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LA PHRASÉOLOGIE DANS

LE DICTIONNAIRE DES MOTS NON


CONVENTIONNELS DU PORTUGAIS
BRÉSILIEN − PROJET EN COURS

Maria Cristina PARREIRA

Introduction

Le lexique est un aspect du code linguistique qui repose sur la pre-


mière articulation du langage, soit qui se construit à partir des unités de
sens et dont l’utilisation régulière ressent l’influence de tous les phé-
nomènes particuliers de la société où il se forme et se transforme. Il ne
peut pas être identifié seulement par les mots qui figurent dans un dic-
tionnaire, car il est très dynamique, pourtant il faut l’enregistrer dans un
dictionnaire pour conserver ses caractéristiques d’un moment donné.
On estime que le lexique de la langue portugaise, sans parler de la
diversité de ses variations sur les quatre continents, remonte aux 500 000
unités, enregistrées partiellement dans les dictionnaires de plus grandes
extensions disponibles au Brésil, les plus connus étant Aurélio (Ferrei-
ra, 5e ed. en 2010 – avec des milliers d’entrées, des citations, des locu-
tions et exemples, selon la publicité de vente) et Houaiss (Houaiss et
Villar, 2009 – avec 442 000 entrées, d’après la publicité de vente du
dictionnaire). Leurs nomenclatures des éditions précédentes (vers 2001),
remontaient aux 130 000 et 230 000 entrées respectivement, selon ce que
supposait la lexicographe Biderman (2002 : 93) qui a fait une critique sur
ces deux ouvrages : « Aurélio (130 000 entrées ?) et Houaiss (230 000 en-
trés ?) ». Cependant, selon Alves, apud Sato (Revista Escola), le nombre
de vocables qui existent vraiment est un peu plus important que celui qui
figure dans le dictionnaire Houaiss (les plus de 400 000), car « si l’on
considère les termes techniques et scientifiques, il est probable qu’il y
ait autour de 600 000 mots dans la langue portugaise ». Cela dit, il y a
encore des controverses sur ces données.
Or, il est connu de tout linguiste qu’un locuteur natif ne peut maîtriser
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tout ce vocabulaire, il met en usage juste une partie bien réduite. Pour les
conversations du quotidien, il n’utilise pas plus qu’environ 5 000 mots,
ce qui constitue son vocabulaire actif, tandis qu’un locuteur cultivé peut
maîtriser autour de 20 000 mots, y compris un vocabulaire passif (uni-
quement pour la compréhension).
Une question encore complexe des études qui établissent le lexique
fondamental actif des locuteurs natifs d’une langue quelconque, c’est
que l’on efface tout ce qui est propre aux discours de l’oralité, cela veut
dire, on met au propre la langue parlée et on n’enregistre pas les mots
non conventionnels (MNC). Castilho (2014) dit que : « La Linguistique
n’a jamais cessé de considérer que la langue parlée est la manifestation
principale d’une langue naturelle» et que « Pendant que la langue écrite
est la langue de l’État, acquise aux bancs de l’école, la langue parlée
est la langue de la famille et la première que nous acquérons dans notre
enfance ». Par conséquent, on a constaté la nécessité de mettre en relief
cette réalité, en étudiant, dans les sciences du lexique, les mots familiers
et aussi la présence des mots presque inconnus s’ils sont isolés de l’ex-
pression qu’ils composent, le cas de formes dépendantes de l’expression
(FDE).
En considérant ces raisonnements, ce travail a pour objectif de mettre
en relief un aspect observé lors de l’élaboration du projet de recherche
Dictionnaire des mots non conventionnels du Portugais Brésilien [en
portugais Dicionário de Palavras Triviais do Português Brasileiro], qui
vient d’être mis en place, fin 2013, dans le cadre du groupe de recherches
nommé GAMPLE – Groupe Académique Multidisciplinaire : Recherche
Linguistique et enseignement, enregistré auprès du CNPq – Conseil
National pour la Recherche, organisme brésilien qui réglemente et sou-
tient les recherches scientifiques au niveau universitaire. Il n’y a encore
que deux chercheuses engagées de deux institutions différentes, mais à
l’avenir nous inviterons d’autres chercheurs spécialistes à participer à
l’élaboration du dictionnaire. La deuxième chercheuse engagée étudie
les aspects discursifs de ces MNC, étant donné que la ligne de recherche
à laquelle le projet s’inscrit s’appelle Lexique, discours et enseignement.
Au premier abord, on a remarqué que parmi les mots du corpus
que l’on commençait à dresser, il y avait certaines unités qui, hormis
la présence dans une expression figée (EF), n’étaient pas importantes.
Il nous est ainsi apparu qu’il existe une fréquence d’usage différente si
l’on considère ces mots isolés ou dans l’expression à laquelle ils appar-
tiennent, comme par exemple : de mala e cuia (avec armes et bagages),
meter o bedelho (fourrer son nez), chamar na chincha (dire deux mots),
La phraséologie dans le Dictionnaire des mots non conventionnels du pb 251

dar na veneta (*avoir un désir soudain de faire une chose, avoir cette
idée qui nous vient à la tête).
Notre objectif dans ce travail est d’exploiter cet univers des MNC et
de montrer l’importance d’en savoir un peu plus sur leur formation et
l’usage synchronique, en considérant qu’ils sont mis de côté, souvent
méprisés, étant donné que, pour connaître le sens des EFs idiomatiques
il n’est pas nécessaire de connaître le sens individuel des mots qui les
constituent.
Par la suite, en envisageant que toute langue vivante est dynamique,
qu’elle prévoit la création et la transformation d’occurrences simples et
complexes, qui, par ailleurs, doivent être mises en relief, soit dans les
ouvrages lexicographiques soit dans l’enseignement régulier du lexique,
il devient nécessaire de décrire l’avant-projet et de présenter les notions
théoriques qui l’entourent.

1. Les origines du Portugais Brésilien


Le Brésil est un pays de territoires vastes (surface de plus de 8 500 000
Km²), ce qui favorise la diversité linguistique, puisqu’il compte sur une
population d’origines diverses, vivant dans différentes régions, ayant
des caractéristiques géographiques distinctes et des parlers particuliers
et spéciaux.
Teyssier (1980) révèle dans son Histoire de la Langue Portugaise que
quand les Portugais se sont installés au Brésil, les terres étaient peuplées
d’Indiens et puis grand nombre d’esclaves venus d’Afrique s’y sont ins-
tallés. À partir de ces événements, pendant la période coloniale, les trois
bases de la population brésilienne se constituaient ainsi : 1) Le Portugais
Européen, 2) l’Indien et 3) le Noir Africain. Mais cet auteur ajoute que,
« en ce qui concerne la culture, l’apport du Portugais a été de loin le plus
important » (1980 : 96). Il continue :
Seul le littoral est d’abord colonisé. Puis São Paulo devient la porte d’en-
trée vers l’intérieur. Au XVIIIe siècle l’exploitation de l’or entraîne l’oc-
cupation du territoire de l’actuel État de Minas Gerais. Mais pendant la
période coloniale, le Brésil reste essentiellement un pays rural. (Teyssier,
1980 : 5-96)

Ces quelques lignes montrent deux questions très importantes pour


notre recherche : 1) d’abord que les premières occupations se sont ef-
fectuées dans l’État où nous avons lancé notre projet et 2) que le Brésil
avait une culture essentiellement rurale, qui exerce encore des influences
252 Maria Cristina Parreira

sur le lexique actuel, principalement si l’on envisage les mots employés


par des locuteurs non lettrés, transmis de génération en génération, par
la voie orale.
La langue portugaise n’est pas devenue officielle naturellement, car
au XVIIe siècle il existait une langue nommée « langue générale », une
espèce de créole, « lingua franca » basée sur les langues indiennes qui
s’est répandue rapidement sur tout le territoire, mais à cause de la grande
difficulté de compréhension par les autorités portugaises cette langue a
été interdite drastiquement par le Marquis de Pombal, par le biais du
Directoire des Indiens daté de 1757 (Pires, 2009).
L’origine de quelques mots de notre corpus remonte à cette inter-
diction, car elle a obligé la population à distinguer la « langue offi-
cielle » – côté cour, obligatoire par force de loi dans les espaces publics,
de la langue parlée au sein de la famille, la langue élue de communica-
tion, une « langue de maison », langue « caipira »1 – côté jardin.
Donc, ces MNC identifient la formation culturelle d’une commu-
nauté linguistique, en particulier dans le cas du Brésil, permettant de
comprendre l’actuel multiculturalisme présent dans la constitution de
notre langue et qui imprègne plusieurs discours, en conduisant encore à
des transformations récurrentes du « fond plus populaire de la langue »
(Teyssier, 1980).
Ces circonstances considérées, un premier classement des MNC a été
créé, répartition qui entrera comme information utile dans la rédaction
des articles du dictionnaire. Il va de soi que le comportement lexical
d’une communauté linguistique est idéologiquement conduit, s’imposant
historiquement par la répétition temporelle et socialement par la diffu-
sion et les formes qu’il engendre, par conséquent, il faut s’attendre que
chacun des ensembles correspondant à différents univers de discours
qui composent l’univers lexical d’une langue présente un comportement
lexico-génétique propre de l’univers de discours spécifique (Bizzocchi,
1997).

2. Le projet et les théories de base


Lors d’une communication orale au IV SIMELP – Simpósio Mundial
de Lingua Portuguesa, l’idée de ce projet a été lancée et bien accueillie
par les auditeurs. Le premier résultat est un article scientifique (Parreira,
Schinelo, 2014), intitulé Entre la parole et l’écriture : la place des mots
1 Ce mot brésilien, d’usage péjoratif, désigne les parlers des paysans, des per-
sonnes illettrées.
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non conventionnels de la Langue Portugaise.


Il est admis que ce sujet n’est pas nouveau et qu’il y ait beaucoup de
projets qui reposent sur des questions de ce type de mots, surtout des
régionalismes, des emprunts lexicaux et xénismes, des argots, des mots
familiers et des mots anciens.
Notre but, à ce propos, est de traiter des mots qui sont utilisés surtout
dans une situation de quotidienneté et à l’oral et qui ne respectent pas
les limites régionales, éducationnelles et culturelles, d’âge et de niveau
social. Ces mots nous échappent chaque fois que l’on veut exprimer
quelque chose d’une façon plus emphatique, en faisant signe de toute
notre expressivité. Et si l’on nous demande de les répéter dans une situa-
tion plus formelle, il peut en résulter une légère vexation. Évidemment,
on ne les écrit presque jamais dans un langage un peu plus soigné. À cause
de cela, une grande partie de ces mots est méconnue ou mal connue, à
tel point que certains locuteurs arrivent à affirmer qu’ils n’existent même
pas dans le dictionnaire ou qu’ils ne font pas partie de la langue.
Dans ce sens, ce sont les mots dans une dimension diaphasique qui
nous intéressent, non les variations diatopiques, diaphasiques, ni les va-
riations diachroniques. La variation diaphasique, selon Moreau (1997)
peut être ainsi comprise :
On parle de variation diaphasique lorsqu’on observe une différenciation
des usages selon les situations de discours ; ainsi la production langagière
est-elle influencée par le caractère plus ou moins formel du contexte
d’énonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles différents.
(Moreau, 1997 : 284).

Il est pourtant très courant de constater l’existence de ces mots qui


sont, d’une certaine façon, « exclus de l’usage, condamnés ou dévalori-
sés » (Cellard et Rey, 1981) dû à leur caractère très populaire ou familier.
Ceux-ci n’existent effectivement qu’à l’oralité et hors des grammaires
et des dictionnaires (du langage standard cultivé ou soutenu, naturelle-
ment). Cependant, les linguistes, lexicologues et lexicographes montrent
que tous les mots ont une raison d’être, un passé et un avenir, qu’ils par-
ticipent à la constitution d’une communauté linguistique qui les utilise et
que les enregistrer revient à garder la mémoire culturelle d’une langue.
Cette perspective a éveillé notre curiosité et intérêt dans l’étude et le
traitement des questions liées à cette tranche spéciale de mots du por-
tugais brésilien (PB), c’est-à-dire des mots familiers, non convention-
nels, peu fréquents ou presque souvent exclus des textes écrits ou des
situations plus formelles, justement parce que ces unités ne sont guère
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reconnues par les locuteurs comme appartenant au monde des personnes


lettrées et cultivées, en raison surtout de la difficulté engendrée par la
méconnaissance de leur orthographie en raison d’un usage souvent oral.
Comme une grande partie des EFs appartiennent naturellement au
langage familier, on fait référence surtout ici à celles qui révèlent l’ex-
pressivité de la langue, on s’attendait que quelques-unes apparaissent
dans notre corpus, mais il a été nécessaire d’effectuer une révision de la
littérature afin d’identifier ces autres mots qui ne sont pas librement ni
fréquemment utilisés dans le lexique général, qui n’existent pas isolés,
ne s’utilisant que pour constituer l’expression.
Notre travail peut s’inscrire en tant qu’études lexicologiques,
préalables à l’élaboration du dictionnaire à proprement parler. On définit
la lexicologie comme une science qui étudie le lexique d’une langue en
considérant tous ses aspects, comme la formation, l’évolution, l’usage,
les dimensions diachronique et synchronique. C’est aussi une étude phra-
séologique, étant donné qu’une partie de notre objet se compose des uni-
tés figées et idiomatiques. Dans une étape prochaine du travail, la théorie
de la lexicographie, en tant que science et pratique de la préparation de
différents types de dictionnaires, sera requise, ainsi que la phraséogra-
phie, pour l’élaboration des entrées polylexicales.
Plus que théorique, en s’inscrivant dans le champ de la linguistique
pure, notre travail dépasse ce domaine et s’inscrit également dans ce-
lui de la linguistique appliquée. Celle-ci peut être comprise comme une
science appliquée interdisciplinaire qui vise à examiner les questions
concernant l’utilisation de la langue, non seulement dans le contexte de
l’école, conformément à la définition parue depuis plus de vingt ans et
élaborée par un chercheur de ce domaine (Almeida Filho, 1991). L’inser-
tion de la phraséologie dans les études linguistiques ne sera pas discutée
ici, puisqu’il y a différentes approches. Il s’agit d’une branche de la Lexi-
cologie qui se développe dans deux directions principales :
a) science pure – étude analytique des unités phraséologiques afin de
les définir, de les trier, de les réunir dans des ouvrages phraséographiques
de différentes organisations et dimensions (recherches descriptives), per-
mettant la description du cadre phraséologique d’une langue / culture,
leur classification et leur enregistrement dans les dictionnaires ;
b) science appliquée – étude sur l’enseignement/apprentissage des
unités phraséologiques, préparation de dictionnaires de nature didactique
et pédagogique, par exemple, (recherches appliquées), pour promouvoir
la description des relations sur leur usage dans des contextes différents
et de l’enseignement de la langue maternelle et des langues étrangères.
La phraséologie dans le Dictionnaire des mots non conventionnels du pb 255

Cela dit, il naît une préoccupation pédagogique par rapport aux MNC,
justement parce que, malgré les caractéristiques qui les incluent à la caté-
gorie des mots lexiculturels, ils sont mis de côté dans le contexte de l’en-
seignement scolaire. Il faut donc, définir quel est le concept de Langue
à apprendre, car selon la conception adoptée, cela entraîne des consé-
quences inégales, en particulier parce que les MNC et les unités phraséo-
logiques ont toujours été marqués comme impropres à l’enseignement.
En revanche, on apprend beaucoup sur la constitution d’une langue
quand on recherche ces unités. C’est là-dessus que le concept de lexi-
culture (Galisson, 1987) vient bien à propos pour expliquer la langue en
tant qu’objet culturel, dynamique et qui dépend d’un contexte sociocul-
turel, dont le lexique est le reflet et l’expression. Dans ce sens, Galisson
affirme qu’il convient de revaloriser la culture du locuteur généralement
sacrifiée à l’école et qu’il faut »réduire la fracture entre le courant et le
savant, pour les inscrire dans un même continuum.» (Galisson, 2000 :
51). Cet auteur réunit ainsi la lexiculture et la didactique dans le concept
de pragmatique lexiculturelle :
La pragmatique lexiculturelle est une discipline d’intervention qui se ré-
clame des mêmes choix épistémologiques et idéologiques que la didac-
tologie. La lexiculture, son objet d’étude, est la culture en dépôt dans ou
sous certains mots, dits culturels, qu’il convient de repérer, d’expliciter
et d’interpréter. (Galisson, 2000 : 52).

La pertinence d’une étude de cette nature est justifiée par l’impor-


tance de travailler la langue écrite associée à la langue orale dans la re-
cherche et l’enseignement, afin de contribuer à ce que les enseignants et
chercheurs : a) observent les caractéristiques particulières de la langue
orale et écrite, manifestes dans le lexique ; b) connaissent un peu mieux
le processus de construction des mots et des expressions du PB ; c) re-
connaissent que la langue n’est pas statique, mais vivante et mutante ; d)
accèdent à plus de ressources ou supports spécifiques pour soutenir les
activités éducatives en salle de classe.

3. Démarches adoptées pour la recherche


En ce qui concerne le titre provisoire du dictionnaire en PB, un nom
plus populaire a eu la préférence, étant donné que l’objectif d’atteindre
la population générale et les enseignants de langue portugaise au niveau
fondamental en est à l’origine. On considère, alors, la définition de « tri-
vial » comme ce a) qui est de la connaissance de tous, ordinaire, vulgaire
256 Maria Cristina Parreira

et b) qui est très utilisé, répété, banal (Houaiss, 2009).


Des études préalables que nous avons consultées dans la littérature
montrent en général deux aspects de cet univers, soit la distinction lan-
gage rural vs urbain, soit les études de phraséologie populaire. Dans le
sens contraire, il y a des listes des mots cultivés ou soutenus, ce qui est
bien distinct du projet présenté. Comme déjà mentionné, notre dessein
est de réunir des mots de locuteurs d’espaces, niveau socioculturel et
éducationnel diversifiés dans un dictionnaire qui servira aux curieux et
qui pourra être également employé dans le contexte de l’enseignement
de langue maternelle, mais peut-être aussi du portugais brésilien comme
langue étrangère.
À cette première étape, au cours de la collecte les mots candidats
destinés à intégrer la macrostructure du dictionnaire, dont la quantité
d’unités n’est pas encore définie, les premières études ont été menées
afin :
• d’obtenir des données à propos de l’origine attribuée à ces mots
dans les dictionnaires généraux du portugais (Ferreira, 2010, Houaiss
et Villar, 2009), et aussi dans un autre dictionnaire plus ancien et
extensif, en cinq volumes (Aulete, 1958) et le même dictionnaire en
ligne (http://www.aulete.com.br/) ;
• de collecter des données sur l’origine de ces mots dans des dic-
tionnaires étymologiques pour mieux les classer (Nascentes, 1955,
Cunha, 2010) ;
• de faire une étude discursive qui permettra de : a) dresser un
rapport entre langue et culture ; b) suivre le lexique comme un évé-
nement de langage, autrement dit, considérer que les sens se réalisent
dans le présent à partir d’un passé et avec des possibilités de significa-
tions futures ; c) questionner la façon dont le développement techno-
logique interfère dans la relation homme/culture et langage ;
• de créer un nouveau type de dictionnaire qui réunisse toutes ces
informations sur les mots non conventionnels.
Une partie du corpus est recueillie empiriquement, par le biais de l’ob-
servation continue des locuteurs en situations d’interaction; une autre est
issue de l’analyse de dictionnaires du PB (Mattos, Parreira, 2012), par la
recherche des unités lexicales qui avaient les marques d’usage (régional,
populaire, familier) et les marques d’origine (espagnol, italien, français,
anglais, africain, indien, etc.). Les attestations sortiront des textes au
style décontracté des usagers du web.
Cette dernière recherche a été réalisée grâce à la perception que ces
mots dans le PB peuvent être ainsi distribués : Groupe I – des mots d’ori-
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gine classique (grec et latin vulgaire), ex. (a)narquia / fiúza ; Groupe


II – des emprunts reçus à différentes époques, pendant la colonisation
(les Indiens) et l’esclavage (les Noirs d’Afrique), ex. inhaca / cafundó ;
Groupe – des emprunts reçus des immigrants qui sont venus après la
colonisation (surtout les espagnols, les italiens et quelquefois les arabes),
par ex. boléu / estropício / tabefe, en plus de l’influence culturelle et
économique (français et anglais), par ex. birita / futrica; Groupe IV – des
mots dont l’origine reste incertaine, sans indications, dans les diction-
naires consultés, ex. baita / ralé ; Groupe V – de nouveaux mots origi-
naires de la créativité lexicale des Brésiliens par des phénomènes mor-
phophonologiques (onomatopée, réduplication, composition, dérivation,
abréviation, etc.), ex. chuchar / babaca / aprochegar-se / danura / piti.
Ce classement préliminaire pourra être réaménagé autrement, au cours
de nos investigations.
Pendant les premières collectes des unités simples, une présence
importante d’unités fixes et complexes a été vérifiée, comme dans les
exemples ci-dessous, pour chaque groupe établi :
Groupe I – Sem eira nem beira – unité phraséologique avec une FDE

Groupe II – morar no cafundó (do Judas) – unité simple libre / phraséo-


logique

Groupe III – tomar uma birita – unité simple libre

Groupe IV – meter o bedelho – unité phraséologique avec une FDE

Groupe V – cutucar a onça – unité simple libre / phraséologique

Groupe V – dar um piti – unité simple libre / phraséologique

Groupe V – ir para a cucuia – unité phraséologique avec une FDE


Cela a motivé le besoin d’étudier un peu plus ces unités composées,
la thèse de Fulgêncio (2008) a fourni le terme « formes dépendantes
de l’expression » (FDE), pour réunir ces formes qui ne construisent des
syntagmes que dans l’expression. Parmi ces exemples, tous les mots sou-
lignés sont des MNCs, dont trois peuvent être analysés comme des FDE.
Pour délimiter le corpus, il faut considérer une tranche de temps bien
large (du XIXe au XXIe Siècle), puisqu’elle est concernée par les diction-
naires où les mots ont été puisés, mais notre but est de contempler cette
tranche comme une synchronie, non de dresser une étude historique à
proprement parler, étant donné que ces lexies persistent dans le langage
258 Maria Cristina Parreira

oral, souvent avec le même sens, et peuvent être attestées dans des textes
littéraires plus anciens et même sur un support plus moderne comme le
Web.
En sachant que le nombre des unités polylexicales dépasse de loin
celui des unités monolexicales dans le lexique, selon Gross (1994) ces
unités peuvent atteindre les 60% du total d’unité d’un texte, il est donc
nécessaire de les inclure à la nomenclature du dictionnaire, en considé-
rant uniquement les unités les plus fréquentes et synchroniques. Il faut
encore remarquer que les données quantitatives ne seront pas présentées,
car les observations sont encore préliminaires, seules quelques discus-
sions qualitatives peuvent être réalisées par le moment.

4. Premières réflexions sur le corpus en constitution


Comme les EFs ou idiomatiques appartiennent essentiellement au
langage familier, c’est normal qu’une partie des mots qui composent ces
lexies complexes collectées apparaisse dans notre corpus avec les ca-
ractéristiques déjà mentionnées, car ils ne s’utilisent que pour constituer
l’expression figée donnée, en présentant une fréquence presque nulle dans
le langage courant. Ces expressions sont encore en train d’être analysées
selon les démarches que l’on vient de présenter. Leur découverte parmi
les MNC nous a fait envisager un nouveau chemin à parcourir qui mè-
nera à une organisation différente de celle que l’on avait prévue de la
macro et microstructure du Dictionnaire des mots non conventionnels
du Portugais Brésilien (PB). On présente ici un premier paradigme de
microstructure établi par Parreira et Schinelo (2014) :
fajuto [variante(s) graphique(s)] [classe grammaticale][classement
du type d’unité lexicale] UL libre [groupe auquel l’entrée appartient]
Groupe IV Contexte linguistique : Bom.. o povo enrola muito por lá, ficou
com medo de comprar algo fajuto a preço de marca. [source du contexte
linguistique/exemple] flickr.com/photos/tiagodegaspari/2986759041/.
Date de consultation : 31/10/2013. Contexte historique-discursif : le sens
se déplace d’un groupe spécifique de locuteurs qui utilise l’argot brési-
lien, pour être utile dans des situations discursives de différentes classes
sociales.

Le mot entrée est toujours une unité lexicale simple, puis les infor-
mations se suivent: variantes graphiques (l’oralité permet un éventail de
variations et cela est quelquefois la cause de la difficulté récurrente de
retrouver ces mots dans les dictionnaires standard) ; indication si l’uni-
té lexicale est libre ou phraséologique ; indication du groupe d’appar-
La phraséologie dans le Dictionnaire des mots non conventionnels du pb 259

tenance (une introduction explicative figurera dans le dictionnaire) ; le


contexte linguistique relevé du WEB, avec la source et la date d’accès ;
le contexte historique-discursif sera une phrase courte pour tracer le par-
cours du mot. Il faut préciser que la nomenclature pourra être consti-
tuée de noms, de verbes, d’adjectifs et d’adverbes, donc, la classification
grammaticale en est une information importante. Ci-dessous se trouve un
échantillon d’expressions figées avec une FDE et un équivalent français,
chaque fois que possible :
Expression brésilienne – Équivalent en français

1. meter o bedelho – « fourrer son nez »

2. ir para o beleléu – « partir en couille » [vulgaire]

3. aos boléus / dar um boléu – *en bousculant, trébuchant, en donnant


des petits coups / faire un geste brusque

4. chamar na chincha – « dire deux mots »

5. de mala e cuia – « avec armes et bagages »

6. ir pra(s) cucuia(s) – « partir en couille » [vulgaire]

7. sem eira nem beira – « sans feu ni lieu »

8. de esguelha – « de travers »

9. não entender patavina – « n’y voir que du bleu/feu »

10. dar na veneta – *avoir un désir soudain de faire une chose, avoir cette
idée qui nous vient à la tête.
Des dix EFs, deux ont reçu un équivalent d’un registre différent (vul-
gaire) en français, tandis qu’en portugais brésilien il est neutre. Deux
autres expressions n’ont pas eu un équivalent également phraséologique,
mais une explication du sens. Les six EFs restantes ont reçu une pro-
position d’équivalent idiomatique, mais qui compte avec des mots qui
n’appartiennent pas à l’ensemble des mots non conventionnels.
Il va de soi que de nouvelles décisions seront nécessaires pour établir
un article qui puisse répondre aux résultats obtenus, comme, par exemple,
définir des critères cohérents pour déterminer quand l’unité d’entrée sera
le mot simple (le cas où il y a les occurrences d’une unité lexicale simple
et aussi phraséologique) et quand ce sera à partir de l’expression (le cas
260 Maria Cristina Parreira

où les occurrences de l’unité principale est inexistante ou négligeable).


Dans le modèle de microstructure présenté, l’insertion des unités
phraséologiques devrait se faire seulement à l’intérieur de l’article, mais
après avoir rencontré un nombre considérable de ces expressions qui
se composent de formes dépendantes, il se confirme un bon argument
pour appuyer l’idée de faire le dictionnaire à entrées mixtes – simples et
phraséologiques. Il faut d’établir si l’on réserverait un chapitre pour ces
EF avec FDE ou si elles rentreraient à la nomenclature, soit à la partie
sémasiologique de l’ouvrage (dans l’ordre alphabétique), soit à la partie
d’organisation onomasiologique (parmi les autres MNC). De toute façon
ces expressions méritent une place spéciale.

En guise de conclusion
Ce texte a présenté les propositions initiales du projet du Diction-
naire des mots non conventionnels du Portugais Brésilien dont la no-
menclature est encore en train d´être constituée et qui fait face à quelques
contraintes : a) les sources d’information sont inégales en raison du
manque d’un corpus de la langue orale qui comprenne le parler des
vastes régions brésiliennes, il faut compter donc sur les collectes de don-
nées empiriques ; b) la classification suggérée des MNCs doit être révi-
sée et l’établissement d’un classement adéquat de ces mots ne sera pas
une tâche facile, car les informations étymologiques sont souvent incom-
plètes et divergentes même dans les dictionnaires étymologiques ; c) la
méthodologie est encore dans ses débuts, il faut penser à un logiciel pour
le stockage et le traitement du corpus (jusqu’à présent on n’a travaillé
que sur des documents .DOC et .XLS), y compris pour la construction
des articles, il conviendrait bien un éditeur plus efficace (XML) et d) les
EF dont la structure inclut une FDE méritent un traitement particulier,
avec des études sur ses origines et la raison de la disparition ou l’affai-
blissement du MNC dans la langue courante.
Les résultats du projet mis en œuvre sont destinés aux consultants de
tous les niveaux socioéconomiques et éducationnels, curieux du langage,
mais surtout pour les utilisateurs du contexte scolaire, même les étran-
gers apprenants le portugais brésilien, car on ne négligera pas le caractère
pédagogique de ce dictionnaire, qui regroupera les mots du quotidien, de
la langue qui circule dans notre territoire, parmi toutes les classes so-
ciales confondues et dans les différents moments. Rechercher ces mots
et expressions dans une perspective lexiculturelle, c’est reconnaître la
langue portugaise du Brésil manifestée concrètement par l’usage de ses
La phraséologie dans le Dictionnaire des mots non conventionnels du pb 261

locuteurs, avec sa couleur locale.


Actuellement, avec l’apport théorique de la linguistique pure et de la
linguistique appliquée, on peut témoigner un travail en salle de classe qui
commence à valoriser la diversité culturelle brésilienne ; par conséquent,
ce projet pourra contribuer à promouvoir l’inclusion sociale et linguis-
tique des élèves et des locuteurs illettrés ou qui n’utilisent pas la langue
soutenue.
Maria Cristina PARREIRA
Université de l’Etat de São Paulo (UNESP – Brésil)

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