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Induction du diabète :
tous les bêtabloquants
sont-ils égaux ?
RÉSUMÉ : Les indications des bêtabloquants se sont élargies au fil des années que ce
soit dans l’hypertension artérielle, le post-infarctus, les troubles du rythme, et plus
récemment dans l’insuffisance cardiaque.
Cependant, leurs effets métaboliques ont été mis en causes par de récentes études, les
rendant ainsi impopulaires dans certaines indications.
Qu’en est-il réellement ? Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour la prise en
charge des patients en termes de prévention cardiovasculaire ?
L’
ap p arition d u d iabète est Leu r p oten tiel effet d iabétogèn e est
d éterm in ée p ar p lu sieu rs su jet à con troverse. Qu ’en est-il réelle-
facteu rs qu i p eu ven t être m en t d es effets m étaboliqu es d es bêta-
gén étiqu es et en viron n em en tau x. bloqu an ts ? Son t- ils d iabétogèn es ? Si
Ain si, le d iabète d e typ e I est le résu l- ou i, les d ifféren tes classes d e bêtablo-
tat d ’u n p rocessu s au to-im m u n ch ez qu an ts son t-elles tou tes logées à la
d es in d ivid u s gén étiqu em en t p réd is- m êm e en seign e en term es d e d iabéto-
p osés, resp on sable d ’u n e lyse d es gen èse ? Qu elles en son t les p rin cip a-
cellu les p an créatiqu es bêta d e les im p lication s su r la p rise en ch arge
Lan gerh an s. Le d iabète d e typ e II n aît d es p atien ts en term es d e p réven tion
d e l’in su lin orésistan ce d es tissu s d u risqu e card iovascu laire ?
➞ A. NANA SINGUIM, p érip h ériqu es et a p lu s volon tiers u n
J. BLACHER caractère fam ilial. Cep en d an t, à ce
Unité HTA, Prévention et
Thérapeutique Cardiovasculaires, jou r, au cu n gèn e n ’a été form elle- Mode d’action des bêtabloquants
Centre de Diagnostic et de m en t id en tifié com m e étan t d irecte-
Thérapeutique, Hôtel-Dieu, Paris. m en t en cau se d an s la su rven u e d e Le systèm e n erveu x au ton om e (SNA)
d iabète d e typ e II. com p ren d les systèm es ad rén ergiqu e,
ch olin ergiqu e et n on ad rén ergiqu e
Les m éd icam en ts on t égalem en t été n on ch olin ergiqu e (NANC). Il agit
in crim in és d an s la gen èse d u d iabète essen tiellem en t su r les cellu les m u s-
d e typ e II. C’est le cas n otam m en t d es cu laires lisses, les cellu les m u scu lai-
glu cocorticoïd es, d u d iazoxid e, d e la res card iaqu es et les cellu les glan d u -
th iazin e, d u d ilan tin , d e l’in terféron laires. Les m éd iateu rs d u SNA son t
alp h a, d es d iu rétiqu es h yp okalié- l’ad rén alin e et la n orad rén alin e sécré-
m ian ts et d e bien d ’au tres. tées p ar les su rrén ales. Ces n eu ro-
tran sm etteu rs stim u len t les cellu les
Les bêtabloqu an ts on t m au vaise alp h a et bêta situ ées au n iveau d es d if-
p resse en m atière d e p réven tion car- féren tes cellu les d e l’organ ism e
d iovascu laire ces d ern ières an n ées. (ta b le a u I).
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Nom Indice de sélectivité Effet bêta-3 Nom Indice de sélectivité Effet bêta-3
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TABLEAU III : Propriétés des bêtabloquants de troisième génération. VD : vasodilatation, A-bloquant : alpha-bloquant, B1 : récepteur bêta-1, B2 : récepteur bêta-2,
B3 : récepteur bêta-3.
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atén olol n ’étaien t p as in férieu rs au x m on tré qu e les p atien ts ran d om isés le fait qu e ceu x-ci d iffèren t beau cou p
au tres an tih yp erten seu rs en m atière atén olol et d iu rétiqu e th iazid iqu e en fon ction d e leu rs action s sp écifi-
d e p réven tion d u risqu e cérébro-vas- avaien t p ou r u n e m êm e baisse d e la qu es. De p lu s, la p lu p art d es étu d es
cu laire, d e l’in farctu s d u m yocard e p ression artérielle brach iale, u n e su r l’effet d iabétogèn e d es bêtablo-
(IDM) et d e m ortalité totale, con traire- m oin d re d im in u tion d e la p ression qu an ts son t d es m éta-an alyses d ’étu -
m en t à l’atén olol. artérielle cen trale. d es u tilisan t les bêtabloqu an ts m oin s
Au vu d e ces résu ltats, il est facile et Tou tes ces d on n ées con cou ren t à
ten tan t d e p en ser qu e les effets m éta- exp liqu er l’in fériorité d es bêtablo- POINTS FORTS
boliqu es d élétères d es bêtabloqu an ts qu an ts p ar rap p ort au x au tres an tih y-
exp liqu en t leu r in fériorité en m atière p erten seu rs en term es d e p réven tion
d e p réven tion card iovascu laire p ar card iovascu laire. Les bêtabloquants inhibent de
rap p ort au x au tres an tih yp erten seu rs. façon importante l’oxydation des
En effet, on p eu t voir ch ez certain s lipides, favorisant ainsi
l’accumulation d’acides gras libres,
p atien ts h yp erten d u s traités p ar bêta- Conclusion puis l’apoptose des cellules
bloqu an ts ap p araître u n e d étérioration pancréatiques. Cet excès de graisse
d e leu r équ ilibre glycém iqu e, voire Les bêtabloqu an ts, p ar leu r effet su r le se cristallise essentiellement au
l’in stallation d ’u n d iabète. Ces m étabolism e lip id o-glu cid iqu e, favo- niveau des muscles et du tissu
p atien ts p eu ven t égalem en t voir s’in s- risen t le stockage d es graisses et la adipeux, expliquant
taller p ar les effets ad verses d es bêta- p rise d e p oid s. Cela se trad u it ch ez l’insulinorésistance.
bloqu an ts u n e h yp ertriglycérid ém ie et d es p atien ts p réd isp osés p ar le d éve-
au ssi u n e baisse d u HDL-ch olestérol. lop p em en t d ’u n e in su lin orésistan ce, Cependant, les effets des
Cep en d an t, on p eu t se d em an d er si ces voire d ’u n d iabète d e typ e II. Les bêta- bêtabloquants diffèrent selon leur
effets m étaboliqu es d es bêtabloqu an ts bloqu an ts son t d on c in d irectem en t classe. En effet, les bêtabloquants
bêta-1 sélectifs ainsi que les
à eu x seu ls exp liqu en t leu r in fériorité d iabétogèn es.
bêtabloquants vasodilatateurs dits
p ar rap p ort au x au tres an tih yp erten -
de troisième génération
seu rs en m atière d e p réven tion card io- Les d on n ées d e la littératu re m on tren t améliorent l’insulinorésistance et
vascu laire. Dan s l’étu d e ASCOT-BPLA égalem en t qu e l’association d ’u n bêta- ne sont donc pas diabétogènes.
[7], l’aju stem en t d e tou s ces p aram è- bloqu an t et d ’u n d iu rétiqu e th iazid i-
tres m étaboliqu es n ’exp liqu e qu ’en qu e p ou rrait être p articu lièrem en t d ia- Dans le cadre de l’HTA, l’infériorité
p artie la d ifféren ce d ’efficacité n otée bétogèn e. Mais on sait égalem en t qu e des bêtabloquants par rapport aux
en tre les d eu x grou p es en term es d e les bêtabloqu an ts son t m oin s efficaces autres antihypertenseurs décriée
p réven tion card iovascu laire. qu e les au tres classes th érap eu tiqu es dans de récentes études est
su r la baisse d e la p ression artérielle probablement liée à leur moindre
Les d on n ées d e la littératu re p rêten t cen trale, laqu elle est étroitem en t liée à efficacité sur la baisse de la
pression artérielle centrale. Cette
au x bêtabloqu an ts u n e m oin d re la m orbi-m ortalité card iovascu laire.
dernière est étroitement liée à la
réd u ction d e la p ression artérielle Ces p rin cip ales d on n ées exp liqu e- morbi-mortalité cardiovasculaire.
cen trale p ou r u n e m êm e réd u ction d e raien t en m ajorité leu r in fériorité en
la p ression artérielle brach iale. On m atière d e p réven tion card iovascu - Les bêtabloquants restent
sait grâce à d e n om breu x travau x qu e laire ch ez les p atien ts h yp erten d u s. fortement recommandés dans le
la p ression artérielle cen trale est p lu s Ain si, le Nation al In stitu te of Clin ical post-infarctus et dans
étroitem en t liée à la su rven u e d ’évé- Excellen ce [13, 14] (NICE) a révisé les l’insuffisance cardiaque.
n em en ts card iovascu laires qu e la d irectives con cern an t l’h yp erten sion
p ression artérielle brach iale [10, 11]. artérielle. Les bêtabloqu an ts n e son t Les prochaines études devront
Cela p ou rrait d on c exp liqu er l’in fério- d on c p lu s recom m an d és en p rem ière répondre aux questions qui
subsistent sur la non infériorité
rité d es bêtabloqu an ts d an s la p réven - in ten tion d an s l’h yp erten sion arté-
des bêtabloquants de troisième
tion d u risqu e card iovascu laire. rielle n on com p liqu ée en Gran d e-Bre-
génération par rapport aux autres
Ain si, l’étu d e CAFE [12] a m on tré qu e tagn e, sau f excep tion s (fem m e antihypertenseurs en termes de
le p ron ostic card iovascu laire était en cein te, tach ycard ie n otam m en t). prévention cardiovasculaire.
p lu s lié au x p aram ètres h ém od yn am i-
qu es cen trau x qu ’à la p ression arté- Cep en d an t, cette réflexion su r les
rielle p érip h ériqu e. Elle a égalem en t bêtabloqu an ts d oit être p on d érée p ar
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sélectifs et p lu s an cien s tel qu e l’até- m eilleu re action d e p réven tion d es cen tre ran d om ised con trolled trial.
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son t m oin s n éfastes su r le m étabo- réd u ire la p rescrip tion d es vieilles 09. LINDHOLM LH, CARLBERG B, S AMUELSSON O.
Sh ou ld beta-blockers rem ain first ch oice
lism e glu cid iqu e qu e les bêtablo- m olécu les d on t on vien t d e m on trer in th e treatm en t of p rim ary h yp erten -
qu an ts n on sélectifs d its d e p rem ière tou s les effets m étaboliqu es ad verses sion ? A m eta-an alysis. Lan cet, 2005 ; 366 :
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p réven tion card iovascu laire, et,
Im p rovem en t in blood p ressu re, arterial
Mais est-ce qu e p ou r au tan t ils son t con cern an t les m olécu les d e d ern ière stiffn ess an d w ave reflection s w ith a very
p lu s efficaces qu e les p récéd en ts et gén ération , on atten d qu e les résu ltats low d ose p erin d op ril/ in d ap am id e com bi-
p eu t-être équ ivalen ts au x au tres an ti- d es étu d es en cou rs soien t p u bliés. n ation in h yp erten sive p atien t : a com p a-
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– soit on est in n ovan t et on p rescrit an an tih yp erten sive regim en of am lod i-
largem en t les bêtabloqu an ts d e troi- p in e ad d in g p erin d op ril as requ ired ver-
sièm e gén ération en estim an t qu e su s aten olol ad d in g ben d roflu m eth iazid e
as requ ired , in th e An glo-Scan d in avian L’au teu r a d éclaré n e p as avoir d e con flit d ’in -
leu rs m oin d res effets m étaboliqu es Card iac Ou tcom es Trial – Blood Pressu re térêt con cern an t les d on n ées p u bliées d an s
n éfastes leu r con fèren t a p riori u n e Low erin g Arm (ASCOT-BPLA) : a m u lti- cet article.
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