Éditorial

Le management public collaboratif

Pierre-Charles Pupion , Stéphane Trébucq
Dans Gestion et management public 2020/1 (Volume 8 / n° 1), pages 6 à 8
Éditions AIRMAP
DOI 10.3917/gmp.081.0006
© AIRMAP | Téléchargé le 19/10/2023 sur www.cairn.info via Toulouse Business School (IP: 185.244.75.131)

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 É D I T O R I A L
Le management public collaboratif
Dans notre société, l'injonction « du collaboratif »
modifie la gestion des organisations publiques en les
incitant à développer un management de plus en plus
horizontal et participatif avec les parties prenantes
internes et externes.
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Le management collaboratif orienté vers les parties
prenantes internes part du constat que la bureaucra-
tie, avec ses excès de planification et de reddition de
compte, nuit à la créativité, et que le cloisonnement
et le contrôle limitent la collaboration des salariés. Il
propose, en réaction, de promouvoir les principes de
confiance, de liberté de choix, et de coopération, qui
permettront à l’humain de pleinement contribuer à
la performance globale. Le management collaboratif
repose sur un système de structure horizontale, où
les membres de différents services peuvent collaborer
et sont acteurs des projets qu’ils décident de mener à
bien. Là où la gestion de projet traditionnelle utilise
un mécanisme de rapport passif avec une décompo-
sition du projet en tâches indépendantes avec un flux
d'informations faible entre les contributeurs du pro-
jet, la gestion de projet collaborative fait de la capa-
cité à coordonner les efforts des équipes et à coopérer
les uns avec les autres la clé de réussite des projets.
1 Professeur des Universités - Université de Poitiers.
2 Professeur des Universités - Université de Bordeaux.
6
Pierre-Charles PUPION1
Stéphane TRÉBUCQ2
Dans une gestion de projet collaborative, le succès
du projet dépend certes de la gestion des interdépen-
dances entre les activités (le courrier électronique,
le calendrier d'équipe, l'automatisation du flux de
travail et bien d'autres), mais aussi de la capacité des
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membres de l'équipe à contribuer de concert à l'effort
du groupe. Cette gestion nécessite une coordination et
une coopération étroites entre les membres du projet,
la performance de n'importe quel individu influence
la capacité de tous les autres membres à agir. Du
point de vue de la gestion des ressources humaines,
Masingue (2020) souligne que « les organisations
vivent à l’heure du collaboratif, de la coopération, du
“co” (co-working, co-design, co-construction…). Dans
ce contexte, le travail en équipe devient central et les
équipes constituent des foyers essentiels des pro-
cessus collaboratifs tant mis en exergue ». Certaines
start-up, comme Effency, ont d’ailleurs investi ce do-
maine, en proposant des outils numériques facilitant
les échanges au sein d’une équipe.
De façon plus large, un processus collaboratif entre
membres d’une organisation est caractérisé par : la fa-
çon de se lier les uns aux autres et à l'organisation, par
la confiance entre les membres et le désir de satisfaire
 ses intérêts, mais aussi ceux de l'organisation et de
ses membres. Ses différentes phases sont la formation
de la collaboration, la participation, la réalisation
d'actions conjointes et l’obtention de résultats. Un
processus de décision est dit pleinement collaboratif
lorsque les décisions sont basées sur une vision com-
mune des dirigeants et des membres de l'équipe, et
qu’il y a une prise de conscience des conséquences
des décisions mutuellement prises. Elle repose sur un
échange accru d'informations entre les membres de
l’organisation, du service ou de l’équipe mais aussi des
valeurs et des préférences. Ces membres apprennent
les uns des autres et construisent un pool commun de
connaissances, permettant de prendre des décisions.
Ce système de prise de décision collaborative repose
sur un ensemble d'outils qui créent un flux de travail
d'informations vers des équipes spécifiques et leurs
membres respectifs.
La gestion publique collaborative appréhendée du
point de vue des relations aux parties prenantes ex-
ternes prend une part importante dans l’élaboration
des politiques publiques et dans le développement
des démocraties délibérative et participative. Selon
Bingham (2008), la gestion publique collaborative
est « un processus de facilitation et de mise en action
d’arrangements multi-organisations permettant
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de résoudre des problèmes qui ne peuvent pas être
résolus ou facilement résolus par des organisations
uniques. Elle rend possible la réalisation d’objectifs
communs en travaillant au-delà des frontières dans
des relations multisectorielles et multi-acteurs. ».
Ce concept est utilisé pour expliquer la coordination
entre les différentes agences gouvernementales,
entre les différents acteurs publics et privés dans
le cadre de politiques publiques, la collaboration
entre diverses organisations publiques ou privées,
et la coopération avec les citoyens privés et les as-
sociations de quartier dans le cadre de politiques
publiques locales. La nouvelle gouvernance s’inscrit
dans ce mouvement de gestion publique collabora-
tive ouverte sur l’extérieur et effaçant les frontières
entre acteurs publics et privés. Rhodes (1996), dans
son étude sur la nouvelle gouvernance, a énuméré
quatre de ses caractéristiques :
▪ Lament,gouvernance est plus large que le gouverne-
et inclut des acteurs non étatiques, ce qui
tend à revisiter les frontières établies entre les
secteurs public, privé et associatif.
▪ Elle repose sur des interactions continues entre
les membres du réseau qui apportent des res-
sources et négocient des objectifs communs.
▪ Les interactions sont ancrées dans la confiance,
et régies par des règles du jeu négociées et ap-
prouvées par les participants du réseau.
▪ Les réseaux ne sont pas responsables devant
l'État et ils s'auto-organisent.
La littérature sur la gouvernance collaborative examine
la question de la démocratie participative et du rôle
du citoyen dans le processus de prise de décision. La
gestion collaborative engage activement les citoyens
dans la prise de décision politique grâce aux outils
de dialogue et de délibération, de résolution de pro-
blèmes communautaires et de résolution de différends
multipartite.
L’article intitulé « L’organisation d’un mana-
gement collaboratif entre acteurs publics
et acteurs civils : Le rôle d’organisation
frontière d’une association d’insertion dans
l’emploi pour les jeunes diplômés » proposé par
Jean-Baptiste SUQUET, Damien COLLARD, Nathalie
RAULET-CROSET permet de mieux comprendre
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les conditions organisationnelles de la collaboration
entre acteurs publics, privés et associatifs. Analysant
le rôle de l’association « Nos Quartiers ont des Talents
(NQT) qui accompagne des jeunes diplômés défavori-
sés vers l’emploi, il montre que ce type d’organisation
frontière est à même de favoriser un management
collaboratif entre acteurs publics et privés ».
L’article de Soufyane FRIMOUSSE, Romain MORETTI,
Abdelaziz SWALHI, Laurent GIRAUD intitulé « Le
développement de l’employabilité au service
de la fidélité organisationnelle des agents de
la Fonction Publique Territoriale : le rôle du
sentiment d’efficacité personnelle » propose une
étude quantitative permettant de connaître l’influence
du développement de l’employabilité sur la fidélité
organisationnelle des collaborateurs de la Fonction
Publique Territoriale.
L’article d’Ahmed EL BAHRI intitulé « Le tableau
de bord prospectif, levier de changement ma-
nagérial dans un EPLE dans le cadre d’une re-
cherche intervention » se concentre sur les résultats
Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°1 - 2020 7
 d’une recherche-intervention qui vise à contribuer au
changement managérial de l’EPLE par l’adaptation et la
diffusion d’un outil de gestion. En prenant appui sur un
système d’alliances internes, constitué de la documen-
taliste, de la conseillère principale d’éducation et de la
gestionnaire, le chef d’établissement a su amener les
membres de l’organisation à collaborer au changement
impulsé par l’adoption d’un tableau de bord prospectif.
BIBLIOGRAPHIE
BINGHAM, L.B. (ed.) (2008). Big ideas in collaborative
public management. ME Sharpe.
MASINGUE, A. (2020). « Processus collaboratifs, manage-
ment des équipes, gestion des organisations publiques : vers
une approche post-moderne ? ». Habilitation à diriger des
Recherches, Octobre 2020

RHODES, R.A.W. (1996). « The new governance: governing

L’article de Djida BOUNAZEF, Hichem Sofiane without government ». Political studies, 44(4), pp. 652-667.
SALAOUATCHI, Nathalie CRUTZEN, de Didier
VANCALLIE intitulé « Post-New Public
Management : Explorer les liens entre la
responsabilisation partagée et le leadership
transversal » explore la perspective du changement
organisationnel à travers l’analyse de la relation entre
le niveau de transversalité du leadership et le niveau
de responsabilisation partagée dans le contexte du ma-
nagement hospitalier public. L’existence d’une bonne
dynamique relationnelle impacte positivement sur la
qualité des collaborations à travers la réduction des
perceptions négatives. L’étude de cas réalisée auprès
de cinq organismes hospitaliers, permet d’identifier le
développement de nouvelles manières de collaborer.

L’ensemble de ces contributions nous invitent à envi-

sager sous un nouveau regard la problématique plus
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globale du « management collaboratif ».