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Bull. Acad. Natle Méd.

, 2007, 191, no 9, 1849-1857, séance du 11 décembre 2007

La petite et la grande histoire du paludisme

Pierre AMBROISE-THOMAS *

Le paludisme : une des plus importantes, peut-être même la plus importante maladie
à l’échelon mondial : cinq à six cents millions de malades, plusieurs millions de
morts annuelles, le tiers de l’humanité menacé.
En évoquant devant vous la grande et la petite histoire de cette affection, mon
propos n’est évidemment pas de vous infliger un cours de Parasitologie. Ce n’est pas
non plus de prétendre faire œuvre d’historien. Je n’en n’ai absolument pas les
compétences. Plus modestement, je voudrais tenter de rappeler ici combien la petite
histoire accompagne et souvent éclaire la grande histoire, combien les découvertes,
parfois les plus importantes, sont filles du hasard — le hasard dont il est vrai Pasteur
disait qu’il ne favorise que les esprits préparés — mais aussi filles des nécessités, en
particulier des nécessités militaires.
Je dois enfin avouer que mon but est aussi d’essayer de vous distraire et peut-être
même, qui sait, de vous faire sourire car, après tout, il n’est pas absolument
indispensable d’être triste pour être sérieux.

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Le paludisme est probablement une des plus vieilles maladies de l’humanité. On


prétend même que l’homme préhistorique en était atteint. Dans la période histori-
que, les Védas de l’Inde ancienne, le décrivent comme « la reine des maladies », une
maladie attribuée à la colère du Dieu Shiva. Par la suite, plusieurs papyrus et
différents monuments de l’Egypte ancienne font référence à une maladie associant
fièvre, frissons et augmentation du volume de la rate. Dans la mythologie chinoise,
le paludisme est décrit sous la forme de trois démons dont les deux premiers sont
respectivement munis d’un marteau et d’un seau d’eau froide tandis que le troisième
entretient un four brûlant. Ces trois démons rappellent évidemment des symptômes
classiques de l’affection : céphalées, sueurs, fièvre. En Grèce, enfin, bien sûr, Hippo-
crate et Galien identifient des fièvres particulières dont ils soulignent la périodicité.
Au sein du vaste groupe des maladies fébriles, les premières individualisations du
paludisme sont donc cliniques. Mais, dès le e siècle avant J.C., les grecs ébauchent

* Président de l’Académie nationale de médecine

1849

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