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Du comparatisme et des grandes figures comparatistes: épisode 2/10 du podcast Qu’est-ce que comparer ?

Série « Qu’est-ce que comparer ? »


Épisode 2/10 : Du comparatisme et des grandes figures comparatistes
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-cours-du-college-de-france/du-comparatisme-et-des-
grandes-figures-comparatistes-5843356
Mercredi 15 janvier 2020

Platon tient dans sa main, "le Timée" et désigne le ciel, tandis qu'Aristote tient "L'Éthique" et désigne la terre,
détail de "L'Ecole d'Athènes, par Raphael. ©Getty - Ted Spiegel/CORBIS/Corbis via Getty Images
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Peut-on comparer l'Iliade & l'Odyssée, le tramway & l'autobus? Qui compare et dans quel but? demande
Philippe Descola. L'anthropologue analyse la différence entre la comparaison, comme opération
rhétorique, héritée de l'Antiquité et le comparatisme moderne, comme exercice systématisé de
comparaison.

Avec Philippe Descola Anthropologue, professeur au Collège de France.

Le comparatisme, en tant qu'exercice réflexif et systématisé de comparaison, s'avère une "une création
moderne".

Philippe Descola, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Anthropologie de la nature de 2000 à
2019, directeur d'études à l’EHESS, spécialiste des Indiens Achuars en Haute Amazonie, n’a cessé de pratiquer
le comparatisme dans ses enquêtes et dans son métier d’anthropologue. Pour son ultime série de cours au
Collège de France, il s’interroge « Qu’est-ce que comparer? ».

Dans le cours précédent, Philippe Descola a notamment montré :

"l'enquête ethnographique est "déjà comparatiste de part en part" : elle l'est du fait de la comparaison plus ou
moins consciente auquel l'ethnographe se livre entre les usages et les pratiques dont il est le témoin et celles qui
ont cours dans son milieu d'origine. Elle l'est aussi, poursuit-il, du fait, des comparaisons entre la façon dont il
aborde ce qui lui paraît être des éléments clés de la société qu'il étudie et celle que d'autres ethnographes ont
proposé de la même société, ou ont proposé de phénomènes analogues dans des sociétés différentes. Elle est
enfin, du fait du tri que l'ethnographe opère dans ses observations afin de retenir celles qui lui paraissent les
mieux aptes à représenter ce qu'on pourrait appeler un état moyen des phénomènes qu'il aspire à qualifier".

Le cours s'est achevé sur l'ébauche d'un premier bilan autour des comparatismes ethnographique, ethnologique
et anthropologique. Cette première synthèse ouvre le cours d'aujourd'hui avant d'explorer, la comparaison d'un
point de vue plus général, de l'art rhétorique antique à l'anthropologie naissante à la fin du XIXe siècle. Pour ce
faire, il applique bien sûr « la méthode comparatiste », en comparant les comparatismes entre eux. A côté des
pratiques, les hommes émergent, les Grecs bien sûr, et de grandes figures, de Polydore Virgile, dit « le plus
exubérant des comparatistes de la Renaissance » à Claude Lévi-Strauss, comparatiste accompli.

Philippe Descola cite le témoignage de Claude Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques (chapitre 6), à propos de la
grande leçon :

Claude Lévi-Strauss se faisait fort de mettre en dix minutes sur pied une conférence d'une heure, à solide
charpente dialectique sur la supériorité respective des autobus et des tramways. Lévi-Strauss fut lui même un
grand savant comparatiste. Il y a bien dès l'origine, dans la nature de l'exercice rhétorique de la comparaison,
une question qui traverse tout l'entreprise comparatiste, à savoir si les deux blocs qui sont placés l'un à côté de
l'autre, l'un au regard de l'autre, l'Iliade et l'Odyssée, Racine et Corneille, le tramway et l'autobus, se trouvent en
parallèle l'un avec l'autre du fait de leurs ressemblances superficielles, qui sont en fait des différences véritables,
ou l'inverse?

L'anthropologue poursuit :

"Chez Quintilien, les deux figures de la mise en parallèle sont bien, d'une part, la similitude et d'autre part, la
dissimilitude, l'antithèse. Ces deux possibilités qui renvoient, dès Aristote aux 2 des 4 "organa" ou instruments
permettant d'ordonner les propositions, c'est à dire l'attention portée aux ressemblances et aux différences (c'est
dans le livre 1, des Topiques), vont de fait orienter toutes les stratégies comparatives, lorsque la comparaison
deviendra un véritable programme de recherche, au XIXème siècle, selon évidemment, que l'on cherche à
mettre en évidence des ressemblances entre les phénomènes ou, au contraire, à systématiser leurs différences".

Philippe Descola au fil de son étude souhaite défendre, nous dit-il, "un comparatisme éclectique et prudent, un
projet à la fois scientifique et politique".

L'anthropoloque s'attache aux précurseurs solides dans "des domaines comme le droit comparé, avec le
pionnier Jean Bodin, et dans l'histoire des religions telles qu'elle se constitue au XVIIème siècle", avec "ces
deux grandes figures que sont Gassendi et Bayle..."

Philippe Descola rappelle que Jean Bodin se fixe pour objectif, sur le fond des violences inimaginables
déchaînées par les guerres de religion, de fonder la science politique et l'art du bon gouvernement sur des lois
justes" :

"Jean Bodin invoque le précédent de Platon dans "Les Lois", qui fait un premier exercice de comparaison des
constitutions pour asseoir l'autorité de l'enquête comparative comme une méthode afin de poser les fondations
d'un État idéal. Et Bodin ne manque pas pourtant de signaler avec emphase à quel point, même s'il se réclame de
l'autorité morale, en tout cas de Platon, à quel point l'ampleur de sa démarche le distingue de ses prédécesseurs,
et notamment du fait de l'étendue considérable des sources qu'il a consultées, sa méthode pour faciliter la
connaissance de l'histoire."

Mais avant d'ouvrir le dossier du comparatisme en général, quels sont les positions du grand anthropologue
britanniques Evans Pritchard ?

Nous gagnons tout de suite l’amphithéâtre du Collège de France, le 6 février 2019, pour le cours de Philippe
Descola, aujourd’hui "du comparatisme et des grandes figures comparatistes"

Pour prolonger :

Philippe Descola a récemment publié Une écologie des relations aux editons du CNRS et sa monographie La
nature domestique : symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar fait l'objet d'une nouvelle publication
aux Editions de la Maison des sciences de l'homme (MSH).

En savoir plus : Anthropologie de la nature, leçon inaugurale de Philippe Descola


Les Cours du Collège de France
58 min

Nous rappelons aussi son ouvrage majeur Par-delà nature et culture publié en 2005 chez Gallimard

Il a préfacé la BD inspirée de ses travaux, Anent : nouvelles des Indiens Jivaros, sur un scénario et des dessins
d'Alessandro Pignocchi (Steinkis, 2016).

En savoir plus : Histoire et fiction - Février 2016


La Fabrique de l'Histoire
53 min

Interview, donnée par Philippe Descola en 2019 pour le site indépendant "Le Vent se lève" (série "Les Armes de
la transition"). Pierre Gilbert lui demande "ce que pourrait être une nouvelle ontologie, une nouvelle philosophie
de notre rapport à la nature, conciliable avec la préservation de l’environnement?

Les Cours du Collège de France

Le comparatisme dans l'ethnographie et dans l’ethnologie

Du comparatisme et des grandes figures comparatistes : épisode • 2/10 du podcast Qu’est-ce que comparer ?

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