Mohamadou Fallou MBODJI

International Business Lawyer

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Of Counsel: fm@alexander-partner.com

Coups d’État et contrats d’investissement

en Afrique
Depuis 2020, une vague de coups d’État – qu’on avait crue d’un autre temps – se propage en
Afrique, à la faveur d’un effet désinhibiteur. Après la République de Guinée, le Mali, le Burkina
Faso et, tout dernièrement, le Niger, c’est au tour du Gabon d’être submergé par la vague tôt
le matin du 30 août 2023, emportant ainsi son Président après 56 ans cumulés de règne de la
famille Bongo.

Au-delà des crises politiques, humanitaires, communautaires et socio-économiques qu’elles

suscitent, ces séries de coups d’État ont également leur lot de risques juridiques sur les contrats
d’investissement en cours d’exécution.

1. Synopsis des risques juridiques en période d’investissement ou – plus radicalement –

de changement anticonstitutionnel. Le
risque juridique pour les investisseurs
internationaux est double. D’une part, il y a
les risques liés à la situation de coup d’État
qui découlent des sanctions de plein droit
(CEDEAO, UA, etc.) qui impactent
directement la réalisation des projets en
cours. Il y a, d’autre part, les risques latents
dans un contexte de surenchère de
réaffirmation de souveraineté dans les
Etats touchés, ce qui favorise la remise en
cause par les autorités de facto des
engagements de leurs prédécesseurs.
En effet, notamment dans un contexte de
changement anticonstitutionnel, il n’est
pas de garantie légale ou contractuelle qui
soit suffisamment efficace pour évincer, de
facto du moins, le pouvoir souverain de
l’État – s’agissant notamment des
domaines souverains de la mise en valeur
des ressources naturelles, de l’exploitation
ou de la gestion d’infrastructures ou
d’autres services d’intérêt général – de
modifier sa loi applicable au contrat
d’y mettre fin.
o Au Burkina Faso. Ainsi, après avoir
dénoncé la convention fiscale de
non-double imposition conclue
avec la France, les autorités de
facto du Burkina Faso issues du
putsch du 30 septembre 2022 ont
annoncé le 9 août 2023 avoir résilié
la concession aéroportuaire
précédemment attribuée à un
consortium constitué des groupes
français Méridiam et Aéroport de
Marseille Provence (AMP).
o Au Mali. Le Mali vient, avec son
nouveau code minier, d’augmenter
sa participation obligatoire en tant
qu’État et d’en créer une nouvelle
au profit des privés nationaux
portées respectivement à 10%
(avec 20% de participation
complémentaire) et 5% dans les
capitaux des sociétés minières. De
telles dispositions qui ne
s’appliquent qu’aux conventions

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d’établissements et titres miniers
en renouvellement sont de nature à
remettre en cause l’équilibre
économique et financier des
projets miniers en cours
d’opération.
o En République de Guinée (RdG). En
RdG en 2021, sous l’égide des
nouvelles autorités de facto,
l’article 16 de la loi
L/2020/0029/AN du 30 décembre
2020 portant loi de finances pour
2021 disposait : « les exonérations
fiscales et douanières accordées
aux contribuables doivent être
préalablement prévues par une loi
ou par une convention dûment
ratifiée par l’Assemblée Nationale
(…) Les exonérations fiscales et
fiscales douanières accordées aux
contribuables sans fondement légal
ou conventionnel (dans ce dernier
cas la convention doit être dûment
ratifiée) doivent être annulées par
arrêté du Ministre du Budget à
compter du 1er Avril 2021 ».
Cette disposition a été par la suite
mise en œuvre par l’arrêté
nº A/2021/816/MB/CAB/SGG du 27
avril 2021, lequel annule toutes les
exonérations fiscales et douanières
consenties par des conventions non
ratifiées par l’Assemblée nationale
ainsi que les arrêtés d’exemption.
Plus fraîchement, toujours en RdG,
les autorités de facto viennent
d’activer les articles 184 et 185 du
code minier en vigueur et imposent
aux sociétés minières l’obligation
de rapatrier – pour l’instant – 50%
de leurs recettes en devises issues
de leurs exportations minières.
Lesquels articles font certes partie
du droit positif, mais n’ont jusque-
là jamais été appliqués.
Tous ces exemples de remise en cause de
l’intangibilité des contrats
d’investissement tirés d’expériences
récentes en Afrique s’inscrivent dans un
contexte commun de changements
anticonstitutionnels ou, plus trivialement,
de putsch et posent naître une
interrogation : en tant qu’autorité non
constitutionnellement investie, une
autorité de facto peut-elle légalement
conclure ou résilier un contrat
d’investissement ?
2. Les autorités de transition peuvent-elles
légalement conclure un contrat
d’investissement ? En droit public, il est
admis qu’un changement
anticonstitutionnel ne remet en cause ni la
personnalité juridique de l’État ni le
principe de la continuité du service public.
La transition étant toutefois une situation
d’exception, deux principes généraux de
droit sont avancés pour encadrer les actes
accomplis par des autorités de transition :
l’expédition d’affaires courantes et le
mandat apparent. Le premier vise à
protéger la croyance légitime des
investisseurs et permet de valider les actes
accomplis par des autorités de facto
pendant une transition. Quant au second, il
renvoie notamment aux affaires courantes
par nature (liées notamment à la continuité
du service public), aux affaires urgentes et
aux affaires très avancées. L’application du
mandat apparent pendant une période de
transition inconstitutionnelle nous semble
incongrue, faute de croyance légitime (la
situation de coup d’État étant
normalement connue des investisseurs).
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Finalement, il apparaît que les autorités de
facto ne pourraient valablement conclure
des transactions pendant la période de
transition que lorsque de tels actes
répondent à un besoin urgent, de
continuité du service public ou qu’ils aient
été simplement parachevés par les
autorités de facto.
3. Les autorités de transition peuvent-elles
valablement résilier un contrat
d’investissement ? Les principes de la
gestion des affaires courantes et du
mandat apparent sont aussi des limites au
pouvoir des autorités de facto d’engager
ou de désengager l’État pendant la période
de transition. Par conséquent, sauf
lorsqu’elles répondent à un besoin relevant
d’une catégorie d’affaires courantes, les
autorités de facto ne pourraient pas résilier
un contrat d’investissement., sous peine un
abus de droit susceptible d’engager la
responsabilité contractuelle de l’État