- La possession qui est un fait juridique se prouve par toutes voies de droit,
indices, orthophotos (photos aériennes), témoignages des voisins…
- Voisin avec la piscine bruyante : je peux faire témoigner les autres voisins
pour prouver que la pompe fait un bruit très important

Section 2. Transmission des droits subjectifs privés

42. Principes
Distinction entre droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux :
• Droits extrapatrimoniaux (sans valeur pécuniaire, ex : fille de mon père, nationalité)
intransmissibles : je ne peux pas céder par contrat ma nationalité de belge.

• Droits patrimoniaux (valeur pécuniaire) transmissibles


o Exception : droits nés d’un contrat conclu intuitu personae c’est-à-dire en
considération de la personne d’un des cocontractants (en fonction de ses
qualités).
Carla Quadflieg 44
Ex. :
- Si vous engagez André Rieu pour jouer un morceau de violon à votre grand-mère
pour son anniversaire et qu’il décède avant sa prestation, vous n’avez aucune
envie que le contrat soit poursuivi par ses héritiers, soit ses enfants qui, le cas
échéant, ne jouent d’aucun instrument et ne savent pas chanter. Le lien est
personnel et intuitu personae, signifie qu’il est créé en fonction de ce prestataire,
de sa personnalité.
- Si vous engagez Michel-Ange pour investir le plafond de votre palace italien, vous
n’avez aucune envie qu’en raison de son décès, son épouse vienne faire le travail.
- Même chose pour un comique qui doit remplir le forum à une telle date mais ne
sait pas venir, on ne veut pas d’un remplaçant (ex : régisseur, enfant…).

o Cas particuliers des contrats générateurs de droits viagers (limité à la durée


de vie du prestataire), intransmissibles par décès.
Ex. :
- Un usufruit (créé par contrat ; ex : achat en viager) ne se transmet pas par décès,
il s’éteint au décès de l’usufruitier

43. Distinction : entre vifs /pour cause de mort


La transmission des droits subjectifs privés peut avoir lieu :
- entre vifs (deux personnes vivantes qui signent un contrat), que ce soit à titre
onéreux, tel le cas d’une vente, ou à titre gratuit, telle une donation,
- ou pour cause de mort, la transmission se nommant alors succession (effet
successoral).

Il convient de distinguer la succession légale et la succession testamentaire.

Explications :
Succession légale = celle issue de la loi, s’applique quand le défunt n’a pas manifesté de
volonté.
Monsieur, Madame son mariés sans contrat de mariage, ils ont deux enfants. Monsieur
décède, Madame hérite de l’usufruit légal du patrimoine de son défunt mari tandis que
les enfants héritent de la nue-propriété.
En droit belge, un parent ne peut pas totalement déshériter ses enfants (reconnus).

Succession testamentaire = le défunt s’est exprimé sur le sort de ses biens après son
décès.
Par testament, je lègue tous mes biens à mon meilleur ami à mon décès, si je n’ai pas
d’héritiers réservataires (enfants ou époux), le testament sera exécuté entièrement tout
le patrimoine ira à mon ami ; si j’ai un fils, mon testament, exécuté en partie, ne pourra
Carla Quadflieg 45
pas porter atteinte à ses droits, sa réserve légale sera de moitié et le testament ne sera
qu’en partie exécutée et mon meilleur ami ne recevra que la moitié de mon patrimoine

Dans le cas où est rédigé un testament, la succession testamentaire (celle exprimée par
la volonté) prime en principe la succession légale, supplétive (N.B : en droit civil,
supplétif s'applique à ce qui est utilisé lorsqu'on ne peut s'appuyer sur un autre texte),
sauf en ce qui concerne la réserve (institution qui vise à protéger certains héritiers,
réservataires, on ne peut pas y déroger).

La réserve institue une protection de certains héritiers, dits héritiers réservataires


(principalement les descendants et conjoint survivant) en ce sens que le défunt a pu
disposer par libéralités de la partie dite (quotité) disponible de son patrimoine mais ne
peut, toujours par des libéralités, porter atteinte à la réserve (art. 913 à 916 C. civ. 1804).

Qu’est-ce que la réserve ?


L’usufruit des biens du défunt pour le conjoint survivant. Pour les enfants, la réserve est
de 50% du patrimoine du défunt s’il y a un enfant, de 2/3 du patrimoine du défunt, s’il
y a deux enfants, et de ¾ du patrimoine du défunt s’il y a trois enfants ou plus. Cela
permet de montrer, qu’à côté de la réserve, il y a toujours une fraction libre dont le
défunt peut disposer avant son décès à quotité disponible (le défunt peut la léguer à
n’importe qui grâce à un testament).
Si pas d’héritiers réservataires (pas d’enfants ni conjoint), on exécutera le testament
dans sa totalité.

44. La notion d'ayant cause (pour mémoire)


Pas vu.

45. Les modes originaires et les modes dérivés


Rappel : il convient de distinguer les modes originaires d’acquérir un droit qui donnent
naissance dans le chef d’une personne à un droit « nouveau », sans idée de transmission
et les modes dérivés d’acquérir un droit par lesquels il y a transmission à une personne
d’un droit antérieur, dont était jusque-là titulaire une autre personne (ex : vente, crédit
à contrat) (art. 3.14 C. civ.).

Application aussi bien en matière de droits de créance que de droits réels.


Carla Quadflieg 46
Ex :
- La cession de créance : ex. en matière locative (bail), en cas défaut de paiement,
le locateur peut réclamer une cession de créance directement à l’employeur du
locataire. Le bailleur devient titulaire d’une créance qui n’était pas la sienne en
cas de défaut de son locataire.
- Pension alimentaire après divorce : si le conjoint ne touche pas l’argent (même
chose avec l’employeur) à créance de salaire du conjoint qui devrait payer alors
qu’il devrait ; créance de salaire contre l’employer en échange de prestation de
travail mais cette créance est cédée au créancier d’aliments (mode dérivé
d’acquérir un droit de créance).
- La vente d’un bien : transfert d’un droit de propriété sur un bien qui est transféré
en même temps que l’échange des consentements, de la chose.
- La prescription acquisitive d’un droit réel (important) : quand je suis possesseur
d’un bien d’un certain nombre d’années me permet d’acquérir un droit de
propriété nouveau qui naît dans mon chef.

Double intérêt probatoire du mode originaire :


• D’une part, reposant sur un fait juridique (la possession), il peut se prouver par
toutes voies de droit (ex : si je veux prouver une prescription acquisitive qui a
duré plus de 30 ans à présomption, témoignages…)
• D’autre part, il ne connaît pas le problème de la probatio diabolica (=preuve
diabolique est un des inconvénients des modes dérivés d’acquérir), propre aux
modes dérivés. Si j’acquiers un bien par un mode dérivé d’acquérir, pour prouver
ma propriété de droit, je vais montrer mon acte d’achat mais le contrat ne
constitue pas une preuve définitive de l’achat car il se peut que celui à qui j’ai
acheté n’est pas le vrai propriétaire.
Difficulté de prouver que celui à qui j’ai acheté mon bien était réellement
propriétaire. Pour mettre fin à la probatio diabolica, il faut retomber sur un mode
originaire d’acquérir : la prescription acquisitive (à plusieurs : avoir 30 ans de
possession accomplie) est la plus courante

Explication :
- Si j’achète un bien et que je veux prouver que j’en suis devenu propriétaire,
j’aurais tendance à produire mon acte d’achat. Mon acte d’achat ne prouve
toutefois pas que je suis propriétaire mais seulement que telle personne qui se
prétend propriétaire de tel bien m’a vendu ce bien, la preuve que cette personne
était bien propriétaire et pouvait donc me le vendre n’est quant à elle pas
rapportée, ce système reportant la preuve de la propriété de vendeur successif
en vendeur successif se nomme la probatio diabolica, littéralement la preuve
diabolique car l’on peut hypothétiquement se trouver face à une chaîne sans fin
de preuves à rapporter (celle que mon vendeur était bien propriétaire parce qu’il
Carla Quadflieg 47
tenait le bien d’un vendeur qui était lui-même bien propriétaire car il avait
acheté le bien d’un vendeur et ainsi de suite jusqu’à la nuit des temps).

Les seules façons d’obtenir une certitude sur le droit acquis par mode dérivé sont de
trouver dans la chaîne des différents titulaires, des différents propriétaires, un mode
originaire pour par exemple faire jouer la prescription acquisitive (de 30 ans) en joignant
les temps de possession des différents possesseurs successifs (on additionne les délais
de possession des différents propriétaires) : c’est le concept de jonction des possessions
(art. 3.19 ; pour mémoire).

Section 3. Extinction des droits subjectifs privés

46. Principes
• On distingue généralement (1) les actes juridiques qui ont directement pour objet
l’extinction (mettre fin) d’un droit subjectif, (2) les actes ou faits juridiques pouvant
entraîner l’extinction du droit subjectif et (3) les cas d’extinction judiciaire de droits
subjectifs. Sans aucune prétention à l’exhaustivité, nous allons citer quelques
exemples de chaque catégorie.

47. Les actes juridiques visant directement l'extinction


On citera (voy. not. art. 1234 C. civ. 1804):
• Le paiement au sens large, étant le fait pour le débiteur d’exécuter la prestation
due au créancier (exécution de l’obligation promise);

Ex :
- Un entrepreneur s’engage à remplacer mes châssis, le paiement au regard de
son obligation est la pose des nouveaux châssis commandés

Un paiement en droit peut aussi correspondre à la notion économique de paiement, soit


de versement d’une somme d’argent si l’obligation à exécuter est une obligation de
payer une certaine somme d’argent.

• La novation (pour mémoire)

• La renonciation (c’est acte juridique unilatéral ; elle peut être expresse ou


tacite), éteint l’obligation due (voy. art. 3.15 en matière de droits réels).

Ex :
- Remise de dette : j’éteins l’obligation du débiteur.
Carla Quadflieg 48
48. Mécanismes causant indirectement l'extinction d'un droit
On citera :
• Sauf exceptions, en matière de droits réels, la disparition de la chose (cfr 3.15) ;
relation tellement étroite entre le droit et la chose (si la chose disparait, le droit
aussi)

Ex :
- Si mes biens meubles brûlent et disparaissent, mon droit de propriété aussi
- L’usufruit sur une voiture disparaît si la voiture est totalement sinistrée,
détruite

• La confusion, lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent sur la


tête d’une même personne (voy. 3.16 en matière de droits réels d’usage)

Ex :
- Je suis fonds dominant d’une servitude de passage et je rachète le fonds
voisin, soit le fonds servant.
Je prête 15.000 euros à mon père à charge pour lui de me les rembourser en
2025. Il décède et je suis son seul héritier légal et j’accepte sa succession, les
qualités de créancier et de débiteur de cette dette de 15.000 euros vont se
confondre dans mon chef et éteindre la dette, l’obligation de rembourser.
Les qualités de créanciers et débiteurs se confondent, s’éteignent par
confusion.
- Si je suis le fond dominant d’une servitude de passage (ce qui signifie que j’ai
le droit de passer sur le jardin du voisin pour accéder à des garages) et que je
rachète la parcelle de jardin sur laquelle je passais. Dans mon chef, il y a la
qualité de fond dominant mais aussi de fond servant de la servitude puisque
j’ai racheté la parcelle. Quand les qualités de fond servant et fond dominant
se retrouvent dans les mains d’une seule personne, une servitude (droit réel)
n’est pas maintenue

• La prescription extinctive (opposé de la prescription acquisitive) : anéantissement


d’un droit résultant de l’écoulement d’un certain laps de temps pendant lequel le
titulaire de ce droit n’en a pas usé, ne l’a pas exercé (art. 2262 C. civ. 1804 :
distinction entre droits réels (art. 3.16) et droits de créance, en notant que la
propriété ne s’éteint pas par prescription extinctive). Mais il y a tout de même un
risque concernant le droit de propriété, celui qu’un tiers commence à posséder mon
bien et qu’au bout de 30 ans, il puisse m’opposer son droit alors né par prescription
acquisitive.
Carla Quadflieg 49
Ex :
- Je suis titulaire d’une servitude de passage (droit réel) sur le fonds voisin, je
ne l’exerce plus pendant 30 ans, elle se perd par non-usage trentenaire, par
prescription extinctive.
- Je suis propriétaire d’un appartement dans un immeuble à appartements
(droit de créance), le syndic ou la copropriété oublie de me réclamer le
paiement de mes charges de copropriété (assurance, éclairage du hall…)
depuis 2015, au bout de 5 ans (sans réclamation ou sans paiement), elles sont
prescrites (=se libérer d’une obligation par prescription), même s’il se réveille
subitement je pourrais contester le paiement des charges de copropriété
pour 2015 et une partie de 2016.

49. Extinction des droits subjectifs privés par voie judiciaire (=que je demande devant
le juge)
Lorsqu’une action en justice tendant à l’extinction d’un droit comporte une idée de
punition, on la nomme généralement déchéance. Principalement connue en matière de
droit réel, droit d’usufruit, droit d’emphytéose.

- Déchéance du droit d’usufruit en cas d’abus de jouissance ou de dégradations


(art. 618 C. civ. 1804) ou en matière d’emphytéose (art. 15 de la loi du 10 janvier
1824, visant les abus graves et les dégradations notables réalisés par
l’emphytéote) ; réforme : généralisation de la déchéance comme mode
d’extinction des droits réels d’usage, art. 3.16

On a une facilité avec le nouveau code civil (1er septembre 2021) car la déchéance du
droit réel d’usage est généralisée pour tous les droits réels d’usage. Si mauvais usage du
bien de la part de la personne à déchéance du droit (perdent leur droit par mésusage
et c’est seulement le juge qui décide cela).

(Pour mémoire) D’autres cas d’extinction judiciaire ont leur raison propre, en dehors de
toute idée de punition ; tel est le cas de l’article 3.128 C. civ. permettant au juge de
prononcer l’extinction d’une servitude pour cause de perte de toute utilité (présente ou
future).
Carla Quadflieg 50
TROISIÈME PARTIE
DE L'ACTE JURIDIQUE EN PARTICULIER

50. Introduction : définition et terminologie


Distinction fondamentale entre
• Le negotium (acte juridique)

Explication et ex :
- En droit, nous distinguons la volonté des parties (échange des consentements,
negotium) de sa preuve (instrumentum).
- Dès l’échange des consentements, la vente est parfaite or la plupart du temps
l’échange des consentements est oral et l’acte juridique n’a alors pas encore
d’instrumentum.

• Et l'instrumentum (l’écrit, la preuve littérale, preuve préconstituée destinée à servir


de preuve, prouver le négotium, ce que le Livre 8 du Code civil appelle la preuve
préconstituée, l’écrit signé)

Ex :
- Un acte sous signature privée (document écrit fait par une ou plusieurs ou
parties sans présence d’un notaire ou un juge)
- Un acte authentique (notarié, dressé devant un notaire, par un notaire)

Dans un premier temps, sont examinées toute une série de classifications des actes
juridiques. Le chapitre II sera consacré à la formation de l’acte juridique, le chapitre III à
son exécution et le chapitre IV aux effets des actes juridiques quant aux personnes.
Carla Quadflieg 51
CHAPITRE I. CLASSIFICATIONS DES ACTES JURIDIQUES

51. Actes unilatéraux et bilatéraux


Quant à leur formation, les actes juridiques peuvent être unilatéraux ou bilatéraux (les
actes bilatéraux sont appelés contrat ou convention). Pour qu’il y ait un acte juridique,
il y a l’exigence de la manifestation de la volonté d’une seule personne ou de plusieurs
personnes. Au moment de la création du négotium, on peut être une (unilatéral) ou
plusieurs personnes (bilatéral, ex : contrat).

Ex (rappel) :
- Testament = une personne (unilatéral)
- Vente = deux personnes, un vendeur ou un acheteur ou plus de deux, un vendeur
et un couple d’acheteurs (bilatéral)
- Contrat constitutif d’une société (personne morale) = une personne (ex : SPRLU,
maintenant intégrée dans la SRL), deux ou plusieurs personnes

Des actes bilatéraux quant à leur formation peuvent être soit unilatéraux soit bilatéraux
(deux partis au moins sont tenus d’une obligation) quant à leurs effets ; on regarde alors
dans le chef de combien de personnes le contrat crée des obligations ; le contrat
bilatéral quant à ses effets est dit « synallagmatique » : il implique une réciprocité des
obligations qui en découlent, chacune des parties étant à la fois créancier et débiteur de
l’autre par rapport à une obligation (contrat bilatéral dans ses effets).

Ex :
- Donation = contrat bilatéral dans sa formation (donateur et donataire doivent
être parties au contrat) mais unilatéral dans ses effets, seul le donateur s’engage
à donner quelque chose, le donataire ne prend lui aucun engagement.
- Vente = contrat bilatéral dans sa formation et bilatéral quant à ses effets, le
vendeur s’engage à transférer la propriété et à livrer la chose vendue tandis que
l’acheteur s’engage à payer le prix convenu (deux types d’obligation, qui sont
réciproques, croisées).

52. Classifications propres aux actes juridiques bilatéraux


• Contrats de gré à gré ou d'adhésion
o Contrat de gré à gré : les parties ont pu discuter librement du contenu du
contrat.
Carla Quadflieg 52
Ex :
- Vente (immobilière) de gré à gré (opposée à la vente publique). Les parties
discutent librement du prix qui sera fixé et définissent à deux le bien vendu, les
conditions de la vente, s’il y a des acomptes... Les parties ont la liberté de dire
oui ou non et de modifier les conditions de leur contrat jusqu’à ce qu’il soit signé.

o Contrat d’adhésion : les conditions du contrat sont l’œuvre d’une seule


partie, l’autre partie a seulement la possibilité d’adhérer.

Ex :
- Quand vous achetez le dernier iPhone ou le nouveau MacBook air sur le site
apple.com, vous ne négociez rien, ni les délais de livraison, ni les frais de
livraison, ni le prix, ni les conditions générales, soit vous adhérez au contrat
d’Apple, soit vous n’achetez pas.
- Copropriété : si j’achète un appartement dans une copropriété (je discute de
modalités du prix, des modalités de paiement) mais je ne peux pas discuter le
fonctionnement de la copropriété (dans les statuts…) ; l’acheteur doit adhérer
aux statuts de l’immeuble en copropriété.

• Contrats à exécution successive (s’exécute dans le temps par des prestations


successives) ou à exécution instantanée (s’exécute en une fois, en un temps zéro
après quoi il est terminé).

Ex :
- Le contrat de prêt ou le contrat de bail ont une exécution qui s’étale sur de
nombreux mois, voire années, ils sont à exécution successives, je rembourse
mon prêt tous les mois, je paye mon loyer tous les mois.
- Le contrat de vente ou de donation est à exécution instantanée, une fois que la
chose est livrée et payée, ou donnée, le contrat prend fin.

53. Les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux


L’acte juridique, qu’il soit unilatéral ou bilatéral quant à sa formation, peut être à titre
gratuit, si un avantage est procuré au bénéficiaire sans que ce dernier soit obligé de
fournir un équivalent (libéralités) ; je n’exige pas de contrepartie mais l’acte juridique
peut aussi être à titre onéreux, lorsqu’il procure un avantage à chaque partie (ex :
création d’une servitude de passage sur le fonds de mon voisin, le voisin va souvent
demander une petite rémunération pour cette servitude).
Carla Quadflieg 53
Ex :
- Le testament, la donation, le leg (forme particulière de donation, seulement
libérable au décès du donateur) sont des contrats à titre gratuit qui n’impliquent
aucune idée de contre-valeur, de contrepartie (pas d’obligation dans le chef des
héritiers).
- La vente, le prêt9, le bail sont des exemples de contrats à titre onéreux.

54. Les actes consensuels, les actes solennels


Le principe de la liberté contractuelle (on contracte avec qui on veut, sur ce que l’on
veut, moyennant les modalités que l’on veut et selon la forme que l’on veut), inscrit en
filigrane à l’article 1134 du Code civil 1804, selon lequel les parties sont aptes à créer
leur propre loi quand il s’agit de définir leur contrat. Elles sont donc libres de contracter
ou non, en déterminant le contenu de leurs actes juridiques, dans les limites de l’ordre
public et des bonnes mœurs (pas de vente d’enfants, de prostitution…), s’accompagne
en droit belge de celui du consensualisme, selon lequel il n’existe pas, en principe, de
formalités déterminées à respecter pour la formation des actes juridiques, pour la
formation du negotium qui naît par et au moment de l’échange des consentements.
Tant qu’il y a échange des contentements, on est content, notre acte juridique existe et
le négotium aussi. La volonté juridique peut s’exprimer librement, sous n’importe quelle
forme ; le contrat se forme par le seul accord de volontés des parties sans que sa validité
soit soumise à une exigence de forme comme la rédaction d’un écrit par exemple
(attention à bien distinguer sa validité de sa preuve ou de son opposabilité de l’acte aux
tiers ; cf. transcription).

L’acte juridique (negotium) est donc, en principe, consensuel, formé par et au moment
de l’échange des consentements.

Ex :
- La vente (rappel) est parfaite par et au moment de l’échange des consentements.

Il existe toutefois des exceptions au principe de consensualisme, des cas où la simple


manifestation de volonté, le simple échange des consentements ne suffisent pas,
exceptions de plus en plus nombreuses à l’heure actuelle, le plus souvent dans un souci
de protection d’une des parties au contrat. Il s’agit d’actes dits solennels qui requièrent
la réalisation de formalités particulières pour leur validité (PAS preuve ni opposabilité).

Fréquemment, la condition de solennité requise est la rédaction d’un écrit signé mais ce
peut être d’autres formalités.

9
Sauf peut-être le cas rare du prêt sans intérêt (prêts intrafamiliaux)
Carla Quadflieg 54
Ex :
- Prêt à la consommation – requiert un acte sous signature privée pour sa validité
(ex : prêt avec Cofidis pour l’achat d’une voiture) sinon, pas de negotium valable
- Contrat de mariage – requiert un acte authentique (notarié donc) pour sa validité
- Hypothèque (droit réel accessoire immobilier) – requiert un acte authentique
(notarié donc) pour sa validité

IMPORTANT :
Il convient de ne pas confondre l’exigence de la rédaction d’un écrit, d’un instrumentum
nécessaire à la validité du negotium pour les actes solennels et l’exigence de l’écrit signé
au stade, non de la formation de l’acte juridique, mais de la preuve de celui-ci, du moins
lorsqu’il s’agit d’un acte juridique d’une valeur supérieure à 3.500 euros (art. 8.9 C. civ.
; cf. infra au Titre de la preuve), ni avec l’exigence d’un écrit signé, d’un acte authentique
même, pour l’opposabilité de certains actes à certains tiers (ex. servitude, si elle n’est
pas transcrite, et que le nouvel acquéreur du fonds servant ignore de bonne foi la
servitude reprise dans l’acte non transcrit elle lui est inopposable (perte du droit de
suite)). à 3 strates à distinguer.

Ex :
- La vente
Vente d’un bien :
1. Elle existe, le negotium existe, dès l’échange des consentements (acte
consensuel, pas solennel).
2. Mais si le bien a une valeur supérieure à 3.500 euros (ex. une voiture), pour
prouver mon achat, il me faudra produire un écrit, un acte sous signature
privée.
3. Par contre, si la vente concerne un terrain et non une voiture, pour la rendre
opposable aux tiers protégés de bonne foi (ex. un nouvel acquéreur si mon
vendeur est peu scrupuleux et essaye de vendre deux fois le même terrain),
il me faudra un acte authentique (notarié donc) transcrit (la transcription est
la formalité d’opposabilité des actes de mutations des droits réels
immobiliers aux tiers protégés de bonne foi) : pas un problème de preuve
mais bien un problème d’opposabilité de mon droit réel immobilier.

55. Actes translatifs, déclaratifs et constitutifs


Rappel : l’acte translatif (vente par exemple) est celui qui a pour effet de faire passer un
droit (déjà existant) d’un sujet de droit (personne juridique) à un autre tandis que l’acte
constitutif fait naître un nouvel état de droit, et, plus particulièrement dans la matière
des droits réels, il s’agit de l’acte qui fait naître un droit réel.
Carla Quadflieg 55
Ex :
- A est propriétaire d’une parcelle X, B de la parcelle voisine cadastrée Y, ils
conviennent de créer une servitude de passage grevant la parcelle Y au profit de
la parcelle X. Leur acte est constitutif de servitude (droit réel immobilier).

L’acte déclaratif est celui qui reconnaît un droit préexistant, qui constate une situation
juridique existante ou réputée telle par la loi (effet rétroactif : au moment où on fait la
déclaration, elle existe depuis un certain temps).

Exemples :
• La transaction (art. 2044 du Code civil 1804) : accord amiable écrit entre parti. LA
solution vaut depuis l’existence du litige, pas depuis le moment où elle est signée ;
Ex :
- Les parties se mettent d’accord sur un point qui les opposait, la solution
transactionnelle, amiable, à laquelle elles sont parvenues, vaut depuis la
naissance du conflit entre elles, c’est-à-dire rétroactivement.

• Le partage (art. 815 C. civ. 1804 et art. 3.75 du C. civ.) : pour rappel, le partage est
l’acte juridique par lequel il est mis fin à la copropriété ordinaire fortuite, par
exemple née par succession (organisée aux art. 3.69 à 3.75 C. civ. : ne pas savoir).
Cet acte de partage est dit déclaratif.

Ex :
- Mon père décède et laisse trois héritiers, moi et mes deux frères. Son patrimoine
est bénéficiaire, il présente une maison d’habitation. Nous décidons de sortir
d’indivision, de copropriété sur cette maison dont le droit de propriété est divisé
en trois (le droit de propriété, pas la maison). Si je reprends l’immeuble en
rachetant leurs parts à mes frères, il y a partage et le partage présentant un effet
déclaratif, je suis présumée être propriétaire unique de la maison depuis le décès
de mon père (effet rétroactif attaché au caractère déclaratif du partage). Mes
frères n’ont donc pas pu concéder des droits réels dessus (ex. hypothèque)
durant la période d’indivision puisqu’au moment du partage, le partage rétroagit
depuis le jour de décès donc seul moi suis propriétaire depuis le jour du décès.

56. Actes de disposition, d'administration et conservatoires (pouvoirs de ceux qui vont


les poser sont différents ; en fonction des prérogatives qu’ils nécessitent)
Cette distinction est davantage économique que juridique, ses contours sont, en
pratique, flous. Intérêt de cette distinction.

Ex :
Carla Quadflieg 56
- En cas de copropriété volontaire (née par contrat) ou fortuite (née par décès),
les actes conservatoires peuvent être fait par n’importe lequel des indivisaires
sans l’accord des autres (alors que nous sommes dans un cas de propriété) ;
tandis que les actes d’administration et de disposition ne peuvent être réalisés
que de l’accord de tous.

L’usufruitier peut accomplir seul (sans le concours du nu-propriétaire donc) les actes
d’administration et les actes conservatoires mais ne peut pas poser seul les actes de
disposition.

Ex :
- Dans une société, ce sont aussi différents organes de la société qui seront
compétents selon qu’il convient de poser des actes conservatoire,
d’administration ou de disposition.

Définitions :
• L’acte de disposition est l’acte grave qui entame ou engage un patrimoine, pour le
présent ou l’avenir.

Ex :
- La vente : si j’ai un droit sur une voiture et que je décide de la vendre, l’acte est
tellement grave que ce bien sort de mon patrimoine. Si je ne suis qu’usufruitier,
copropriétaire, emphytéote, je porte atteinte au droit du nu-propriétaire. Par
contre, si je suis propriétaire, pas de problème ; j’ai le droit de poser les actes de
dispositions.
- La constitution d’une servitude (droit réel perpétuel), d’un usufruit (droit réel
viager) … Je ne peux pas concéder une servitude sur le terrain que je loue si je
suis simplement locataire ou usufruitier (usufruit limité dans le temps, pas la
servitude) à acte de disposition (grave ; qui requiert le concours du
propriétaire)

• L’acte d’administration est l’acte de gestion, d’exploitation normale d’un bien.


L’usufruit peut réaliser les actes d’administration.

Ex :
- La mise en location du bail au profit de tel locataire moyennant tel loyer.
- L’usufruitier dont le droit porte sur un immeuble va pouvoir donner en location
cet immeuble (choisir le locataire, le montant du loyer) ; il n’a pas besoin du
concours du nu-propriétaire.
Carla Quadflieg 57
• L’acte conservatoire est l’acte nécessaire et urgent qui tend à éviter la perte d’un
bien 10 (vise à éviter une déperdition, une dégradation du bien).

Ex :
- Le toit de l’immeuble de mon défunt père s’envole suite à une tempête, j’en suis
copropriétaire avec mes deux frères (copropriété fruite), je peux, sans leur
accord, dans l’urgence commander les travaux de bâchage de l’immeuble destin
à le protéger des intempéries ; actes conservatoires (pas besoin de leur accord)
mais je ne peux pas aller plus loin et choisir l’entreprise qui sera mandatée
(considéré comme un acte d’administration).

57. Actes juridiques selon la qualité des cocontractants


On opposait autrefois les actes civils et les actes de commerce, l’accomplissement
d’actes de commerce pouvant emporter la qualité de commerçant.

Aujourd’hui, cette distinction n’a plus lieu d’être. L’application des règles qui étaient
attachées à la notion de « commerçant » dépend désormais, le plus souvent, de la
qualité d’ « entreprise » d’un sujet de droit déterminé.
De manière synthétique, l’entreprise est définie à l’art. I.1, 1° du Code de Droit
Économique (CDE) comme toute personne physique exerçant une activité
professionnelle à titre indépendant mais aussi toute personne morale, y compris par
exemple une ASBL. (cfr infra). Il y a toutefois d’autres définitions de l’entreprise selon
les matières (voir art. I.8, 39° CDE). Voir le cours de Maître Stas de Richelle.

On distingue alors, notamment, s’agissant d’appliquer divers corps de règles spécifiques


(la loi sur les faillites, le code de droit économique, la loi sur la réorganisation judiciaire),
l’entreprise, du consommateur et des personnes morales de droit public.

Les conséquences de la qualification d’entreprise sont nombreuses et variées.

Ex :
- On leur applique le C.civ. mais aussi le CDE

Les conflits entre entreprises sont portés devant le tribunal de l’entreprise, tandis que
les conflits entre personnes (ou une entreprise et un consommateur) qui ne sont pas
des entreprises sont portés devant les juges de paix ou le tribunal de première instance
(en fonction du montant de la demande, si la valeur de la demande < 5000€ : juge de
paix, si > 5000€ : tribunal de première instance). Un consommateur peut, par contre,

10
Voy., not., Cass fr., 11 février 2009, R.D.I., 2009, p. 297, note de Jean-Louis BERGEL.
Carla Quadflieg 58
toujours assigner une entreprise avec laquelle il est en affaire devant le tribunal de
l’entreprise, s’il le souhaite. Une entreprise ne peut a contrario jamais assigner un
consommateur devant le tribunal de l’entreprise (devant le juge de paix ou devant le
tribunal de première instance).

Les règles de preuve entre entreprises ou entre particulier et entreprise ne sont pas les
mêmes que celles du code civil ; il y a des assouplissements au profit du consommateur
ou du conflits ente entreprises.
Carla Quadflieg 59
CHAPITRE II. LA FORMATION DE L'ACTE JURIDIQUE

58. Les éléments constitutifs de l'acte juridique (éléments qui doivent être rencontrés
pour assurer la validité de l’acte juridique)
Pour rappel, les parties sont libres de réaliser des actes juridiques, selon le principe de
la liberté contractuelle (art. 1134 C. civ.) mais la loi énonce une série de conditions, au
sens d’éléments constitutifs, que doit remplir l’acte juridique pour être valablement
formé (valable dans sa formation).

Selon l’article 1108 du Code civil 1804, les éléments constitutifs de l’acte juridique sont :
la volonté, la capacité, l’objet et la cause licite. Nous en distinguerons 5 en réalité (la
volonté, la capacité, l’objet, la cause et la licéité, càd la légalité).

59. La volonté, L’expression de la volonté


Rappel : le consensualisme implique que l’acte juridique, en principe, ne doit remplir
aucune condition de forme pour être valablement formé (simple échange des
consentements) ; l’expression de la volonté n’est soumise à aucune forme pour être
efficiente (elle peut être tacite, orale, écrite).

On notera, spécialement pour les contrats (actes juridiques bilatéraux dans leur
formation), qu’il faut qu’il y ait rencontre de deux ou plusieurs volontés ; le contrat naît
d’un concours de volontés au terme d’une phase de négociation que l’on appelle les
pourparlers contractuels. Le moment exact et le lieu exact où vont finalement se
rencontrer les volontés, l’offre et son acceptation dans le cas d’une vente, sont très
importants et déterminants en droit belge.

Ex :
- La vente immobilière (acte authentique nécessaire pour opérer au transfert de
propriété) : en tant que candidat acquéreur, on peut émettre une offre au profit
du vendeurs. Le vendeur peut réfléchir à cette offre et peut mettre plusieurs
jours/semaines avant d’accepter l’offre émise. La vente est parfaite au moment
où l’offre et l’acceptation se rencontrent, quand il y a un échange des
consentements.

60. La volonté doit exister réellement (difficultés rencontrées au moment de l’émission


de la volonté)
Il faut toutefois que la volonté, même exprimée tacitement, existe réellement, qu’il n’y
ait pas seulement une apparence de volonté.
Carla Quadflieg 60
Problème en cas d'absence de consentement : absence de discernement dans le chef
d’une partie qui contracte, violence physique, erreur-obstacle (erreur in corpore et
erreur in negotio) les consentements se croisent mais ne coïncident pas.

Ex :
- Contrat passé avec un dément ou un incapable juridique
- Contrat passé un revolver sur la tempe
- Contrat par lequel je pense vous acheter votre maison à Liège alors que vous
vous pensez me vendre votre appartement à Knokke

Cette difficulté permet de mettre en évidence des vices de la volonté qui peuvent
entrainer l’annulation de la vente.

61. Les vices de la volonté


La volonté doit non seulement exister au moment de l’échange des consentements mais
elle doit être exempte de vices. Tous ces vices n’entraineront la « non validité » du
contrat que s’ils ont été déterminants.

Les vices de consentement sont déterminés par le Code civil :


• L’erreur (doit être très grave) (erreur-vice) (art.1110 C. civ. 1804) doit porter sur un
élément déterminant du contrat, que l’autre partie connaissait ou devait connaître
; peu importe l’erreur sur la valeur d’une prestation, sur le prix ou l’erreur sur la
personne (sauf contrats intuitu personae) ; ne pas confondre en droit les concepts
d’erreur et de faute (cfr infra) ;

Ex :
- Je pense vous acheter votre voiture, une golf VW grise de 2017, mais vous roulez
dans la voiture de votre maman, cette golf et vous vous pensez me vendre votre
voiture, soit une Lada de 1991 avec laquelle vous roulez peu car elle n’est pas en
ordre.
- Contrat par lequel je pense vous acheter votre maison à Liège alors que vous
vous pensez me vendre votre appartement à Knokke

• Le dol (art.1116 C. civ. 1804) : tromperie, manœuvre frauduleuse, rétention


d’informations essentielles, pratiquées intentionnellement par un des
cocontractants pour obtenir le consentement de l’autre ;

Ex :
- Je vous vends ma maison située à Argenteau car je fais l’objet d’une procédure
d’expropriation pour l’extension du trilogiport de port de Liège, pour me garantir
Carla Quadflieg 61
le meilleur prix possible, j’omets de vous donner l’infirmation de l’expropriation
imminente.

• La violence (art. 1112 à 1115 C. civ. 1804) : contrainte illégitime exercée sur la
volonté d’une partie par la crainte actuelle d’un mal considérable portant atteinte à
l’intégrité physique ou morale ou aux biens de cette partie ou de ses proches ;

Ex :
- J’enlève votre fille pour obtenir de vous que vous me vendiez votre florissante
société pour 1 euro symbolique. La vente pourra être attaquée pour violence et
annulée.
- Homejacking chez une bijoutière et on vise à lui faire signer une série de contrats
de ventes de diamants qui sont dans le coffre de sa bijouterie mais en ayant un
revolver sur sa tempe ou en lui ayant donné des coups et la menaçant de
nouveaux coups.

• La lésion : mal pécuniaire, contemporain à la formation du contrat (doit exister au


moment du contrat), correspondant à la disproportion financière entre l’avantage
obtenu par une partie et celui concédé à son cocontractant ; matière en évolution.

Ex :
- Je vends 120.000 euros, une maison qui en vaut 270.000. La lésion n’est en
principe pas admise comme cause d’annulation d’un acte juridique.

Elle est admise seulement dans de rares cas par le Code civil (art. 1118 C. civ.
1804) à la lésion n’entraine pas l’annulation du contrat.

• Quant à certains contrats, telle l'hypothèse de l'article 1674 C. civ. 1804. Le vendeur
d’immeuble lésé de plus de 7/12è dans le prix de l’immeuble peut demander la
rescision, l’annulation de la vente

Ex :
- Je vends un immeuble 120.000 euros alors qu’il vaut 270.000 euros au moment
de la vente, je suis lésé de plus de 7/12è (7/12è correspondant à 157.500 euros)

Vu cette vision restrictive du législateur, s’est développé le concept jurisprudentiel


(cours et tribunaux) de la lésion qualifiée ou encore la théorie de l’abus de circonstances.

Explication :
Carla Quadflieg 62
Originellement propre au prêt à intérêt (débiteur est aux abois, n’arrive plus à
rembourser ses différents crédits ; j’en profite pour lui faire un prêt d’argent à un taux
disproportionné qu’il ne pourra pas refuser ca je suis le seul à bien vouloir lui en prêter),
son champ d’application s’est élargi sous l’impulsion de la doctrine et de la
jurisprudence. Aujourd’hui, la Cour de cassation (cour suprême en droit civil) considère
qu’un contrat peut être annulé si la disproportion importante qui y est consacrée trouve
sa source dans le comportement d’une des parties qui a abusé des besoins, des
faiblesses, des passions ou de l’ignorance de son cocontractant.
Le cas classique de vente immobilière susceptible d’être annulée pour lésion qualifiée
est celui où le vendeur est une personne âgée (qui n’est pas mise sous administration
provisoire et est donc parfaitement capable en droit) qui n’est plus capable de s’opposer
aux conditions de la vente imposées par l’acquéreur.

62. La capacité
Pour réaliser valablement un acte juridique, il faut disposer de la capacité juridique,
essentiellement la capacité d’exercice (cfr infra), c’est-à-dire être apte à conclure seul
et en son nom des actes juridiques. La matière de la capacité est développée plus loin
dans le cours. On ne peut contracter qu’avec une personne juridique dotée de la
capacité juridique (on l’acquiert naturellement à 18 ans, à notre majorité sauf pour
l’achat d’un GSM/abonnement GSM). A partir de 18 ans, on a tous la capacité juridique
(exceptions : démence…).

63. L'objet de l’acte juridique


L’acte juridique a pour objet de faire naître des effets de droits. L’objet de l’obligation
est une prestation qui doit être :
• Objectivement possible et réalisable

Ex :
- Contrat visant à me faire livrer une licorne vivante ou un dragon vivant, partir en
vacances sur Jupiter à pas un contrat qui est un objet possible et réalisable.

• Déterminée ou du moins déterminable sans qu’un nouvel accord de volontés ne soit


exigé.

Ex :
- Vendre « du sable » sans indication, de quantité, de contenances, n’est pas
réaliser un contrat dont l’objet est déterminé ou à tout le moins déterminable ;
il faudra un autre accord des parties pour savoir la quantité.

64. La cause (en droit belge, un contrat doit avoir une cause)
Carla Quadflieg 63
La cause est une notion très discutée en droit privé, plusieurs conceptions de la cause
existent. La cause, c’est l’intérêt de l’acte juridique pour son auteur, le pourquoi de
l’obligation ou de l’acte juridique. En droit belge, on vise par cause les motifs
déterminants (qui doivent être essentiels) de la conclusion du contrat qui sont,
essentiellement, soit les engagements pris par l’autre partie, soit, dans les actes à titre
gratuit, l’intention libérale.
En cas d’absence de cause ou de fausse cause, le contrat n’est pas valide.

Ex :
- Je vous donne tel bien car vous êtes mon fils (je crois cela) puis j’apprends que
vous n’êtes pas mon enfant à l’absence de cause entraine l’annulation d’un
contrat.
- Je pense que nous nous aimons et nous achetons en commun une maison en
copropriété volontaire sans possibilité de dissolution (de sortir de cette
copropriété), deux semaines plus tard, j’apprends que vous avez une maitresse
à la cause de mon entrée en copropriété a disparu (liens affectifs) à arrêt de
la cour de cassation de 2014.

65. La licéité (légalité) de la cause de mon contrat


L’acte juridique doit être licite (légal) (art. 2 et 1131 C. civ. 1804) ; l’objet des prestations
et la cause du contrat doivent être licites.

Rappel : notions d'ordre public au sens large ; normes impératives et d'ordre public
sensu stricto.

Ex :
- J’accepte comme administrateur indépendant d’une société publique que vous
vous versiez d’importantes indemnités (rémunération) et en échange vous me
vendez une des sociétés détenues par cette société publique pour un euro
symbolique à la cause de ce deal est illicite.
- Vous me louez votre maison en vue de me permettre d’y organiser une
exploitation de cannabis, le loyer est proportionnel aux gains que génère cette
activité et donc disproportionné par les lieux et le nombre de m2 loués à
annulation du contrat de bail sous sa cause illégale
Pour toutes les autres conditions que les 5 qui viennent d’être citées, la liberté
contractuelle domine.
66. La sanction du vice contemporain de la formation de l'acte (contrat) : la nullité
Carla Quadflieg 64
La sanction (liée au fait qu’un de éléments constitutifs du contrat n’est pas présents ;
ex : pas de licéité…) de la malformation de l’acte juridique est la nullité 11. La nullité doit
être demandée en justice en intentant une action en nullité ; en cas de lésion, cette
sanction porte le nom particulier d’action en rescision pour lésion.
La nullité doit être demandé en justice.

67. Effets de la nullité


Effet rétroactif ; on fait comme si le contrat n’avait jamais existé (sauf aménagements) :
restitution intégrale de part et d'autre, remise en pristin état.

Ex :
- Vente : le vendeur reprend le bien vendu, l’acheteur récupère le prix payé. Si
travaux déjà faits par l’acheteur, soit ils sont démolis soit le vendeur indemnise
l’acheteur.

Possibilité de nullité partielle (art. 900 C. civ. 1804).

Ex :
- Mon père fait un testament à mon profit à charge pour moi de délivrer à mon
frère une licorne en parfaite santé, le testament reste valable (et sera exécuté à
mon profit), seule la condition impossible est annulée.

11
Voy., sur le concept de nullité, Cl. RENARD et Ed. VIEUJEAN, « Nullité, inexistence et
annulabilité, en Droit civil Belge », Ann. Fac. Liège, 1962, p. 243.
Carla Quadflieg 65
CHAPITRE III. L'EXÉCUTION DE L'ACTE JURIDIQUE

68. Introduction
L’acte juridique forme la loi des parties (principe également à l’article 134 C. civ. 1804,
comme celui de le liberté contractuelle), il lie les parties, et le juge, comme le ferait la
loi : c’est le principe de la convention-loi, impliquant que toutes les obligations nées de
l’acte juridique doivent être exécutées telles que prévues par les parties au contrat, le
créancier pouvant contraindre le débiteur à s’exécuter.

69. Principe : l'exécution en nature, volontaire ou forcée


En principe, le créancier a droit à l’exécution en nature de l’obligation promise par le
débiteur, c’est-à-dire le paiement, l’exécution de l’obligation telle que
contractuellement prévue. Pareillement, le débiteur a le droit d’exécuter son obligation
telle qu’initialement prévue. L’exécution en nature peut être volontaire ou forcée.

Ex :
-Si la convention porte sur la livraison de cuir vegan dans une manufacture ; la
manufacture a droit à l’exécution de l’obligation convenue, la livraison du cuir
en question.
- Si la convention est conclue avec votre couvreur préféré et porte sur la réfection
du toit de votre habitation, vous avez droit à l’exécution de cette obligation.
L’obligation est alors exécutée en nature la plupart du temps volontaire (ce qui signifie
que le débiteur s’exécute spontanément).

70. L’exécution forcée en nature


Si le débiteur ne s’exécute pas librement, le créancier va pouvoir l’y contraindre, après
avoir réalisé, en principe, une mise en demeure, qui est un préalable presque toujours
obligatoire, à savoir l’expression claire et non équivoque en termes impératifs de la
volonté du créancier de voir son débiteur exécuter l’obligation. Le simple écoulement
du délai dans lequel l’obligation devait contractuellement être exécutée (par exemple,
obligation du couvreur de réaliser la réfection de mon toit dans les 5 semaines qui
suivent la signature du contrat et ce délai est dépassé) ne suffit, en principe, pas. C’est
à partir de la mise en demeure que commencent à courir les intérêts de retard
éventuellement prévus par le contrat. La mise en demeure s’imposera quand même à
l’expiration du délai (nuances, clauses de dispense de mise en demeure ; relativement
rares et doivent être réciproques). La norme reste une mise en demeure préalable avant
l’assignation en justice quand un co-contractant n’exécute pas ses obligations (ex : client
ne paie pas, fournisseur ne livre pas).
Carla Quadflieg 66
Pour obtenir l’exécution en nature forcée de l’obligation de son débiteur, le créancier
devra disposer d’un titre exécutoire, c’est-à-dire un titre revêtu de la formule exécutoire
qui lui confère force exécutoire, force qui permet de procéder à l’exécution forcée du
titre en requérant le concours des agents de la force publique et des huissiers, en bref,
le créancier devra disposer d’un jugement. Plus les jours passent, plus l’astreinte
(somme d’argent) augmente.

Ex :
- Si mon couvreur ne s’exécute pas après les 5 semaines, je le mets en demeure
en lui laissant un ultime délai de 15 jours pour s’exécuter, s’il n’a toujours rien
fait, je l’assigne en justice en vue d’obtenir contre lui un jugement qui la
contraindra (sous astreinte, le cas échéant) à s’exécuter. Le jugement prévoira
également qu’il doit m’indemniser pour l’action en justice que j’ai dû introduire
(dépens) et, le cas échéant, pour le retard mis dans l’exécution de son obligation.

Palliatifs :
L’exécution en nature forcée n’est pas toujours intéressante (ex : si l’exécuteur est
insolvable).
à Exécution en nature indirecte (remplacement judiciaire, art. 1143 et 1144 C. civ.
1804) : recours à un tiers aux frais du débiteur aux frais du débiteur (je pourrais réclamer
le montant de la facture auprès du débiteur). Inconvénient, j’ai besoin de l’autorisation
préalable du juge sauf clause contractuelle expresse de remplacement (qui, souvent,
permet à la partie qui est face à quelqu’un de récalcitrant, de procéder au remplacement
conventionnel à je ne dois pas aller préalablement devant le juge).

Ex :
- Le remplacement judiciaire me permet de contracter avec un tiers au contrat,
car mon débiteur ne s’exécute pas et que le juge m’y autorise, le tiers exécutera
l’obligation de mon débiteur à sa place et à ses frais. Comme pour l’exécution
forcée en nature, en cas de remplacement judiciaire, je dois d’abord saisir le juge
en vue d’avoir un juge et ce sauf contrat de remplacement conventionnel
stipulée dans le contrat.

Astreinte (art. 1385bis C. jud.) : condamnation par le juge au paiement d’une somme
d’argent en cas d’inexécution de la condamnation principale pour non-respect de la
décision judiciaire ; rôle coercitif ; cumul possible avec les dommages et intérêts ;
interdite dans certains cas (par ex. en cas de condamnation au paiement d’une somme
d’argent). Le but, c’est d’avoir une condamnation pécuniaire accessoire qui vient
renforcer le caractère contraignant de la condamnation principale et qui vient motiver
le débiteur à s’exécuter car il se dit que s’il attend trop, les astreintes vont courir,
s’accumuler et atteindront une somme très importante.
Carla Quadflieg 67
Ex
- Mon vendeur refuse de passer l’acte authentique de vente me permettant de
devenir propriétaire de la maison que j’ai acheté (compromis signé depuis plus
de 4 mois). J’ai donc déjà un droit de créance, droit à la propriété. Je peux
l’assigner devant le juge qui le contraindra, par jugement, et sous astreinte, à se
présenter chez le notaire tel jour à telle heure pour la signature de l’acte, s’il ne
s’exécute pas, des astreintes courront contre lui, le juge prononce des astreintes
d’un montant dissuasif (par ex. 5.000 euros par jour de retard).

Limites de l’exécution forcée en nature :


• Violation d’une obligation de ne pas faire (non facere)
Ex :
- Si mon voisin s’engage à ne pas couper de magnifiques érables, que je trouve
splendides et sur lesquels donnent mes fenêtres, puis que par un beau dimanche
matin, il les tronçonne tous jusqu’à la base, l’exécution en nature ne sera plus
possible, les arbres étant à terre.
- Je divulgue des informations secrètes dont vous m’aviez fait part et que je
m’étais engagée à ne pas divulguer.

• Disparition de la species (chose spécifiée)


Ex :
- Si vous vous engagez à me vendre votre voiture et que nous convenons de nous
retrouver mardi sur le parking P17 du Sart-Tilman pour la remise du véhicule et
le paiement du prix convenu mais que dimanche un incendie ravage votre garage
et entraine la perte totale de votre voiture, l’exécution en nature n’est plus
possible.

• Perte d’intérêt de l’obligation à laquelle était tenue mon débiteur


Ex :
- Si une vedette internationale est programmée au Forum le lundi 9 mars 2020 (la
pub est lancée, la salle est réservée, les places sont vendues) mais qu’elle n’arrive
qu’avec un vol du mardi 10 mars, l’exécution en nature n’est plus satisfaisante
pour le Forum qui a dû rembourser ses clients la veille.

• Et, surtout, pas de contrainte sur la personne


Ex :
- Même muni d’un jugement (ex. jugement d’expulsion), une partie au contrat
(dans mon ex. le bailleur) ne peut débarquer dans le bien loué et mettre le
locataire dehors et ses affaires à la rue, la contrainte physique n’est jamais
possible. Le bailleur qui a un jugement d’expulsion devra le faire signifier en
notifiant un ultime délai pour quitter au locataire puis faire appel à un huissier
Carla Quadflieg 68
qui procèdera à l’expulsion, après ultime avertissement du locataire (le cas
échéant avec le concours d’un serrurier et de la police). Ce n’est jamais le bailleur
qui peut mettre dehors son co-contractant !

Conséquence, l’exécution forcée en nature se limite à la saisie des biens, voire expulsion
dans certains rares cas.

Ex :
- Dès lors si le débiteur refuse malgré jugement de s’exécuter, je ferai saisir les
biens composant son patrimoine pour me payer dessus (par ex. en raison
d’astreintes dues), voir en matière de bail, je pourrais faire procéder par huissier
à son expulsion mais dans le cas du couvreur, si le couvreur malgré jugement, ne
veut pas entendra raison, je ne pourrais pas demander à qqn de le menacer
physiquement, révolver sur la tempe, pour qu’il s’exécute et procède aux travaux
commandés sur mon toit.

71. L'exécution par équivalent. La responsabilité contractuelle (obligation pas exécutée


par une des parties au contrat)
Vu les limites de l’exécution forcée en nature, le créancier devra parfois se contenter
d’un pis-aller (mesure de « sauvetage », pas sa favorite), l’exécution par équivalent,
c’est-à-dire le versement de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi en
raison de l’inexécution en nature ; dommages et intérêts pour compenser le retard ou
l’inexécution, totale ou partielle. La responsabilité contractuelle du débiteur est ainsi
mise en cause.
Conditions de la responsabilité contractuelle :
• Exigence d’une mise en demeure (sauf clause de dispense) ;
Exception : art. 1146 C. civ. 1804 « Les dommages et intérêts ne sont dus que
lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté
néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire
ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer ».

Explication :
- La mise en demeure est un préalable obligatoire tant de l’exécution en nature
que de l’exécution par équivalent mais il arrive que mettre en demeure n’ait pas
de sens par exemple, parce que l’obligation promise devait être exécutée dans
un délai que le débiteur a laissé s’écouler (ex : vedette internationale : si tout est
programmé pour que le spectacle ait lieu le 9 mars et qu’elle arrive le 10 mars,
on n’est plus intéressé par l’exécution en nature ; on ne met pas en demeure de
s’exécuter mais bien d’indemniser à contrat rompu pour faute contractuelle).
Carla Quadflieg 69
• Établir le dommage et son montant ;

Ex :
- Il appartient au créancier de prouver son dommage et l’ampleur de celui-ci, le
dommage non prouvé par le créancier n’est pas indemnisé.
Je ne peux pas dire, vous n’êtes pas venu au spectacle que j’avais organisé pour
que vous, humoriste, donc vous me devez 1.000.000 d’euros, je dois prouver
quel est mon dommage, ma perte de chiffre d’affaire, le coût du remboursement
des spectateurs, le paiement de mes préposés (caissières, personnel de salle,
éclairagistes, ingénieurs du son, autres dépenses (publicité, impression…)

• Preuve que l’inexécution de l’obligation du co-contractant est imputable au


débiteur (= c’est par sa faute que je n’ai pas obtenu l’exécution de l’obligation) ;
charge de la preuve : distinction en cas d’obligation de moyen ou de
résultat (plus facile) ; notion de cause étrangère libératoire.

Ex :
- Si l’obligation non exécutée est une obligation de résultat (par exemple, être
présent le jour où le spectacle dont je suis la vedette est programmée), le
créancier aura une preuve simple à rapporter que je n’étais pas présent le jour
du spectacle, en d’autres termes, que le résultat n’est pas atteint et ce sera à
moi (débiteur) d’établir que mon absence est due à une cause étrangère
libératoire (un cas de force majeure ex : tremblement de terre, le fait d’un tiers
ex : je dois livrer un bien qui est volé la nuit qui précède la livraison ou le fait du
prince = état ex : mesures de confinement qui empêchent certains secteurs
d’activité de travailler).

Ex. de cause étrangère libératoire :


- Un particulier confie sa voiture à un garagiste à des fins d’entretien du véhicule.
Il apprend quelques jours plus tard que son véhicule a été volé par un tiers (le
garage a été cambriolé). Cet évènement exonère le garagiste de son obligation
de restituer le bien et l’indemnisation sera par équivalent via la compagnie
d’assurance du garagiste mais le particulier ne pourra pas assigner le garagiste
pour obtenir l’exécution en nature forcée de son obligation de restitution).
- Quid de l’obligation de restitution d’un dépositaire (bénéficiaire d’un contrat de
dépôt) de marchandises stockées dans un entrepôt qui est le théâtre d’un
incendie ? Je confie mes pneus à un garagiste pour l’hiver et le garagiste se fait
cambriolé. Une compagnie aérienne est contrainte d’annuler un vol en raison
d’une grève massive des contrôleurs aériens, frappant onze pays de l’espace
Carla Quadflieg 70
européen (dont ceux concernés par le vol). Le co-contractant est libéré de son
obligation de restitution car il ne peut plus l’exécuter mais l’inexécution ne lui
est pas imputable et je serai indemnisée par sa compagnie d’assurance.

Si l’obligation non exécutée est une obligation de moyen (tout mettre en œuvre pour
attendre tel résultat), le créancier de l’obligation inexécutée ne pourra pas se contenter
de prouver que le résultat n’est pas atteint ; il devra établir que tous les moyens n’ont
pas été mis en œuvre pour sauver une personne décédée par exemple.

72. Règles particulières aux contrats synallagmatiques (pour rappel bilatéraux quant
à leurs effets)
1. L'exception d'inexécution (!!!) : c’est le droit, pour le créancier, de suspendre
l’exécution de son obligation (ex : paiement de factures régulières) en cas
d’inexécution, imputable à son débiteur, de l’obligation réciproque; ce
mécanisme suppose un rapport synallagmatique ; ce mécanisme a un effet
purement suspensif (il ne met pas fin au contrat ; on suspend l’exécution du
contrat) ; pas de principe général dans le Code civil mais des applications éparses
(exemples : art. 1612 et art. 1704 C. civ. 1804) ; est exigée comme condition pour
invoquer ce mécanisme, la bonne foi de celui qui invoque l’exception qui ne doit
pas (= du créancier de l’obligation non exécutée qui met en œuvre de suspendre
ce contrat), ce faisant, créer de déséquilibre inverse (proportionnalité et ne pas
dire « je ne fais rien parce que vous ne faites rien »).

Ex :
- Je suis un locataire, mon bailleur s’abstient de faire les réparations qui
s’imposent aux sanitaires du bien loué (pourtant je lui ai indiqué les difficultés
que je rencontrais et l’ai même mis en demeure de les solutionner). En vertu du
principe d’exception d’inexécution, je vais pouvoir suspendre une partie du
paiement du loyer tant que le problème n’est pas solutionné. Je dois toutefois
veiller à ne pas créer un déséquilibre en sens inverse donc je ne peux pas
suspendre tout paiement du loyer pour ce motif. Je dois retenir la partie de loyer
qui convient, pas tout le loyer.
- Si livraison partielle (50% des matières premières qu’il s’était engagé à livrer). Si
je décide de retenir la totalité du paiement à pas bonne foi à déséquilibre. On
ne doit pas suspendre l’exécution pour plus que ce qui n’a pas été exécuté par
l’autre parti.

2. L'action en résolution (toujours permise en matière de contrat synallagmatique):


l’article 1184 du Code civil 1804 offre le choix, dans les contrats synallagmatiques
(bilatéraux quant à leurs effets à droits et obligations), au créancier entre
Carla Quadflieg 71
demander l’exécution forcée de l’obligation inexécutée et demander la
résolution du contrat, accompagnée le cas échéant de dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice (contrôle juridictionnel a priori), avec


pouvoir d’appréciation du juge sur l’opportunité de la résolution.

Ex :
- Mon poseur de châssis me fait lanterner depuis des mois et mon chantier n’a pas
démarré, je peux soit l’assigner pour obtenir sa condamnation, sous astreinte
(=somme d'argent qu'une personne débitrice d'une obligation de faire ou de ne
pas faire, doit payer au créancier de la prestation jusqu'à ce qu'elle se soit
exécutée), à s’exécuter en nature ou demander la résolution (l’anéantissement)
du contrat au torts de mon cocontractant avec le cas échéant des dommages et
intérêts.

Il faut avoir un jugement pour dire à l’autre partie que le contrat est rompu à parfois
« handicapant » (car long…).

Mais possibilité d’une clause résolutoire expresse aussi appelée « pacte commissoire
exprès » ou encore d’une résolution unilatérale par notification : matière en évolution.
La clause résolutoire expresse est une clause qui prévoit dès le départ, dans le contrat,
qu’en cas d’inexécution imputable à une partie, l’autre partie peut sur base de cette
clause du contrat mettre un terme au contrat moyennant, le cas échéant, une indemnité
fixée forfaitairement (et appelée clause pénale voy. Infra.) Doit être en principe
réciproque. Pas toujours admise par la jurisprudence dans un contrat de bail par
exemple.

La jurisprudence a aussi développé le concept d’une résolution unilatérale par


notification, lorsque le débiteur de l’obligation ne répond plus à rien et de rien. Il pourra
se voir notifier par le créancier de l’obligation inexécutée une résolution unilatérale.
Effet immédiat au jour de réception de l’envoi du recommandé (+- 3 jours après). Le
contrôle du juge se fait ici à posteriori. Si le juge décide que la résolution unilatérale est
abusive, il peut estimer que le contrat continue de vivre et de sortir ses effets à risque !
Avantage du système : rapidité mais il y a un risque !
Par son arrêt du 16 février 2009, la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence
antérieure consacrant la légalité de la résolution unilatérale. Ainsi, un contractant peut
décider, de sa propre initiative et sans qu’une clause du contrat ne le prévoie, de
considérer que le contrat est résolu. Il le fait cependant à ses risques et périls car un
tribunal pourrait décider a posteriori que sa décision n’était pas justifiée et que, par
conséquent, il a mis fin au contrat de façon fautive ce qui justifie qu’il soit condamné à
des dommages et intérêts. En principe, il se doit notamment de mettre son contractant
Carla Quadflieg 72
en demeure de s’exécuter et de lui laisser un dernier délai avant de lui notifier qu’en
raison des manquements graves qui lui sont reprochés, le contrat est résolu. C’est plutôt
un mécanisme à mettre en œuvre quand le débiteur ne répond plus à rien, qui est
totalement défaillant.

Si la résolution est judiciairement prononcée, elle anéantit le contrat avec effet


rétroactif ; on fait comme si le contrat n’avait jamais existé (mais cet effet rétroactif,
selon les circonstances, peut être partiel (pour mémoire)).
Carla Quadflieg 73
CHAPITRE IV. LES EFFETS DE L'ACTE JURIDIQUE QUANT AUX PERSONNES
(à opposabilité)

Section 1. Le principe de la relativité des effets internes des contrats (ne lie que les
parties qui ont signé le contrat ; droits et obligations contenues dans le contrat)

73. Principe
Art. 1165 C. civ. 1804 : les conventions n’ont d’effet qu’entre parties contractantes,
signifiant que les contrats ne créent des droits et des obligations que pour les parties
contractantes.

Exception : distinction avec l’acte juridique unilatéral.


L’acte juridique unilatéral dans sa formation (ex. testament) créé toujours des droits au
profit d’un tiers à l’acte

Ex :
- Testament ; par un acte juridique que je pose tout seul, je privilégie certains tiers.

74. Précisions par rapport à ce principe


Les héritiers du défunt héritent de ses droits et de ses obligations sauf termes
contractuels contraires, contrat intuitu personae, droit viager (usufruit s’éteint à mon
décès à je ne transfère rien à mes héritiers).

Ex :
• Si mon père est bailleur, je ne peux pas mettre le locataire dehors parce que je
ne suis pas une partie à l’acte (au contrat de bail), en tant qu’héritier, que
continuateur de la personne du bailleur, je suis tenu par ce contrat alors que je
suis un tiers.
• Si par contre, je rachète un bien à X, bien que X se soit offert en contractant un
crédit, je n’hérite évidemment pas de l’obligation de rembourser le crédit qui
pèse sur X, je ne reçois ni les droits ni les obligations de mon auteur, de mon
vendeur. Exceptions, éventuelles obligations réelles (pendant des droits réels)
existants sur le bien acheté (et le suivant donc – droit de suite) et opposables.

Ex (rappel) :
• Si je suis usufruitier, à mon décès, mes enfants n’en hérité pas. Par contre, si je
suis nu-propriétaire et qu’un usufruitier (droit viager) existe, mes héritiers seront
tenus de respecter l’usufruit de cet usufruitier tant que lui est en vie.
Carla Quadflieg 74
• Servitude grevant le fonds servant (fonds sur lequel on passe), si ce fonds est
vendu, la servitude s’impose au nouvel acquéreur du fonds servant sauf si elle
n’est pas transcrite, sinon pas opposable au nouvel acquéreur de bonne foi. (Bien
immobilier à droit de suite)

75. Exceptions
Exceptionnellement, un tiers au contrat peut être contraint à l’exécution d’une
obligation à laquelle il n’a pas souscrit ou peut jouir d’un droit qui découle d’un contrat
auquel il n’est pas partie.
On citera :
• Les obligations et les droits réels ;

Ex (rappel) :
• Si je suis titulaire d’un droit réel muni du droit de suite et du droit de préférence,
au moment où je vends le bien sur lequel porte le droit réel, le droit réel passe
entre les mains du nouvel acquéreur, qui devient titulaire d’un droit réel alors
qu’il n’est pas lui-même partie au contrat constitutif initial.
• A contrario, si je vends le bien grevé du droit réel, cette obligation ne s’éteint pas
par le simple effet de la vente à continue de grever le bien vendu.

Mes droits et obligations réels, dans leur mécanisme, sont des exceptions au principe
de la relativité des effets internes du contrat.

• Les cas spécifiques des articles 40 du décret du 15 mars 2018 relatif au bail
d’habitation et 1743 du Code civil 1804 ; (un droit de créance, c’est-à-dire un
droit personnel peut être exceptionnellement muni d’un droit de suite)

Ex (rappel) art. 40 du décret du 15 mars 2018 et art. 1743 C. civ. 1804


• Art. 40 décret 15 mars 2018 (décret wallon) « Si le bailleur vend la chose louée,
l'acquéreur ne peut expulser le preneur (locataire) qui a un bail authentique ou
dont la date est certaine, à moins que soit réservé ce droit au bailleur ou à
l'acquéreur par le contrat de bail ». Reprend, pour l’habitation, la formulation de
l’article 1743 C. civ. (toujours d’application)
• Art. 1743 C. civ. (pas abrogé en région en wallonne, l’article 40 répète
l’exception) « Si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le
fermier ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine, à
moins qu'il ne se soit réservé ce droit par le contrat de bail » (cet article n’est
abrogé en région wallonne qu’en ce qui concerne le bail de résidence principale).
Carla Quadflieg 75
• L'action directe (ex. : art. 1798 C. civ. 1804) : action des sous-traitant contre le
client (pas le co-contractant);

Schéma et exemple :
• Art. 1798 C. civ. : « Les maçons, charpentiers, ouvriers, artisans et sous-traitants
qui ont été employés à la construction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages faits
à l'entreprise ont une action directe contre le maître de l'ouvrage jusqu'à
concurrence de ce dont celui-ci se trouve débiteur envers l'entrepreneur au
moment où leur action est intentée. (…) ».

Maitre de l’ouvrage -------- contrat d’entreprise -------------------- Entrepreneur

Action directe Contrat de sous-traitance

Sous-traitants (maçons, charpentiers, ouvriers, artisans)

Si le sous-traitant n’est pas payé par l’entrepreneur, le sous-traitant peut intenter une
action directe : exception au principe de la relativité aux effets internes des contrats à
tire son droit d’être payé d’un contrat qui est le contrat d’entreprise auquel il n’est pas
parti : contrat d’entreprise.

Autre exemple : assurances


Tiers auteur du préjudice -------- ex. trouble de voisinage ------------- assuré victime

Action directe Contrat d’assurance indemnise

Compagnie d’assurance de la victime

TEC doit payer un salaire à un chauffeur qui a été agressé pendant la durée
d’incapacité.
Carla Quadflieg 76
Section 2. Le principe de l'opposabilité des effets externes actes juridiques (contrat est
une réalité qui s’impose aux tiers)

76. Définition
L’acte juridique est une réalité que les tiers ne peuvent ignorer, même s’il ne crée pas
en principe de droits et d’obligations dans leur chef. L’acte juridique s’impose aux tiers
à l’égal d’un fait juridique, avec ses conséquences heureuses ou malheureuses :
obligation de respect, droit de s’en prévaloir.

Ex :
- Le contrat par lequel mon débiteur vend le seul bien composant l’actif de son
patrimoine, ce contrat est une réalité pour moi, créancier.

77. Exceptions
Parfois, la loi prévoit que l’acte juridique est certes toujours valable entre les parties
mais est, par exception, inopposable aux tiers ou à certains tiers, qui ne seront donc pas
obligés de le respecter ; ils pourront faire comme si, pour eux, l’acte n’existait pas.

On citera :
• Action paulienne (art. 1167 C. civ.) : arme du créancier contre les actes accomplis
par son débiteur en fraude de ses droits (le débiteur s’appauvrit délibérément).
(pour mémoire : ne PAS savoir)
• La transcription des droits réels immobiliers (art. 3.30 et 3.31 C. civ.) :
inopposabilité aux tiers protégés de bonne foi de certains actes juridiques non
transcrits (pas fait l’objet d’un acte notarié et d’une transcription).

Rappel
- La servitude : A et B créent une servitude entre elles : A permet à B de passer sur sa
propriété (pas d’acte notarié ni de transcription). Le titulaire du fonds servant revend
le fonds servant et ne parle pas de la servitude au nouvel acquéreur. Celui-ci pourra
faire valoir l’inopposabilité de l’acte constitutif de servitude puisque, un droit réel
perd son droit de suite (exception ; droit réel immobilier), si pas transcrit ni acte
notarié, pourra ignorer/se rendre inopposable l’acte constitutif de notre droit
(servitude, usufruit, emphytéose…).
- Si je vends ma maison en viager en me réservant un usufruit et que je ne fais pas
transcrire cette situation, la constitution de l’usufruit n’est pas opposable au tiers
acquéreur de bonne foi.
Carla Quadflieg 77
Pour les droits réels immobiliers : formalisme d’opposabilité est très lourd. S’il
n’est pas respecté, il a pour effet de rendre l’acte réel constitutif inopposable au
nouvel acquéreur.

• La simulation (art. 1321 C. civ.) : la simulation est un mensonge concerté entre


les parties, se réalisant par la conclusion d’un acte ostensible, fausse apparence
(ex. bail qui prévoit un loyer très bas (200 euros/mois)), et d’une convention
secrète à vrai negotium entre les parties : véritable volonté juridique des partis,
la contre-lettre, contenant leur véritable volonté juridique (un loyer de 650
euros/mois) ; ce mensonge peut entrainer selon l’intérêt des tiers (nouvel
acquéreur de l’immeuble loué) soit l’inopposabilité de l’acte ostensible (l’acte
que les parties montrant) soit celle de la contrelettre , en fonction de où sera
l’intérêt du tiers qui attaque l’acte simulé.

Ex :
- Le nouvel acquéreur de l’immeuble loué se rend compte que dans le contrat de bail
qu’on lui a présenté à l’acte, il est convenu que le bailleur renonce à trois années de
loyer et qu’en échange le locataire doit faire des petits travaux. Il s’en étonne car il
découvre qu’il y a une taxation au titre de loyer dans le chef de l’ancien bailleur et
qu’il y a des paiements réguliers qui sont faits au profit de l’ancien bailleur. Dans ce
cas, le nouvel acquéreur a toutes les preuves pour prouver l’existence d’une contre-
lettre ; acte caché.

Le tiers, le nouvel acquéreur de l’immeuble loué donc, pourra invoquer selon son intérêt
l’acte ostensible ou la contre-lettre, ici il aura intérêt à invoquer la contre-lettre, soit le
véritable loyer.
Carla Quadflieg 78
QUATRIÈME PARTIE. DE QUELQUES FAITS JURIDIQUES

78. Rappel
Distinction acte juridique (acte réalisé par les parties avec l’intention de réaliser des
effets en droit : contrat, testament, donation, échange, prêt… Si valeur de plus de
3500€ ; doit être prouvé par écrit) – fait juridique (pas posé avec l’intention de produire
des effets en droit : décès, majorité, naissance, possession ; plus facile à prouver que les
actes juridiques ; peut être prouvé par n’importe quel moyen notamment présomption
et témoignages)

79. La possession
Cfr. supra n°s 22 et s.
Concept juridique qui repose sur un fait (main mise effective associée à l’intention de se
comporter comme si on était propriétaire d’un bien : corpus et animus : effets sur le
plan probatoire (article 2279), sur le plan acquisitif (prescription acquisitive), sur le plan
de la protection (actions possessoires)).

80. L'enrichissement sans cause ou encore l’enrichissement injustifié


La théorie de l’enrichissement sans cause, dit encore enrichissement injustifié avec le
texte de la réforme du 4 février 2020, implique que nul ne peut s’enrichir injustement
aux dépens d’autrui (enrichissement d’une partie au détriment d’une autre qui n’a pas
de cause en droit). L’appauvri dispose alors d’une action appelée « de in rem verso »
pour récupérer la somme dont il s’est appauvri, à concurrence de l’enrichissement
procuré 12 (ex. pour récupérer un paiement indument fait ; je fais un versement à un
mauvais numéro de compte à je peux réclamer l’intégralité du paiement indu).

L’enrichissement injustifié s’analyse en tant que fait juridique car il n’a pas été
directement recherché, il n’y a pas de volonté juridique, de volonté de créer des effets
en droit.

On trouve des illustrations du principe général de l’enrichissement injustifié dans l’un


ou l’autre articles du Code civil de 1804, et en particulier dans la matière de l’accession
immobilière artificielle (comparaison entre l’article 555 C. civ. 1804 et l’art. 3.64
(septembre 2021) du nouveau C. civ. à liens) ?

Aujourd’hui, le constructeur sur le fonds d’autrui de travaux susceptibles d’enlèvement


peut être condamné soit à enlever à ses frais ce qu’il a construit (sauf théorie de l’abus

12
Voy., not., Cass., 19 janvier 2009, disponible sur le site de la Cour de cassation,
http://jure.juridat.just.fgov.be .
Carla Quadflieg 79
de droit) ou soit à laisser en l’état, auquel cas le propriétaire du sol deviendra
propriétaire de ce qui fut construit sur son sol (accession = le propriétaire du sol est
propriétaire de tout ce qui s’unit ou s’incorpore au sol ; au-dessus et en-dessous de ce
sol), à charge pour lui de payer « la valeur des matériaux et du prix de la main d'œuvre,
sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu
recevoir » (sans égard donc à la plus-value). (Article 555)

Demain avec l’article 3.64 du nouveau Code civil, le constructeur sur le fonds d’autrui
qui réalise des ouvrages ou plantations sur, au-dessus ou en dessous du fonds d'autrui,
peut soit toujours être condamné à l'enlèvement à ses frais. Si l’enlèvement n’est pas
demandé, le propriétaire du fonds doit à celui qui a réalisé ces ouvrages ou plantations
pour son propre compte, une indemnité fondée sur l'enrichissement injustifié.

81. Les faits générateurs de la responsabilité quasi-délictuelle ou aquilienne ou


extracontractuelle (hors contrat)
1°)
Responsabilité du fait personnel (art. 1382 C. civ. 1804) : responsabilité simple (celle
que j’encoure pour les fautes que je commets)
Art. 1382 C. civ. de 1804 : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Conditions :
1. Il faut une faute (fait juridique duquel naît un dommage) ex : je brule un feu rouge
parce que je téléphone au volant et je renverse un piéton
2. Un dommage
3. Il faut un lien entre la faute et le dommage dans le chef de la victime

Explications :
2. Un dommage : càd la lésion d’un droit ou d’un intérêt légitime ; le dommage peut
être moral ou matériel (ex : perte de revenus, fissures dans un immeuble) ; le dommage
doit être présent ou futur mais certain (ex : je dois me faire opérer du bassin à je vais
rater mes examens car je ne serai pas présente). Cas spécifique de la perte d’une
chance (d’obtenir une situation plus favorable) – ex. je suis traitée pour un cancer, le
traitement est tenté mais non garantit, le médecin se trompe dans mon traitement, il
me fait perdre une chance d’aller mieux car il n’était pas établi que même sans l’erreur
du médecin dans mon traitement, ce traitement aurait fonctionné 13 (matière médicale
et estudiantine ; la perte d’une année académique est sure à estimer);

13
Voy., à propos de la perte d’une chance, Cass. 15 juin 2008, J.T., 2009, n° 6336, p. 28, note A.
PÛTZ.
Carla Quadflieg 80
Ex :
- Blessures corporelles (fractures, cicatrices, perte d’un organe)
- Perte de revenus (indépendant et je suis renversé à pendant min opération et
convalescence, je ne peux pas travailler ou pas à 100%)
- Lézardes ou fissures dans mon immeuble
- Perte de fertilité ; futur (ex : fracture du bassin)

1. Une faute (article 1382) : il faut 2 éléments : élément objectif et élément subjectif ;
Élément objectif :
• C’est l’acte fautif en lui-même
Ex : porter des coups à autrui, dégrader la propriété, les biens d’autrui

Élément subjectif :
• C’est l’élément moral de la faute qui se définît comme la capacité de comprendre
et vouloir la conséquence de ses actes
Ex : majeur à capable juridiquement mais certains ne le sont pas. Mais le
discernement : avant la majorité !
Les enfants de moins de 7 ans n’ont pas le discernement, les déments non plus.
Attention, la démence issue d’un état d’alcoolémie poussée ne sera pas reconnue
comme une démence mettant fin à l’élément subjectif de la faute à c’est de notre faute
si on est dans un état d’alcoolémie trop avancé.

3. Un lien causal entre faute et dommage : il faut un lien de cause à effet entre la faute
reprochée à l’auteur et le dommage subi par la victime à il faut que la faute soit la cause
du dommage subit par la victime.

Il existe différentes théories du lien causal dans le détail desquels nous n’entrons pas :
retenez seulement qu’en droit belge, la jurisprudence retient la théorie de l’équivalence
des conditions comme théorie principale du lien causal si bien que toutes fautes sans
laquelle le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit peut être retenue par
le juge.

Ex : je laisse mes clés sur le contact pendant que je vais faire une petite course expresse
à la superette de ma pompe d’essence, Urbain monte à bord de mon véhicule démarre
en trombe et écrase Clémentine. Quelles sont les fautes ? je suis en faute par défaut de
prévoyance, le voleur est en faute car on ne peut pas s’approprier le bien d’autrui. Ces
2 fautes ont participé à la réalisation du dommage à le juge retient les 2 fautes.

Conséquence de l’art. 1382 : les auteurs des fautes qui ont permis au dommage de se
réaliser vont être condamnés à la réparation intégrale en nature, ou par équivalent
(dommages et intérêts quand une réparation du dommage n’est pas possible à ex :
Carla Quadflieg 81
fracture de la hanche à opération, rééducation…), du dommage ; (sauf cas de la faute
de la victime ayant concouru au dommage auquel cas la réparation ne sera pas
intégrale).

Ex de la participation de la victime au dommage :


- Xavier garde le chien de sa tante dans sa courette, Margueritte passe la main au
travers de la barrière privative de ladite courette et se fait mordre.

Responsabilité in solidum en cas de pluralité de responsables : s’il y a plusieurs


responsables du dommage de la victime.
Ex : celui qui laisse les clés sur le contact et le voleur qui démarre en trombe avec le
véhicule volé, les deux seront tenus d’indemniser la victime, Clémentine et ce pour
l’entièreté de son dommage (obligation à la dette).
Après un recours sera possible entre eux, pour permettre à l’un de récupérer auprès de
l’autre la part qu’il aurait avancé en fonction de la ventilation décidée par le juge
(contribution à la dette), mais cette ventilation n’est pas opposable à la victime,
seulement après coup, entre les auteurs (ex. le juge pourrait retenir une faute à hauteur
de 30% pour celui qui laisse ou oublie ses clés sur le contact et de 70% pour le voleur).
Obligation à la dette : tous les fautifs peuvent se voir réclamer par la victime l’intégralité
de leur dommage. La victime a le droit de dire que je suis plus solvable que le voleur et
après je peux me retourner contre le voleur (à contribution à la dette mais ce n’est
jamais à la victime de ventiler son dommage entre les différents tiers responsables à
elle peut réclamer tout son dommage à n’importe qui ; souvent celui le plus solvable,
celui qui est assuré et après l’assurance se retourne contre les autres).

2°)
Responsabilités complexes : responsabilités du fait d'autrui (art. 1384, al. 2, 3 et 4, C.
civ. 1804) et responsabilités du fait des choses et des animaux 14 (1385, 1386, 1384, al.
1, C. civ. 1804) (celle que j’encoure pour la faute d’autres personnes qui sont sous ma
responsabilité)
Les responsabilités complexes sont des responsabilités basées sur une idée de double
faute, le plus souvent à l’aide de présomptions de faute dans notre chef (ex : mon
enfant commet un acte grave, c’est qu’il y a une présomption de défaut de l’éducation
de mon enfant). Ces présomptions peuvent être réfragables (je peux renverser) ou non,
par lesquelles une personne (qui ?) est responsable du dommage causé par autrui (qui ?)
ou par des choses ou des animaux (quoi ?).

14
A ce sujet, voy. Ch.-E. LAMBERT, « La responsabilité du fait des choses : rappel des
conditions d’application et observations », R.G.D.C., 2016, p. 3.
Carla Quadflieg 82
Exemples :
- en tant que maman, je suis civilement responsable des fautes commises par mon
enfant même s’il n’est pas doté du discernement (présomption réfragable; je
peux le renverser mais si ma fille détruit par inadvertance les lunettes d’une
copine, l’assurance RC famille va indemniser la famille pour l’achat de nouvelles
lunettes). Si hypothèses dramatiques (viol, meurtre), les parents sont civilement
responsables des actes de leurs enfants mineurs à je dois indemniser
(importance de l’assurance RC famille !)
- en tant qu’employeur, je suis responsable des fautes causées (dans le cadre du
contrat de travail !)à des tiers par mes préposes (employés ou salariés)
- en tant qu’enseignant, je suis responsable des fautes causées par mes élèves suite
à un défaut de surveillance
- en tant que gardien d’un animal (et non propriétaire), je suis responsable des
actes de cet animal ayant entrainé un dommage
- en tant que propriétaire d’un bâtiment, je suis responsable des dommages causés
par la ruine de ce bâtiment si elle est consécutive à un vice (défaut) constructif
ou à un défaut d’entretien (ex : si mon toit se dégrade depuis plusieurs années et
que je le vois et que je ne fais rien et que des tuiles tombent sur un passant à je
serai responsable art. 1386)

82. La théorie de l’abus de droit


L’abus de droit est, à l’heure actuelle (pas codifiée), une théorie jurisprudentielle (née
des décisions des cours et tribunaux), née dans la matière extracontractuelle c’est-à-
dire entre personnes non liées entre elles par un acte juridique. Elle a été développée à
l’origine à propos du droit de propriété (violation du droit de propriété ; voir exemple
ci-dessous).
Certes le titulaire d’un droit a, par définition, un droit dont il peut user et jouir mais il ne
peut pas en abuser ; le fondement de la théorie de l’abus de droit en matière
extracontractuelle est l’article 1382 du C. civ. 1804, abuser de son droit constituant une
faute.

Ex :
- Mon voisin construit sa maison en (toute petite) partie sur ma propriété mais son
ouvrage n’empiète que de deux cm sur un longueur de 2 m. sur ma propriété,
puis-je demander l’enlèvement conformément à l’article 555 C. civ. 1804 ? Non
cela serait constitutif d’un abus de droit ; je dois privilégier une solution où je lui
demande de racheter la petite bandelette sur laquelle il a construit.
Carla Quadflieg 83
- Mon voisin aime faire décoller des dirigeables de son jardin, bien que je n’en tire
aucun avantage, je plante des pieux immenses sur ma propriété près de la zone
de décollage et d’atterrissage desdits dirigeables dans le seul but de voir lesdits
dirigeables crever sur mes pieux ; je veux lui nuire au maximum. Ce
comportement est abusif (jugé par la cour de cassation).

Cette théorie a vu son champ d’application s’étendre au-delà de la matière


extracontractuelle et a été déclarée applicable en matière contractuelle.

Ex :
- Je mets fin au bail de résidence principale de ma locataire pour « occupation
personnelle » puis je n’investis pas les lieux mais vais seulement prendre un bain
de soleil par semaine sur son ancienne terrasse. Abusif ! J’ai le droit de donner un
renom personnel si j’occupe le bien !

3°)
83. La responsabilité objective (absence d’idée de faute), pas encore dans le Code civil
: exemple des troubles de voisinage
Responsabilité en-dehors de l’idée de faute, même présumée. Personne n’est en faute
mais un fait non fautif qu’un voisin réalise sur sa propriété va quand même avoir un
dommage, jugé excessif à indemnisation.

Les troubles du voisinage étaient à l’origine une théorie jurisprudentielle, née de deux
arrêts de la Cour de cassation du 6 avril 1960, selon laquelle un fait ou une omission
(non fautif) entraînant un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage
oblige l’auteur du trouble à verser une juste et adéquate compensation à la victime du
trouble.

A l’occasion de la réforme du droit des biens (4 février 2020), la théorie jurisprudentielle


des troubles de voisinage a été expressément consacrée, dans ses principes, à l’article
3.101 du Code civil, sous le Titre 5 « Les relations de voisinage ».

Absence d’idée de faute, c’est un fait non fautif qui est à l’idée de la théorie des troubles
de voisinage, un fait non fautif peut aussi constituer un dommage ; le fondement de
cette théorie c’est une idée de rupture d’équilibre (auquel on tend pour mettre fin aux
troubles excessifs de voisinage) entre deux propriétés.
Carla Quadflieg 84
Explication :
Il faut un trouble, soit un événement perturbateur (ex. le voisin décide de construire sur
sa parcelle), non fautif, en norme (il a donc un permis, un architecte, un entrepreneur
professionnel de la construction… bref tout ce qu’il faut) qui soit imputable au voisin et
qui cause à la victime un inconvénient excédant les inconvénients normaux du voisinage
(ex. mon immeuble se lézarde de toutes les côtés en raison du chantier voisin, ou ma
cheminée ne tire plus car l’immeuble construit le long du mitoyen est plus haut que ma
cheminée,…)

Variétés de troubles et d’inconvénients (matériels, sensoriels, commerciaux, ...)


Ex :
- Fissures
- Fumées, odeurs
- Perte de chiffre d’affaire

Caractère anormal du trouble : l’inconvénient doit être excessif


Explication :
L’inconvénient doit être excessif, le simple fait que mon voisin tonde et fasse donc du
bruit alors que j’aime le calme ne suffit pas, par contre, si son chien aboie jour et nuit
non-stop cela constitue un trouble excessif de voisinage.

Nature et montant de la compensation : la compensation doit être juste et adéquate,


elle doit tendre à un retour à l’équilibre
Ex :
- Pour le chien qui aboie sans cesse, mon voisin devra le garder enfermé à
l’intérieur de telle heure à telle heure et lui imposer de porter une muselière de
telle heure à telle heure, on ne prononce évidemment l’expulsion du chien qui ne
serait pas non un retour à l’équilibre car mon voisin a le droit d’avoir un chien
(une telle mesure créerait un déséquilibre en sen inverse). Si la compensation en
nature n’est pas possible ou vise un trouble passé alors une compensation par
équivalent (financière donc) sera prononcée.
Carla Quadflieg 85
CINQUIÈME PARTIE. DE LA PREUVE DES ACTES ET DES FAITS JURIDIQUES

CHAPITRE PREMIER. GÉNÉRALITÉS SUR LA PREUVE

84. Notion
Règle fondamentale : pas de preuve, pas de droit.

Prouver son droit subjectif privé c’est en prouver la source, soit un acte juridique, soit
un fait juridique.

Objet de cette Partie 5 : envisager le droit commun de la preuve en droit privé inscrit
dans le Code civil15.

85. La réforme du Code civil – Livre 8 « La preuve »


Nous l’avons vu (lors de l’introduction au cours), la loi du 13 avril 2019 qui porte le
nouveau droit de la preuve, dont l’entrée en vigueur est intervenue au 1er novembre
2020, crée un (nouveau) Code civil composé de neuf Livres. Au nombre de ceux-ci, on
trouve le huitième Livre, intitulé « La preuve », qui a été introduit par la loi précitée et
est donc applicable depuis quelques mois : articles 8. …. Le droit est déjà en vigueur ;
droit que j’étudie est le droit actuel.

L’objectif de la réforme du droit de la preuve est de « faire rentrer le droit de la preuve


dans le 21ème siècle » 16 en le rendant plus fonctionnel, pragmatique, moderne. La
réforme a été, en grande partie, une réforme dite « à droit constant » (on modernise et
on codifie des règles de droit qui se sont codifiées en jurisprudence ; on évite des
révolutions). Cela signifie qu’elle n’a généralement pas emporté de modifications des
règles de droit applicables mais a opéré une réécriture de certaines dispositions et a
codifié des règles qui étaient communément admises dans la doctrine et dans la
jurisprudence. Certaines notions-clés du droit de la preuve (ex : écrit, signature) sont
également désormais définies dans la loi. Le nouveau droit de la preuve a également
donné un rôle beaucoup plus grand au juge saisi d’un litige qui porte sur un aspect
probatoire (droit de la preuve).

86. Rôle du juge


La réforme du droit de la preuve de 2019 a confirmé une tendance visant à donner au
juge un rôle de plus en plus actif (permet de rechercher la règle de droit applicable au

15
Voy., comme ouvrage de référence, D. MOUGENOT, Rép. Not., T. IV, Livre II, La preuve,
Bruxelles, Larcier, 2012.
16
Exposé des motifs, Doc. Parl., ch., session 2018-2019, doc 54-3349/001, p. 4.
Carla Quadflieg 86
litige et requalifier un contrat qui serait mal qualifié par les parties au contrat, soulever
un argument…), notamment en permettant au juge, dans des circonstances
exceptionnelles et dans les conditions prévues dans le texte, de renverser la charge de
la preuve ; c’est le risque du procès (art. 8.4., in fine C. civ., cfr infra). Quand on supporte
la charge de la preuve, ça signifie que c’est à nous de prouver tel droit, telle obligation,
telle exécution… Si on échoue à rapporter cette preuve, le juge doit nous donner tortà
nous condamner ou refuser notre demande. Avec l’article 8.4, le juge peut renverser la
charge de la preuve ; privilégie une partie et impose la charge de la preuve à l’autre
partie.

87. Preuve morale et preuve légale - Respect des droits de la défense


En norme, dans le procès pénal (infraction), l’administration de la preuve est libre, c’est
le système de la preuve morale qui connaît néanmoins des limites et notamment
l’exclusion des éléments de preuve obtenus par des procédés déloyaux (ex. utiliser des
enregistrements audios illégaux ou des techniques policières interdites (ex. mise en
scène visant à soumettre un projet criminel à un individu pour le pousser à un délit)).
On notera que cette jurisprudence dite « Antigone » se répand en procédure civile, avec
des incertitudes toutefois 17. Elle vise à sanctionner des procédés déloyaux ou illégaux
utilisés par des services de police pour se réserver une preuve contre certains malfrats).
- Ex : une voiture griffée intentionnellement versus l’utilisation de l’enregistrement
vidéo d’une caméra placée sans respecter les exigences légales (si police l’utilise
pour accuser un malfrat), mise en scène pour pousser une personne à commettre
une infraction à la personne accusée ne sera pas condamnée car notre preuve
n’est pas « bonne ».
Afin de déterminer s’il doit ou non écarter des débats une preuve recueillie illicitement,
le juge doit mettre en balance le droit à la preuve d’une part et le droit violé de l’autre,
pour n’écarter – si l’appréciation des intérêts en cause justifie une telle sanction – que
les preuves dont l’illicéité résulte de la violation d’une formalité prescrite à peine de
nullité, affecte sa fiabilité ou viole le droit à un procès équitable.

Au début, cette jurisprudence était réservée au droit pénal. Elle apparait un peu en droit
civil.
- Ex : j’enregistre sans demander l’avis de l’autre partie (les voisins si le chien aboit
trop) à pas valable

17
Voy., not., D. MOUGENOT, « Le point sur la jurisprudence Antigone en matière civile », J.T.,
2017/4, pp. 69-73 ; D. MOUGENOT, « Antigone : suite et pas fin… La jurisprudence
Antigone en matière civile », J.T., 2013, p. 267.
Carla Quadflieg 87
Dans le procès civil, au contraire, le système était et reste celui de la preuve légale. Les
modes de preuve, leur force probante et leur admissibilité sont déterminés par la loi. Il
existe cinq modes de preuve, définis à l’article 8.1., 6°, 8°, 9°, 10° et 12°, C. civ.
Il y a une hiérarchie dans les modes de preuve ; rigueur imposée (si on doit prouver par
un écrit, ça ne sert à rien de venir avec des présomptions ou témoignages).
En droit civil comme en droit pénal, il y a 2 limites : la limite du moyen utilisé pour se
réserver une preuve et les droits de la défense.
Enfin, tout le procès doit être régi par le principe du contradictoire assurant ainsi le
respect des droits de la défense : les parties doivent être informées de toute démarche
de l’autre partie, de toute initiative du juge, de toute mesure d’instruction, de toute
pièce déposée et de toute argumentation qui sera développée.

En pénal, si le moyen est illégal (ex : violation du droit à l’image), la preuve est nulle. Le
juge civil ne va pas recevoir la jurisprudence Antigone comme ça. Il va opérer une
balance des intérêts en présence qui n’existe pas au pénal. Il met les intérêts en balance
entre le respect du droit violé (ex : droit à l’image pour une vidéo faite par le voisin
depuis sa fenêtre) avec le droit de la preuve ; est-ce qu’ils peuvent s’équilibrer ou non ?
Il n’écartera la preuve que si le droit au procès équitable est violé ou si la formalité qui
est violée était prescrite à peine de nullité du droit.
Ex :
- Mon voisin me filme mais que je suis en train de détruire sa clôture, uriner sur
ses meubles… Dans ce cas, les faits qui me sont reprochés en termes de trouble
de voisinage sont largement disproportionnés par rapport à la violation du droit
que le voisin a commise. Le juge va retenir la preuve pourtant illégale.
- Si mon voisin griffe mon véhicule et qu’une GoPro l’a filmé à même chose.

Dans le procès civil, pour le reste, le système de preuve reste légal et cadenassé.
Par contre, si je souhaite créer un acte juridique, je vais avoir un autre problème ; le
système de preuve est fermé, légal et je dois respecter les modes de preuve que connait
la loi, leurs forces probantes (hiérarchie) et leur admissibilité ou non.

En droit civil et pénal, un procès, une action en justice doivent respecter le principe du
contradictoire, le principe des droits de la défense.

Ex :
- Avocat doit donner au juge toute son argumentation, lui déposer toutes les pièces
qu’il va déposer et communiquer cette argumentation et ces pièces à la partie
adverse.
Carla Quadflieg 88
88. Objet de la preuve
En vertu de l’article 8.3. C. civ., en principe, seuls les faits (au sens de faits matériels,
faits juridiques) ou les actes juridiques pertinents au procès et contestés par la partie
adverse doivent être prouvés, à l’exclusion de la règle de droit, de la norme juridique,
même s’il s’agit du droit étranger. (Ce qui n’est pas contesté est considéré comme admis
par la partie au procès qui ne le conteste pas).

Ex :
- Cela ne sert à rien de prouver que le voisin a été condamné il y a 20 ans pour viol
si je lui réclame le remboursement d’un crédit.

89. Caractère des règles relatives à la preuve en droit civil


Les règles du Code civil relatives à la preuve ne sont ni d’ordre public ni impératives.
Elles sont donc supplétives à on peut y déroger. Le caractère supplétif des dispositions
du Livre 8 du Code civil est consacré à l’article 8.2., qui dispose que « [s]auf les
définitions prévues dans le présent livre et hormis les cas où la loi en dispose autrement,
toutes les règles du présent livre sont supplétives » 18.

Exceptions où les parties ne peuvent pas déroger au système de preuve:


- Pratiques du marché et la protection du consommateur ; la loi du 6 avril 2010
insérée dans le C. droit économique par la loi du 21 décembre 2013. Quand je
suis dans contrat avec un client final qui est un consommateur qui est un
particulier (pas une entreprise) à partie faible au contrat (=consommateur) est
protégée.
Ex :
- Contrat conclu à distance (achats sur internet) : la charge de la preuve que les
obligations d’informations ont été fournies par l’entreprise au consommateur ;
cette charge de la preuve, je ne peux pas la mettre à charge de mon
consommateur à ce sera toujours à charge de l’entreprise de prouver qu’elle a
donné les informations voulues au consommateur. Autre particularité sur le
contrat conclu à distance : il existe toujours un droit de rétractation ; si pas
d’échange physique, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation qui,
s’il est européen, est de 14 jours à partir de la livraison au consommateur.
Concernant les modalités pour mettre en œuvre ce droit de rétractation, il faut
donner la preuve qu’on a donné au consommateur la preuve de l’existence de ce
droit. Il faut que les démarches de retour soient totalement gratuites (sauf si frais

18
Avant la réforme de 2019, le caractère supplétif des dispositions des règles relatives à la preuve
en droit privé avait été affirmé par la Cour de cassation belge, voy. les décisions citées par R.
MOUGENOT, Droit des obligations, La preuve, op. cit., n° 10.
Carla Quadflieg 89
de livraison) et on ne peut PAS demander de motiver sa rétractation (à titre
informatif seulement !). On doit aussi prouver qu’on a donné au consommateur
le prix total (avec les taxes et frais de livraison de livraison). On doit aussi informer
le consommateur qu’il y a un service après-vente.

Les parties sont libres, en principe, de conclure valablement des conventions


dérogatoires au système de preuve légale.

Exceptions notamment dans le domaine des pratiques du marché (Loi du 6 avril 2010
relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur intégrée au Code
de droit économique par une loi du 21 décembre 2013), la preuve ne peut pas reposer
sur le consommateur, elle reposera toujours sur le professionnel.

Exemple détaillé plus haut : charge de la preuve que les obligations d’information de
l’entreprise vers le consommateur ont bien été remplies en matière de contrat à
distance (ex. d’information à fournir : l’existence d’un droit de rétractation (son délai
(en droit européen = 14 jours à dater de la livraison au consommateur) et les modalités
permettant de le mettre en œuvre (aucun frais autres que d’éventuels frais de retour,
aucune motivation à devoir fournir), le montant du prix total, taxe et frais de livraison
aussi, l’existence d’une assistance après-vente)

90. Charge de la preuve : principes et nuances


Supporter la charge de la preuve, c’est supporter le risque du procès ; si on ne parvient
pas à rapporter la preuve qui est à notre charge, le juge nous donnera tort. Celui qui
allègue un fait en justice doit le prouver (art. 8.4., al. 1 et 2, C. civ. ; art. 870 C. jud). En
réalité, l’article 8.4., al. 3, C. civ. prévoit expressément que tout le monde collabore
(depuis le 1er novembre 2020) à l’administration de la preuve (= recherche de cette
preuve), le défendeur ne reste pas purement passif contrairement à avant où cela était
possible ; la charge de la preuve règle l’incidence finale des preuves, le risque en quelque
sorte (art. 8.4., al. 4 C. civ.) 19 . Incidence des présomptions légales. Ce principe de
collaboration à la recherche de la preuve n’existe pas en droit pénal ; on a le droit au
silence.

Ex :
- Si j’allègue que je suis la fille de monsieur X dans le cadre de l’action en recherche
de paternité, je dois prouver cet élément de fait de façon assez convaincante pour
que le juge m’octroie une expertise ADN.

19
Voy., Cass., 17 septembre 1999, Pas., 1999, I, p. 1164.
Carla Quadflieg 90
Explication :
- Risque :
Je suis demandeur en justice, sauf règle dérogatoire au droit de la preuve, j’ai la
charge de prouver ce que j’allègue, ce que je soutiens (ex. je demande au juge de
condamner X à me rembourser une somme de 10.000 euros qu’il me doit, je dois
prouver l’obligation de X de me rembourser cette somme). Si je ne parviens pas
à établir cette preuve, je perdrais mon procès, d’où l’adage « pas de preuve, pas
de droit », le juge ne me croira pas sur parole sauf si X admet la dette.

- Présomptions légales
Les présomptions légales (fictions établies par la loi en vertu desquelles le
législateur soutient que quand un enfant comment un fait qui cause un dommage
à un copain, ce sont les parents qui sont civilement responsables, le travailleur
est tenu responsable des fautes de ses travailleurs) établissent une facilité
probatoire pour une partie au procès puisqu’elles prétendent établi, elles
présument un fait ou un acte et mettent ainsi à la charge de l’autre partie le
fardeau (probatoire) de prouver le contraire et donc le risque du procès.

Ex. Art. 3.24 nouv. C.civ. Rôle probatoire renforcé de la possession en matière mobilière
« En fait de meubles, le possesseur de bonne foi d'un droit réel(propriété, usufruit…) est
présumé disposer d'un titre, sauf preuve contraire ».
Le possesseur est présumé propriétaire du bien possédé, il appartiendra à celui qui
revendique le bien d’établir son droit de propriété à lui
Ex :
- Si je suis possesseur d’un bien, je suis présumée être propriétaire de ce
smartphone. Si je pense que quelqu’un me l’a volé, c’est moi qui doit le prouver.

Ex. Art 1384, al. 4 anc. C. civ. responsabilité complexe ou du fait d’autrui (ex.
responsabilité des professeurs pour les faits de leurs élèves)
« Les instituteurs (…) sont tenus responsables du dommage causé par leurs élèves (…)
pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance » ; cette règle établit une
présomption de défaut dans l’obligation de surveillance des instituteurs tenus
civilement responsables des faits commis par les enfants mineurs dont ils ont la
surveillance, faits qui ont causé un dommage à autrui. Il appartiendra à l’instituteur
assigné de prouver qu’il n’a pas manqué à son devoir de surveillance et de renverser
cette présomption s’il ne souhaite pas voir leur responsabilité engagée (plus l’enfant est
grand (ado presque majeur), plus le devoir de surveillance de l’enseignement se réduit).
Ex :
- Un enfant de trois ans monte sur un banc mis contre une fenêtre et tombe par la
fenêtre du 6ème étage, la responsabilité de l’enseignant qui en assurait la
surveillance sera engagée ;
Carla Quadflieg 91
Contre-ex. :
- Un ado de 17 ans se cache dans le parc de l’école après la pause et ne réintègre
pas sa classe au moment de la reprise des cours, il fait le mur et se casse une
jambe, l’enseignant qui rejoint la classe dans laquelle il devrait être pourra établir
qu’il n’a pas manqué à son devoir de surveillance.

91. Charge de la preuve : la « soupape de sécurité » de l’article 8.4., § 4, in fine, du


Code civil
Faculté exceptionnelle pour le juge de renverser la charge de la preuve, non pas par la
partie qui devrait naturellement la supporter mais l’autre partie du procès.
Nous l’avons souligné en évoquant le rôle actif du juge, la réforme de 2019 a innové
relativement à la charge de la preuve en introduisant une « soupape de sécurité ». Elle
a estimé que, dans certains cas, l’application des principes précités pouvait aboutir à des
conséquences iniques/injustes et qu’il fallait dès lors permettre aux magistrats (juges)
d’y remédier en mettant à leurs dispositions un mécanisme exceptionnel qui leur
permet de renverser la charge de la preuve. Ce mécanisme, tout à fait exceptionnel en
droit belge, offre au juge la possibilité de renverser la charge de la preuve.

Le recours à cette soupape de sécurité par le juge est strictement encadré par l’article
8.4., in fine, du Code civil.

Conditions :
« Le juge peut déterminer, par un jugement spécialement motivé, dans des
circonstances exceptionnelles, qui supporte la charge de prouver lorsque l'application
des règles énoncées aux alinéas précédents serait manifestement déraisonnable. Le
juge ne peut faire usage de cette faculté que s'il a ordonné toutes les mesures
d'instruction utiles et a veillé à ce que les parties collaborent à l'administration de la
preuve, sans pour autant obtenir de preuve suffisante ». à c’est exceptionnel

Quant au degré de preuve, l’article 8.5. du Code civil prévoit que la preuve doit, en
principe, être rapportée avec un « degré raisonnable de certitude ». Il ne s’agit donc pas
d’une certitude scientifique ou absolue.

Par exception à cet article 8.5, l’article 8.6. du Code civil dispose qu’une preuve par
vraisemblance suffit dans les deux cas suivants :
• quand il s’agit de prouver un fait négatif ;
• quand il s’agit de prouver un fait positif dont il n’est pas possible ou pas
raisonnable d’exiger une preuve certaine en raison de la nature même du fait à
prouver.
Carla Quadflieg 92
Dans ces deux dernières hypothèses, il suffit qu’il existe des éléments sérieux dans le
dossier qui accréditent les allégations (= ce que soutient une partie) de la partie sur qui
repose la charge de la preuve et que les alternatives, bien qu’elles ne soient pas
complètement impossibles, n’apparaissent pas vraisemblables.

Ex :
- Je dois prouver le non-usage pendant trente ans d’un ancien chemin vicinal
traversant ma propriété car je soutiens qu’il est éteint et a donc disparu, je dois
donc prouver un fait négatif (que personne n’est passé pendant trente ans avant
le 31/08/2012 car depuis cette date, les chemins vicinaux ne peuvent plus
disparaitre par prescription extinctive), la vraisemblance suffira (j’établis qu’un
obstacle existe sur ce chemin depuis plus de trente ans, ex. des roches, une haie
continue, un mur, une clôture solide existe(nt),…). Je dois prouver qu’il n’existe
plus et la commune ne pourra pas le rétablir.
Carla Quadflieg 93
CHAPITRE II. LES DIFFÉRENTS MODES DE PREUVE ET LEURS FORCE OU VALEUR
PROBANTES20

Section 1. L’écrit signé (mode de preuve par excellence en droit belge)

92. Notion
L’écrit signé, l’instrumentum (instrument de preuve), est une preuve préconstituée,
c’est-à-dire un document rédigé en un temps non suspect et destiné à servir de preuve.

Comme écrit signé, on distingue les actes sous signature privée (éventuellement aussi
les actes sous signature privée contresignés par avocat) et les actes authentiques (art.
8.1., 6° C. civ.). Pour info, il existe aussi l’acte d’avocat.

93. L’acte sous signature privée : conditions générales


L’acte sous signature privée est l’écrit établi sans l’intervention d’un officier public
agissant en cette qualité (ex : notaire, huissier), par de simples particuliers et signé par
eux 21 . C’est celui qui est établi le plus couramment entre les entreprises ou entre
l’entreprise et un consommateur.

Il est défini à l’article 8.1., 4° du Code civil comme un « écrit établi en vue de créer des
conséquences juridiques, signé par la ou les parties, avec l'intention de s'en approprier
le contenu, et qui n'est pas un acte authentique ». Donc c’est un écrit en vue de créer
des effets en droit et qui est signé par les parties avec l’intention de s’en approprier le
contenu (= les parties sont d’accord avec le contrat).

Écrit et signature sont les deux exigences générales minimales de l’acte sous signature
privée. Depuis la réforme de 2019 entrée en vigueur en 2020, la loi définit désormais
ces deux notions. Le législateur a opté pour une définition de ces concepts par leurs
fonctions (à définitions fonctionnées).

- Définition de l’écrit :
« un ensemble de signes alphabétiques ou de tous autres signes intelligibles apposé sur
un support permettant d'y accéder pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles
les informations sont destinées et de préserver leur intégrité, quels que soient le
support et les modalités de transmission », cette définition vise tant l’écrit papier que
l’écrit électronique.

20
A ce sujet, voy. récemment M. STASSIN, « La preuve contraire et le faux », in La preuve et
le faux, Limal, Anthemis, 2017, pp. 7 à 37.
21
Voy., not., H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil, t. III, Bruylant, Bruxelles, 3ème éd.,
1967, Sixième partie, n° 742 b.
Carla Quadflieg 94
- Définition de la signature :
« un signe ou une suite de signes tracés à la main, par voie électronique ou par un autre
procédé, par lesquels une personne s'identifie et manifeste sa volonté », cette définition
vise tant la signature manuscrite que la signature électronique

L’article 8.1., 2° C. civ. prévoit que la signature exigée pour avoir un écrit signé, au sens
probatoire du terme, peut être non seulement manuscrite mais aussi électronique. La
définition de la signature électronique est contenue à l’article 8.1., 3°, C. civ. Elle
s’appuie sur le règlement européen eIDAS22.

Le règlement eIDAS identifie et définit trois types de signatures électroniques (art.3) : la


signature électronique, la signature électronique avancée (plus grande fiabilité) et la
signature électronique qualifiée (fiabilité très grande), mais dans le nouveau Code civil,
lorsqu’il est fait référence à la « signature électronique » sans plus de précision, c’est la
première signature électronique qui est visée.

Enfin, depuis la loi du 29 avril 2013 celle qui a introduit le C. droit économique), il existe
aussi un acte sous signature privée particulier à savoir l’acte sous signature privée
contresigné par avocats, organisé à l’article 8.23 du Code civil. Pour mémoire.

94. L’acte sous signature privée : conditions spéciales


1. Art. 8.20., al. 1 et 2, C. civ. : formalité dite du « double » à propos d’un acte sous
signature privée qui contient une convention synallagmatique : il faut (au moins) autant
d’exemplaires qu’il y a de parties avec un intérêt distinct et la mention sur chaque
original du nombre total d’exemplaires.

Raisons : l’idée est que chaque partie dispose d’une version signée du contrat. On vise
le contrat papier.

Nuances dans la formalité du double : art. 8.20, al. 3 et al. 5


Cette règle ne s’applique pas aux contrats électroniques auxquels toutes les parties
peuvent avoir accès, ni aux contrats conclus par échange de courriers (c’est l’échange
de courrier mis bout à bout qui constitue le contrat).

22
Pour un commentaire, voy. H. JACQUEMIN, « Les services de confiance depuis le règlement
eIDAS et la loi du 21 juillet 2016 », J.T., 2017/11, pp. 197-209 ; M. FERNANDEZ GONZALEZ,
« Le règlement eIDAS : l’identification électronique et les services de confiance au service du
citoyen et du consommateur », R.E.D.C., 2016/1, pp. 35-50.
Carla Quadflieg 95

La formalité du double est essentielle en droit belge (entre entreprises, entre entreprise
et consommateur). Il faut indiquer dans le contrat en combien d’exemplaires il a été fait.
Sinon, la preuve est disqualifiée (si on oublie la formalité du double).
à Sanction du non-respect : nullité relative de l’instrumentum (le negotium, c’est-à-dire
l’acte juridique derrière reste lui valable !)

Exception à la formalité du double : l’art. 8.20, al. 2 prévoit désormais explicitement


que celui qui a exécuté le contrat, même partiellement, ne peut plus par la suite opposer
le nombre insuffisant d’originaux (= il ne peut plus opposer l’argument du non-respect
de la formalité du double).

Validité du negotium s’il ne s’agit pas d’un contrat solennel (requiert un écrit pour sa
validité).
Explication (rappel)
Si contrat solennel, j’ai besoin d’un écrit. Si celui-ci est invalidé, je suis embêté car mon
instrumentum et mon negotium sont nuls.
Si contrat consensuel, si je ne respecte pas la formalité du double à nullité de
l’instrumentum mais pas du negotium.

Assouplissement : si l’instrumentum est nul, on ne le jette pas à la poubelle ; on le


disqualifie en un commencement de preuve par écrit qui est quand même un début de
preuve.

Disqualification en un commencement de preuve par écrit (art. 8.20. al. 4 et 8.1., 7°, du
Code civil).
Explication et renvoi
L’instrumentum qui ne répond pas à la formalité « du double » n’est pas un écrit valable
mais il peut valoir comme « commencement de preuve par écrit », ce qui ouvre la voie,
nous le verrons, à d’autres modes de preuve pour compléter ce commencement de
preuve par écrit (c’est un « rattrapage » de la preuve par écrit mal faite qui nous permet
de compléter cette preuve mal faite par d’autres modes de preuve qui ne seraient pas
ouverts sinon, ex : preuve, témoignage).
Carla Quadflieg 96
2. Art. 8.21. C. civ. : formalité dite « du bon pour », à propos d’un acte sous
signature privée par lequel une seule partie s’engage à verser à une autre une somme
d’argent ou à livrer une certaine quantité de choses fongibles, pour servir
d’instrumentum, l’écrit doit être signé par celui qui s’est engagé et la somme ou la
quantité doit être écrite par lui en toutes lettres (même s’il s’agit d’un acte juridique
d’une valeur inférieure à 3.500 euros). Attention, dérogation à la règle : écrit même si <
3500€.
Cette condition ne fait pas concurrence à la formalité du double qui était la pour les
contrats synallagmatiques, c’est-à-dire les contrats conclus entre 2 parties au moins et
qui entrainent des droits et obligations réciproques pour les parties.

L’article 8.21 réserve les exceptions prévues par la loi et, in fine, précise que toute
convention dérogeant à la formalité « du bon pour » est nulle. La formalité doit donc
toujours être appliquée.

Engagement unilatéral (une seule partie crée des obligations en son chef) : explication
Formalité dite « du bon pour »
Si je m’engage, via une reconnaissance de dette par exemple, à vous rembourser 2.500
euros (<3500€ ; normalement une présomption suffirait mais ici, j’ai un engagement
unilatérale donc je dois appliquer la formalité « du bon pour »), je dois l’écrire sur un
instrumentum qui répond à la formalité du « bon pour », ce document doit donc être
signé par moi et je dois écrire la somme « en toutes lettres » et non (ou non seulement
en chiffres), je dois par exemple écrire « bon pour un remboursement d’une somme de
deux mille cinq cent euros »

Raisons du texte :
On veut éviter les erreurs de chiffres et les ajouts de 0 en dernière minute par le
créancier qui repart avec la reconnaissance de dette signée.

Sanction du non-respect de cette formalité probatoire : nullité relative de


l’instrumentum ; validité du negotium (même si la rédaction est ambigüe) s’il ne s’agit
pas d’un contrat solennel. Cependant ici, il n’est pas certain que l’engagement unilatéral
qui ne respecte par la formalité « du bon pour » puisse être requalifiée en
commencement de preuve par écrit.
Carla Quadflieg 97
95. L'acte sous signature privée et sa force probante
La force probante d’un acte sous signature privée se distincte à 3 niveaux :
1. Au niveau de l’origine de l’acte : l’acte sous seing privé fait foi immédiatement
quant à son origine mais il peut y avoir désaveu de la partie à laquelle on l’oppose
ou de ses héritiers et ayants cause : on devra alors recourir à la vérification
d’écriture (8.19. C. civ.) ; les héritiers peuvent aussi se contenter de déclarer
qu’ils ne reconnaissent pas l’écriture ou la signature de leur auteur pour
enclencher une procédure en vérification d’écriture.
En principe, l’origine de l’acte, l’identité des parties fait foi mais il y a une
possibilité de contestation ; vérification d’écriture (processus long et coûteux).

2. Au niveau du contenu : art. 8.9., §1er, C. civ. mais uniquement entre les parties
à l’acte. Tiers : toutes voies de droit (art. 8.14. C. civ.). Le contenu de l’acte fat foi
entre les parties (elles sont d’accord sur tout le contenu du contrat). Les tiers,
eux, peuvent prouver que le contenu du negotium n’est pas conforme au
contenu de l’instrumentum et ce, par toute voie de droit.

Explication
Le montant d’un acte juridique prouvé par un écrit fait foi jusqu’à ce qu’il soit prouvé
outre (= précisant cet écrit) ou contre l’écrit qui l’énonce. Si je veux prouver que le
contenu de l’acte n’est plus d’actualité, est erroné, je dois produire un avenant, un
nouveau contrat, un autre écrit signé. 8.9, § 1er « L'acte juridique portant sur une somme
ou une valeur égale ou supérieure à 3 500,00 euros doit être prouvé par les parties par
un écrit signé. Ce montant peut être adapté (de 3500€)par arrêté royal délibéré en
Conseil des ministres, en fonction de l'évolution du coût de la vie ou des nécessités
sociales. Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit signé, même si la somme ou la
valeur n'excède pas ce montant, que par un autre écrit signé ». à Si les parties ont
rédigé un écrit alors que le contrat portait sur 500€, je ne peux pas dire par témoin que
la valeur était de 700€ ; il faut un nouveau contrat entre les parties.

Ex :
- Si les parties ont conclu un bail portant sur un loyer de 650 euros/mois et qu’elles
décident en cours de route de le réduire à 400 euros/mois (par ex. parce que le
bailleur souhaite prendre en compte les difficultés financières du locataire en raison
de la crise du covid). Pour disposer d’une preuve de la réduction de loyer, les parties
devront rédiger un acte sous seing privé reprenant la réduction de prix car pour
prouver contre un écrit (le bail initial avec le loyer de 650 euros), il faut un autre écrit
(le second acte sous signature privée reprenant la réduction de loyer).
Carla Quadflieg 98
Les parties sont donc tenues par le contenu de l’acte tel qu’il figure dans l’écrit, tel qu’il
figure dans l’instrumentum. Elles ne peuvent pas prouver que ce contenu n’est pas
conforme au negotium, sauf si elles ont un nouvel écrit. Pour les tiers, c’est-à-dire les
parties qui n’ont pas signé l’acte, ce n’est pas pareil. Ces tiers peuvent prouver par tout
mode de preuve (y compris présomptions et témoignages) que l’instrumentum ne
reflète pas la réalité et que le negotium est autre (cas de la simulation par exemple).

Quid des tiers ?


Preuve par tous modes de preuve

Art. 8.14 Preuve par et contre les tiers


Les tiers peuvent rapporter la preuve d'un acte juridique par tous modes de preuve.
Sans préjudice de l'article 8.22, la preuve d'un acte juridique peut être rapportée par
une partie à l'égard des tiers par tous modes de preuve.

3. Au niveau de la date :
- art. 8.9., §1er, C. civ. pour les parties à l’acte.
Voir ci-dessus ; les parties sont tenues par la date qu’elles ont indiquée dans leur
contrat.
- art. 8.22. C. civ. vis-à-vis des tiers.
La preuve de la date d’un acte vis-à-vis des tiers se fait conformément à l’art. 8.22
relatif à la date certaine.
Art. 8.22 Date certaine de l'acte sous signature privée :
« L'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que :
1° du jour où il a été enregistré, ou
2° du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique, ou
3° du jour où au moins l'une des parties se trouve dans l'incapacité de modifier l'acte
ou sa date, notamment suite au décès de l'une d'elles. »

Pour avoir date certaine, l’acte doit donc être soit enregistré, soit authentifié, soit signé
par une partie décédée
Carla Quadflieg 99
96. L’acte authentique : conditions générales
L’acte authentique est défini par l’article 8.1., 5° C. civ. comme celui qui a été reçu, avec
les solennités requises, par un officier public (notaire,…) ou un officier ministériel
(huissier,…) ayant compétence et qualité pour instrumenter (pas un notaire suspendu,
pas un notaire des Pays-Bas si achat en Belgique).

97. L'acte authentique et sa force probante


Force probante distincte à trois niveaux entre parties à l’acte :
1. Au niveau de l’origine (identité des parties) : mention couverte par l’authenticité
(lecture de carte d’identité) fait foi jusqu’à inscription de faux (procédure d’ordre
public ; long et coûteux).

2. Au niveau du contenu :
Ce que l’officier public ou ministériel a personnellement accompli ou constaté
est couvert par l’authenticité, fait foi jusqu’à inscription de faux (seule manière
de protester) et toute convention qui déroge à cette règle est nulle (art. 8.17. C.
civ.). Le contenu lie les parties sauf si elles ont un autre écrit qui vient établir que
ce contenu était erroné (ex : un avenant)
Ex :
- L’identité des parties
Ce que les parties déclarent a la même valeur qu’un acte sous signature privée (preuve
contraire soumise à l’art. 8.9., §1er, C. civ.).

Ex :
- Les parties déclarent que le prix convenu pour l’achat d’un immeuble est de 215.000
euros, le notaire en prend acte dans son acte authentique, si les parties ont convenu
d’un dessous de table de 50.000 euros portant le prix à 265.000 euros, le notaire
l’ignore et la mention du prix n’est jamais couverte par l’authenticité mais
simplement par la valeur probante liée à l’acte sous signature privée (le FISC peut
prouver que le montant n’était pas de 215.000 mais bien 265.000).

3. Au niveau de la date : mention authentique qui fait foi jusqu’à inscription en


faux.
Vis-à-vis des tiers : les mentions couvertes par l’authenticité font foi jusqu’à inscription
en faux ; pour les autres mentions, force probante ordinaire comme pour un acte sous
signature privée. Elle est plus importante que pour l’acte sous signature privée.
Carla Quadflieg 100
Rappel : ne PAS confondre la force probante de l’acte authentique avec la
problématique de son inopposabilité à certains tiers (les tiers protégés de bonne foi) de
certains actes authentiques s’ils ne sont pas transcrits (art. 3.30, § 2, C. civ.). Il faut
distinguer force probante de l’écrit signé (qui sert au niveau de la preuve) et
l’opposabilité de l’acte au tiers protégé de bonne foi
Ex. :
- Acte de mutation immobilière : il faut que l’acte soit transcrit pour qu’il soit
opposable aux tiers, ce qui n’a rien avoir avec sa valeur probatoire.
- Une vente immobilière, la création d’une servitude, la création d’un usufruit sur un
immeuble ne sont opposable aux tiers que s’ils ont été par un acte authentique
transcrit ; ça n’a rien avoir avec la preuve de l’acte.
- Une servitude établie par un acte authentique non transcrit ne sera pas opposable
au futur acquéreur de bonne foi du fonds servant.

98. "Autres" écrits (peuvent-ils être qualifiés d’écrits signés ou non ?): la question des
lettres missives
La lettre missive (=envoyée de manière postale) est un message écrit adressé par une
personne à une autre personne en vue de lui faire une communication. Elle peut
contenir une volonté juridique et si les lettres missives sont, en outre, signées, elles sont
assimilées ensemble à un acte sous signature privée (sous la section dédiée à l’acte sous
signature privée, l’art. 8.20., in fine, C. civ. évoque d’ailleurs les « contrats formés par
échange de courriers »).
Par essence, les lettres missives ne sont toutefois pas soumises à la formalité « du
double » (art. 8.20., in fine, C. civ., cfr supra). Elles doivent en revanche respecter, le cas
échéant, l’article 8.21. du même Code (formalité du bon pour, voir ci-dessus).

99. "Autres écrits" : les copies (manuscrites, photocopies, télécopies, numérisations


(=scans), …)
Copie : reproduction d’un acte original, sur n’importe quel support mais donc sans
signature originale (la signature est originale si elle est tracée directement sur son
premier support).
Quant à la « simple » copie, selon la jurisprudence, elle a la même force probante que
l’original tant que la partie adverse ne requiert pas la production de l’original ou ne
conteste pas la conformité de la copie à l’original. A défaut, le deuxième alinéa de l’art.
8.25. C. civ. précise qu’elle peut valoir comme présomption de fait, ou comme
commencement de preuve par écrit si les conditions de l’art. 8.1., 7° sont rencontrées.
Carla Quadflieg 101
Section 2. Le témoignage

100. Définition
Le témoignage est la preuve qui résulte de la déclaration faite par un tiers dans les
conditions prévues aux articles 915 et suivants du Code jud. (témoignage oral) ou aux
articles 961/1 et suivants du Code jud. (témoignage sous forme d’attestations écrites ;
attestation écrite) art. 8.1. 8° C. civ.

101. Précisions
Le témoignage doit, en principe, porter sur des faits dont le témoin a eu
personnellement connaissance (témoin direct >< témoin indirect ; quelqu’un nous a dit
qu’il avait vu quelque chose)

102. Valeur probante


Appréciation libre par le juge de la valeur probante d’un témoignage (art. 8.28., al. 2, C.
civ.). Il peut estimer que le témoin est crédible ou pas (le témoin se contredit à
témoignage ne vaut rien).
Carla Quadflieg 102
Section 3. Les présomptions de fait

103. Définitions
Art. 1349 C. civ. : les présomptions sont les conséquences que la loi (art. 8.7. C. civ.) ou
le juge (présomptions factuelles) (art. 8.1., 9°, C. civ.) tire d’un fait connu à un fait
inconnu. Le mécanisme de la présomption suppose un raisonnement, avec un lien
logique mais les deux types de présomption n’ont pas le même rôle.

On distingue ainsi entre


• Les présomptions légales, art. 8.7, elles influent sur le plan de la charge de la preuve.
La loi inverse la charge de la preuve.
Ex :
- Ex. art. 3.24 C. civ.(rôle probatoire de la possession) : notre possesseur doit être
présumé propriétaire du bien sur lequel il a le corpus. La possession s’accompagne
d’une présomption ; c’est à la personne qui revendique l’objet de prouver qu’il s’agit
en fait de son objet et pas le mien.
- Ex. art. 1384, al. 2 anc. C. civ. (responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants
mineurs). La victime d’un fait commis par un enfant mineur va être indemnisé par
les responsables légaux de l’enfant, c’est-à-dire les parents (assurances RC famille).

Les présomptions légales visent à influencer qui supporte la charge de la preuve mais
elles ne constituent pas toujours des preuves définitives (celui qui reçoit le fardeau
de la preuve peut encore prouver le contraire, ex : pas de responsabilité par rapport
à ce pour quoi on l’accuse).

• Présomptions « de fait », véritable mode de preuve par lequel le juge va s’immiscer


dans le procès. Il va partir d’éléments connus et en déduire une conséquence qui
n’est pas prouvée avec certitude.
Ex :
- Ex : je me garde dans un parking de supermarché et après avoir fait les courses, je
vois que mon véhicule est griffé. Ma voiture est grise et les traces sont de couleur
rouge. Le véhicule parqué à côté est rouge et il présente des griffes de la couleur de
ma voiture. Je peux appeler la police pour constater et prendre des photos/vidéos.
Je ne peux pas prouver que c’est cette voiture-là qui a griffé la mienne mais j’ai un
faisceau d’éléments connus, établis (parquées dans le même parking, griffes au
même endroit). Le juge va déduire de ces éléments connus un élément inconnu. Cela
va être retenu par un Tribunal de Police dans un premier dossier.
- Deuxième dossier : litige fiscal. Une brasserie va rentrer dans ses déclarations TVA
un achat d’une quantité de pommes de terre exceptionnelle et inexplicable par
Carla Quadflieg 103
rapport au chiffre d’affaires. L’administration de la TVA va faire un calcul et va dire
que c’est impossible à amende pour travail non déclaré ainsi que pour une TVA non
déclarée. Le juge fiscal va suivre le raisonnement ; il déduit de faits connus (factures
d’achats) que le chiffre d’affaires et donc la vente réelle de frites n’est pas conforme
à ce qui est déclaré (il y a du CA non déclaré et de la TVA non déclarée).

La manière de fonctionner de la présomption de fait n’est pas la même que la


manière de fonctionner de la présomption légale car je n’inverse pas la charge de la
preuve. Ici, la présomption que déduit le juge est définitive.

104. Précisions concernant ces présomptions


L’art. 8.29., al. 2, C. civ. énonce que le juge ne doit retenir les présomptions de fait
(quand il déduit de fats connus un fait inconnu) que si elles reposent sur un ou plusieurs
indices sérieux et précis. Un seul bon indice peut suffire pour créer une présomption
(spécialement avec les techniques scientifiques nouvelles), mais si une présomption
s’appuie sur plusieurs indices, ceux-ci doivent être concordants (= aller dans le même
sens).
Les présomptions ne peuvent être déduites de faits incertains, ni de faits qui ne sont
que le reflet de l’opinion personnelle d’une partie ou du juge.

105. Valeur probante


Les présomptions de fait n’ont aucune force probante légale (= pas de valeur probante
fixée par avance), l’appréciation du juge étant souveraine (art. 8.29., al. 2, C. civ.) ; c’est
le juge lui-même qui fixe la valeur de la présomption. Si la présomption entraine la
conviction, la valeur de la présomption est très grande. Toutefois, le juge ne peut
déduire des faits constatés par lui, des conséquences qui seraient sans aucun lien
logique avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d’aucune
justification 23. Il faut que ce soient des faits connus, que les parties amènent devant lui
au litige.

23
Voy., not., Cass., 5 novembre 1981, Pas., 1982, I, p. 342.
Carla Quadflieg 104
Section 4. L'aveu (surtout en droit pénal)

106. Définitions
Les dispositions légales concernant l’aveu sont les art. 8.30. à 8.32. C. civ.
L’aveu est la reconnaissance, expresse ou tacite, par une partie d’un fait de nature à
produire contre elle des conséquences juridiques (effets) (art. 8.1., 11°, C. civ.).
L’aveu doit porter sur des faits (au sens large), et non sur la règle de droit (je ne vais
jamais avouer que je pense que telle règle de droit est applicable ; l’aveu c’est quand je
vais reconnaitre que je suis le débiteur de quelqu’un, reconnaitre l’existence d’un
contrat, reconnaitre que je suis l’auteur d’une faute/d’un dommage).

Ex :
- Je reconnais être locataire de tel bien alors que nous n’avons fait aucun contrat,
aucun écrit.

L’aveu est un acte unilatéral (il émane de moi lorsqu’il m’est opposé ; c’est toujours mon
aveu qu’on peut m’opposer), pas nécessairement destiné initialement à servir de preuve
à l’adversaire (ex : ça peut être une parole qui m’a échappé) 24 . C’est un acte de
disposition (acte grave ; on ne peut pas revenir dessus). L’aveu est donc une
reconnaissance qui émane d’une personne et qu’on va opposer à cette personne.

Distinction entre l’aveu judiciaire et l’aveu extrajudiciaire, oral ou écrit, exprès ou l’aveu
tacite.

Illustrations
- Aveu judiciaire : fait en justice durant un procès. Soit fait dans des conclusions (aveu
écrit judiciaire) soit fait devant le juge lors d’une plaidoirie par exemple (aveu oral
judiciaire).

- Aveu extrajudiciaire (la plupart du temps) : reconnaissance par une partie d’un fait
qui est difficile à prouver ou qui est contester, hors d’un contexte d’un procès. Arrive
souvent avant le temps du procès. Attention aux écrits qu’on va rédiger ! (SMS, mail,
recommandé…)

- Aveu oral : dit verbalement (difficile de le prouver ; il faut avoir des témoins et les
faire auditionner)

- Aveu écrit (plus facile de prouver un aveu lorsqu’il est écrit)

24
Voy. Cass., 20 décembre 2007, R.G.D.C., 2008, p. 452 ; voy aussi Cass., 25 mai 2009,
disponible sur le site de la Cour de cassation, http://jure.juridat.just.fgov.be .
Carla Quadflieg 105
- Aveu exprès : déclaration explicite de son auteur

- Aveu tacite : pas issu des déclarations de l’auteur de l’aveu ; plutôt issu de son
silence ou de ses actions. Aveu en action : force très grande
Ex :
- Reconnaissance par le Roi de sa fille Delphine (Roi refuse de faire un test
ADN ; la cour d’appel a pu déduire de ce refus systématique une
reconnaissance par aveu tacite la reconnaissance par le Roi de sa fille
Delphine)

107. Force probante


L’aveu judiciaire fait pleine foi (a une très grande force probante), de même que l’aveu
extrajudiciaire s’il est rapporté et prouvé (art. 8.32., al. 2, C. civ.). Si aveu extrajudiciaire
écrit : pas de grande difficulté de le prouver. S’il est oral, ce sera plus compliqué.

Le problème est évidemment la preuve, spécialement d’un aveu extrajudiciaire


purement verbal ou encore d’un aveu extrajudiciaire tacite. Je dois en rapporter la
preuve (par toute voie de droit).

• Indivisibilité de l’aveu complexe (art. 8.1., 11° et 8.32., al. 3, C. civ.). L’aveu complexe
porte sur plusieurs éléments (>< aveu simple : porte sur un seul élément, une
déclaration).
Exemple :
- Je suis le bailleur de cette personne et le loyer est de 650€.
Explications :
- Je ne peux pas prendre une phrase qui m’intéresse de l’aveu et nier le reste
des éléments qu’il comporte.
Je ne peux pas dire que je reconnais l’existence du contrat de bail mais ne
pas être d’accord sur le prix du loyer mentionné ; je dois maintenir
l’ensemble de l’aveu intact si je veux m’en servir.

• Irrévocabilité de l’aveu : une fois qu’on a réalisé un aveu, on ne peut pas l’« effacer »
et le retirer (même si parfois, au pénal on peut le faire par rapport à certaines
procédures policières). Il faut donc être extrêmement prudent quand on fait des
concessions à la partie adverse (« sans reconnaissance préjudiciable », « dans un cas
transactionnel, on pourrait admettre que », « sous toute réserve » …).
Carla Quadflieg 106
Section 5. Le serment (plutôt rare)

108. Définitions
Le serment est visé par les art. 8.34. et 8.29. C. civ.

Le serment est l’affirmation solennelle par une partie devant le juge d’un fait qui lui est
favorable (art.8.1., 12°, C. civ.). Le serment, c’est un appel solennel à la conscience de
l’homme.

Différence avec l’aveu : l’aveu émane de la personne contre laquelle il sera opposé, le
serment est déféré par une partie à l’autre ou par le juge à l’une des parties. Le serment
est voulu comme un appel solennel (formalisme mis en place ; pour « impressionner »
le justiciable) à la conscience du justiciable.

Distinction entre deux types de serments (art. 8.33. C. civ.) :


• Le serment décisoire, qu’une partie défère à l’autre pour en faire dépendre le
jugement de la cause (art. 8.34. C. civ.).
Explications :
- Le locataire défère le serment au bailleur : « prêtez serment d’affirmer que
le loyer n’est pas de 450€ »
- Un entrepreneur défère à un sous-traitant un serment disant « prêtez
serment que vous n’avez pas effectué le travail ». Soit la partie refuse de
venir à aveu en action ou alors la partie se présente refuse de prêter
serment ou elle dit qu’elle n’a rien avoir avec le travail effectué.

• Et le serment déféré d’office, mesure d’instruction ordonnée par le juge pour servir
de complément de preuve (art. 8.38. C. civ.). Le juge décide tout seul à défaut d’une
preuve et essaie de compléter le dossier sur le plan probatoire en entendant une
partie en faisant appel à sa conscience personnelle.
Explications :
- Le juge prévoit qu’à telle audience, il entendra telle partie (ex : fournisseur
pour lui déférer le serment et l’entendre sous serment sur l’existence d’un
contrat entre vous ou pas).
- Le juge convoque les parties personnellement à l’audience pour entendre tel
entrepreneur sur sa responsabilité par rapport au chantier (« il n’y a pas de
contrat mais êtes-vous responsable pour ce travail sur le chantier ? »)
Carla Quadflieg 107
L’efficacité de ce mode dépend de la conscience de notre adversaire (ou de la nôtre).
L’efficacité de ce mode de preuve est assez fragile à on y a peu recours.

109. Force et valeur probantes


Conseillé de ne pas s’engager dans un serment.
Différence selon le type de serment.

Le serment décisoire lie totalement le juge, grande force probante (art. 8.37. C. civ.),
sauf si contestation du serment au pénal.

Quant au serment déféré d’office, aucune force probante ne lui est attachée, le juge est
libre dans l’appréciation de sa valeur probante (art. 8.38. C. civ.).
Carla Quadflieg 108
25
CHAPITRE III. L’ADMISSIBILITE DES DIFFÉRENTS MODES DE PREUVE (quand est-ce que
mes différents modes de preuve vont pouvoir prouver un fait ou un acte juridique)

Section 1. Règles générales

110. Principes : art. 8.8. et 8.9. C. civ.


Le principe est désormais énoncé à l’article 8.8 : sauf si la loi en dispose autrement, la
preuve peut être apportée par tout mode de preuve (art. 8.8. C. civ.).
Attention, il faut un écrit signé pour un acte juridique de plus de 3.500€.

Exception :
- Le contrat de transaction : si on réalise une transaction avec notre adversaire
avant ou en cours de procès pour clôturer le litige qui nous oppose, l’article
2044 C. civil s’applique à cette transaction. Cet article prévoit que la
transaction est un contrat écrit signé qui respecte la formalité du double et
ce même si montant moindre que 3.500€. On ne peut pas se mettre d’accord
via un échange de SMS ou de mails. C’est seulement cet écrit signé qui met
fin au litige entre parties.

De façon plus générale, on déduit de la règle de la preuve libre que, pour les faits
juridiques (ex : possession à présomptions, témoignages ou écrit signé par exemple) -
sauf faits particuliers tels que la naissance, la filiation ou le décès (inscription obligatoire
dans les registres administratifs, certificat de naissance, de décès, reconnaissance de
paternité) -, tous les modes de preuve du Code civil peuvent être utilisés.

Quant aux actes juridiques (la preuve n’est plus libre ! Elle est légale), deux règles
générales sont énoncées à l’article 8.9 mais elles connaissent des exceptions.
1. La preuve d’un acte juridique d’une valeur supérieure à 3.500 € doit être faite par
un écrit signé (art. 8.9. C. civ.) ; jusqu’à 3.500€, on peut utiliser tous les modes de
preuve, et spécialement le témoignage et les présomptions de fait.

On notera que si la valeur de l’acte juridique n’est ni déterminée, ni déterminable lors


de la conclusion de l’acte juridique, la preuve peut être rapportée par tous modes de

25
Voy. P. LECOCQ et E. JADOUL, « La preuve en droit civil : rappel des principes et actualités
jurisprudentielles », in La preuve et le faux, Limal, Anthemis, 2017, pp. 7 à 37.
Carla Quadflieg 109
preuve (art. 8.9., § 4, C. civ.), comme si l’acte juridique portait sur un montant inférieur
ou égal à 3.500€.

2. Il ne peut être prouvé outre (pour le compléter) ou contre (pour modifier un élément
du contenu du contrat) un écrit signé, même si la valeur n’excède pas 3500 euros,
que par un autre écrit signé (art. 8.9., §1er, al. 3, C. civ.) ; c’est le système de
l’avenant.

111. Précisions et exceptions à ces deux règles


1. Caractère en norme supplétif de l’article 8.9. C. civ. 2 et possibilité de conventions
dérogatoires (art. 8.2. C. civ.).
Je vais pouvoir en principe déroger aux règles de preuve que nous avons énoncées.
Ex :
- Dans le cadre de mes relations d’affaires avec une autre entreprise, on
pourrait décider que dans notre contrat cadre, on n’applique pas cette règle.
Je peux y déroger sauf si mon co-contractant n’est pas une entreprise mais
bien un consommateur (à je ne peux pas déroger au droit de la preuve au
détriment du consommateur).

2. Cas particuliers de l’aveu et du serment (art. 8.13. C. civ.) : toujours admissible,


même en l’absence d’écrit signé là où il en fallait un (ex : prouver un acte juridique
d’un montant de plus de 3.500€).

3. La preuve d’un acte juridique est libre vis-à-vis d’un tiers et par un tiers (art. 8.14),
qu’il s’agisse de s’écarter de la première règle ou de la deuxième règle, et ce sous
réserve de la date certaine, vis-à-vis des tiers, d’un acte sous signature privée (art.
8.22 qui prévoit que l’écrit signé à date certaine vis-à-vis des tiers le jour où il a été
enregistré au bureau de l’enregistrement et du domaine, le jour où il est passé
devant un officier public ou ministériel ; huissier ou notaire ou au jour du décès
d’une partie qui a signé l’acte). à preuve très large et libre vis-à-vis des tiers et pour
les tiers même sur un acte juridique de plus de 3.500€ sauf la date pour laquelle il
faut respecter l’article 8.4.

4. L’article 8.9 ne vise que les actes juridiques plurilatéraux ou multipartites


(engagements dans des chefs de plusieurs parties à synallagmatiques au moins
réciproques) car, en revanche, la preuve d’un acte juridique unilatéral peut en
principe être rapportée par tous modes de preuve, quelle que soit sa valeur (art.
8.10., al. 1er, C. civ.). Nuance très importante concernant l’engagement unilatéral de
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payer une somme d’argent ou de livrer une certaine quantité de choses fongibles
(cf. supra, art. 8.10., in fine, et 8.21. C. civ.) à cause de la « formalité du bon pour ».
Si je suis face un engagement unilatéral, je dois respecter la « formalité du bon
pour ». Je ne saurais pas la respecter si je n’ai pas un écrit signé. Là, c’est absolument
impératif, peu importe la valeur de l’engagement unilatéral s’il porte sur une
obligation de payer une somme d’argent ou de livrer une quantité de choses
fongibles (càd. de choses interchangeables entre elles ; ex : graviers, fruits, sable…).

5. Preuve par et contre les entreprises (art. 8.11., §1er, C. civ.) aussi bien pour déroger
à l’obligation d’un écrit signé pour les actes juridiques de plus de 3500 euros que
pour déroger à l’écrit signé nécessaire pour prouver outre ou contre un écrit signé
(ex : contrat).

Art. 8.11 Preuve par et contre les entreprises


Il y a un système dérogatoire (aux deux règles contenues dans l’art. 8.9) pour les
entreprises ; on va assouplir le système de preuve qu’on a étudié pour les relations
d’affaires entre entreprises mais on ne va pas assouplir quand c’est entre entreprises et
consommateurs (on veut protéger le consommateur au maximum).

§ 1er. Contre des entreprises (= si un consommateur veut prouver contre une


entreprise) ou entre entreprises, telles que définies à l'article I.1, alinéa 1er, du Code de
droit économique, la preuve peut être apportée par tout modes de preuve, sauf
exception établie pour des cas particuliers.

Régime des actes mixtes : art. 8.11, § 1, al. 2 et 3 prévoit des dérogations à cette règle
assouplie.
Al. 2 : La règle énoncée à l'alinéa 1er ne s'applique pas aux entreprises lorsqu'elles
entendent prouver contre une partie qui n'est pas une entreprise. Les parties qui ne
sont pas une entreprise (ex= consommateur qui souhaite prouver contre une
entreprise) qui souhaitent prouver contre une entreprise peuvent utiliser tous modes
de preuve (y compris présomptions et témoignages).
Al. 3 : La règle énoncée à l'alinéa 1er ne s'applique pas non plus, à l'égard des personnes
physiques exerçant une entreprise (ex : avocat qui exerce en personne physique), à la
preuve des actes juridiques manifestement étrangers à l'entreprise.
Ex :
- Je (avocat en personne physique) fais construire ma maison unifamiliale,
vous êtes une société de promotion immobilière et nous contractons entre
nous ; vous ne pouvez pas invoquer le fait que je suis avocat en personne
physique (et donc que je suis une entreprise) pour prétendre que pour la
construction de ma maison (qui n’a donc rien avoir avec mon activité), on va
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déroger aux règles de l’art. 8.9. Il faut un écrit signé respectant la formalité
du double (car > 3500€) pour avoir un instrumentum parfait.

Modes de preuve spécifiques : la comptabilité d’une entreprise et la facture acceptée


ou non contestée dans un délai raisonnable (art. 8.11., §§ 2 à 4, C. civ.) : pour mémoire.

§ 2. La comptabilité d'une entreprise n'a de force probante (=ne va servir de preuve)


contre une autre entreprise que si les mentions de la comptabilité des deux parties sont
concordantes (=matchent, collent). La comptabilité de ma société ne sert de preuve
contre mon partenaire commercial que si en comparant les deux comptabilités, je sais
prouver qu’il y a des relations d’affaires entre nous, qu’un contrat nous lie.

Dans tous les autres cas, le juge apprécie librement la valeur probante de la comptabilité
(il juge si c’est suffisant comme preuve ou pas).

La comptabilité d'une entreprise n'a PAS de force probante contre des personnes qui ne
sont pas des entreprises.

La comptabilité d'une entreprise peut être invoquée contre cette entreprise (ma
comptabilité peut être invoquée contre moi-même). Cette comptabilité ne peut être
divisée contre l'entreprise, sauf si elle n'est pas tenue régulièrement (// principe de
l’aveu ; indivisible. Si j’ai une facture et une note de crédit, je dois tenir compte des 2).

§ 3. Le juge peut, sur demande ou d'office, au cours d'un procès ordonner la production
de tout ou partie de la comptabilité d'une entreprise concernant le litige à examiner. Le
juge peut en outre imposer des mesures afin de garantir la confidentialité des pièces
concernées.

§ 4. Sauf preuve contraire, une facture acceptée par une entreprise ou non contestée
dans un délai raisonnable (1 à 2 mois) fait preuve contre l'entreprise (qui l’a acceptée
ou qui ne l’a pas contestée) de l'acte juridique allégué (du contrat sous-jacent = du
contrat qui justifie la facture).

Une facture non contestée par une personne qui n'est pas une entreprise (ex :
consommateur) ne peut être considérée comme acceptée (pas un mode de preuve
donc), sauf si cette absence de contestation constitue un silence circonstancié
(exceptionnel). Avec un consommateur, il faut un écrit signé si > 3.500€ ou au moins un
bon de commande signé si < 3.500€. Une facture acceptée, expressément ou
tacitement, par une personne qui n'est pas une entreprise constitue une présomption
de fait. Est nulle toute convention qui déroge aux règles du présent alinéa, si elle est
conclue avant la naissance du litige.
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6. Commencement de preuve par écrit (art. 8.1., 7°, et 8.13.C. civ.) : acte écrit émané
de celui qui conteste un acte juridique et qui rend vraisemblable l’acte juridique
allégué. Ce n’est pas un acte sous signature privée mais il permet de recourir à
d’autres modes de preuve (témoignages…) pour le compléter alors même qu’il s’agit
de prouver un acte juridique de plus de 3.500 € 26.
Le commencement de preuve par écrit n’est pas une preuve définitive ; c’est un
commencement de preuve qui doit être complété (je dois y amener des
présomptions ou des témoignages par exemple).
Ex :
- Acte juridique synallagmatique prouvé par un écrit signé car portant sur une
valeur de plus de 3.500 euros mais qui ne respecte pas la formalité du double
(exigence qui veut que, sur le contrat, on indique le nombre d’exemplaires
établis et qu’on établisse un exemplaire par partie ayant un intérêt distinct).

Ne pas connaitre :
7. Impossibilité de se procurer un écrit, impossibilité matérielle (art. 8.12., al. 1er, C.
civ.), impossibilité morale ou résultant des usages 27 et perte de l’écrit signé par cas
de force majeure (pour mémoire)

Section 2. Règles spécifiques à l'aveu et au serment

112. Règles spécifiques à l'aveu


Grande recevabilité (admissibilité), même quand la preuve testimoniale (=par témoins
ou par présomptions) n’est pas admise (art. 8.13. C. civ.), sauf dans les matières d’ordre
public (ex : identité ; elle doit être prouvée selon les formes ; registre national) ou pour
des droits dont on ne dispose pas (ex : nationalité, filiation ; je ne peux pas avouer que
je suis le père de tel enfant), ou pour pallier l’absence d’écrit quand celui-ci est exigé
pour la validité du negotium (ex : je ne peux pas faire un aveu d’un acte solennel, je ne
peux pas faire un aveu de l’existence d’une hypothèque ou transaction à il me faut un
écrit signé).

Spécificité : art. 8.31., al. 1, C. civ. en cas d’aveu extrajudiciaire verbal (= aveu oralement
hors du cadre d’un procès) ; règle spéciale pour l’aveu en action. La preuve peut être
rapportée assez aisément de cet aveu-là s’il s’agit d’un aveu en action (ex : j’ai exécuté
le contrat).

26
Voy., pour des exemples de documents qualifiés, ou non, de commencement de preuve par
écrit, not., Liège, 28 avril 2008, J.L.M.B., 2009, p. 381 ; Anvers, 10 mars 2008, N.J.W., 2009, p.
559 ; Cass., 2 novembre 2007, J.L.M.B., 2008, p. 1763.
27
Voy., not., Mons, 16 avril 2008, J.L.M.B., 2009, p. 381, à propos de l’impossibilité morale ;
voy. égal. Liège, 23 mars 2015, J.T., 2016, p. 67, à propos de l’impossibilité résultant des usages.
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Explication :
Art. 8.31 : Aveu extrajudiciaire
L'aveu extrajudiciaire purement verbal n'est admis que dans les cas où la loi permet la
preuve par tous modes de preuve. En principe, l’aveu extrajudiciaire verbal, je ne peux
pas m’en servir lorsque je dois prouver un acte juridique > 3.500€ ; il me faudra un aveu
judiciaire ou écrit, mais lorsque l’aveu extrajudiciaire résulte du comportement d'une
des parties (tel que l'exécution d'un contrat), ce comportement peut être établi par tous
modes de preuve. (Aveu en action dans tous les cas)

L'aveu extrajudiciaire a la même force probante que l'aveu judiciaire.

Ne pas connaitre :
113. Règles spécifiques au serment (pour mémoire)
Grande recevabilité du serment, le décisoire comme le déféré d’office.

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