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PLAN BLEU / CIHEAM / CMDD

TERRITOIRES
ET DÉVELOPPEMENT RURAL
EN MÉDITERRANÉE

LA PRISE EN COMPTE DES TERRITOIRES DANS LES POLITIQUES


DE DÉVELOPPEMENT RURAL EN MÉDITERRANÉE
RÉSULTATS ET CONCLUSIONS DE L'ÉTUDE

Grigori Lazarev

Janvier Février 2008

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PLAN BLEU/CIHEAM/CMDD

TERRITOIRES ET DEVELOPPEMENT RURAL


EN MEDITERRANEE

INTRODUCTION

I. ETAT DES LIEUX. POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT RURAL ET


APPROCHES TERITORIALES DANS LES PAYS DE LA MEDITERRANEE

La région Méditerranée
Unité, diversité et asymétrie
Le développement rural en Méditerranée

Les pays méditerranéens de l'Union Européenne


Le cadre commun de la politique de développement rural de l'Union Européenne
Espagne, la primauté des initiatives régionales et locales
France, une réponse plurielle aux défis de la décentralisation du développement
Italie, une approche pragmatique à partir des territoires de production
Grèce, du territoire identitaire au territoire "réseau"
Quelques autres regards, en bref

Les pays du Maghreb


Algérie, la recherche volontariste de projets de proximité impulsés par l'Etat
Maroc, des concepts clairs en quête d'une implantation dans la réalité territoriale
Tunisie, un pragmatisme efficace au-delà des rigidités de l'administration

Machreq et Nord Est de la Méditerranée


Egypte, la promotion de l'agriculture et les avancées difficiles de la décentralisation
Syrie, des territoires ruraux façonnés par les projets de développement
Liban, la territorialisation aux prises avec l'histoire politique
Turquie, la priorité de la structuration des activités agricoles
Albanie, ruralité et espaces en mutation rapide

II. LES POLITIQUES ET APPROCHES TERRITORIALES : UN ESSAI DE VUE


PANORAMIQUE

L'administration territoriale et les politiques de décentralisation

L'approche territoriale des stratégies de développement rural


La territorialisation dans les stratégies de l'UE
Le développement territorial dans les approches de la FAO

Territoire et développement local dans la France rurale en 2030


L'approche locale dans la stratégie et la prospective au Maroc
Stratégie de développement rural et projets de proximité en Algérie

2
La stratégie méditerranéenne de développement durable
Les approches territoriales des Plans d'action pour l'environnement

Les approches territoriales ciblées sur les projets de développement rural


L'approche LEADER
Les approches des projets intégrés de développement rural
L'approche "terroir"

Les approches fondées sur le développement territorial


L'approche "pays"
L'approche "parcs régionaux"

Les approches fondées sur l'aménagement du territoire


Les schémas d'aménagement du territoire
Les "bassins de vie"
La "petite région rurale"

Les approches fondées sur la compétitivité des territoires


Les approches fondées sur la territorialisation de l'agriculture
Capital territorial et compétitivité des territoires
La géographie des territoires de fait

III. LES PROBLEMATIQUES DE LA RELATION DEVELOPPEMENT RURAL ET


APPROCHES TERRITORIALES

Quelques questionnements sur les problématiques

Qu'est ce que la "ruralité"?


La définition plurielle de la ruralité
Territoires et espace rural

L'existence des territoires


La pluralité des territoires
L'échelle des territoires et l'espace local

La finalité des territoires

Les acteurs du territoire


L'identification au territoire
L'identification des acteurs
La participation des acteurs
Acteurs et jeux de pouvoir

La problématique de la gouvernance territoriale


Du sens de la "gouvernance"
Des approches "descendantes" et "ascendantes"
Europe, gouvernance et partenariats
Au Sud, des processus expérimentaux d'autonomisation des acteurs

3
Le déterminisme des offres de financement
Le déterminisme des financements de l'UE
Les règles des institutions de financement internationales
Le rôle des systèmes de financement dans les politiques territoriales

Les questionnements méthodologiques

IV. LE DEVELOPPEMENT RURAL TERRITORIALISE

Développement rural et développement territorial, une approche nouvelle mais de plus en


plus partagée

Le "développement territorial", un concept socio politique

Le fondement territorial"
Le territoire comme espace d'appartenance
Le territoire comme espace local
Le territoire comme espace de projet

Le développement territorial comme "projet de territoire"


Pourquoi vouloir un projet de territoire?
Les processus des "projets de territoire"

Le développement territorial comme porteur d'intégration et de durabilité environnementale

Le développement territorial comme plateforme d'une gouvernance participative

Le développement territorial comme refondation de l'identité et de la cohésion sociale

Le développement territorial comme légitimation dans l'espace global

Le développement territorial comme objet scientifique

V. MISE EN PERSPECTIVE : DEVELOPPEMENT RURAL TERRITORIALISE ET


PROSPECTIVE EN MEDITERRANEENE

Territoires et mondialisation
Quelle place pour la Méditerranée dans un monde multipolaire?
Développement rural et Méditerranée
La prise en compte des territoires dans les politiques de développement rural

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INTRODUCTION

En accord avec le programme de travail commun du Plan Bleu et du CIHEAM, l'étude se propose de
montrer comment le territoire est pris en compte par les politiques de développement rural.
L'interrogation de départ est de se demander en quoi et pourquoi ce concept apporte quelque chose de
nouveau au développement rural.

Les territoires n'ont pas attendu ce questionnement pour exister en tant qu'unités géographiques.
Celles-ci sont configurées, avec des poids relatifs divers selon les cas, par les données naturelles,
l'histoire sociale et les dynamiques, faibles ou fortes, de l'activité économique. Les assemblages de ces
facteurs dans l'espace méditerranéen font apparaître des agencements multidimensionnels qui, en
dehors des espaces nationaux, dessinent, de façon emboîtée, des aires régionales, des sous régions, des
espaces plus compacts cimentés autour de pôles urbains, enfin, des espaces micro locaux structurés à
l'échelle des communautés rurales. Les réseaux économiques qui régissent les échanges de
l'agriculture et des économies rurales tendent, en outre, à surimposer aujourd'hui, des spatialisations
transversales, de nature professionnelle ou commerciale. De quels territoires veut-on donc parler
lorsque l'on s'interroge sur le rapport qu'ils entretiennent avec le développement rural ?

Le développement rural a, de facto, toujours eu une base territoriale mais si la question est posée
aujourd'hui, c'est bien parce que la notion de territoire apporte aujourd'hui beaucoup plus que le simple
constat de l'existence d'une base géographique (ou territoriale) dans toutes les activités de
développement agricole ou rural. Les expériences de ces toutes dernières décennies montrent en effet
que les actions de développement rural sont amenées à se poser nécessairement dans le contexte des
rapports entre les acteurs et l'espace dans lequel ils vivent, dans celui des rapports entre la
multiplicité de leurs besoins et les services qu'un territoire peut leur apporter pour les satisfaire, enfin,
dans celui des rapports entre leurs activité et la gestion durable de leur environnement global. Elles
reposent ainsi le problème en remettant fondamentalement les sociétés rurales au centre de leurs
territoires.

Le premier projet de plan qui avait été proposé en janvier 2007 était parti de l'idée d'une définition a
priori du concept de "développement rural territorialisé"1. Le concept que l'on avançait rassemblait
les convergences, que l'on avait constatées à partir d'expériences et de réflexions collectives, dans une
définition socio politique du "développement rural territorialisé". On se proposait de construire l'étude
autour d'une exploration de l'application de ce concept dans les expériences des pays de la
Méditerranée, d'en faire un bilan critique et d'en tirer des enseignements utiles aux décideurs.

Une étude documentaire devait précéder les réflexions et l'élaboration du rapport de synthèse. Cette
étude a été effectuée de juillet à octobre 20072. Pour guider la recherche et sélectionner les documents

1
Ce concept a été présenté lors de l'Atelier CIHEAM/Plan Bleu, tenu à Montpellier en décembre 2007. Sa
version, révisée après l'atelier, a été présentée dans la désignation Synopsis II de l'étude. Ce synopsis a été
transmis pour commentaire à tous les participants de l'atelier. Seules deux notes de réponse sont parvenues au
responsable de la présente étude.
2
Cette étude a été initiée en décembre 2006 par un consultant associé au responsable du présent rapport.
Diverses circonstances ont mis ce consultant dans l'impossibilité de mener ce travail à terme. L'auteur a donc du
repartir sur de nouvelles bases en s'associant à une autre consultante, Mme Astrid Gerz. L'étude documentaire
conduite par Mme Gerz a été effectuée entre la fin juillet et le début octobre 2007. Elle fait l'objet d'une
présentation séparée.

5
les plus pertinents, celle-ci s'est proposé de regrouper l'information selon deux axes: un axe
géographique rassemblant des informations de synthèse sur le développement rural et les politiques
territoriales dans la plupart des pays de la Méditerranée, et un axe thématique autour duquel on a
rassemblé des informations ciblées sur les stratégies de développement rural et sur les politiques et
approches territoriales. L'inventaire des documents examinés donne les références de ces documents
ainsi qu'un abstract des documents les plus importants. Il est accompagné de deux CD Rom dans
lesquels on peut retrouver le contenu intégral de la plupart des documents référencés dans l'inventaire3.

La base documentaire s'est en outre enrichie des expériences de développement territorial auxquelles
l'auteur a été associé en Tunisie et au Maroc, sans faire mention d'autres expériences en dehors du
champ méditerranéen. Elle a été complétée par des entretiens avec des responsables d'études
territoriales en France, en Espagne, en Italie, à la FAO et au FIDA. L'auteur a également tiré parti des
sources documentaires qu'il avait rassemblées et des entretiens tenus lors de sa participation à la
rédaction du chapitre sur l'espace agraire du Rapport du Plan Bleu sur le Développement et
l'environnement en Méditerranée, lors de son association à la rédaction de la Stratégie
Méditerranéenne de Développement Durable et lors de sa participation à la rédaction de la Stratégie
2020 de Développement Rural au Maroc (Conseil Général du Développement Agricole) et à celle de
la Prospective Agriculture Maroc 2030 (Commissariat au Plan du Maroc).

L'exploration des documents rassemblés lors de cette première phase de travail a modifié de façon
assez substantielle les idées que l'on se faisait en janvier 2007 de la démarche de l'étude. La diversité
des situations rencontrées, les interprétations multiples qui étaient données du concept de
développement territorial, les compréhensions plurielles de ses rapports avec le développement rural
nous ont en effet convaincu que l'on ne devait surtout pas partir d'un concept a priori. L'idée s'est au
contraire imposée qu'une définition conceptuelle du développement rural territorialisé ne pouvait être
que la conclusion d'une étude des faits et que celle-ci se devait de clarifier les compréhensions
plurielles qui jonchent le champ de la connaissance actuelle.

Le plan révisé du rapport s'articule en quatre parties et une conclusion:

 La démarche est engagée, dans une première partie, en dressant un état des lieux dans les pays
de la Méditerranée. Quelles sont les stratégies de développement rural, quelles sont les
approches territoriales mises en œuvre et quelles sont leurs interactions avec le développement
rural ? Cette analyse se propose d'être très synthétique de façon à mettre en évidence les
principales situations. L'analyse plus approfondie est renvoyée aux documents rassemblés


dans l'étude documentaire et, dans certains cas, à des fiches documentaires.
A l'exploration de l'état des lieux fait suite une revue des types d'approches territoriales mises
en œuvre dans les pays de la Méditerranée. On s'interroge, dans cette seconde partie, sur leurs


objectifs, leurs approches, leurs différences et leurs effets.
Cette double revue, géographique et thématique, nous donne les clefs d'une interrogation sur
les problématiques qui émergent des faits et que l'on conduit dans une troisième partie.
L'éventail en est assez large et on se propose d'en extraire les messages les plus importants.

3
L'approche politique adoptée pour cette étude invitait à privilégier l'information sur les processus en cours.
L'un des critères essentiels pour sélectionner la documentation a été celui de l'accessibilité au contenu des
documents, d'où une recherche principalement fondée sur les sources Internet. Le critère retenu en second lieu a
été celui de la pertinence des documents, la priorité étant donnée aux documents de synthèse - mais sans négliger
des documents plus ciblés qui pouvaient illustrer certains aspects de l'étude. Cette recherche a permis de faire un
tour assez complet des documents donnant une idée d'ensemble des problématiques étudiées. L'exercice a été
délicat car il fallait éviter de tomber dans le piège des bibliographies étendues auxquelles il aurait été difficile
d'accéder et qui n'auraient eu qu'une signification d'inventaire ou de justification académique. L'objectif n'était
pas en effet de collationner des listes de documents mais bien de pouvoir prendre connaissance de leur contenu
et apprécier leur pertinence. Pour autant, plusieurs ouvrages et articles publiés et non accessibles sur Internet ont
été consultés.

6
Ces problématiques concernent, par exemple, l'identification des territoires, la gouvernance


territoriale, la participation des acteurs, l'ingénierie territoriale.
Dans une quatrième partie on s'interroge sur les aspects conceptuels des démarches
territoires/développement rural et sur les aspects politiques et opérationnels qui en découlent
et peuvent concerner les décideurs. A partir des questionnements que l'on pose dans cette
partie, on voit se dessiner un concept d'approche territoriale du développement local dans


lequel le développement rural trouve une place prééminente.
Dans un chapitre de conclusion, on s'efforce de replacer les idées essentielles de l'étude dans la
perspective globale du développement rural en Méditerranée. L'approche territoriale est mise
en avant comme étant un instrument particulièrement pertinent pour soutenir le
développement rural.

Note sur les références: Les sources consultées, principalement sur Internet, sont inventoriées dans
un document séparé publié sous le titre "Etude Documentaire" (370 références). On a inclus à la fin
du présent document une liste compactée, extraite de cette étude documentaire, et dans laquelle on
trouvera les documents qui ont été plus particulièrement utilisés pour la rédaction de cette étude. On
ne mentionne dans le texte que les documents les plus importants et ceux renvoyant à des travaux
particulièrement personnalisés. La consultation de l'extrait synthétique, en fin d'ouvrage, permet de
retrouver les références qui n'ont pas été explicitement citées dans le texte. Les documents sont
référencés dans le texte par des numéros correspondant à ceux donnés dans l'étude
documentaire et dans le CD Rom.

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I. ETAT DES LIEUX. POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT
RURAL ET APPROCHES TERRITORIALES DANS LES PAYS
DE LA MEDITERRANEE

La région Méditerranée
Unité, diversité et asymétrie
Le développement rural en Méditerranée

Les pays méditerranéens de l'Union Européenne


Le cadre commun de la politique de développement rural de l'Union Européenne
Espagne, la primauté des initiatives régionales et locales
France, une réponse plurielle aux défis de la décentralisation du développement
Italie, une approche pragmatique à partir des territoires de production
Grèce, du territoire identitaire au territoire "réseau"
Quelques autres regards, en bref

Les pays du Maghreb


Algérie, la recherche volontariste de projets de proximité impulsés par l'Etat
Maroc, des concepts clairs en quête d'une implantation dans la réalité territoriale
Tunisie, un pragmatisme efficace au-delà des rigidités de l'administration

Machreq et Nord Est de la Méditerranée


Egypte, la promotion de l'agriculture et les avancées difficiles de la décentralisation
Syrie, des territoires ruraux façonnés par les projets de développement
Liban, la territorialisation aux prises avec l'histoire politique
Turquie, la priorité de la structuration des activités agricoles
Albanie, ruralité et espaces en mutation rapide

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I. ETAT DES LIEUX. POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT
RURAL ET APPROCHES TERRITORIALES DANS LES PAYS
DE LA MEDITERRANEE

La région Méditerranée
Unité, diversité et asymétries

A l'échelle du globe, la Méditerranée constitue indéniablement une écorégion bien identifiable. Cette
unité se retrouve autour d'une mer commune et autour de caractéristiques méditerranéennes qui
confèrent des traits communs à son climat, sa végétation, son agriculture, son littoral, ses montagnes
mais aussi à des héritages humains et culturels qui se sont très fortement entrecroisés et mutuellement
influencés qu cours de l'histoire. Les interdépendances économiques et démographiques qui se sont
tissées et renforcées, bien que de façon inégale, au cours du XX° siècle, ont peu à peu propulsé l'idée
d'une grande région partageant des intérêts communs. Cette idée, encore peu structurée mais
assurément porteuse, a pris des formes premières autour d'initiatives qui lui ont donné une certaine
existence et même quelques formes d'identification, d'organisation et d'expression. Ainsi en a-t-il été
du Plan Méditerranéen de la FAO dans les années soixante, de la création du CIHEAM, du Plan
d'Action pour la Méditerranée, dont le Plan Bleu est une composante, de la Conférence de Barcelone
qui a rassemblé les parlements de la Méditerranée, du Partenariat Euro Méditerranéen pour un espace
économique commun entre l'UE et les autres pays de la Méditerranée, plus récemment, de la
Commission Méditerranéenne de Développement Durable, créée à l'initiative de l'UNEP, et de
plusieurs autres initiatives dans le domaine maritime, ceux des transports, du tourisme et d'autres.

Pour autant, cette macro unité de la Méditerranée semble se disloquer lorsque l'on change l'échelle du
regard. La première grande opposition est celle qui différencie la rive nord dont les arrières pays et les
voisinages sont constitués par des pays tempérés de vieille civilisation agricole et sédentaire, et, d'autre
part, les pays de la rive sud dont les agricultures s'adossent à des régions arides et steppiques qui se
prolongent dans des déserts. Cette opposition a marqué l'histoire, donnant au sud une place
sociologique et politique particulièrement importante au pastoralisme et au nord une prééminence aux
structures socio politiques héritées de l'agriculture sédentaire. Elle est aujourd'hui renforcée par des
différenciations fortes sur le plan économique, sociétal, sur celui des dynamiques démographiques et
sur celui des structures politiques.

Un autre regard nous montre cependant que cette grande opposition de diversifie encore plus si l'on
prend en compte d'autres différenciations régionales. La rive nord occidentale est fortement
développée et elle s'articule à de grands pays appartenant à l'Union Européenne. La rive nord orientale,
jusqu'à la Turquie qui devrait y être comprise, rassemble des pays plus pauvres, largement
montagneux et encore insuffisamment développés. Seules la Grèce et Chypre, qui ont rejoint l'UE,
sont entrés dans des dynamiques fortes. La rive sud comprend des pays qui furent plus ou moins
intensément dominés par la colonisation européenne. Ces pays ne sont devenus indépendants qu'au
milieu du siècle dernier, leur retard de développement économique est encore marqué et leurs
structures politiques, longtemps rigides et autoritaires, ne s'ouvrent que très lentement, et pour certains
seulement, à la démocratisation. Hormis le Liban et Israël, ces pays sont majoritairement musulmans
et appartiennent tous à la Ligue arabe. La rive sud occidentale, qui comprend les trois pays, à héritage
francophone, du Maghreb, constitue (avec leur élargissement à la Libye), une indéniable sous région
dans laquelle l'arabisation s'est historiquement greffée sur un socle de populations nord africaines dont
le patrimoine culturel a toujours présenté un particularisme très fort. La rive sud orientale, le Machreq,
est plus hétérogène, avec les extrêmes du Liban et de l'Egypte. Mais, du fait des conflits et des
convergences communes dues à l'histoire politique du XX° siècle, cet ensemble sous régional présente

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des caractères d'unité particulièrement forts. Ses liens sont également forts avec les pays arabes du
Golfe et l'Arabie Saoudite.

Sur le plan de sa géographie physique, F. Braudel rappelle que la Méditerranée est au moins double.
Elle est composée tout d'abord d'une série de péninsules compactes, montagneuses, coupées de plaines
essentielles; Italie, Péninsule des Balkans, Asie Mineure, Afrique du Nord, Péninsule Ibérique. En
second lieu, la mer insinue, entre ces continents miniatures, ses espaces compliqués, morcelés, car la
Méditerranée, plus qu'une masse maritime unique, est un complexe de mers. Mais cette distinction ne
saurait suffire: "d'une part, vers le sud, la Méditerranée est mal séparée de l'immense désert qui court
sans interruption du Sahara Atlantique au Désert de Gobi. Du sud de la Tunisie à la Syrie, ce désert
débouche même sur la mer, directement. Plus qu'un voisin, il est un hôte, parfois encombrant, exigeant
toujours. Le désert est ainsi l'un des visages de la Méditerranée. D'autre part, vers le nord, l'Europe fait
suite aux pays méditerranéens, elle en reçoit des chocs multiples, les chocs en retour étant également
nombreux et parfois décisifs. L'Europe nordique, au delà des oliviers, est une des réalités constantes de
l'histoire de la Méditerranée".

En l’espace d’un demi-siècle, la population méditerranéenne va presque doubler, passant de 285


millions d’habitants en 1970 à 544 millions à l’horizon 2030. Mais cette croissance démographique est
cependant contrastée car si le Nord de la Méditerranée voit sa population se stabiliser depuis plusieurs
décennies, à l’inverse, la rive Sud connaît une explosion démographique impressionnante (331
millions d’habitants prévus pour 2020 contre 116 millions en 1970, soit un triplement en cinquante
ans). Certains pays ont entamé leur transition démographique, notamment ceux du Maghreb où la
croissance de la population se fait désormais dans les villes, mais d’autres Etats au Sud poursuivent
une dynamique démographique globale avec encore un accroissement numérique de la population en
milieu rural, comme en Egypte. En 2005, un tiers de la population des pays de la Méditerranée réside
encore en milieu rural. Un tiers des actifs dans les pays de la rive Sud dépendent du secteur agricole
tandis qu’au Nord, la population rurale et le nombre d’actifs agricoles ont considérablement diminué.
Les relations commerciale soulignent également l'asymétrie entre le Nord et le Sud: l’Union
européenne (UE25) commerce avec les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée pour uniquement
2% de ses importations et exportations agricoles. En revanche, elle contribue à 52% de leurs
exportations agricoles et elle couvre 28% de leurs importations.

Le développement rural en Méditerranée4

Si au Nord comme au Sud et à l’Est de la Méditerranée, les politiques rurales affichent des similitudes,
notamment depuis les années 1990, leurs formulations ne recouvrent pas les mêmes contenus ni la
même signification. Au Nord l’exode rural semble être stoppé alors qu’au Sud il se poursuit mais sans
que cela ne se traduise par une diminution de la population rurale - qui resterait stable ou en
augmentation dans la plupart des projections. Les fonctions assignées à l’espace rural ne sont pas les
mêmes. Au Nord, la production agricole reste très importante dans les zones de plus grand potentiel
tandis qu'elle opte pour des spécialisations de terroirs dans les zones moins favorisées. L'économie
rurale tend à se diversifier, notamment en exploitant les fonctions d’accueil et résidentielles ainsi que
le tourisme rural. Les priorités des politiques d’aménagement territorial sont données à l’occupation
stratégique de l’espace, à la cohésion, à l‘équité territoriale et à la promotion de l'attractivité des
territoires. Au Sud, l’espace rural a des fonctions de production de biens agro alimentaires, d’emploi et
de revenus. Les politiques de l'aménagement de l'espace y sont surtout tournées vers la correction des
disparités territoriales qui résultent principalement de la concentration des activités dans les zones
utiles, de la littoralisation et des déséquilibres de la répartition de la pauvreté. La priorité est donnée au
renforcement des aménagements agricoles et des infrastructures sociales en milieu rural.

4
Ce résumé est emprunté, avec quelques modifications de rédaction, au document 20, (Bessaoud)

10
En matière de gestion durable des ressources naturelles, les mesures agri environnementales mises en
œuvre au Nord se proposent plus particulièrement de développer de bonnes pratiques pour corriger les
externalités négatives liées au modèle prédominant de production intensive. Au Sud il s’agit avant tout
de bloquer les processus de dégradation irréversible des ressources et de mieux valoriser le capital
hydrique tout en poursuivant le développement de la production agricole. La recherche d’attractivité et
de compétitivité des territoires au Nord oriente les politiques vers la diversification des activités dans
le cadre d’une logique de développement intégré multisectoriel. Au Sud et à l'Est le développement
rural ne se dégage pas encore de l'approche sectorielle des politiques agricoles. Tous les pays du Sud
se sont donnés une priorité de lutte contre la pauvreté.

Dans le domaine de la gouvernance rurale, le processus de régionalisation et de décentralisation est


relativement avancé au Nord et permet graduellement d’impliquer des acteurs locaux publics, privés et
associatifs, notamment dans l'esprit de l’approche LEADER. Au Sud, les politiques d’ajustement
structurel ont permis d'amorcer un processus de désengagement de l’Etat mais dont les effets sont
insuffisants tant que la participation de la société civile reste faible et, en particulier, tant que celle-ci
ne s’est pas affranchie des contraintes des liens traditionnels d’appartenance ethnique, régionale,
familiale ou clientéliste. La construction d'une capacité de gouvernance locale et l’apprentissage
collectif de la démocratie constituent les enjeux politiques majeurs des sociétés rurales du Sud et de
l’Est de la Méditerranée.

Les pays méditerranéens de l'Union Européenne


Le cadre commun de la politique de développement rural de l'Union
Européenne

L'Union Européenne a mis en œuvre, en parallèle à la Politique agricole commune en faveur des
marchés (PAC), une politique d'aide au développement des territoires ruraux. Le développement rural
peut être défini comme "une approche globale et coordonnée des territoires ruraux dans leurs diverses
composantes : sociale, économique, environnementale" (cf doc 8 & 14). Il a pour objet de "mieux tirer
parti des complémentarités entre villes et campagnes et de valoriser les ressources spécifiques des
territoires ruraux". La politique européenne de développement rural vise en définitive à accompagner
les mutations de l'espace rural, qui représente 92 % du territoire européen. La politique européenne de
développement rural a été imaginée pour la première fois en 1992 lors de la réforme dite de "l'Europe
verte", mais ce n'est qu'à partir de 2000 qu'une véritable programmation en faveur du développement
rural a été mise en place.

La nouvelle politique agricole se fonde sur quatre principes de base. Tout d'abord, la reconnaissance
de la multifonctionnalité de l’agriculture, c’est-à-dire de son rôle diversifié au-delà de la production de
denrées. Ce principe implique la reconnaissance et l’encouragement de l’éventail des services fournis
par les agriculteurs. En second lieu, une approche multisectorielle et intégrée de l’économie rurale afin
de diversifier les activités, créer de nouvelles sources de revenus et d’emploi et protéger l’héritage
rural. En troisième lieu, la mise en œuvre d'une plus grande flexibilité des aides au développement
rural, notamment en respectant la subsidiarité et en favorisant la décentralisation, la consultation au
niveau régional et local et le partenariat. Le dernier principe recommande la transparence dans
l’élaboration et de la gestion des programmes, notamment en refondant les procédures à partir d’une
législation simplifiée et plus accessible. La réglementation définit les types de projets éligibles selon
trois volets, aide en faveur de stratégies intégrées expérimentales de développement territorial, soutien
de la coopération entre collectivités territoriales rurales, mise en réseaux

La programmation 2007-2013 de développement rural est financée par un nouvel outil de financement,
le FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural). En terme d'objectifs, elle a
pour ambition d'accroître la compétitivité de l'agriculture, de mieux prendre en compte la dimension
environnementale et enfin d'améliorer la qualité de vie et promouvoir la diversification des activités.

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Le principal instrument de mobilisation des financements est le Programme LEADER +, qui fait suite
aux programmes LEADER I et II. Ce programme finance des projets initiés par des Groupes d'Action
Locale organisés dans un cadre territorial défini selon des critères de ruralité des territoires concernés
(communautés locales de petite échelle et ne dépassant pas 100 000 habitants), d'homogénéité
physique, économique et sociale du territoire, de justification du caractère intégré et innovant des
plans de développement. Les GAL peuvent comprendre des collectivités territoriales mais ils doivent
être composés au minimum de 50 % de partenaires privés (partenaires économiques et sociaux,
associations), porteurs d'un projet de territoire articulé autour d'une stratégie de développement
territorial et responsables de sa mise en œuvre

Du fait de ce cadre politique, les pays méditerranéens de l'UE (Espagne, Portugal, France, Italie,
Grèce, Chypre et Malte) se trouvent placés dans une double problématique, celle commune à
l'ensemble de l'Europe et celle des politiques et stratégies proprement méditerranéennes. Cette
situation avantage sans nul doute ces sept pays mais, en même temps, elle n'est pas sans effets sur le
creusement d'une différence avec les autres pays de l'aire régionale. La politique de voisinage a été
conçue pour atténuer les écarts qui en résultent. Mais il est aussi certain que cette asymétrie rend plus
difficile l'élaboration d'une vision commune et de programmes d'action efficaces. Les stratégies
communes, comme, par exemple, le Plan d'Action pour la Méditerranée ou la Stratégie
Méditerranéenne de Développement Durable, ne peuvent, en conséquence, s'accorder que sur des
mesures très globales et dont les conditions de mise en œuvre sont nécessairement déséquilibrées.

Le programme MEDA II (2000-2006) est le principal instrument de coopération économique et


financière du partenariat de l'Union Européenne et des autres pays de la Méditerranée. Ses partenaires
méditerranéens comprennent les pays suivants: Algérie, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban,
Malte, Maroc, Syrie, Territoires palestiniens, Tunisie, Turquie. Dans le cadre de ce programme de
partenariat, la Conférence des Ministres de l’Agriculture des pays méditerranéens membres du
CIHEAM a, en septembre 2002, invité le Centre International des Hautes Etudes Méditerranéennes
(CIHEAM) à entreprendre des démarches pour élaborer le contenu d’un programme LEADER
Méditerranée (cf doc 101). Ce programme opérerait dans le cadre du volet de coopération
transnationale du programme LEADER +. Des zones éventuellement éligibles ont été identifiées en
Algérie, en Egypte, au Liban, au Maroc et en Tunisie. La Turquie est associée au programme PHARE
de l'UE, ce qui lui donne une place différente, mais encore soumise à des négociations, dans sa
coopération avec l'UE.

Espagne, la primauté des initiatives régionales et locales5

L’Espagne compte 17 Communautés autonomes (ou "régions autonomes") et 50 provinces. On


dénombre plus de 8000 communes. En matière de collectivités locales, on distingue celles dont
l’existence résulte d’un impératif constitutionnel, les provinces et les ayuntamientos ou communes (et
"l’île" pour les archipels des Baléares et Canaries) et celles, facultatives, dont la création est laissée à
l’initiative des Communautés autonomes. Ces dernières comprennent des "comarcas", des zones
métropolitaines et des associations de communes (asociaciones et mancomunidades de municípios).
La distinction opérée entre entités locales obligatoires et facultatives a son importance puisque ce sont
les lois des communautés autonomes qui, dans chaque cas, définissent les statuts et compétences des
entités qu’elles créent. Ces statuts et compétences peuvent donc être très hétérogènes. La plupart des
communes espagnoles n'ont pas la capacité, en raison de leur petite taille, de fournir les services
minimum imposés par la loi (plus de 60% des communes ont moins de 1000 habitants). Il résulte de
cette limitation un transfert des niveaux d'action, dont l'organisation des services publics, aux
provinces, ou quand ils existent, aux syndicats de communes et aux comarcas. En termes

5
Maria Luisa Gomez Moreno, professeur auprès de l'Université de Malaga a bien voulu relire cette section sur
l'Espagne. L'auteur la remercie pour ses remarques et d'autres sur le corps du texte dont il a tenu compte.

12
d’organisation politico-administrative, l’Espagne est passée très rapidement d’un Etat fortement
centralisé avant 1978, à un Etat fortement décentralisé à partir des années 80.

Pour définir ses zones rurales l’Espagne utilise peu les critères de densité démographique fixés par
l’OCDE ou par Eurostat. Selon le Ministère de l’agriculture, la population rurale est entendue comme
celle des résidents des communes de moins de 10.000 personnes. Avec 9,8 millions de personnes, elle
représente 23% de la population totale mais occupe 80% du territoire (487 000 km²). Dans 16 des 51
provinces espagnoles, la population rurale est majoritaire (dans 9 d’entre elles, elle dépasse 60% de la
population totale). Ainsi définies, les zones rurales concentrent 62% de l’activité agricole, 24% des
industries, 31% du secteur du bâtiment et 18% des services. La SAU totalise 24,8 millions ha et est
exploitée par 1,7 million exploitations. La valeur ajoutée de l'agriculture ne représente que 6% de la
valeur ajoutée totale.

L’Espagne affiche clairement la nécessité de raisonner la ruralité dans son ensemble et pas seulement
dans sa composante agricole. Ce discours est partagé à la fois au niveau central, au travers notamment
de la loi interministérielle sur le développement rural, et dans les Communautés Autonomes (en
particulier en Catalogne). La loi se propose surtout de fixer un cadre d'intervention pour les
Communautés Autonomes et d'inscrire au niveau législatif un principe de transversalité. D'une façon
générale cependant, les intentions politiques en matière de développement rural ne se sont pas
traduites par des programmes conséquents d'action spécifique à l'échelle nationale ou régionale. Le
développement rural en Espagne reste de ce fait dominé par les programmes cofinancées par les fonds
européens.

Le Ministère de l’Agriculture, de la pêche et de l’alimentation (MAPA) assure la coordination des


politiques. Il est l’interlocuteur désigné pour traiter, au niveau gouvernemental, des questions relevant
du développement rural, le cas échéant en coordination avec les autres ministères concernés. Ce sont
par contre les 17 Communautés autonomes qui, au regard du droit constitutionnel national, disposent
de la pleine compétence pour élaborer et mettre en œuvre les stratégies et politiques de développement
rural. Les autres collectivités (provinces et municipalités), conduisent, dans ce cadre, leur propre
stratégie de développement rural, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du règlement
communautaire de développement rural. Les programmes communautaires spécifiques tels que
LEADER ou PRODER sont mis directement en œuvre par ces structures régionales. Des
établissements publics ont pu être constitués à cette fin, par exemple sous forme d’agences (comme,
par exemple, l'Agence galicienne pour le développement rural). Les programmes de développement
rural, et en particulier les programmes des GAL, tendent à s'inscrire dans le cadre territorial des
"comarcas". Celles-ci représentent un niveau d'organisation entre les communes et les provinces de
plus en plus généralisé mais qui ne possède pas, sauf en Catalogne, de compétences décisionnelles.

Une des plus grandes originalités de l’Espagne, et sans doute une des causes des succès des politiques
engagées dans le cadre des programmes communautaires, est le recours systématique à des groupes ad
hoc pour l’élaboration, la mise en œuvre et la gestion des actions prévues par ces programmes. On
observe en effet que, depuis 1995, plus de 300 groupes de développement rural ou groupes d’action
locale ont été constitués sous forme d’associations sans but lucratif. Ces structures sont regroupées au
sein de "réseaux régionaux de développement rural", eux-mêmes représentés par le "Réseau espagnol
de développement rural". Ce réseau national est le correspondant institutionnel des pouvoirs publics en
matière d'accords concernant le développement rural. Les structures qui interviennent dans le monde
rural, les organisations professionnelles agricoles, les syndicats d’exploitants, la Confédération des
coopératives agricoles ou encore les organisations écologistes sont, par ailleurs, associées à
l'élaboration des politiques concernant le monde rural

Les programmes de développement agricole et rural ont été surtout centrés sur la production agricole.
Leurs crédits ont, en seconde place, été affectés au programme LEADER qui constitue l'essentiel des
activités de développement rural des Communautés autonomes (chaque Communauté autonome ayant
son propre programme LEADER). Les mesures prévues dans le règlement communautaire de
développement rural et relatives à l’installation des jeunes agriculteurs et aux investissements dans les

13
exploitations, ainsi que les mesures relatives à la gestion des ressources hydriques (irrigation) ont fait
l’objet d’un programme national pour l’ensemble des Communautés autonomes. Les aides à la
cessation anticipée d’activité et à la transmission d’exploitations ainsi que les mesures agro-
environnementales en faveur des zones défavorisées et de reboisement des zones agricoles, ont
également été inscrites dans ce programme mais avec des priorités inégales. La répartition des
financements montre cependant que la préoccupation environnementale a été peu prioritaire. Les
réalisations mettent en évidence le partenariat très fort entre l'Etat et les Régions, soulignant ainsi la
dynamique du processus de décentralisation. Paradoxalement cette réussite de la décentralisation met
aussi en évidence la nécessité de programmes nationaux et transversaux pour mieux gérer certains
domaines d'intervention qui apparaissent trop fragmentés ou trop spécifiquement ciblés par les
politiques des Communautés autonomes. Cette remarque concerne par exemple les actions dans le
domaine environnemental ou celles relatives aux rééquilibrages des zones défavorisées dans l'espace
national (les régions ayant en effet tendance à donner la priorité aux zones agricoles les plus porteuses
et aux zones touristiques).

Les territoires de projets auxquels s'appliquent les programmes de développement agricole et rural,
sont essentiellement les territoires de mise en œuvre des programmes LEADER et PRODER. Ces
territoires tendent à coïncider avec des comarcas. L’expérience LEADER, très valorisée au niveau
national, fait quelquefois l’objet d’appréciations plus nuancées, notamment en Catalogne qui
souhaiterait, pour la programmation future, avoir des projets moins "locaux", sur des territoires plus
larges et plus en phase avec la stratégie régionale du gouvernement catalan6. Un exemple, celui, ci-
dessous, de la comarca de Guadix, montre que, du fait de la très large participation des acteurs locaux,
les groupements d'action locale ont effectivement vocation à représenter toutes les forces politiques,
sociales et économiques du territoire correspondant à la comarca. Les GAL tendent ainsi à
correspondre à de véritables conseils de développement du territoire. On leur reproche cependant leur
fréquente bureaucratisation administrative et leur excessive politisation, la sélection des projets à
financer étant considérée comme trop influencée par le pouvoir des municipalités. Lues dans un autre
sens, ces critiques sembleraient montrer que les GAL se transforment, de fait, en pseudo
gouvernements locaux. L'absence de statut politique territorial joue cependant un rôle de contrepoids,
le GAL incluant, de fait, des partenaires autres que les élus des municipalités et pouvant évoluer, sans
la contrainte d'un statut territorial politique, vers des formes de partenariat progressivement plus
ouvertes.

La "Comarca Guadix-Marquesado" est située dans la province de Grenade en Andalousie. Son


territoire, de 2 130 km² comprend 33 communes avec une population de 55 000 habitants. Le
Groupe de Développement Rural a été créé en 1999 avec un statut de Société à Responsabilité
Limitée. Il compte 191 associés dont 33 municipalités, 25 associations sociales, 126 entités du
secteur des entreprises, (parmi lesquelles l’Association Professionnelle des Entrepreneurs et des
entreprises touristiques, les plus nombreuses), 8 institutions (2 banques, une fondation publique,
un Conseil Régulateur d’Appellation d’Origine, la Chambre de Commerce de la Province de
Grenade, l'Épiscopat, la Fédération Andalouse de Coopératives de Travail Associé, et la
Fédération Andalouse d’Entreprises Coopératives Agricoles,). Les associations représentent une
grande diversité de groupements d'intérêt (agents sociaux, associations de femmes et de jeunes,
associations sportives et culturelles, associations professionnelles agricoles (Association
Andalouse des Jeunes Agriculteurs, Union des Petits Agriculteurs) et deux syndicats (Union
Générale de Travailleurs, et Commissions Ouvrières).

Le concept de planification du territoire émerge lentement en Espagne. Il s’est tout d’abord distingué
d’une vision essentiellement urbanistique, puis plus récemment d’une vision physique et spatialisée
d’aménagement du territoire. Les prémices légales de l’aménagement du territoire peuvent se trouver
dans la loi du régime du sol et de l’aménagement urbain qui instaure un système de planification
urbanistique hiérarchisé (plans nationaux, plans provinciaux, plans "comarcales", plans municipaux)

6
La priorité politique des décisions locales biaise dans une certaine mesure le choix des investissements. Dans
la région de Malaga, par exemple, les investissements se concentrent sur les infrastructures, l'eau potable et
l'assainissement, au détriment des investissements dans l'environnement et dans des activités de "durabilité".

14
dans lequel, même si l’urbanisme est l’objectif fondamental, on trouve des préoccupations
d’aménagement du territoire. Le concept d’aménagement du territoire est apparu pour la première fois
de façon claire dans un texte légal lors de la promulgation de la loi de réforme du régime des sols et de
l’aménagement urbain de 1975. La Constitution a, depuis, précisé que les Communautés autonomes
assument des compétences en "Ordenación del territorio, Urbanismo y Vivienda". C’est cependant
sous l’impulsion de l’Union Européenne, et notamment avec le Schéma de Développement de
l’Espace Communautaire (SDEC, 1999), qu’apparaît et se diffuse petit à petit la notion de
planification territoriale.

France, une réponse plurielle aux défis de la décentralisation du


développement

L’organisation territoriale politico-administrative de la France se présente comme un tableau


complexe, où se juxtaposent niveaux territoriaux "traditionnels" et "territoires de projets", avec la
particularité d’une double présence institutionnelle dans les territoires infra-nationaux : les
collectivités territoriales (régions, départements et communes) et les échelons déconcentrés de
l’administration de l’Etat (préfectures de Régions et de départements, mais aussi les directions
régionales et départementales sectorielles). La France compte 26 Régions (dont 4 d’outre-mer) 100
départements, dont 4 d’outre-mer. Les communes sont au nombre de 36 763, dont 34 000 avec moins
de 2000 habitants

L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) définit l’espace à dominante
rurale comme le regroupement de l’ensemble des petites unités urbaines et des communes rurales
(celles-ci correspondant aux communes ayant moins de 2 000 habitants) n’appartenant pas à l’espace à
dominante urbaine. Le périurbain est rattaché par l’INSEE à l’espace à dominante urbaine. Sous la
dénomination d’espace rural sont retenus dans le Plan Stratégique National, d’une part, l’espace à
dominante rurale (soit 58,8% du territoire) et, d’autre part, le périurbain (soit 33,1% du territoire). Le
périurbain comprend en effet des paysages de campagne et l’agriculture et la forêt y occupent une
place importante (53,2% de la superficie sont en surface agricole). Plus de 35% des exploitations
agricoles se situent en milieu périurbain. Les zones rurales françaises, lato sensu, représentent une
population de 22.8 millions de personnes, soit 39 % de la population française

Cette définition du "rural" a conduit l'INSEE a proposer une typologie des zones rurales qui prend en
compte à la fois les traits conventionnels de la ruralité (les "campagnes") mais aussi ceux dérivant de
l'urbanisation et de la multifonctionnalité des zones rurales. On distingue ainsi trois grandes catégories
de situations avec des sous types selon les activités:

 Les campagnes fragiles qui cumulent une faible densité démographique, une spécialisation
économique en déclin (agricole ou industrielle), une baisse démographique et des populations aux
revenus modestes. Elles comprennent des zones caractérisées par (i) un rural peu dense, vieilli et à
dominante agricole, (ii) un rural ouvrier au tissu industriel en déclin, (iii) un rural à attractivité


entrepreneuriale et touristique
Les nouvelles campagnes qui se caractérisent par des implantations résidentielles, touristiques et
entrepreneuriales. Elles présentent le plus fort solde migratoire du territoire rural et disposent
d’une dynamique de l’emploi très positive. Elles comprennent (i) un rural touristique, (ii) des


espaces ruraux en transition, (iii) les petites villes
Les campagnes des villes qui concernent le "périurbain", situé sur le pourtour des villes grandes ou
moyennes. Celui-ci est marqué par une occupation résidentielle importante et pour partie
caractérisé par un dynamisme démographique, une forte densité de population et une forte
mobilité des populations. On y distingue (i) un rural périurbain et résidentiel et (ii) un rural dense,
résidentiel et productif

15
La stratégie de développement rural est définie dans le cadre d'un Plan Stratégique National établi par
le Comité Interministériel à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires. Elle est mise en
œuvre au travers de plusieurs programmes de développement rural, le premier pour la métropole hors
Corse, le second pour la Corse, le troisième pour les départements d'outre mer. Le premier programme
est placé sous l’autorité de gestion du Ministre de l’agriculture. Il comporte un volet déconcentré au
niveau régional qui permet de prendre en compte les priorités régionales, au moyen d’enveloppes
mises à la disposition du préfet de régions, et mobilisées sur la base d'une concertation avec les
collectivités territoriales. Ce programme doit, notamment permettre de mutualiser les enveloppes et
faciliter le respect des différentes exigences communautaires. Les priorités sont notamment données
aux politiques de compensation des handicaps naturels, d’installation des jeunes agriculteurs,
d'amélioration de la gestion des forêts. Le programme de développement rural pour la Corse est placé
sous l’autorité de gestion du Président de la collectivité territoriale, compte tenu du statut spécifique de
cette région.

Le programme de l'UE 2000-2006 pour le développement agricole et rural est intégré à cette stratégie
nationale. Les deux principales mesures en termes de financement (agri-environment et
compensations) représentent 58% de l'aide communautaire. Le volet d'aide à la production s'est
proposé de soutenir cinq priorités d'action: (i) réorientation des exploitations pour une agriculture
multifonctionnelle et durable, (ii) exploitation des ressources forestières, (iii) valorisation et
amélioration qualitative des produits agricoles et forestiers, (iv) harmonisation de l'occupation des sols
et réduction des inégalités économiques par une amélioration de l'emploi, (v) protection et
capitalisation du patrimoine écologique.

Le volet développement rural de l'UE, mis en oeuvre dans le cadre du programme LEADER, a
concerné 140 GAL sélectionnés selon les critères de l'UE. Les stratégies des GAL devaient, pour être
éligibles, mettre l'accent sur l'une des thématiques suivantes: (i) mise en oeuvre de nouvelles
connaissances et technologies pour améliorer la compétitivité des produits et des services locaux, (ii)
amélioration de la qualité de vie en milieu rural, (iii) meilleure exploitation des produits locaux, (iv)
actions collectives pour améliorer l'accès au marché des petites exploitations, (v) optimisation des
ressources naturelles et culturelles, en particulier dans les zones d'intérêt communautaire telles
qu'identifiées par Natura 2000.

L'évaluation de la mise en œuvre du programme LEADER a constaté qu'il fallait donner plus
d'importance, dans les prochaines programmations, aux aspects suivants: (i) mise en œuvre d'un
programme de capitalisation et de diffusion des expériences LEADER pour des échanges entre les
différents acteurs (ii) meilleure prise en compte de certains groupes cibles, en particulier les femmes
et les jeunes, (iii) meilleure articulation de LEADER avec les stratégies des "territoires de projets"
entrepris dans le cadre des "pays", des parcs naturels régionaux, etc., (iv) renforcement de la
coopération entre les acteurs et clarification des rôles pour l'animation en réseau , (v) organisation
d'un suivi au niveau régional pour le renforcement des liens avec les autres politiques contractuelles et
européennes.

La mise en œuvre de la stratégie et des programmes de développement agricole et rural est, en France,
étroitement liée aux politiques territoriales. Celles-ci concernent soit des territoire "institutionnels
(cadre des régions et de l'intercommunalité), soit des "territoires de projet" ("pays", parcs régionaux,
groupements LEADER d'action locale, etc.)

LES REGIONS. Les régions françaises ne possèdent pas encore le poids de leurs concurrentes
européennes et n’exercent pas, de fait, une mission de cohérence territoriale. Elles sont pénalisées par
leur taille, puisque les deuxième et troisième régions françaises n’arrivent qu’en 42ème et 43ème
position du classement européen. La structuration de territoires infra régionaux a été la réponse
apportée pour compenser cette faiblesse. Les programmes cadre du développement régional sont
négociés dans le cadre des Contrats de Plan Etat-Région.

16
L'INTERCOMMUNALITE Le nombre considérable de communes, au statut juridique uniforme
malgré la très grande inégalité de taille et de ressources, a rendu nécessaire la coopération
intercommunale. Il y a deux types de coopération intercommunale. La première s’exerce sous la forme
d'un syndicat intercommunal, à vocation unique ou à vocations multiples Elle concerne, par exemple,
la mise en commun de services comme le ramassage scolaire, le traitement des déchets,
l’assainissement. La seconde correspond aux "coopérations intégrées". Celles-ci se différencient selon
les types de territoires. Dans les zones rurales, cette coopération prend la forme d'une communauté de
communes. Les zones urbaines ont plusieurs possibilités, en fonction de leur taille et des degrés de
coopération souhaités (communautés de villes, communautés d’agglomérations, communautés
urbaines).

LES PAYS. La possibilité légale de créer des "pays" a donné une base concrète à la notion de
"territoire de projet", ces nouvelles structures se juxtaposant aux échelons politico-administratifs
traditionnels. Dans son principe, le pays se constitue lorsqu’un territoire présente une cohésion
géographique, culturelle, économique ou sociale, et que sa reconnaissance est demandée à l’initiative
des communes ou des groupements de communes qui le composent (il semble bien cependant que,
dans la pratique, la formation des "pays" a du beaucoup plus à des processus descendants qu'à des
processus ascendants, venant effectivement de la base). Pour être éligible à des contrats de territoire, le
pays doit, en première démarche, se doter d’une charte exprimant le projet commun de développement
durable du territoire. La politique du "pays" est orientée par un conseil de développement composé des
représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs. Au 1er janvier 2006, on
comptait 352 "pays" dont 321 "pays" reconnus et 31 "pays" en projet. Ils concernent 44% de la
population en métropole, 74% des communes de métropole et 76% de la superficie du territoire
métropolitain7.

LES PARCS NATURELS REGIONAUX. Un Parc naturel régional est un territoire rural habité qui
est reconnu au niveau national pour sa forte valeur patrimoniale. Cette entité s'organise autour d’un
projet concerté de développement durable. Elle a pour vocation de protéger et valoriser le patrimoine
naturel, culturel et humain de son territoire en mettant en œuvre une politique innovante
d’aménagement et de développement économique, social et culturel respectueuse de l’environnement.
Les Parcs naturels régionaux en France sont actuellement au nombre de 45. Ils couvrent 7 millions
d’hectares, soit 13 % du territoire national. Ils concernent 23 régions, 68 départements et 3706
communes. Précédant les "pays" de deux décennies, les parcs régionaux ont constitué une forme
pionnière de l'approche par "projet de territoire". Ils sont en général beaucoup plus étendus que les
"pays" qui, déterminés selon des critères différents, les chevauchent sans qu'il y ait eu une priorité de
recherche de la cohérence territoriale.

La France est ainsi caractérisée par un enchevêtrement complexe d’échelons infra-nationaux. Le


Ministère de l'intérieur privilégie l'intercommunalité, idéalement en regroupant deux ou trois cantons.
L'Aménagement du territoire encourage l'émergence des " pays ". D'autres politiques favorisent la
territorialisation dans le cadre de parcs régionaux ou encore dans celui des groupes d'action locale
LEADER.. Les Régions ont adopté des stratégies différentes, donnant, dans certains cas, la priorité au
maillage en "pays", dans d'autres, recherchant une combinaison de l'intercommunalité et des pays,
dans d'autres, encore, prenant en compte, en même temps, plusieurs approches territoriales selon les
zones de l'espace régional. La complexité qui résulte de ces diverses approches tend à rendre difficile
la lisibilité de l’organisation politico-territoriale. Celle-ci est en effet confrontée à des problèmes
multiples de mise en cohérence, d'arbitrage des conflits de compétence territoriale, de priorités
d'identification des acteurs aux différentes structures territoriales. Aux problèmes posés par la pluralité
de cette décentralisation, s'ajoutent les inerties héritées de la culture centralisatrice de l'Etat. La
territorialisation des politiques publiques semble être encore largement un système dont l’unité est
pensée par le centre.

7
"Les pays, espaces de projets, constituent maintenant le maillon stratégique entre le niveau local, incarné par
l’intercommunalité et l’échelon régional, et permettent aux acteurs locaux de penser leur stratégie de
développement à une échelle pertinente". Jean-Yves Ollivier IGGREF CGAAER Avril 2007

17
L'évolution récente des politiques laisse cependant planer quelques questionnements sur la mise en
cohérence des approches du développement rural territorialisé8. Le lancement fin 2005 de l’appel à
projets sur les "pôles d’excellence rurale" a en effet constitué une approche nouvelle pour le
financement des projets par l’Etat. Ce nouveau dispositif de financements est destiné aux territoires de
projets (intercommunalités, pays, parcs naturels régionaux, etc..) et a pour objectif de promouvoir des
initiatives motrices, innovantes, inscrites dans des espaces vivants et s’appuyant sur des partenariats
publics-privés forts. Quatre thématiques prioritaires ont été définies : (i) les technologies et
l’innovation au service des entreprises artisanales et industrielles des territoires ruraux, (ii) les services
et l’accueil des nouvelles populations, (iii) la valorisation des bio-ressources, (iv) la valorisation des
patrimoines naturels et culturels et l’organisation du tourisme. Début 2007, 379 pôles d’excellence
rurale avaient été reconnus au niveau national. Ils bénéficieront du soutien financier de l’Etat pendant
les trois ans de leur mise en œuvre.

Les premières évaluations que l'on peut faire de cette nouvelle approche montrent que les pôles
d’excellence rurale ne constituent qu'un dispositif ponctuel d’allocation de moyens financiers de
l’Etat. L'expérience semble montrer, par contraste, que le cœur du dispositif de soutien au
développement du monde rural doit continuer à reposer sur des politiques contractuelles associées à
des politiques territoriales cohérentes et orientées vers le long terme et la durabilité. Les pôles
d'excellence ne peuvent donc que s'ajouter aux politiques territoriales déjà mises en œuvre et ils ne
peuvent s'y substituer, en dépit des priorités financières dont ils bénéficient. Une accélération de ce
nouveau processus sans prise en compte suffisante des autres processus en cours pourrait remettre en
cause les politiques territoriales que l'on s'efforce de mettre en œuvre depuis près de deux décennies.

Italie, une approche pragmatique à partir des territoires de production

Le territoire de l’Italie se répartit en 15 régions ordinaires et 5 régions à statut spécial, trois pour les
minorités linguistiques (Frioul, Val d’Aoste, Haut Adige) et deux pour les grandes îles (Sicile et
Sardaigne). L’échelon provincial comprend 101 provinces à statut ordinaire, auxquelles s’ajoutent
deux provinces à statut spécial. Les 8104 communes italiennes constituent les unités administratives
infra-nationales de base. Elles sont dirigées par un sindaco (maire) assisté d'un conseil délibératif. Un
certain nombre d’entités ont en outre été créées pour des besoins spécifiques, comme par exemple, les
entités constituées par les communautés de montagne (comunita montane). Les communes sont
compétentes pour élaborer et approuver les actes de planification territoriale qui régulent l’usage du
territoire et de ses ressources. L'agrégation des actes de planification territoriale communaux constitue
le piano regolatore generale de la région. En Italie, le territoire et les activités de gestion du territoire,
n’ont été longtemps considérés que sous l'angle de l’urbanisme. Ce n'est que récemment que la notion
de "governo del territorio" a été introduite dans la législation.

Le niveau intercommunal n’est pas prévu en tant que niveau d'organisation territoriale. Certaines
régions cependant, comme la Toscane, encouragent les regroupements de communes au sein de
Sistemi territoriali locali, qui sont définis comme des entités minimales de programmation (on
retrouve là un concept proche de celui du "pays" ou de la comarca). Les régions élaborent des
programmes régionaux de développement (Programma regionale di sviluppo) et peuvent encourager,
dans ce cadre, la constitution de territoires supra-communaux qui sont jugés pertinents pour la
programmation et la gestion de certaines fonctions territoriales.

L'Italie compte 58 millions d'habitants dont 18 millions de "ruraux". Cette composante rurale est
cependant très mal définie en raison de la situation incertaine de gros villages ruraux plus ou moins

8
D'après: Politiques publiques de développement des territoires ruraux (Historique, démarches actuelles,
perspectives), Avril 2007, Jean-Yves Ollivier, IGGREF, CGAAER

18
comptés dans l'espace urbain et en raison de l'importance de la pluri activité. Cette imbrication est bien
mise en évidence par la typologie des communes. Les communes urbaines sont au nombre de 857
(10,6% du total). On compte, par ailleurs 2830 communes considérées comme semi urbaines (35% du
total). Les communes rurales sont au nombre de 2170 (26,8% du total) mais on compte aussi 2229
communes que l'on range dans le semi rural (27,6% du total). La majorité des communes rurales
(77,7% de l'ensemble des communes rurales) est localisée dans le Mezzogiorno. Ces communes sont
rares dans le Nord Ouest et le Nord Est qui ne comptent que 1% et 3% de toutes les communes rurales
du pays (le Centre comptant les 12% restant). Les trois grandes régions hors Mezzogiorno se
caractérisent par une prédominance de communes semi urbaines ou semi rurales.

L'Italie agricole compte encore 2, 5 millions d'exploitations. Elle en comptait 430 000 en plus en 1990.
Cette diminution a essentiellement concerné le nord et en partie le centre. La superficie moyenne des
exploitations est de 5 ha, soit la moyenne la plus basse de l'Europe, Grèce exceptée (moyenne
européenne, 18,4 ha). 45% de ces exploitations ont moins de 1 ha. Près de 700 000 exploitations sont
localisées dans des zones montagneuses défavorisées.

Les régions d'Italie ont été classées selon la profondeur de leur ruralité. Sept régions sont considérées
comme des régions à ruralité profonde. Il s'agit essentiellement de régions du Sud (Abruzzes,
Basilicate, Molise, Sardaigne et Mezzogiorno) et de deux régions du Nord (Val d'Aoste et Trentin).
Cinq régions ont une ruralité moyenne (Piémont, Frioul, Ombrie, Calabre et Sicile). Sept régions,
principalement localisées dans le Centre ont une ruralité faible. Dans les cinq dernières régions, la
prédominance urbaine est tellement forte qu'elle écrase ce qui peut rester de rural.

Ces classifications ne rendent compte que très globalement de la structure rurale de l'Italie. En gros, on
y retrouve des régions, principalement au nord, qui sont dominées par les grandes villes et les pôles
industriels, les régions du sud, sous développées et encore largement rurales et, enfin, de nombreuses
autres régions, localisées aussi bien au Nord Ouest qu'au Nord Est et au Centre, où sont apparues des
formes d'organisation où se rencontrent et s'imbriquent l'agriculture et la petite industrie.

Le développement rural est encadré par une stratégie nationale, il Piano Nazionale per il Slivuppo
Rurale, 2007-20013. Ce plan constitue la référence nationale pour l'application du 2° pilier de la
politique agricole de la PAC. Le concept de territoire rural constitue son point de départ. Le
diagnostic constate une perte de productivité globale du secteur agro alimentaire et du secteur
forestier, mais avec de grandes variations selon les régions. Il constate cependant la forte
professionnalisation de l'agriculture ainsi que le renforcement des liens entre l'agriculture et les autres
secteurs de l'économie. Il souligne l'attention croissante qui est désormais portée aux problèmes de
gestion des ressources naturelles. Le rôle déterminant de la capacité de formulation de projet et de
soutien technique à la réalisation des programmes est fortement mis en évidence. Le plan national
souligne les opportunités d'un développement de ce secteur, en particulier pour augmenter la
productivité, protéger la biodiversité, promouvoir les productions traditionnelles, diversifier le secteur
touristico-récréatif, valoriser la biomasse ligneuse, etc. Les principales menaces résultent, en
particulier, de la pression des facteurs externes sur les ressources de l'environnement, de l'abandon des
pratiques traditionnelles de gestion de l'espace, des contraintes posées par le système foncier, de la
raréfaction des ressources en eau et des progrès de la désertification, de la concurrence spatiale entre
terres agricoles et extensions urbaines.

L'analyse des politiques qui ont été effectivement mises en œuvre dans les dernières décennies, montre
que le développement rural en Italie revêt deux formes qui semblent assez indépendantes l'une de
l'autre, bien que se recouvrant largement. La première se dessine autour de l'émergence de ce que l'on
pourrait appeler les "territoires de compétitivité". La seconde s'identifie aux programmes de
développement territorial de l'UE. Les régions concernées par la première dynamique se distribuent
dans toute l'Italie du Nord et du Centre. Leur modèle de développement est très caractéristique de
l'économie italienne. Dans ces régions, en effet, il n'y a pas de véritable séparation entre villes et
campagnes, entre industrie et agriculture. Ce sont ces situations composites qui sont reflétées dans le
nombre considérable des communes semi urbaines ou semi rurales (63% du nombre total des

19
communes d'Italie). Dans toute la mesure du possible, l'agriculture de ces régions s'est structurée
autour de quelques produits locaux souvent labellisés et autour de petites industries agro alimentaires.
A ces activités se sont ajoutées des activités industrielles et de services portées par un tissu serré de
petites et moyennes entreprises. La population active chevauche cette diversité d'activités, entrant sans
contradiction dans les différents volets de la pluri activité. Ces superpositions, ces complémentarités
rendent de plus en plus difficile la qualification des zones rurales. Ces régions semblent être
profondément entrées dans ce "rurbain" que les prospectivistes auteurs de la France rurale en 2020
imaginent comme le mauvais scénario pour la France. Que ce modèle plaise ou non, force est de
constater que, dans de très nombreuses petites régions, il est l'expression d'une dynamique locale
exceptionnelle.

La deuxième forme de développement s'est organisée autour des programmes LEADER de l'Union
Européenne. Ces programmes ont concerné toutes les régions d'Italie. Ils ont été à la base de la
constitution de 132 Groupements d'Action Locale dont les territoires couvrent 53% du territoire
national et comprennent quelque 10 millions d'habitants (18% de la population totale). Les GAL sont
animés par 3700 partenaires dont 1630 du secteur public et 2070 du secteur privé. L'évaluation de ces
programmes montre qu'ils ont contribué à une meilleure perception des problèmes et besoins des
territoires et qu'ils ont contribué à une meilleure identité territoriale. Les actions financées ont
contribué à des améliorations locales mais, sur d'aussi vastes territoires, ils n'ont pas vraiment
constitué un levier de développement. Dans les régions de multi activité dynamique, ils se sont ajoutés
aux autres activités. Dans les régions déprimées, en particulier dans le Sud, ils n'ont pas renversé la
situation de stagnation.

L'Italie, qui a une longue tradition de décentralisation, n'a pas connu la fibrillation intellectuelle de la
France autour des questions concernant les territoires de la décentralisation (territoires de projet,
d'identité, de développement, de services, espaces vécus, bassins de vie, etc.). La territorialisation en
Italie s'est faite, de façon pragmatique, sur la base du constat des existences régionales. Il est
cependant tout à fait notable de constater que la question territoriale commence à susciter de fortes
interrogations. Le constat est fait, en effet, que des territoires régionaux, de plus en plus nombreux,
entrent dans des spirales de déséquilibres qui menacent leur futur. L'habitat mite de plus en plus
l'espace agricole, les villes asphyxient les zones rurales, les industries s'installent n'importe où, les
paysages se dégradent, la désertification menace de nombreuses zones, le patrimoine culturel est mal
protégé. Les décennies de laisser aller qui ont accompagné la multitude des petits miracles régionaux,
commencent à avoir un prix de plus en plus lourd9. On découvre soudainement qu'il n'y a pas eu de
"politiques du territoire". C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier les articles, les manifestes, les
mobilisations associatives qui posent enfin le problème de la bonne gestion des territoires. Ce n'est pas
par hasard qu'une demande, tout à fait nouvelle, se manifeste pour de nouveaux métiers de médiateur
territorial, d'abilitatore di aprendimento territorial. Ce n'est pas non plus par hasard que l'Italie se
trouve en pointe dans la lutte contre la désertification. De telles interrogations sont porteuses de
changement. Mais quand rejoindront-elles les priorités des politiques10?

Grèce, du territoire identitaire au territoire "réseau"

9
Ces remarques s'appliquent également à l'Espagne qui ressent de plus en plus les effets négatifs d'un
développement territorial trop rapide et sans contrôle de cohérence.
10
Les réformes politiques sont d'autant plus nécessaires que les réussites des politiques de décentralisation sont
considérablement handicapées par le poids et l'inefficacité des structures de l'administration. On compte environ
1,5 million d'agriculteurs et d'entrepreneurs directement associés au secteur agricole. On ne compte pas moins
d'un millier d'institutions, à l'échelle centrale (50 institutions), régionale (environ 300) et locale, dont la mission
est d'encadrer et suivre le secteur agricole. Cette "agro bureaucratie" a un coût de fonctionnement de 61 milliards
E par an; elle emploie 1,2 million de personnes (0,8 employé et un coût de 40 millions E pour chaque
agriculteur/entrepremeur)

20
La Grèce a été jusqu'à récemment un état très centralisé. Il a fallu, en effet attendre la réforme de 1997
pour que le processus de décentralisation s'accélère, notamment par le transfert aux 13 régions (les
"périphéries") des "compétences de gouvernance de la région". Les régions sont divisées
administrativement en nomes (au nombre de 54), plus ou moins équivalents à un département ou une
province. La réforme de 1999 a regroupé les quelque 6000 communes en 1000 dèmes11, ou nouvelles
communes, qui ont un maire élu. La décentralisation reste néanmoins limitée dans la mesure ou, à la
différence des régions espagnoles, l'Etat central conserve le contrôle de tous les financements
nationaux et européens.

Selon les critères de l'Office des Statistiques, l'espace urbain comprend tous les dèmes de plus de 10
000 habitants. L'espace intermédiaire (ou semi urbain) comprend les dèmes entre 2000 et 10 000
habitants. L'espace rural: correspond à toutes les communes (ou dèmes) de moins de 2000 habitants.
5 nomes ont une dominante urbaine (la population rurale n'y représente que 2,9% de pop totale). La
population rurale représente par contre 48,4% de la population totale des 49 autres nomes.

Type de Population Dont rurale/semi Superficie totale Dont Dont parcours


ruralité (millions) urbaine (%) (millions ha) SAU (%) et forêts (%)
Rural profond 0,70 84,3 2,39 21,2 69,8
Rural moyen 2,72 70,8 6,24 31,1 61,5
Rural faible 2,36 53,8 3,81 32,6 60,2
Zones urbaines 4,47 0,6 0,75 34,1 47,5
Total 10,25 41,2 13,19 29,9 61,8

Le territoire grec reste encore fortement marqué par la ruralité dans la mesure où plus de 70% de sa
superficie correspond à des configurations de ruralité "profonde" ou "moyenne". Considérée sous
l'angle du dynamisme économique, la Grèce rurale comprend, de façon simplifiée, deux grands types
de zones rurales: d'une part les plaines, et certains piémonts où se concentre l'agriculture modernisée et
compétitive, d'autre part, les zones montagneuses défavorisées et les îles qui rassemblent la plus
grande partie de la population rurale. Leur agriculture est peu productive et l'économie agricole repose
largement sur l'élevage extensif des petits ruminants. Ce sont surtout les premières zones qui ont
bénéficié des aides européennes, lors de la mise à niveau de l'agriculture. Ces zones sont aujourd'hui
bien intégrées au marché. Les secondes sont restées largement en dehors du processus de
modernisation.

On comptait, en 1993, 860 000 exploitations agricoles (il y en avait un peu plus de un million, quelque
vingt ans avant12). La taille moyenne des exploitations est de 4,2 ha. La SAU occupe 3, 94 millions ha
(dont irrigué, 1,12 million ha). Les parcours de montagne couvrent 5,22 millions ha et les forêts, 2,94
millions ha. L'usage pastoral collectif ou communautaire d'une grande partie de ces ressources de
biomasse pose le problème de la responsabilisation des usagers en matière de gestion durable de leur
environnement. Cette responsabilisation est de plus en plus mal assurée, en raison, en particulier, de la
dépopulation des régions pastorales, du vieillissement des agriculteurs, de l'individualisation des
modes d'exploitation. La dégradation des sols et des parcours, les feux de forêts et les progrès de la
désertification comptent parmi les manifestations les plus visibles de l'évolution régressive qui en
résulte.

La territorialisation du développement rural résulte surtout du jeu et du croisement d'une multiplicité


de facteurs internes ou externes. Elle rend compte d'un état de fait, elle n'est pas le produit d'une
politique délibérée. Dans les zones rurales de bonne productivité, la territorialisation s'est construite,
comme en Italie, sur la base de concentrations locales d'activités agricoles, souvent spécialisées et
compétitives, d'activités de transformation agro alimentaire, d'implantations de petites entreprises de
production ou de services. La cohérence de ces territoires de compétitivité est assurée par la
polarisation des marchés et par les réseaux des organisations professionnelles.

11
D'autres informations donnent le chiffre de 5318 communes regroupées en 900 dèmes ou mairies
12
1,04 million en 1971.

21
Dans les autres zones rurales, on observe également l'émergence de territoires "de fait". Leur
économie tend à se fonder surtout sur la pluri activité mais avec des traits originaux du fait de
l'émigration. On y voit en effet se constituer des formes d'organisation territoriales structurées
informellement sur la base très large et mobile de réseaux des acteurs (Cf doc 291, Goussios). On
observe, à cet égard, que dans de très nombreuses petites régions fortement touchées par l'émigration
et relativement marginalisées, la dépopulation, le vieillissement, la faiblesse des capitaux tendent à
être compensés par des contributions très diverses de la diaspora et par sa participation fréquente au
système de décision local. Les émigrés, définitifs ou temporaires, proches ou très lointains, conservent
très souvent des liens forts avec leurs territoires d'origine. Ils y investissent dans l'habitat ou les
services, ils y reviennent pour leurs congés, ils y retournent souvent pour leur retraite. Ces liens
identitaires dessinent des configurations originales qui donnent au territoire des limites humaines qui
vont bien au-delà du territoire géographique d'origine. Les analystes (277) y voient l'émergence de
"territoires de réseaux", qui projettent les territoires identitaires dans une géographie territoriale vaste
et à géométrie variable. On ne doit pas lire, dans ces constats, les critères d'une opposition simplifiée,
entre territoires de productivité et territoires de réseaux, car la seconde forme peut aussi se combiner
avec la première. Mais il reste clair que la seconde forme tend à correspondre aux régions d'émigration
et donc aux territoires les plus pauvres et les plus marginalisés.

L'originalité de la recherche sur les territoires en Grèce est d'avoir bien identifié et décrit l'existence, la
formation et les dynamiques de ces "territoires de réseaux" (cf 291). Mais l'intérêt de ce modèle va au-
delà de la seule Grèce. On le retrouve en effet dans de nombreuses régions d'émigration de la
Méditerranée. Il caractérise la Corse, des régions du Mezzogiorno, la Kabylie en Algérie, le Rif et le
Sous au Maroc, la montagne libanaise, etc. On doit à l'expérience grecque d'avoir fait de ce modèle
l'objet d'une réflexion sur le fait territorial et de lui avoir donné un contenu scientifique.

Dans les années 1980, le Gouvernement a créé des Agences de développement (ANKA) dont les
principaux actionnaires ont été des municipalités et les coopératives. Ces agences ont couvert des
territoires dépassant les limites des collectivités territoriales (les dèmes) mais sans, pour autant, qu'il y
ait eu de réflexion spécifiques sur la pertinence de leurs aires territoriales, pas plus que sur les
problématiques intégrées de leur territoire. Le rôle de ces agences a cependant été conforté par les
programmes d’initiatives communautaires du type LEADER. Ces derniers programmes ont débouché
sur la formation de 40 groupements d'action locale dont les aires d'action recouvrent 8,26 millions ha
(63% du total national) et comprennent 2,21 millions habitants (20% de la pop totale). L'évaluation
des activités de ces GAL montre une meilleure perception des problématiques communes mais elle
souligne aussi la difficulté du passage des procédures descendantes, qui avaient prévalu jusque là, à
des mécanismes ascendants. Concentrés sur un nombre limité de projets, les programmes LEADER ne
semblent pas avoir vraiment joué un rôle pour faire émerger une identité territoriale autour d'un projet
commun.

Les réflexions sur la territorialisation en Grèce montrent clairement que des territoires se constituent
par le jeu de dynamiques diversifiées mais elles soulignent en même temps que les conditions ne sont
pas réunies pour que ces dynamiques puissent déboucher sur un "projet de territoire" porté par son
propre système décisionnel. La question posée est celle de la "pertinence" des territoires. L'un des
principaux problèmes tient au manque de correspondance entre les limites administratives des
nouveaux dèmes et la réalité des territoires en émergence. Ce décalage a en particulier pour effet de ne
pas donner de représentation institutionnelle adéquate aux forces vives à l’œuvre dans les territoires.
Des difficultés subsistent, notamment en raison de la rigidité des mécanismes étatiques pour passer des
politiques structurelles sectorielles aux politiques territoriales et, par ailleurs, pour intégrer, sans les
normaliser, les formes et les réseaux informels caractéristiques des sociétés et des systèmes productifs
de l’espace rural grec actuel.

22
Quelques autres regards, en bref

Portugal. La politique de développement rural du pays est définie dans le cadre du Plan national
de développement économique et social. Sa politique territoriale s'élabore dans le cadre du Programme
national de politique d’ordenamento do território. Les Plans régionaux d’ordenamento do território
intègrent les règles définies dans le programme national et dans les plans sectoriels préexistants. Ces
plans régionaux constituent un cadre de référence pour les entités publiques chargées de l’élaboration
et de l’approbation des plans municipaux. Ils doivent être approuvés par le Gouvernement.

Les programmes de développement rural sont principalement mis en oeuvre dans le cadre du
programme LEADER de l'UE. Ces programmes s'intègrent à sept programmes régionaux (Norte,
Centro, Lisboa e Vale do Tejo, Alentejo, Algarve, Madeira, Azores). LEADER finance les activités de
52 groupements d'action locale. Les actions entreprises dans ce cadre ont été fortement contrariées par
les graves incendies qui ont dévasté les terres agricoles et forestières du pays. En 2003, plus de 362
000 hectares de forêts et quelque 41 000 hectares de terres agricoles ont été brûlés. La population
rurale du Portugal a considérablement décliné ces dernières années mais elle représente encore 1,1
million d'habitants, soit 11% de la population totale. Le secteur agricole compte 381 000 exploitations
dont 90% classées comme petites ou très petites. Le vieillissement et le manque de qualifications
freinent considérablement l'innovation et la diversification dans la pluri activité. Des déséquilibres
territoriaux notables se manifestent en matière d'infrastructures et de services du fait de la place
occupée par les zones de faibles densités et de déclin de la population. L'agriculture et les activités
forestières sont très peu intégrées aux filières de transformation, ce qui limite leur contribution à la
valeur ajoutée. La Portugal rural possède en revanche un très riche patrimoine culturel et paysager. Les
pollutions y sont encore très limitées. Quelque 80 % de la superficie du Portugal correspondent à des
zones rurales défavorisées selon les critères de l'UE.

Chypre. L'île a une superficie de 9 251 km2 dont 3 335 pour la partie chypriote turque (nord de
l'île). La population compte 993 000 habitants dont 203 000 dans la zone nord. La partie de l'île
associée à l'UE est administrativement divisé en 6 districts et 389 communes13. L'emploi agricole ne
représente que 8% de l'emploi de la population active. La moitié environ des actifs employés dans
l'agriculture ne tire de cette activité que la moitié de leurs revenus.

La stratégie de développement soutenue par l'UE se propose surtout de saisir les opportunités offertes
par le tourisme rural pour promouvoir la diversification des zones rurales. Parallèlement à cette
ambition touristique, la stratégie en faveur des zones rurales reconnaît la nécessité d’encourager le
développement de PME dans les activités manufacturières afin de constituer un autre gisement
d’emplois. L’objectif est aussi d’assurer l’essor de solides communautés locales en améliorant les
infrastructures de transport de proximité et les infrastructures locales de base, en créant ou
modernisant diverses structures d’intérêt collectif et culturel, ainsi qu’en facilitant l’accès de la
population locale aux services dont elle dispose. La région cible du programme de développement
rural comprend deux zones géographiquement distinctes, la partie occidentale montagneuse et la partie
orientale qui abrite l'essentiel des terres agricoles. Un dispositif a été mis en place pour soutenir les
initiatives d'assistance aux communautés rurales du type LEADER (Technical support and
Development of Private Development Initiatives of Groups of Regional character). Son
développement est prévu dans le cadre du programme 2007-2012 de l'UE, notamment avec le
programme LEADER +.

13
En matière d'organisation territoriale, EUROSTAT a accepté en février 2002 la proposition de Chypre
relative à la classification NUTS. Tout le territoire est défini comme une unité unique aux niveaux NUTS I, II et
III. Les districts administratifs sont classés NUTS IV, les municipalités NUTS V.

23
Pays européens non méditerranéens. Ces quelques notes ont été ajoutées pour
souligner encore plus la diversité des définitions du concept de ruralité. En ECOSSE, la délimitation
des zones rurales se fait en fonction du temps de trajet en voiture à la ville la plus proche. Un
cinquième de la population écossaise (environ 1 million d'habitants) est classée dans le rural
accessible car à moins de 30 minutes d'une ville de 10 000 habitants. 250 000 personnes, à plus de 30
minutes, sont classées dans le rural isolé. La gestion durable de l'environnement et l'entretien de
l'espace constituent la priorité de la politique rurale. En AUTRICHE, on estime que 78 % de la
population vit en milieu rural, au sens le plus large du terme. Cette population rurale est répartie pour
41 % dans des zones essentiellement rurales, pour 37% dans des zones relativement rurales et pour 22
% dans des zones essentiellement urbaines. L’absence de définition du milieu rural peut être attribuée
au fait que l’aménagement du territoire relève en priorité de la compétence des Laender. Un Land a, en
Autriche, en moyenne, une superficie de 9 000 km2 et une population de 900 000 habitants. A cette
échelle, les décideurs ont une connaissance directe des territoires qui ne nécessite pas de zonage.

Les pays du Maghreb

Algérie, la recherche volontariste de projets de proximité impulsés par


l'Etat

L'Algérie est administrativement divisée en wilayat (au nombre de 48), en dairat et en communes. Sa
population comptait en 1997, quelque 30 millions habitants. La population rurale qui représentait 68 %
du total en 1966, et encore 50% en 1987, n'en représentait plus que 24% en 1997 (7,2 millions de
ruraux). Le pays compte 447 agglomérations. La population rurale correspond à la population hors
agglomérations, dite aussi "population éparse". La ruralité est définie selon plusieurs degrés de
profondeur. Les régions de ruralité profonde sont celles dont la population rurale dépasse 25% de la
population de la région. La ruralité moyenne correspond à un taux de population rurale entre 10 et
25% du total. On se trouve dans des régions à ruralité faible quand la population rurale est inférieure à
10% du total. Les régions de ruralité profonde rassemblent 40,8 % de la population du pays et
comptent environ 4,7 millions ruraux (65% de la population rurale du pays). Les régions à ruralité
moyenne rassemblent 36,3 % de la population totale avec environ 2,1 millions ruraux (30 % de la
population rurale). Les régions de ruralité faible représentent 22,9 % de la population totale du pays et
comptent quelque 400 000 ruraux.

Les zones rurales sont classées selon d'autres critères lorsqu'il s'agit de les replacer dans une
problématique de développement régional. Le Ministère de l'Agriculture reconnaît ainsi des espaces
agricoles à fortes potentialités (plaines et vallées intérieures, dayas dans les zones steppiques, zones
de mise en valeur, périmètres irrigués) avec quelque 500 000 exploitations; des territoires ruraux
profonds (piémonts, montagnes, zones forestières, certaines zones agro pastorales, etc.) avec 470 000
exploitations; enfin des territoires ruraux dévitalisés (une grande parties des oasis, certaines zones
pastorales dégradées, etc.)

A l'exception de quelques zones à fortes potentialités, les régions rurales sont fortement marquées par
la pauvreté et par leur marginalisation sociale. Les pressions qui en ont résulté, ont alimenté un exode
rural particulièrement fort, comme le montre l'évolution du taux de population rurale entre 1987 et
1997. Les territoires ruraux sont, par ailleurs, profondément marqués par leurs multiples déséquilibres.
Ils ont tous en commun les mêmes problèmes de rareté de l'eau, de dégradation des sols, de
déforestation, de surexploitation des parcours, d'avancées de la désertification. Le déficit en matière de
politiques de gestion territoriale des ressources, n'a fait qu'aggraver ces problèmes. Les territoires

24
algériens payent en effet aujourd'hui des choix de politique agricole qui ont privilégié les fermes
modernes et ont largement ignoré la régression de la plupart des autres zones rurales.

La formulation récente d'une Stratégie nationale de développement rural durable apparaît, dans le
contexte de ces crises du milieu rural, comme un changement de cap radical.. Le milieu rural n'est plus
désormais perçu, comme il l'a été trop longtemps, comme, seulement, la base sectorielle de la
production agricole, il n'est plus, non plus perçu à partir de son dualisme agriculture
moderne/agriculture de subsistance et d'assistance. Le milieu rural entre désormais dans le champ
politique en tant qu'objet social (avec une priorité de "développement humain" de la population
rurale), en tant qu'objet économique spécifique (avec la prise en compte de la multifonctionnalité des
zones rurales); en tant que support de la durabilité (avec une vision intégrant la ruralité dans la gestion
durable de l'environnement). La Stratégie se veut ainsi fondée sur un principe d'intégration et
d'interactions de toutes les dimensions de la ruralité. Ces intégrations ne sont maîtrisables qu'à l'échelle
des "territoires" La Stratégie fait de leur promotion, l'une de ses principales priorités. Avec les projets
de "proximité", elle se donne l'outil opérationnel de son approche territoriale.

L'élaboration de la Stratégie est partie de plusieurs constats. Constat des limites des approches
sectorielles et de leur incapacité à créer les conditions propices à un développement rural durable.
Constat de la nécessité d'une réponse plus globale à la complexité des problèmes du milieu rural.
Constat de la nécessité d'une meilleure prise en compte de la diversité des situations des zones rurales.
Constat, enfin des nouvelles exigences du développement rural durable. De ce diagnostic, ont dérivé
les principes fondateurs de la Stratégie. Ceux-ci mettent en effet en avant (i) la promotion de la notion
de territoire; (ii) la gestion participative; (iii) la promotion de la vision patrimoniale de
l’environnement (gestion partagée et rationnelle d’un bien commun, à protéger et à transmettre aux
générations futures); (iv) la priorité à l'action de proximité (notamment en renforçant la
communication entre les populations et les pouvoirs publics et en approfondissant la pratique
démocratique); (v) l'intégration à la base des dispositifs de soutien et la recherche des synergies entre
les ressources financières; (vi) la prise en compte de la complémentarité et la cohérence des
interventions en milieu rural; (vii) la mise en avant du partenariat comme outil du développement rural
participatif; (viii) la promotion de nouveaux instruments de planification spatiale

Ainsi formulée dans ses principes, cette stratégie s'affirme comme une stratégie de rupture et de
passage des approches sectorielles à des approches intégrées, durables et territorialisées. Les projets de
proximité de développement rural ont été conçus pour être l'instrument opérationnel des nouvelles
approches. Les projets de proximité sont conçus sur les bases suivantes: (i) élaboration du projet selon
une logique ascendante; (ii) organisation et codification de la participation des populations concernées;
(iii) promotion des fonctions d’animation, de facilitation, de coordination et de mise en réseau; (iv)
mise en place de mécanismes d'arbitrage (proposition par les communautés, confirmation par les
daïras, validation par les wilayas, approbation par le wali); (v) traitement spécifique des
problématiques locales ( lutte contre la désertification, développement de la pluriactivité, promotion
des patrimoines et des savoirs faire locaux); (vi) priorité aux populations les plus enclavées; (vii)
intégration de la dynamique du projet à celle du territoire; (viii) recherche des synergies entre les
investissements pour la réalisation d’ouvrages à usage collectif et à usage individuel; (ix) intégration à
la base des divers dispositifs d’appui au développement économique et social; (x) simplification des
mécanismes de financement et rapprochement des populations rurales et du système bancaire; (xi)
mise en place d'un système de suivi, d’évaluation et de contrôles des effets des projets.

Le recul manque encore pour évaluer l'impact de ces projets territoriaux. Ce qu'il convient de noter
cependant c'est le volontarisme avec lequel ils ont été lancés. En 2005, c'est à dire très peu de temps
après la formulation de la Stratégie, les administrations locales avaient pu jeter les bases de 9124
projets de proximité de développement rural (PDR). Ces projets sont en général de petite taille
puisqu'ils se sont adressés principalement à des localités du type village. Ils concernent ainsi 9900
localités sises dans 1318 communes. Les informations partielles dont on dispose sembleraient montrer
que les subventions mobilisées dans le cadre des PDR ont été surtout allouées à des projets individuels

25
dispersés. La mise en cohérence territoriale et la prise en compte des "identités territoriales" ne
semblent pas avoir été considérés comme des critères de choix prépondérants.

Au vu de ces chiffres et de la petite dimension des PPDR, il semblerait que cette approche aille dans la
même direction que les projets dits de "développement des terroirs" (voir chapitre II). Cette échelle est
très bonne pour assurer la participation des populations. Par contre, et si l'on en juge par l'expérience
des "terroirs", on peut se demander si l'approche PPDR ne risque pas de rencontrer les mêmes
limitations et difficultés: danger de dispersion, échelle inadéquate pour gérer les problématiques des
infrastructures, des services et des échanges, faible capacité de gestion des communautés, etc. Le
PPDR ne résout en effet qu'une toute petite partie de la question du territoire. Le "terroir " des
communautés, l'expérience le montre, ne peut être qu'un niveau de base dans un système territorial
plus large. Ce que l'on ne voit donc pas encore, c'est comment, comme le suggèrent les principes
d'action des PPDR, se fera "l'intégration de la dynamique du projet à celle du territoire". Ce
questionnement semble appeler de plus grandes convergences entre les réflexions de l'Algérie sur
l'aménagement et le développement de ses territoires et ses réflexions sur son expérience de
développement rural. L'approche actuelle par les PPDR ne pourra probablement pas éviter d'être
revisitée dans le cadre d'une réflexion sur le territoire prenant en compte, comme toutes les réflexions
similaires, les interrogations sur l'échelle des "pays", des "bassins de vie" ou des "petites régions
rurales".

Maroc, des concepts clairs en quête d'une implantation dans la réalité


territoriale

La ruralité reste une caractéristique forte du Maroc. La population rurale (13,4 millions hab.)
représente encore 42,5 % de la population totale en 2004 (Elle rassemblait 70 % de la population en
1960). La SAU totalise 8,7 millions ha et elle a doublé depuis 1960. Elle est exploitée par 1,5 million
d'agriculteurs, dont 870 000 petites exploitations (41%) qui ne détiennent que 8,5 % de la SAU.

Le pays est organisé selon trois niveaux territoriaux: les régions (au nombre de 16), les préfectures
urbaines (au nombre de 28) et les provinces (au nombre de 45), les communes (248 communes
urbaines et 1298 communes rurales). En 1959, au moment de la création des communes rurales, le
Maroc comptait 735 communes rurales, 19 provinces et 5 préfectures urbaines. Les régions et les
communes ont un statut de collectivité territoriale.

La Région définit des orientations du développement régional et elle doit stimuler les dynamiques de
financement. Elle élabore le plan de développement économique et social ainsi que le plan régional
d'aménagement du territoire. Elle statue sur les taxes régionales et engage des actions pour promouvoir
l'investissement privé. Elle coordonne les initiatives des provinces et des préfectures de son ressort. Le
Conseil Régional est élu au suffrage universel indirect et au scrutin de liste proportionnel. Le
gouverneur (wali), agent exécutif représentant de l'Etat, doit, dans de nombreux domaines, recueillir
l'approbation de l'Etat pour mettre à exécution les délibérations du Conseil Régional. Les moyens
financiers et les compétences de la Région sont encore limités La décentralisation, par ailleurs, ne lui a
conféré aucune compétence législative. On décèle cependant des signes de progrès avec le
renforcement des pouvoirs des gouverneurs régionaux, la mise en place de mécanismes de promotion
de l'investissement, la responsabilisation croissante des conseils provinciaux. Les partenariats Etats
Régions se sont, par ailleurs, amorcés avec la préparation des premiers Contrats de Plan.

Les préfectures et provinces constituent l'échelon principal de la déconcentration locale des


administrations centrales. Ce niveau constitue le maillon indispensable pour harmoniser et coordonner
les relations entre acteurs publics et privés et, par ailleurs, pour articuler les services déconcentrés des
administrations centrales avec les activités des collectivités locales, municipalités et communes
rurales. Les conseils provinciaux ont un pouvoir délibérant mais très restreint en raison de la faiblesse

26
de leurs ressources propres et de la forte tutelle exercée par le Ministère de l'Intérieur. Le gouverneur
provincial a un pouvoir exécutif.

La commune est l'échelon décentralisé le plus ancien. Le pouvoir délibérant est détenu par le conseil
communal, dont le nombre de membres varie entre 11 et 41 selon la taille de la commune. Les
conseillers (au nombre de 24 240 pour tout le Maroc) se prononcent sur les actions et les plans relatifs
au développement économique, social, et culturel de la collectivité. L'exécutif de la commune est le
Bureau. Son président doit exécuter certaines tâches au nom de l'Etat, en sus de ses fonctions locales.
Les communes rurales et les municipalités constituent, dans la configuration actuelle, la plateforme
politique de base du système de décentralisation. Régions mises à part, ces instances territoriales sont
en effet les seules à être dotées d'une représentation politique et de compétences institutionnelles en
matière de développement local. Elles fonctionnent de façon autonome et ont, selon la loi, une
compétence exclusive pour les activités de développement concernant l'aire de leur juridiction
territoriale. En théorie, elles ne rendent de comptes qu'à leurs électeurs mais elles sont en même temps
placées sous le contrôle technique et financier de l'Etat. Dans les faits, leur autonomie décisionnelle est
limitée en raison des pouvoirs de contrôle que l'Etat s'est réservé. L'approbation préalable de ce dernier
est en effet requise pour la plupart des propositions de gestion locale soumises à délibérations du
Conseil, en particulier en matière de budget communal, d'emprunts, de garanties à consentir, de
règlements généraux de voirie, de construction, d'hygiène. On observe, par ailleurs, que la répartition
des compétences entre les communes et les différentes autorités locales, décentralisées ou
déconcentrées, n'a pas, à ce jour, été pleinement clarifiée par la loi.

La territorialisation du développement rural se décline actuellement selon trois axes: la politique de


développement communal, la mise en œuvre de projets intégrés de développement rural financés par
des institutions internationales, les politiques de territorialisation prônées par la Stratégie 2020 de
développement rural et par l'Aménagement du territoire.

La première approche est, pour le moment, à la base des politiques de développement local. Sous la
tutelle du Ministère de l'Intérieur, elle tend à faire reposer tout le développement local sur les
communes qui se voient confier des tâches de plus en plus complexes en matière de programmation et
d'exécution des programmes. Cette approche part d'un bon principe, celui d'un partenariat avec les
élus, mais l'expérience montre qu'elle n'a pas les moyens de ses intentions. Les communes en effet ne
disposent pas d'expertise technique et, de ce fait, ce sont des bureaux d'étude qui préparent leurs plans
et ce sont les administrations techniques qui les exécutent. Cette politique a été, ces trois dernières
années, fortement accélérée par l'Initiative pour le Développement Humain qui cible les communes les
plus pauvres. Le bien fondé de cette approche commence à être questionné par les analystes du
développement. Les programmes ne sont en effet conçus qu'à des échelles très petites, ils donnent la
priorité à des actions immédiates, ils conduisent à une fragmentation excessive des activités de
développement et ils ne sont pas mis en cohérence avec un développement territorial raisonné. Ils ne
permettent pas, non plus, d'articuler le rural et l'urbain, les programmes des municipalités urbaines, et
tout particulièrement ceux des petites villes et des bourgs ruraux, ne tenant généralement aucun
compte de leurs interactions avec le rural..

La seconde approche, celle des projets de développement intégrés, concerne des domaines d'action
territoriale placés sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture. Ces projets, dont les principaux sont
financés par la Banque Mondiale (projets intégrés pour la petite hydraulique, pour les zones
d'agriculture pluviale, pour les bassins versants) et par le FIDA (projet intégré du développement
pastoral de l'Oriental, projets de développement intégrés des montagnes du Haouz, du Moyen Atlas
Oriental, d'oasis dans le Tafilalet), sont mis en œuvre dans des aires assez étendues au sein desquelles
ils ciblent des zones d'action ou des catégories d'actions prioritaires. Faute d'alternative
institutionnelle, ils s'appuient le plus souvent sur les communes rurales, ignorant les niveaux villageois
qui sont pourtant les plus concernés par les actions locales14. A la différence de la première approche,

14
Dans le Projet Haouz, le FIDA a certes soutenu la préparation, par des sociétés d'études ou par
l'administration, de Plans de Développement de Douars. Ceux-ci sont effectivement discutés avec les

27
ces projets ont une vision plus globale du développement territorial mais ils rencontrent les mêmes
limitations en raison du manque d'expertise des communes, des déficiences de l'ingénierie locale et des
capacités limitées des associations et ONG qui supportent les processus participatifs.

Les insuffisances de l'approche communale et de celle des projets intégrés ont mis progressivement en
évidence la nécessité d'une nouvelle réflexion sur le développement territorial. En raison de ses
multiples interactions, le développement local ne peut éviter d'être fondé sur des relations croisées
entre villes et zones rurales. Le système actuel de programmation décentralisé à l'échelle des
communes rurales ne permet pas de ce genre de mise en cohérence. Cette fonction n'entre pas non plus
dans les compétences des provinces qui sont de toute façon trop éloignées des niveaux de participation
effective des acteurs. Elles n'entrent, pas non plus dans les compétences des régions, encore plus
éloignées du "local". Il y a donc un vide dans le système de territorialisation et la question se pose
donc d'un niveau intermédiaire entre les provinces et les collectivités locales.

C'est à ces interrogations que la troisième approche, celle des "stratégies", s'est efforcé de répondre. La
Stratégie 2020 de Développement Rural montre en effet que le niveau territorial approprié du
développement rural devrait être assez grand pour que l'on puisse maîtriser les interactions entre un
pôle urbain et son environnement rural, et assez petit pour que les acteurs locaux (élus des collectivités
locales, acteurs économiques et société civile) puissent être effectivement impliquées dans des
mécanismes participatifs de programmation et de décision. C’est à un tel niveau qu’on pourrait obtenir
la meilleure cohérence possible entre les orientations programmatiques nationales et les particularités
locales, que l'on pourrait gérer l'espace par un aménagement du territoire de proximité et que l'on
pourrait le mieux mettre en application les approches actuelles de l'Etat en matière de
contractualisation. Elle propose en conséquence de promouvoir une approche par "petites régions
rurales", celles-ci étant identifiées de façon à pouvoir répondre aux exigences du développement
territorial. Les travaux conduits pour l'élaboration du schéma national d'aménagement du territoire
(SNAT), ont conduit à des conclusions similaires. Le SNAT, a, en effet, ressenti le besoin d'identifier
des aires de mise en cohérence rapprochée, quelque part en dessous du niveau provincial et à une
échelle suffisante pour que l'on puisse valider des schémas de proximité d'aménagement du territoire.
Le concept avancé est celui de "l'espace projet", celui-ci correspondant à une polarisation des projets
et des activités locales, dans le cadre d'une intégration territoriale.

Jusqu’à maintenant cependant ces réflexions n'ont pas débouché sur une mise en pratique. Elles
interpellent en effet la politique de base du Ministère de l'Intérieur et elles font des propositions en
conflit avec les procédures, difficilement modifiables en cours de projet, des institutions de
financement. Le Ministère de l'Agriculture, qui était en charge jusqu'en novembre 2007 du
développement rural, n'a jamais disposé d'une capacité de négociation politique lui permettant de
promouvoir une nouvelle structuration des "territoires de développement". Le nouveau gouvernement
a recentré le Ministère de l'Agriculture sur ses fonctions agricoles et le développement rural n'apparaît
plus dans ses fonctions. La fonction territoriale, par contre, est mise en avant dans les compétences
d'un autre ministère, chargé, en particulier, de "l'aménagement de l'espace". On ne peut cependant pas
s'attendre à des progrès sur la territorialisation du développement rural et local aussi longtemps que
cette politique restera dans les attributions d'un seul ministère. Des progrès ne sont envisageables que
sur la base d'une concertation du Ministère de l'Agriculture, du Ministère chargé de l'Aménagement du
Territoire (de "l'espace"), du Plan et, bien entendu, du Ministère de l'Intérieur.

Tunisie, un pragmatisme efficace au-delà des rigidités de l'administration

L'administration territoriale de la Tunisie repose sur une division du pays en 20 gouvernorats (wilayat)
280 délégations, elles mêmes divisées en mchaikhat (omda). L'organisation en communes (avec

populations des villages (douars) mais les plans sont conçus sans préparation suffisante en matière de
participation et de diagnostic territorial et sans association effective aux études techniques. Les décisions
incombent dans la pratique, à l'administration après consultation des élus communaux.

28
conseil élu) tend à ne concerner que les agglomérations (245 communes), laissant à part les zones
rurales. Vers le milieu des années 80, le développement régional était apparu comme l'une des
préoccupations majeures des pouvoirs publics. Cette vision nouvelle fut abandonnée en 1988, du fait,
semble-t-il, de l'inadéquation d'une approche de type régional avec la centralisation de l'organisation
administrative tunisienne. Le pays est, depuis, resté fortement centralisé bien qu'avec une bonne dose
de déconcentration des services au niveau des gouvernorats.

La population rurale comptait, en 1994, 3,4 millions de personnes, soit 39% d'une population totale de
8,8 millions habitants. En 1966, le taux de population rurale était de 60% et était encore de 47% en
1984. On recensait, en 1995, quelque 470 000 exploitations agricoles dont 53% avec moins de 5 ha.
L'espace rural tunisien est fortement marqué par le déséquilibre entre le littoral et les régions
intérieures et entre le Nord et le Centre Sud.

Un classement des régions de Tunisie selon les types de ruralité fait apparaître trois groupes de
régions. Tout d'abord, des régions à ruralité faible. Celles-ci ont une population rurale comprise entre
10 et 40% du total et un emploi agricole concernant 30 à 40% de la population active. On y trouve les
gouvernorats de l'Ariana et de Ben Arous au nord, de Sousse, Gabes et Médenine, dans la zone
littorale centre et sud. Le deuxième groupe comprend les régions à ruralité moyenne. La population
rurale est comprise entre 30 et 60% du total et l'emploi agricole touche 37 à 60% de la population
active. Ce groupe rassemble quatre gouvernorats des régions côtières de Bizerte, Nabeul, Mahdia,
Sfax, deux gouvernorats de l'intérieur, Beja au nord et Gafsa, au centre sud, et trois gouvernorats des
régions sud, Tataouine, Kebili et Tozeur. Le dernier groupe comprend des régions de ruralité
profonde. Le taux de population rurale y est fort (entre 53 et 80 % du total) et l'emploi agricole
concerne 43 à 51% de la population active. Ce sont essentiellement des gouvernorats de l'intérieur qui
constituent ce group. On y trouve les gouvernorats du Kef, de Zaghouan, Jendouba, Siliana, Kasserine,
Sidi Bouzid, Kairouan.

Dans les années 80, la politique de développement rural s'est construite autour de grands projets
régionaux de "développement rural intégré" financés par l'aide internationale. Ces projets ont constitué
la principale armature de développement régional pendant deux décennies dans la région du Nord Est
(financement Banque Mondiale et GTZ), dans le gouvernorat de Kairouan (financement FIDA), dans
celui du Kef Siliana (financement FIDA), dans celui de Sidi Bouzid (FIDA et Banque Mondiale), dans
la région frontalière algéro tunisienne (Projet Mellègue). Ces projets régionaux se sont ajoutés à divers
projets sectoriels, comme, par exemple, des projets d'irrigation (Medjerda, Banque Mondiale) ou des
projets forestiers. Dans les années 80, les ajustements structurels remirent en cause ce type de projets,
les projets existants poursuivant néanmoins leur route jusqu'aux années 90. Au cours de ces mêmes
années 90, cependant, les projets régionaux furent relancés, essentiellement dans le contexte d'une
réactivation des politiques de l'aide internationale pour lutter contre la pauvreté, promouvoir la
participation des populations et mettre en pratique l'intégration des activités de développement. Ces
circonstances déterminèrent le montage d'une nouvelle génération de projets de développement rural
intégré. La Banque Mondiale y est, par exemple, représentée par un ambitieux programme de gestion
participative des ressources naturelles. Le FIDA est particulièrement présent avec un projet de DRI
dans la région de Sfax (Sidi Mahdeb), dans celle de Zaghouan et dans celle de Tataouine-Kebili.
D'autres initiatives internationales ou bilatérales ont également contribué à des expériences
participatives dans des territoires ruraux.

Comme leurs prédécesseurs, les nouveaux projets de développement rural intégrés ont pratiquement
tous une base territoriale correspondant à des unités administratives. En général ces projets portent sur
quelques délégations d'un même gouvernorat, exceptionnellement, comme dans le cas de Tataouine,
sur tout un gouvernorat. Dans le cas du projet Gestion des Ressources Naturelles de la Banque
Mondiale, les délégations cibles sont réparties dans plusieurs gouvernorats. Ces projets sont en général
constitués de composantes dont l'exécution relève de la compétence de chaque service technique
concerné. En dépit des intentions quant à l'intégration, on se retrouve donc dans un cas de figure bien
connu, celui d'un projet régional qui vient s'intégrer dans les programmes budgétaires des structures
déconcentrées du Ministère de l'Agriculture (les Commissariats régionaux au développement

29
agricole). Ce sont de plus les Commissaires Régionaux qui exercent l'autorité de fait sur les projets.
Ces nouveaux projets partent ainsi et encore avec des pesanteurs administratives notables.

Les nouveautés apportées par cette nouvelle génération de projets tiennent en général, au souci,
beaucoup plus marqué que dans le passé, de l'élaboration, pendant la préparation du projet, d'une
vision de ce que pourrait apporter le projet, notamment en termes de durabilité et de bonne gestion de
l'environnement. Elles tiennent également au souci d'un renforcement des mécanismes participatifs,
tant au niveau des comités de pilotage (participation des organisations professionnelles et du privé)
qu'à celui des communautés locales. C'est certainement à ce niveau que les effets ont été le plus
probants. Les approches participatives donnent en effet aux populations la possibilité de contribuer à
la programmation des actions du projet susceptibles d'être réalisées sur leur territoire. Les marges de
manœuvres des populations sont certes étroites mais le seul fait de relier un programme à un
diagnostic et d'y associer une concertation suffit à amorcer des changements réels dans les perceptions
réciproques des populations et des administrations. Il n'en reste pas moins que les projets restent
perçus comme des instruments de l'administration.

Du fait de leur fusion dans les mécanismes régionaux des administrations, les projets de
développement intégrés n'ont pas pu avoir vraiment une vision propre du développement territorial,
sinon celle qu'en avaient les administrations. Mais ces administrations ont-elles, elles mêmes, une telle
vision? La réponse renvoie à tous les déficits que l'on constate, en matière de plan directeurs
régionaux, de schémas d'aménagement du territoire, de plans régionaux à long terme, de cartes de
valorisation des ressources agricoles, etc. Le drame provient du fait que la plupart de ces plans existent
sous forme d'études, de rapports, de projets. Mais pour qu'ils puissent servir à un véritable
développement régional, il leur manque encore le soutien d'une politique de décentralisation nettement
plus ambitieuse.

En dépit de ces réserves, force est de constater qu'il y a quand même de très nombreux progrès. Il ne
fait pas de doute qu'on les doit en grande partie au solide pragmatisme des cadres de l'administration
tunisienne. Le projet de développement intégré du Sud Est tunisien en est un exemple frappant. Parce
que la gestion participative des parcours n'était possible que sur la base des droits coutumiers, les
territoires des communautés ont retrouvé les anciennes limites des tribus (les 'arouch). Par réalisme,
l'administration a reconnu ces territoires, bien qu'en discordance avec les limites des délégations. Par
réalisme, elle a également accepté que les nouveaux groupements de développement agricole se créent
sur la base de ces unités socio territoriales traditionnelles. Dans le même projet, plusieurs autres
innovations ont été introduites, bien que certaines aient heurté des prérogatives que s'attribuaient les
administrations. Par réalisme, ces innovations ont été acceptées, tout simplement, parce qu'elles
"fonctionnaient bien". En matière de territoire, c'est une même démarche, mais à une échelle beaucoup
plus réduite, celle des terroirs villageois, que l'on retrouve dans les nouveaux projets de la Banque
Mondiale ou du FIDA. L'enseignement collectif de ces expériences de gestion territoriale se reflète
aujourd'hui dans une nouveauté du vocabulaire du développement en Tunisie, le concept d'unité socio
territoriale où l'on veut, de plus en plus, trouver le cadre spatial de base du développement participatif
des communautés rurales..

Machreq et Nord Est de la Méditerranée


Egypte, la promotion de l'agriculture et les avancées difficiles de la
décentralisation

La population rurale de l'Egypte compte 33,7 millions d'habitants (56,8% de la population totale). Elle
en comptait 16,3 millions en 1960, soit 62,3 % de la population totale. Le pays est donc resté
fortement rural mais l'agriculture a de plus en plus été associée à d'autres activités, notamment un
travail pendulaire dans les villes et une émigration dans les pays du Golfe. Les fortes densités

30
humaines des implantations urbaines et des villages rendent cependant assez arbitraires les lignes de
séparation des populations rurales et urbaines. Les politiques intervenant dans le monde rural
s'adressent différemment aux terroirs anciens de la vallée du Nil (les terroirs "hérités") et les
implantations dans les nouvelles zones irriguées (Nouvelle Vallée et régions orientales. La
spécialisation des productions agricoles, les progrès de l'intensification et l'amélioration considérable
de la qualité des produits ont déterminé une forte croissance de l'agriculture. Celle-ci est
particulièrement soutenue par des coopératives et des organisations professionnelles. La pauvreté
rurale est cependant restée forte (10.7 millions de pauvres en Egypte, dont 71% en milieu rural). Le
pays est divisé en régions (muhafazat), en régions intermédiaires (markaz), en villes et en districts, en
villages.

Le gouvernement a orienté son développement agricole sur la base de deux plans successifs. La
Stratégie Agricole pour les Années 90, lancée à la fin des années 80 dans le cadre des réformes
économiques, a donné la priorité à l'amélioration de l'efficacité et de la durabilité des modes de gestion
des sols et de l'eau, à l'élargissement des marchés, à la promotion du secteur privé et à la mise en place
de mécanismes de protection des ruraux pauvres. La stratégie suivante, Stratégies Agricoles jusqu'en
2017, se propose de poursuivre les réformes et les actions précédentes. Elle insiste cependant surtout
sur l'importance des relations entre activités agricoles et non agricoles dans l'économie rurale, sur la
nécessité d'un renforcement des infrastructures rurales et sur celle d'une protection de l'environnement
beaucoup plus engagée. Pour soutenir les composantes de développement rural de ces politiques, le
Gouvernement a mis en place deux important dispositifs, le Fonds social pour le développement,
institué pour alléger l'impact des réformes sur la pauvreté rurale, et le Programme national pour le
développement rural intégré (SHROUK). En 1996, le Gouvernement a, en outre, créé deux institutions
nouvelles, le Ministère du Développement Rural et le Ministère du Développement Local.

Les approches territoriales décentralisées en Egypte sont récentes et encore largement expérimentales.
L'Egypte a en effet une structure administrative très centralisée qui laisse peu de place aux décisions
aux échelles locales. Répondant aux souhaits de l'aide internationale, le Gouvernement s'est cependant
engagé dans des programmes nouveaux pour encourager la participation et le développement local. Le
SHROUK est le plus importants de ces programmes. Soutenu financièrement par le Fonds de
Développement des Economies Locales, ce programme s'est proposé de renforcer les mécanismes
communautaires, notamment en créant des comités de développement participatif au niveau des
villages, des districts et de gouvernorats. Les financements devaient encourager des actions pour le
développement humain, l'environnement et le développement économique. Les bilans montrent
cependant que les trois quarts des fonds sont allés à des infrastructures, à l'eau potable et à
l'assainissement. Le reste des financements a surtout aidé des petits projets productifs à l'échelle des
villages. Ces résultats montrent que les objectifs de développement local n'ont été qu'en partie
maîtrisés par les comités participatifs.

L'évaluation du programme SHROUK montre en outre que l'esprit initial de participation et de


décentralisation s'est peu à peu transformé en raison de la faible participation effective des
populations, des faibles capacités techniques des comités, de l'élitisme des représentants composant les
comités et, enfin, en raison, force de l'inertie, du poids des fonctionnaires locaux dans les prises de
décision. Le programme SHROUK n'en a pas moins constitué le premier mécanisme institutionnel en
Egypte ouvert à la participation des ONG et à des groupes de femmes et aussi, la première structure
capable d'intervenir dans les villages les plus défavorisés. On lui doit également, en dépit de son
élitisme, d'avoir favorisé l'émergence de leaders nouveaux. Après plus de dix ans, ce programme s'est
bien établi dans le paysage du développement rural.

Le Fonds Social pour le Développement s'est donné plusieurs champs d'activité pour soutenir les
ruraux pauvres: programme de développement des petites entreprises (71 % du budget total),
programme de développement communautaire et de création d'activités génératrices de revenus (11%),
programme de travaux publics locaux et d'infrastructures (10 %), programme de développement des
ressources humaines (8%). Le Fonds est parvenu de façon satisfaisante à investir ses ressources dans
les activités programmées mais il n'a pas réussi à mettre en place, comme on prévoyait au départ, des

31
mécanismes de participation de la société civile et des représentants élus. La plupart des programmes
ont été élaborés et exécutés par des administrations techniques. On note, par ailleurs, que les fonds ont
été surtout investis dans les villes, au détriment des zones rurales.

A ces programmes majeurs dont on attendait des effets sur la participation et la responsabilisation des
acteurs du développement local, se sont ajoutées quelques autres initiatives qui semblent avoir eu un
meilleur impact, probablement en raison d'un ciblage mieux focalisé. C'est ainsi par exemple que
l'USAID a apporté son soutien à un Groupe Consultatif pour une collaboration au niveau des services
communautaires. Ce programme qui s'est concentré sur 12 expériences pilotes, a montré qu'il était
possible, tout en restant dans les limites légales des structures centralisées, de créer des mécanismes de
collaboration pour mobiliser des ressources locales, faciliter l'implication des citoyens dans les
décisions relatives aux services communautaires et promouvoir les relations entre le secteur privé et
des ONG.

En dépit du poids des structures centralisées, les initiatives du récent Ministère du Développement
Local semblent avoir amorcé un changement qui devrait permettre de créer progressivement de
nouvelles conditions pour donner plus de responsabilités aux organismes élus des échelles locales et à
la société civile. Ce Ministère s'appuie en fait sur des dispositions, non appliquées et volontairement
ignorées par les gouverneurs, de la loi sur l'administration locale, qui prévoient une participation de la
société civile dans certaines prises de décision. La révision en cours de la loi renforce les pouvoirs de
décision des gouverneurs, ouvrant la voie à un processus plus affirmé de décentralisation. Certains
gouverneurs ont déjà répondu à cette ouverture, comme par exemple, le Gouverneur de Qéna qui a été
à l'origine de changements importants dans les relations entre le gouvernorat et les citoyens.

Syrie, des territoires ruraux façonnés par les projets de développement


La Syrie compte 19 millions hab. sur une superficie de 185 000 km² (densité, 93 hab/km²). Le pays est
découpé administrativement en 14 gouvernorats (muhafazat) qui regroupent 60 districts (mantiqah),
ceux-ci divisés en sous districts (nahia, nawahi). Les nawahi contiennent les villages. L'administration
est très centralisée. Les gouverneurs sont assistés d'un conseil provincial en partie élu. La population
est culturellement musulmane avec une prédominance des sunnites (78% de la population
musulmane). Elle compte aussi des alaouites et des druzes. Les chrétiens comptent pour environ 10%.
La minorité kurde compte environ150 000 personnes, majoritairement de religion yezidi. Le taux de
croissance de la population a été très élevé ces dernières décennies (2,7%/an) et sa tendance n'est
encore que faiblement à la baisse. Plus de 60% de la population est rurale, ce qui représente un des
taux les plus forts en Méditerranée.

L'essentiel du pays est constitué par un vaste plateau calcaire (hamada), surmonté de quelques reliefs
volcaniques (jebel Druze) et traversé du nord au sud par l'Euphrate. La pays est majoritairement aride.
Les ressources en eau ( 947 m3/hab/an) sont en deçà du seuil de pénurie hydrique (1000 m3/hab/an).
En dehors de Damas et Alep, la plupart des villes se situent sur la frange littorale. La population rurale
se concentre dans les zones agricoles (et majoritairement irriguées) du nord est (Djezireh) et du sud
(Hawran). Les régions sud ouest ont des activités très largement dominées par l'élevage extensif.

La Syrie se situe économiquement dans les marges inférieures des pays de revenu moyen (environ
1200$/hab). Le pétrole fournit la moitié des ressources du Gouvernement et les 2/3 des exportations.
L'agriculture joue encore un rôle important puisqu'elle contribue à hauteur de 30% au PIB. Les
ressources pétrolières devraient être épuisées en 2020 et la Syrie devrait devenir importatrice de
pétrole dès 2010.

Le développement agricole est resté, pendant plusieurs décennies, centré sur le développement
étatique des infrastructures agricole. Un rôle majeur a été joué par la Banque Mondiale dans ces
investissements. A l'époque (années 80), la Banque s'intéressa aussi au développement de l'élevage en
finançant l'organisation de coopératives d'élevage conçues sur le modèle technocratique qu'elle avait

32
développé en Afrique avec la formule du ranching. Cette expérience, gérée en fait par l'administration,
ne donna pas de résultats durables. Les investissements de caractère sectoriel et technique
concernèrent, en particulier, les activités d'épierrage des terres qui firent l'objet de plusieurs
financements du FIDA (120 000 ha épierrés dans le cadre de trois projets, Southern Region
Agricultural Development Project, Coastal/Midland Agricultural Development Project et Jebel al-
Hoss Agricultural Development Project).

Dans les deux dernières décennies, les politiques ont évolué, faisant passer les projets des approches
sectorielles et orientées sur les infrastructures ou sur les aménagements fonciers (épierrage) vers des
projets intégrés de développement rural. Le changement d'orientation fut principalement du aux
projets du FIDA qui, dans le cadre de sa priorité pour lutter contre la pauvreté rurale, entreprit de
lancer les premiers projets de développement rural intégré Actuellement, ces projets représentent
l'essentiel des expériences de territorialisation du développement rural en Syrie. Ces projets sont
encore très contrôlés par l'administration, en dépit des intentions participatives et partenariales prônées
par l'institution de financement. Des progrès sont cependant observables.

Les trois grands projets de développement rural du FIDA sont les suivants:

Le North Eastern Region Rural Development Project, qui s'est proposé d'améliorer les conditions de
vie des populations rurales pauvres des provinces de Deir Ezzor, Hassaka et Raqqa.

Le Idleb Rural Development Project qui a cherché à introduire des approches ascendantes d'un type
nouveau afin de mieux gérer les terres agricoles, améliorer l'accès à l'eau et l'efficience de l'irrigation.
Le projet est ciblé sur les agriculteurs pauvres, les femmes et les jeunes.

Le Badia Rural Development Project concerne les vastes étendues du Sud, principalement occupées
par une économie pastorale bédouine. Cette région est l'une des plus pauvres du pays. Remettant
complètement en cause l'approche technocratique qui avait servi de base au premier projet en zone
bédouine (le projet Banque Mondiale des coopératives d'élevage), le Projet Badia a adopté une
approche fondée sur une reconnaissance des droits coutumiers sur les parcours et sur une organisation
souple des éleveurs, notamment en reconnaissant leur appartenance à des communautés pastorales
traditionnelles.

Les ONG sont encore très peu développée en Syrie. La première, l'association FIRDOS a été créée à
l'initiative de la Présidente. Elle œuvre pour des actions dans les villes et dans des villages ruraux; son
impact est encore très focalisé. La stratégie du Gouvernement pour lutter contre la pauvreté, en
particulier dans les zones rurales, est définie par le dixième Plan Quinquennal 2006-2010.

Liban, la territorialisation aux prises avec l'histoire politique

Le Liban est un pays très densément peuplé (3,8 millions hab. sur 10 450 km2, 358 hab./km2). Il est
divisé en 6 régions (muhafazat): Beyrouth, Mont Liban, Nord/Tripoli, Bekaa; Nabatieh, Sud Liban. Le
pays rural se différencie d'abord par sa régionalisation naturelle. On y distingue en effet quatre grandes
zones, parallèles à la mer: une étroite plaine côtière, le massif du Mont Liban qui s'incline jusqu'au
sud, la haute plaine de la Bekaa, enfin le massif de l'Anti Liban, qui constitue une frontière naturelle
avec la Syrie. La population est composée d'un grand nombre de groupes culturels, dont les plus
importants sont les sunnites (25,4% de la population, d'après les listes électorales de 2000), les chiites
(24,1%), les maronites (22,9%). Les autres groupes (28,6%), comprennent notamment des grecs
orthodoxes et catholiques, des druzes, des arméniens et dix autres confessions religieuses. La
particularité de ce multiculturalisme est de se refléter dans l'occupation du territoire. Il est un
important facteur de la territorialisation humaine du pays.

33
Le Liban s'est, ces dernières années, préoccupé de la relance, sur des bases nouvelles, d'une politique
de développement rural. Il s'est proposé d'en trouver les bases à partir d'une territorialisation du pays,
celle-ci devant servir de plateforme pour une approche globale et concertée du développement de
chaque région. L'approche territoriale part d'une conception nouvelle du rapport des populations au
projet de développement en se proposant de favoriser la mobilisation, la consultation et la concertation
entre les partenaires et acteurs locaux du développement.

A la suite de substantiels travaux, qui ont été notamment assistés par les Nations Unies (dont, en
particulier, la FAO), le territoire libanais a été divisé en 40 sous-régions appelées "Zones Agricoles
Homogènes". Celles-ci forment, chacune, une entité socio-économique à caractère rural, se présentant
comme un ensemble relativement homogène du point de vue physique, économique et social. Les
principaux éléments qui ont présidé aux délimitations se rapportent au relief, aux aspects agricoles,
aux moyens de communication, aux flux humains, à la circulation des marchandises, au savoir-faire
dans le domaine agricole et à la dimension de la zone. Chaque zone, de ce fait, se présente comme le
fruit d'une histoire, l'expression d'un présent et le porteur des conditions de son avenir. L'Atlas
Agricole du Liban a constitué l'instrument de base de cette délimitation.

L'approche territoriale est appelé à servir à "la préparation d'un schéma directeur de développement et
à la détermination des vocations dominantes15 de chaque zone à partir de ses réalités, de ses atouts et
de ses besoins; en tenant compte de l'ensemble des acteurs et partenaires du développement".
L'élaboration d'un cadre de mise en cohérence est en cours de réalisation. On en attend la constitution
d'un référentiel de base qui permettra d'orienter les actions de développement et de favoriser les
synergies. La FAO poursuit actuellement des activités pilotes pour stimuler l'implication des
populations dans la territorialisation et pour les former aux processus de décision (La FAO développe,
à cet égard, un concept de médiation territoriale). Sa démarche implique notamment une validation de
la délimitation de la zone homogène concernée, un diagnostic participatif et un travail collectif pour
identifier les créneaux de compétitivité de la zone.

Les efforts pour mettre en œuvre une politique de territorialisation se poursuivent en dépit des
multiples tensions politiques qui divisent le Liban en factions fortement territorialisées.
Paradoxalement, l'approche territoriale du développement rural pourrait apporter des éléments de
réponse à la fragmentation politique du territoire. En donnant, en effet, un contenu à des "territoires de
développement" diversifiés et au sein desquels des populations pourraient retrouver une identité
locale, la politique de territorialisation pourrait offrir des itinéraires de sortie pour passer de la
territorialisation "politique" et "factionnelle" à une "territorialisation de développement". Celle-ci
utiliserait les différences comme un atout de développement, en particulier en stimulant la
compétitivité des divers territoires. Au lieu de diviser davantage le pays, la politique des zones
homogènes agricoles pourrait donc, au contraire, s'avérer être, dans le futur, une force fédératrice et un
puissant outil de développement dans un contexte de multiculturalisme.

Turquie, la priorité de la structuration des activités agricoles

La Turquie compte 7 grandes régions géographiques. Administrativement elle est divisée en 12


régions du niveau NUTS 116, 26 sous régions du niveau NUTS 2, 81 unités territoriales assimilables à
des provinces, du niveau NUTS 3 (vilayet), 850 "sous-préfectures" (NUTS 4) et 37 435 villages
(NUTS 5). Cinquante provinces ont été retenues par l'UE comme prioritaires pour le développement.
On y compte 6 projets de développement régional et 6 projets de développement rural.

15
Ce concept de "vocation dominante" a été emprunté au travail de territorialisation effectué au Maroc (cf
Stratégie 2020)
16
Les niveaux de territorialisation sont définis par l'Union Européenne par des niveaux de nomenclature
territoriale, les NUTS (Nomenclature des Unités Territoriale Statistiques, du niveau 1 à 5)

34
La population rurale (18,7 millions hab. contre 24,9 millions en 1980) représente 30,8 % d'une
population totale de 60,8 millions hab. Cette population rurale vit dans 37435 villages et 46 235 sous
villages, soit 83 669 agglomérations rurales. Près de 50 % de ces agglomérations rurales se trouvent
dans des montagnes et des régions forestières. Les populations rurales de ces zones défavorisées
comptent quelque 10 millions habitants. La superficie totale du pays est de 78 millions ha. La SAU
occupe 35,8% de cette superficie, les parcours, essentiellement collectifs, 10,9% et les forêts, 25,9 %.
Les parcours sont nettement surexploités avec un équivalent de 3 bovins/ha quand la charge ne devrait
pas dépasser 1 bovin/3 ha. L'agriculture contribue à hauteur de 14,8 % à la valeur ajoutée totale (sa
contribution était de 39,1% en 1960).

La superficie moyenne des exploitations est de 5,4 ha mais cette moyenne dissimule une structure des
exploitations inégalitaire. 67,1% des exploitations ont moins de 5 ha et occupent 22,1% de la
superficie agricole. Les exploitations de 5 à 20 ha représentent 27,6% du nombre des exploitations
avec 40,9% de la superficie. Quelque 10 000 exploitations (0,9% du nombre des exploitations) ont
plus de 50 ha avec 17,1% de la superficie. D'autres sources sembleraient indiquer une concentration
des terres beaucoup plus fort aux mains de "très grands propriétaires" (les derebeyt) et de "grands
propriétaires (les agha.) Les ruraux sans terre comptent 80 000 familles. Au total, on compte environ 1
million de familles rurales. Une loi de réforme agraire de 1975 a cherché à modifier la répartition des
terres. Abrogée en 1977, elle a été reformulée en 1985 mais elle a été peu appliquée.

La profondeur ruralité a été évaluée en combinant le ratio population rurale/ population totale et le
ratio population active agricole/ population active totale. Les valeurs de plus de 0,6 indiquent une
ruralité profonde. Les régions de ruralité profonde (20,8% de la superficie du pays) sont généralement
pauvres. Elles ne produisent que 7,1% du PIB. Les valeurs entre 0,4 et 0,6 indiquent une ruralité
moyenne. Les régions de ruralité moyenne (70,7% de la superficie) produisent 45,5% du PIB. Les
valeurs de moins de 0,4 indiquent une ruralité faible. Ces régions (8,4% de la superficie) produisent
47,4% du PIB

Dans les années 70 à 80, la politique territoriale a privilégié la notion de village central. L'objectif était
essentiellement de rapprocher les services de l'Etat des populations. Les politiques dans le secteur
agricole de cette période furent essentiellement caractérisées par un interventionnisme centralisateur et
protectionniste. A partir des années 80, cette forme d'interventionnisme fut remise en cause par les
ajustements structurels. Une nouvelle priorité fut alors donnée aux projets de développement rural
intégrés, principalement financés par les institutions de financement internationales. Ces projets furent
surtout ciblés sur des régions à fort potentiel agricole. Le plus grand projet a été celui de l'Anatolie du
Sud Est. Initialement conçu pour la production d'énergie et pour l'irrigation, ce projet s'est
progressivement transformé en un projet de développement régional intégré. Les aides apportées par
l'UE ont, elles aussi, été surtout utilisées pour améliorer la compétitivité des régions agricoles les plus
porteuses. Ces politiques ont considérablement renforcé la place de l'agriculture turque dans
l'ensemble euro méditerranéen. La Turquie est aujourd'hui un grand pays agricole. Mais ce
développement ciblé a eu pour contrepartie le délaissement des régions défavorisées (plus de la moitié
de la population rurale). Plusieurs projets régionaux de développement rural ont été lancés depuis pour
combler ce déficit politique mais les résultats en sont encore limités.

Les projets de développement rural concernent des zones situées dans le Centre Nord/Nord Est de la
Turquie. De fait, il s’agit plutôt de politiques régionales mises en place de manière aussi cohérente que
possible dans la perspective de l'éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE. Le plan actuel prévoit outre
les subventions habituelles aux fonctionnement des régions, la création d’emplois et la formation des
ressources humaines, des subventions pour les petits investissements relatifs aux infrastructures, des
actions de développement rural proprement dits, le renforcement des mécanismes de gouvernance
favorables au développement local et le développement des capacités institutionnelles locales.

Le Ministère de l'Agriculture et des Affaires Rurales et l'Organisation de la Planification nationale ont


adopté une stratégie de développement rural qui devait servir de base à l'élaboration d'un plan
d'action. Cette stratégie devait également servir pour la mise en place d'un Instrument de pré adhésion

35
pour le développement rural (IPARD). Le rapport produit par l'UE en novembre 2006, dans le cadre
du suivi de la demande d'adhésion de la Turquie, constate les retards de la mise en œuvre du plan
d'action. Il note, en particulier, que l'adaptation de la législation a produit des résultats inégaux dans le
domaine de l'agriculture, bien que quelques progrès aient pu être observés en matière de
développement rural. Le rapport remarque cependant que l'adoption par la Turquie d'une nouvelle loi
sur l'agriculture dans le cadre de la mise en œuvre de son "Document de stratégie agricole 2006-2010"
l'éloigne des principes de la PAC réformée. Les programmes de l'UE pour le développement rural
(comme les autres programmes) ont, pour la plupart, été affectés par les altérations et les difficultés du
processus de négociation en cours.

Albanie, ruralité et espaces en mutation rapide

L'Albanie est un pays montagneux relativement peu étendu. Sa superficie totalise 28,750 km2.
Seulement 700000 ha (24% du total) sont classés comme terres agricoles. Les forêts occupent un peu
plus de 1 million ha (36 %) et les parcours naturels, 450 000 ha (15 %). Le reste (25 %) correspond
aux villes, aux lacs (135 000 ha) et aux espaces inutilisables. Ces terres se répartissent entre trois
grandes zones: (i) les terres basses, où se concentrent les villes, les activités industrielles et
l'agriculture la plus moderne; (ii) les collines, qui constituent la zone la plus étendue, la plus agricole
(oliviers, vignobles, fruitier) et la plus densément peuplée par la population agricole; (iii) les zones
montagneuses, peu peuplées et dominées par les forêts et par des activités d'élevage extensif qui
surexploitent les parcours.

Le pays est divisé en 12 préfectures, 36 districts, 43 mairies et 315 communes. Chaque préfecture
compte en moyenne 3 districts; chaque district comprend 1 à 2 mairies (villes) et 8 à 9 communes avec
9-10 villages, soit environ 3000 villages au total.

L'économie de l'Albanie s'est profondément transformée depuis que ce pays est entré, depuis 1991,
dans une transition vers l'économie de marché. L'agriculture reste cependant une base principale de
l'économie. Ses progrès ont été nets avec la mise en oeuvre de réformes importantes, dont une
privatisation massive des terres collectivisées. Le facteur de changement le plus déterminant a
cependant été celui qui a affecté les mouvements de population. Ceux-ci, très limités et très contrôlés
jusqu'en 1990, ont pris une extension massive dès que les contrôles ont été relâchés. L'évolution de la
population de 1979 à 2001 montre à la fois l'accélération de l'exode rural et l'importance de
l'émigration en dehors des frontières. La population rurale a perdu 210 000 habitants entre 1994 et
1997 (soit près 10 % pop rurale en 1994). D'autres estimations montrent que plus du quart de la
population rurale, surtout parmi les plus jeunes, aurait déserté les zones rurales depuis 199117.
Globalement la population en 2001 compte 100 000 habitants de moins qu'en 1989; l'émigration
extérieure serait ainsi équivalente à ce chiffre plus le croît naturel de 1989 à 2001. Les revenus de
l'émigration jouent, de ce fait, un rôle considérable dans l'économie du pays. On estime que ces
revenus représentent environ 18 % du PIB de l'Albanie et entre 30 et 50 % du revenu des foyers
ruraux.

Evolution de la population 1979- 2001


1979 1989 2001
Population totale 2 590,6 3 182,4 3 087,2
Population urbaine 866,6 1 129,8 1 299,9
Population rurale 1 724,0 2 052,6 1 787,3

17
Si la population rurale avait évolué de 1989 à 2001 au même taux que pendant la précédente décennie, la
population rurale aurait du totaliser quelque 2,45 millions habitants en 2001. Ce chiffre comparé à celui de la
population rurale effectivement comptabilisée en 2001 (1,78 millions ruraux) montre une différence de quelque
675 000 personnes. Cette différence donne un ordre de grandeur plausible de l'émigration hors des zones rurales
entre 1989 et 2001, soit environ 27 % de ce qu'aurait été la population rurale sans émigration en 2001. (Cette
émigration n'a, en fait, commencé qu'après 1990).

36
La structure des exploitations agricoles reflète à la fois les changements dus à la Réforme agraire
(surgissement d'un secteur privé occupant la majorité des terres agricoles et prédominance des petites
exploitations de 0,5 à 3 ha) et ceux dus à l'exode rural (diminution du nombre des exploitations, 460
000 exploitations au lendemain de la réforme, 444 000 en 1995 et 375 000 en 1998). L'exode rural a
également un impact très fort sur la mise en valeur agricole. On estime en effet qu'en raison de
l'émigration, près de 35% des terres agricoles sont en friche, surtout dans les zones montagneuses.
L'urbanisation accélérée a, par ailleurs, un impact fort sur les terres agricoles (20 000 ha prélevés dans
les zones les plus fertiles pour les extensions urbaines).

Changements dus à la Réforme agraire (superficie par type d'exploitation (en 1000 ha)
Secteur Etat Coopératives Exploitations privées Total
Superficie agricole 1990 170 504 30 704
Superficie agricole 1997 20 -- 680 700

La distinction entre les types de ruralité part d'une distinction très vague des agglomérations
considérées comme urbaines et comme rurales. En combinant plusieurs critères, on peut néanmoins
distinguer plusieurs degrés de ruralité mais, en tout état de cause, avec, dans tous les cas, une forte
dominante de ruralité (dans les zones de ruralité la plus faible, la population rurale représente encore
près de la moitié de la population). La ruralité de l'Albanie est cependant en cours de transformation
rapide du fait de l'exode rural. Ses configurations pourraient ressembler assez vite à celles de la Grèce.

Caractéristiques des types de ruralité en Albanie


: % pop rurale/ pop totale densité (hab/km2 ) Nbre exploitations % Sup pays
pour 1000 hab
Rural profond 69,2 71,9 158,8 45%
Rural moyen 59,7 190,8 137,7 3 2%
Rural faible 47,5 345,4 96,4 23%
Moyenne nationale 51,4 136,4 119,0 100%

Les stratégies de développement de l'agriculture mise en œuvre depuis 1991 ont essentiellement
concerné la mise en œuvre des réformes et la mise à niveau du secteur agricole. La première stratégie a
été désignée par l'appellation de "Stratégie verte pour le développement de l'agriculture". Depuis,
plusieurs initiatives susceptibles d'influencer le développement rural ont été mises en œuvre. Il s'agit,
en premier lieu, de la Stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Growth and Poverty
Reduction Strategy). Cette stratégie se propose notamment de favoriser l'émergence d'un
environnement participatif où convergeraient les institutions gouvernementales et la société civile. Il
s'agit ensuite du Programme de dépenses à moyen terme (Medium Term Expenditure Framework). Ce
programme se propose d'améliorer les processus de consultation pour l'élaboration des budgets
stratégiques et d'améliorer les processus participatifs. Il s'agit, en troisième lieu, de la Stratégie de
décentralisation. Celle-ci se propose de décentraliser de nombreux services mais la loi sur les
gouvernements locaux n'a pas encore défini leurs compétences en matière de gestion des services. Il
n'en reste pas moins que, dans les prochaines années, c'est cette stratégie qui pourrait le plus influencer
les approches de développement rural. A ce stade cependant, on ne voit pas encore se dégager de
politiques spécifiques de territorialisation du développement rural ou, dans un cadre plus global,
d'approches de développement territorial. La seule amorce perceptible est celle qui pourrait être
induite par la Stratégie de décentralisation.

37
II. LES POLITIQUES ET APPROCHES TERRITORIALES :
UN ESSAI DE VUE PANORAMIQUE

L'administration territoriale et les politiques de décentralisation

L'approche territoriale des stratégies de développement rural


La territorialisation dans les stratégies de l'UE
Le développement territorial dans les approches de la FAO.
Territoire et développement local dans la France rurale en 2030
L'approche locale dans la stratégie et la prospective au Maroc
Stratégie de développement rural et projets de proximité en Algérie
La stratégie méditerranéenne de développement durable
Les approches territoriales fondées des Plans d'action pour l'environnement

Les approches territoriales ciblées sur les projets de développement rural


L'approche LEADER
Les approches des projets intégrés de développement rural
L'approche "terroir"

Les approches fondées sur le développement territorial


L'approche "pays"
L'approche "parcs régionaux"

Les approches fondées sur l'aménagement du territoire


Les schémas d'aménagement du territoire
Les ""bassins de vie"
La "petite région rurale"

Les approches fondées sur la compétitivité des territoires


Les approches fondées sur la territorialisation de l'agriculture
Capital territorial et compétitivité des territoires
La géographie des territoires de fait

38
II. LES POLITIQUES ET APPROCHES TERRITORIALES :
UN ESSAI DE VUE PANORAMIQUE

Comment les politiques des pays méditerranéens, dont on vient de survoler les grands traits en mettant
l'accent sur leurs implications dans le développement rural, prennent-elles en compte les territoires?
Mais de quels territoires s'agit-il? La question est loin d'être simple si l'on considère que les territoires
sont loin de constituer une un cadre spatial immédiatement définissable et que l'on pourrait traiter de
façon univoque. Les territoires entrent en effet dans une catégorisation plurielle. Ils existent selon la
définition que l'on en donne. En tant que cadre d'action, leur existence est aussi diverse que les
politiques dont ils sont le produit ou la projection. Le développement rural peut-il interférer avec tous
les territoires possibles? Certains territoires sont-ils plus pertinents que d'autres? Y a-t-il plusieurs
réponses possibles? La démarche est, d'évidence, de commencer par une revue succincte des diverses
approches et politiques qui définissent le fait territorial. Le questionnement sur la pertinence ne vient
qu'après.

Les découpages administratifs, et les compétences qui sont dévolues à chaque échelon, constituent le
cadre le plus général et le plus prégnant dans lequel s'inscrit le fait territorial. Les stratégies de
développement rural, à l'inverse, décrivent une vision possible ou souhaitée du territoire. Les projets
de développement rural dessinent, pour leur part, des territoires conformes aux intentions de ces
projets. Pertinents par rapport à leurs objectifs, ils ne sont pas nécessairement adaptés à la complexité
des relations spatiales et à la longue durée. Les approches de développement territorial ont, elles,
l'objectif explicite de promouvoir des formes territoriales. La question est de savoir dans quelle mesure
ces formes conviennent au corps social et à ses projets. Les approches de l'aménagement du territoire,
de leur coté, dessinent les territoires par la structuration de leur contenu. L'expertise, avec ses risques,
joue un rôle important dans les choix qui leur donnent consistance. Plusieurs autres approches
territoriales se formulent par rapport à des programmes spécifiques. Leur existence ne vaut que ce que
vaut la réalisation de ces programmes. Ils n'en restent pas moins des territoires rapportés, peu
déterminants dans la cohésion spatiale. Mais au-delà de toutes ces trames, il reste encore la
géographie. Celle-ci rend compte de territoires de fait dont elle explique les raisons d'être, le
dynamisme ou la marginalité. La géographie est à l'amont et à l'aval des politiques du territoire. Elle
les arbitre en faisant le constat des territoires qui en résultent objectivement.

L'administration territoriale et les politiques de décentralisation


Tous les pays ont une administration territoriale qui replace nécessairement les territoires ruraux dans
des circonscriptions administratives hiérarchisées. Les héritages centralisateurs de l'administration de
nombreux pays tendent à privilégier des modes de fonctionnement en échelons descendants de
contrôle administratif. Dans des pays de démocratie ancienne mais de tradition centralisatrice, ces
mécanismes descendants limitent souvent les pouvoirs de décision des organes territoriaux
décentralisés dotés d'une représentation élue. Dans les pays sans tradition démocratique, la
structuration descendante s'identifie en général à une chaîne de commandement dont les niveaux les
plus bas sont encore éloignés des sociétés locales – celles-ci n'étant représentées que par des
répondants de l'administration (chefs de village ou autres). Les organisations rurales de base sont ainsi
déconnectées des niveaux administratifs, ne conservant que des prérogatives dites traditionnelles et
non reconnues par les institutions modernes.

Les dernières décennies ont cependant connu de profondes transformations des systèmes
d'administration territoriale. Deux processus politiques ont en effet convergé pour créer de nouvelles
dynamiques socio territoriales, la démocratisation et les politiques de décentralisation. La France et
l'Italie sont les seuls pays de démocratisation ancienne dans l'Europe méditerranéenne. Dans ces deux

39
pays, les collectivités locales sont représentées depuis longtemps par des représentations élues. En
France, cependant, la centralisation de l'administration et les pouvoirs de l'Etat ont longtemps limité
les compétences des pouvoirs locaux. La décentralisation n'a commencé que dans les années 80 et elle
commence à peine à se dégager des héritages de la centralisation. En Italie, en revanche, la
décentralisation a une existence relativement ancienne. L'Espagne, la Grèce et la Portugal sont des
démocraties relativement récentes. Ces pays ont tous connu, jusqu'à ces toutes dernières décennies,
une organisation administrative très fortement centralisée. Lorsque la décentralisation a été lancée
dans les deux pays de la péninsule ibérique, ses effets ont été tout de suite très forts et très rapides.
L'Espagne est aujourd'hui plus effectivement décentralisée que la France. La Grèce a aussi entrepris de
se décentraliser et elle a, à cet effet, réalisé une très profonde réorganisation de son administration
territoriale. Cette politique est cependant encore tiraillée par les incidences contradictoires de l'héritage
des anciennes divisions territoriales, de la prégnance des nouvelles structures administratives et de la
force d'inertie de la tradition centralisatrice.

Les régimes politiques des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, ont tous été dominés, Liban et
Israël mis à part, par des formes de gouvernement autoritaires et centralisatrices. Ces formes de
gouvernement ont cependant été souvent accompagnées de réformes qui ont notamment contribué à la
mise en place de collectivités territoriales dirigées par des conseils élus. Au Maroc, en Turquie, en
Algérie, les structures communales existent en effet depuis longtemps. Leurs compétences et leurs
pouvoirs ont cependant été longtemps limités par la lenteur de la démocratisation et par les
dysfonctionnements du système parlementaire. Aujourd'hui, la démocratisation des petits pas a fait de
grands progrès dans certains pays. Les collectivités locales y ont gagné des pouvoirs politiques
nettement plus forts. Et, signe de cette démocratisation, certains pays se sont engagés dans de
véritables politiques de décentralisation, passant ainsi de la déconcentration aux échelles régionales à
de véritables dévolutions de compétences. Ces processus sont lents mais ils témoignent, là où ils ont
été engagés, de progrès politiques nettement inscrits dans la longue durée. La démocratisation dans les
pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée n'en reste pas moins caractérisée par l'inégalité de ses
rythmes de progrès.

L'approche territoriale des stratégies de développement rural

Les stratégies ou les études prospectives de développement rural les plus récentes se distinguent de
leurs homologues des périodes précédentes en cela qu'elles sortent le développement rural des
classiques juxtapositions sectorielles (agriculture, infrastructures, eau potable, santé, etc.) et le
resituent autour d'actions intégrées conçues dans un cadre territorial bien défini. Elles y associent
fortement les notions de territoires de proximité et de participation des acteurs locaux. On illustre ces
remarques par quelques exemples qui montrent comment cette nouvelle perspective du développement
rural s'exprime dans les intentions et les propositions stratégiques.

Dans cette section, on analyse successivement la territorialisation dans les stratégies de l'UE, le
développement territorial dans les approches de la FAO, l'approche "territoire et développement local"
dans la France rurale en 2030, l'approche locale dans la stratégie et la prospective au Maroc, la
stratégie de développement rural et les projets de proximité en Algérie, la stratégie méditerranéenne de
développement durable, les approches territoriales fondées des Plans d'action pour l'environnement

La territorialisation dans les stratégies de l'UE

L'Union Européenne s'est proposée une stratégie territoriale avec un objectif de promotion d'un
développement polycentré, dont elle attend un renforcement des cohésions régionales et une réduction
des inégalités entre territoires. Elle suit la mise en œuvre de cette stratégie par le canal d'un Réseau
d'Observation de la Planification Spatiale Européenne (EPSON) (cf doc.15). L'UE s'est, dans ce
contexte, interrogée tout particulièrement sur les effets territoriaux de ses fonds structurels.
Globalement, ses constats sont plutôt négatifs: les zones urbanisées et les pôles économiques

40
continuent à attirer la plus grande partie des financements tandis que les inégalités, mesurées par le
revenu par tête, restent fortes et que les périphéries sont délaissées. L'UE constate, cependant, que les
pays ou régions éligibles pour des fonds structurels, ont un polycentrisme plus développé et qu'ils sont,
territorialement, plus performants que les pays et régions non ou mal polycentrés. Ces pays
polycentrés comprennent la Grèce, l'Espagne, le Portugal et le Mezzogiorno en Italie. La répartition
des villes moyennes (de 10 000 à 50 000 habitants) est en outre un facteur de différenciation dans un
même pays. On peut, par exemple, constater un contraste, en Espagne, entre l'Andalousie et la
Castille-Manche (où ces villes sont très nombreuses) et l'Aragon et la Castille-Leon où l'on en trouve
peu. Dans ces dernières régions, la prédominance de l'habitat en villages stimule l'émigration des
jeunes et le vieillissement de la population restante (au contraire des premières régions où les villes
intermédiaires peuvent devenir des foyers de développement et, de là, des relais de fixation locale de
la population rurale).

Au regard des faiblesses qu'il constate, le Réseau d'Observation suggère que les fonds structurels
pourraient mieux favoriser le développement territorial polycentré si ce concept, essentiellement
politique, était mieux intégré dans les instruments et systèmes de gouvernance. Les mêmes
observateurs soulignent que les niveaux territoriaux méso er micro, qui sont les niveaux effectifs des
programmations, sont les niveaux les plus efficaces pour renforcer ou introduire le polycentrisme
grâce aux aides des Fonds Structurels. Ce constat nous ramène aux échelles auxquelles opèrent les
programmes de développement rural de l'UE, le micro et le méso correspondant à des échelles
territoriales éligibles pour le programme LEADER.

En matière de territorialisation du développement rural, la Commission européenne prône la


subsidiarité à toutes les échelles territoriales. L'attribution des Fonds Structurels a donné la priorité aux
territoires régionaux en difficulté. Les Programmes d'Intérêts Communautaires se sont proposés
d'encourager l'émergence de territoires de développement local endogène. La constitution d'un fonds
unique de développement rural privilégie le développement local des territoires ruraux éligibles

L'approche du territoire dans les méthodes de la FAO

Jusqu'à très récemment la FAO a ignoré les approches territoriales. Certes, elle a toujours pris en
compte les milieux bio physiques, dont les ressources servaient de base à l'agriculture. Son analyse
donnait la priorité aux "zonations", sols, données climatiques, ressources en eau, qui permettaient de
différencier les potentiels de production. La FAO a, à cet égard, accumulé des connaissances
considérables sur tous les écosystèmes agro pastoraux et forestiers du monde. Les projets de
développement, qu'elle a aidé à préparer un peu partout dans les pays en développement, furent conçus
sur ces mêmes bases du "bio physique". Plus tard, les approches systémiques enrichirent la
compréhension des rapports entre les exploitations et leur milieu physique mais sans pour autant
s'interroger sur les rapports sociaux et politiques qui s'établissaient entre des acteurs (les exploitants) et
les territoires qu'ils utilisaient pour produire. Les agro économistes surimposèrent à ces approches, une
vision comptable du fonctionnement des exploitations. La diversité des situations dans les différentes
zonations agro écologiques était résumée dans l'identification de "modèles d'exploitation" , les fameux
"farm models". L'économie d'un projet revenait à répartir statistiquement ces modèles dans les
différentes zones, à apprécier les marges de progrès de chaque modèle, à déterminer le nombre
d'exploitations qui pouvaient intégrer le projet, compte tenu des ratio "d'encadrement" et de la durée
du projet, puis à agréger toutes ces unités pour en déduire la rentabilité globale du projet (le fameux
"taux de rentabilité interne"). Cette description est à peine caricaturale. Elle a été à la base d'un nombre
considérable de projets qui furent soumis au financement de la Banque Mondiale ou d'autres
organisation18.

18
Le coté simplificateur de ces approches poussèrent l'auteur de ce rapport à écrire, au milieu des années 80, un
mémorandum FAO dans lequel il dénonçait cette vision techniciste des territoires. Il avait donné à ce pamphlet
un titre polémique: "l'espace, dimension cachée du développement rural"

41
La philosophie des projets "participatifs", qui s'imposa à partir des années 80, fit évoluer le cadre des
réflexions méthodologiques. Ce fut la grande époque des approches "terroir". Tandis que les "terroirs"
étaient étudiés selon les mêmes méthodes de zonation bio physique, la participation revenait à faire un
diagnostic avec la population et, de là, à faire accepter des actions de mise en valeur qui
correspondaient à la meilleure utilisation des ressources de chaque zone du terroir19. Les approches
participatives eurent cependant pour effet d'élargir progressivement le champ de référence. Le dernier
avatar fut celui de la décentralisation et des méthodes susceptibles d'y préparer les ressources
humaines locales.

C'est à ce dernier stade, et très récemment, que la FAO est entrée dans une logique territoriale.
Différentes expérimentations ont débouché sur une approche du développement rural fondée sur un
développement participatif territorial et négocié (méthode DPTN). Cette approche est mise en œuvre
dans quelques pays (cf doc.202&204). Son examen montre cependant que l'approche prend surtout en
compte l'appropriation, par les acteurs locaux, des concepts de décentralisation. Elle reste faible sur les
problématiques liées aux spécificités sociales et politiques de chaque territoire. Depuis peu, cependant,
cette insuffisance est questionnée par un nouveau groupe de travail de la FAO qui réfléchit sur les
territoires selon l'approche que l'on évoque dans le dernier chapitre du présent rapport, à savoir selon
une approche considérant "l'approche territoriale" comme un "concept socio politique" (cf doc.198).

La Banque Mondiale s'est d'autant plus conformée aux approches et méthodes de la FAO que, pendant
longtemps, celle-ci fut à l'amont de la production méthodologique. Depuis, la diversification de ses
activités et son élargissement institutionnel ont amené la Banque Mondiale a définir ses propres
approches territoriales dans les domaines du développement local, de la décentralisation, de la
gouvernance. Ses avancées méthodologiques ont cependant été très souvent fragmentées du fait même
de la segmentation de ses structures opérationnelles. Il en résulte que les messages de la Banque sur la
territorialisation manquent souvent de lisibilité, en particulier lorsqu'il s'agit du développement rural. Il
est, à cet égard, frappant de constater que le rapport le plus récent de la Banque Mondiale sur
l'agriculture (World Development Report, 2007) ne fait pratiquement aucune mention des approches
territoriales. Celles-ci constituent pourtant le cadre socio politique incontournable de la plupart des
recommandations faites pour associer l'agriculture à des processus d'activités non agricoles. Le
territoire n'est mentionné qu'à propos des approches "terroir" (community based resource
development) et lorsque l'on rapelle l'intérêt du développement territorial en "grappes (clusters) pour
dynamiser des activités rurales non agricoles.

Le PNUD est par contre plus en avance et, en raison de sa forte implication dans les politiques de
"gouvernance", cette institution n'a pas échappé aux interrogations sur le territoire. C'est à son
initiative que l'on doit la Première convention internationale pour une approche territoriale du
développement (cf doc.74) qui s'est tenue à Marseille en mars 2006. Le titre même marque un progrès
considérable

Territoire et développement local dans la France rurale en 2020

L'étude prospective de la DATAR intitulée Quelle France rurale pour 2020 (cf doc.264) propose deux
scénarios d'évolution des régions rurales. Le premier scénario poursuit les tendances actuelles et voit
la ruralité se décomposer et passer sous une domination urbaine. Ce scénario est jugé inacceptable car

19
Ce sont des constats sur le décalage entre le terroir vu par les techniciens et le terroir perçu par les populations
qui déterminèrent l'auteur du présent rapport à se lancer dans l'expérimentation d'une approche des terroirs à
partir de la vision qu'en avaient les acteurs locaux et à partir de leur géographie mentale des terroirs. Cette
méthode, lancée à la fin des années 80, est, ainsi que ses instruments d'application, aujourd'hui arrivée à maturité
(voir par exemple son application en 2004 dans le projet de développement intégré du Sud Est de la Tunisie).
(172). On en trouvera l'historique et la descri^tion dans "Développement local et communautés rurales,
Approches et instruments pour une dynamique de concertation", G. Lazarev et M. Arab, Karthala, Paris, 2002.

42
porteur d'inégalités et de fractures sociales, écologiquement non durable et générateur de tensions. Un
scénario alternatif pourrait conduire à un développement rural durable mais au prix d'un volontarisme
fort. Les lignes de force en seraient la résorption de la fracture rurale, la maîtrise de l'économie
résidentielle, la promotion de nouveaux rapports entre villes et campagnes, la croissance combinée de
l'agriculture et d'autres activités économiques, l'anticipation des changements environnementaux ,
enfin, la promotion des "logiques territoriales".

Ces logiques partent de l'idée centrale d'un développement des territoires ruraux en tant que creuset de
toutes les formes de solidarité et de proximité. La proximité géographique permet à des acteurs voisins
dans un territoire de mettre en commun des moyens pour faire avancer leur projet. La proximité de
réseaux (par exemple, les plates-formes technologiques), qu’ils soient virtuels ou non, permet de
mettre en commun des idées et stimuler l’innovation. La proximité institutionnelle enfin, permet
inscrire le projet dans une dynamique plus large et l'associer, si besoin est à des soutiens collectifs.
L’organisation de ces différentes “proximités” doit être encouragée dans le cadre de projets de
territoires.

Les pays, comme territoires de projets, constituent des espaces de réflexion et de coordination
stratégique déterminants. C’est à leur niveau que l'on peut repenser les rapports villes-campagnes, les
relations structurantes, en termes de services, des pôles ruraux, l’organisation en réseau de l’espace
rural. Leurs dynamiques trouvent leurs bases dans l’intercommunalité, l'engagement des élus, les
conseils de développement, les partenariats public-privé. L’ingénierie territoriale a un rôle essentiel
dans ces processus mais pour la rendre plus efficace, il importerait de décloisonner les acteurs et les
pratiques, en particulier en mutualisant des savoir-faire et les bonnes pratiques.

L'approche locale dans la stratégie et la prospective au Maroc

La Stratégie 2020 de Développement Rural du Maroc (cf doc.319) a été la première au Maroc à poser
le débat du développement rural en termes de niveaux territoriaux. Elle prend en considération la
territorialisation de l'agriculture selon les données des milieux agro écologiques ainsi que la hiérarchie
de l'organisation administrative. Elle constate cependant qu'en matière de développement rural il est
essentiel de déterminer un niveau territorial de base permettant d'agir de façon multidimensionnelle et
multifonctionnelle tout en respectant des critères d'homogénéité de l'écosystème, des critères de
proximité économique et sociale, des critères de représentativité politique, des critères de taille
minimum en matière d'économies d'échelle, enfin des critères de communauté d'intérêt des acteurs. La
Stratégie observe qu'aucune des unités existantes ne remplit ces critères. Les villages et les communes
rurales (qui regroupent des dizaines de villages) sont des espaces trop limités, les provinces par contre
sont trop éloignées des échelles de proximité. Les régions ont, quant à elles, de toutes autres fonctions.

Pour avancer sur ce terrain, la Stratégie s'interroge sur le concept de "petite région" qu'elle associe à
l'idée de "pays". Pour en déterminer l'assiette, elle prend en compte l'existence de fait de territoires
polarisés par un centre urbain et qui assure les fonctions administratives et les services primaires en
desservant un maillage de plusieurs communes rurales (elle retrouve, en fait, l'idée des "bassins de vie"
de l'INSEE en France et dont elle n'avait pas alors connaissance). Le constat est fait que de telles
unités territoriales, qui ne correspondent pas à des circonscriptions administratives dotées de
compétences, ne pourraient jouer un rôle utile dans le développement rural que dans la mesure où elles
correspondraient à un niveau d'expression politique. La Stratégie propose d'y répondre en promouvant
l'intercommunalité prévue par les textes. L'un des apports de cette proposition est d'associer le rural à
la ville. L'approche territoriale de la Stratégie 2020 donne ainsi un support crédible à une stratégie
dont les deux grands volets concernent d'une part, le développement agricole et la bonne gestion des
ressources naturelles et, d'autre part, la diversification des activités économiques à partir, en grande
partie, des activités induites par une politique volontariste d'urbanisation intermédiaire et de
développement des bourgs ruraux.

43
La Stratégie 2020 est restée au Maroc un cadre de référence plus qu'un cadre programmatique. Ses
concepts et ses propositions ont cependant fait leur chemin pour devenir aujourd'hui une sorte de toile
de fond des réflexions sur le développement rural et local. Le Schéma National d'Aménagement du
Territoire (cf doc.326) retrouve la même nécessité d'une territorialisation rapprochée qu'elle associe à
des "territoires de projets". De tels territoires sont progressivement identifiés dans les Schémas
régionaux d'aménagement du territoire. Le Ministère de l'Agriculture (cf doc.324) reprend le thème de
la territorialisation en mettant en avant une vision d'une autre agriculture fondée sur l'ouverture
raisonnée sur les marchés extérieurs, la diversification territoriale, la prise en compte de la pluralité
des systèmes d'exploitation, la gestion durable des ressources naturelles. Toutes ces idées se
retrouvent dans l'étude prospective de l'agriculture 2030 du Commissariat au Plan (cf doc.321). Le
scénario qui lui paraît le plus souhaitable pour le Maroc, retrouve les orientations essentielles de la
Stratégie 2020. L'adaptation des productions à la diversité des milieux, l'option d'un maillage
d'urbanisation intermédiaire pour diversifier les activités économiques, la mise en place de structures
de proximité pour impliquer les acteurs convergent toutes vers des approches territoriales.

Stratégie de développement rural et projets de proximité en Algérie

Le Plan National de Développement Agricole et Rural (cf doc.222 &223 &224) se présente comme un
ensemble de programmes diversifiés qui se proposent essentiellement de promouvoir l'amélioration de
l'agriculture et celle des conditions de vie des populations. Il se fonde sur une nouvelle approche et
traduit la volonté de mettre en place une dynamique intégrée de développement local et décentralisé.
La participation de tous les acteurs locaux (institutions publiques et administrations techniques,
collectivités locales, organisations professionnelles, associations, groupements villageois,
communautés locales) est à la base du processus de mise en œuvre.

Le projet de proximité de développement rural (PPDR) doit être l'outil privilégié de ce programme.
Les PPDR sont conçus comme des projets intégrés et multisectoriels, réalisés sur des territoires ruraux
identifiés en fonction d'un objectif de stabilisation des communautés rurales. Ces projets se proposent
de favoriser la mobilisation des ressources hydriques, la mise en valeur des terres et les améliorations
foncières, des actions de reforestation, de désenclavement, de mise en défens, de plantations
pastorales, d'amélioration des communications, la création d'unités d'élevage et de petites exploitations
agricoles, la création de petites unités de valorisation des produits et des savoirs faire des terroirs, la
création de marchés locaux. Ces projets sont en outre conçus dans une perspective d'intégration aux
actions de développement local touchant à l'électrification rurale, l'ouverture et la modernisation du
réseau routier, l'approvisionnement en eau potable, la santé, l'éducation, etc.

La *Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable (SMDD)

La Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable pose explicitement la problématique du


développement local (cf doc.51). Elle souligne en effet "l'importance d'une gestion de l'environnement
fondée sur une planification territoriale intégrée et un système de responsabilité partagée". Cette
recommandation implique que l'on s'engage à développer des réseaux et à encourager le dialogue entre
les acteurs, la diffusion du savoir et la formation aux pratiques de gestion efficiente". En matière de
développement rural et de gouvernance locale, cette stratégie recommande "d'encourager les efforts
nationaux pour promouvoir des programmes et plans de développement agricole et rural durable sur la
base d'un développement local et participatif, en vue d'atténuer les déséquilibres territoriaux et sociaux
et d'améliorer les conditions de vie des ruraux". Cette stratégie formulée dans le cadre du PNUE a été
signée par les ministres de l'environnement de la Méditerranée, c'est-à-dire par des ministères qui sont
confrontés à des problèmes d'action intégrée, en particulier dans le milieu rural, mais sans toutefois
avoir de moyens directs pour influencer les politiques. On ne peut donc attendre d'effets en milieu
rural des recommandations de cette stratégie méditerranéenne, que dans la mesure où elle deviendra
une priorité gouvernementale et où elle aura été intégrée dans les politiques de développement rural.

44
Les Plans d'action pour l'environnement

Les recommandations du Sommet de la Terre de Rio ont entraîné ou réanimé plusieurs conventions
internationales sur l'environnement. En général sous l'égide des Ministères de l'Environnement, la
plupart des pays signataires se sont engagés dans la préparation de Plans d'Action pour la mise en
œuvre de ces conventions. Il existe ainsi des plans d'action pour le changement climatique, pour la
protection de la biodiversité, pour les "régions humides" (RAMSAR), pour la lutte contre la
désertification. Cette dernière convention fait spécifiquement référence à une approche intégrée et
territoriale (qu'elle décrit notamment dans son Annexe 4). En outre, plusieurs documents du
Secrétariat se penchent sur les politiques possibles pour accorder cette lutte avec le développement
local. La plupart des Plans d'action pour la mise en œuvre de cette convention mentionnent ces
approches intégrées et participatives. Ils identifient en général des zones d'action prioritaires mais
d'une façon générale, les actions qu'ils proposent ne disposent pas de moyens de financement
autonomes et elles se dégagent mal des actions sectorielles du Ministère de l'Agriculture et de
l'administration des forêts. En dépit de leurs ambitions, ces Plans d'action n'ont aucune incidence réelle
sur une territorialisation structurée autour des risques de désertification. Cette territorialisation
n'apparaît en fait que dans les zonations cartographiques qui sont produites par l'observatoire
scientifique du Secrétariat.

Les exceptions à ce constat sont peu nombreuses. L'Italie nous en donne un exemple intéressant. Des
actions centrées sur des territoires ont en effet été expérimentées dans trois territoires situés dans les
Pouilles, la Sardaigne et la Sicile, à l'initiative d'un projet de lutte contre la désertification de l'ENEA
(Agence italienne pour l'énergie et l'environnement), financé par l'UE. Ce projet s'est attaché à
effectuer des diagnostics locaux participatifs et à identifier avec les acteurs locaux, collectivités
locales, universités et société civile, les mesures prioritaires dans ces territoires (cf doc.308). L'intérêt
de cette démarche est d'avoir réussi à replacer les programmes d'action dans les programmes de
développement des collectivités rurales concernées. L'expérience ne démontre cependant pas encore si
les territoires identifiés pour cette programmation se sont consolidés en tant qu'unités
d'intercommunalité partageant une même vision des risques qui les menacent ou si la programmation
est appelée à se fragmenter entre chaque commune autonome, sans vision ni coordination territoriales.

Ces expériences en Italie sont néanmoins intéressantes car elles posent concrètement la problématique
de la formation d'une conscience territoriale autour d'une vision commune et d'un projet collectif. Les
territoires dans lesquels a opéré le projet de l'ENEA ne pourront émerger concrètement que dans la
mesure où ils disposeront de moyens pour réaliser leurs projets collectifs. Les facteurs d'espoir
résident principalement l'éventualité d'un financements de l'UE (par le Programme LEADER +) et
dans l'engagement des universités locales dont les chercheurs ont découvert, au cours de ces exercices,
l'utilité d'une fonction de "médiation territoriale". On retrouve là une leçon que l'on a rencontré dans
d'autres contextes, à savoir qu'en matière de développement local, le territoire prend forme avec un
"projet", ceci quelle que soit la personnalité dont le territoire a hérité du fait de son histoire et de sa
cohésion sociale. Ces facteurs, même quant ils existent fortement, comme c'est le cas dans ces
expériences en Italie, ne suffisent pas en effet à impulser un développement territorial partagé.
L'expérience montre qu'il faut y introduire une "culture de projet".

Les approches territoriales ciblées sur les projets de


développement rural

Si la problématique de la territorialisation est de plus en plus posée par des stratégies qui imaginent les
"territoires" comme des espaces de référence bien ancrés et bien identifiés dans les territorialisations
nationales, force est de constater que la mise en œuvre effective de la territorialisation du

45
développement rural doit historiquement plus à la multiplication d'initiatives dispersées dans le cadre
de "projets de développement rural" qu'à la mise en œuvre de politiques territoriales concertées. Ces
politiques, qui prennent de plus en plus d'importance avec les politiques de décentralisation (et que
l'on analyse dans la section suivante), ont cependant pour ambition de mieux insérer les
territorialisations fondées sur des projets territoriaux dans des architectures de territorialisation plus
cohérentes et plus durables. Ce sont ces efforts sur l'on constate, par exemple, en France et en Espagne
et dont on retrouve l'intention dans des stratégies comme celle avancée par le Maroc.

Les approches territoriales résultant de la mise en œuvre de projets de développement rural relèvent,
pour l'essentiel, de deux contextes différents. Au Sud, elles ont été principalement un résultat, souvent
disparate dans leurs méthodes et objectifs, des projets d'investissement des institutions d'aide au
développement. On y trouve des projets d'échelle régionale mais aussi des projets visant les échelles
plus ciblées des "terroirs". Au Nord, ces approches ont émergé avec la mise en œuvre du volet
"développement rural" de la politique agricole européenne et avec l'activation du programme
LEADER, son principal instrument d'intervention.

Dans cette section, on analyse successivement l'approche LEADER, les approches des projets intégrés
de développement rural, l'approche "terroir"

L'approche LEADER

Lancée par l'Europe en 1991, l’Initiative communautaire LEADER s'est proposée une approche
“ascendante”, partenariale, multisectorielle et intégrée du développement dans les zones rurales. Elle a
joué un rôle essentiel dans l’émergence d’une nouvelle approche du développement mettant en avant
la promotion de la compétitivité des territoires et la mise en œuvre de stratégies territoriales de
développement rural. Cette approche a convergé avec les politiques d’aménagement du territoire et de
développement rural que les pays européens mirent surtout en œuvre à partir des années 90, comme
par exemple, les diverses politiques nationales “de la montagne”, les “contrats de pays” français, les
“contratti d’area” italiens, les politiques de “Dorferneuerung” (rénovation de villages) en Allemagne,
les "comarcas" en Espagne, etc. (cf doc.84 &85 &86)

L’approche territoriale locale, conçue sur la base d’un "territoire de projet", est la pierre angulaire du
programme LEADER. En invitant les acteurs publics et privés, organisés en partenariat local, à
formuler des programmes de développement territoriaux, négociés globalement avec les autorités
régionales ou nationales concernées, l’Initiative LEADER a permis de constituer 217 territoires de
projets dans le cadre de sa première phase (LEADER I, 1991- 1994), environ 1 000 lors de sa
deuxième phase (LEADER II, 1994-1999) et 893 dans le cadre de LEADER + 2000-2006.

L'approche LEADER se fonde essentiellement sur une approche territoriale, une dynamique
ascendante, des formes partenariales avec des groupes d'action locale, une intégration multi
sectorielle, la promotion de l'innovation, la mise en réseau et la coopération transnationale.
Contrairement à l’approche sectorielle, le développement est centré sur un territoire spécifique, sur une
meilleure utilisation des ressources endogènes, sur l’intégration horizontale des activités locales, sur
des identités communes et sur une vision partagée du territoire. L'approche implique une participation
active de tous les acteurs intéressés et des organisations de développement économique et social.

Comme on l'a vu au chapitre précédent, le programme LEADER couvre actuellement des aires très
étendues (voir carte des GAL en Europe dans le document 97). Cette approche s'est avérée efficace et
adaptable à tous les contextes socioéconomiques ruraux ainsi qu'à toutes les formes de gouvernance.
Elle a rapproché les acteurs locaux, les administrations et les structures de soutien et a mobilisé le
potentiel du bénévolat parmi la population locale. Elle a démontré la possibilité de conduire des
activités et des projets territoriaux à petite échelle dans des régions en retard de développement et dans
des territoires ruraux vulnérables. Les difficultés qu'a rencontré sa mise en œuvre ont surtout tenu à
des délais dus à la lourdeur des processus de décision administrative, aux conflits de l’approche

46
territoriale avec les pesanteurs sectorielles et, souvent, à un manque de soutien du groupe local,
particulièrement dans la phase initiale. L'insuffisance des compétences en matière de gestion ainsi
qu'une mauvaise perception des possibilités offertes par les marchés ont souvent constitué les causes
internes des échecs.

L’initiative LEADER a néanmoins eu de nombreux effets positifs. Selon ses analystes, elle a, par
exemple, comblé le fossé entre un programme"descendant" et la population locale, ses besoins,
aspirations et potentiels. Elle a transféré la responsabilité aux partenariats locaux et a contribué au
développement en renouant des liens entre les activités publiques et privées20, les activités marchandes
et celles sans but lucratif, ainsi que les activités relatives à l’infrastructure et aux entreprises. Elle a
produit un changement de mentalité parmi les acteurs locaux qui sont passés d’une attitude passive à
une attitude active. L’effet de levier sur le financement privé s’est avéré partout plus élevé que prévu.
En Espagne l’approche LEADER a été généralisée dans les programmes régionaux de développement
rural et cette approche a été mise en œuvre dans des zones en dehors de LEADER. En Italie, il a
influencé la mise en forme des Pactes Territoriaux pour l’Emploi.

Les évaluations dont nous disposons (76, 77, 78), ainsi que les études de l'Observatoire LEADER
Européen (notamment doc. 70), permettent d'apprécier les apports de cette approche aux politiques
territoriales dans les zones rurales. Le premier apport est d'avoir introduit à large échelle la notion de
"territoire de projet" et d"avoir proposé une alternative aux programmations de caractère étatique,
fondées sur des territoires administratifs. La recherche des formes de cohérence requise par le
programme LEADER aurait ainsi souvent débouché sur l'identification de nouvelles entités
territoriales de référence. Avec celles-ci, se serait développée une autre idée du "territoire", celui-ci
conçu comme une expression des acteurs et comme le support et l’axe structurant de toute stratégie de
développement. Selon ses analystes, l’approche territoriale de LEADER ne serait pas étrangère à une
évolution plus générale des politiques d’aménagement du territoire vers de nouvelles “géométries
territoriales”, celles-ci définies en fonction des besoins spécifiques de développement et non plus
seulement sur des bases administratives.

L'approche LEADER a également montré que l’identité locale, qui devait parfois être réinventée, était
au cœur des stratégies territoriales. Le renouveau de l’identité locale et la force d’expression d’un
territoire sorti de l’anonymat, provoquent en effet un changement dans la façon dont on le perçoit. Le
territoire y gagne souvent une nouvelle attractivité, par exemple pour ses produits, son patrimoine ou
la valorisation de ressources jusqu’alors inutilisées, abandonnées, voire oubliées.

L’approche territoriale du programme LEADER a, par ailleurs, mis souvent en évidence que le déclin,
même avancé, de certains territoires n’était pas inéluctable et que la démarche permettait d’explorer de
nouvelles opportunités. Mais l'un des acquis essentiels semble avoir été d'activer l’expression, par les
acteurs, de leurs connaissances, de leurs attentes, de leurs conflits, et d'avoir dynamisé leur capacité à
construire des actions collectives et à s’organiser autour d’idées nouvelles. LEADER a, en ce sens,
servi à expérimenter des outils d’animation qui ont facilité l’expression des points de vue et des
attentes des acteurs locaux. La mise en commun de l'expression diversifiée, voire conflictuelle, des
différents acteurs, a permis une lecture plus complexe, plus riche et plus cohérente de l’espace de
référence.

L'expérience des projets LEADER a également bien montré que la réussite ou l’échec d’une stratégie
dépendait de la façon dont se structuraient les intérêts et les relations entre les acteurs, et donc de la
capacité collective d’observer la réalité locale, d’articuler les priorités et de se concerter sur
l’organisation des ressources disponibles. Ils ont, à cet égard, rénové la prise en compte des conflits
d’intérêts. Ceux-ci reflètent des divergences de stratégies et manifestent les différences de perception
et d’attente des acteurs locaux. La richesse de l'approche a justement été de mettre les acteurs en

20
On doit toutefois rappeler que dans le montage financier, le programme LEADER proprement dit n'a en
général financé que les investissements privés, les investissements publics relevant du FEADER.

47
condition de rechercher des compromis entre des positions divergentes ou d'apporter des solutions à
des conflits longtemps restés sans issue.

A une autre échelle, on constate aussi que les échanges entre territoires ruraux se sont intensifiés et ont
fait prendre conscience de l’importance des transferts de savoir-faire et des formes de coopération
inter-territoriales. La coopération entre territoires a ainsi favorisé la mise en place d’échanges, de
recherche de complémentarités, de transfert en matière de connaissances, par exemple pour valoriser
des sites archéologiques, pour protéger la biodiversité, organiser le télétravail, faire connaître les
produits de terroir ou des techniques traditionnelles ou novatrices. Toutes les évaluations et études sur
le programme LEADER convergent, par ailleurs, pour souligner le rôle incontournable de l'ingénierie
territoriale dans les processus de formation des GAL, dans l'élaboration d'une "vision" de
développement territorial, dans l'aide au montage des projets soumis au financement, dans le pilotage
et l'évaluation des programmes territoriaux.

Les programmes LEADER ont eu un impact différent dans les pays méditerranéens de l'UE. C'est en
Espagne qu'ils ont eu l'impact le plus fort car les GAL ont été reconnus comme étant l'instrument
central de mise en œuvre des programmes de développement des territoires émergents, les
"comarcas". En Grèce, ils ont servi de base à quelques expériences de développement territorial, mais
sans cependant devenir la structure de référence du développement rural, en particulier en raison de la
spécialisation de leurs activités Au Portugal, les projets de territoire LEADER coexistent avec les
PITAR, les projets territoriaux de développement rural intégré. En Italie et surtout en France, les
projets LEADER ont certes leur existence propre mais celle-ci doit trouver sa place entre des
structures territoriales multiples et qui se chevauchent fréquemment. La France, à cet égard,
recommande que les aires des GAL qui seront aidées par le programme 2007-2011 soient désormais
mis plus fortement en cohérence avec des unités territoriales existantes, pays ou parcs régionaux.

L'autre constat notable que l'on peut faire sur le bilan de l'expérience LEADER concerne les écarts qui
existent entre les intentions et les réalisations. Les visions territoriales n'ont pas souvent été conçues
avec la préparation requise et les programmes territoriaux, qui ont été soumis au financement et qui
devaient contribuer à une stratégie de développement territorial, se sont trop souvent transformés en
une liste de petits projets, certes novateurs mais sans cohérence démontrée avec la "vision". On note, à
cet égard, que le tourisme, le patrimoine archéologique, la promotion d'entreprises spécialisées,
certains services ont constitué les priorités les plus fréquentes. Ces projets n'ont, par contre, que très
partiellement contribué aux problématiques globales, comme celles de la gestion de l'environnement
dans le territoire, de la structuration de l'espace ou de l'évolution des rapports ville campagne. Par
ailleurs, les GAL, s'ils ont effectivement contribué à un apprentissage d'une "culture de projet", ne sont
pas, pour autant, devenus, sauf exceptions, la structure de référence du développement territorial21. En
France, les structures de gestion des parcs, des pays ou des structures intercommunales ont un poids
nettement plus marqué. On note cependant que les GAL ont apporté une indéniable valeur ajoutée, les
Conseils de développement des "pays" étant nettement plus performants lorsqu'ils agissaient dans des
aires organisées en GAL.

Les trois premiers programmes LEADER ont, en dépit de leur extension géographique, été pour une
large part, considérés comme des laboratoires et des champs d'apprentissage pour les acteurs. Le
programme de la PAC 2007-2011 considère, par contre, que LEADER est parvenu à maturité et que ce
programme peut désormais constituer l'instrument de base de la mise en œuvre de son "second pilier",
celui du développement rural.

Ce premier examen d'une politique territoriale de développement rural, celle du programme LEADER,
nous met d'emblée au cœur de la problématique territoriale. Ce que l'on peut dire des GAL peut aussi

21
En Espagne, l'intention semble avoir été d'ajuster les projets LEADER aux structures "comarcales"
émergentes. Les résultats en sont encore indistincts. Par contre, il semble acquis que les projets LEADER ont
contribué efficacement à l'émergence d'une identité associée, à la fois, au projet et au territoire. Ce qui est déjà
un bon résultat.

48
être dit d'autres expériences territoriales, à savoir leur incidence sur l'identité territoriale, sur la prise de
conscience des acteurs, sur la mise en cohérence. La question est donc reposée dès le début, quel
territoire? Pourquoi faire? Et avec qui? LEADER, quoi qu'il en soit, garde une bonne longueur
d'avance dans la mesure où il concerne toute l'Europe, et donc tous les pays européens de la
Méditerranée.

Les approches territoriales des projets intégrés de développement rural

Dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (et, à une certaine époque, dans certains pays
européens, comme l'ex Yougoslavie), la territorialisation du milieu rural a longtemps été (et est encore
largement) un produit de la mise en œuvre de projets de développement financés par l'aide
internationale. Cette forme de territorialisation s'est quasiment toujours faite "par en haut" sur la base
d'accords entre l'administration et les experts des institutions de financement. Elle a été le plus souvent
déterminée à partir des critères techniques ou politiques correspondant aux stratégies de ces
institutions. C'est ainsi que, longtemps, les critères de choix des aires régionales ont donné la priorité
aux zones de plus fort potentiel et les plus rentables. Ces critères "productivistes" ont par la suite fait
place à des critères donnant une priorité aux zones marginales et aux régions les plus pauvres,
l'étendue des aires de projet (ou la "dimension" du projet) étant généralement définie en fonction du
volume des ressources que l'institution pouvait allouer au projet. Il en a souvent résulté des aires de
projet arbitraires qui ont néanmoins profondément marqué la territorialisation du milieu rural, les aires
de projet s'opposant aux zones hors projet sans financement conséquent. Les approches par les "aires
de projet" n'ont pas, sauf exception, affecté les pays du Nord, car non éligibles pour ces formes de
l'aide internationale au développement..

L'approche territoriale par les "projets de développement" fut tout d'abord appliquée à des projets
spécifiquement agricoles, notamment des projets d'amélioration de la productivité des productions
commerciales, des projets d'aménagement des périmètres d'irrigation, des projets de reforestation.
Lorsque, dans les années 70, la Banque Mondiale commença à se préoccuper de la petite agriculture et
de la pauvreté rurale, on vit apparaître les premiers projets "intégrés", dits de "développement rural".
La première génération de ce nouveau genre de projets concevait l'intégration comme un assemblage,
dans un même projet, d'activités verticales relevant de ministères divers, agriculture, hydraulique,
travaux publics, santé, éducation, eau potable, etc. Des sommes considérables y furent affectées par la
Banque Mondiale, le FIDA, les Fonds d'aide européens (FED) et d'autres sources d'aide internationale.
Le Maroc, la Tunisie, la Syrie, la Turquie, à un moindre degré, l'Algérie, virent leurs territoires ruraux
découpés en une multiplicité d'aires de projets, chacune portant la marque méthodologique de la
source de financement. Ce genre de projets fut abandonné lors des ajustements structurels lorsque l'on
se rendit compte qu'ils servaient surtout à financer des investissements étatiques et le fonctionnement
des administrations et que, par ailleurs, ils n'avaient qu'un impact faible sur les revenus de la
population rurale. Les territorialisations de projets, qui avaient tellement marqué le paysage
institutionnel pendant la durée des premiers projets intégrés, disparurent sans laisser trace de leur
organisation.

La génération suivante des projets de développement rural intégré, les projets DRI, n'apparut qu'après
un vide d'une bonne décennie correspondant à la période des ajustements structurels. Contrairement
aux projets de la première génération, ces projets posèrent l'intégration comme une réponse locale aux
besoins multiples identifiés par les populations rurales. Ils adoptèrent un principe de fonctionnement à
partir de la base et donc, à partir d'une participation des intéressés dans la programmation et dans la
mise en oeuvre partenariale des projets (bottom up approach). On attendait de cette approche qu'elle se
substitue à la gestion directive des activités de développement par les administrations qui avait prévalu
jusque là (top down approach). Les institutions d'aide qui s'engagèrent dans ce genre de projets
partageaient toutes une vision de désengagement de l'Etat, de développement d'une gouvernance
locale, d'une participation des intéressés fondée sur des notions de contrat et de partenariat public
privé. La Banque mondiale fut sans conteste la plus présente dans la mise en œuvre de ces nouvelles
approches. Mais ses propres structures opérationnelles la conduisirent à fragmenter cette approche

49
intégrée et à en faire le fonds commun de projets territoriaux relativement sectoriels. Cette
fragmentation s'accrut encore plus du fait de l'intervention d'autres institutions dans le même type de
projets. A cela s'ajoutèrent les résistances au "désengagement" des administrations et les contraintes
politiques à l'autonomisation effective des populations rurales concernées.

Le Maroc donne un exemple fort de cette fragmentation. On y trouve en effet la coexistence


simultanée de projets DRI de la Banque Mondiale pour la petite et moyenne hydraulique (projet PMH
DRI), pour les zones d'agriculture pluviale, pour les bassins versants et la gestion des ressources
naturelles (projet Bassin Versant du Lakhdar). Ces projets ont chacun plusieurs aires territoriales bien
définies mais la contradiction apparaît dans le chevauchement fréquent de ces territoires. La mise en
œuvre par chacun de ces projets d'une organisation spécifique des acteurs locaux, selon des
méthodologies participatives différentes, ajoute à la confusion territoriale et à la difficulté
d'appréhension d'un concept commun de DRI. Pour compliquer ce tableau, il faut y ajouter les projets
DRI des autres institutions de financement. Le FIDA finance plusieurs DRI mais les approches varient
d'un projet à l'autre. En outre, leurs territoires recoupent parfois ceux de projets de la Banque
Mondiale. Dans le nord du Maroc, l'UE a financé des projets du type DRI au travers des fonds MEDA.
Son approche méthodologique diffère à la fois de celles de la Banque Mondiale et du FIDA. Dans les
zones oasiennes, le PNUD anime un projet de développement territorial fondé sur une approche "pays"
et dont la maîtrise d'ouvrage incombe aux régions, indépendamment du Ministère de l'Agriculture qui
coordonne les DRI. Ce projet se superpose territorialement à des DRI. La mise en œuvre des
approches territoriales fortement recommandées par la Stratégie 2020 de Développement Rural du
Maroc et par l'Aménagement du territoire, qui pourrait mettre de l'ordre dans cette confusion, se heurte
aux pesanteurs des procédures des institutions de financement international. Les projets, en effet, ont
été négociés à des périodes diverses et leur formulation a du, au fur et à mesure, tenir compte de
certaines évolutions, d'où leur hétérogénéité. Aucun mécanisme n'existe pour que l'on puisse réajuster
radicalement les projets en cours d'exécution, d'où la difficulté de tenir compte des apports constructifs
d'une stratégie nationale volontariste. Le Maroc ne tire même pas parti de la diversité des approches
méthodologiques, n'ayant mis en place, à ce jour, aucun système d'évaluation comparative des
approches et d'identification des meilleures pratiques. Les mêmes contradictions se retrouvent en
Tunisie et en Syrie, quoique de façon moins complexe.

Une catégorie de projets d'investissement occupe une place particulière dans les projets territoriaux: il
s'agit des projets dits de "protection des bassins versants". Ces projets existent dans les trois pays du
Maghreb et en Turquie. Au départ, il s'agissait essentiellement de reboiser les versants dont l'érosion
provoquait l'envasement des barrages. Progressivement, ces projets ont évolué vers des opérations de
plus grande envergure se proposant une gestion intégrée de l'occupation des sols de tout un bassin, y
compris les terres agricoles et les parcours, notamment en introduisant des approches participatives. Le
projet du bassin versant de l'Oued Lakhdar (Maroc), financé par le Banque Mondiale, est un bon
exemple de ce type de projet. La FAO soutient pour sa part, un vaste programme de gestion des sols et
des eaux qui s'applique prioritairement à des bassins versants, par exemple en Tunisie avec des
financements italiens ou au Maroc où elle a expérimenté sa méthode participative dite" "RED-INFO
(cf doc.204). L'intention des projets "bassins versants" est tout à fait rationnelle du point de vue de la
bonne gestion des sols et des eaux. Leur efficacité territoriale est par contre plus discutable. Ce sont en
général des directions techniques spécialisées (Forêts, Conservation des eaux et des sols) qui en ont la
charge et celles-ci opèrent selon des programmations le plus souvent conçues indépendamment des
programmes de développement rural ou des programmes pour la montagne. De ce fait, la
territorialisation des bassins versants est souvent en discordance avec les autres territorialisations. On
peut de plus, constater des différences dans les modes d'organisation des populations, dans les
mécanismes de financement, d'incitations et de contractualisation, d'où certaines incohérences lorsque
plusieurs programmes se chevauchent. Il n'en reste pas moins que les projets bassins versants
constituent encore une raison d'être de très nombreux projets en Méditerranée. Une étude commune du
Plan Bleu et de la FAO en fait une évaluation dans l'aire méditerranéenne (FAO, 2004, Watershed
Management & Sustainable Mountain Development Working Paper n°4). Cette évaluation ne remet
pas en cause les remarques qui sont faites ci-dessus sur la relation avec des bassins versants et les

50
territorialisations à base socio-politique. Dans les régions de montagne, il est essentiel de rechercher
les meilleures complémentarités entre les deux approches.

Les approches "terroir"

Les approches dites de "gestion des terroirs villageois" ont été conçues autour de l'idée d'une
territorialisation du développement rural à partir des micro territoires des communautés rurales et de
leurs "terroirs". Les expériences de participation les plus réussies mettent en effet en avant la place
privilégiée des communautés de base, principalement à l'échelle des villages, pour concevoir et gérer
les projets de proximité, pour gérer les ressources naturelles des "terroirs" villageois ou des aires
pastorales. Ce niveau constitue indubitablement un espace de convergence, dont les motivations les
plus fortes tiennent soit à des héritages de solidarités traditionnelles soit, quand celles-ci font défaut, à
une perception de l'intérêt collectif (comme l'eau potable ou les infrastructures sociales).

Ces approches ont, au départ, dans les années 80, été expérimentées et mises en pratique à une assez
grande échelle en Afrique de l'Ouest francophone. Certains pays africains anglophones en ont repris
l'approche sous la dénomination de "village land resource based management". Les programmes de
GTV ont permis d'acquérir une grande expérience en matière d'action à l'échelle villageoise et ils ont,
en particulier, contribué à une prise de conscience, à tous les niveaux, des synergies et des interactions
qui existaient entre les problèmes de l'environnement, ceux de la participation à la base des
communautés et ceux de la lutte contre la pauvreté en milieu rural. Ces expériences, cependant, n'ont
été qu'en partie à même de donner des réponses satisfaisantes aux problèmes posés par la participation
effective des populations aux processus d'élaboration des plans d'aménagement à long terme des
terroirs villageois, à ceux posés par la maîtrise des droits des populations sur les ressources naturelles,
à ceux posés par la dévolution et la gestion décentralisée des ressources financières, et à ceux posés
par la recherche des articulations entre les programmes villageois et les programmes élaborés à des
échelles territoriales plus larges.

L'approche "terroir" est entrée beaucoup plus tardivement, et de façon relativement ponctuelle, dans
les pratiques de certains pays du Sud de la Méditerranée. Le blocage a, semble-t-il, été longtemps
politique, les très puissantes administrations se refusant à considérer les villages comme des
interlocuteurs possibles – ceci contrairement à l'Afrique de l'Ouest où les communautés villageoises
avaient conservé une personnalité sociale encore forte et où les institutions d'aide internationale eurent
plus de poids pour imposer leurs vues à des administrations relativement faibles. Deux dynamiques
ont cependant convergé pour que les communautés rurales de base soient de plus en plus reconnues
comme des acteurs efficients du développement micro territorial. La première a été celle due aux
initiatives dispersées de petites ONG nationales (particulièrement au Maroc) qui entreprirent des
expériences d'action villageoise à petite échelle. La seconde dynamique fut, comme en Afrique de
l'Ouest, celle entraînée par l'insistance des institutions de développement.

On retrouve en effet l'approche "terroir", ou son équivalent, dans les plans de gestion participative du
développement villageois que la Banque Mondiale soutient en Tunisie (dans le cadre du projet DRI de
gestion des ressources naturelles) ou au Maroc dans ses projets DRI pour les bassins versants et pour
la petite hydraulique. On retrouve également cette approche villageoise dans les projets DRI que le
FIDA finance au Maroc, en Tunisie et en Syrie. La même approche est à la base d'un projet de
l'ICARDA (le Projet Maghreb Machrek) qui, avec le support du FIDA, soutient l'expérimentation
d'approches participatives à la base dans les trois pays du Maghreb, en Syrie et en Jordanie. L'Union
Européenne n'est pas en reste comme le montre son approche des "Plans de développement de douars"
(villages) dans le cadre d'un projet MEDA dans le nord du Maroc. On peut aussi rattacher aux
approches villageoises, les associations des usagers de l'eau d'irrigation que l'on trouve notamment au
Maroc, en Tunisie ou en Egypte.

51
Là où elle a été expérimentée en Méditerranée, l'approche "terroir" ou approche "villageoise" semble
avoir eu très généralement un impact positif sur la participation des acteurs locaux. Mais pratiquement
toutes les expériences ont rencontré une même limitation, celle de la non reconnaissance
institutionnelle des organisations villageoises. Chaque projet a en effet du créer une organisation ad
hoc, en général sans personnalité juridique: l'organisation n'existe que dans le cadre du projet et peut
disparaître avec lui. Au Maroc, seules les communes rurales sont légalement reconnues et les
nombreux villages qu'elles englobent n'existent pas juridiquement. C'est au niveau de la commune que
sont établis les plans de développement territoriaux. Lorsqu'il fallut trouver un cadre juridique pour les
communautés pastorales du Projet de l'Oriental marocain, on n'eut d'autre solution que de donner à des
structures lignagères un statut inadéquat de coopératives de services. En Tunisie, les organisations
villageoises ne sont habilitées qu'à passer des contrats avec le projet. On y trouve cependant une
exception notable avec le Projet de développement intégré du Sud Est, financé par le FIDA. Dans ce
projet, en effet, on a donné aux communautés pastorales le statut juridique d'un groupement de
développement agricole. Ce modèle d'organisation n'avait jamais été utilisé pour ce genre d'objectif et
il s'est avéré très pertinent. L'interrogation demeure cependant sur la volonté du gouvernement de
répéter cette expérience.

L'approche "terroir" est intéressante car elle interpelle très fortement les approches de gestion de
l'environnement local. Les expériences villageoises montrent en effet que ce niveau territorial (ou dans
certains cas, celui du territoire intervillageois ou du parcours inter communautés), est le meilleur
niveau pour comprendre les modes de gestion des ressources naturelles, identifier les droits d'usage
qui s'y rapportent et, de là, trouver des interlocuteurs susceptibles de se mobiliser de façon
responsable. Dès que l'on passe à un niveau supérieur, les décideurs n'ont plus de connaissance directe
du terroir. L'exemple marocain met en évidence les contradictions ou les conflits qui peuvent en
résulter. Dans ce pays, les communes rurales se sont vues conférer une co responsabilité dans la
gestion des forêts. Leur intérêt étant de maximiser les revenus qui en découlent, elles tendent à prendre
des décisions maximalistes qui s'opposent aux usages de la même ressource par les communautés
villageoises. On en tire une leçon importante, à savoir celle de la bonne affectation territoriale des
responsabilités de gestion. Quel que soit le cadre territorial dans lequel on envisage de promouvoir les
projets de territoire, on ne devrait pas "sauter" le niveau villageois. C'est en effet à ce niveau, et
seulement à ce niveau, que, dans un modèle de subsidiarité bien compris, devrait se situer la
dévolution des compétences primaires en matière de gestion des ressources naturelles.

Les approches fondées sur le développement territorial

On entend par "approches fondées sur le développement territorial", les approches se proposant
explicitement des objectifs de construction territoriale, tant du point de vue du territoire que de celui
de la gouvernance territoriale. Ces approches sont, par construction, plus intégrées que les approches
de développement rural se donnant un objectif territorial (comme par exemple, les approches
LEADER analysées si dessus). On analyse essentiellement, sous ce titre, deux approches, l'approche
"pays" et l'approche "parcs régionaux".

L'approche "pays"
L'approche "pays" est connue comme étant une démarche française de territorialisation du
développement local. Le "pays" est décrit par cette approche comme étant "un territoire de projet
caractérisé par une cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale, un lieu d'action
collective qui fédère des communes, des groupements de communes, des organismes
socioprofessionnels, des entreprises, des associations, autour d'un projet commun de développement. Il
est un niveau privilégié de partenariat et de contractualisation qui facilite la coordination des initiatives
des collectivités, de l'État et de l'Europe en faveur du développement local".

Cette définition, particulièrement opérationnelle, est en fait une élaboration à partir d'un concept
géographique plus simple qui comprend le "pays" comme une petite région se définissant elle-même

52
sur la base de son histoire, de sa cohésion, de ses limites vécues avec les "pays" voisins. Les "pays"
ont existé dans la plupart des régions de l'Europe alors que les modes de production, les moyens de
communication, l'accès aux services et aux marchés, les péages, parfois les dialectes, et tant d'autres
facteurs fragmentaient l'espace en petites unités régionales dont la cohésion était assurée par les
systèmes de pouvoir local et, pendant longtemps, par l'organisation des diocèses. Beaucoup de ces
pays ont conservé une personnalité fondée sur les héritages de l'histoire. D'autres, par contre, ont vu
leur personnalité se dissoudre dans les structurations nouvelles du monde moderne. Au sud de la
Méditerranée, on trouve aussi des unités comparables à ces pays "historiques", mais fondées, elles, sur
des héritages de l'organisation tribale.

C'est autour de ce vieux concept de la géographie que l'on a voulu retrouver, lors des réflexions sur la
décentralisation, des unités régionales cohérentes qui pouvaient être porteuses à la fois d'un potentiel
de solidarité géographique et d'une certaine convergence des intérêts économiques. L'expérience
française a voulu y voir l'aire d'accueil d'un projet territorial auquel la population pouvait s'identifier.
Le point de départ n'en est pas moins resté fondé sur une sorte de nostalgie géographique. Ce n'est en
effet pas par hasard que le premier découpage de la France en "pays" a été élaboré par des géographes
travaillant pour la DATAR. Ce n'est pas, non plus, par hasard si les premières "comarcas" qui
correspondent en Espagne aux "pays" de l'expérience française, furent, au début du XX° siècle,
conçues en Catalogne par un géographe qui se référait aux anciennes "veguerias". Aujourd'hui ce sont
aussi des géographes qui contribuent le plus à l'identification des comarcas dont l'Espagne a fait la
structure territoriale de son développement rural ainsi que l'aire d'accueil des GAL du programme
LEADER. En Italie, les géographes n'eurent pas ce souci tant la territorialisation historique en pays
était resté présente et formate toujours les territoires locaux d'aujourd'hui.

Le "pays" naît ainsi de l'équivoque. On a voulu, d'une part, lui trouver des raisons d'exister,
historiques, sociales, économiques, culturelles et d'autre part, en faire un territoire moderne de
mobilisation et de participation à un"projet de territoire". On a, en fait, voulu reconstruire des
territoires répondant à des besoins nouveaux mais en leur reconnaissant des racines porteuses
d'identité. Il y avait, dans ce pari, un risque d'artificialité mais certainement moindre que dans la
plupart des autres options de territorialisation. Le pays né de ces compromis peut effectivement
devenir une structure durable, porteur d'une identité retrouvée ou reconstruite, et être, en même temps,
une plateforme de gouvernance moderne de développement local. En tout cas, avec plus de chances de
réussite à long terme que tant de structures territoriales nées du seul fait d'un programme de
financement limité dans le temps ou de projets sectoriels territorialisés. L'expérience française et celle
de l'Espagne montrent que ce pari est déjà souvent en passe d'être gagné. D'autres pays reprennent une
même démarche, par exemple au Maroc où l'idée de "pays" se retrouve dans les réflexions sur la
"petite région rurale".

En France, les "pays" ont été créés en 1999 par une loi d’orientation pour l’aménagement et le
développement du territoire qui définissait la politique des pays en tant que politique de niveau
régional. Cette loi fait du "pays" un véritable territoire de projet, fondé sur une volonté locale. Elle a
aussi pour but d'instaurer une solidarité entre espaces ruraux et espaces urbains. Le projet de pays vise
à étendre les compétences et coopérations sur des territoires homogènes de développement et des
populations plus grandes que les nombreuses intercommunalités (communautés urbaines,
communautés d'agglomérations, communautés de communes) jugées souvent trop petites. Il était ainsi
proposé de privilégier des pays de l’ordre de 60 000 à 80 000 habitants et comprenant six à huit
cantons

Le Conseil de développement du pays réunit les élus et les acteurs économiques, sociaux, culturels ou
associatifs au sein d'un organe de réflexion sur la politique de développement du territoire à mener. Il
émet des avis, des propositions, accompagne les projets mais il ne prend aucune décision officielle. Le
conseil de développement s'articule aux communautés d'agglomérations qui jouxtent le pays. La
Charte de Pays constitue un instrument fondateur. Elle identifie les enjeux et dessine la "vision" et les
objectifs à long terme. Les pays sont reconnus par la Commission régionale d'aménagement et de

53
développement du territoire, notamment en constatant le bien fondé de leur charte. Les modalités de
financement et de réalisation des programmes élaborés dans ce cadre par les pays font l'objet de
contrats de pays, signés par des élus du pays et par des partenaires représentant un département, une
région, l'État ou plus d'une de ces institutions.

Au 1er janvier 2006, on comptait 352 pays dont 321 pays reconnus et 31 pays en projet. Ces pays
regroupent 44% de la population en métropole, 74% des communes et couvrent 76% de la superficie
du territoire métropolitain (cf doc.109 &113). A cette date, 346 contrats de pays avaient été signés,
dont 245 contrats avec l'Etat et une région, 43 contrats avec l'Etat et 58 contrats avec une région.
L'évaluation des démarches contractuelles de 2006 (cf doc.107) souligne notamment que l'approche
"pays" a démontré sa grande adaptabilité à la diversité des situations et qu'elle a apporté une réelle
valeur ajoutée au dialogue entre acteurs et à une nouvelle forme de gouvernance fondée sur une notion
de partenariat public privé. Cette approche a eu, de plus, un effet marqué en tant que levier financier.
Un rôle capital a été joué par l'ingénierie territoriale. L'évaluation constate cependant que les
programmes élaborés par les acteurs locaux n'ont pas souvent été articulés avec les intentions des
chartes, celles-ci élaborées le plus souvent, de façon extérieure, par des bureaux d'étude - ce qui en a
limité l'appropriation par les acteurs. Ce décalage est notamment mis en évidence par la concentration
des actions programmées sur des initiatives à relativement court terme, par l'impact faible sur
l'articulation urbain rural et par la difficile intégration du "développement durable". L'articulation des
politiques de pays avec les autres programmes territoriaux, parcs régionaux, programmes LEADER,
schémas d'organisation du territoire, intercommunalité offre un bilan contrasté mais qui met en
évidence les chevauchements et souvent des ignorances réciproques (cf doc.115).

On retient de cette analyse de l'expérience française que les "pays" sont, en fait, partis de conceptions
assez technicistes (définition juridique du "pays" comme instrument de l'aménagement du territoire,
propositions initiales du découpage en pays, élaboration des chartes, en général, par des bureaux
d'étude). On est donc loin d'un territoire et d'une vision nés d'une "volonté locale". Le pari a cependant
été d'amener des acteurs à se retrouver dans les cadres nouveaux qui leur étaient proposés et à
s'identifier à eux. Les perspectives de financements et de soutiens semblent avoir joué un rôle
important dans les motivations de départ. Vue sous cet angle, la politique n'a pas consisté à
"reconnaître" des pays mais donner un contenu et une identité à un cadre territorial conçu par la loi. La
réussite de nombreux "pays" montre que le défi pouvait être relevé.

L' intercommunalité est une forme d'organisation territoriale qui a sa logique propre mais qui a été
désormais pleinement intégrée dans l'approche "pays". L'intercommunalité sous la forme de la
"communauté de communes" a, selon la loi, “pour objet d’associer des communes au sein d’un espace
de solidarité, en vue de l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de
l’espace”. Cette forme d'organisation concerne principalement les zones rurales et les petites
communes Elle se distingue des communautés urbaines et des communautés d'agglomération,
institutionnalisées par le même loi. En France, sur les 23 324 communes appartenant à une structure
intercommunautaire, plus de 92% sont membres d’une communauté de communes qui regroupe en
moyenne une douzaine de communes. Les communautés de communes se concentrent le plus souvent
sur la gestion collective des services de proximité, transport scolaire, mutualisation de services de
santé de proximité et d'aide à la personne, ramassage des déchets, etc. Lorsqu'elles ne sont pas
dynamisées par un comité de développement de "pays" dynamique, les communautés de communes ne
s'impliquent généralement pas dans des problématiques du développement intégré, en dépit des
intentions de la loi. Elles se considèrent essentiellement comme des organismes de gestion dont les
préoccupations prioritaires sont focalisées sur les économies d'échelle dans le coût des services.

En Espagne, la démarche de pays est connue sous la dénomination de "comarcalizacion". Cette


démarche, généralisée en Espagne, a cependant été mise en pratique selon des modalités assez
différentes dans chaque région autonome. Ce n'est qu'en Catalogne que l'on trouve, pour des raisons

54
historiques propres à cette région, des comarcas bien structurées et dotées de compétences rapprochant
leurs conseils de gestion d'un petit gouvernement local. Dans les autres régions, la "comarcalizacion"
est un processus en marche mais qui fait l'objet de débats en raison des interprétations territoriales
souvent conflictuelles qui sont données de la comarca selon les objectifs de la politique considérée.
Cette situation qui tend cependant à s'atténuer au profit d'une territorialisation stabilisée, est bien
illustrée par le cas de l'Andalousie dont la situation semble constituer l'extrême opposé de la situation
de la Catalogne (cf doc.263)

Depuis les années 80, l'Andalousie a connu plusieurs découpages en comarcas. L'un d'entre eux a été
élaborée par le conseil régional pour structurer territorialement l'accès aux services de la population,
un autre pour la mise en œuvre de la Réforme agraire, un autre pour déterminer l'implantation de chefs
lieux, un autre encore pour déterminer les circonscriptions judiciaires, etc. Les géographes andalous
ont joué un rôle déterminant pour aider à clarifier cette situation et pour encourager une approche plus
cohérente. Partant du constat de l'existence de comarcas naturelles, historiques ou polarisées, leur
réflexion a débouché sur un concept de comarcas "fonctionnelles". Ils assignent à ces unités des
fonctions de territoire (en tant que "nouvelle entité de l'administration territoriale"), des fonctions en
matière de programmation du développement local intégré, des fonctions de gestion locale. On attend
de la comarca qu'elle devienne "l'unité de base de l'intégration des politiques économiques
sectorielles". L'application de ces recommandations est aujourd'hui constatée dans la convergence de
l'approche "comarcale" et des aires d'action des programmes LEADER. Dans un contexte où la
comarca ne dispose pas d'instruments de gouvernance territoriale juridiquement reconnus (Catalogne
mise à part), ce sont les Groupements d'action locale qui tendent à jouer ce rôle. L'intercommunalité
(entre municipios) tend, comme en France, à privilégier la gestion collective des services.

L'approche "pays" se retrouve de façon plus ou moins explicite dans les politiques territoriales de
plusieurs pays. Au Maroc, cette approche se retrouve dans la "petite région rurale" préconisée par le
Stratégie 2020 de développement rural. Deux "pays" y ont, par ailleurs, été explicitement identifiés
dans un programme d'aide du PNUD pour le renforcement des processus de gouvernance dans le
Tafilalet. Le projet de développement rural intégré du Sud Est en Tunisie se fonde sur des approches
qui rappellent celles des "pays". La Tunisie n'a cependant pas encore intégré le concept de "pays" dans
sa politique territoriale.

L'approche des "parcs régionaux"

Les Parcs naturels régionaux représentent un des outils les plus anciens de l'action publique sur le
territoire rural en France. Ils ont été pionniers dans l'approche territoriale du développement durable et
ils ont constitué les premiers territoires de projet soutenus par les Régions22. Depuis près de dix ans,
les PNR se sont engagés dans la coopération internationale avec plus de 25 pays partenaires en
Europe, Afrique, Asie et Amérique Latine avec lesquels ils échangent et partagent les pratiques et
méthodes de gestion. Cette coopération a favorisé le développement de cette approche territoriale dans
les pays méditerranéens de l'Europe qui comptent aujourd'hui de nombreux parcs du même type. Les
avancées sont plus timides au Sud où les initiatives sont freinées par la jeunesse des structures
régionales, quand elles existent. Une expérience est cependant en cours au Maroc pour créer un parc
régional dans le cadre d'un partenariat de la Fédération française des PNR avec la Région de Tétouan.

Un Parc naturel régional (PNR) est un territoire rural habité qui est reconnu au niveau national pour sa
forte valeur patrimoniale et paysagère (cf doc.134). Cette entité s'organise autour d’un projet concerté

22
Cette approche territoriale du développement rural avait eu cependant des antécédents avec les Plans
d'Aménagement Rural. Ceux–ci furent conçus, par le Ministère de l'agriculture vers la fin des années 60 et furent
mis en œuvre dans les années 70 par des ateliers centraux, régionaux et départementaux d'études et
d'aménagement rural (ACEAR, AREAR, ADEAR). Cette approche s'inspirait de la pratique centralisatrice et
descendante de l'administration française, mais elle eut le mérite de poser de façon nouvelle la problématique du
développement rural. Cette initiative fut cependant occultée, dans les années 80, alors que de nouvelles missions
étaient données au Ministère de l'Agriculture, notamment dans le contexte de certaines réorientations de la PAC.

55
de développement durable. Elle a pour vocation de protéger et valoriser le patrimoine naturel, culturel
et humain de son territoire en mettant en œuvre une politique innovante d’aménagement et de
développement économique, social et culturel respectueuse de l’environnement.

Les Parcs naturels régionaux en France sont actuellement au nombre de 45 (carte, cf. doc. 136). Ils
couvrent 7 millions d’hectares, soit 13 % du territoire national. Ils concernent 23 régions, 68
départements et 3706 communes. Ils constituent également des lieux de vie et de travail puisqu’ils
regroupent plus de 3 millions d'habitants et environ 320 000 entreprises. On note en outre que 13% des
territoires de PNR sont classés en sites "Natura 2000". Les PNR concentrent également 11% des
réserves naturelles nationales, 30% des arrêtés préfectoraux de protection de biotope français, 10 des
24 zones humides reconnues internationalement (sites RAMSAR) et 5 des 7 réserves de biosphère
françaises. Le premier parc régional a été créé en 1968.

Les PNR ont été, au départ, surtout conçus comme des organismes de protection de la nature dans des
espaces habités. La population n'y était pas associée et leur était même souvent opposée. Dans les
années 80, les PNR se sont transformés en projets d'aménagement et d'organisation de la vie
économique locale (par exemple, en aidant la mise en place de filières et la création de labels). A partir
de 1993, les PNR furent de plus en plus impliqués dans le développement territorial avec une volonté
marquée d'associer tous les acteurs du territoire. Aujourd'hui les PNR sont avant tout des "territoires
de projet et d'aménagement" (plus que de protection). Ils sont dotés d'une charte constitutive d'une
durée de dix ans, renouvelable mais aussi révocable en cas de non-respect de la charte. Ils sont gérés
par un organisme autonome regroupant toutes les collectivités qui ont approuvé la charte du parc. Leur
structure de gestion évolue actuellement vers la formule du syndicat mixte. Les Parcs naturels
régionaux sont organisés au sein de la Fédération nationale des PNR. Les PNR diffèrent des Parcs
nationaux qui ont essentiellement une vocation de protection des environnements naturels fragiles. Le
domaine de ces derniers correspond à des espaces "sanctuaires" dont l'accès public est soumis à une
réglementation et des restrictions.

L'évaluation en 2005 de la politique des PNR (cf. doc.133) montre que ceux-ci se sont adaptés avec
souplesse aux caractéristiques du terrain, apportant aux élus de zones parfois délaissées, ainsi qu’aux
acteurs locaux, un appui de proximité apprécié dans de nombreux domaines. La palette des activités va
en effet de l’urbanisme au développement économique en passant par l’agriculture ou le tourisme
rural, sans, bien sûr, perdre de vue la nécessaire valorisation du patrimoine naturel, culturel et
paysager. De nouvelles modalités de gouvernance ont été défrichées par leurs organismes de gestion et
un contenu de terrain réel a été donné à la notion de développement durable. Les PNR représentent
une référence dans de nombreux domaines pour leurs capacités d’innovation et d’expérimentation. Ils
constituent un échelon privilégié d’application des grandes politiques publiques liées à la préservation
de la nature ou à l’aménagement du territoire. La DATAR s’est largement inspirée de leur expérience
dans la conception des pays.

Un problème de "finalités" a cependant été posé aux PNR par la création des "pays" dont la vocation
en tant que support de projet de territoire s'est trouvée en compétition avec la même vocation des PNR.
Les PNR se trouvant, en général, couverts par plusieurs pays ou morceaux de pays, on ne pouvait que
s'attendre à des chevauchements mais aussi à une concurrence des programmes. La pratique semble
montrer que, souvent, ces chevauchements ont effectivement débouché sur une véritable concurrence.
La question s'est posée de savoir si les pays remettaient en question les parcs régionaux. Les pays sont
des structures encore jeunes alors que les parcs, forts d'une expérience trentenaire, semblent bien
répondre aux préoccupations environnementalistes (en tout cas, mieux que les "pays") et montrent
qu'ils ont fait leurs preuves de redynamisation de territoires fragilisés par l'évolution de l'urbain. Faut-
il choisir entre les territoires ou admettre leur pluralité?

Les analystes de ces deux types de structures territoriales font remarquer qu'elles participent toutes les
deux d'une "culture de projet" avec un même souci de l'intégration et de la durabilité (cf. doc.125).
Mais ils font aussi remarquer que, dans les deux cas, les décisions finales reviennent aux élus
communaux qui participent, eux, d'une "culture politique". Ils expliquent que la stratégie des

56
"politiques" est de maximiser les avantages qu'ils peuvent obtenir auprès de l'une ou l'autre des
structures. Loin de faciliter les mises en cohérence, cette attitude renforce la concurrence. La leçon que
l'on tire de ce constat est pertinente pour toutes les politiques territoriales. Elle montre en effet que la
culture de projet doit être appropriable par les acteurs politiques. La multiplication des structures
territoriales ne favorise pas cette appropriation. Les concurrences territoriales qui en résultent ouvrent
en effet un champ pour une maximisation concurrentielle des avantages politiques au détriment des
priorités stratégiques. La pluralité des structures territoriales n'est cependant pas nécessairement
contradictoire pour autant que les finalités des projets, ainsi que leur mise en cohérence puissent entrer
pleinement dans le débat politique. La bonne formule serait-elle pas celle d'une "culture politique du
projet de territoire"?

Les approches fondées sur l'aménagement du territoire

Les approches territoriales de l'aménagement du territoire ne se confondent pas avec les politiques
territoriales que l'on a analysées plus haut. Ces dernières sont conçues, sous des formes diverses, par
rapport à des projets de territoire ou par rapport à des territoires de projet. Les premières approches
par contre s'intéressent aux territoires par rapport à leurs fonctions. Elles interprètent et rendent compte
de lignes de force et des options que l'on peut envisager pour valoriser ou optimiser les fonctions
territoriales. Les politiques territoriales sont normatives. L'aménagement du territoire est indicatif. Ses
propositions sont au service des décideurs des politiques territoriales. C'est ainsi que, par exemple, que
l'aménagement du territoire en France a été amené à constater l'existence objective des "bassins de
vie", que l'on va évoquer plus loin. Mais il revient aux politiques territoriales du même pays, d'en tenir
compte ou non pour définir les contours de l'intercommunalité, des "pays" ou des parcs régionaux.
Cette distinction, il est vrai, est souvent confuse, ce qui est notamment le cas lorsque l'aménagement
du territoire fait lui-même le choix des unités territoriales qui sont proposées aux politiques de
développement rural ou local. En fait, si on peut faire une distinction de caractère conceptuel entre
aménagement et politiques du territoire, la pratique nous montre que l'on passe de l'un à l'autre et
réciproquement sans que ce flou ait d'incidence sur le système décisionnel.

Dans cette section, on survole successivement les schémas d'aménagement du territoire, les ""bassins
de vie", la "petite région rurale"

Les schémas d'aménagement du territoire


Les schémas d'aménagement du territoire constituent le produit de base du travail d'aménagement du
territoire. Opérant sur la base de diagnostics territoriaux multifonctionnels, sur l'identification des
polarisations, des bassins d'emploi et sur celles des flux des produits et des services, ils dessinent les
architectures qui valorisent le mieux les fonctions du territoire et contribuent le plus à la croissance, à
la "cohésion territoriale" et à la réduction des déséquilibres et des inégalités. Dans tous les cas
cependant ils reflètent des choix politiques du gouvernement selon que ceux-ci privilégient la
croissance de certains pôles, les équilibres territoriaux, les flux d'échanges, ou des combinaisons
diverses de ces priorités. La plupart des pays méditerranéens ont des structures en charge de
l'élaboration, sous diverses dénominations, de schémas nationaux et régionaux. Selon les cas, cette
fonction incombe à des services centraux ou à des services régionaux. Selon les cas également, les
schémas d'aménagement du territoire peuvent jouer un simple rôle de plan directeur indicatif, avoir
une fonction d'orientation des localisations et des orientations des flux d'investissements, ou même
constituer un cadre directif contraignant.

Les politiques d'aménagement du territoire rencontrent les politiques de développement rural et de


développement local au fur et à mesure de leur déconcentration et de leur régionalisation. Lorsque l'on
passe du national au régional, puis du régional aux échelles de proximité, l'aménagement du territoire
doit en effet prendre de plus en plus en compte la hiérarchie et la structuration des territoires régionaux
et locaux. Ces exercices conduisent souvent à identifier des unités territoriales fonctionnelles qui ne
correspondent pas nécessairement aux territoires administratifs et aux circonscriptions des élus, (ce

57
que l'on appelle aussi les "territoires de représentation"). Ces défauts de concordance sont résolus
différemment selon les pays. Dans certains cas, la structure administrative prévaut, dans d'autres au
contraire, la structuration de l'aménagement du territoire est à l'origine d'une réorganisation des
territoires de proximité.

La France n'a pas encore choisi la structure maîtresse de son organisation territoriale de proximité. Des
territoires conçus à partir des données de l'aménagement du territoire, les "pays", coexistent en effet
avec des territoires enracinés dans les structures administratives, comme l'intercommunalité ou les
cantons. A ces territoires se superposent ou se juxtaposent des "territoires de projet", d'échelles
variables, du type "parcs régionaux", aires territoriales des GAL du programme LEADER, aires
locales de contrats de territoires, etc. Plus ces formes territoriales s'enracinent dans les pratiques de
développement, plus il est difficile de les remettre en cause. Une grande partie du débat territorial en
France est, de ce fait, de trouver des compromis et des systèmes de coordination entre toutes ces
instances. Il n'est pas sûr que ce soit là la formule la plus efficace. Les Schémas de Cohérence
Territoriale (SCOT) constituent l'un des principaux instruments de mise en cohérence des actions
engagées dans le cadre des différentes politiques territoriales.

L'Espagne qui a héritée comme la France d'une structure centralisatrice a cependant choisi de donner
aux régions la responsabilité de l'aménagement du territoire. Elle s'est cependant trouvée de la même
façon confrontée au problème de la territorialisation de proximité. C'est dans le modèle des
"comarcas", (qu'elle a emprunté à la Catalogne qui, la première, a fait ce choix de décentralisation)
qu'elle a trouvé, l'unité territoriale dont elle avait besoin. Sans lui avoir donné de base institutionnelle,
elle en a fait le territoire de référence du développement local et le support incontournable des
initiatives LEADER en matière de développement rural. Mais en dehors de la Catalogne, les comarcas
n'ont pas de représentation politique, ce qui limite leurs capacités de décision.

Le Maroc a, ces dernières années, consacré beaucoup d'efforts à la formulation d'une politique
d'aménagement du territoire. Cet effort a débouché sur un schéma national et des schémas régionaux
d'aménagement du territoire. Cette politique s'est elle aussi trouvée confrontée au problème de la
territorialisation de proximité. Elle a, à cet effet, avancé le concept "d'espace projet". Ce concept,
pourtant très spécifique, a cependant été interprétée dans les schémas régionaux comme fondant un
découpage de la région en territoires de proximité, contigus et intermédiaires entre les provinces et les
communes rurales. Cette façon de comprendre cette échelle territoriale se confond quasi complètement
avec les "petites régions rurales" avancées par la Stratégie 2020 de développement rural. De telles
unités n'ont cependant qu'une existence virtuelle aussi longtemps qu'elles n'auront pas été
institutionnalisées, d'une façon ou d'une autre, par le Ministère de l'Intérieur.

Ces trois exemples montrent la diversité des réponses possibles mais aussi la difficulté que rencontrent
les gouvernements pour modifier leurs structures territoriales de proximité, aussi bien administratives
que politiques, et pour les adapter à de nouvelles réalités territoriales plus fonctionnelles.

Les plans directeurs d'aménagement du territoire deviennent des outils normatifs lorsqu'ils servent à
délimiter des aires d'usage définies par la loi. Ils sont alors le support de plans d'occupation des sols ou
de plans territoriaux qui définissent des limites territoriales légales, par exemple en matière
d'implantation ou d'interdiction du domaine bâti, en matière de protection environnementale de
certaines zones (parcs nationaux et régionaux, lois sur le littoral), en matière d'éligibilité à certains
programmes d'aide (lois européennes sur les montagnes), etc. Ces dispositifs de l'aménagement du
territoire ont une signification forte pour le développement rural territorialisé dans la mesure où ils
constituent l'instrument juridique de mise en œuvre de composantes sélectionnées dans un plan local
de gestion de l'espace. Ces plans ne valent cependant que ce que valent les moyens de contrôle et de
sanction. Des lois territoriales existent dans de nombreux pays mais l'occupation du littoral, le mitage
urbain des zones rurales périurbaines, ou encore les défrichements du domaine forestier sont la preuve
soit de la faiblesse des moyens de contrôle de l'Etat, soit de son laxisme. Les approches territoriales
participatives plaident pour une responsabilisation des populations locales en matière de contrôle de
l'usage des ressources naturelles et de l'occupation des sols.

58
Les "bassins de vie"

L'approche de la structuration de l'espace rural par les "bassins de vie", qui a été réalisée en France par
l'INSEE et la DATAR en 2003, est très certainement l'approche le plus fouillée pour une
catégorisation des espaces ruraux dans les pays de la Méditerranée (cf. doc.153). Cette approche est
descriptive. Elle rend compte d'une situation du milieu rural à un moment donné. Elle n'est pas
normative en ce sens qu'elle ne propose pas de modèle social ou institutionnel de territorialisation. Elle
n'en constitue pas moins un remarquable instrument d'aide à la décision en matière de développement
rural et local. Cette approche est réplicable dans les pays qui disposent d'outils statistiques
comparables. Elle l'est conceptuellement dans les pays du Sud mais sous réserve d'une simplification
méthodologique, ce que le Maroc propose avec l'approche dite des "petites régions rurales".

L'approche "bassins de vie" se propose essentiellement de définir les catégories du "rural" dans un
pays où les polarisations des espaces urbains et la répartition des services et des activités économiques
rendent souvent confuse la distinction traditionnelle entre rural et urbain. Selon les promoteurs du
concept, le bassin de vie est, en milieu rural, le plus petit territoire sur lequel s’organise la vie des
habitants relativement à l’accès à l’emploi et à un certain nombre d’équipements de niveau
intermédiaire.

Le point de départ de ce travail a été constitué par la cartographie nationale des "territoires vécus"
(2002) qui identifiait des "bassins de services intermédiaires" (BSI) tels qu'ils étaient "vécus" dans la
pratique des populations. Cette carte a compté 2812 BSI pour la France métropolitaine. Le choix a été
fait de mettre dans le "référentiel rural" les 2641 BSI qui s'appuyaient sur une commune ou une unité
urbaine de moins de 30 000 habitants en 1999. Le seuil de 30 000 habitants est apparu pertinent à
l’examen car il est apparu à la fois assez élevé pour prendre en compte des bassins qui débordaient
largement du pôle urbain, voire de l’aire urbaine, et assez faible pour ne pas intégrer des bassins dont
l’essentiel des communes (et de leur superficie) serait de nature très urbaine. Les BSI entrant, sur cette
base, dans ce référentiel rural, ont été, après certains regroupements, qualifiés de "bassins de vie"
puisqu’ils constituaient des territoires où s’organisait l’essentiel de la vie de leurs résidents en matière
d’accès aux services et à l’emploi. Le "référentiel rural" compte 1745 " bassins de vie". Un référentiel
rural élargi y a ajouté 171 bassins de vie qui restent encore ruraux malgré la prédominance de
l'attraction urbaine, soit au total 1916 bassins de vie associés au "rural".

La qualification des bassins de vie par la présence d’équipements et d’emplois, en tenant compte de
leur taille, a permis de mesurer leur potentiel attractif, l’accès aux services et à l’emploi étant les deux
préoccupations majeures des habitants. Les services ont été classés en services concurrentiels
(commerces, services bancaires, etc.), services non concurrentiels (services publics ou assimilés, hors
éducation et santé), services de santé, services d’éducation. L'accès à l'emploi a été identifié en tenant
compte des activités économiques dominantes: résidentielle, industrielle et, agri alimentaire

Cette qualification a mis en évidence trois catégories de bassins de vie: 430 bassins "dépendants" avec
un niveau d’équipement et d’emploi faible (21 % des bassins les plus ruraux), 574 bassins "faiblement
autonomes" (60 % des bassins les plus ruraux) mais seulement 741 bassins "autonomes" (19%) qui
offrent une gamme de services et d’emplois en nombre et qualité permettant aux populations
résidentes un "approvisionnement" très majoritairement local. Les bassins de vie ont été classés selon
leurs activités économiques dominantes en neuf groupes: 85 bassins très fortement résidentiels, 168
bassins fortement industriels, 11 bassins fortement agri-alimentaires, 174 bassins fortement
résidentiels et industriels, 217 bassins fortement résidentiels et agri-alimentaires, 501 bassins
fortement résidentiels, peu industriels et peu agri-alimentaires, 370 bassins plutôt industriels, 177
bassins plutôt agri-alimentaires, 92 bassins "diversifiés". Ces chiffres montrent l'importance dominante
de l'économie des services et emplois associés à la demande des populations résidentes et la place plus
modeste des bassins de vie où dominent les activités liées à l'agriculture et la production alimentaire.

59
A quoi servent ces remarquables études sur la structuration du milieu rural? Celles-ci ont en principe
vocation à éclairer les acteurs des pays pour mettre en œuvre la législation sur les "pays" en France.
Outil d’aide à la délimitation, l’utilisation de ce zonage ne présente cependant aucun caractère
obligatoire. La plupart des "pays" ont en fait été délimités avant 2004, date de mise à disposition des
résultats de l'étude sur les "bassins de vie". La question se pose quand même de savoir si ces "pays"
ont retrouvé des territoires tels qu'ils étaient effectivement "vécus" par les populations. Une étude,
conduite dans la région Champagne Ardennes (cf. doc.126), montre près de la moitié des bassins de
vie sont inclus dans un seul pays. Pour les autres, le recouvrement par le pays varie de 0,3 à 53 % et de
nombreux bassins de vie sont éclatés entre plusieurs pays. Ce constat semblerait montrer que les
délimitations de pays ont été souvent faites sans tenir suffisamment compte des territoires
effectivement vécus. Et probablement aussi que les pesanteurs des structures administratives et
politiques ont joué un rôle plus déterminant dans la territorialisation.

La "petite région rurale"

Le concept de "petite région rurale" a été avancé au Maroc par la Stratégie 2020 de développement
rural pour définir une aire territoriale permettant de tenir compte des interactions primaires des
activités rurales avec les villes et les pôles de services. Cette approche part de constats relevant de
l'analyse géographique. La cartographie qui en découle n'est pas encore faite mais il est évident qu'elle
devra définir des catégories d'espaces correspondant à l'impact différencié des zones urbaines. La
"petite région rurale" telle qu"elle est définie par la Stratégie répond aux situations rencontrées dans la
plus grande partie du pays, encore fortement ruralisé. Son interprétation devient cependant différente
dans les espaces d'attraction des grandes zones urbaines. Les travaux réalisés au Maroc pour définir un
Schéma national d'aménagement du territoire donnent les outils nécessaires pour tenir compte d'une
telle catégorisation des espaces ruraux. Dans ses grandes lignes, le concept de petite région rurale
rencontre à la fois le concept de "pays" tel qu'il est compris en France ou en Espagne et celui de
"bassin de vie" dans les zones rurales. Avant d'être une unité opérationnelle pour des programmes de
développement rural, la petite région apparaît comme un concept descriptif d'une réalité rurale, à un
moment de son devenir. Les constats qui sont faits au Maroc sur la pertinence de ce concept sont
probablement applicables à d'autres situations nationales en Méditerranée, encore très dominées par le
rural, et où, pour territorialiser le développement rural, se pose la problématique des approches "pays"
La Stratégie 2020 de développement rural explique comme suit le contenu de ce concept. Lorsque l'on
observe la structuration de l'espace couvert par la ruralité, on constate l’existence d'entités territoriales
qui se définissent essentiellement par un espace correspondant à la polarisation par une ville d’un tissu
de village et de bourgs ruraux. On reconnaît cet espace à partir de sa fonctionnalité. Il existe en effet
parce qu’il dispose de services économiques et sociaux de caractère primaire et parce que s'y exerce
une attractivité polarisée. Le constat est fait que les populations rurales d'une certaine aire
géographique sont dépendants d'un centre urbanisé pour des services ou des fonctions qu’ils ne
trouvent pas dans leurs villages ou au chef lieu de la commune rurale. Ainsi en est-il, par exemple, de
fonctions administratives, des services éducatifs du secondaire, de l'hôpital, des services bancaires, de
fonctions commerciales qui dépassent le niveau du marché local, de la recherche d'opportunités
d'emploi salariés temporaires (une fois que l'on a épuisé les opportunités de l'emploi agricole local),
etc. Si on essaye de tracer une ligne autour du drainage d'un centre urbain, celle-ci délimitant une sorte
de frontière de basculement vers les centres de polarisations voisines, on voit se dessiner ce que l'on
pourrait appeler une "petite région rurale".
Il va de soi que la petite région, un territoire de fait, n’est pas exclusive d'articulations avec d'autres
niveaux de territoire. La petite région inclut elle-même des niveaux subalternes mais elle appartient
aussi à une province, à une région. Ses acteurs appartiennent à des réseaux coopératifs, à des
organisations professionnelles qui n’ont pas nécessairement les mêmes limites territoriales. La petite
région se distingue parce qu'elle correspond à une concentration de services primaires, de réseaux de
flux qui font graviter une certaine aire géographique autour d’un pôle urbain plus ou moins grand. La
question est de savoir ce que signifie ce constat pour les approches de développement local. La petite

60
région est certes un espace de convergence mais, pour autant, on ne peut pas y trouver, à ce stade, un
espace de développement local au sens des attentes du développement rural. Ces petites régions, si
elles sont observables, ne se distinguent pas encore par un projet collectif.
L'observation de la réalité marocaine montre que les espaces qui pourraient constituer des petites
régions rurales correspondent souvent à des unités humaines qui ont une histoire commune ainsi que
des solidarités diffuses héritées des anciennes divisions tribales. Ces unités correspondent souvent,
pour des raisons historiques, à un échelon intermédiaire de l'administration territoriale, celui du
"cercle" (On compte 258 cercles au Maroc et 257 municipalités urbaines, préfectures non comprises)

Les approches fondées sur la compétitivité des territoires

La mondialisation et l'ouverture sur les marchés ont, au cours de ces deux dernières décennies, modifié
en profondeur les objectifs des politiques de territorialisation dans les zones rurales. Ces politiques, en
effet, furent, dans un premier temps, conçues autour d'objectifs centrés sur l'existence des territoires et
sur les approches qui pouvaient donner une consistance endogène à leur développement. L'accent fut
ainsi mis sur des thématiques "constituantes", celles de la cohérence territoriale, celles de l'intégration
et de la "multi sectorialité", celles de l'émergence de nouvelles formes de gouvernance locale,
associées à la participation des acteurs, celles de la valorisation locale des marges de progrès. Ces
thématiques demeurent les piliers des approches territoriales du développement rural, que celles-ci
s'expriment dans des projets autonomes de développement rural ou dans le cadre de politiques de
territorialisation du développement local. Mais, avec l'ouverture, de plus en plus prégnante, sur les
marchés, une nouvelle dimension politique s'est imposée, celle de la compétitivité des territoires.

Les politiques territoriales de première génération n'ignoraient certes pas cette notion qui était
implicite dans les choix qui étaient faits des priorités productives des territoires de projet. Aucune
formulation de projet n'aurait en effet été recevable par une institution de financement sans une
analyse des opportunités de marché pour les productions recommandées. Avec la notion de
"compétitivité des territoires", la priorité est cependant passée explicitement de l'endogène à l'exogène.
Cette évolution est emblématiquement représentée, en France, par la transformation de la DATAR,
organisme chargé de l'aménagement des territoires et de l'action régionale, en une structure pour la
"compétitivité des territoires" (DIACT). La même évolution se retrouve dans la politique de
développement rural de l'UE qui assigne au nouveau programme LEADER une mission centrale de
développement de la compétitivité des territoires. Cette nouvelle priorité n'est pas absente, non plus,
des politiques du Sud comme le montre, par exemple, les travaux du Maroc ou du Liban pour
territorialiser leur agriculture en valorisant les avantages comparatifs des territoires.

Mais la grande remarque que l'on peut faire sur ces nouvelles approches politiques, c'est qu'elles
partent d'abord de constats géographiques. Elles prennent en effet en compte les inégalités territoriales
par rapport aux marchés et elles se proposent d'agir sur la géographie afin de rééquilibrer les
territoires, mieux valoriser leurs différences et améliorer leurs possibilités d'accès aux marchés. C'est
notamment ce qu'exprime le concept de "développement polycentré" qui est au cœur de la stratégie
territoriale de l'UE. L'une des avancées importantes a été, dans ce contexte, de mieux comprendre les
facteurs qui déterminaient la compétitivité territoriale. Il n'empêche que ces approches, pour
volontaristes qu'elles soient, ont du fondamentalement partir de la territorialité dessinée par la
géographie. Celle-ci rend compte de "territoires de fait" dont elle explique les raisons d'être, le
dynamisme ou la marginalité. La géographie est à l'amont et à l'aval des politiques du territoire. Elle
les arbitre en faisant le constat des territoires qui en résultent objectivement. Le bilan de la politique
"polycentrée" de l'UE montre que la géographie factuelle résiste bien et que les périphéries ont du mal
à rejoindre le niveau des centres (cf. doc.15).

61
Dans cette section, on analyse successivement les approches fondées sur la territorialisation de
l'agriculture, le concept de capital territorial dans ses rapports avec la compétitivité des territoires, la
géographie des territoires de fait

Les approches de la compétitivité fondées sur la territorialisation de


l'agriculture

Les pays de la Méditerranée disposent tous d'une représentation cartographique de leur agriculture.
Ces cartes sont utilisées, notamment avec les moyens de la télédétection, pour suivre l'évolution
quantitative de la production agricole. Elles permettent également de régionaliser les différents faciès
de l'agriculture. La cartographie de l'agriculture s'accompagne en général d'une statistique agricole
dont le niveau de désagrégation est très détaillé dans les pays européens et inégal dans les pays du
Sud. Ceux-ci ne disposent souvent pas de correspondance statistique avec les unités administratives de
base. La production n'y est connue qu'à partir d'échantillonnages et/ou de l'interprétation statistique
d'un zonage effectué par télédétection.

Au-delà de la connaissance cartographique et statistique, la territorialisation de l'agriculture est de plus


en plus analysée en termes de compétitivité des territoires. Dans les pays de l'UE, la longue pratique
de la PAC a amené ces pays à bien connaître leurs divers territoires agricoles et à disposer
d'instruments de mesure fiables pour apprécier leurs niveaux de compétitivité23. Le problème est
différent dans la plupart des pays du Sud qui n'ont, longtemps, considéré l'agriculture que,
verticalement, du point de vue de ses différents secteurs de production. L'ouverture sur les marchés
extérieurs les contraint aujourd'hui à revoir leurs approches en termes de territorialisation et de
compétitivité comparée de leurs territoires agricoles. Ils ont du en conséquence se doter d'instruments
nouveaux et s'engager dans de nouvelles problématiques.

Le Liban, la Tunisie et l'Algérie ont opté pour des cartographies statistiques permettant de mettre en
évidence les aptitudes productives des sols compte tenu des données climatiques et des ressources en
eau. La Tunisie a, de plus, cherché à caractériser les systèmes de production correspondant aux zones
qui apparaissaient sur les cartes.

Le territoire libanais a été divisé en 40 sous-régions appelées "Zones Agricoles Homogènes" qui
forment, chacune, une entité socio-économique à caractère rural et qui se présente comme un
ensemble relativement homogène du point de vue physique (géographique), économique et social. La
délimitation des zones a été réalisée sur la base des dossiers statistiques et cartographiques extraits du
SIG du Ministère de l'Agriculture. Ces cartes présentent les grandes caractéristiques du milieu et des
ressources naturelles. Elles se basent essentiellement sur les cartes " Occupation et Utilisation du sol "
au 1/20 000 et qui ont été préparées dans le cadre d'une étroite collaboration entre le Ministère de
l'Agriculture, le Ministère de l'Environnement et le Centre de télédétection. Ces cartes ont utilisé des
moyens cartographiques (images satellitaires, photos aériennes) et des moyens informatiques divers.
Elles récapitulent les données statistiques relatives au Recensement Général de l'Agriculture (RGA),
disponibles à travers le Système d'Informations Géographiques (SIG).L'ensemble constitue l'Atlas
Agricole du Liban (cf. doc.312).

Le Maroc dispose également de nombreux travaux cartographiques sur les sols et leur relation avec les
données climatiques. Il a cependant opté, dans un premier temps, pour une approche plus politique de
la territorialisation de l'agriculture. Le Maroc a en effet cherché à identifier la compétitivité des
territoires à partir d'un concept de "vocations (ou potentialités) dominantes" (cf. doc.320). Celles-ci se

23
La normalisation statistique de l'UE produit elle-même une forme de territorialisation. Les statistiques en effet
divisent les territoires des pays selon cinq niveaux de "nomenclature des unités territoriales statistiques"
(NUTS): NUTS 1, les grandes régions. NUTS 2, l'équivalent d'une province. UTS 3, équivalent du département.
NUTS 4, équivalent du canton. NUTS 5, les villages et communautés de base.

62
définissent, dans une unité territoriale donnée, à partir d'un diagnostic d'ensemble et à partir de
l'analyse combinée de différents facteurs. Ceux-ci tiennent compte en premier lieu de données
quasiment "structurelles", celles relatives au potentiel agro-écologique et aux aptitudes biophysiques
du milieu. On prévoit cependant de réapprécier ces facteurs pour prendre en compte le changement
climatique. Les facteurs discriminants tiennent compte du poids relatif et des caractéristiques des
différentes productions, de l'importance relative de l'agriculture et de l'élevage, de la sécurisation de la
ressource et de l'aléa, de l'importance de la protection des ressources naturelles, de la structure de
l'appareil de production et du profil des exploitations agricoles, des débouchés locaux. Cette seconde
série de facteurs se rapporte à une image contemporaine du système de production. La troisième série
de facteurs est par contre beaucoup plus circonstancielle et elle est appelée à être revue
périodiquement. Il s'agit en effet d'apprécier la concurrence régionale, les perspectives de marchés
extérieurs, les alternatives stratégiques de développement, etc. Il ne s'agit donc pas d'une "vocation" au
sens strict mais plutôt de l'appréciation d'un potentiel dans une situation de compétitivité donnée. Les
deux premières séries de critères aident à dessiner des territoires caractérisés par des données et des
problématiques communes. Ces territoires sont dénommés au Maroc, unités de territorialisation de
l'agriculture. La première étape de l'exercice de territorialisation, celle de l'identification et de la
mesure de ces unités territoriales est terminée et a donné lieu à un instrument de territorialisation qui
distingue et documente statistiquement sept "ensembles agro écologiques" et 31 "unités de
territorialisation de l'agriculture" (UTA). La territorialisation proposée par le Maroc envisage par
ailleurs sa désagrégation à des niveaux de programmation, ce qui la ramènera à des niveaux de
territorialisation opérationnelle du développement rural. L'étape suivante sera celle de l'identification,
avec les acteurs, du potentiel (vocations) et de la compétitivité dans les conditions actuelles et dans
celles identifiées par les scénarios prospectifs24.

Capital territorial et compétitivité des territoires

L'Observatoire européen LEADER s'est interrogé sur les facteurs qui pouvaient aider à comprendre les
territoires en matière de compétitivité (cf. doc.70). Ses analyses partent de la notion de "capital
territorial", celui-ci représentant l’ensemble des éléments dont dispose le territoire sur le plan à la fois
matériel et immatériel, et qui, selon les contextes, constituent des atouts ou des contraintes. Cette
notion de “capital territorial” n’est pas statique mais dynamique. Elle correspond à la description
analytique de l’idée que peuvent se faire du territoire ceux qui sont à la recherche d’une marge de
manœuvre pour agir. Elle est donc liée à la notion de "projet de territoire" et à la recherche de
compétitivité territoriale. Chaque territoire cherche à trouver sa place en jouant sur l’accès aux
marchés, sur son image, sur son potentiel d’attraction vis-à-vis des populations et des entreprises, sur
sa capacité à renouveler sa gouvernance, etc. Le capital territorial renvoie à ce qui fait la richesse du
territoire, (activités, paysages, patrimoine, savoir-faire, etc.), dans la perspective non d’un inventaire
comptable, mais de la recherche des spécificités susceptibles d’être mises en valeur.

Cette démarche conduit à analyser le capital du territoire avec un autre regard pour, par exemple,
découvrir des éléments oubliés ou négligés, voire sans importance apparente, mais qui, dans une autre
perspective, pourraient devenir les clés d'un projet possible. Les liens du territoire avec l’extérieur sont
également des éléments déterminants du capital du territoire. Des opportunités peuvent émerger de la
connaissance des marchés, des relations avec la diaspora du territoire, de l'identification des besoins

24
Les travaux de territorialisation de l'agriculture entrepris en 2002 (et dont les résultats furent présentés dans
une première édition de l'Atlas de l'Agriculture) ont fait l'objet d'une actualisation et d'un approfondissement
dans le cadre d'une nouvelle édition de l'Atlas de l'Agriculture. Celui-ci se présente sous la forme d'un CD Rom
(111 cartes et textes de commentaires) et d'un livre d'accompagnement (Pour une territorialisation de
l'Agriculture du Maroc). Cette réédition révisée a été réalisée à l'initiative de M. Ait Kadi, Président du Conseil
du Développement Agricole du Maroc, avec la collaboration de A. Laouina, Département de Géographie,
Université Mohamed V, Rabat, G. Lazarev, Consultant du CGDA, K. Bouchama, Informaticien du CGDA.

63
des citadins urbains proches, de l'anticipation des intentions d’investissements extérieurs, etc.
L’exercice d’intégration des données permet de mieux cerner les obstacles et les marges de manœuvre,
de vérifier la faisabilité du projet de territoire, de décider de la stratégie à adopter, de mieux évaluer
comment créer de la valeur ajoutée par une approche territoriale. Faut-il “perfectionner” les forces
porteuses du territoire, quitte à approfondir les déséquilibres internes, faut-il au contraire intervenir sur
les points faibles en réduisant les écarts, faut-il privilégier un thème fédérateur particulier ou un
domaine spécifique, ou faut-il viser plutôt à une diversification des interventions? Cette liaison entre
projet et capital du territoire peut par exemple déboucher sur la revalorisation de ressources jusque-là
négligées et les transformer en axes stratégiques de développement, sur la mise en valeur des
spécificités du territoire, sur la création de nouvelles opportunités par la combinaison de secteurs
différents, sur la découverte de ressources locales méconnues, etc..

La compétitivité prend dans de telles perspectives une signification qui va an delà du rapport
économique du territoire avec les marchés. La valorisation du "capital territorial" s'associe
nécessairement à des notions de compétitivité environnementale et de compétitivité sociale. C'est en
tenant compte de ces rapports complexes que le territoire définit ses rapports avec le monde extérieur
et qu'il se positionne dans le global.

Les analyses prospectives qui ont été faites ces dernières années de la Méditerranée convergent sur une
interprétation de la compétitivité régionale et intra régionale qui retrouve les notions de valorisation du
capital territorial entendu dans son acception la plus large. L'expression récente la plus élaborée en est
donnée par l'étude du Plan Bleu Environnement et développement en Méditerrané (cf. doc.29).
L'accent y est en effet mis sur la valorisation des spécificités méditerranéennes, à commencer par la
diète méditerranéenne qui est reconnue comme étant l'une des plus équilibrées qui soient. Ce constat
débouche sur des recommandations pour améliorer la qualité des produits qui y concourent et pour les
valoriser sur les marchés en les labellisant ou en garantissant leur origine. Il débouche également sur
des recommandations pour mieux valoriser le patrimoine historique, culturel et paysager et pour en
faire les bases d'un "tourisme durable". On retrouve ces priorités au cœur de la Stratégie
méditerranéenne de développement durable (cf. doc.51).

La géographie des "territoires de fait"

Le regard rétrospectif que l'on peut jeter sur la Méditerranée met en évidence des territorialisations qui
se sont dessinées en dehors des politiques territoriales, en dehors des approches spécifiques du
développement rural. Ces territoires peuvent être identifiés comme étant des "territoires d'acteurs". Ils
existent en effet parce que, pour des raisons multiples, leurs acteurs ont su développer des spécificités
territoriales ou continué à exploiter des héritages de spécificité légués par l'histoire. La Méditerranée
est l'une des régions du monde où la diversité des territoires est la plus marquée. Cette diversité se
manifeste dans les variations de l'histoire des territoires, dans celles de leurs cultures, de leurs milieux
naturels, mais aussi dans les capacités inégales de leurs acteurs pour valoriser ou non leurs spécificités.
Le tableau géographique du milieu du XX° siècle nous montre des polarisations urbaines, quelques
régions agricoles modernisées et dynamiques et une extension massive des régions rurales
marginalisées. Le tableau de la même région, au début du XXI° siècle, nous donne une autre image au
Nord. Un peu partout en milieu rural, apparaissent des poches de développement économique fort et
centré sur des spécialisations locales. Le dynamisme de ces territoires est essentiellement fondé sur
une production locale de qualité, sur son appellation et sur l'identification du territoire à son produit.
Cette spécification se retrouve dans les produits de "terroir", dans les labels de qualité, dans les
produits d'origine contrôlée, dans la certification biologique, etc.

La géographie des territoires "spécialisés", qui s'élargit continuellement à de nouveaux territoires, est
sans conteste l'un des faits les plus marquants de la géographie rurale actuelle du nord de la
Méditerranée. La réussite de ces territorialisations de "spécialité" est particulièrement significative en

64
Grèce, en Italie, en France et en Espagne. La Turquie possède elle aussi ses territoires spécialisés
(fruits séchés, pistaches) et on commence à en trouver des émergences au Sud, en Tunisie (huile
d'olive, dattes), en Algérie (dattes) ou au Maroc (vins, agrumes, primeurs, arganier). Aujourd'hui, les
politiques territoriales et de développement rural ont fait de la promotion des nouveaux territoires de
spécialisation une idée force de leurs stratégies. Mais le constat doit être fait que ces politiques ne font
qu'amplifier une dynamique dont les bases furent jetées non pas par des politiques territoriales mais
par les initiatives des acteurs locaux. Dans la compréhension de la territorialisation, on ne peut donc
éviter de faire une place particulière aux territoires dus à ces acteurs, et donc aux "territoires
d'acteurs".

Des contextes particulièrement diversifiés ont été à l'origine de ces territoires d'acteurs. Le cas de
figure le plus fréquent est celui d'une rencontre entre une tradition historique de production locale et de
l'initiative de producteurs locaux pour améliorer cette production en réponse à une demande nouvelle
du marché, par exemple celle du tourisme. Dans d'autres cas, ce sont de nouvelles productions qui ont
été promues. Le passage à la spécialisation est généralement allé de pair avec le développement d'un
marché mais il n'y a généralement eu changement qualitatif qu'avec la reconnaissance commerciale du
produit de territoire (label, AOC, etc.). L'étude de l'émergence des territoires spécialisés en Italie
montre que la capacité d'organisation en réseau des producteurs d'une même région a constitué le
facteur de réussite le plus décisif. Les atouts de la labellisation ou des appellations d'origine ne sont
venus que pour conforter des situations qui s'étaient développées indépendamment des politiques de
l'Etat.

La géographie des "terroirs" qui naît de ces spécialisations, tend à dessiner une territorialisation très
spécifique. La question se pose de son articulation avec les autres formes de territorialisation. En
Italie, la réponse est claire, la structuration territoriale dominante suit les contours des terroirs
spécialisés. Il en est de même dans plusieurs régions en Grèce. En France, les pays tendent à maintenir
une cohérence avec les spécialisations de terroir. L'existence de ces spécialisations territoriales est
ainsi un facteur de poids dans les choix des politiques territoriales. Elle confronte ces politiques à un
triple constat, celui de l'existence de ces territoires spécialisés, qui doivent être pris en compte, celui
des options pour créer de nouveaux territoires de spécialisation, celui de la prise en compte des autres
zones rurales restées dans la marginalité. Les politiques territoriales sont nécessairement associées aux
données de la géographie.

65
III. LES PROBLEMATIQUES DE LA RELATION
DEVELOPPEMENT RURAL ET APPROCHES
TERRITORIALES

De quelques questionnements sur les problématiques

Qu'est ce que la "ruralité"?


La définition plurielle de la ruralité
Territoires et espace rural

L'existence des territoires


La pluralité des territoires
L'échelle des territoires et l'espace local

La finalité des territoires

Les acteurs du territoire


L'identification au territoire
L'identification des acteurs
La participation des acteurs
Acteurs et jeux de pouvoir

La problématique de la gouvernance territoriale


Du sens de la "gouvernancee
Des approches "descendantes" et "ascendantes"
Europe, gouvernance et partenariats
Au Sud, des processus expérimentaux d'autonomisation des acteurs

Les déterminismes des offres de financement


Le déterminisme des financements de l'UE
Les règles des institutions de financement internationales
Le rôle des systèmes de financement dans les politiques territoriales

Les questionnements méthodologiques

66
III. LES PROBLEMATIQUES DE LA RELATION
DEVELOPPEMENT RURAL ET APPROCHES
TERRITORIALES

De quelques questionnements sur les problématiques

Les pays de la Méditerranée ont, pratiquement tous, été, d'une façon ou d'une autre, confrontés à des
politiques de territorialisation. La diversité des contextes comme celle des politiques de
territorialisation dessinent un tableau d'ensemble d'une diversité extrême. Cette diversité ne dissimule
cependant pas un fait essentiel que l'on peut lire en poursuivant l'analyse. Au-delà; en effet, des
diversités, la relecture nous montre que quelques grandes problématiques communes en émergent
nettement. Ces problématiques semblent toutes se retrouver lorsque l'on intègre le fait territorial dans
le développement rural (ou bien, c'est une autre façon de poser le problème, lorsque l'on se propose
d'examiner ce que le fait territorial apporte au développement rural). Les interrogations sur les
relations entre politiques de développement rural et territoires ont pour point de départ commun trois
problématiques qui font l'objet des trois premiers questionnements: (i) le développement rural
s'adresse à la ruralité mais que signifie la ruralité? (ii) les politiques territoriales concernent des
territoires mais de quels territoires s'agit-il et comment intègrent-ils l'espace rural? (iii) les politiques
de développement rural se projettent dans l'espace de la ruralité mais s'intègrent elles ou non dans un
projet de territoire – ou encore, ont-elles, ou non, une signification territoriale de caractère politique?

 Le premier questionnement concerne la ruralité. Ce qui est commun c'est le questionnement car les
réponses sont diverses, selon les contextes. Mais va-t-on vers des convergences ou, au contraire
vers des évolutions contrastées et accusées dans la durée? Les formes de la ruralité affectent-elles


le contenu des territoires?
Un deuxième questionnement interpelle le territoire. Qu'est-ce qu'un territoire? Comment, tout
d'abord, se situe-t-il par rapport à l'espace rural? Comment, ensuite, en déterminer les contours?
Les réponses, là aussi, sont multiples. Elles mettent en évidence un premier fait: la
territorialisation dessine les espaces selon les critères que l'on choisit. Par rapport à une géographie
objective, tous les territoires sont pertinents. Ils peuvent se chevaucher, s'inclure. Le territoire est
multidimensionnel. On voit, cependant, les expériences converger vers une idée commune
"d'espace de proximité". Cette idée privilégie les acteurs. Elle leur donne les territoires qui
délimitent l'espace primaire de leur vie sociale, culturelle, économique. Le concept de "bassin de
vie" donne une bonne image d'un espace de proximité mais par rapport à des services et par
rapport à l'emploi. Cette définition suffit-elle? Ne faut-il pas la relativiser au regard de l'histoire
des populations, au regard de la transformation des moyens de communication, au regard de
l'évolution des technologies? L'espace de proximité d'aujourd'hui était-il celui d'hier? Sera-t-il
celui de demain. La seule chose certaine, c'est que la géographie objective ne nous donne que la


réponse de l'observable et donc celle du moment.
Un troisième questionnement concerne la finalité des territoires. Pourquoi s'interroge-t-on sur les
territoires? Ce questionnement est politique. Il dépasse les constats de la géographie. Il interpelle
le territoire en tant qu'objet politique: le territoire n'existe que par rapport à un projet – ou, pour
être plus général, par rapport aux idées et aux actes que l'on "projette" sur ce territoire. Il est donc
indissociable des acteurs qui portent ce projet et se rassemblent, pour des raisons diverses, .dans
un territoire correspondant à ce projet. Avec ce questionnement, le territoire n'est plus une donnée,
il devient une construction, une construction politique, économique, identitaire ou tout cela à la
fois. Comment et pourquoi se fait cette construction? Les territoires de fait de la géographie, et
particulièrement les "espaces de proximité", facilitent-ils ou non la construction du territoire de
projet?

67
 Le quatrième questionnement interpelle les acteurs. Pourquoi s'identifient-ils au territoire? Pour
quelles motivations adhèrent-ils au projet? Les acteurs émergent de la population du territoire. Ils
ne sont pas nécessairement toute la population, ils la représentent bien ou non. Que nous disent les
expériences territoriales des interactions entre acteurs et population? Une identité collective peut-
elle émerger d'un projet de territoire ou faut-il nécessairement y ajouter bien d'autres facteurs de
solidarité territoriale, historiques, culturels, politiques? Peut-on éviter la complexité des
territoires? Quels sont les effets, positifs ou négatifs, des jeux de pouvoir des acteurs impliqués


dans le développement territorial?
Un cinquième questionnement qui est commun à toutes les expériences, pose la problématique de
la "gouvernance". L'idée commune implicite est de voir dans la gouvernance une démarche
rapprochant la société civile des systèmes de décision. La gouvernance est comprise comme un
retrait de l'Etat, comme un retour à une démocratie de base idéalisée. C'est ce que recouvre la
terminologie, souvent excessive, de la "participation". Dans quelle mesure les systèmes mis en
place, dans différents contextes, affirment-ils cette compréhension de la gouvernance? Ne voit-on
pas, au contraire, prévaloir l'empirisme et la prévalence des modèles d'organisation évolutifs? Les
expériences réussies ne montrent-elles pas que l'une des raisons de succès repose sur une bonne


articulation entre processus ascendants et descendants?
Une sixième façon de s'interroger sur les problématiques de la territorialisation est de questionner
le rôle de offres de financement et leurs formes. Au-delà en effet de toutes les rhétoriques sur la
territorialisation, ce sont, le plus souvent, les opportunités de financement qui, en dernière analyse,
cimentent le projet de territoire et assurent la motivation de ses acteurs. La vraie question est alors
de savoir si le territoire a assez d'autres raisons pour se construire et durer. Les expériences ne
nous montrent-elles pas que la majorité des projets de territoire créés par la seule opportunité d'un
financement ne survivent pas à la fin de ce financement? Ne voit-on pas, a contrario, des
territoires émerger en réponse à d'autres types d'opportunités? Dans ce même ordre d'idées, dans
quelle mesure les pratiques et les mécanismes de financement déterminent-ils les dynamiques


territoriales?
Le dernier questionnement aide à jeter un regard sur une problématique commune à toutes les
expériences, celle des approches méthodologiques. La diversité des réponses est considérable.
Mais ne voit-on pas se dégager des principes communs, ne voit-on pas se dessiner une sorte de
"modèle méthodologique" des approches territoriales?

Qu'est ce que la "ruralité"?

Le premier questionnement concerne la ruralité. Ce qui est commun c'est le questionnement


car les réponses sont diverses, selon les contextes. Mais va-t-on vers des convergences ou,
au contraire vers des évolutions contrastées et accusées dans la durée? Les formes de la
ruralité affectent-elles le contenu des territoires?

La définition plurielle de la ruralité

Le rural, la ruralité qualifient ce qui a trait à "la vie dans les campagnes", par opposition à la vie dans
les villes. Cette définition n'a qu'une valeur littéraire et les démographes, les administrateurs, les
économistes n'ont pu échapper à l'obligation de définitions plus opérationnelles en posant une ligne de
démarcation pour mesurer ce qui était rural et ce qui ne l'était pas. L'approche de base, dans la plupart
des pays, a consisté à d'abord définir les villes, en général selon des critères de taille de population,
puis à ranger dans le rural tout ce qui n'était pas urbain. De très nombreux pays, on l'a vu au premier
chapitre, utilisent encore ces définitions (en Espagne, par exemple, la population rurale est constituée
par la totalité des habitants des communes de moins de 10 000 habitants). Le problème, c'est que cette
façon de distinguer le "rural" à partir de l'urbain débouche sur des définitions différentes et elle rend
improbable les comparaisons de pays à pays. La notion de ville s'avère très variable d'un pays à l'autre.
Les gros villages ruraux de l'Italie du Sud ont la taille de petites villes dans d'autres pays. La définition

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de la ville a, par ailleurs évolué avec le développement des régions rurales et elle reflète donc, de pays
à pays, le décalage des niveaux de développement. Les plus gros villages de France, devenus d'abord
des "bourgs ruraux", sont ensuite devenus des municipalités urbaines. Au Maroc des centres ruraux
deviennent des municipalités à partir d'un seuil de population. Ils sortent alors du "rural" mais aussi de
toutes les politiques qui lui sont attachées, bien que leurs fonctions rurales restent longtemps
prédominantes (en dépit de la classification, il s'agit plus de bourgs ruraux que de villes). La définition
du rural à partir du concept en creux du "non urbain"; si elle s'est avérée pratique (en particulier pour
la définition démographique de la "population rurale" d'un pays), n'est, par contre, pas apparue comme
une bonne méthode pour refléter la diversité des situations et les transformations des zones rurales.

D'autres approches ont été mises en œuvre mais sans qu'aucune ne se soit imposée comme une
référence méthodologique commune pour tous les pays. L'OCDE classe les territoires en régions
"essentiellement rurales" (plus de 50% de la population vit dans des communes rurales), en régions
"relativement rurales" (entre 16 et 50% de la population dans les communes rurales) et en régions
"essentiellement urbanisées" (moins de 15% de population rurale). L'Union Européenne, dans le cadre
de son système statistique (EUROSTAT), a pour sa part, établi des critères comparatifs fondés sur une
échelle des densités d'occupation humaine des unités territoriales primaires (l'identification en étant
faite à partir d'une hiérarchie, relativement normalisée, de "nomenclatures des unités territoriales
statistiques"). Cette approche permet de ranger dans les espaces urbains, les concentrations de
population fortes et d'identifier des zones de ruralité plus ou moins forte selon la densité décroissante
de la population.

La France, de son coté, a cherché fortement à tenir compte des transformations des zones rurales.
Parties, comme le Maroc aujourd'hui, d'une distinction entre "communes urbaines" et" communes
rurales" (1950), les définitions ont évolué, dans un premier temps, en identifiant les espaces urbains
sur la base des niveaux d’emploi et de taux d’attraction par l’emploi (zonage en aires urbaines, ZAU,
1997). Dans un deuxième temps, elles se sont proposées d'identifier un espace rural qui reflétait le
tissu économique dans lequel s'inséraient les activités des ruraux. Cette approche a débouché sur un
espace rural conçu sur la base d'une zonation en aires urbaines et aires d’emploi de l’espace rural,
ZAUER). Les territoires ruraux ainsi définis, regroupent donc, dans une même catégorie spatiale,
l’ensemble des petites unités urbaines et des communes rurales (c’est-à-dire des communes ayant
moins de 2 000 habitants) qui n’appartiennent pas à l’espace à dominante urbaine.

Une autre façon de définir la ruralité est partie d'une reconnaissance de la diversité de la ruralité dans
un même pays. Cette approche se fonde sur des typologies des zones rurales. Elle tend à constituer la
base de référence pour la définition des priorités et des modalités des politiques de développement
rural. L'UE concentre son aide pour le développement rural sur deux grandes catégories de zones
rurales, d'une part les zones défavorisées (qui comprennent les zones de montagne, les zones menacées
d’abandon, et des zones soumises à des handicaps spécifiques), et d'autre part, les zones soumises à
des contraintes environnementales. La France classent ses territoires ruraux en "campagnes fragiles"
(ruralité encore forte), en "nouvelles campagnes" (fortes implantations résidentielles, tourisme,
entreprises) et en." campagnes des villes" ("périurbain"). L'Algérie, pour sa part, distingue les
"territoires agricoles potentiellement compétitifs" (existence d'une agriculture moderne), les
"territoires ruraux profonds" (héritage fort de l'agriculture traditionnelle), les "territoires ruraux
dévitalisés". Une étude du CIHEAM portant sur toute la Méditerranée ("Agricultures familiales et
développement rural en Méditerranée", Karthala-CIHEAM 2000. Réseau Agricultures Familiales
Comparées), s'est proposée des critères communs afin de mettre en œuvre une même méthode de
comparaison. Tout en s'inspirant des critères de l'OCDE, là où les statistiques permettaient de
l'appliquer, le CIHEAM a ainsi proposé une distinction, interprétable selon les données disponibles, en
zones de "ruralité forte"; de "ruralité faible" et de "ruralité moyenne". Cette distinction s'est avérée
pertinente pour une comparaison de la ruralité entre les pays méditerranéens.

69
Territoires et espace rural

La géographie conventionnelle divise l'espace des territoires en deux entités, l'espace des villes et
l'espace rural. La seconde entité occupe, de fait, l'essentiel des espaces territoriaux. Mais le fait de lui
donner la dénomination de "rural" ou d'en donner une typologie suffit-il à le caractériser ? Le concept
d'espace rural est-il univoque, est-il traducteur d'une catégorisation géographique stable ? Un survol
simplifié de l'histoire rurale suffit à montrer que la réalité de l'espace rurale n'est pas une catégorie
spatiale figée mais qu'elle est au contraire profondément déterminée par les transformations des
sociétés rurales. L'espace rural est ce qu'en font les populations rurales qui y vivent, il est le produit de
ses utilisations.

L'espace rural des pays de la rive nord: des "campagnes paysannes" aux "zones
rurales diversifiées"
Le rapport de l'espace et de la société s'est profondément transformé au cours du XX° siècle. Ces
changements sont allés, dans les sociétés rurales du nord les plus transformées, jusqu'à rendre floue
l'opposition conventionnelle entre villes et campagnes.

Dans les sociétés rurales traditionnelles, l'espace rural tendait à se confondre avec l'espace utilisé par
les populations rurales. Dans les pays du nord, cet espace comprenait diverses composantes dont
toutes les ressources étaient exploitées par les ruraux. On y trouvait l'espace agricole ("l'ager") avec
ses cultures annuelles, ses jachères et ses plantations, des espaces de friches, de landes et de parcours
(le "saltus") qui étaient utilisées pour la pâture des troupeaux, pour des cultures occasionnelles sir
brûlis, pour la collecte du bois de feu, les forêts (la "sylva") où l'on trouvait le bois d'œuvre, les fruits
sauvages, les plantes médicinales, les produits de la chasse. Souvent aussi s'y adjoignaient les espaces
disjoints des transhumances vers les montagnes et vers les plaines. Cette organisation spatiale formait
un territoire intégré, le "finage"25, auquel s'identifiaient tous les membres d'une même communauté
rurale. Cette organisation, bien qu'altérée en partie par les droits seigneuriaux, fut caractéristique de la
plus grande partie des organisations rurales médiévales de l'Europe et ses héritages marquèrent le
paysage rural jusqu'aux transformations du XIX-XX° siècle. La gestion des utilités obéissait à la fois à
des droits de propriété individuels sur les terres de culture, et à des règles collectives qui régissaient,
par exemple, les assolements, l'accès au parcours, la vaine pâture, etc. Certaines de ces règles
communales ont perduré jusqu'à des époques récentes.

Depuis la fin du XIX° siècle, les terroirs/finages traditionnels en Europe ont connu une profonde
évolution. La montée en puissance d'une agriculture capitaliste, les transformations technologiques de
l'agriculture et la mécanisation, les remembrements fonciers, la cessation des grandes transhumances,
l'exode rural et l'abandon des campagnes les plus pauvres, les saignées humaines des deux guerres
mondiales ont été parmi les facteurs les plus déterminants de cette transformation. Les finages, dont
toutes les composantes spatiales étaient utilisées par les ruraux, se sont modifiés, faisant apparaître, par
étapes, un nouvel espace rural dont l'aboutissement est pleinement observable aujourd'hui. La marque la
plus forte est celle de l'individualisation des exploitations agricoles. Dans les plaines et collines les plus
riches, les exploitations agricoles ont conquis la plus grande partie de l'espace, sous forme d'une
mosaïque d'unités de production individuelles. Mais dans une immense partie des territoires, l'image est
celle d'une agriculture ponctuelle, entourée de terrasses et de parcours abandonnés et de plus en plus
cernée par la forêt. Les exploitations agricoles sont devenues des unités spatiales autonomes qui se sont
25
L'usage contemporain a remplacé la notion de "finage" par celle de "terroir". Ce dernier terme a gardé en
France son sens original de groupes de sols ayant des caractéristiques biophysiques particulières qui leur
confèrent une unicité pour certaines cultures, en particulier pour la vigne. Le terme de "terroir" dans le sens du
"finage" s'est imposée avec l'usage qu'en ont fait les développeurs de l'Afrique de l'Ouest qui, reprenant une
terminologie des années 60, du géographe africaniste Sautter, l'ont défini, dans les années 80, comme la base
territoriale des approches dites de "développement intégré des terroirs villageois". En France même, la notion
s'est élargie depuis que l'on parle de "produits de terroir", entendant par là des produits caractéristiques d'un
territoire rural bien localisé - et non pas seulement ceux provenant d'un même 'terroir" pédologique..

70
fortement disjointes des terres marginales ou communales laissées à l'abandon. Les friches, les
broussailles et les forêts ont reconquis les espaces que les ruraux utilisaient autrefois pour les cultures et
pour le parcours des troupeaux. Les espaces à l'abandon ne sont vraiment utilisées que par les sociétés
de chasse qui n'y pratiquent aucun aménagement. Le manque d'entretien, notamment par la pâture du
cheptel, a fait surgir une menace nouvelle et de grande ampleur, celle des incendies de forêt.

Le renouveau de l'habitat rural avec le développement de l'économie résidentielle, la constitution de


domaines skiables en montagne, l'aménagement des chemins de randonnée dans les parcs naturels ont
par contre apporté une contribution forte et économiquement profitable aux configurations de l'espace
rural actuel. Mais la transformation la plus profonde de l'espace rural des régions les plus évoluées de
l'Europe est sans nul doute celle de la pénétration des systèmes de commerce et de services des villes
dans les zones rurales et, par ailleurs, l'emprise croissante de la grande distribution sur les décisions des
agriculteurs. Cette évolution rend de plus en plus floue la ligne de séparation entre villes et campagnes.
L'intensification de ces flux renouvelle la notion d'espace rural. Les avantages qu'en tirent les ruraux
sont certainement considérables. Les prospectivistes s'interrogent cependant sur les risques que cette
évolution comporte pour la ruralité de demain. Scrutant les possibles de la France rurale en 2020, la
DATAR montre qu'un scénario tendanciel conduirait à une mise en tutelle par les villes des zones
rurales et à un dépérissement de la ruralité. Un scénario alternatif, au contraire, permettrait aux zones
rurales de vivre leur modernité tout en préservant leur identité et leur patrimoine culturel.

L'espace rural des pays de la rive sud, de la "projection de la tribu sur le


territoire" aux "territoires conflictuels entre individus et droits collectifs"
Dans les pays du Sud, on retrouve, dans la plupart des montagnes et collines sédentaires - et, jusque
tard dans le XX° siècle -, une organisation de l'espace semblable à celle de l'Europe rurale
traditionnelle. Mais l'importance des pastoralismes y avait ajouté les formes communautaires des
"aires pastorales", celles-ci également régies par des règles collectives fortes. La notion de finage,
traduite par des vocables multiples, y était particulièrement forte, indiquant notamment les formes et
les niveaux d'identification à un territoire des communautés tribales. Contrairement aux zones
sédentaires, où le finage/terroir tendait, comme en Europe, à se rapprocher d'un concept de
finage/territoire, dans les aires de pastoralisme, historiquement marquées par de lentes translations
territoriales, c'étaient les structures tribales et leur projection dans l'espace qui déterminaient les
territoires, et donc, l'équivalent des finages. Au cours du XX° siècle (et dès le XIX° pour l'Algérie), la
stabilisation des aires de transhumance et de nomadisme mit un terme aux lentes migrations des
sociétés pastorales, rapprochant ainsi la notion de territoire fixe et celle de groupe social.

L'espace agraire de la ruralité dans les pays du sud comprenait des terres utilisées par l'agriculture et
d'immenses superficies de parcours naturels et de forêts qui étaient utilisées pour l'élevage extensif sur
la base d'une répartition, entre les tribus ou les fractions de tribu, de droits collectifs de parcours. Dans
les montagnes et dans les zones pastorales, qui concernent la plus grande partie des territoires,
l'agriculture occupait peu de superficies mais le constat est fait, qu'en pratique, les populations
utilisaient la quasi-totalité de l'espace rural, que ce soit pour le parcours extensif, les prélèvements de
bois de feu ou comme réserve de défrichements agricoles. Traditionnellement, ces ressources étaient
gérées, à l'échelle des terroirs villageois ou des aires pastorales intercommunautaires, selon des règles
qui étaient bien fixées par les coutumes. L'espace agricole avait aussi une dimension collective pour
l'élevage car la vaine pâture y était généralisée.

Jusqu'au milieu du XX° siècle, la répartition de l'espace agricole entre les ruraux était largement régie
par un système traditionnel d'associations agricoles. Ce système, bien qu'à l'avantage des propriétaires
de terres les plus puissants, avait le grand mérite de n'exclure que peu de familles rurales de
l'exploitation agricole, chacun ayant au moins son travail à offrir. Il fut longtemps à la base d'une
redistribution des revenus, certes inégale, mais au moins, pour les ruraux qui n'avaient que leur travail
à offrir, suffisante pour que leur subsistance soit assurée. La généralisation du tracteur, à partir des

71
années soixante, fit disparaître ces mécanismes de redistribution, transformant le travailleur "associé"
en salarié, reléguant les attelages, devenus obsolètes, réduisant considérablement la demande de travail
et encourageant l'exode rural des paysans sans terre.

La mise sous tutelle de l'Etat des parcours collectifs et des forêts, à partir des années vingt, la
disparition de la vaine pâture vers les années soixante, l'apparition du camion dans les aires pastorales,
le défrichement agricole des parcours ou l'appropriation illicite de vastes étendues de parcours eurent
par ailleurs un effet important sur l'évolution des systèmes d'élevage extensif. Ces facteurs
accentuèrent les pressions et eurent des conséquences, qui s'aggravent encore plus aujourd'hui, sur la
dégradation des ressources pastorales. Ils ont en particulier créé de multiples situations conflictuelles,
les communautés cherchant continuellement à utiliser l'espace selon leurs usages traditionnels, l'Etat,
au contraire, cherchant à assumer son rôle de tuteur de l'espace forestier et pastoral. A ces tensions qui
ont déresponsabilisé les communautés et les ont encouragé à une gestion "minière" de l'espace protégé,
se sont ajoutés les effets de la croissance démographique et de la pression sur la terre. L'espace rural
des pays du Sud, soumis aux effets négatifs de la concurrence entre les individus et, par ailleurs,
largement démuni de systèmes efficaces de régulation étatique ou coutumière, semble être entré dans
une spirale de crise.

L'existence des territoires


Un deuxième questionnement interpelle le territoire. Qu'est-ce qu'un territoire? Comment,
tout d'abord, se situe-t-il par rapport à l'espace rural? Comment, ensuite, en déterminer les
contours? Les réponses, là aussi, sont multiples. Elles mettent en évidence un premier fait:
la territorialisation dessine les espaces selon les critères que l'on choisit. Par rapport à une
géographie objective, tous les territoires sont pertinents. Ils peuvent se chevaucher,
s'inclure. Le territoire est multidimensionnel. On voit, cependant, les expériences converger
vers une idée commune "d'espace de proximité". Cette idée privilégie les acteurs. Elle leur
donne les territoires qui délimitent l'espace primaire de leur vie sociale culturelle,
économique. Le concept de "bassin de vie" donne une bonne image d'un espace de proximité
mais par rapport à des services et par rapport à l'emploi. Cette définition suffit-elle? Ne
faut-il pas relativiser au regard de l'histoire des populations, au regard des moyens de
communication, au regard de l'évolution des technologies? L'espace de proximité
d'aujourd'hui était-il celui d'hier? Sera-t-il celui de demain. La seule chose certaine, c'est
que la géographie objective ne nous donne que la réponse de l'observable et donc celle du
moment.

La pluralité des territoires

Ce que l'on entend par "territoire" varie considérablement selon l'usage que l'on entend faire de ce
concept. Les définitions entrent cependant dans deux grandes catégories. La première serait celle de la
géographie descriptive. Celle-ci constate l'existence de "territoires de fait", dont l'existence et l'échelle
varient en fonction des critères choisis pour "régionaliser" l'espace. La seconde serait celle des
"territoires d'acteurs", cette seconde catégorie englobant tous les territoires définis par rapport à des
critères de fonctions et d'action.

Les "espaces de fait" sont ceux que décrit la géographie régionale. Le survol des études que produit
cette géographie montre la diversification extrême des régionalisations possibles. Il existe par exemple
une régionalisation selon les données du milieu physique et de la morphologie, selon la distribution des
activités économiques, selon les héritages de l'histoire, selon les critères des géographies spécialisées.
Les études géographiques produisent autant de découpages et de hiérarchisations régionales qu'il y a de
thèmes d'étude. La géographie régionale, française surtout – celle, par exemple, de Vidal de la Blache
ou d'E. Reclus -, eut l'ambition de déterminer une compréhension des territoires à partir d'une

72
identification de régions bien définies et circonscrites. La région était "constatée", elle était dite
"naturelle", "humaine", "historique" ou autre mais elle prenait sa place dans une vision stable du
territoire d'un pays. Cette géographie, dite "régionale", fut à la base de tout un enseignement jusqu'au
constat que l'on fit des transformations continues que connaissaient les territoires, et de leur
organisation ou réorganisation selon des hiérarchies territoriales toujours en devenir. La géographie ne
put éviter un changement de paradigme, il lui fallut intégrer la dynamique des polarisations, des axes de
communication, des flux d'échanges dans une explication qu'elle avait voulu plus simple - comme on
pouvait la concevoir au XIX° siècle, alors que les territoires étaient encore largement déterminés par
une longue stabilité historique, par des particularités de coutumes, d'habitat, de modes de vie, souvent,
de dialectes. La géographie est restée une science vivante mais, de descriptive des stabilités de l'espace,
elle est devenue une science des dynamiques de l'espace. Elle ne peut aujourd'hui nous donner que des
images successives de régionalisations multidimensionnelles dont les évolutions inégales modifient
constamment les hiérarchies, les polarisations et la compétitivité.

La seconde grande compréhension du concept de territoire se fonde sur une idée "d'action". Un
territoire se dessine parce qu'il répond à une fonction qui lui est attribuée. Les territoires d'action les
plus systématisés sont sans nul doute les territoires administratifs. Ceux-ci découpent tous les pays en
unités territoriales hiérarchisées dans le but de définir et circonscrire les compétences territoriales des
administrations. Mais il existe, en même temps, une infinité d'autres territorialisations de l'action,
chacune répondant à la projection territoriale d'une structuration fonctionnelle. La carte des assiettes
électorales dessine les territoires politiques. Les organisations professionnelles, associatives, politiques,
militaires, les institutions religieuses ont toutes, dès qu'elles se situent à un niveau national, une
géographie de leur organisation territoriale. Ces géographies se calquent souvent sur les découpages de
l'administration nationale mais elles peuvent aussi en différer, faisant apparaître des chevauchements,
des fractionnements ou des agrégations en discordance avec le modèle administratif. De plus en plus,
s'y superposent les territoires dessinés par les organisations supra nationales. Ces régionalisations
fonctionnelles, déterminées par les besoins de "l'action" d'une multiplicité de corps sociaux, constituent
une trame de fond dont on ne peut jamais ignorer les incidences et les interactions.

Cette grande catégorie des "territoires d'action ou d'acteurs" comprend bien entendu tous les territoires
conçus par rapport à des fonctions de développement et dont on a vu la grande diversité. Ces
territorialisations semblent s'être faites selon trois grandes approches. La première approche est celle
des "projets de développement", et tout particulièrement des projets des institutions internationales
d'aide au développement. Cette approche définit un projet et ses composantes et le projette sur un
territoire. Elle implique nécessairement la création d'une structure de gestion du projet, qui associe
selon des modalités variables des administrations et des acteurs du privé et de la société civile.
L'objectif de ces projets est de réaliser les actions correspondant aux financements disponibles. Ils n'ont
pas pour objectif de construire une gouvernance territoriale. Les effets sur la gouvernance, quand il y en
a, sont indirects. Mais le plus souvent la structure de gestion disparaît avec la fermeture du projet.

La seconde approche est celle des "projets de territoire". Cette approche, dont le programme LEADER
ou les contrats de territoire de la Caisse des Dépôts, en France, donnent une bonne illustration, part de
l'idée d'une association volontaire d'acteurs qui projettent leurs projets d'action dans un cadre territorial
qu'ils définissent eux mêmes. Le territoire qui sert de cadre au projet est ainsi un territoire projeté par
les acteurs. L'examen des projets LEADER a montré l'extrême diversité des situations qui en résultait.
Elle souligne, notamment, les discordances fréquentes avec d'autres formes de territorialisation. Cette
approche constitue certes un progrès notable par rapport à l'approche précédente mais elle n'en est pas
moins incertaine car elle ne peut pas correspondre à une structure politique en devenir. Elle peut, par
contre, évoluer dans ce sens si le volontarisme politique s'attache à faire coïncider cette territorialisation
"d'acteurs" avec une autre territorialisation, plus porteuse politiquement (ce que nous montre, par
exemple, l'Espagne). Les observateurs constatent néanmoins que lorsque les groupements d'acteurs, qui
se constituent autour d'un "projet de territoire" (comme, par exemple, dans les projets LEADER) , font
preuve d'une capacité d'innovation forte, ceux-ci peuvent jouer un rôle de catalyseur lorsqu'ils
interagissent avec d'autres formes d'organisation territoriale du développement.

73
La troisième approche est celle des "territoires de projet". Cette approche part de la définition d'un
territoire auquel des acteurs peuvent s'identifier parce que celui-ci constitue un cadre reconnu de leur
vie (il s'agit, en fait, d'une identification "passive"). L'approche propose de transformer cette forme
d'identification en une identification "active" en amenant les acteurs à coopérer pour concevoir un
projet pour le territoire et pour participer à sa réalisation. C'est cette approche que l'on retrouve dans les
idées de "pays", de "petite région", de "parcs régionaux", de "terroir villageois", de
"l'intercommunalité', etc. Il s'agit là de l'approche la plus porteuse car elle cherche ses bases dans une
convergence préalablement définie entre un territoire et une population - qui y retrouve à la fois son
espace vécu et son espace social. Mais c'est aussi l'approche la plus compliquée. Il est en effet difficile,
et toutes les expériences le montrent, d'abord, de bien identifier ces territoires "porteurs", ensuite de
motiver les acteurs pour qu'ils s'y identifient de façon active, enfin d'amener ces acteurs à concevoir un
projet collectif à long terme pour le territoire. La difficulté est également de les amener à construire des
formes durables de gouvernance. En dépit de ces difficultés, c'est probablement là la formule la plus
prometteuse pour une territorialisation du développement rural.

Les territoires, quelle que soit l'approche qui les définit et leur donne consistance, s'inscrivent dans des
espaces multidimensionnels qui répondent aux fonctions multiples qui interfèrent dans le
développement rural, structures pyramidales des administrations, espaces transversaux des
organisations professionnelles, espaces polarisés des services et du commerce, etc. Les "territoires de
proximité", s'ils répondent aux convergences les plus fortes des besoins du développement aux échelles
locales, ne sont pas pour autant des isolats dans des espaces plus vastes. Le défi permanent est de
trouver les bonnes articulations dans les espaces multidimensionnels, aussi bien aux échelles de
proximité qu'aux autres échelles de l'organisation régionale. Ce défi est d'autant plus difficile que les
facteurs qui déterminent la pluralité des dimensions spatiales sont eux mêmes en constante évolution.
L'observation continue des dynamiques spatiales est la seule réponse possible pour appréhender,
correctement et à un moment donné les multiples définitions et les interactions entre les territoires de
proximité et les espaces pluriels dans lesquels ils s'inscrivent. L'espace du développement local tend,
par contre, à retrouver une géographie des espaces "vécus", et il doit donc s'identifier à des espaces
d'acteurs. Il a certes une dimension économique car, dans un monde dominé par une économie de
marché, il ne peut éviter d'entrer dans une logique de compétitivité territoriale. Mais cet espace n'existe
que s'il s'identifie à un espace social et politique. L'espace du développement local, quelle qu'en soit la
définition territoriale, doit intégrer une double pluralité de niveaux, celle, interne, des échelles
territoriales qui le structurent, celle, externe, des niveaux dans lesquels s'organise sa multifonctionnalité.
Idéalement, les compétences reconnues à chacun de ces niveaux devraient être avant tout définies selon
un principe de subsidiarité.

L'échelle des territoires et l'espace local

Les expériences que l'on a analysées dans les chapitres précédents, traitent toutes, d'une façon ou d'une
autre, des échelles territoriales et, dans ce débat, pratiquement toutes mettent en évidence l'importance
de la "proximité territoriale". C'est la leçon que l'on tire des approches "pays", des "projets de
territoire", des projets LEADER. Que sa formulation soit claire ou non, cette notion est le plus
généralement comprise comme étant étroitement associée aux possibilités effectives qu'ont les acteurs
de maîtriser la complexité des problèmes de leur développement. Au-delà d'une certaine échelle
territoriale, en effet, les problèmes du rural ne peuvent être gérés que par des approches sectorielles ou
par des plans directeurs et des orientations stratégiques. A ces échelles, les décideurs ne partagent pas
les mêmes problématiques et se prononcent dans des cadres politiques ou professionnels qui ne
représentent que de façon indirecte les acteurs de proximité. Ceux-ci, par contre, se retrouvent et
communiquent aux échelles que l'on qualifie de "locales".

A ces échelles, les problématiques de la complexité sont directement vécues par les acteurs, ceux-ci
étant directement concernés par leurs dynamiques, que celles-ci soient vécues dans des contextes de
consensus ou, au contraire, d'oppositions et de conflits internes. Toutes les expériences convergent

74
pour montrer que la participation des acteurs se construit d'abord dans un espace limité, correspondant
à leur espace vécu. C'est à ce niveau que les acteurs de base peuvent le mieux s'identifier aux projets,
en saisir les interactions, participer aux décisions et en valider les résultats. C'est à ce niveau que
l'intégration multi sectorielle est le plus maîtrisable. L'échelle territoriale du"local" est celle des
politiques locales et des territoires de "proximité". Ces territoires ont, partout, une existence de fait,
historique ou émergente, ils sont ou non, soutenus par des structures politiques ou des cadres
institutionnels. Pour autant, on ne peut pas en donner de définition uniforme. Les échelles des
territoires de proximité varient selon les pays, les régions et elles comprennent elles même des
emboîtements de structures locales.

L'espace micro local, celui des villages, des communautés rurales, des communes, à une importance
considérable pour créer des dynamiques de participation et, en particulier pour gérer l'environnement et
les ressources des terroirs". Les compétences de ces premiers échelons territoriaux sont cependant
limitées. D'autres problèmes doivent en effet être nécessairement administrés à des niveaux
administratifs ou politiques, immédiatement supérieurs et dotés des attributions spécifiques et des
compétences correspondant à ces problèmes. Des limites de même nature renvoient les compétences à
des instances de niveau encore plus complexifié, comme l'intercommunalité ou la petite région
polarisée par une ville. Chacun de ces niveaux a sa place dans l'espace local, bien que de façon
différente selon les contextes géographiques et culturels des pays. Ce sont avant tout les acteurs
concernés qui en déterminent les contours selon leur perception de l'espace vécu et des différents
niveaux de leurs intérêts communs. L'espace du développement local doit intégrer ces différents
niveaux. Les compétences reconnues à chacun d'entre eux doivent être avant tout définies selon un
principe de subsidiarité.

Mais comment déterminer "l'espace local" correspondant le mieux aux convergences humaines,
sociales et économiques sur lesquelles peuvent se construire des dynamiques de développement local?
Existe-t-il un territoire local idéal? Cette question n'a pas de réponse simple car les acteurs des sociétés
complexes sont toujours impliqués dans des activités correspondant à une multiplicité d'échelles
territoriales. Les acteurs agissent en prenant des décisions mais selon l'objectif recherché, ils doivent
se référer à des compétences et des prérogatives se situant à différents niveaux d'organisation spatiale.
La territorialisation de l'espace vécu forme ainsi un dessin à contours multiples dans lequel se
rencontrent des espaces d'instances hiérarchisées et des espaces d'appartenance sécants mais aussi des
espaces évolutifs et changeants. L'espace vécu des acteurs a, de ce fait, une géométrie à la fois variable
et multidimensionnelle.

Toute la question est alors d'apprendre à reconnaître les concentrations d'instances et d'appartenances
les plus denses et dans lesquelles les intérêts des acteurs se rencontrent avec suffisamment d'intensité
pour que l'on puisse y trouver une signification et des raisons pour un projet de territoire collectif. De
tels espaces de convergence existent bien dans les faits mais la question corollaire est de savoir
comment ces espaces de convergence sont effectivement perçus par les acteurs et si cette perception
est suffisamment forte pour créer une "appartenance territoriale". La question complémentaire est de
savoir comment ces "espaces de convergence" s'articulent avec les autres échelles territoriales dans un
processus de développement local. Ces remarques nous projettent sur un autre questionnement, celui
de la finalité des territoires. Un territoire de proximité ne se définit pas seulement par son existence, il
ne devient un espace partagé par les acteurs que dans la mesure où il a une "finalité". C'est la
construction de cette finalité qui donne au territoire sa raison d'être et aux acteurs, des clés
d'identification et de participation. De "territoire de fait", le territoire devient alors un "territoire
intentionnel", un "territoire à construire", un "territoire de projet". C'est cette mutation du territoire qui
le fait véritablement entrer dans une problématique de développement. C'est ce qu'analyse maintenant
le troisième de nos questionnements.

75
La finalité des territoires

Un troisième questionnement concerne la finalité des territoires. Pourquoi s'interroge-t-on


sur les territoires? Ce questionnement est politique. Il dépasse les constats de la
géographie. Il interpelle le territoire en tant qu'objet politique: le territoire n'existe que par
rapport à un projet – ou, pour être plus général, par rapport aux idées et aux actes que l'on
"projette" sur ce territoire. Il est donc indissociable des acteurs qui portent ce projet et se
rassemblent, pour des raisons diverses, dans un territoire correspondant à ce projet. Avec
ce questionnement, le territoire n'est plus une donnée, il devient une construction, une
construction politique, économique, identitaire ou tout cela à la fois. Comment et pourquoi
se fait cette construction? Les territoires de fait de la géographie, et particulièrement les
"espaces de proximité", facilitent-ils ou non la construction du territoire de projet?

Ce questionnement nous met au cœur du débat sur la prise en compte des territoires par les politiques
de développement rural. Le territoire ne se réduit pas à une fonction de support géographique d'une
activité productrice. Il ne se ramène pas, non plus, à un espace à aménager et dans lequel il s'agit de
localiser des infrastructures, des routes, des zones nouvelles d'habitat. Le territoire est plus que cela
lorsqu'il est créé ou justifié par un projet. Sa finalité se juge par la nature de son projet. Les
expériences montrent cependant que le projet peut avoir des configurations multiples. Selon sa
configuration, en effet, il est ou non, ou peu, "porteur de territoire"

La configuration la moins porteuse est très vraisemblablement celle des projets dits de
"développement rural intégré". Ces projets qui gonflent le portefeuille des institutions internationales
d'aide au développement, ont tous une faiblesse majeure par rapport au territoire. En raison des
contraintes de procédure, ils ne peuvent en effet contenir que des catégories de "composantes "
définies a priori et entrant dans les types de financement autorisés par les critères des organismes de
financement. La conception "intégrée" est, de ce fait, une responsabilité de l'expertise extérieure, leurs
propositions étant soumises à la validation de l'administration, sous réserve de demeurer dans les
limites des critères de l'institution d'aide. Le projet n'est ainsi, au départ, qu'un assemblage de
composantes pré identifiées. Il ne constitue pas un projet de territoire, son élaboration ne contribue pas
à l'émergence d'une identité territoriale, pas plus que sa formulation ne contribue à une appropriation
par les acteurs.

Les projets du type LEADER sont nettement plus porteurs de finalité mais avec souvent une
équivoque grave sur le contenu du projet de territoire. Celui-ci n'est en général qu'une formulation
contractuelle indispensable pour être éligible à un financement du programme. Il en résulte, le plus
souvent, des formulations très vagues sur le territoire et sur le contenu du projet de territoire. Une fois
les financements obtenus, la référence au projet de territoire n'est plus qu'une formalité. Les projets,
sont certes localisés dans l'aire territoriale mais ils se ramènent, le plus souvent, à des listes
d'initiatives ponctuelles, souvent dispersées et donnant une nette priorité aux actions à court terme.
C'est ainsi la méthode elle-même qui est en cause. Reposant sur les initiatives des "porteurs de
projets", elle reflète inévitablement les intérêts immédiats de ces acteurs. La globalité du
développement territorial, l'intersectorialité et l'intégration se révèlent être trop complexes pour
pouvoir être appréhendées dans un mécanisme de formulation donnant la priorité aux initiatives de
porteurs de projets – et dont la motivation principale est de se regrouper pour avoir accès à des
financements nouveaux.

L'approche par "pays" ou avec une formule type "parcs régionaux" évite cet écueil car fondée, dès le
départ, sur une bonne compréhension du territoire, sur des négociations avec tous les acteurs impliqués
dans le territoire et sur l'élaboration préalable d'un véritable projet de territoire portant sur le long
terme – ce qui, dans l'approche des "pays" en France, correspond à la charte de pays -. Cette formule
est d'autant plus porteuse que, dans son concept, elle a pour finalité implicite la création d'entités
territoriales appelées à fédérer les autres organisations de développement et à constituer, in fine, les
unités territoriales de base du développement local à venir. Cette approche, on l'a vu, est la base de la

76
stratégie de développement rural de la France mais elle apparaît aussi de plus en plus dans les
intentions stratégiques d'autres pays de la Méditerranée. Les dispositifs constitutifs des "pays"
suffisent-ils à constituer des territoires de projet? Les évaluations montrent que si les processus sont en
marche, leurs effets constitutifs demandent encore de longues maturations. L'exemple français, qui est
le plus avancé dans cette voie, montre que les contrats de pays ont souvent ce coté liste de projets que
l'on a pu reprocher au type d'approche précédent. Comme pour cette approche, également, on observe
que les liens entre la charte de pays et les projets proposés sont loin d'être évidents. On observe, de
plus, que des problèmes de fond, touchant en particulier au développement durable, sont largement
ignorés. En France, en outre, l'identification au territoire de pays se fait d'autant plus difficilement que
les acteurs sont souvent impliqués simultanément dans plusieurs structures territoriales et qu'il en
résulte des concurrences souvent négatives. Cette distorsion est, par contre, évitée en Espagne et en
Italie où les structures territoriales sont nettement moins plurielles.

On se retrouve, en fin d'analyse, avec une interrogation de fond sur la relation entre territoires et
projet. Un constat semble acquis: le territoire, s'il doit être autre chose qu'un support géographique,
doit nécessairement être associé à un projet de territoire. Sur la nature de ce projet, sur la façon dont il
reflète une vision à long terme réaliste, dont il intègre les contraintes et les opportunités de la
multifonctionnalité, dont il prend en compte la gestion durable de l'environnement, nous n'avons pas
encore de bonnes réponses d'expérience. On ne peut donc que réaffirmer la nécessité, pour les projets
de territoires, de bien se replacer dans une perspective de compréhension holistique du développement.
Le projet de territoire doit être constitutif d'une identité territoriale. Il doit pouvoir devenir une
référence identitaire pour ses acteurs. Il doit être à la fois fédérateur et porteur d'un potentiel d'auto
gouvernance. Il doit prendre en compte tous les facteurs qui en font un territoire "vécu". Il doit
privilégier la durabilité. Il doit enfin rester ouvert dans la mondialisation en privilégiant sa
compétitivité et en s'articulant aux autres territoires.

Les acteurs du territoire

 Le quatrième questionnement interpelle les acteurs. Pourquoi s'identifient-ils au territoire? Pour


quelles motivations adhèrent-ils au projet? Les acteurs émergent de la population du territoire. Ils
ne sont pas nécessairement toute la population, ils la représentent bien ou non. Que nous disent
les expériences territoriales des interactions entre acteurs et population? Une identité collective
peut-elle émerger d'un projet de territoire ou faut-il nécessairement y ajouter bien d'autres
facteurs de solidarité territoriale, historiques, culturels, politiques? Peut-on éviter la complexité
des territoires? Quels sont les effets, positifs ou négatifs, des jeux de pouvoir des acteurs
impliqués dans le développement territorial?

L'identification au territoire

Sur un plan conceptuel, l'identité d’un territoire correspondrait à l’ensemble des perceptions
collectives qu'ont ses habitants de leur passé, de leurs traditions et de leur savoir-faire, de leur structure
productive, de leur patrimoine culturel, de leurs ressources matérielles, de leur avenir, etc. Il ne s’agit
pas d’une identité exclusive et univoque, mais d’un ensemble complexe intégrant une multitude
d’identités propres à chaque groupe social, à chaque lieu, à chaque centre de production spécialisé, etc.
Cette identité “plurielle” n’est pas immuable, elle peut au contraire évoluer, se renforcer, se
moderniser. Quels sont les rapports de cette identité avec les territoires de projet?

Les "territoires de projet" constituent, on le voit de plus en plus en analysant ces problématiques, la
référence centrale en matière de développement intégré sur une base territoriale. Ces territoires sont
essentiellement des "territoires intentionnels" (cf. doc. 138). Ils se forment en effet parce qu'ils sont
"décidés" dans des contextes politiques divers. Les expériences de développement nous montrent
certes qu'il existe des configurations territoriales "auto décidées" mais seulement à petite échelle, par

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exemple, lorsque des ONG ou des associations locales prennent en main leur propre projet de
développement. On trouve de telles expériences au Maroc à l'échelle de certains villages où des micro
programmes ont pu être formulés et mis en œuvre par des associations locales, souvent aidées par des
personnalités de la diaspora. Mais ces initiatives sont fragiles et elles ne se consolident vraiment que
lorsqu'elles s'intègrent à des programmes de développement étatiques. C'est ce qui se passe au Maroc
avec l'Initiative de Développement Humain.

Le cas général, cependant, est celui des territoires nés d'une intention politique. La question est de
savoir comment se fait (si elle se fait) l'identification des acteurs aux territoires qui leur sont proposés.
Il y a bien sûr plusieurs réponses mais toutes montrent que cette identification n'est pas acquise au
départ. Elle se construit, quelles que soient, par ailleurs, les raisons d'existence d'une "personnalité
territoriale".

Le cas le plus difficile est celui des territoires déterminés par des projets financés par l'aide
internationale, une situation qui prédomine dans les pays du Sud. Ces projets tendent à s'inscrire, en
général, dans des limites administratives. Les rapports des acteurs au projet tendent, en conséquence, à
se calquer sur les rapports qu'ils sont avec les autres actions de l'administration. Les actions du projet
n'apparaissent que comme des lignes supplémentaires des budgets des administrations. Certes, des
mécanismes ad hoc, tels que les unités de gestion du projet maintiennent la fiction d'un déboursement
autonome et propre au projet. Mais dans les faits, la distinction comptable n'est qu'un écran derrière
lequel l'administration reste le seul maître du contrôle financier. Un projet territorial n'existe que par sa
dénomination qui qualifie l'origine d'un financement. A l'échelle des acteurs, il n'est pas autre chose
qu'une autre représentation des actions de l'Etat. Dans de telles conditions, le projet n'apporte pas de
valeur ajoutée à l'identité territoriale qui reste déterminée par la structure administrative préexistante.

Ces dernières années cependant plusieurs initiatives, impulsées, en général, par les institutions d'aide
au développement, ont introduit des germes de changement qui ont commencé à modifier certains
rapports entre l'administration et les populations. L'empreinte la plus marquée de ces changements est
celle que l'on peut constater au niveau des villages. C'est en effet à ce niveau que l'on a surtout cherché
à introduire des approches participatives. Celles-ci se sont proposées de développer des formes de
concertation afin de mieux faire comprendre les buts du projet et afin d'inciter les acteurs villageois à
apporter leur contribution en contrepartie des apports d'un projet. Ces démarches cependant ne sont
qu'exceptionnellement allées jusqu'à impliquer les acteurs dans les processus de programmation et
encore moins dans les décisions. Le cas du projet de développement intégré du Sud Est tunisien
représente, dans ce contexte, une expérience encore isolée. Les approches villageoises ont en général
eu un impact sur l'identification au territoire. Mais à bien regarder, c'est parce qu'il existait une identité
territoriale à l'échelle des villages que ces approches ont pu être tentées. Si elles n'ont pas créé
l'identification au territoire villageois, elles ont, par contre, donné à cette identité de nouvelles raisons
de s'affirmer. C'est en tous les cas ce que l'on peut constater dans les nombreuses approches
villageoises qui ont été soutenues au Maroc et en Tunisie par la Banque mondiale, le FIDA et le
programme MEDA de l'UE. En revanche, à l'échelle des projets, en tant qu'entités structurelles, peu de
progrès marquants ont été faits, en dépit des efforts pour constituer des comités de pilotage des projets
où se retrouvent l'administration et des représentants des organisations professionnelles, des ONG, etc.
Dans les faits, l'administration a conservé sa position prééminente.

L'expérience des "pays" en France et des "comarcas", leur homologue en Espagne, montre que le
problème de l'identification au territoire a été posé à partir d'un paradigme complètement inversé. Les
"pays" ont en effet été conçus comme des territoires en très grande partie justifiés par l'existence d'une
personnalité territoriale, celle-ci trouvant ses racines dans son histoire, sa culture, ses réseaux de
proximité sociale, ses caractères communs. On est donc parti d'un postulat d'identité. Le défi a
cependant été, et est encore, de passer de l'identification à un territoire de fait à l'identification à un
territoire de projet. Ce que l'on sait aujourd'hui des "pays" montre que ce passage n'est pas acquis du
seul fait de l'héritage. Il implique en effet un changement d'attitude. Il faut en particulier transformer
une culture de "terroir" ou de "clocher", qui est essentiellement réactive, en une "culture de projet",
celle-ci proactive. Il y a là un besoin d'éducation, de changement d'optique dont les difficultés sont

78
loin d'être maîtrisées. Les "médiateurs territoriaux" doivent y jouer un rôle essentiel. Ce que l'on peut
dire cependant c'est que ce sont des indicateurs très ciblés qui peuvent le mieux contribuer à une
identification par rapport à un projet. Ainsi en est-il par exemple de l'image des produits de terroirs, de
la centralité d'une ressource touristique, de la renommée d'un site historique. Le pays cathare, dans le
midi pyrénéen, en France, s'est reconstruit autour de son image historique.

L'identification des acteurs

Les acteurs sociaux interagissent et décident dans des cadres territoriaux où se rencontrent leurs
intérêts communs ou leurs conflits. Ces cadres territoriaux sont pluridimensionnels, ils vont en effet de
la nation au village. A chaque échelle, ils ont ou non des correspondances avec des structures
institutionnelles ou administratives, des structures politiques, des formes diverses de solidarité sociale.
Ces niveaux de l'organisation sociale et politique ont ou non les moyens de décider et d'agir, ils ont ou
non (ou dans une mesure variable) une capacité de gouvernance. Mais qui sont les acteurs du
développement territorial? De quelle autonomie disposent-ils dans la gouvernance du développement?

Au Sud, le rôle prépondérant des agents externes


Dans les pays du Sud, encore fortement marqués par les projets territoriaux financés par des
organisations extérieures, les rôles principaux reviennent aux administrations et aux agents
représentant ces organisations. Les administrations opèrent en général dans un contexte fortement
centralisé, le cas échéant déconcentré au niveau régional. En dépit des politiques de désengagement de
l'Etat, stimulées par les politiques d'ajustement structurel, les administrations restent encore les
opérateurs de référence des activités de développement rural. Les actions de soutien au développement
(investissements dans les infrastructures, conservation des sols, irrigation, recherche, encadrement
technique, tutelle des organisations agricoles, incitations, etc.) incombent essentiellement aux services
techniques du Ministère de l'Agriculture (et du Développement rural, quand cette fonction est
institutionnalisée). Leurs programmes sont définis chaque année par une loi de finances (ou son
équivalent). Les financements alloués aux projets de développement par les institutions internationales
de financement sont nécessairement intégrés au budget de l'Etat, bien que généralement avec une
comptabilité distincte. Ce sont donc des administrations qui engagent l'essentiel des financements
affectés aux projets de développement rural. Elles perçoivent une partie des fonds des projets en
rémunération de leurs services.

Les agents des institutions internationales de financement ont, de leur coté, un rôle déterminant dans
l'identification et la formulation des projets soumis au financement. Les projets, en effet, s'ils doivent
nécessairement s'inscrire dans des priorités nationales, n'en sont pas moins choisis en fonction de la
politique que chaque institution entend mener dans un pays donné. L'expertise de ces institutions a la
charge d'élaborer chaque projet, notamment en tenant compte des politiques et des approches qui,
selon l'organisation (et en fonction surtout de sa propre expérience), doivent assurer la viabilité du
projet. Une fois le projet validé par la contrepartie nationale, celui-ci fait l'objet d'un accord de prêt qui
constitue une sorte de charte de mise en œuvre du projet. Quelques ajustements seulement peuvent être
effectués lors de l'évaluation à mi parcours. L'expertise externe s'assure, par des missions de
supervision, conduites pendant toute la durée du projet, de la conformité de la mise en œuvre avec
l'accord de prêt.

Comme on peut l'imaginer, cette rigidité du fonctionnement des prêts internationaux conjuguée avec
celle des lois de finance, laissent peu de place aux possibilités de réajustement en cours de projet. Elles
laissent encore moins de place aux acteurs locaux dont le rôle ne peut être que consultatif. Depuis
quelques années cependant, ce modèle dominant est soumis à des questionnements très profonds. Mais
peu de mesures se sont révélées efficaces pour en changer l'esprit. Les avancées ont surtout concerné
les efforts pour associer le secteur privé aux projets dans le cadre de partenariats public privé et pour
introduire des mécanismes de concertation avec les bénéficiaires des projets. Des tentatives ont

79
également été faites pour introduire un concept souple de "programme" afin de dépasser la rigidité
inhérente à l'approche par "projets". En dépit cependant de toutes les déclarations politiques en faveur
des approches "flexibles" et de la promotion de mécanismes ouverts en faveur d'une gouvernance
locale plus responsable, les projets financés par l'aide extérieure continuent à fonctionner
majoritairement selon le schéma, aujourd'hui bien endurci, du binôme administration/institutions de
financement. Si des acteurs nouveaux apparaissent malgré tout, grâce aux effets de certaines réformes,
leur rôle reste encore largement marginal. Les nouveaux mécanismes de gouvernance ont
indéniablement fait émerger des structures représentatives. Mais celles-ci n'ont aucun pouvoir de
décision sur l'affectation et la mobilisation des financements. La démocratisation du discours ne
s'étend pas à celle du contrôle des ressources financières.

Certains pays du Sud voient cependant émerger un nouveau type d'acteurs sous la forme des
mouvements associatifs. Dans les pays où elles ont pu se développer (par exemple, au Maroc), les
associations ont pris une importance croissante dans les dynamiques de développement local. Souvent
créées à l'initiative d'émigrés ou d'universitaires originaires des zones rurales, les premières
associations se sont surtout proposées des actions très ciblées à l'échelle des villages. Le soutien
qu'elles ont reçu des institutions internationales a, par la suite, déterminé certains gouvernements à les
soutenir et à en faire des relais de leur action sociale (tant dans les villes que dans les zones rurales).
Une certaine dérive en a parfois résulté, de nombreuses associations se créant pour avoir accès aux
financements publics alloués à des ONG. Certaines associations cependant sont parvenues à prendre
une place éminente dans des domaines spécifiques. Ainsi, au Maroc, deux ONG dominent le secteur
du micro crédit (par exemple, l'ONG Zakoura). Celles-ci ont notamment réussi à atteindre les femmes
et les familles les plus pauvres. Leur action cependant est restée souvent biaisée en faveur des villes.
On ne doit pas oublier de mentionner la place et le rôle des collectivités locales quand celles-ci
deviennent de véritables acteurs du développement territorial. C'est ce qui se passe, par exemple, au
Maroc avec un nombre croissant des 1296 communes rurales.

Au Nord, les interférences des dynamiques démocratiques et des administrations


Dans les pays du Nord, les conditions de départ ont été complètement différentes. La dynamique
sociale est en effet profondément déterminée par la force des mécanismes démocratiques (encore que
souvent assez récents en Espagne, en Grèce et au Portugal), par la diversification et l'implantation des
organisations professionnelles et par l'activisme des structures de la société civiles. Ces mécanismes
émergent progressivement dans plusieurs pays du Sud mais leur impact n'est pas encore suffisant pour
modifier en profondeur des règles du jeu dominées par le force des Etats.

L'existence de ces données socio politiques a été déterminante pour que l'on puisse introduire dans le
jeu du développement au Nord des notions fortes de partenariat entre l'Etat et d'autres acteurs. On y
associe ainsi, et selon les contextes locaux, le secteur privé, les organisations professionnelles, les
associations de la société civile, les syndicats, les universités, les structures religieuses, etc. L'exemple
des comarcas espagnoles (voir chapitre 2) montre que des comités de développement peuvent
rassembler toutes les expressions sociales d'une région donnée et qu'on peut les associer dans une
même organisation. Mais on doit de garder de trop accuser cette différenciation entre le Nord et le
Sud, entre les mécanismes de partenariat de l'un et ceux du centralisme étatique de l'autre. En effet,
jusque qu'à une époque récente, c'est l'étatisme qui a prévalu dans les politiques de développement de
la plupart des pays de la rive Nord. Les programmes LEADER qui furent parmi les premiers à
préconiser les formules partenariales, durent rappeler qu'ils se basaient sur des approches ascendantes
(bottom up), soulignant ainsi en négatif que les politiques descendantes (top down) avaient prévalu
jusque là. Les approches participatives et les mécanismes de partenariat dans le développement sont,
en fait, relativement récents. Il s'agit de politiques nouvelles qui ont du s'imposer aux vieilles
structures de la démocratie représentative. Vu sous cet angle, l'écart entre l'état des mécanismes de
soutien du développement au nord et au sud pourrait ne pas être aussi considérable qu'on se plaît à
l'imaginer.

80
Ce constat mérite d'autant plus d'être souligné que les expériences du Nord en matière d'approches
partenariales mettent bien en évidence la force des résistances au changement. En France, en Espagne,
les évaluations qui ont été faites des mécanismes de participation partenariale dans les "pays", les
comarcas ou les parcs régionaux, soulignent en effet avec insistance le poids constant des
administrations et des élus institutionnels dans les prises de décision. La culture de "représentation",
celle des élus, tend à s'opposer à la "culture de projet" que portent avec eux les partenaires sociaux,
économiques, professionnels. Cette culture de la représentation pèse d'autant plus qu'elle s'allie,
souvent, à la culture centralisatrice des administrations. Elle est encore plus marquée en France car
c'est aux maires que reviennent toutes les signatures finales. Les politiques de développement rural et
local au Nord ont certes ouvert un nouveau jeu pour une participation décisive des partenaires du
développement. Mais les progrès qui en ont résulté doivent être aussi mesurés aux résistances des
structures représentatives de la gestion des territoires.

Dans les pays du Nord, les politiques territoriales ne peuvent pas éviter de prendre aussi en compte
l'existence des collectivités locales qui structurent les zones rurales. Ces organismes sont gouvernées
par des corps élus et disposent d'un budget. Elles constituent, dans tous ces pays, la base du maillage
territorial.

La participation des acteurs

La nécessaire association du développement rural à des mécanismes de gouvernance territoriale


interpelle une dimension politique essentielle, celle des mécanismes de participation et de
responsabilisation des acteurs dans les processus de gouvernance territoriale et de gestion du
développement rural. Ces approches ont trouvé assez naturellement leur place dans les mécanismes
mis en place dans les pays du Nord pour gérer les projets de développement territorial. Dans les pays
du Sud, ces approches participatives sont à la mode depuis deux ou trois décennies mais elles n'ont
longtemps eu que des effets peu probants. Encadrée par des projets souvent initiés par un intervenant
extérieur et largement pilotés par l'Etat, la participation est, pour l'essentiel, restée "sous tutelle".
Faiblement accompagnée par les progrès de la démocratie locale, les mécanismes participatifs se sont
trop souvent réduits à des exercices méthodologiques, plus ou moins conduits par des bureaux d'étude.
La mise en place de systèmes d'accompagnement, dans la durée, des processus participatifs a été
ignorée par la plupart des administrations tandis que l'esprit de ces approches restait largement
étranger au personnel de ces mêmes administrations. Tout au plus a-t-on fait de la "participation" un
mot valise à l'usage des observateurs venus de l'étranger. C'est en tout cas cette image que les
approches participatives ont renvoyée pendant de longues années.

Le Guide pratique de la participation du PNUD (1998) distingue des degrés croissants de participation (cité

 Manipulation (proche de l’endoctrinement, du marketing) ;


par doc. 64)

 Information (première étape de la participation, qui consiste à informer les acteurs de leurs droits, de

 Consultation (communication bi directionnelle dans le cadre de laquelle les acteurs peuvent faire valoir
leurs responsabilités, des enjeux et des diverses options possibles de développement) ;

leurs points de vue, sans garantie toutefois qu’ils soient réellement pris en compte)
 Construction de consensus (les acteurs interagissent entre eux pour parvenir à une décision acceptable

 Prise de décision et partage des risques (le consensus rejoint débouche sur la prise de décision
pour le plus grand nombre) ;

collective et l’assomption de responsabilités quant à la mise en œuvre du projet adopté) ;


 Partenariat (développement de relations d’échange entre groupes d’acteurs qui se respectent et

 Autogestion (les acteurs interagissent dans le cadre de processus d’apprentissage portant à


travaillent pour un objectif commun) ;

l’optimisation du bien-être collectif au travers du développement endogène). Tout comme le


développement durable représente

81
Depuis un certain temps, l'idée de responsabilisation et de participation est reposée dans un contexte
beaucoup plus porteur, celui de la promotion de structures locales capables de porter par elles mêmes
un processus de développement territorial. L'objectif n'est plus, comme ce fut souvent le cas dans les
expériences passées, d'élaborer un plan de développement avec les populations, mais bien d'utiliser cet
objectif pour susciter la formation de structures locales capables de gérer la dynamique créée par des
projets de développement local. Ces approches rejoignent à la fois celles du développement
participatif, de la décentralisation de proximité, de la gestion des territoires et de la prise en compte de
l'environnement. Il s'agit là essentiellement de partir des acteurs et de leur donner les moyens de
résoudre les conflits, de se concerter, de négocier avec les autres partenaires de développement,
d'évaluer les résultats de l'action. Ces approches mettent en évidence le rôle incontournable des agents
de médiation. De tels agents manquent encore massivement et leur formation se pose en termes de
requalification des ressources humaines. Compris dans un tel sens, le développement territorial
participatif tendrait à se confondre avec la dynamisation de la démocratisation à la base. Ces nouvelles
orientations émergent progressivement (elles sont, par exemple, encouragées par la FAO qui les
expérimente dans quelques petits projets - cf. doc. 202). Mais on est souvent loin des conditions de
départ qui permettraient de les promouvoir massivement.

Acteurs et jeux de pouvoir

Toutes les expériences montrent que le jeu des acteurs impliqués dans les projets de territoires est
aussi un jeu de redistribution des pouvoirs. Un projet de territoire est en effet un puissant moyen pour
consolider des pouvoirs en place ou pour en faire émerger de nouveaux. Le fait que ces deux
tendances se manifestent le plus souvent en même temps doit être vu non pas comme une difficulté
mais au contraire comme un facteur de dynamisation des processus territoriaux.. Mais il faut, tout
d'abord, éviter le schéma simplificateur qui mettrait les élites en place du coté du statu quo et les élites
émergentes du coté de l'innovation. Lorsqu'un projet de territoire se met en place, tous les acteurs
tendent à se positionner par rapport à des opportunités qu'ils apprécient, d'abord, par rapport à leur
intérêt personnel. La question est de savoir ce que chacun peut gagner ou perdre en termes de pouvoir
politique (lorsqu'il s'agit d'élus ou d'administrateurs), en termes de profit économique (lorsqu'il s'agit
d'entreprises), en termes d'espace social (lorsqu'il s'agit d'associations), en termes de situation
personnelle (lorsqu'il s'agit d'individus ou de familles).

Ces positionnements dépendent à leur tour des conditions dans lesquelles s'élabore le projet territorial.
Les options sont tout à fait ouvertes lorsque la participation des acteurs est maximisée par des
processus réellement participatifs. Dans ce cas de figure, tous les acteurs peuvent s'exprimer et les
compromis qui émergent en fin de débat reflètent les équilibres réels entre les pouvoirs des acteurs
dans le jeu participatif et l'appréciation collective des enjeux du développement territorial. Ce cas de
figure n'est cependant pas le plus fréquent. La situation la plus récurrente est celle dans laquelle les
initiatives sont prises par des pouvoirs déjà en place (administrations et élus). Le jeu participatif
associe certes les autres acteurs mais avec une certaine asymétrie, les promoteurs, qui appartiennent
aux structures représentatives ou institutionnelles, conservant une plus grande maîtrise du système de
décision (c'est, par exemple, ce que l'on remarque dans les comarcas d'Andalousie). La troisième
grande situation est celle que l'on rencontre lorsque la genèse du projet est principalement pilotée par
des agents externes et par l'administration. Cette situation correspond, par exemple, aux processus des
projets des institutions de financement.international. Dans ce cas de figure, la participation est
"octroyée " et les acteurs sont invités à se positionner dans le cadre des règles qui leurs sont données.
On le voit, si le projet de territoire peut être une source de redistribution des pouvoirs, ses modalités
peuvent varier considérablement selon les contextes de départ.

Ils n'en reste pas moins que tous les contextes, même ceux qui sont au départ les plus rigides, sont
créateurs d'opportunités. Les évaluations concordent pour constater que les projets font émerger de
nouveaux pouvoirs, souvent parce que les projets nécessitent de nouvelles compétences, souvent aussi
parce qu'ils créent des opportunités économiques pour de nouveaux acteurs, souvent encore parce que
les structures créées par les projets favorisent la représentation de catégories sociales marginalisées

82
(femmes, jeunes, pauvres)26. Il est certain que ces émergences se heurtent le plus souvent aux
résistances des pouvoirs en place. Les logiques de projet et l'élargissement des champs d'activité
finissent cependant par introduire des germes de changement. Le reste, c'est-à-dire la coagulation de
ces émergences dans le tissu social, dépend du contexte politique global. Si la pression pour la
démocratisation est forte, la coagulation sociale se fera. Dans d'autres cas, les processus ne pourront
qu'être amorcés. Mais même ainsi, ils auront des effets positifs, dans la mesure où ils auront créé des
attentes et des aspirations qui ne pouvaient pas s'exprimer auparavant.

La problématique de la gouvernance territoriale

 Un cinquième questionnement pose la problématique de la "gouvernance". L'idée commune


implicite est de voir dans la gouvernance une approche rapprochant la société civile des systèmes
de décision. La gouvernance est ainsi souvent comprise comme un retrait de l'Etat, comme un
retour à une démocratie de base idéalisée. C'est ce que recouvre notamment la terminologie
excessive de la "participation". Dans quelle mesure les systèmes mis en place, dans différents
contextes, affirment-ils cette compréhension de la gouvernance? Ne voit-on pas, au contraire,
prévaloir l'empirisme et la prévalence des modèles d'organisation évolutifs? Les expériences
réussies ne montrent-elles pas que l'une des raisons de succès repose sur une bonne articulation
entre processus ascendants et descendants?

Du sens de la "gouvernance "

La gouvernance fait intervenir "un ensemble complexe d’acteurs et d’institutions qui n’appartiennent
pas tous à la sphère du gouvernement; elle traduit une interdépendance entre les pouvoirs et les
institutions associées à l’action collective. La gouvernance fait intervenir des réseaux d’acteurs
autonomes et part du principe qu’il est possible d’agir sans se remettre au pouvoir de l’État" (cf. doc.
64). Cette définition, qui est largement acceptée, donne un sens élargi au concept de gouvernance. Elle
substitue en effet une nouvelle compréhension de rapports sociaux et politiques à la compréhension
qui voyait essentiellement dans la "gouvernance", les qualités du "bon gouvernement". L'équivoque
n'est cependant pas encore complètement levée. Pour les institutions internationales, notamment le
PNUD, particulièrement engagé dans les progrès de la gouvernance, c'est encore largement dans le
sens d'une amélioration des services et des qualités des gouvernements que l'on entend ce concept.
Appliquée, par exemple, aux gouvernements locaux, la bonne gouvernance se qualifie par sa
légitimité, sa représentativité, sa capacité de transparence et sa "redevabilité"27. Dans les politiques de
l'UE, par contre, la gouvernance est entendue dans sa signification élargie. Dans les pays du Sud, sa
signification reste ambiguë: tantôt, le concept de gouvernance s'applique aux progrès et à
l'amélioration du système de gouvernement, y compris dans sa représentativité – une dimension de la
gouvernance qui renvoie aux progrès de la démocratisation -; tantôt, ce concept est compris dans son
sens élargi, impliquant, par exemple, les rôles du mouvement associatif, le développement des
partenariats, les progrès de la participation, l'insertion des femmes et des jeunes dans le
développement, etc. L'analyse que l'on a faite des expériences de développement territorial montre de
nettes convergences pour donner un sens élargi au concept de gouvernance. Elle semble ainsi trancher

26
Lors d'une évaluation conduite au Mali, l'auteur a montré comment un même projet, conduit selon les mêmes
procédures dans une quinzaine de villages des bords du Niger, avait induit des évolutions politiques internes
débouchant sur quatre schémas de pouvoir, notamment celui du renforcement d'un pouvoir traditionnel, celui
d'une remise en cause d'une chefferie par un autre lignage, celui d'une prise de pouvoir par des élites non
traditionnelles et créées par l"importance acquise dans la gestion du projet (voir G Lazarev, Vers un éco
développement participatif, L'Harmattan, 1993)
27
On doit cette terminologie aux canadiens qui ont ainsi traduit le terme anglais d'accountability qui n'avait pas
d'équivalent en français. La redevabilité exprime le devoir, pour les gouvernants, de rendre compte de leur action
à leurs mandants. Ce terme fait désormais partie du vocabulaire politique du Canada francophone et il a été
récemment introduit dans le vocabulaire politique de la Tunisie.

83
le débat. Mais il est par ailleurs clair qu'il faut encore un long travail d'explication pour que cette
compréhension devienne un acquis commun de tous les pays de la Méditerranée.

On constate, par ailleurs, que les approches de la "gouvernance" ont toutes partagé de mêmes
réflexions sur l'opposition entre approches descendantes et approches ascendantes, (top down et
bottom up). Au départ, une confusion s'était largement installée. On avait en effet donné à la
gouvernance le sens, plus restreint d'une approche fondée sur de bonnes pratiques et partant de la base,
donc privilégiant une démocratie ascendante. On la comprenait comme une approche spécifique que
l'on opposait aux approches descendantes, directives et étatiques qui avaient prévalu et qui étaient
données comme une sorte d'antithèse de la "bonne gouvernance. Progressivement cependant la
gouvernance prit un sens beaucoup plus large. Le débat n'est plus aujourd'hui d'opposer le top down
au bottom up, mais bien de trouver les bons niveaux d'articulation, de rencontre et d'arbitrage entre les
deux processus.

Des approches "descendantes" et "ascendantes"

Les expériences réussies de développement territorial confirment ce constat. Les contrats de "pays"
qui ont été conclus en France entre l'Etat ou les Régions et les structures associatives en charge de la
représentation des "pays" illustrent les nuances multiples des arrangements possibles entre les
procédures descendantes (qui suivent les ligne directrices de la politique de décentralisation de la
France) et les procédures ascendantes (qui expriment les attentes ou les projets des acteurs locaux.).
L'analyse de ces expériences ne montre cependant aucun dispositif organisé pour mettre en cohérence
les attentes et les attitudes des acteurs en amont et des acteurs en aval. Le seul outil semble avoir été
celui de la discussion permanente, de la compréhension mutuelle, de la volonté de trouver des
compromis. La bonne pratique a été celle du bon sens partagé. Mais ces expériences montrent aussi
que les processus d'ajustements réussis entre démarches ascendantes et descendantes ont reposés, dans
une très grande mesure, sur les capacités d'accompagnement d'une poignée d'agents qui ont joué un
rôle de "médiation territoriale". On retrouve de tels intermédiaires dans toutes les opérations réussies.
Les expériences montrent aussi que l'engagement des mêmes intermédiaires dans la durée est sans nul
doute une garantie importante pour la durabilité des processus engagés. On ne doit donc pas faire
preuve de naïveté: la participation spontanée, les accords "logiques" entre les démarches ascendantes
et descendantes n'existent que dans les documents de méthodologie participative. Les réalisations dans
ce domaine ne vont dans la bonne direction qu'avec une "direction assistée".

Une autre expérience, dans un tout autre contexte, et que l'on a déjà citée, illustre la nécessité de la
bonne articulation entre les démarches ascendantes et descendantes. Il s'agit du Projet PRODESUD
dans la Tunisie du Sud Est. Ce projet, on l'a déjà dit, distingue les activités relevant de l'administration
publique et celles relevant de programmes préparés et négociés par des communautés locales. Ces
résultats, qui ont été inscrits dans l'Accord de Prêt du financement international, ne doivent pas grand-
chose à la spontanéité des acteurs. Leur réussite tient, pour une part essentielle, à la continuité du
soutien assuré par une équipe de "médiateurs" qui ont suivi le projet depuis sa conception jusqu'à sa
mise en œuvre. Une telle approche a eu un caractère pionnier dans les approches de l'institution
financière concernée. Mais de telles expériences vont beaucoup trop à l'encontre des modes de travail
habituels des parties (autant les Etats que les institutions financières) pour que l'on puisse s'attendre, à
court terme, à de nouvelles orientations qui valoriseraient les acquis de ces expériences. Les exigences
d'une bonne articulation entre les démarches passent par des innovations, étalées dans le temps, qui
demandent beaucoup plus qu'une expérience réussie mais isolée et en avance sur son temps.

Il est intéressant de souligner que les approches "descendantes" et "ascendantes" correspondent, en


fait, à deux logiques d’intervention des pouvoirs publics. Dans l'expérience française, la première
implique des approches de "compensation". Les interventions publiques doivent en effet combler des
handicaps structurels des espaces ruraux (éloignement des marchés, enclavement, faible densité de
population) ou des handicaps naturels (altitude, pentes…). Le zonage permet de délimiter les
territoires bénéficiaires de ces politiques redistributives, avec l’objectif de tendre vers l’équité

84
territoriale. L'approche ascendante, implique, par contre, des approches de "valorisation des
ressources". Dans cette approche, chaque territoire possède des atouts. Leur valorisation stimule le
développement économique et social. Les interventions publiques ont pour objet de faciliter la
mobilisation des ressources sous-exploitées ou inexploitées, en aidant les investissements matériels ou
immatériels et en favorisant les démarches globales et intersectorielles. Cette logique suppose que les
acteurs économiques (artisanat, agriculture, tourisme), sociaux (associations) et institutionnels
(communes et intercommunalités) puissent se structurer pour piloter les projets locaux de
développement. Ces deux logiques d’intervention de l’Etat cohabitent, la première étant
chronologiquement la plus ancienne, la seconde montant en puissance, en particulier dans le cadre de
la politique des pays et de la politique d’appels à projets28.

Europe, gouvernance et partenariats

Les expériences de développement territorialisé dans les pays méditerranéens de l'UE mettent en
évidence les efforts qui sont faits pour associer des partenaires de la société civile et du secteur privé à
la "gouvernance" locale. L'idée commune, mais dont la mise en œuvre est plus ou moins poussée et
réussie selon les pays, a été, et est toujours, de promouvoir des formes nouvelles de territorialité qui
puissent répondre aux nécessités du développement "intégré" et qui puissent être "gouvernées" par des
structures souples associant tous les acteurs concernés. La double particularité de cette idée tient, d'une
part, à la reconnaissance de "territoires de projet" qui ne sont pas tenus par les limites des
circonscriptions administratives, et d'autre part, à la participation partenariale des élus, des
administrations et des acteurs de la société civile et du secteur privé. Cette idée sous tend toutes les
expériences territoriales, qu'il s'agisse des projets LEADER, des approches du type "pays", des
formules du type "parcs régionaux", des territoires de compétitivité du modèle italien ou grec.

Si ces intentions sont claires, leur mise en œuvre l'est encore beaucoup moins. La difficulté principale
provient du poids considérable des structures politiques et administratives qui constituent l'ossature
territoriale de chaque nation. Elle est, de plus, aggravée par la multiplicité et le chevauchement des
modèles de territorialisation du développement. La nouveauté des "pays" ou des parcs (ou encore des
projets du type LEADER) a été de promouvoir une notion de projet de territoire et, par ailleurs, de
mettre ensemble non seulement les élus mais aussi tous les autres partenaires de développement. C'est
cette nouveauté qui a heurté le plus la tradition double d'une culture centralisatrice et d'une culture
politique fondée sur les mécanismes représentatifs

Le cas de la France est, à cet égard, typique. Il montre en effet que l'identification à ces territoires
nouveaux que sont les "pays" se heurte au poids des autres appartenances. Les élus s'identifient plus à
leur commune et à leur canton qu'à l'abstraction du "pays". Ils se retrouvent plus dans
l'intercommunalité, qui leur permet de traiter des problèmes du quotidien de leurs administrés que
dans la vision des projets de "pays". L'identification aux parcs régionaux souffre des mêmes
contradictions d'appartenance. En Espagne, la comarcalizacion, sur laquelle s'appuient les
programmes de développement rural soutenus par l'UE, entre souvent en conflit avec la régionalisation
dans laquelle opèrent les services du Ministère de l'Agriculture. Les élus locaux des municipios
tendent par ailleurs à détourner les décisions de la comarca au profit des intérêts particularistes de
chaque municipio. Le souci de ne pas donner de cadre institutionnalisé aux "pays", qu'ont, en général,
eu leurs promoteurs, voulait refléter la perception que l'on avait des contradictions potentielles entre
les" territoires de représentativité" et les "territoires de développement". L'expérience semble montrer
que le poids politique des premières structures continue à être le plus déterminant. La contre épreuve
est cependant donnée par l'exemple catalan qui a radicalement opté pour une fusion, dans le même

28
D'après: les politiques publiques de développement des territoires ruraux (Historique, démarches actuelles,
perspectives), Avril 2007, Jean-Yves Ollivier, IGGREF, CGAAER

85
cadre comarcal, de la représentativité politique (les élus) et des formes d'expression des partenaires du
développement.

Au Sud, des processus expérimentaux d'autonomisation des acteurs

Dans les pays du Sud, le concept d'une gouvernance élargie n'a émergé qu'au travers d'initiatives
pionnières, relativement dispersées. Les approches participatives en ont été l'un des principaux
vecteurs. Ces approches, fortement promues par les projets de développement rural financés par l'aide
internationale, ont cependant rencontré de fortes limitations. C'est ce que montre par exemple la
pratique de l'association des populations à la programmation de leur développement. Les méthodes
participatives les plus en vue partent en effet toutes d'un diagnostic que des médiateurs aident la
population à formuler. Ces diagnostics sont généralement réalisés, non pas avant la formulation du
projet mais au moment de sa mise en œuvre. Prises dans le carcan des composantes susceptibles d'être
financées, leurs conclusions sont ramenées par les médiateurs, à une identification des priorités et des
modalités de mise en œuvre de ces composantes. Toutes les autres conclusions du diagnostic, qui très
souvent, diffèrent radicalement des priorités d'action indiquées par les composantes du projet, sont
délibérément ignorées. Les projets concernent donc bien des "territoire" mais ils ne contribuent ni à la
formulation collective d'un projet de territoire ni à la création d'une identité à partir du projet. La
participation des populations est encore plus limitée lorsque l'on passe à la mise en oeuvre des projets
qui reste dominée par les interventions des administrations.

En dépit de ces limitations, on observe que les projets de développement se sont efforcées, depuis
quelques années, de démultiplier l'impact de leurs actions en stimulant la mise en place de mécanismes
de responsabilisation des populations. Cette évolution a, au départ, été fortement déterminée par les
problèmes rencontrés par les administrations pour gérer les infrastructures qu'elles réalisaient pour la
population. Les coûts d'une gestion directe devenant de plus en plus insupportables, les
administrations se sont toutes plus ou moins engagées dans la création d'associations de gestion et de
maintenance des infrastructures locales. Le champ d'expérience le plus fréquent a concerné les
infrastructures d'eau potable (en Tunisie, par exemple, cette démarche a débouché sur la création de
plusieurs centaines de petites associations de gestion). La même démarche a été adoptée pour la
création, par exemple, en Egypte, en Tunisie, au Maroc, d'associations de gestion de l'eau d'irrigation.
A une échelle encore plus large, ce sont de véritables associations de développement qui ont été
créées, comme par exemple les groupements de développement agricole dans le Sud Est tunisien ou
les coopératives pastorales de services, dans l'Oriental marocain ou en Syrie.

Bien que généralement placées sous une forte tutelle des administrations, ces multiples structures de
gestion locale ont, à la longue, souvent fini par faire émerger un leadership local, par introduire des
formes de participation des femmes et des jeunes et par créer une certaine conscience de groupe. Les
institutions d'aide y voient l'amorce de processus "d'empowerment", ce qui doit être entendu comme
un processus "d'autonomisation" au sein du milieu rural. Cette notion nouvelle tend de plus en plus à
compléter le concept de gouvernance en introduisant l'idée d'une promotion des capacités individuelles
et collectives. "L'empoverment" ne se situe pas, comme la gouvernance, sur le plan de l'organisation
socio politique des communautés rurales. La démarche se situe, par contre, en amont, elle part des
individus. Ceux-ci ont, chacun, des besoins et des aspirations en même temps qu'ils ressentent, pour la
plupart, les limitations qui leur sont imposées - par la capacité d'accès à la ressource, au savoir, au
pouvoir, etc. La démarche identifie les facteurs qui peuvent modifier les attitudes et les comportements
individuels et, de là, influencer des processus d'autonomisation individuelle et collective (cf. doc. 43).
Contrairement à la gouvernance, l'empowerment n'est pas une politique, ni même une méthode. Ce
concept correspond à la reconnaissance d'un état et de son évaluation: dans quelle mesure les
populations rurales gagnent-elles ou non en "autonomie"? Son implication méthodologique concerne
essentiellement les instruments de mesure des processus (plus ou moins actifs ou plus ou moins
contrariés) d'autonomisation.

86
Les déterminismes des offres de financement

 Une sixième façon de s'interroger sur les problématiques de la territorialisation est de


questionner le rôle de offres de financement et leurs formes. Au-delà en effet de toutes les
rhétoriques sur la territorialisation, ce sont les opportunités de financement qui, en dernière
analyse, cimentent le projet de territoire et assurent la motivation de ses acteurs. La vraie
question est alors de savoir si le territoire a assez d'autres raisons pour se construire et durer. Les
expériences ne nous montrent-elles pas que la majorité des projets de territoire créés par la seule
opportunité d'un financement ne survivent pas à la fin de ce financement? ce financement? Dans
ce même ordre d'idées, dans quelle mesure les pratiques et les mécanismes de financement
déterminent-ils les dynamiques territoriales?

Le poids des financements dans la formulation des politiques de développement territorial n'est pas à
démontrer. Il s'agit là d'un facteur majeur. Mais au-delà de ce constat, on doit se poser la question de
savoir dans quelle mesure les modalités de chaque financement influencent les politiques territoriales
soutenues par ces financements. On peut aussi s'interroger a contrario, sur les conditions qui
permettent des émergences territoriales en réponse à d'autres types d'opportunités?

Le déterminisme des financements de l'UE

Les procédures de l'UE nous apportent une réponse claire pour les pays méditerranéens membres de
l'UE. Les mécanismes d'attribution des fonds structurels de l'UE pour le développement rural sont
fixés par un règlement unique, dont la dernière version s'applique à la programmation 2007-2012. Ce
règlement définit les conditions d'éligibilité, les composantes susceptibles de recevoir un financement,
les modalités de déboursement et de contrôle. Dans le nouveau programme, les lignes de financement
des programmes précédents (le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, FEOGA et la
ligne de financement du programme LEADER) ont été regroupées en un fonds unique, le Fonds
européen agricole pour le développement rural, FEADER.

C'est cependant aux Etats qu'il revient de définir les procédures d'application interne de la
réglementation et c'est là que se manifestent les différences les plus marquées. Ainsi, la France donne
l'exemple d'une procédure partant de la centralisation avant de parvenir aux régions puis aux
groupements bénéficiaires. L'Espagne, à l'inverse, offre l'image d'une délégation aux régions
autonomes. C'est cependant lorsque l'on descend au niveau des Groupements d'Action Locale que la
répartition des financements a le plus d'effets sur la politique territoriale. L'évaluation des expériences
montre une forte tendance à la concentration des financements dans les créneaux les plus porteurs,
notamment le tourisme. Elle met également en évidence les écarts qui existent entre les ambitions des
projets de territoire (notamment en matière d'environnement et de développement durable) et la réalité
des projets soumis au financement. Dans la pratique, tout se passe comme si la disparité et la
spécificité des projets ignoraient la vision intégrée censée leur servir de toile de fond. Ces constats
sembleraient montrer que les financements de l'UE ne disposent pas encore de mécanismes
susceptibles d'assurer une bonne convergence entre les projets relevant des initiatives locales et leur
rôle dans un processus à long terme de développement durable. Si les GAL paraissent montrer leur
capacité mobilisatrice à l'échelle locale, ils ne semblent pas, par contre, avoir les capacités d'un acteur
du développement durable.

Les mêmes décalages peuvent être observés dans d'autres politiques territoriales. On peut en effet faire
sur les contrats de projets des "pays" le même genre de remarques que celles que l'on vient de faire
pour les GAL. Il n'en reste pas moins que c'est l'existence de financements spécifiques qui donne leur
plus grande cohésion à la plupart des structures territoriales, qu'il s'agisse de "pays",

87
d'intercommunalité ou de parcs régionaux. Mais on peut aussi constater que des émergences
territoriales (c'est-à-dire une association d'acteurs motivés par un projet collectif) peuvent aussi se
manifester sans que l'incitation financière ait été le premier déterminant. Tel est le cas, par exemple
des vallées de l'arc alpin qui, il y a une quarantaine d'années, se sont prises en main pour faire face à la
désertification humaine qui menaçait leur survie sociale, leur économie et leur héritage identitaire.

Les règles des institutions de financement internationales

Dans les pays du Sud les politiques territoriales sont en général déterminées par la convergence des
mécanismes budgétaires et des financements internationaux. Mécanismes de crédit (agricole ou rural)
mis à part29, tous les financements finissent par transiter par le budget. Les procédures d'engagement
des dépenses s'y ajoutent pour assurer un contrôle total de l'Etat dans la mise en œuvre des actions de
développement inscrites dans le budget. La procédure majeure, et qui de plus est exigée par les
institutions financières internationales, est celle des appels d'offre. Ces mécanismes, parfois
insuffisamment transparents, reposent entièrement sur des procédures administratives. Il en résulte que
les autres acteurs du développement territorial n'ont aucune prise non seulement sur la programmation
mais aussi sur l'exécution des actions. Au mieux peuvent-ils donner un avis. Confrontées à ces
constats, les institutions de financement international s'interrogent depuis longtemps sur les effets
contradictoires de leurs procédures financières, qui ne peuvent pas échapper aux règles financières des
Etats, et des ambitions de délégation de pouvoir de leurs politiques "participatives". Elles n'ont pas
encore trouvé de bonnes réponses bien qu'elles demeurent bien convaincues qu'il n'y a pas de
gouvernance locale possible sans une certaine responsabilisation en matière de gestion financière.

Quelques expériences ont cependant été tentées pour créer des brèches dans la rigidité de ces
situations. Le FIDA et la Banque Mondiale ont ainsi expérimenté une formule de fonds villageois
gérés par des associations locales. En raison des problèmes posés par le contrôle de l'emploi de ces
fonds les aspects négatifs ont généralement dépassé les aspects positifs. Le Maroc a brièvement tenté,
avec l'un de ses programmes d'urgence lors d'une grave sécheresse, une programmation décentralisée
et concertée avec les acteurs locaux, en adoptant une approche de contrôle budgétaire a posteriori. La
rigidité du Ministère des Finances n'a pas permis de répéter l'expérience, malgré ses effets positifs. En
Tunisie, le FIDA a pu convaincre le Gouvernement de mettre en œuvre une approche innovatrice dans
le Projet de développement intégré du Sud Est. Les financements alloués au développement rural ont
en effet été répartis en deux masses à peu près égales, la première correspondant à des actions qui
relevaient de toute évidence de la puissance publique, la seconde correspondant à des actions qui ne
pouvaient être financées que sur la base d'une programmation élaborée par les communautés rurales
bénéficiaires. Divers mécanismes ont été prévus pour organiser les communautés et former des
équipes capables de soutenir la programmation participative. D'autres approches, d'autre part, ont été
définies pour encourager l'exécution des programmes communautaires sous le contrôle même des
communautés (notamment en fragmentant les opérations en tous petits contrats de façon à contourner
les procédures d'appel d'offres qui avaient pour effet de remettre l'exécution des actions dans les
circuits administratifs). Ces approches sont actuellement mises en œuvre, en dépit de certaines
résistances de l'administration

Un survol de l'incidence des financements sur les politiques territoriales ne peut éviter de mentionner
le rôle des collectivités locales. Celles-ci constituent le maillage territorial de base de tous les pays
européens. Elles disposent de ressources provenant en grande partie de taxes mais elles peuvent aussi
bénéficier directement de financements de l'UE, de l'Etat ou des Régions. Dans les pays du Sud, la
déconcentration politique en communes (ou leur équivalent) est inégale. Des communes existent, par
exemple, au Maroc et en Algérie mais leurs compétences en matière de décision financière restent
fortement limitées par la tutelle de l'Etat.

29
Les fonds sont en général affectés (via le Trésor ou directement) à des institutions bancaires de statut public
ou semi public..

88
Le rôle des systèmes de financement dans les politiques territoriales

On vient de mettre en avant l'importance des opportunités financières dans l'émergence des politiques
territoriales. Mais on doit aussi, dans ce domaine, souligner la place essentielle que la bonne gestion
financière joue dans ces processus. Toutes les expériences concordent sur ce point: il ne suffit pas de
disposer des financements, il faut aussi que l'on dispose de mécanismes et de procédures de contrôle
pour utiliser efficacement les ressources disponibles. Les évaluations montrent bien que les déficiences
dans ce domaine constituent l'un des points faibles de la plupart des projets mais que les conséquences
en sont beaucoup plus accentuées dans les "projets de territoire". Le caractère fortement intégré de ces
projets rend en effet encore plus nécessaires des mécanismes performants d'ordonnancement, de
passation des marchés, de contrôle financier, d'évaluation de la cohérence interne des programmes
budgétaires, etc.

Les institutions financières, que celles-ci soient internationales, multilatérales, bilatérales ou nationales
(budgets, fonds de développement nationaux, etc.), ont toutes mis au point des procédures de contrôle
de plus en plus rigoureuses. Mais ces dispositifs ne valent que pour les composantes financées par ces
institutions. Le problème reste encore largement posé lorsque les approches territoriales s'appuient sur
des structures très décentralisées et où se rencontrent, dans des structures partenariales, des
financements publics et privés. De nombreuses procédures ont été testées et certaines fonctionnent de
façon satisfaisante. Mais il reste encore à en tirer les grandes leçons pour le développement territorial.
Les améliorations concernent plusieurs domaines. Tout d'abord celui de l'ordonnancement des
dépenses. Les procédures, surtout lorsqu'elles concernent des institutions internationales, sont
généralement trop lourdes et trop complexes. Elles le sont d'autant plus qu'elles se compliquent
généralement de leur collision avec les règles budgétaires des Etats récipiendaires. La bonne formule,
mais difficile à mettre en œuvre, serait, probablement, celle du contrôle a posteriori. Une autre
amélioration concernerait la transparence des comptabilités. La multiplicité des cadres comptables
rend en effet difficile les vues d'ensemble. Enfin la gestion financière des projets de territoire devrait
faire l'objet de comptes rendus des résultats aux acteurs, une fonction que l'on désigne par les termes
de "redevabilité " ou " d'accountancy".

Les questionnements méthodologiques

Le dernier questionnement aide à jeter un regard sur une problématique commune à toutes
les expériences, celle des approches méthodologiques. La diversité des réponses est
considérable. Mais ne voit-on pas se dégager des principes communs, ne voit-on pas se
dessiner une sorte de "modèle méthodologique" des approches territoriales?

Les expériences des dernières décennies en matière de développement rural/local (et donc prenant en
compte le "territoire" dans sa dimension socio politique) se sont accompagnées, au Nord comme au
Sud, d'une intense expérimentation méthodologique. C'est ainsi, par exemple, qu'il existe une
multitude de méthodes de diagnostic et de programmation à l'usage des groupes LEADER.
L'Observatoire européen LEADER a lui-même élaboré un document pour "la mise en œuvre des
projets de développement local d'après l’expérience de LEADER I" (1995) et il y a ajouté un "guide
méthodologique pour l’analyse des besoins locaux d’innovation" (1996). L'UE a en outre élaboré un
"guide stratégique pour le développement rural" (2006) Les expériences nationales ont, pour leur part,
été accompagnées d'une production considérable de manuels ou de guides, par exemple pour le
diagnostic et la stratégie d'un "pays" ou d'un parc régional, etc. (en voir une liste très partielle dans
l'étude documentaire).

Dans les pays du Sud, les contributions méthodologiques sont en grande partie venues de l'extérieur et
elles ont surtout accompagné la mise en œuvre des projets financés par l'aide internationale. Ces
méthodes ont cependant porté beaucoup plus sur les approches participatives que sur le
développement territorial. Elles ont certes contribué à mettre en concurrence d'approches très diverses

89
mais l'hétérogénéité qui en a résulté s'est avérée souvent plus nuisible que bénéfique. Les réactions
nationales pour produire des méthodologies plus conformes aux besoins du pays n'ont pas été
nombreuses. L'Algérie a ainsi produit un "guide de procédure pour la conception et la mise en œuvre
des projets de proximité de développement durable". La Tunisie, de son coté, a mis au point un "guide
opérationnel de développement rural participatif et territorialisé" qu'elle a expérimenté dans le projet
de développement rural intégré du Sud Est. Ce guide, traduit en arabe, a été exporté par l'ICARDA en
Jordanie et en Syrie.

Les meilleures approches méthodologiques, qu'elles soient du Nord ou du Sud, ont en commun de
mettre en évidence la nécessité de bons instruments de connaissance, celle d'une base d'information
durable et évolutive, celle d'une pratique efficace de la programmation participative. Mais leur leçon la
plus forte renvoie à la problématique de la formation des hommes et à celle de l'ingénierie de
proximité qui lui est associée.

Ce champ est le plus nouveau car il part de l'idée que le plus important n'est pas de former des acteurs
locaux aux techniques de programmation (il en faut, bien entendu) mais de les préparer à la gestion de
processus internes de résolution de conflits et de concertation, à celle de la négociation avec les autres
partenaires de développement, à celle, enfin, d'un engagement dans la durée conforté par l'évaluation
permanente des résultats. Ces réflexions et expériences mettent en avant une fonction nouvelle, celle
de la médiation territoriale (cf. doc. 199), celle-ci venant s'ajouter à l'ingénierie du développement
local. La nécessité d'une fonction de médiation est aujourd'hui bien reconnue, par exemple par
l'évaluation des conditions de mise en œuvre des projets LEADER. Mais depuis quelque temps, on
voit le qualificatif de territorial s'associer à la médiation. Cette évolution semble traduire le besoin de
répondre à une demande nouvelle, celle de la formation des acteurs engagés dans la gestion
territoriale. La FAO qui travaille depuis longtemps sur ces questions méthodologiques, a dessiné le
profil et les fonctions de ce qu'elle appelle le facilitateur territorial. L'important cependant n'est pas
dans la dénomination mais dans les convergences qui se font pour reconnaître l'importance décisive de
cette fonction de médiation territoriale.

Les approches méthodologiques ont donné une grande importance à un autre domaine de la
méthodologie, celui du suivi et de l'évaluation. L'UE a ainsi élaboré de nombreux guides destinés à
normaliser les méthodes de suivi et d'évaluation des projets. Elle a, en outre, construit de nombreux
indicateurs permettant des comparaisons dans la durée. Des méthodologies de suivi évaluation ont en
outre, été élaborées pour répondre aux besoins spécifiques de chaque pays européen. Dans les pays du
Sud, les méthodes de suivi évaluation ont en général été conçues pour les besoins des projets financés
par les institutions internationales. D'une façon générale, ces diverses méthodologies ont été importées
par ces institutions. Certains pays ont cependant entrepris la mise au point de systèmes permettant
d'avoir une vue d'ensemble des divers projets de développement rural. C'est notamment le cas de la
Tunisie. L'Algérie, pour sa part, a construit plusieurs indicateurs de suivi. On y trouve un Indice de
Développement Rural Durable qui fait la synthèse de 93 indicateurs spécifiques, un Indice de
Développement Humain, un Indice de Développement de l'Economie Rurale et un Indice de Protection
de l'Environnement. Le FIDA a pour sa part cherché à construire un indice permettant de mesurer le
degré d'autonomisation des populations au sein des communautés rurales.

On note que de nombreuses évaluations, tant dans le Nord que dans le Sud, soulignent les difficultés
qu'elles ont rencontrées du fait d'une quantification insuffisante des situations au temps 0 des projets
de développement rural. C'est précisément cette faiblesse que la méthodologie tunisienne du projet du
Sud Est s'est efforcée de corriger en mettant l'accent sur cette quantification initiale, qui est
généralement négligée dans la plupart des approches de programmation participative. A l'échelle de
l'ensemble de la Méditerranée, il nous faut signaler l'existence d'une batterie de 31 indicateurs dont on
attend qu'elle permette de comparer les objectifs de la Stratégie Méditerranéenne de Développement
Durable et les situations réelles observables dans la durée.

90
IV. LE DEVELOPPEMENT RURAL TERRITORIALISE

Développement rural et développement territorial, une approche nouvelle mais de plus en plus
partagée

Le "développement territorial", un concept socio politique

Le fondement territorial
Le territoire comme espace d'appartenance
Le territoire comme espace local
Le territoire comme espace de projet

Le développement territorial comme "projet de territoire"


Pourquoi vouloir un projet de territoire?
Les processus des "projets de territoire"

Le développement territorial comme porteur d'intégration et de durabilité


environnementale

Le développement territorial comme plateforme d'une gouvernance participative

Le développement territorial comme refondation de l'identité et de la cohésion sociale

Le développement territorial comme légitimation dans l'espace global

Le développement territorial comme objet scientifique

91
IV. LE DEVELOPPEMENT RURAL TERRITORIALISE

Développement rural et développement territorial, une approche


nouvelle mais de plus en plus partagée

Des expériences que l'on a analysées émergent deux constats qui permettent de mieux cerner un
concept de territoire dont la validité opérationnelle pourrait répondre aux interrogations de base du
développement rural, le constat de l'existence d'une problématique de "l'intégration" et celui d'une
problématique des "territoires". Toutes les réflexions de ces dernières décennies sur le développement
rural mettent en évidence à la fois la diversité et la complexité des besoins de développement des aires
rurales et, par ailleurs, la nécessité d'y répondre par des approches dites "intégrées" (également
qualifiées de "holistiques"). Le concept d'intégration appartient à une problématique de développement
déjà ancienne mais l'usage immodéré que l'on en a fait sans résultats probants, l'a considérablement
dévalorisé. L'examen de ces échecs montre que les intégrations ont failli parce qu'elles étaient conçues
et mises en œuvre de façon technocratique et qu'il leur manquait une dimension essentielle, celle de la
prise en compte du "socio politique". La seconde problématique, celle des territoires, interpelle
fondamentalement la relation entre les acteurs et les espaces dans lesquels ils formulent et réalisent
leurs projets de développement. Elle renvoie à des notions d'identité, de gouvernance, de participation
mais aussi à une notion d'intérêt commun. Ces constats nous conduisent à reposer la problématique du
développement rural dans le cadre élargi du "développement territorial"

Cette proposition ne fait cependant que rejoindre un courant de pensée qui tend de plus en plus à
s'affirmer dans les politiques de développement. Le PNUD et la Banque Mondiale se sont prononcés
sur le développement territorial en considérant que cette approche politique permettait de
conceptualiser un "processus de développement qui serait fondé, à la fois, sur la participation et le
développement durable des territoires". Pour donner une base opérationnelle à ce concept, ces deux
institutions ont créé un Joint Commitee for Territorial Development. Le PNUD, par ailleurs, a
organisé en mars 2007, la première "Convention internationale pour une approche territoriale du
développement", en anglais, "for territorial development" (cf. doc. 74). Le PNUD définit ainsi son
approche conceptuelle: "l'approche territoriale du développement se fonde sur la notion d'intérêt
partagé et l'implication de la société civile; elle se propose de faciliter la mise en œuvre de projets
dans une perspective de développement durable, et de privilégier les valeurs de solidarité, de
démocratie et de respect de l'autre. Comme le montre l'expérience, le système des Nations Unies peut
favoriser et amplifier le développement local en articulant sur les territoires les actions de
coopération des partenaires internationaux, régionaux et locaux ".

La FAO, mesurant les résultats décevants de plusieurs décennies de soutien au développement rural,
met également en avant une "approche de développement territorial (cf. doc. 198). Elle part du constat
des asymétries du pouvoir en milieu rural et d'une crise de légitimité. Elle souligne la nécessité d'une
approche multidimensionnelle de la gouvernance avec de nouveaux acteurs. Les territoires, selon la
définition du BIT, que reprend la FAO, correspondent à "l'espace que les populations concernées
occupent ou utilisent". L'approche préconisée se propose de "promouvoir une vision négociée et
concertée du développement territorial, conçue avec les acteurs concernés". La négociation doit
permettre la prise en compte des situations conflictuelles et déboucher sur une agrégation des divers
intérêts représentés. Les accords doivent être légitimés socialement, faciliter l'intégration des
processus de développement territorial et favoriser la "bonne gouvernance". La mise en place d'un
instrument de médiation territoriale est considérée comme un préalable à toute initiative de
mobilisation des acteurs. L'information, la compréhension réciproque, le dialogue et la formation
constituent les points de départ des processus de négociation.

92
L'Union Européenne prend position sur le développement territorial lorsqu'elle définit sa stratégie de
développement rural dans le cadre de la nouvelle réglementation de son fonds pour le développement
rural (FEADER). Les programmes de développement rural doivent en effet être conçus pour des
territoires sous régionaux clairement identifiés. L'approche doit être ascendante avec la dévolution
d'un pouvoir décisionnel aux groupements locaux. Les programmes sont mis en œuvre sur la base d'un
partenariat public privé. Ils doivent privilégier une approche multisectorielle fondée sur interaction des
acteurs et projets dans les différents secteurs de l'économie locale. Ils doivent comporter des apports
novateurs et favoriser les projets de coopération. Les analyses que l'on a faites des projets LEADER
montre que cette stratégie tend à être effectivement mise en œuvre dans de nombreuses régions
européennes et qu'elles contribuent à l'émergence d'une conscience du "développement territorial".

Les diverses politiques et approches territoriales que l'on a examinées au chapitre II sont, elles aussi,
toutes sous tendues par une notion, explicite ou implicite, de développement territorial. Elles montrent
également qu'elles y associent intrinsèquement les politiques de développement rural.

L'expérience de l'Amérique Latine vient à la rencontre de celle du bassin méditerranéen pour mettre en
évidence cette "montée en puissance" des politiques se rattachant au développement territorial. Cette
région du monde est en effet familiarisée depuis longtemps avec les approches de développement local
mais sans que ces expériences n'aient, jusqu'à récemment, débouché sur des approches politiques
cohérentes et durables. Le premier projet de "développement rural intégré" de la Banque Mondiale en
Amérique Latine, a concerné la Colombie en 1973. Ce projet se fondait sur une sélection de petites
régions de développement (groupant chacune quelques municipios) sélectionnées à partir du
découpage du pays en 80 petites régions30.Le concept de "pays" a été également mis en œuvre au
Pérou dans les années 80 sous la dénomination de "micro regiòn" (mais sans continuité). Ce concept
de "micro regiòn" a été récemment repris par le Mexique qui y voit une approche novatrice31. Le
concept de développement territorial est, par ailleurs, de plus en plus repris par des projets de
développement en Amérique Latine32. Mais ce n'est qu'en 2004, à l'occasion d'un séminaire organisé
par la FAO et la Banque Interaméricaine de Développement, que la problématique du développement
territorial comme nouvelle approche du développement rural a été pleinement posée dans sa dimension
politique. Ce séminaire a constaté les échecs précédents des politiques de développement rural et de
lutte contre la pauvreté et il a mis en avant la nécessité d'un "développement territorial comme base
d'un développement rural", cette démarche étant reconnue comme la meilleure approche pour une
diversification des activités économiques en dehors de l'agriculture et pour une réduction de la
pauvreté par une croissance de l'emploi local. Fait particulièrement intéressant, le séminaire justifie ses
recommandations en se référant tout particulièrement, à l'expérience LEADER de l'UE 33.

Toutes ces convergences mettent en évidence un changement de paradigme qui marque une nouvelle
compréhension du développement rural. Il y a encore deux décennies, le développement rural était
compris comme correspondant aux services et infrastructures que le développement devait apporter
pour améliorer la capacité productive et les conditions de vie des agriculteurs. C'est cette
compréhension qui fut à la base de la première génération des projets intégrés de développement rural.
Dans un deuxième temps, le développement rural fut entendu comme une politique intégrée dont
l'objectif majeur était de combattre la pauvreté rurale et lutter contre la marginalisation des régions
défavorisées. Ce fut cette compréhension qui sous-tendit, et sous-tend encore, la seconde génération
des projets intégrés de développement rural. La prise en compte des problèmes posés par la gestion de
l'environnement vint apporter une nouvelle dimension à la réflexion sur le développement rural. Alors
30
L'auteur de cette étude avait été l'un des principaux artisans de ce découpage régional (voir, G. Lazarev, "Une
analyse régionale du problème agraire en Colombie", publié dans la revue "L'espace géographique", 1977.)
31
Champetier, Y. 2003. “La Estrategia de Microregiones: une nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté
dans les territories les plus en difficulté du Mexique”. Washington D.C, Inter-American Development Bank.
32
Voir par exemple, le Projet FAO SARD de Huancavelica au Pérou, le projet de "Développement Territorial
Rural avec Identité Culturelle", coordonné par le Centro Latino Américano para el Desarollo Rural (projets dans
huit pays).
33
Seminario de Expertos FODEPAL, “Desarrollo Regional: Marco Conceptual y Lineamientos Estratégicos para
las Acciones de la FAO en América Latina y el Caribe”, Mexico, publication FAO/BID, 2004.

93
que précédemment, le territoire n'était que le support administratif des actions sectorielles du
développement rural, avec les approches environnementales, il devint un sujet en soi ainsi qu'une
plateforme de rencontre avec les acteurs du territoire. On retrouve cette approche dans les approches
"terroir" ou les approches des projets de gestion des ressources naturelles, de gestion des bassins
versants, etc.

Mais c'est l'émergence d'une vision de la ruralité fondée sur une multifonctionnalité qui a contribué le
plus à une compréhension territorialisée du développement rural. Cette évolution a commencé en
Europe, il y a plus de deux décennies mais les interrogations qu'elle pose, ont, depuis, gagné plusieurs
pays du Sud et de l'Est. Par étapes successives, l'inclusion du développement rural dans le
développement territorial s'est ainsi imposée comme un nouveau paradigme. Le développement rural
est devenu, ou est en passe de devenir, indissociable du développement local, de l'aménagement du
territoire, de la gestion de l'environnement, de la démocratisation et de la gouvernance locale. Cette
évolution a rendu de plus en plus incertaines et inadéquates les attributions des Ministères ou
Secrétariats du Développement Rural, souvent agrégés aux Ministères de l'Agriculture. S'interroger sur
le développement rural revient donc aujourd'hui à questionner d'abord le développement territorial.
C'est ce que se propose ce dernier chapitre qui s'interroge sur la signification conceptuelle du
développement territorial et sur sa pertinence en tant qu'instrument opérationnel du développement.
Les évaluations qui ont été faites des expériences dans les pays méditerranéens, les travaux de
recherche34, les débats politiques montrent que les données et réflexions sont aujourd'hui assez
nombreuses et assez denses pour que l'on puisse essayer, en s'y référant, d'avoir une vision
convergente de ce que l'on entend par "développement territorial"35.

Le "développement territorial", un concept socio politique

Le concept de développement territorial est fondamentalement un concept de caractère


"sociopolitique". Il a une signification plus large que celle de la prise en compte d'une base
géographique dans laquelle prennent place les actions de développement local. Il implique autre chose
que la cartographie factuelle des réseaux économiques, des polarisations ou des hiérarchies spatiales.
Un concept socio politique du territoire sous entend un espace avec son environnement dans lequel se
projettent des acteurs concernés (ou potentiellement concernés) par son développement intégré et sa
gestion durable. Parce qu'il se réfère à une notion d'intégration, le concept de territoire sous entend, à
la fois, une dimension socio politique, une fonction de développement et une fonction
environnementale. En raison des interactions qui relient le rural au reste de l'économie, il intègre
nécessairement l'urbanisation de proximité.

Replacée dans la perspective du développement rural, la prise en compte du territoire peut différer
selon que la ruralité est forte, moyenne ou faible. Si le développement rural constitue nettement la
politique majeure dans les territoires de ruralité forte et moyenne, elle n'est pas, pour autant, absente
des territoires à ruralité faible où elle est, par exemple, confrontée à l'urbanisation des terrains
agricoles ou aux déséquilibres créés par la "littoralisation".

34
On a rassemblé des idées formulées dans les nombreux documents mentionnés dans la liste de l'étude
documentaire. On est notamment redevable à certains travaux qui se sont efforcés de traiter scientifiquement la
problématique du développement territorial. On citera, en particulier, les travaux de Ph. Pypaert (64); R. Lajarge
(125), B. Jean/S. Dione (69), A. Ferguène (37), A. Iraki (340), D. Goussios (291), M.L. Gomez Moreno (263),
Observatoire Européen LEADER (70), P. Groppo (198), etc.
35
La présente étude sur Territoires et Développement Rural en Méditerranée s'est achevée quelques mois avant
la parution de la publication du CIHEAM Mediterra 2008. Une section de cette étude (p. 293 et sq) défend l'idée
d'une approche territoriale du développement rural comme un enjeu majeur des politiques dans ce domaine.
L'argumentation que développe Mediterra rejoint celle que l'on a plus longuement développée dans le présent
travail. La publication souligne, en outre, la nécessité d'un passage d'une économie agricole à une économie
rurale.

94
Les expériences que l'on a analysées montrent que l'on pourrait donner un contenu au concept de
développement territorial à partir de quelques notions "constituantes" que l'on analyse dans la suite de
ce texte. La première prend en compte l'existence d'un territoire. Mais on ne doit pas s'en tenir à une
définition géographique. Le territoire, on va revenir sur cette notion, n'existe pour le développement
territorial qu'en tant que "construction". Il est nécessairement associé à un "projet de territoire",
partagé par les acteurs qui vivent dans ce territoire. Dans une perspective de durabilité, c'est bien une
démarche collective construite qui doit être considérée comme la base de la démarche territoriale. Une
autre notion essentielle est celle de "processus". Le développement territorial s'édifie dans la durée,
les acteurs qui y participent élaborent leurs rôles au fur et à mesure que la vision territoriale prend
forme et que les conditions se créent pour l'émergence des projets collectifs et individuels. Ces projets
se rencontrent nécessairement autour d'une idée collective de cohérence territoriale. Une autre
dimension fondatrice est celle du "partenariat public privé". Cette dimension est probablement la
plus novatrice mais aussi la plus difficile à développer sur des bases saines d'équilibre entre les parties.
Il n'est en effet pas très facile de créer des conditions de dialogue entre les administrations, les élus et
la société civile. Les compromis auxquels on aboutit se projettent dans des "approches
contractuelles". La nouveauté des processus impliqués par le développement territorial interpelle les
acteurs qui doivent entrer dans une "culture de projet". Celle-ci n'est pas donnée, on ne peut faire
l'économie de son apprentissage. Ces démarches impliquent des soutiens spécifiques que l'on qualifie
par le notion de "médiation territoriale".

Le fondement territorial

Le "développement territorial" se fonde, au départ sur un territoire, ce qui semble une évidence. Mais
pas n'importe quel territoire! Les expériences et les politiques qui en ont traité, semblent en effet
converger pour reconnaître que trois conditions doivent se conjuguer pour qu'un territoire soit
pertinent pour le développement territorial. La première pose le territoire comme un "espace
d'appartenance", c'est-à-dire comme un espace auquel un population s'identifie ou peut s'identifier. La
seconde privilégie, dans la multi dimensionnalité des territoires, l'échelle de l'espace local. Cet espace
est en effet celui où se rencontrent les plus fortes convergences entre les intérêts des populations et les
spécificités du territoire. La troisième se réfère au territoire comme un espace de projet. Alors que les
deux premières dimensions sont relativement statiques (elles "existent"), la troisième inscrit le
territoire dans un processus par rapport à un devenir possible. Elle donne au territoire une signification
par rapport à l'action. Elle ajoute donc une notion de construction aux deux autres dimensions. Des
critères univoques, comme par exemple, un découpage administratif, ou la régionalisation d'une
activité sectorielle, ne suffisent donc pas pour identifier des territoires pertinents. Partant de cette base,
le concept de développement territorial rend compte des relations et des dynamiques qui associent des
acteurs à un projet de territoire fondé sur une vision intégrée du devenir territorial. Il s'agit donc
essentiellement d'un concept socio politique36.

Le territoire comme espace d'appartenance

36
Note de Jean de Mongolfier (janvier 2007): Ce concept de territoire n’est pas sans rapports avec celui de
"patrimoine" proposé par Henri Ollagnon : "ensemble des éléments matériels et immatériels qui concourent à
maintenir et à développer l’identité et l’autonomie de leur titulaire et ses capacités d’adaptation face à un avenir
non prévisible". Le terme patrimoine est lui même assez ambigu, mais cette définition souligne l’importance de
bien comprendre la dialectique constante entre recherche d’identité et d’autonomie locale et nécessité
d’adaptation dans un environnement économique mondialisé, ouvert et sans cesse mouvant. Car il me semble
que c’est bien là l’enjeu du local pour les acteurs d’un territoire : y trouver et y développer les ressources pour
s’inscrire dans les processus de la mondialisation sans renoncer à leur identité et à leurs marges de liberté.

95
L'appartenance au territoire traduit une double relation, celle d'une population donnée avec l'espace
dans lequel elle vit, et celle des individus entre eux. Elle est donc une forme de lien social en même
temps qu'un facteur d'identité. Mais la géographie sociale montre que cette appartenance est multiple.
Un individu appartient en même temps à plusieurs espaces. Le territoire d'appartenance le plus évident
est en général le village ou la ville où vit cet individu, mais pas toujours s'il est originaire d'un autre
lieu auquel le lie une appartenance plus symbolique. La référence villageoise ou municipale est
d'autant plus forte que, dans beaucoup de pays, elle se confond avec la géographie électorale primaire,
et donc avec les représentants élus les plus proches. Un individu appartient aussi aux espaces
hiérarchisés des circonscriptions administratives, à des régions, à une nation, parfois même à des
réseaux plus larges, comme dans ces territoires de réseaux décrits pour la Grèce. Il appartient aussi à
des bassins de vie qui rendent compte de son espace vécu, cette géographie fonctionnelle n'entraînant
cependant pas nécessairement la formation de liens sociaux37. Il appartient en même temps aux
territoires que dessinent ses appartenances à des organisations professionnelles, sociales ou autres.

A certaines échelles, cependant, les individus s'identifient aussi à des espaces dont on peut dire qu'ils
sont caractérisés par une "personnalité territoriale". Ces espaces sont plus ou moins étendus et
agglomèrent un nombre variable de villages et de municipalités. Ils correspondent, au sens large, à ce
type de territoire que l'on veut retrouver lorsque l'on parle de "pays". Il s'agit d'espaces qui ont été
dessinés par des héritages historiques, sociaux, culturels, souvent par une image, par des produits
locaux, par la spécificité d'une activité économique, souvent aussi par une dénomination, ou encore, au
Sud, par une appartenance à des territoires d'anciennes tribus. Ces espaces "hérités" sont souvent eux-
mêmes emboîtés dans d'autres territoires également définis par une histoire, un nom ou d'autres
facteurs. Mais certains de ces "territoires" se distinguent par une personnalité territoriale plus forte, ils
ont, plus ou moins, des "frontières", en général, implicites mais qui s'affirment par rapport aux
territoires socio historiques voisins. Ils sont des références d'identification fortes et ils constituent des
"pays de fait". L'urbanisation et la structuration moderne des territoires ont souvent effacé ou
fortement atténué les appartenances à ces pays. Mais il est frappant de constater que, plus ou moins
affirmées, ces appartenances survivent encore dans de très nombreuses régions de la Méditerranée.
Elles sont, en quelque sorte, sous jacentes. Parfois, au contraire, ce sont des dynamiques de
compétitivité qui ont revivifié ou recréé ces personnalités territoriales.

Certaines politiques territoriales ont voulu reconnaître ces territoires de fait pour en faire la base d'une
reconstruction des solidarités territoriales à des échelles proches des populations. C'est ce qui s'est
passé, on l'a vu, avec les "pays" ou les "comarcas" espagnoles. Les territoires ainsi définis ont souvent
retrouvé des "personnalités territoriales" réelles, justifiées et validées par l'existence d'un sentiment
d'appartenance. Mais ces unités territoriales ont été le plus souvent dessinées par des experts et, dans
les faits, on a demandé à la population de s'y retrouver et d'y adhérer. Or bien des pays existent sans
que l'affirmation explicite d'une appartenance ait été un besoin des populations. En revanche, d'autres
pays n'existent que parce qu'un modèle territorial leur a été proposé. L'appartenance territoriale
apparaît ainsi comme une qualification variable. Il est certain que son affirmation forte facilite le
développement territorial. Mais lorsqu'elle doit s'affirmer en même temps que se redéfinissent les
territoires, l'appartenance devient elle-même un enjeu de la politique territoriale. Il n'en reste pas
moins qu'il ne peut pas y avoir de politique territoriale durable sans une appartenance territoriale, que
celle-ci soit héritée ou à construire. Idéalement, un territoire d'appartenance ne devrait exister que s'il
est auto défini par la population qui s'y reconnaît. Mais une telle affirmation n'a pas de raisons de se
manifester s'il n'y a pas de "besoin" de territoire. Le développement territorial crée ce besoin parce
qu'il invite une population à entrer dans un processus.

Le territoire comme espace local

L’échelle locale est généralement reconnue comme pertinente pour affronter de façon intégrée les
problèmes de gestion les plus difficiles du développement territorial, de l’aménagement du territoire et
37
La fréquentation d'un même supermarché ne crée pas de liens sociaux. Les démarches sont individuelles. Le
supermarché est un espace de rencontre fortuite, comme peut l'être une rue dans une ville.

96
de la gestion durable de l’environnement. Mais à quoi correspond cette échelle locale? Comment la
reconnaît-on? Dans les expériences de développement, l'espace local se définit selon des modalités très
diverses. On a vu qu'il pouvait se constituer autour de groupements d'action qui définissaient leur
propre territoire d'action (expérience LEADER). L'espace local a pu aussi être reconnu par des projets
définis par des autorités externes (expérience des projets intégrés de développement, approches
"terroir"), par des constructions territoriales voulues par des politiques de décentralisation (expérience
des "pays", de l'intercommunalité, des parcs régionaux), par des dynamiques autonomes de la
compétitivité (produits de "terroir", de label, d'origine certifiée), par une image de "pays", etc. Une
diversité considérable donc, mais dont émergent pourtant des convergences fortes qui donnent un sens
concret à l'espace local. Celui-ci prend un sens "d'espace de proximité".

La diversité des situations géographiques, celle aussi des politiques territoriales, n'invitent pas à une
définition ciblée et univoque de "l'espace local". La définition de l'espace local doit rester plurielle. On
peut néanmoins lui trouver quelques caractères communs qui en circonscrivent la signification. En
premier, l'espace local doit avoir une cohérence territoriale, il doit pouvoir être un espace de
convergence de la multifonctionnalité d'un territoire. Il doit aussi être un espace potentiel de cohésion
sociale, il doit donc être proche de ses structures représentatives. Il doit, par ailleurs, avoir une certaine
dimension spatiale, englobant suffisamment de fonctions pour qu'il puisse être un espace réellement
vécu par sa population. Il doit, de la sorte, articuler nécessairement le rural et l'urbain, les villes pôles
et les bourgs ruraux. L'espace local, cependant, ne doit pas être trop grand car il risque, en s'étendant,
de perdre sa cohérence territoriale et sociale. L'espace local doit encore être "inclusif", il doit en effet
inclure des unités plus petites qui ont leurs propres logiques territoriales, les villages, les communes,
les structures intercommunales. A son autre extrémité, il doit pouvoir s'articuler avec des structures
politiques et administratives d'échelle supérieure. L'espace local est ainsi marqué par des convergences
centripètes et, en même temps, par une multi dimensionnalité à la fois interne et externe. L'espace
local, enfin, doit pouvoir évoluer en fonction des changements dans les flux économiques, de ceux de
l'attractivité du tissu régional, etc.

De cet espace local, on ne retient donc qu'une image contrastée. Toutes les politiques donnent
l'impression que sa signification est tout à fait claire, en termes de fonctions, de besoin de cohérence,
d'attentes de gouvernance. Mais, d'un autre coté, on est dans l'impossibilité d'en donner une définition.
La réalité de l'espace local est certainement dans ce contraste, ce qui ne l'empêche pas d'exister et de
constituer une base incontournable du développement territorial.

Le territoire comme espace de projet

La qualification du territoire comme espace de projet est vraisemblablement l'élément fondateur le


plus décisif du développement territorial. Sans elle, le territoire n'est qu'un support géographique. On
en constate l'existence, on en décrit les dynamiques propres, on y localise des actions sectorielles. Le
territoire n'a qu'un attribut "d'objet territorial". L'identification d'un projet pour le territoire et par le
territoire en fait un "sujet". Le territoire devient lui-même acteur.

La notion d'espace de projet est corollaire du concept de "projets de territoire". Ceux-ci s’élaborent sur
la base d’une communauté d’intérêts économiques et sociaux. Portés par des acteurs du territoire, ils
explorent des futurs possibles pour mieux concevoir les choix du présent. Ils démontrent la cohérence
et l’efficacité de l’action par les effets attendus. En tant qu'espace projet, le territoire se construit donc
par rapport à des finalités. La convergence des actions pour le développement du territoire devient
alors, elle-même porteuse d'une construction sociale, politique, et, le cas échéant, institutionnelle.

Des économistes ont cherché à définir ce que pouvait signifier un tel territoire en tant qu'objet
économique. L'une de ces définitions propose qu'au plan économique, un "territoire" soit compris
"comme un réseau plus ou moins coopératif d’acteurs ayant pour finalité commune de développer
l’économie du territoire. Une espace géographique ne peut donc se construire comme "territoire" que
si les conditions sont réunies pour que son développement fasse l’objet d’une mobilisation

97
convergente des agents économiques et des acteurs publiques qui agissent dans cet espace. A défaut,
l'espace géographique n'est qu’une juxtaposition d’agents économiques"38. On doit ajouter, pour
nuancer cette définition, qu'à chaque territoire, correspond une stratégie de développement spécifique
tenant compte de ses caractéristiques propres, de ses forces et faiblesses.

Le développement territorial comme "projet de territoire"


Pourquoi vouloir un "projet de territoire"?

Le développement territorial se construit autour d'un "projet de territoire". Celui-ci ne peut cependant
exister que s'il est voulu, puis identifié par la population d'un territoire, ou, tout au moins, par les
acteurs qui animent les dynamiques sociales dans ce territoire, représentants élus, chefs d'entreprises,
animateurs des mouvements associatifs, cadres des administrations locales, personnalités du monde
culturel, etc. Mais comment peut-on vouloir un "projet de territoire"? Celui-ci traduit une convergence
autour d'une vision commune, un désir d'agir ensemble pour apporter une valeur ajoutée à la somme
des initiatives individuelles des acteurs. Or la pratique sociale ne semble pas aller dans cette direction.
Elle semble ne nous montrer que des comportements individuels sans aucun besoin d'une telle
convergence. Les individus, les acteurs vivent dans un territoire en poursuivant des objectifs qui les
mettent en compétition dans le corps social. La perception d'un devenir collectif n'est pas perçue
comme une plus value. Dans les sociétés contemporaines, de plus en plus fortement marquées par
l'individualisme et la réalisation personnelle, la vision collective n'a pas de place. On vit sans elle. Il
n'est donc pas étonnant de constater qu'un projet de territoire n'a pas beaucoup de chance d'émerger
spontanément des dynamiques sociales existantes. Toutes les expériences montrent, en fait, qu'il lui
faut un apport externe et des incitations fortes. La mobilisation des acteurs autour d'un projet collectif
demande une sorte de révolution culturelle. Elle ne semble possible qu'avec l'aide de médiateurs
capables d'expliquer la valeur ajoutée d'un projet collectif et capables aussi de faire entrer les acteurs
dans une "culture de projet".

Les expériences montrent que les raisons de l'adhésion des acteurs à un projet collectif partent, le plus
souvent, de motivations immédiatement économiques. Les acteurs acceptent, au départ, de jouer le jeu
car leurs projets individuels ont quelque chose à gagner dans cette adhésion: subventions pour le
territoire, aides ciblées pour des activités entrepreneuriales, moyens collectifs additionnels,
amélioration de la qualité des infrastructures et des services, etc. A ce premier degré, cependant, le
projet de territoire doit, pour être crédible, ajouter des composantes novatrices aux activités de
développement qui sont normalement financées et prises en charge par les collectivités territoriales, les
administrations ou les institutions de crédit. Les projets LEADER illustrent ces motivations primaires,
même si leur concept a pris par la suite des significations plus larges. Les GAL ont été créés parce que
c'était là une condition pour avoir accès aux fonds européens. Les GDA du Sud est tunisien ont été
créés parce que c'était une condition pour pouvoir bénéficier des financements du projet FIDA, etc. Si
ces motivations économiques semblent avoir un caractère de généralité assez large, on doit cependant
noter que, dans des contextes particuliers, des motivations d'un autre type peuvent constituer les
facteurs primaires de l'adhésion à un projet territorial39. On nous a donné l'exemple de la perception
collective d’une grave menace commune. Les contrastes, dans l’arc alpin, entre les vallées qui se sont
prises en main, et celles qui se sont désertifiées en donnent une bonne illustration. Une association de
défense peut parfois se transformer en porteuse de projets. La référence à des valeurs éthiques
communes peut aussi être un moteur de solidarité territoriale, comme le montre l'exemple des activités
associatives de la JAC en Bretagne, en Aveyron.

Mais les expériences montrent aussi que des motivations au deuxième degré peuvent donner un
contenu beaucoup plus riche au projet de territoire. Les dialogues entre acteurs, qu'animent les

38
Référence Rallet 1996, cité par Jean-Yves Ollivier, IGGREF, 2007
39
Nous devons ce commentaire à une remarque de J de Montgolfier.

98
médiateurs territoriaux (ou leurs équivalents sous d'autres dénominations), commencent toujours par
un diagnostic territorial, une expérience qui, en général, crée de nouvelles perceptions du territoire, de
ses possibilités, de ses contraintes et des risques qui peuvent le menacer. Ces dialogues interpellent
différemment les acteurs. Les entrepreneurs sont amenés à mieux identifier les synergies possibles
entre leurs activités, les politiques y trouvent des thèmes de mobilisation, les associations peuvent y
replacer leurs visions, tout particulièrement dans le domaine, de plus en plus sensible, de la protection
de l'environnement, etc. L'élaboration d'une vision du devenir territorial est la première étape d'une
prise de conscience collective. La construction du projet de territoire en dérive, selon des approches
aussi diversifiées que les territoires. L'expérience des "pays", ou de leur équivalent dans certains pays
membres de l'UE, démontre la validité de ces processus initiaux, en dépit des problèmes rencontrés par
la suite du fait de la fréquente concurrence des initiatives territoriales. Les expériences du Sud, bien
que plus localisées et plus dépendantes de projets externes, démontrent également le caractère
extrêmement porteur des exercices de diagnostic et d'élaboration d'une vision territoriale. On ne peut
cependant éviter de souligner que ces processus que nous évoquons, ne se mettent le plus souvent en
mouvement qu'avec l'intervention d'éléments extérieurs. Nous y reviendrons en rappelant le rôle des
médiateurs.

On retire de ces constats, l'idée générale du "projet de territoire" comme un processus. Le projet ne se
construit pas sans apports externes, car il n'y a normalement pas de raisons pour qu'il émerge d'une
initiative collective. Il s'élabore avec des soutiens adéquats et c'est ce processus même qui crée
graduellement un intérêt pour un projet collectif. Ce faisant, il suscite l'émergence d'une collectivité
d'initiatives. La "culture de projet" réinsère ainsi les acteurs d'un territoire dans une vision
"communautaire" du territoire. Elle démontre qu'elle peut apporter une valeur ajoutée à l'inévitable
concurrence des comportements individuels. Les sociétés territoriales de la Méditerranée ont, jusqu'au
XX° siècle, été dominées par des traditions communautaires, paradoxalement maintenues par des
systèmes de pouvoir très inégalitaires. L'émergence de l'individu avec l'industrialisation et la
modernisation, a fait éclater ces cadres communautaires qui, s'ils apportaient une sécurité dans la
société, s'opposaient au changement. Le nouveau paradoxe des sociétés modernes est de redécouvrir la
nécessité des projets collectifs ou "communautaires" comme contrepoids aux excès et au manque de
cohérence des dynamiques individuelles. La prise de conscience de la gravité des défis
environnementaux (largement dus aux excès de la concurrence individuelle) met en évidence la
nécessité de nouvelles solidarités territoriales. Ces défis obligent à repenser les territoires comme un
grand village commun. Ils nous renvoient, avec d'autres approches, aux logiques communautaires des
terroirs villageois de l'époque préindustrielle. Autre paradoxe, et non des moindres, c'est la
libéralisation croissante de l'économie dans un contexte de mondialisation qui oblige désormais les
territoires à imaginer des projets collectifs pour conserver leur compétitivité ou la gagner.

Les processus des "projets de territoire"

L'identification du territoire. Les expériences semblent montrer que le territoire projet ne peut être
conçu en prenant le critère du découpage administratif. Si celui-ci doit nécessairement être pris en
considération, on doit aussi reconnaître que sa fonctionnalité impose des logiques d'administration et
de représentations élues qui s'opposent souvent aux logiques plurielles des acteurs40. Il ne peut pas,
non plus, se constituer à partir du simple regroupement géographique d'un ensemble d’activités
économiques. Le territoire doit être une entité vivante, à multiples facettes (économiques, sociales,
institutionnelles, environnementales, culturelles, etc.) qui doit pouvoir évoluer dans le temps. Chaque
territoire de projet résulte d’un lien entre le passé, le présent et l’avenir. A un moment ou un autre, il
doit être le produit d'une volonté partagées des acteurs. On note, à cet égard, que la création de
territoires de projet fait émerger des logiques nouvelles qui tendent à se différencier des logiques
institutionnelles des territoires administratifs. Ces logiques créent un espace pour une multiplicité

40
Les commentaires ci après empruntent des remarques particulièrement pertinentes que l'on a extraits d'un
document de l'Observatoire européen du développement rural (cf. doc. 70)

99
d'acteurs par opposition aux espaces de "représentation", élus et administration. Ces acteurs se
retrouvent dans les territoires de projet mais en partenariat avec tous les autres acteurs. Cette relation
est nouvelle et elle tend, incontestablement, à sortir le développement territorial de ses héritages
politico administratifs.

La dynamique collective. Les expériences montrent que le partage des réflexions conduites lors de
l’élaboration d’un projet et d’une stratégie est un élément clé du succès. Les membres du partenariat
local ne sont pas les seuls concernés, le débat a besoin de s’ouvrir à tous les acteurs du territoire. On
souligne, à cet égard, l'effet porteur d'une association des populations aux exercices de diagnostic et de
préparation du projet. Cette phase doit être valorisée par des mécanismes d'animation et de
concertation. Elle est porteuse de dynamique locale. L'intervention d'une médiation territoriale
(mentionnée également sous la forme d'ingénierie locale ou de proximité) est considérée par toutes les
expériences comme une incontournable condition de succès.

Les capacités d'action. La mise en œuvre d'un projet de territoire repose largement sur les capacités
des animateurs de la structure de partenariat. Les expériences montrent l'importance de l'émergence
d'un leadership et de la bonne représentativité des divers intérêts territoriaux. Ceux-ci sont souvent
divergents. Pour autant, les conflits ne doivent pas être négligés et leur résolution doit inciter les
partenaires à rechercher des solutions gagnant gagnant. Les divergences portent souvent sur les
temporalités de l'action. Le projet de territoire a nécessairement une temporalité longue. Mais celle-ci
entre facilement en conflit avec les objectifs à court terme des entreprises et les temporalités
électorales des élus. Les expériences semblent montrer une tendance forte d'une prééminence des
temps courts aux dépens de la temporalité longue. Les évaluations soulignent toutes la nécessité d'un
recadrage permanent des programmes d'action par rapport aux objectifs à long terme du projet de
territoire et de sa vision. La solution évidente serait de donner aux projets de territoire une certaine
force de contrainte (comme le sont par exemple les plans d'occupation des sols). Mais cette façon de
voir pourrait aller à l'encontre de la souplesse requise pour adapter le projet de territoire aux conditions
évolutives créées par le processus même du développement. La formule intermédiaire, mais dont on
n'a pas encore d'exemples probants, serait de reconnaître la nécessité d'une prise en compte formelle
des recommandations produites au fur et à mesure par les systèmes de suivi et d'évaluation.

L'élaboration du projet de territoire. Les expériences mettent toutes en évidence la nécessité d'un
diagnostic préalable du territoire. L'une des approches porteuses consiste à évaluer le "capital
territorial". Comment donner forme à un territoire-projet, le faire émerger et le consolider dans le long
terme? Quelles sont les marges de manœuvre dont on dispose à cet effet? Comment dégager les
possibilités d’agir de la complexité inhérente au territoire? Comment enclencher un processus de
dynamisation ou de consolidation des activités, des institutions, des modalités d’organisation des
acteurs? En d’autres termes, comment passer de l’analyse de la réalité à l’élaboration d’un projet de
territoire (ou d’une vision du futur) qui soit conçu par les acteurs eux mêmes et non dicté par une
évolution extérieure plus ou moins incontrôlée? Comment repérer les éléments clés sur lesquels
concentrer l’effort? L’analyse du “capital territorial” peut faciliter la réponse à ces questions. Le
“capital territorial” représente l’ensemble des éléments dont dispose le territoire sur le plan à la fois
matériel et immatériel, et qui peuvent constituer, sur certains aspects, des atouts, et pour d’autres, des
contraintes.

Les évaluations de l'Observatoire européen montrent qu'un projet de territoire est plus crédible
lorsqu'il fonde son approche sur une idée de processus et sur une vision intégrée de l’ensemble qui
s'inscrirait dans le temps et dans l’espace. Elles soulignent l'importance de la gradualité. Elles mettent,
par ailleurs en évidence la nécessité du choix d'un bon point d'entrée. On observe, à cet égard, que de
multiples points de départ sont possibles pour impulser une stratégie territoriale. Ce peut être une
forme d’intervention bien précise, comme la promotion de l’image du territoire sur une série d’actions
exemplaires, connectées, visant un effet démonstratif. On peut aussi combiner des actions innovantes à
des actions qui le sont moins mais qui, ensemble, produisent le résultat recherché. A l’opposé de cette
stratégie de "portes d’entrée", on trouve celle dite "du semeur", qui consiste à lancer des actions dans
plusieurs directions, dans l’espoir que l’une ou l’autre va "germer". Elle est souvent adoptée dans les

100
territoires souffrant de faibles capacités d’initiative en travaillant à faire naître des initiatives. Les
évaluations soulignent aussi l'importance d'une recherche systématique des effets multiplicateurs41

Le développement territorial comme porteur d'intégration et de


durabilité environnementale

Le développement rural durable est nécessairement associé au concept de territoire. L'acception la


plus connue du concept de développement durable est celle de la bonne gestion des ressources
naturelle et d'un combat continu pour enrayer la dégradation de l'environnement (le fameux postulat de
la terre transmise aux générations futures). L'écosystème terrestre fournit à la biosphère des services
marchands et non marchands. Le développement durable doit assurer le maintien ou l'amélioration de
ces services. Mais le concept de développement durable doit aussi être compris en termes de
développement sociétal. Le bien être des individus dépend de l'accès à une panoplie de services
(sécurité, accès à la nourriture, à l'eau et au logement, accès aux services d'éducation et de santé;
liberté de choix au sein de la société). La satisfaction durable de ces services est, comme le montre le
Millenium Ecosystem Assessment (cf.doc. 62), étroitement dépendante de la bonne gestion de
l'environnement.

Le point de rencontre se situe dans les espaces où interagissent et décident les membres des corps
sociaux, devenus, de fait, les principaux responsables de l'amélioration ou de la dégradation de leur
environnement et de leur bien être. Ces espaces sont, bien évidemment, pluridimensionnels, selon
l'échelle des problèmes rencontrés, mais ils ramènent le développement durable à des notions de
territoire. Les échelles de l'espace local sont à cet égard, les plus pertinentes. C'est en priorité à
l'échelle des communautés rurales, des villages, des communes que l'on peut le mieux gérer les
problèmes posés par la gestion de l'environnement. C'est, en raison des droits fonciers, individuels ou
collectifs, à l'échelle de leurs terroirs que l'on peut responsabiliser les acteurs et trouver des compromis
sur la gestion des ressources naturelles. Mais des échelles plus vastes, celles de l'intercommunalité ou
du "pays", sont en même temps nécessaires pour garantir les mises en cohérence et l'applicabilité des
politiques de l'environnement.

Aujourd'hui, ces priorités diffèrent au Nord (où la priorité est, notamment, d'apporter des correctifs
aux effets de la déprise agricole, aux risques créés par les feux de forêts, aux abandons de territoires,
etc.) et au Sud (où la priorité est de mieux gérer les espaces et les eaux afin de freiner la déforestation,
la désertification et la surexploitation des sols et des parcours). Mais, que ce soit au Nord ou au Sud, la
priorité environnementale a la même importance. Les risques du changement climatique, les progrès
de la désertification, la crise de l'eau dans toute la Méditerranée, les nécessaires disciplines pour
réduire les émissions de gaz à effet de serre, se conjuguent en effet pour donner une dimension
collective aux politiques de l'environnement. Le développement territorial offre un cadre approprié
pour leur mise en œuvre. Les solidarités sont d'autant plus nécessaires que, dans la carte du monde, la
Méditerranée est l'une des régions de plus grands risques.

41
Il est intéressant de rappeler dans ce contexte les critères de réussite d'un projet territorial tels qu'ils ressortent
de l'évaluation des projets SARD Montagne (FAO) en Amérique Latine. Ces évaluations mettent en avant neuf

 Vision partagée des avantages d'une association territoriale


facteurs déterminants:

 Légitimation sociale des promoteurs (associations municipales, contrôle de comités de gestion,

 Diversité des parties prenantes et diversité de leurs intérêts


représentation de la population)

 Participation active des acteurs


 Ouverture d'espaces nouveaux de dialogue
 Partage des connaissances
 Formation d'une capacité de gouvernance (Capacity building)
 Partage d'une même conception de "développement terrritorial durable"

101
Tout un courant de pensée commence à imaginer de nouveaux rôles pour les agriculteurs ou pour
d'autres ruraux en tant que gestionnaires de l'espace rural, des paysages, des sites. Cette approche est
sous jacente dans l'approche des parcs régionaux. En dépit de réticences de la génération actuelle des
agriculteurs du Nord (défense de l'entreprise individuelle, refus de devenir des "jardiniers de
l'environnement"), il est vraisemblable que de nouveaux métiers ruraux liés à l'environnement
s'imposeront très vite dans l'économie des zones rurales. Le territoire en tant que plateforme de la
multifonctionnalité s'avère être une échelle particulièrement appropriée pour développer de nouvelles
politiques de l'environnement. Cette tendance à associer ruralité et gestion de l'environnement entre
déjà dans les politiques territoriales du Nord. En raison de la dégradation accélérée de ses ressources
naturelles, le Sud ne pourra pas éviter une même évolution. Il est frappant de constater que les finalités
de la ruralité en Ecosse ou au Canada sont désormais posées en termes de protection de
l'environnement et de gestion de l'espace, et non plus en termes de productivité de l'agriculture. On
doit, à cet égard, apprendre à accepter les implications politiques et financières d'un principe de
paiement des services environnementaux assurés par les agriculteurs et les éleveurs qui utilisant
majoritairement les ressources naturelles des sols agricoles, des parcours et d'une grande partie des
forêts.

Les scénarios les plus récents sur l'impact du changement climatique sur l'évolution de la biosphère42,
montrent qu'entre autres, ses effets dans l'espace géographique poseront avec une acuité critique le
problème de la gestion des territoires. Il faut en effet s'attendre, à l'horizon d'une génération, à des
contraintes de désertification ou de pénurie d'eau qui poseront des problèmes d'abandon d'espaces
habités et cultivés, de réinstallation de populations migrantes, d'urbanisation exponentielle, etc. Le
premier scénario (la température augmente de 1,3 ° d'ici 2040) ne prend en compte, à l'horizon 2030,
que les estimations du dernier rapport du Comité Interministériel sur le Changement Climatique. Ce
scénario qui décrit une situation déjà difficile, est considéré comme un scénario déjà dépassé par les
faits, car il apparaît de plus en plus que les scientifiques, par honnêteté, ont pris des marges
d'estimation peut être trop prudentes. Ces marges sont, par exemple, démenties par la fusion des glaces
polaires qui s'est accélérée beaucoup plus vite que l'on pouvait l'imaginer dans les modèles d'il y a
seulement trois ou quatre ans. Le second scénario (la température augmente de 2,6 ° d'ici 2040)
devient de plus en plus possible sinon probable et on peut de moins en moins agir pour le freiner. Ses
conséquences sur les politiques territoriales sont dramatiques. Plus que jamais, cette angoissante
perspective interpelle, dès aujourd'hui, la bonne gestion des territoires. On va en effet entrer dans une
situation "de menace aggravée" et cela va changer considérablement les données de l'action
territoriale. Nos expériences devront probablement être ignorées pour faire place à des interrogations
nouvelles sur des programmes de sauvetage, dont nous ignorons encore les données. Ce qui est sûr,
c'est que la Méditerranée sera dans l'une des zones rouges de la planète. Le troisième scénario (la
température augmente de 5,6 ° d'ici 2100) est tellement dramatique qu'il vaut mieux ne pas y penser
car, si nous n'agissons pas à temps, nous n'aurons plus aucune réponse pour une survie acceptable de
nos sociétés.

Le développement territorial comme plateforme d'une gouvernance


participative

Les projets de territoires ont introduit deux notions essentielles en matière de gouvernance. Tout
d'abord, la notion de partenariat. La mobilisation des fonds de développement invite en effet les
acteurs à opérer dans le cadre de partenariats "public privé". Le "public" peut, selon les cas être
représenté par des collectivités locales, des régions, l'Etat, ou par plusieurs de ces instances. Les

42
The Age of Consequences, The foreign policy and national security implications of global climate change.
Center for Strategic and International Studies (CSIS) and Center for a New American Security (CNAS),
November 2007.

102
formes possibles de ces partenariats sont nombreuses. Elles vont, par exemple, de la simple
association à la constitution de sociétés mixtes. Les grandes différences tiennent aux compétences
reconnues aux catégories d'acteurs. Le plus souvent, les décisions finales incombent aux élus des
collectivités locales. Mais dans les cas de décentralisation avancées, ces décisions peuvent revenir au
conseil de l'organisme de gestion du partenariat. La seconde notion est celle de contrat de partenariat.
Le contrat traduit juridiquement les engagements qui ont été négociés entre les partenaires publics et
les autres acteurs. Le contrat peut être global, par exemple, un contrat de territoire, il peut être aussi
ciblé sur les activités d'un groupe d'acteurs spécifique. On note que les formules contractuelles et la
souplesse des formes d'organisation des partenariats évitent de figer les dynamiques de participation
dans les cadres statiques des structures institutionnelles.

La question de la légitimité et de la représentativité des partenariats que l’on cherche à promouvoir


(qui prend la parole, au nom de qui, et dans quel but ?) est essentielle. La construction territoriale
s'accompagne en effet de la construction d'une forme de gouvernance. Dans quelles conditions ces
formes de gouvernance durables peuvent-elles émerger? Comment les acteurs qui y sont associés ou
en sont les promoteurs apprennent-ils à concilier leurs intérêts particuliers et ceux, émergents, de la
gouvernance territoriale? L'Observatoire Européen a tiré de ses évaluations quelques interrogations
très pertinentes (et applicables dans tous les contextes) sur les bases fondatrices des processus de
participation dans le cadre de partenariat de développement territorial (cf. doc. 70):

 Qu’en est-il de la capacité des acteurs à formuler leur propre vision du développement de leur
territoire, et à mobiliser les énergies nécessaires à sa mise en œuvre ?
 Quels sont les conflits – latents ou ouverts – qui pourraient entraver une telle démarche ?
 Qu’en est-il des rapports entre les représentants élus démocratiquement et les « nouveaux » acteurs
du développement, en particulier lorsque celui-ci est promu à l’échelle de territoires qui recoupent
les divisions administratives de l’espace régional ou national ?
 Quelles sont les diverses positions assumées par les acteurs quant aux principales questions
affrontées dans le cadre de tels partenariats, notamment vis-à-vis de l’environnement ?

La gouvernance représente, sans aucun doute, une problématique centrale du développement


territorial. Cette problématique est d'autant plus complexe qu'elle s'applique à des "territoires de
projet", donc à des territoires conçus indépendamment des logiques de l'administration des territoires.
A supposer que les territoires de projet coïncident avec des territoires administratifs, la question n'en
reste pas moins posée car la gouvernance territoriale est supposée reposer sur un partenariat pluriel des
acteurs. Elle se configure donc nécessairement sur des modèles différents de ceux de l'organisation
politico administrative des territoires. Tout, dans ce processus, repose donc sur la capacité d'autonomie
des acteurs et sur leur aptitude à trouver des compromis évolutifs. Les structures partenariales ne
paraissent viables en longue durée que si elles garantissent l'autonomie des acteurs de la société civile
vis-à-vis des appareils de gouvernance politique (les élus) ou administrative. Les réponses sont
variables, elles dépendent, en fait, de l'évolution des politiques des Etats en matière de décentralisation
et de démocratisation.

L'expérience des pays du Sud montre que ces processus sont encore largement en construction. L'Etat
reste puissance dominante. Dans les cas les plus avancés, certaines délégations sont faites au bénéfice
des collectivités locales ou des régions. Les structures dans lesquelles les autres acteurs peuvent
intervenir n'ont en général pas d'autres compétences que consultatives. Il est cependant frappant de
constater que les projets de développement financés par l'aide internationale parviennent à développer,
ponctuellement, certaines formes de partenariat. Cette leçon est positive, en dépit du caractère ad hoc
et temporaire de ces organisations. A long terme, en effet la multiplication de ces expériences
ponctuelles est porteuse de rapports nouveaux entre les administrations et les acteurs locaux. Il faut y
voir, malgré les limitations, un facteur de progrès politique.

Mais les expériences montrent également que les pays méditerranéens de l'Europe ne sont pas exempts
de conflits de même nature entre structures politico administratives et structures partenariales. En dépit
des progrès de la décentralisation, on constate encore souvent le poids des cultures centralisatrices

103
dans les systèmes de décision. Les partenariats de la gouvernance du développement territorial sont
certes porteurs d'une nouvelle forme d'expérience démocratique. Mais celle-ci entre encore trop
souvent en conflit avec les rentes de situation des élus (et des partis politiques qui les soutiennent)
ainsi qu'avec les comportements étatiques des administrations. Ces constats ne font que souligner le
rôle du développement territorial dans l'émergence d'un nouveau rapport entre l'Etat et les populations
dans un monde en changement rapide. Le développement territorial à l'échelle locale prend, dans cette
perspective, une dimension véritablement sociétale.

Le développement territorial comme refondation de l'identité et de


la cohésion sociale

L'identité d'une population par rapport à un territoire correspond à l’ensemble des perceptions
collectives que cette population a de son passé, de ses traditions et de ses savoirs faire, de ses
structures productives, de son patrimoine culturel, de ses ressources matérielles, de son avenir, etc. Il
ne s’agit pas d’une identité exclusive et univoque, mais d’un ensemble complexe intégrant une
multitude d’identités propres à chaque groupe social, à chaque lieu, à chaque centre de production
spécialisé, etc. Cette identité "plurielle" n’est pas immuable, elle peut évoluer, se renforcer, se
moderniser. Le développement territorial repose la problématique de l'identité en dynamisant une
interrogation nouvelle sur le territoire et sur sa "personnalité territoriale". Le projet, en effet, refonde la
notion d'appartenance en la resituant par rapport à un processus d'action. Ses "performances", ses
réussites créent de nouvelles formes d'identification au territoire. C'est ce que démontrent, par
exemple, les rapports des populations avec les images de leur territoire qui leur sont renvoyées par les
labels, les produits de terroir, les produits de l'artisanat, la valorisation de certains sites, les fêtes et les
marchés de valorisation des produits locaux, les produits offert au tourisme, etc. Ces nouvelles formes
de l'identification par rapport aux "images du territoire" finissent par être plus vivantes que celles
façonnées par les héritages culturels ou historiques. Par leur nouveauté, elles offrent aussi des clés
d'identification aux "néo ruraux" qui peuplent de plus en plus les zones rurales de l'Europe, et demain,
peut être aussi celles du Sud.

Le développement territorial se donne explicitement des objectifs de progrès. Mais il pose comme
condition de réalisation et comme finalité la reconstruction d'une cohésion sociale. Celle-ci est à la fois
un moyen et un but. Le territoire apparaît, dans cette perspective comme une sorte d'interface. C'est
par de nouveaux rapports entre une société et son espace de vie que l'on ambitionne une refondation
du lien social. Le développement territorial postule un espace de dimensions humaines. Il s'inscrit
certes dans un processus de mondialisation. Mais il semble, en même temps, vouloir apporter une
réponse crédible à la manifestation d'un besoin de plus en plus affirmé pour une identité sociale
vivable dans un monde devenu trop vaste.

Le développement territorial comme légitimation dans l'espace


global

L'approche socio politique de la territorialisation suppose des politiques publiques volontaristes. Mais
celles-ci ne peuvent opérer leurs choix qu'en tenant compte des effets de la libéralisation des échanges
qui exacerbe la concurrence entre les territoires et porte en elle des déséquilibres peu évitables entre
territoires dynamiques et compétitifs et territoires rejetés dans la marginalisation. Le développement
territorial apporte une réponse à ces défis en replaçant les territoires dans une perspective de
compétitivité dans l'espace global. On a emprunté à l'Observatoire Européen les descriptions qui
suivent de la compétitivité territoriale (cf. doc. 70).

Dans son sens courant, être compétitif signifie "pouvoir supporter la concurrence du marché". La
compétitivité territoriale a donc un sens à priori strictement économique. Mais peut-on dire pour

104
autant qu’un territoire qui produit, par exemple, des matières premières agricoles à très bon marché
mais dans des conditions sociales inacceptables dans des sociétés développées et sans considération
pour son environnement, est compétitif? Cette interrogation conduit à donner un sens plus large à celui
de compétitivité, qui s’exprime dans le concept de compétitivité territoriale: un territoire devient
compétitif s’il peut affronter la concurrence du marché tout en assurant une durabilité
environnementale, économique, sociale et culturelle fondée sur des logiques de réseau et d’articulation
inter- territoriale. En d’autres termes, la compétitivité territoriale suppose la prise en compte des
ressources du territoire dans la recherche d’une cohérence d’ensemble. Elle suppose également
l’implication des acteurs et des institutions, l’intégration des secteurs d’activité dans une logique
d’innovation; la coopération avec les autres territoires et, enfin, l’articulation avec les politiques
régionales, nationales, européennes et le contexte global.

L’élaboration du projet de territoire est donc un processus visant à faire acquérir aux acteurs locaux et
aux institutions une quadruple capacité: la capacité de valoriser leur environnement, d'agir ensemble,
de créer des liens entre secteurs en faisant en sorte de retenir sur place le maximum de valeur ajoutée,
d'entrer enfin en liaison avec d’autres territoires et le reste du monde. Ces quatre capacités peuvent
être mises en correspondance avec ce que l'on peut appeler “les quatre dimensions” de la compétitivité
territoriale, celles-ci se combinant de manière spécifique dans chaque territoire. Ces quatre dimensions
sont les suivantes :

 La "compétitivité sociale". Celle-ci traduit la capacité des acteurs pour agir efficacement ensemble
sur la base d’une conception partagée du projet, et encouragée par une concertation entre les


différents niveaux institutionnels;
La "compétitivité environnementale". Celle-ci correspond à la capacité des acteurs pour mettre en
valeur leur environnement en en faisant un élément “distinctif” de leur territoire, tout en assurant


la préservation et le renouvellement des ressources naturelles et patrimoniales;
La "compétitivité économique". Celle-ci traduit la capacité des acteurs pour produire et retenir un
maximum de valeur ajoutée sur le territoire en renforçant les liens entre secteurs et en faisant de la
combinaison des ressources des atouts pour valoriser le caractère spécifique des produits et


services locaux;
Le "positionnement dans le contexte global". Celui-ci représente la capacité des acteurs pour
positionner leur territoire par rapport aux autres territoires et au monde extérieur en général, de
façon à faire épanouir leur projet territorial et en assurer la viabilité dans le contexte de la
globalisation.

La pénétration des territoires dans l'espace global donne aux territoires une existence propre et
indépendante des territoires administratifs ou politiques. Elle leur donne ainsi une légitimité. Dans
l'espace méditerranéen, elle peut confirmer leur ouverture sur le marché et vérifier les priorités
accordées aux produits méditerranéens. La légitimité territoriale se vérifie également dans la capacité
des partenariats territoriaux à entrer dans des réseaux de coopération avec d'autres territoires. Elle se
vérifie également, comme le montrent certaines expériences interterritoriale pionnières, la capacité des
territoires a entrer dans des accords de coopération Nord Sud.

Le développement territorial comme objet scientifique

Deux chercheurs canadiens qui se sont penchés sur l'évolution de la ruralité en Europe, au Canada et
aux Etats-Unis43 (cf. doc.), concluent ainsi leur étude: "il apparaît de plus en plus que la notion de
"développement territorial" constitue une perspective scientifique susceptible d’apporter un

43
Bruno Jean & Steve Dionne, La ruralité entre appréciations statistiques et réponse sociale: comprendre les
reconfigurations socio politiques des territoires ruraux du Québec, Université du Québec. (Texte dans CD Rom,
Etude Documentaire, Section Thématique, Chapitre Gouvernance territoriale et Décentralisation – sans numéro
de référence)

105
renouvellement de la compréhension du rôle et de l’influence réciproque tant des structures que des
acteurs sur la formation et la recomposition des espaces socioéconomiques et politiques. Le
"développement territorial" correspond autant à un courant de recherche en émergence qu’à un
foisonnement d’initiatives, surtout publiques, visant à mieux comprendre et maîtriser les facteurs qui
déterminent les performances économiques d’ensembles territoriaux plus ou moins vastes. Ces
facteurs sont d’ordre économique, culturel, politique, et ils sont liés aux caractéristiques des territoires
où interviennent des acteurs sociaux".

Les conclusions de ces chercheurs portent sur un champ très différent de celui des pays de la
Méditerranée mais ils méritent d'être rapportées. L'étude de l'évolution de la ruralité dans un pays
américain où l'espace rural est très vaste mais où la ruralité agricole s'est considérablement contractée,
débouche en effet sur la nécessité de la prise en compte des territoires ruraux dans leurs nouvelles
fonctionnalités. Ces territoires incluent des populations d'agriculteurs résiduels, les néo ruraux de
l'économie résidentielle; les exploitants forestiers. Leurs fonctions donnent la priorité à la conservation
de l'environnement, dans une relation raisonnée avec les activités agricoles, forestières, résidentielles
et "éco touristiques". Le rural correspond aux régions "non métropolitaines". Il a un sens
essentiellement "environnemental et paysager". Cette nouvelle compréhension du rural au Canada ou
aux USA est celle de la "modernisation avancée". Elle consacre la disparition du rural comme "folk
society" qui prévalait depuis la "modernité naissante". Le "développement territorial" est perçu
comme la seule approche possible pour gérer les nouvelles fonctions de l'espace. La rencontre des
problématiques de l'écologie, de la gestion durable de l'agriculture et de l'économie forestière, du
tourisme et de l'économie résidentielle pose de nouveaux défis aux décideurs. Ces problématiques qui
se rassemblent dans le développement territorial semblent désormais constituer, pour les chercheurs
qui les ont analysés, un objet scientifique en soi.

La recherche en Europe et dans les pays de la Méditerranée n'est pas en reste. Les publications sur les
thématiques se rattachant à la problématique territoriale sont considérables. Dans la présente étude, qui
s'est proposée de se fonder principalement sur des documents "politiques" (voir, à cet égard, la
structure de l'étude documentaire), les travaux de chercheurs n'ont été retenus que lorsqu'ils traitaient
spécifiquement de la compréhension politique d'un thème donné. On a donc laissé de côté, bien
qu'après en avoir consulté un certain nombre, les travaux des chercheurs qui portaient sur des
conceptualisations ou sur des champs théoriques. Leur seul inventaire aurait en effet constitué un
travail de recherche spécifique qui sortait des limites de la présente étude. Ceci étant, nous ressentons,
au terme de ce travail, le besoin de déborder dans le domaine de la recherche. Les constats et les
interrogations que notre étude a éclairées d'une certaine façon, nous paraissent en effet constituer un
champ d'interrogation pour la recherche d'une pertinence particulière. Le moment nous semble venu
pour que l'on fasse quelques grandes mises au point. Tout d'abord, sur le plan documentaire. Durant
notre travail, nous avons croisé de multiples bibliographies. Il faudrait en faire un tri et un classement
thématique. En second lieu, il faudrait voir dans quelle mesure ces études ou certaines d'entre elles,
répondent aux questions que pose une étude politique du genre de celle que nous avons conduite ici.
Dans un troisième temps, ensuite, il faudrait creuser les problématiques théoriques, avec l'idée d'en
faire de meilleurs outils pour la décision et l'action.

C'est donc en posant des questions et en invitant la recherche à faire un point sur la question du
développement territorial que l'on voudrait conclure sur cette thématique du "développement territorial
comme objet scientifique". L'interrogation que nous formulons, sur un plan très personnel, interpelle la
complexité du développement territorial. En tant qu'objet d'étude des sciences humaines, ce concept
pose un défi difficile. Il se situe en effet à la rencontre de champs d'étude qui ont longtemps opéré de
façon séparée: sociologie et économie du monde rural, géographie, aménagement du territoire,
sciences de l'environnement, sciences politiques. Le développement territorial, de ce fait, semble
n'appartenir à aucune discipline sinon à plusieurs à la fois. Sa spécificité n'en est pas moins réelle.
Aujourd'hui, elle interpelle d'autant plus les sciences sociales, en collaboration avec les autres
disciplines, que les décideurs, les développeurs, les politiques font de plus en plus référence au champ
du développement territorial.

106
V. MISE EN PERSPECTIVE : DEVELOPPEMENT RURAL
TERRITORIALISE ET PROSPECTIVE MEDITERRANEENNE

Développement local et mondialisation

La problématique du développement rural durable semble de plus en plus se poser dans le cadre d'un
développement des territoires, cette thématique rejoignant, de façon indissociable, celle du
développement local. Un tel constat force la réflexion car il semble, aujourd'hui, poser une
problématique qui se situe à la fois en contrepoint et en complément du phénomène global de la
mondialisation. Plus en effet nous entrons dans ce processus; plus les sociétés semblent à la recherche
des espaces dans lesquels elles peuvent affirmer leur identité et leurs spécificités. La mondialisation
nous apparaît comme une dimension nouvelle de la planète. Mais sa lecture, en termes de sociétés, est
loin de correspondre à l'image portée par le concept. La planète ne fut vraiment mondialisée que
pendant la période, qui se termina au milieu du XX° siècle, pendant laquelle tous les continents furent
dominées par un seul modèle économique et politique, celui qui fut porté par la domination coloniale
et impériale de l'Occident. Il y eut, pendant un temps relativement bref de l'histoire, une sorte de macro
monde occidental, comme le fut, à son échelle, le monde romain.

La seconde partie du siècle vit à la fois le surgissement de nouvelles identités nationales et une
bipolarisation portée par l'opposition entre le "monde libre" de l'Occident et les pays du bloc socialiste.
La mondialisation, à laquelle on se réfère aujourd'hui, est, par contre, un phénomène nouveau. Elle a
pris forme après la chute du mur de Berlin, avec la fin du monde bipolaire. On a voulu la voir comme
désormais associée à un monde unipolaire dominé par les Etats-Unis. C'est effectivement dans cette
acception qu'aujourd'hui encore des stratèges de ce pays imaginent la mondialisation, un vaste espace
de libre échange dominé par les valeurs d'une seule superpuissance. Or la mondialisation que nous
pouvons observer, semble se développer selon une image très différente. Elle s'accompagne, en effet,
d'une irrésistible tendance à la multi polarisation. Le monde de demain sera certes de plus en plus
inséré dans des réseaux d'investissements, d'échanges commerciaux, de partage du savoir qui
s'étendront sur toute la planète. Mais il sera aussi un monde diversifié dans lequel de grandes aires
économiques et culturelles auront retrouvé leurs spécificités ou en auront développé de nouvelles.

Dans ce contexte, l'un des constats les plus frappants que l'on puisse faire sur les évolutions sociétales
de ces dernières décennies, est probablement de voir la place qu'occupent les affirmations régionales,
ethniques, culturelles, locales. Au-delà des Etats nations dont les rôles historiques sont redimensionnés
par la mondialisation, on voit, en effet, surgir ou resurgir des identités plus proches des vécus réels des
sociétés. La force profonde de ce processus, que, sous des formes multiples, on peut observer dans le
monde actuel, semble donner à la mondialisation une double signification, celle d'une réelle mise en
réseau du monde et celle d'une profonde aspiration à une autonomisation sociétale capable de redonner
une échelle humaine à la globalisation. Les analystes sociaux nous diront, un jour, si le premier
phénomène a suscité le second ou si celui-ci s'explique par d'autres dynamiques. Le fait est que les
réalités régionales et locales s'imposent de plus en plus comme une nouvelle dimension des
dynamiques sociales. Les plus fortes sont, sans nul doute, celles qui se rapprochent le plus du vécu des
sociétés et de leurs capacités à en influencer le devenir. Ces dynamiques sont celles, multiformes
aujourd'hui, qui s'expriment à l'échelle du "local". L'importance territoriale des aires rurales dans la
structuration des sociétés du monde donne à la problématique du développement local des
connotations encore, et pour longtemps, dominées par la ruralité et par son devenir possible.

107
Quelle place pour la Méditerranée dans un monde multipolaire?

Dans cette dynamique globale, quelle est la place de la Méditerranée et quelle place y tient le
développement rural? La croissance économique des prochaines décennies dans le monde reposera
essentiellement sur le dynamisme démographique de la population active, sur la formation
technologique et les connaissances de ses ressources humaines, sur l'amélioration par la recherche
développement, de la productivité de son travail et sur la production commerciale qui en résultera. Les
scénarios tendanciels que l'on peut établir aujourd'hui montrent que, dans une vingtaine d'années, le
centre de gravité économique du monde se sera déplacé vers l'Asie et le Pacifique. La Chine, avec son
réservoir d'hommes et avec les progrès de leur productivité, apparaîtra comme l'économie la plus
dynamique. L'ensemble américain, qui disposera également d'une réserve de population active, sera,
lui, parvenu à défendre sa place dans l'économie mondiale44.

Compte tenu du vieillissement de leur population, deux régions économiques, le Japon et l'Europe (y
compris la Russie), seront devenues des régions à risques, elles pourraient connaître une régression de
leur place dans l'économie mondiale. Des simulations prospectives montrent, en revanche, qu'un grand
ensemble Euro Méditerranéen pourrait rester compétitif dans une économie mondiale multipolaire.
L'Europe dispose en effet de ressources financières importantes ainsi que d'un capital technologique et
scientifique qui pourrait être considérablement développé avec des politiques adéquates. Le Sud et
l'Est de la Méditerranée ont peu de ressources financières mais, avant que leur population ne
commence à vieillir, ils disposent en abondance de force de travail en même temps qu'ils représentent
un grand marché potentiel. Deux pays disposent en outre de réserves énergétiques qui auront encore de
l'importance durant deux décennies. Les scénarios de prospective mettent en avant la possibilité d'un
axe euro-méditerranéen qui développerait ces complémentarités, notamment en donnant une priorité
très forte à l'économie de la connaissance et à la formation technologique des jeunes générations du
Sud. Mais dans quelle mesure cette option avancée par les prospectivistes rencontre-elle les attentes et
les politiques actuelles? On est en effet confronté à deux scénarios qui posent, chacun, une place
différente de l'Europe dans le devenir de l'économie mondiale. Un seul de ces scénarios rejoint le
scénario global le plus favorable pour l'Europe et la Méditerranée.

Le premier scénario prolonge, sans modifications substantielles, la politique actuelle de l'UE dans
l'espace méditerranéen. Cette politique est celle dite du "voisinage". Son objectif immédiat est
d’assurer une stabilité de fait au sud de l’Union Européenne. Elle maintient donc la formule consacrée
par le Partenariat Euro Méditerranéen, d’une gestion de l'espace économique, avec, pour perspective à
long terme, une association, dans une zone de libre-échange, des économies du sud de la Méditerranée
et de l’économie européenne. Au nom de l’identité de l’Europe et de la sécurité de ses frontières, cet
objectif se combine en fait avec une ségrégation de l’espace humain méditerranéen, plus ou moins
tempérée par le dialogue culturel et civil et par la volonté de l’Union européenne de faire partager ses
valeurs aux voisins. L'intérêt économique des migrations en provenance du Sud fait l'objet de débats et
les solutions avancées sont celles des quotas qui sélectionnent, qualitativement et quantitativement, les
compétences requises par l'économie de l'Europe.

Le second scénario, au contraire de la première option, prendrait pour hypothèse l'unification des
espaces économique, humain, et, dans une certaine mesure, politique des deux rives de la
Méditerranée. Dans une telle perspective, il envisagerait la possibilité de refaire de la Méditerranée un
espace de mobilité des personnes pour aboutir à un espace commun d'échanges et d'interdépendance.
Ce scénario supposerait que l'Europe coopère réellement avec le Sud dans une perspective de co
développement. Il impliquerait une aide massive, comparable à celle qui a été consentie pour les pays
de l'Est, afin de mettre à niveau l'économie, les institutions, le droit et la démocratisation. Il
impliquerait surtout un soutien pour la formation continue des ressources humaines du Sud ainsi que le

44
Les remarques faites dans ce paragraphe et le suivant s'inspirent des conclusions de l'étude prospective de
l''IFRI (cf. doc 17). Plusieurs autres exercices de prospectives confirment les grandes tendances dessinées par
l'étude IFRI.

108
développement de leur capacité d'innovation. Le multiculturalisme de la région pourrait, dans ce
contexte, être considéré comme un grand atout pour le développement, au même sens que la diversité
économique.

On est ainsi confronté à une alternative assez radicale. D'un côté, la Méditerranée serait conçue
comme une sorte de banlieue de l'Europe, gérée par un partenariat inégal annexé au système de
l'Union européenne. Cette option ne résoudrait que des problèmes à court terme et laisserait entiers les
problèmes, plus déterminants à moyen long terme, de la pression de la pauvreté aux portes de l'Europe
et ceux du vieillissement de la population active européenne. De l'autre, des formes successives, et de
plus en plus approfondies, d'association entraîneraient, par étapes, les pays du Sud dans une sorte
d'Union euro méditerranéenne, aux contours variables mais suffisamment contraignants pour donner
un sens politique à cette association. Ce second choix pourrait constituer un pari crucial pour l'Europe,
qui mettrait en jeu son rôle régional comme sa responsabilité mondiale. Mais il représenterait aussi
d'un défi majeur pour l'avenir des pays du Sud. Le choix de la seconde option pourrait aussi signifier
que l'intérêt bien compris de l'Europe est d’aider puissamment les sociétés d’outre Méditerranée à les
rejoindre, sur le modèle de ce qui été fait pour l’Espagne ou le Portugal et, aujourd'hui, pour les pays
de l'Est.

Le choix de la seconde option, celle d'une formule euro méditerranéenne, ne peut être posé qu'à partir
d'une vision commune qui reste encore à élaborer. Mais déjà, sans que l'on en voie clairement les
contours, des réflexions convergentes montrent que l'Euro Méditerranée entre, par de petites portes,
dans le débat politique. L'Union Européenne a mis plusieurs commissions au travail sur cette question,
dont une Commission européenne chargée d’appliquer une "feuille de route euro-méditerranéenne
pour l’agriculture". Les pays membres de l'accord de Barcelone sur le Partenariat Euro Méditerranéen
constatent la nécessité d'un dépassement radical du cadre de travail initial. Vingt deux pays de la
Méditerranée ont approuvé une Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable, qui fait
expressément référence à l'Euro Méditerranée (cf. doc. 51). Le Conseil de l'Europe a pris nettement
position sur la nécessité d'un développement agricole et rural fondé sur une vision méditerranéenne
(cf. doc. 19). La France a lancé l'idée d'une Union Méditerranéenne aux contours certes très flous mais
qui met en avant l'idée d'une Méditerranée comme trait d'union. De nombreux groupes de travail, en
Europe méditerranéenne (le CIHEAM, par exemple) et au Maghreb (Maroc et Algérie), ont mis en
chantier des réflexions sur ces thématiques. Le CIHEAM, en particulier, s'est fortement engagé pour la
mise en œuvre d'une première mesure concrète, celle d'un élargissement à de premiers pays du Sud des
programmes LEADER de soutien au développement rural. Ces initiatives pourraient signifier que,
pour des décideurs de poids, le choix serait en train de se faire pour le second scénario.

Développement rural et Euro Méditerranée

Quelle place le développement rural aurait-il dans une Euro Méditerranée? Le Conseil de l'Europe
donne une réponse à cette question en identifiant trois scénarios (cf. doc. 19). Le premier serait un
scénario tendanciel qui présagerait des lendemains difficiles, principalement faute d'une relance de la
coopération multilatérale euro-méditerranéenne. Le second serait un scénario de ruptures selon lequel
l’espace méditerranéen, emporté par une libéralisation sans régulation, accuserait toutes les fractures,
l’avenir ne s'y construisant plus que par des peurs et des replis. Le troisième scénario propose, par
contre, une réaction mobilisatrice, l’Europe et la Méditerranée faisant le choix de s’associer pour ne
pas s’affaiblir séparément. Parce que l’agriculture fonde l’identité de la région et représente un terrain
stratégique de coopération, cette alliance pragmatique se concrétiserait par "la preuve agricole".

Le Conseil de l'Europe commente sa prise de position en constatant que si l’Europe souhaite pouvoir
peser sur la scène internationale, elle ne peut ignorer l’aire méridionale qui la borde. "La Méditerranée
peut demain se révéler comme un remarquable espace expérimental si l’on souhaite construire une
nouvelle mondialisation. L’interdépendance stratégique entre l’Europe et la Méditerranée est devenue

109
telle que l’évidence de partenariats privilégiés s’impose. C’est par une coopération pionnière avec la
rive Sud que l’Europe sera en mesure de jouer un rôle dans la mondialisation, en explorant les futurs
d’un co-développement durable dont les variables humaines, sociales et environnementales seraient
tout aussi déterminantes que les composantes économiques et politiques". Sollicité par les urgences de
la région, notamment celles tenant aux déséquilibres du commerce agricole et à la précarité de la
sécurité alimentaire, et prenant en compte les fortes particularités des pays méditerranéens, le scénario
de l'Euro Méditerranée propose une articulation prioritaire autour de l’agriculture. "La
multidimensionnalité de la question agricole et rurale en Méditerranée milite en effet pour une
mobilisation euro-méditerranéenne. De plus, l’agriculture se situe au cœur de l’identité
méditerranéenne et elle s’affiche comme un déterminant essentiel pour les sociétés de la région. Une
convergence d’actions dans ce domaine pourrait développer des coopérations étroites et mobilisatrices
car solidaires, humaines et mutuellement profitables aux deux rives de la Méditerranée". On peut,
certes, discuter cette priorité donnée à l'agriculture comme facteur moteur, mais on ne peut, par contre,
qu'être en accord avec le constat d'un nécessaire espace euro-méditerranéen.

La Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable (cf. doc. 51) tient un discours très voisin.
Elle se fonde sur une vision possible d'une autre Méditerranée dont on trouve l'analyse approfondie
dans le Rapport du Plan Bleu sur le Développement et l'Environnement en Méditerranée (cf. doc. 29).
Le développement rural y occupe une place centrale car au carrefour des principales actions pour
valoriser les atouts de la Méditerranée, notamment agricoles, culturels et paysagers, pour diversifier
les activités économiques, pour lutter contre la pauvreté et pour gérer durablement les ressources en
sols, en eaux et en biomasse. La Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable souligne que
l'UE et les pays développés de la rive nord auraient un rôle important à jouer dans sa mise en oeuvre.
S'ils souhaitent réellement la réussite de la SMDD, les partenaires du Nord ne pourront en effet éviter
des formes d'engagement beaucoup plus vigoureuses que dans le passé. Pour favoriser le co-
développement du nord et du sud, il leur faudra promouvoir d'autres politiques d'aide et d'autres
formes de coopération. L'UE et ses partenaires méditerranéens ne pourront, par ailleurs, éviter de
prendre en considération les processus de démocratisation qu'ils devront encourager, le renforcement
des capacités institutionnelles, l'amélioration de la gouvernance et enfin le soutien aux processus de
paix dans les régions en conflit. La mise en œuvre de la Stratégie ne semble ainsi envisageable que si
elle s'appuie réellement sur un Partenariat Euro Méditerranéen renouvelé et sur une application bien
comprise de la nouvelle politique de voisinage de l'UE.
Le constat de la double importance de la coopération méditerranéenne et du développement agricole et
rural se retrouve dans pratiquement toutes les stratégies nationales. La Prospective de l'Agriculture
élaborée au Maroc en 2007 est à cet égard particulièrement pertinente (cf. doc.321). Les trois scénarios
qu'elle élabore offrent un parallèle frappant avec les scénarios du Conseil de l'Europe. En dépit de sa
part déclinante dans le PIB, l'agriculture constitue un secteur de développement incontournable pour
une croissance équilibrée. Le développement rural, quant à lui, est la clef de voûte de toutes les
politiques de résorption de la pauvreté, de réduction des inégalités territoriales, de gestion durable des
ressources naturelles. Un partenariat euro méditerranéen associé à un co développement effectif
constituerait le meilleur cadre pour le scénario le plus souhaitable pour le Maroc. Il est vraisemblable
que des analyses prospectives conduites de la même façon dans les autres pays du Sud et de l'Est
déboucheraient sur des conclusions similaires.

La prise en compte des territoires dans les politiques de


développement rural

Le développement rural, les remarques précédentes semblent bien le montrer, apparaît comme une
composante essentielle des stratégies de la Méditerranée. Dans une perspective à long terme, celles-ci
l'insèrent nécessairement dans des problématiques beaucoup plus globales qui tiennent aux évolutions
possibles d'un ensemble régional appelé à prendre en compte la Méditerranée dans son ensemble. En
dépit des asymétries, des niveaux différenciés du développement, le développement rural doit être

110
pensé dans son contexte régional, celui d'une convergence méditerranéenne, celui des échanges et des
complémentarités entre le Nord et le Sud, celui des multiples relations entre les composantes de la
ruralité et celles des autres secteurs de l'économie, celui, enfin, des engagements collectifs nécessaires
pour protéger l'environnement et faire face au changement climatique. Le développement rural relève
certes d'actions spécifiques mais sous réserve d'une prise en compte de toutes ses synergies avec les
politiques de promotion de la compétitivité et de diversification des activités économiques, des
politiques de l'urbanisation et de l'aménagement du territoire, des politiques de lutte contre les
inégalités, des politiques environnementales. Le développement rural n'est pas une politique
sectorielle, il est, en dépit des différences entre le Nord et le Sud, au cœur des politiques de
développement durable.
Tous les pays de la Méditerranée ont formulé, d'une façon ou une autre, des politiques ou des
stratégies de développement rural. Les survols que l'on en a fait dans ce rapport et dont on peut
retrouver les contenus élaborés dans les documents rassemblés dans le cadre de l'étude documentaire,
montrent que celles-ci ont, le plus souvent, pris en compte la multifonctionnalité de l'agriculture ainsi
que la dimension méditerranéenne des échanges. Ils montrent également que la territorialisation est un
concept que l'on retrouve de façon assez générale. Mais le même survol nous montre que le sens qui
est donné à cette territorialisation est encore fortement marqué par interprétations plurielles.
On a, dans le précédent chapitre, essayé de montrer comment la "prise en compte des territoires dans
les politiques de développement rural" nous conduisait à reposer la question autour d'un concept
fédérateur, le concept de "développement territorial'. L'évolution de la ruralité, bien qu'à des rythmes
différents selon les pays, l'explosion de la pluriactivité, la concurrence des territoires, dramatisée par la
mondialisation, l'émergence d'une responsabilisation des acteurs, la prise en compte de la durabilité et
de la sauvegarde de l'environnement se sont additionnés pour poser la problématique du
développement rural dans des termes nouveaux. Le développement rural est désormais perçu comme
une complexité dont le territoire devient à la fois la référence socio spatiale, chaque fois unique, et le
champ de sa maîtrise politique. Le développement rural se fond ainsi dans le développement
territorial. Les territoires, tout comme les jeux de leurs acteurs, ont des dimensions multiples. Les
concentrations qui se manifestent aux échelles, variables selon les contextes, de l'espace local, tendent
cependant à donner une primauté au territoire de proximité, au territoire d'identité, quelles que soient,
par ailleurs, les inclusions successives qui rattachent ce territoire aux autres échelles, celles des
régions, des nations, de l'économie mondiale. Le projet de territoire est le nécessaire ciment d'une
construction qui transforme un espace territorial, plus ou moins "local", en un sujet politique. Le
développement territorial est un concept socio politique. Il associe un espace à des acteurs qui y
projettent leur devenir. Il définit un champ d'action privilégié pour gérer la complexité

Ces remarques nous amènent, in fine à questionner le titre même de l'étude. Est-il en effet pertinent de
parler d'une "prise en compte des territoires dans les politiques de développement rural"? Toutes ces
politiques prennent nécessairement en compte les "territoires espace" dans lesquelles elles
s'appliquent. Mais l'interrogation devient tout autre si on comprend "territoire" dans un sens politique
et si l'on associe ce terme à l'idée de développement territorial. L'interrogation pertinente ne serait-elle
pas, alors, de se demander, comme nous avons tenté de le faire dans le dernier chapitre, ce que ces
approches du territoire apportaient aux politiques de développement rural? Ne devrait-on pas inverser
la proposition initiale et s'interroger, au contraire, sur la façon dont "les approches territoriales
prennent en compte les politiques de développement rural ?

111
PLAN BLEU/CIHEAM/CMDD
TERRITOIRES ET DEVELOPPEMENT RURAL EN MEDITERRANEE

RÉFERENCES DOCUMENTAIRES

Les références données ci après sont extraites de l'étude documentaire qui est publiée dans un
document séparé. Ce document inventorie les 369 documents qui ont été retenus pour
consultation (et dont la majorité est consultable in extenso dans les deux CD Rom qui
accompagnent l'étude documentaire). On fait figurer dans la liste ci après les références des
documents les plus significatifs et que l'on a notamment cités dans le corps du texte du présent
document de synthèse. La numérotation de ces références et leur ordre sont les mêmes que
dans l'étude documentaire et dans les CD Rom, d'où leur discontinuité dans la liste ci après.

0 Espaces, Jeux et Enjeux, Ouvrage coordonné par F. Auriac et R. Brunet. Paris Fayard 1986,
343 pages.
2 France. Ministère de l’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE, 2006 : Rapport de la mission
ruralité en Europe. Mission Europe et régions. 11/10/2006. 117 pages.
8 COMMISSION EUROPEENE, 2006 : Politique de développement rural de l’Union
Européenne 2007-2013. Fact Sheet. 22 pages.
11 VAN DEPOELE L. : La politique de développement rural de l’Union Européenne. Le
développement rural à différents niveaux de gouvernance. La dimension internationale.
(Laurent Van Depoele, ancien Directeur du Développement rural, Direction Générale de
l’Agriculture, Commission Européenne). In : Options Méditerranéennes. Série A Séminaires
Méditerranéens, n° 71. Pages 33-36.
13 WORLD BANK, 2007 : Rapport sur le développement dans le monde. L’Agriculture au
service du développement. Abrégé. 36 pages.
14 Commission européenne, 1999 : Réforme de la PAC: Développement rural. Direction
générale de l’Agriculture. 3ème édition 08/99. 12 pages.
15 ESPON : L'impact territorial de la PAC et de la politique de développement rural. Résumé
opérationnel du rapport final. European Spatial Planning Observation Network (EPSON).
Projet ORATE 2.1.3. 24 pages.
17 Institut Français des Relations Internationales, 2002: Le Commerce mondial au 21e siècle.
Scénarios pour l'Union européenne. Philippe Colombani (dir.), Rapport réalisé pour la
Commission européenne, Paris, IFRI, 2002. 376 pages.
18 Tableau de synthèse sur les statistiques de développement rural : Europe et Méditerranée,
élaborée dans le cadre de la présente étude. 7 feuilles
19 APCE, 2007 : La politique agricole et rurale euro-méditerranéenne. (Assemblée
parlementaire-Conseil de l’Europe). Rapport de la Commission de l’environnement, de
l’agriculture et des questions territoriales. Rapporteur : M. Walter SCHMIED, Suisse, Alliance
des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe. 8 juin 2007. 22 pages. .
20 BESSAOUD O., 2006 : Les politiques de développement rural en Méditerranée : des
évolutions très contrastées entre le Sud, l’Est et le Nord de la Méditerranée. CIHEAM. In
Options Méditerranéennes, Série A Séminaires Méditerranéens, n° 71. Politiques de
développement rural durable dans le cadre de la politique de voisinage de l'Union Européenne.
Séminaire Le Caire, février 2006. p. 27-32
21 CIHEAM, 2005: Sustainable rural development in the Mediterranean. CIHEAM, AGRI
MED. Annual Report 2005: "Agriculture, fishery, food and sustainable rural development in
the Mediterranean region". See page 1 to 105.
24 CIHEAM, 2005 : Les nouveaux modes de gouvernance du développement rural en
Méditerranée. Rapport annuel CIHEAM 2005 « Agriculture, pêche, alimentation et
développement rural durable dans la région méditerranéenne. Chapitre 4. Pages 88 – 106.

112
29 Plan Bleu, 2005 : Méditerranée, les perspectives du Plan Bleu sur l’environnement et le
développement, dirigé par Guillaume Benoit et Aline Comeau. Editions de l’aube. Plan Bleu.
421 pages. (anglais et français).
33 LAZAREV G., 2007 : Quelques questionnements sur la géopolitique en Méditerranée.
Article paru dans "Géoéconomie", n°42, été 2007. Numéro consacré au thème "Quelle union
méditerranéenne?
35 Institut de la Méditerranée : Les Ateliers Méditerranéens de l’Aménagement du Territoire
AMAT. Annexe Gouvernance. (107 pages)
37 FERGUENE A., 2003 : Gouvernance locale et développement territorial. Le cas des pays
du Sud. La librairie des Humanistes/Université Pierre Mendès France-Grenoble. L’Harmattan.
Présentation du livre (page de couverture) + Table des matières. 4 pages.
43 EL HARIZI K. 2006: Empowerment: Actors, Institutions and Change. In Natural resource
policies in the Near East and North Africa: From management to governance. Proceedings of
a policy forum held by IFAD, IFPRI, and the Bibliotheca Alexandrina on 3-4 July, 2006,
Alexandria, Egypt. Draft Conference Paper June 2006. 61 pages.
44 FAO, 2002 : Analyse de documents en matière de développement rural décentralisé et
participatif. 2ème édition. Octobre 2002. Décentralisation et développement rural. No. 21. 31
pages.
51 PNUE: Stratégie méditerranéenne pour le développement durable (SMDD). Un cadre pour
une durabilité environnementale et une prospérité partagée. Commission Méditerranéenne de
Développement Durable, en collaboration avec le PLAN BLEU. 68 pages.
60 FAO, CIHEAM, 2007 : Projet pour une agriculture et un développement rural durables en
régions de montagne (ADRD-M). Région Méditerranéenne. Rapport sur les principales
leçons tirées et recommandations pour l’ADRD dans les zones de montagne méditerranéenne.
Février 2007, 12 pages.
FAO. Etudes ADRD (Sustainable Agricultural Rural Development). Notamment:;
SARD Mountain Project http://www/fao.org/sard. Positive Mountain Externalities
Valorization, http://www/fao.org/sard/en/sardm/communi/2920. SARD Mountain,
Policy Assessment http://www/fao.org/sard/en/sardm/communi/620
62 UNEP, 2005: Ecosystems and Human Well-Being. Millenium Ecosystem Assessment.
Summary for Decision Makers. UNEP Island Press 2005. Version anglaise 155 pages.
64 PYPAERT P, 2003 : De l’environnement dans l’aménagement à l’aménagement de
l’environnement. Belgique, Croatie, Italie. Pour une planification locale de gestion
territoriale de l'environnement au service du développement durable. Fondation Universitaire
Luxembourgeoise. 239 pages. .
70 OBSERVATOIRE EUROPÉEN LEADER, 1999 : La compétitivité territoriale. Construire
une stratégie de développement territorial à la lumière de l’expérience LEADER. Fascicule
1. “INNOVATION EN MILIEU RURAL” CAHIER DE L’INNOVATION N°6 –
FASCICULE 1. DÉCEMBRE 1999. 45 pages.
84 European Commission, 2003: Ex-post evaluation of the Community Initiative Leader II.
Final report, Volume 1: Main Report. by ÖIR - Managementdienste GmbH, December 2003.
260 pages.
85 European Commission, 1999: Ex-post evaluation of the Leader I Community Initiative
1989-1993. Final report. , Mars 1999. 181 pages.
86 European Commission, 2006: Synthesis of mid-term evaluations of LEADER+
programmes. Final Report. ÖIR - Managementdienste GmbH, November 2006. 230 pages.
95 PNR France, 2005 : Bilan qualitatif de la mise en œuvre du programme LEADER + dans le
cadre des parcs. Etude réalisée par CONTRECHAMP dans le cadre des travaux de la
Commission Aménagement du Territoire. Février 2005. 81 pages. (fichier enregistré dans le
dossier 7« Approche territoriale par les PNR »)
101 CIHEAM, 2003 : Axes principaux de la note politique. Conclusions du séminaire de
préparation d’un programme LEADER MED. Organisé par le Centre International des
Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes (CIHEAM) à l’Institut Agronomique
Méditerranéen de Montpellier les 25, 26 et 27 septembre 2003. 4 pages.

113
107 CLUNIAT R., ROUBAUD J.-P., ROUX A., 2006 : Evaluation des démarches
contractuelles des Pays. 111 pages, Conseil général Génie Rural Eaux et Forêts, février 2006,
109 ADCF, 2004 : La France des Pays-Panorama 2004. 186 pages. Observatoire de
l’intercommunalité et des pays de l’ADCF.
113 ETD, 2007 : Pays au 1er janvier 2007. France. Carte. 1 page.
115 ETD, 2007 : Pays et Leader. France. Carte. 1 page. (cf. dossier 5 Approche territoriale par
les projets Leader).
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LES POLITIQUES PUBLIQUES DE DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES


RURAUX (Historique, démarches actuelles, perspectives), Avril 2007, Jean-Yves Ollivier,
IGGREF, CGAAER

La ruralité entre appréciations statistiques et représentations sociales : comprendre la


reconfiguration sociospatiale des territoires ruraux québécois. Bruno JEAN Titulaire de la
Chaire de recherche du Canada en développement rural et directeur du Centre de recherche
sur le développement territorial (CRDT). Stève DIONNE Professionnel de recherche au
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Rimouski (UQAR)

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