Vous êtes sur la page 1sur 12

Le nouveau dispositif juridique destiné à permettre à l’économie marocaine de se financer

à l’aide de la titrisation : Loi n° 119-12 du 13 mars 2013


El MelloukiRiffi Salma, professeur assistant à la FSJES de Mohammedia

Introduction
Déstabilisés par le manque de fonds en provenance des pourvoyeurs traditionnels que sont
l’Etat et les banques , pressés par la nécessité d’une modernisation de l’économie de leur pays
et fortement séduits par la collecte de l’épargne à travers les marchés financiers, les pouvoirs
publics marocains verront dans la technique de titrisation une occasion inespérée de faire face
au tarissement de leurs sources de financement1 .
La mise en place d’un dispositif juridique approprié se révèle, de ce fait, indispensable. La
question est essentielle si l’on songe à l’espoir qu’a fait naître le recours à la technique en
cause. Dans ces conditions, il est fondamental de déterminer comment ce dispositif se
positionne face à cet espoir. Autrement dit, faut-il y voir un instrument apte à permettre à la
titrisation de jouer pleinement son rôle d’alternative pour lever des capitaux ? Parmi les textes
consacrés à la titrisation par le Maroc seule la loi n°119-12 du 13 mars 2013 relative à la
titrisation des actifs fournit une réponse positive à cette interrogation. C’est pour tenter de
démontrer la véracité d’un tel propos que nous entamons cette recherche.
Au demeurant, le chercheur ne peut rester indifférent face au dispositif juridique considéré,
en raison de l’intérêt qu’il laisse apparaître. Il permet, d’abord, de constater que la titrisation
est toujours là, qu’elle n’a pas démérité, en dépit de l’atteinte portée à sa crédibilité par
l’affaire des « subprimes »survenue aux USA en 2006. Ensuite de se rendre compte que si la
titrisation se présente comme une nouvelle « technique d’ingénierie financière », elle peut
aussi être perçue comme une « technique d’ingénierie juridique », dans la mesure où elle
parvient à mettre en œuvre des mécanismes juridiques classiques capables de s’adapter aux
montages les plus sophistiqués. Enfin de découvrir que les règles constituant l’armature dudit
dispositif sont conçues avant tout pour répondre aux exigences des marchés financiers, ce qui
veut dire qu’elles peuvent déroger aux règles de droit commun si celles-ci venaient à s’y
opposer, et ce en dépit de leur appartenance à ces structures juridiques qualifiées des « mieux
établies ».
Cela dit, rappelons que l’histoire de la pratique de la titrisation au Maroc nous apprend que
cette technique financière s’est imposée grâce à la mise en œuvre de trois dispositifs
juridiques successifs. Le premier s’entend de la loi n° 10-98 promulguée le 25 août 1999 2et
rendue applicable par le décret du 4 mai 2000 3, loi relative à la titrisation des créances
hypothécaires. D’après celle-ci, la titrisation consiste en une cession de créances
hypothécaires par certaines banques à une entité appelée Fonds de placements collectifs en
titrisation (FPCT), qui en finance l’acquisition par l’émission de parts qualifiées de valeurs
mobilières, dont les porteurs sont rémunérés par les sommes provenant du recouvrement des
créances.
1
Voir à ce sujet, et à titre d’illustration, la déclaration du ministre de l’Economie et des Finances,Nizar Baraka, lors de la
rencontre organisée par l’institut CDG capital et Maghreb Titrisation, rencontre s’inscrivant dans un cycle de conférences
baptisé « les intégrales de la finances », Agence Map, 1ernov. 2012)
2
Voir BO, n° 4726 du 16 sept.1999, p.704
3
Voir BO, n° 4796 du 18 mai 2000, p.326

1
Avec un champ d’application limité à des intervenants triés sur le volet et à des créances
hypothécaires, soumises de surcroît à de strictes contraintes, la titrisation ne pouvait générer
des résultats autres que timides4.
Les tentatives destinées à remédier à cette situation, en substituant au texte précédent la loi
n°33-06 du 20 octobre 2008 relative à la titrisation des créances 5, entrée en application le 30
juin 20106, se révéleront peu fructueuses. En effet, en dépit des avancées enregistrées à cette
occasion (suppression de l’obligation de garantie par voie d’hypothèque, abandon des
prénotations imposées par la conservation foncière, renonciation à l’obligation de
l’homogénéité des créances titrisables, extension du gisement de ces dernières, etc.), ce
nouveau dispositif ne tardera pas à faire sentir la nécessité de sa révision, l’impatience des
pouvoirs publics à voir l’économie marocaine bénéficier des atouts de la titrisation aidant.
La dernière loi en date, celle issue de la révision en profondeur du dispositif du 20 octobre
2008, dont elle garde le numéro, ce qui lui vaudra le nom de loi n°33-06 rénovée, concerne la
loi n°119-12 du 13 mars 2013 relative à la titrisation des actifs 7, promulguée par le Dahir 1-
13-478. Conçu pour rester en vigueur encore longtemps, ce nouveau texte semble constituer
un support juridique nettement plus favorable au financement de l’économie marocaine. Il
appartient aux développements qui vont suivre d’en faire la démonstration. On a jugé utile de
les articuler autour de deux axes principaux : Il convient, d’abord, de s’interroger sur les
données constituant la base de la loi en examen (Ière partie) et, ensuite, de déterminer les
caractéristiques de son champ d’action (IIème partie).

******
I- Les données de base de la loi n°33-06 organisant la titrisation des actifs

Par ces données, on entend, d’une part, la mise en place de la loi n°33-06 relative à la
titrisation des actifs, et, ensuite, la notion de titrisation qui en découle.

A- La mise en place de la loi n°33-06 relative à la titrisation des actifs

Comme on l’a constaté lors de l’introduction, la loi en cause résulte du remaniement de celle
du 20 octobre 2008 sur la titrisation des créances, qui, elle-même, se substituera au texte
introduisant la titrisation au Maroc le 25 août 1999.
Ce remaniement a concerné 75 articles sur 123. Autrement dit, seuls 48 articles ont pu
échapper à la réforme , ce qui témoigne de l’ampleur des changements appelés à être apportés
au dispositif juridique susvisé.
Au total, on demeurera frappé par le fait qu’il ne fallait pas plus de deux réformes pour
parvenir à ôter à la titrisation l’habit trop serré qui lui a été enfilé au départ. En effet,
contrairement à un pays comme la France où le dispositif considéré a été plusieurs fois
modifié depuis son instauration par la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 sur la titrisation, le
Maroc semble avoir réussi à mettre en place, en un temps relativement court, une législation
4
Voir à ce sujet El MelloukiRiffi (S.), « La titrisation des créances hypothécaires au Maroc », thèse de doctorat en droit
privé, Université Mohammed V-Agdal, FSJES. de Rabat-Agdal, année universitaire 2012-2013, p.7 ; le Rapport établi au
début de l’année 2011 par le CDVM intitulé « La titrisation internationale » (partie consacrée à la titrisation au Maroc),
www.CDVM.gov.ma
5
Voir BO, n° 5684 du 20 Nov.2008, p.1561
6
Voir décret d’application, BO, n° 5856, du 15 juill. 2010, p.1504
7
Voir BO, n° 6184 du 5 sept.2013
8
Voir BO, n° 6184 du 5/09/2013, http://adala.justice.gov.ma/production/html/Fr/184563.htm

2
qui a donné à la technique financière précitée, comme on le verra ultérieurement, la flexibilité
nécessaire à son développement.
On ne doit pas s’en étonner : en cette matière la tâche du législateur marocain a été facilitée
par celle accomplie par son homologue français, dont il sera amené à s’inspirer fortement. Les
changements successifs apportés par ce dernier à la loi de 1988 ont pris plusieurs années avant
de déboucher sur le dispositif ayant servi de référence à l’élaboration de la loi marocaine n°
33-06 relative à la titrisation des actifs. En d’autres termes, les pouvoirs publics marocains ont
fait l’économie de la lente évolution qui a marqué la réforme du cadre juridique de la France
concernant la titrisation, compte tenu des difficultés éprouvées quant à l’introduction de la
technique financière qui nous occupe dans le droit français9.

B- La notion de titrisation à travers la loi n°33-06 relative à la titrisation des


actifs

Toute tentative d’examen de la notion de titrisation telle qu’envisagée par la loi n° 33-06
relative à la titrisation des actifs doit passer, d’abord, par un travail de débroussaillement et de
définition. Ensuite par un effort d’explication des termes de cette dernière, qui sont loin de
constituer un modèle de clarté.

1- Définition de la titrisation telle qu’envisagée par la loi en examen

Comme on va le constater, juste après, la définition en cause prend appui sur une approche
énumérative plutôt que théorique. C’est du moins ce que révèle l’article 1 er de la loi sur
laquelle notre attention est focalisée. On y lit :
« La titrisation est l’opération financière qui consiste, pour un Fonds de placements en
titrisation, dénommé ci-après FPCT, à émettre des titres pour réaliser les opérations ci-
dessous :
a) acquérir, de manière définitive ou temporaire, des actifs éligibles tels que visés à l’article
16 (sur lequel nous reviendrons plus tard) auprès d’un ou plusieurs établissements
initiateurs ;
b) ou accorder des prêts à un ou plusieurs établissements initiateurs destinés à financer
l’acquisition ou la détention d’actifs éligibles et garantis par des sûretés sur ces actifs ;
c) ou garantir des risques de crédit ou d’assurance.
Le législateur ajoute aux données précédentes, d’une part, ce qui doit également faire partie
de la titrisation et, d’autre part, les précisions qu’il a jugées nécessaires d’apporter aux deux
derniers éléments de la définition.
Ainsi, font partie intégrante de l’opération de titrisation « l’exploitation des actifs éligibles,
leur location, leur revente, la conclusion de contrats de couverture et de façon plus générale
toutes autres opérations nécessaires à la réalisation de tous produits issus desdits actifs dans
l’objectif de financer les coups de cette opération et de rémunérer et rembourser, le cas
échéant, les porteurs de titres. »
Le second volet de l’ajout en question réside, lui, dans le fait que « les conditions en matière
de règles prudentielles et de contrôle et les modalités de réalisation des opérations de
titrisation visées aux 2) et 3) ci-dessus sont fixées par voie réglementaire. »

9
Voir à ce sujet Granier (Th.), « Vers une nouvelle réforme du cadre juridique de la titrisation », Revue trimestrielle de droit
financier, 2007, n°4, p.121

3
2- Essai d’explication de la définition donnée par le législateur à la titrisation

La première chose qui saute aux yeux lorsqu’on prend connaissance de la définition qui vient
d’être énoncée réside dans la densité et la richesse dont elle fait montre, surtout si on la
compare à celle qui a été donnée à la titrisation par l’article 1 er de la loi 33-06 non encore
révisée. D’après cet article « la titrisation est l’opération financière qui consiste pour un FPCT
à acquérir des créances d’un ou plusieurs établissements initiateurs au moyen de l’émission
de parts et, le cas échéant, de titres de créances ».
Ainsi, là où l’ancien texte limitait l’objet du FPCT à l’acquisition de créances et à leur
refinancement par l’émission de parts ou, éventuellement, par des titres de créances, le
nouveau texte élargit considérablement l’objet de l’organisme de titrisation précité,
organisme considéré comme « le pivot » de l’opération de titrisation10.
-Ce dernier a, d’abord, ainsi que le révèle le contenu de la définition visé au 1) , la faculté
d’acquérir non seulement des créances mais tout autre actif, pour peu que celui-ci soit prévu
par l’article 16 de la loi n°33-06 rénovée, et cela en émettant, à côté des parts , beaucoup
d’autres titres, comme on le verra plus loin avec plus de détails.
-Ensuite, et compte tenu de ce qui est mentionné au 2) de la définition qu’on essaie de
préciser, il se voit offrir la possibilité d’améliorer les conditions permettant à la titrisation de
jouer pleinement son rôle de financement de l’économie.
Il y a lieu de noter, à ce sujet, qu’avant la réforme introduite par la loi 119-12 du 13 mars
2013, le seul financement véhiculé par le système marocain de titrisation était celui qui
profitait aux banques, sous forme d’un refinancement rendu possible grâce à leur dotation
d’un effet de levier les mettant à même de disposer des sommes nées de la cession de créances
conservées dans leur portefeuille.Tout en maintenant ce type de financement, qui
s’accompagne d’un autre avantage, celui permettant auxdites banques de faire sortir de leur
bilan les créances cédées, et donc d’améliorer leur ratio prudentiel, dit également ratio de
solvabilité ou ratio Cook, dont l’objet consiste à leur imposer la détention d’ un montant
minimum de fonds propres, la loi n° 33-06 rénovée franchit un pas décisif dans le processus
de modernisation des sources de financement ayant partie liée avec la titrisation, en faisant
bouger de façon significative les frontières jusqu’ici immuables de l’objet du FPCT.Celui-ci
est, en effet, désormais en droit d’accorder des prêts à un ou plusieurs établissements
initiateurs, dont les entreprises, qui sont en quête de moyens leur permettant de financer leur
activité, et qui jusque-là ne pouvaient prétendre aux avantages procurés par la titrisation 11. Le
législateur a néanmoins encadré ce droit, en exigeant que les conditions et les modalités dans
lesquels le FPCT accorde les prêts, ainsi d’ailleurs que celles concernant les règles
prudentielles, soient fixées par circulaire du Wali de Banque Al Maghreb12.
A côté de l’innovation évidente de l’octroi de prêts, la loi n° 33-06 rénovée opère, à travers
ce qui est prévu au 3) de la définition qu’elle donne de la titrisation, une véritable révolution.
Elle va, en effet, jusqu’à permettre au FPCT de s’exposer au risque de crédit et d’assurance,
en s’engageant à assurer le financement ou la couverture de ces risques par l’émission de
10
Voir à ce sujet Gavalda (Chr.), « Les Fonds communs de créances bancaires : un exemple du phénomène de titrisation
financière », Revue des sociétés 1989, p.187
11
Voir à ce sujet Durance (J.Y.) et Nathanael (F.), « Vers un développement de la titrisation des crédits PME ? », Revue
Banque, avril 2005, n°668, p.p. 37-39
12
Voir article 12-1 (al.a) du décret d’application de la loi n° 33-06 relative à la titrisation des actifs, décret daté du 30
décembre 2013 et ayant complété l’article 3 du décret n° 2-08-530, adopté en vue de l’application de la loi 33-06 relative à la
titrisation des créances.

4
titres. L’objectif visé étant d’offrir aux entreprises un instrument de financement
désintermédié, alternative au système bancaire, et surtout à celui de la réassurance qui devient
de plus en plus coûteuse13.Mais là encore le législateur prend soin d’encadrer les prérogatives
ainsi reconnues au FPCT, puisque les conditions et les modalités dans lesquelles ce dernier
réalise les opérations dont il est fait état doivent être fixées par arrêté de l’autorité
gouvernementale chargée des finances14.
-Reste à éclaircir l’ultime aspect auquel fait place la définition qui nous occupe, et qui
apparaît à la lecture des dispositions de l’avant dernier alinéa de l’article 1 er de la loi n°33-06,
nouvellement modifiée et complétée. Il s’agit de la dynamisation de la trésorerie du Fonds, de
la protection des actifs de celui-ci, contre les risques du marché, et de la réalisation de ses
objectifs de gestion.
Observons, à cet égard, que les dispositions susvisées autorisent le FPCT à exploiter au
mieux de ses intérêts les actifs éligibles à une opération de titrisation,en procédant à leur
location ou à leur revente, ce qu’il ne pouvait entreprendre lors des deux premières lois
consacrées à la technique financière à laquelle on s’intéresse, ici.
Elles lui donnent, également, la possibilité de faire face aux engagements qu’il prend dans le
cadre de son objet, en ayant recours à des moyens autres que l’émission de titres. Il en est
ainsi de « la conclusion de contrats de couverture » destinés à accompagner le financement
de l’opération de titrisation en vue d’assurer le financement ou la couverture des risques qui
lui sont associés.
Enfin, les dispositions susvisées ont aménagé des possibilités supplémentaires pour le FPCT,
en posant le principe selon lequel ce dernier peut, pour financer le coup de l’opération de
titrisation et rémunérer ou rembourser, le cas échéant, les porteurs de titres , recourir à toutes
autres opérations nécessaires à la réalisation de tout produit issu ou dérivé des actifs éligibles.
Au total, on remarque qu’on est loin du temps où le FPCT ne pouvait émettre que des parts
strictement adossées à des créances bancaires (loi n°10-98) ou à la limite ne pouvait que se
charger au cours de son fonctionnement de nouvelles créances et, donc, que d’émettre de
nouvelles parts (loi n°33-06 non rénovée)15.

II- Les caractéristiques du champ d’action de la titrisation envisagée par la loi


n°33-06 rénovée
Afin de rendre la titrisation plus opérante que par le passé, le champ d’action de la
titrisation est appelé à se singulariser par un double élargissement, le premier relatif aux
intervenants dans les opérations de titrisation, le second aux actifs éligibles.

A- Elargissement du champ de la titrisation à de nouveaux intervenants

La loi n° 33-06 rénovée permettra l’émergence de deux types d’intervenants nouveaux portant
le nom, successivement, d’initiateurs (ou cédants) et d’émetteurs.

1- L’apparition de nouveaux initiateurs


13
Voir à ce sujet Galland (M.), « La réforme du cadre juridique de la titrisation », Revue Lamy droit des affaires, 2008, n°32
p30
14
Voir à ce sujet l’article 12-1 (alinéa b) du décret d’application cité à la note 12
15
Le FPCT pouvait recourir dans le cadre de la loi n°33-06 non rénovée à l’emprunt mais selon des conditions et des
modalités très particulières.

5
Avant l’adoption de la loi n° 119-13 du 13 mars 2013 seules les banques, comme le Crédit
hôtelier et mobilier (CIH), ou encore la Banque populaire et ses comités régionales, pouvaient
bénéficier des avantages offerts par la titrisation, en se livrant à des opérations y relatives.
Avec l’adoption de la loi susmentionnée, on va assister à une « démocratisation » de la
technique financièreen examen, pour reprendre cette formule à Cecile Joly 16. D’après l’article
2 de la loi n° 33-06 rénovée est, désormais, considéré comme établissement initiateur ou
cédant toute personne qui recourt à une opération de titrisation telle que définie par l’article
premier précédemment analysé, y compris l’Etat et tout autre organisme public tel que défini
par la loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les entreprises publiques, ainsi
que les organismes régis par une législation particulière.
Au vu des dispositions de l’article dont il est fait mention, il apparaît qu’à l’heure actuelle
quasiment tout détenteur d’actifs peut les céder à un véhicule de titrisation, à commencer par
les entreprises et l’Etat, observation faite que ce dernier, qui voit dans cette cession le moyen
de renforcer sa capacité à financer ses projets d’infrastructure, ne peut être traité de la même
manière que les autres initiateurs. La loi n° 33-06 rénovée le fait, en effet, bénéficier d’un
traitement spécifique. Ainsi, l’article 111-1 de ladite loi le dispense de la communication à
l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) de ce que l’on appelle le document
d’information exigé des personnes morales faisant appel public à l’épargne.
De même, aucune information, en dehors de celle fixée par voie réglementaire, permettant
d’identifier les débiteurs ne pourra être dévoilée, y compris à l’établissement gestionnaire 17,
aux agences de notation18 et aux investisseurs potentiels, directs ou indirects, dans l’opération
de titrisation poursuivie par le FPCT. Par ailleurs, les énonciations insérées dans le bordereau
de cession, ainsi que dans le règlement de gestion 19 et dans tout document établi pour le
besoin de l’opération de titrisation, sont fixées par voie réglementaire. C’est exactement pareil
pour ce qui touche aux documents et titres représentatifs ou constitutifs d’actifs éligibles ou
cédés ou tout document ou écrit y afférent pouvant être fourni à l’établissement gestionnaire
16
Voir Joly (C.), « La titrisation en voie de démocratisation », Revue Banque, n° 668, avril 2005, p.24
17
L’établissement gestionnaire est l’organisme chargé d’administrer le FPCT. Il se présente sous forme d’une société
commerciale qui doit avoir son siège sociale au Maroc et disposer d’un capital social dont le montant ne doit pas être
inférieur à un million de DH.
Cette société est tenue de présenter des garanties suffisantes quant à son organisation, ses moyens techniques et humains et
quant à son expérience professionnelle, tout en faisant preuve d’une capacité autonome pour apprécier l’évolution des actifs
éligibles acquis par le FPCT qu’elle a en charge et mettre en œuvre les garanties accordées à ce fonds, si cela s’avère
nécessaire.
Ses dirigeants doivent satisfaire aux conditions de fiabilité imposées par l’article 37 de la loi n°33-06 relative à la titrisation
des actifs, conditions qui se résument dans les règles généralement retenues dans le cadre des institutions chargées de
surveiller le marché boursier et dans celui des sociétés commerciales, observation faite que la référence à ces règles permet
de donner des fondements aux sanctions disciplinaires et pénales pouvant être prononcées à l’encontre desdits dirigeants,
ainsi que cela apparaît à la lecture des articles 87 à 110 de la loi susvisée .
La société en question ne peut exercer ses fonctions, qui consistent dans la prise en charge des activités du fonds et la
représentation de celui-ci, que par suite de l’obtention d’un agrément de la part de l’administration, lequel peut lui être retiré
en cas de sanctions disciplinaires ou lorsqu’elle cessera de remplir les conditions qui en justifiaient l’octroi.
18
Les agences de notation, visées à l’article 111-2 de la loi 33-06 rénovée, et dont l’activité paraît complémentaire de celle de
l’AMMC, se chargent d’attribuer une notation financière ou « Rating », selon la terminologie anglo-saxonne, qui évalue la
solvabilité de l’émetteur de titres de créances ou assimilés, autrement dit le risque que l’émetteur ne soit pas en mesure
d’assurer le paiement des intérêts et/ou du principal d’une créance.
Il est à noter que ces agences n’ont pas toujours fait montre d’une conduite irréprochable, la crise financière provoquée par
elle aux cours des années 2007-2008 est là pour nous le rappeler à tout moment (voir à ce sujet Couret (A.), « Les agences de
notation : observation sur un angle mort de la réglementation », Revue des sociétés, 2003.p.767 ; Quentin (B.), « Les agences
de notation », Revue de droit bancaire et financier, 2004 ; Gatinois (C.), « Les agences de notation accusées d’avoir mal
évalué le risque (Subprime) », Le monde, 18 août 2007 p.9).
19
Le règlement de gestion, prévu par l’article 32 de la loi n°33-06 rénovée, est établi par l’établissement gestionnaire. Le
fonctionnement du FPCT en dépend. Tous les éléments nécessaires à la réalisation de l’opération de titrisation y sont
mentionnés, depuis la dénomination des intervenants dans cette dernière jusqu’aux conditions d’affectation du Boni de
liquidation, en passant par la description détaillée de ladite opération, les modalités de paiement des montants dus aux
porteurs de titres, les moyens de couverture contre les risques financiers encourus, etc.

6
et tout autre organisme, à commencer par l’établissement dépositaire, chargé, entre autres, de
la conservation des actifs du FPCT, du bordereau de cession et de tout autre document
assurant la validité des actifs, des droits et sûretés qui en sont accessoires 20. Enfin, en cas de
titrisation des créances de l’Etat, le recouvrement de celles-ci, opéré au profit du FPCT, est
réalisé par référence aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur en la matière,
notamment la loi 15-97 portant code de recouvrement des créances publiques, alors que
normalement il revient à l’initiateur d’y procéder, sous le contrôle de l’établissement
gestionnaire et conformément aux conditions définies dans la convention de recouvrement
devant être conclue entre ces deux opérateurs.

2- Apparition de nouveaux émetteurs

En tant qu’émetteur de titres, suite à la cession d’actifs opérée à son profit par un ou plusieurs
établissements initiateurs ou cédants, destinés à être souscrits par les investisseurs,
conformément à la convention dite de souscription et au règlement de gestion, le FPCT
pourra, selon la loi n° 33-06 rénovée, se présenter soit sous forme d’un Fonds de titrisation
(F.T.), soit sous forme d’une société de titrisation (S.T.). Autrement dit, il va cesser de
fonctionner sous sa forme initiale, celle qui en faisait le véhicule unique de titrisation.
Le FT est une copropriété dérogeant au droit commun, dans la mesure où les articles 960 à
981 du DOC ne lui sont pas applicables, et notamment en ce qui concerne l’indivision, qui
risque, si l’un des indivisaires venait à demander le partage, de paralyser son fonctionnement.
Il est également dépourvu de la personnalité morale, comme c’était le cas pour le FPCT, ce
qui en fait un vrai faux émetteur et explique le mandat qu’il donne à l’établissement
gestionnaire, afin d’agir en son nom et pour son compte 21. En fait le mandat considéré est un
mandat organisé par le législateur pour qui le besoin de faire réussir l’opération de titrisation
l’emporte sur la logique juridique.
Toutefois, la loi n° 33-06 rénovée envisage l’éventualité de la création d’un FT doté de la
personnalité morale de droit privé, de manière à pouvoir être utilisé quelle que soit la
localisation des actifs éligibles, d’acquérir la qualité de résidant fiscal prévue par les
conventions fiscales à caractère bilatéral conclues entre le Maroc et certains pays, qualité qui
seule ouvre droit à l’exonération de l’impôt à la source.
La S.T., elle, est envisagée pour qu’il soit désormais possible d’utiliser la forme sociale pour
réaliser des opérations de titrisation22 et, donc, de sortir du cadre purement contractuel qui
était celui du FPCT, seul applicable jusqu’à la réforme de 2013, étant bien noté que sa
constitution intervient à l’initiative de l’établissement gestionnaire et s’opère par choix entre
SA avec conseil d’administration, et SA simplifiée, qui peut ne comporter qu’une seule
société associée ou encore la société en commandite par actions. Elle peut, comme c’est le cas
aussi pour le F.T., comporter, afin d’assurer l’émission des titres représentatifs des actifs qui

20
La fonction de l’établissement dépositaire peut être assurée soit par des banques créées conformément à la législation qui
les régit, soit par la Caisse de dépôt et de gestion, soit enfin par les établissements ayant leur siège au Maroc et ayant pour
objet le dépôt, le crédit, la garantie, la gestion de fonds ou les opérations d’assurance et de réassurance (voir art.48 de la loi n°
33-06 rénovée).
21
Voir à ce sujet, entre autres, le Hir (Chr.), « Les fonds communs de créances », Revue Banque éditeur, 1994, p.25, ainsi que
Gavalda (G.), « Les fonds communs de créances bancaires : un exemple de titrisation financier », Revue des sociétés, 1989,
p.197
22
Voir à ce sujet Faure-Dauphin (F.), « La société de titrisation », Revue trimestrielle de droit financier, n°2,
2008, p.87

7
lui sont cédés, plusieurs compartiments à sa formation ou en créer de nouveaux au cours de
sa vie, si le règlement de gestion le prévoit.
En raison de son activité spécifique, la S.T. se voit dispensée de l’application de certaines
règlespropres aux sociétés de capitaux, comme l’exigence d’un capital minimum pour se
constituer, la désignation d’un commissaire aux comptes, l’obligation de constitution d’un
fonds de réserve, l’exigence de quorum pour la tenue d’une assemblée générale ordinaire et
pour la seconde convocation de l’assemblé générale extraordinaire, etc.

B- Elargissement du champ de la titrisation à de nouveaux actifs éligibles

Le besoin d’accroître les possibilités de financement de l’économie marocaine exige,


parallèlement à une diversification des initiateurs, un élargissement des actifs titrisables,
autrement dit de ne plus se limiter aux créances, assorties ou non d’hypothèques. Force nous
est de constater qu’un gros effort a été déployé en ce sens. On s’en rendra compte une fois
qu’on aura procédé à la présentation des actifs titrisables dans le cadre de la loi 33-06 rénovée
et fait état des précisions qu’ils impliquent.

1- Présentation des actifs titrisables dans le cadre de la loi n° 33-06 rénovée

L’article 16 de la loi susmentionnée prévoit que, désormais, trois catégories d’actifs peuvent
être éligibles à une opération de titrisation. Il s’agit, en l’occurrence :
a) des créances résultant d’un acte déjà intervenu, soit d’un acte à intervenir, que le montant
ou la date d’exigibilité soit ou non encore déterminé ;
b) des titres de capital, des certificats de Sukuks définis à la section 2 du chapitre 2 du titre
1er et des titres de créances , dont notamment les titres de créances négociables régis par
la loi n°35-94 relative à certains titres de créances négociables, représentant chacun un
droit de créance sur l’entité qui les émet, transmissibles par inscription en compte ou par
tradition, à l’exception des titres donnant accès directement ou indirectement au capital
d’une société ;
c) Et des biens corporels ou incorporels, immobiliers ou mobiliers et les matières premières ;

Les actifs éligibles susvisés s’entendent également de tout démembrement de propriété


portant sur ces actifs, que ce démembrement résulte de l’acquisition proprement dite ou de sa
constitution au profit du FPCT.

2- Les précisions impliquées par les actifs éligibles concernés

Les actifs éligibles que nous venons de passer en revue ont besoin d’être clarifiés, compte
tenu des ambiguïtés et de la richesse qu’ils recèlent. Ces clarifications s’imposent aussi bien
pour chaque catégorie d’actifs évoqués que pour ce qui touche à l’ensemble de ces derniers.

a) Précisions relatives à chaque catégorie d’actifs éligibles concernés

-A cet égard, une attention particulière doit être accordée à la première, qui est une
reproduction textuelle de l’article L.313-23 du Code monétaire et financier de la France.
elleest, en effet, loin de constituer un modèle de clarté, d’autant plus que le législateur
marocain ne se montre pas, à l’instar de son homologue français, très disert à ce sujet. La

8
doctrine considère que tel que rédigé, le texte y relatif donne à penser que par « acte déjà
intervenu », on doit entendre les opérations de cession de créances déjà réalisées, et ce grâce à
l’exécution du contrat liant le cédant à l’organisme de titrisation.
« Les actes à intervenir », quant à eux, sont les opérations futures des entreprises 23 qui, dans
l’hypothèse où elles se verront accorder des prêts de la part du véhicule de titrisation, ainsi
que le prévoit l’article 1er de la loi 33-06 rénovée, n’auront de contrepartie ou de richesse à lui
offrir en garantie, entant qu’établissements initiateurs, que les sommes appelées à résulter de
l’exploitation de leur activité, c’est-à-dire des créances futures résultant des contrats déjà
conclus avec des débiteurs connus, comme les contrats concernant les loyers, les contrats
d’abonnement à l’eau, à l’électricité et au téléphone, les concessions temporaires accordées
par l’autorité publique en vue de la construction d’autoroutes, de tunnels ou de ponts à péage,
etc.24.
Il résulte de ce qui précède que l’on se trouve, ici, en présence de créances que l’on peut
qualifier « d’existantes » ou « nées », dans la mesure où la prestation prévue par le contrat a
déjà été fournie, et de « créances futures », qui sont conditionnées par une prestation non
encore livrée par le cédant.
On peut être porté à penser que, contrairement aux premières, ces dernières ne présentent pas
un caractère saint et certain, compte tenu du fait qu’elles renvoient à l’avenir, à ce qui n’est
pas encore réalité.
A y regarder de près, cependant, on constate que les créances en question sont plutôt
certaines, en raison de l’existence d’un acte fondamental de précision, de stabilité et de
sécurité dans la vie des affaires qu’est le contrat. Autant dire que dans ce type de créances
futures, les débiteurs sont suffisamment identifiés et connus, dès la conclusion de l’acte
susvisé. Le législateur n’exige pas plus, quant à leur validité 25. Pour montrer qu’elles ne
comportent pas de risques, ledit législateur prend en considération la problématique de leur
résistance aux ouvertures éventuelles de procédures collectivesà l’encontre de leur cédant.
Plus précisément, il offre à l’organisme de titrisation auquel les créances futures sont cédées
la possibilité de faire valoir ses droits sur elles, en exigeant du débiteur cédé le paiement des
échéances postérieures au jugement d’ouverture, possibilité dont ne bénéficiaient , dans le
cadre de la loi n° 33-06 non rénovée, que les créances nées avant les ouvertures des
procédures susvisées26.
-S’agissant de la deuxième catégorie d’actifs éligibles, il ya lieu de noter que les
éclaircissements s’y rapportant intéressent, d’une part, les entités ayant présidé à leur
émergence et, d’autre part, le mode de leur acquisition.

23
Voir à ce sujet Stoufflet (J.), « Les financements par cession de créances futures, étude en droit français », Revue de droit
bancaire et financier, mars-avril 2000, p.p. 67 à 68 (éd. du Juris-classeur) ; Kergommeaux (X. de) et Benteux (G.), « La
titrisation des créances futures », Revue de droit bancaire et financier, mars-avril, 2000, p.145 ;Bendavid (D.) et Durand
(Ph.), « Motifs et enjeux de la diversification des actifs titrisés », Revue Banque magazine, juillet-août, 2000, p.25 ; Laury
(P.), « La titrisation des créances futures », thèse Unviversité de Toulouse, 2009, www.Oboulo.com
24
Les pays anglo-saxons y ajoutent même les créances futures non prévues par contrat. C’est l’exemple de la titrisation du
chiffre d’affaires prévisible d’une entreprise (voir à ce sujet Kergommeaux (X. de) et Doat (P.), « La titrisation whole
business », Revue droit bancaire et financier, juillet-août 2006, p.49
25
La fin de l’article 21 de la loi n°33-06 rénovée est ainsi libellée : « Toutefois, lorsque la cession porte sur des créances
futures, ces mentions (celles imposées dans le cas des créances existantes) peuvent se limiter aux éléments susceptibles de
permettre leur détermination, tels que l’identification du débiteur ou du type de débiteur ou des actes ou types d’actes
(contrats) dont les créances sont issues ».
26
Voir à ce sujet l’article 20, al.5, de la loi n°33-06 rénovée.

9
La réflexion sur le premier volet de la question abordée vise à éviter la confusion pouvant être
faite entre les émetteurs connus sous le nom d’organismes de titrisation dont il a été fait état
précédemment et ceux qui sont à l’origine de l’apparition desdits actifs, que sont les sociétés,
pour ce qui touche aux titres de capital 27, l’Etat pour les certificats de Sukuks 28 et les entités
donnant naissance aux titres de créances, à savoir : les banques autorisées à émettre des
certificats de dépôt, les sociétés de financement, qui procèdent à l’émission de bons de
financement, et les personnes morales fondées à mettre en circulation des billets de
trésorerie29. Désireux d’élargir la nature des actifs titrisables, afin de pouvoir en titriser un
nombre de plus en plus grand et varié et, donc, de dynamiser sa trésorerie, l’organisme de
titrisation ne verra pas d’un mauvais œil l’acquisition de titres émis par les émetteurs
susmentionnés, qui l’inciteront, d’ailleurs, à s’y atteler, de très près, motif pris de ce qu’ils
entendent, eux aussi, profiter des avantages de la titrisation. Comment peut-il y parvenir?
La réponse à cette interrogation, qui nous permet d’aborder le second volet de la question
soulevée au seuil de ce paragraphe, est donnée par l’article 15, alinéa 2, de la loi 33-06
rénovée. Cette disposition donne à l’organisme de titrisation la possibilité d’acquérir des actifs
éligibles à une opération de titrisation, en souscrivant directement à des titres, souscription
devant, cependant, être définie dans son règlement de gestion. Jusqu’à la révision de la loi
précitée, aucun texte ne venait interdire la titrisation des créances prenant la forme d’un titre.
Cela était donc possible en théorie, mais aucun écrit ne le précisait expressément. C’est
désormais, chose faite. La cession, jugée comme une pièce maîtresse dans le mécanisme de la
titrisation 30, n’apparaît plus, de ce fait, indispensable, ce qui constitue, à n’en pas douter, une
innovation de taille.
-S’agissant de la troisième, et dernière, catégorie d’actifs, il importe de relever que les actifs
incorporels qui la composent, en partie, s’entendent des créances nées et de celles appelées à
naître. Dès lors qu’on en a déjà parlé antérieurement, on se bornera, ici, à indiquer que la
titrisation des premières a atteint au Maroc une grande maturité, qui s’accompagne d’une
banalisation de cette technique de financement et de consolidation. En revanche, la tirisation
de la seconde est toujours, semble-t-il, en état d’expérimentation, en raison probablement des

27
Les titres de capital, émis par la société de titrisation, ont besoin d’être précisés. Ainsi que le soulignent A.Couret et ses
collaborateurs, ces titres impliquent que l’on prête attention à la forme des actions qui en constituent l’ossature. «Comme
toutes les valeurs mobilières et au-delà, comme tous les titres financiers, écrivent-ils, la notion d’action désigne tout à la fois
un droit - un droit d’associé en l’occurrence – et un titre négociable, désormais matérialisé par une inscription en compte. Ce
titre, ajoutent-ils, a toutefois ceci de particulier qu’il s’agit d’un titre de capital, en ce sens que la valeur nominale de chaque
action est intégrée dans le montant global du capital dont elle représente une quote part. L’action, qu’elle soit ordinaire ou de
préférence, se distingue de l’ensemble des titres de créance, ainsi que des titres donnant accès au capital ». (Voir Couret A. et
collaborateurs, op.cit. p.212)
28
Les Sukuks, qui consistent dans des titres représentant un droit de jouissance indivis de chaque porteur sur des actifs
éligibles acquis ou devant être acquis ou des investissements réalisés ou devant être réalisés par l’émetteur de ces titres, sont
le fait de l’Etat (art. 7-1, al1).
Lorsqu’ils sont destinés à être placés auprès d’investisseurs résidents, leur émission doit être subordonnée à l’avis conforme
du Conseil supérieur des Oulémas, prévu par le Dahir du 22 avril 2004, ainsi que leurs caractéristiques techniques et les
modalités de leur émission, avant que celles-ci ne soient fixées par voir réglementaire (art.7-1, al. 2 et 3).
L’avis du conseil des Oulémassusvisé rappelle celui émis par le Comité Chariâa pour la finance, comité mis en place en vue
de surveiller la conformité des transactions effectuées par les banques islamiques avec les prescriptions de la Chariâaet leur
fournir des règles standardisées (voir à ce sujet Karich (I.), « Le système financier islamique. De la religion à la banque », Ed.
Lurcier, Bruxelles, 2002, p.p. 68 et 107).
29
Pour plus de détails relatifs à ces émetteurs, voir Dahir n° 1-95-3 du 26 janvier 1995 portant promulgation de la loi n°35-94
ayant trait à certains titres de créances négociables.
30
Voir à sujet El melloukiRiffi (S.), op.cit., p.150

10
difficultés que les opérateurs éprouvent à dénombrer, individualiser et évaluer un portefeuille
de créances futures, faute de moyens adéquats31.
La seconde remarque qui vaut d’être formulée concerne la principale innovation de ces
dernières années à savoir : la titrisation des actifs autres que les créances à laquelle fait place
la loi 33-06 rénovée.
Il s’agit là , d’abord, des immeubles, dont la titrisation vise à permettre auxpropriétaires
d’obtenir un financement adossé à la valeur de leur patrimoine immobilier, de lever un
volume de fonds plus important que dans le cadre d’un financement hypothécaire classique, et
cela surtout pour les détenteurs d’un patrimoine immobilier conséquent et bien valorisé,
comme c’est le cas assez souvent des Etats et de certaines sociétés organisées en groupes, qui
font appel à une société ad hoc, répondant aux critères des agences de notation, afin d’isoler
les immeubles du risque lié à une éventuelle défaillance du groupe32.
Viennent, ensuite, les actifs corporels à caractère mobilier, comme les flottes de véhicule, qui
peuvent être cédés avec une fiscalité moins lourde que les immeubles, sauf que cette cession
risque de se heurter à des obstacles tenant aux coûts et aux formalités liées au changement de
cartes grises33.
L’ultime nouveau actif corporel concerne les matières premières, dont la titrisation, jugée très
complexe, intervient soit avant transformation, soit au cours de celle-ci34.
Ceci posé, il est à noter que d’après l’avant dernier alinéa de l’article 16, « les actifs éligibles
susvisés s’entendent également de tout démembrement de propriété portant sur ces actifs, que
ce démembrement résulte de l’acquisition proprement dite ou de sa constitution au profit du
FPCT ».
Tout d’abord, on retiendra qu’à partir du moment où le législateur n’a pas indiqué avec
précision l’actif dont la propriété peut être démembrée, comme le laisse entendre l’usage fait
de l’expression « ces actifs », il semble tout à fait normal de conclure à la possibilité de
démembrer tout droit de propriété relatif à ces derniers, y compris celui concernant un titre de
capital.
En outre, on remarquera que les démembrements de propriété portant sur les actifs en cause
varient selon la nature de ceux-ci. Ainsi, lorsque l’on parle de démembrement d’un actif
incorporel ou de celui d’un actif corporel à caractère mobilier, on vise principalement le droit
d’usage, le droit de disposition et l’usufruit. En revanche, les droits d’habitation,
d’emphytéose et de superficie ne peuvent être, quant à eux, que des démembrements d’un
bien immeuble corporel.
Mais, on peut aller plus loin et estimer que le législateur aurait pu insérer l’alinéa évoqué ci-
dessus dans la troisième catégorie d’actifs, dans la mesure où le démembrement de propriété,
quelle que soit sa nature, constitue un bien meuble corporel. A preuve la possibilité qui nous
est offerte de nantir l’usufruit au même titre que le fonds de commerce, qui est un bien
meuble incorporel.

b) Précisions relatives à l’ensemble des actifs éligibles concernés


31
Voir à ce sujet Bendavid (D.) et Durand (Ph.), op.cit., p.25
32
Voir dans ce sens Kergommeaux (X.de) et Van gallebaert (Chr.), « Les nouvelles catégories d’actifs titrisés », Revue
banque magazine, Juillet- Aout 2002, n°638, p.30
33
Voir Kergommeaux (X.de) et Van gallebaert (Chr.), op.cit., p.30
34
Voir Kergommeaux (X.de) et Van gallebaert (Chr.), op.cit., p.30

11
Il faudrait, pour être complet, pour ce qui touche à la question de l’élargissement de la
titrisation à de nouveaux actifs, rappeler, brièvement, que la cession desdits actifs ne
s’effectue pas en ayant recours seulement à la technique du « bordereau »35 et de la
« souscription »36, comme on l’a précédemment indiqué, mais également à « tout autre moyen
juridique de la législation en vigueur ou , selon le cas, étrangère appropriée »37. Et de fait,
dans la mesure où elles concernent des actifs incorporels (créances et titres), les deux
techniques de transmission des actifs précitées ne peuvent s’appliquer à des actifs corporels
comme les immeubles.
L’examen du dernier alinéa de l’article 16 de la loi 33-06, récemment modifiée et complétée,
celui selon lequel « les actifs éligibles peuvent être situés dans un pays étranger, libellés en
devises étrangères ou régis par une législation étrangère » nous conduit, quant à lui, à tenter
de clarifier notamment ce dernier tronçon de phrase, compte tenu de son importance. En
précisant que la cession des actifs peut s’opérer, également, par référence à une législation
étrangère, le législateur entend régler en amont toutes les difficultés liées à l’opposabilité des
tiers cédés38.

******
Conclusion
Si l’on jette un regard de synthèse sur l’ensemble des développements qui précédent, on ne
manquera pas de constater que le dispositif juridique instauré par la loi n°119-12 du 13 mars
2013 a réussi à inciter la titrisation marocaine à dépasser le stade du tâtonnement et
d’expérimentation. Il offre, désormais, aux différents types d’établissements initiateurs la
possibilité de porter l’activité nationale en cette matière à un niveau, relativement, comparable
à celui de la France, dont le législateur marocain n’aura de cesse de s’inspirer, ou encore à
ceux de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg, aux lois desquels il sera, également,
fait référence. En témoigne le haut degré de sophistication des opérations qu’il permet de
mettre en œuvre.
Cela lui confère, à n’en pas douter, un beau droit de s’afficher comme ayant un caractère
suffisamment attractif pour solliciter l’appel public à l’épargne autant que pour mobiliser les
ressources d’investissements professionnels.
Ces considérations interdisent de ne pas y voir une « bouée de sauvetage » pour l’économie
marocaine, en perpétuelle recherche de nouvelles sources de financement. Encore que la
pratique ne se montre pas toujours pressée d’emboîter le pas à ce qui sort de l’imagination du
législateur. Encore, aussi, que la titrisation n’est pas à l’abri des risques, comme l’a montré la
récente crise des « subprimes »

35
Le bordereau comporte un certain nombre d’énonciations spécifiques, comme la dénomination sociale de l’établissement
initiateur, la désignation des actifs cédés, la soumission de la cession à la loi sur la titrisation, etc.
Il doit être signé par l’établissement initiateur et contresigné par l’établissement gestionnaire. Sa datation est nécessaire, dans
la mesure où elle permet de déterminer le moment où la cession prend effet entre les parties et où elle peut être opposée aux
tiers, sans qu’il ait publicité, ce qui déroge au formalisme lourd et coûteux de l’article 195 du DOC, en matière de cession de
créances.
36
La technique de souscription, quant à elle, est conçue pour permettre à l’organisme de titrisation d’acquérir des actifs
éligibles, en souscrivant directement des titres.
37
Voir article 20 de la loi n°33-06 relative à la titrisation des actifs
38
Voir dans ce sens Arestan (Ph.), « l’opposabilité des cessions de créances à des Fonds communs de créance (FCC) à la
procédure collective », Revue banque et droit, 2006, n°105, p.12

12

Vous aimerez peut-être aussi