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réalités en nutrition et en diabétologie # 23_Jan vier 2010

Revues générales

Induction du diabète :
tous les bêtabloquants
sont-ils égaux ?

RÉSUMÉ : Les indications des bêtabloquants se sont élargies au fil des années que ce
soit dans l’hypertension artérielle, le post-infarctus, les troubles du rythme, et plus
récemment dans l’insuffisance cardiaque.
Cependant, leurs effets métaboliques ont été mis en causes par de récentes études, les
rendant ainsi impopulaires dans certaines indications.
Qu’en est-il réellement ? Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour la prise en
charge des patients en termes de prévention cardiovasculaire ?

L’
ap p arition d u d iabète est Leu r p oten tiel effet d iabétogèn e est
d éterm in ée p ar p lu sieu rs su jet à con troverse. Qu ’en est-il réelle-
facteu rs qu i p eu ven t être m en t d es effets m étaboliqu es d es bêta-
gén étiqu es et en viron n em en tau x. bloqu an ts ? Son t- ils d iabétogèn es ? Si
Ain si, le d iabète d e typ e I est le résu l- ou i, les d ifféren tes classes d e bêtablo-
tat d ’u n p rocessu s au to-im m u n ch ez qu an ts son t-elles tou tes logées à la
d es in d ivid u s gén étiqu em en t p réd is- m êm e en seign e en term es d e d iabéto-
p osés, resp on sable d ’u n e lyse d es gen èse ? Qu elles en son t les p rin cip a-
cellu les p an créatiqu es bêta d e les im p lication s su r la p rise en ch arge
Lan gerh an s. Le d iabète d e typ e II n aît d es p atien ts en term es d e p réven tion
d e l’in su lin orésistan ce d es tissu s d u risqu e card iovascu laire ?
➞ A. NANA SINGUIM, p érip h ériqu es et a p lu s volon tiers u n
J. BLACHER caractère fam ilial. Cep en d an t, à ce
Unité HTA, Prévention et
Thérapeutique Cardiovasculaires, jou r, au cu n gèn e n ’a été form elle- Mode d’action des bêtabloquants
Centre de Diagnostic et de m en t id en tifié com m e étan t d irecte-
Thérapeutique, Hôtel-Dieu, Paris. m en t en cau se d an s la su rven u e d e Le systèm e n erveu x au ton om e (SNA)
d iabète d e typ e II. com p ren d les systèm es ad rén ergiqu e,
ch olin ergiqu e et n on ad rén ergiqu e
Les m éd icam en ts on t égalem en t été n on ch olin ergiqu e (NANC). Il agit
in crim in és d an s la gen èse d u d iabète essen tiellem en t su r les cellu les m u s-
d e typ e II. C’est le cas n otam m en t d es cu laires lisses, les cellu les m u scu lai-
glu cocorticoïd es, d u d iazoxid e, d e la res card iaqu es et les cellu les glan d u -
th iazin e, d u d ilan tin , d e l’in terféron laires. Les m éd iateu rs d u SNA son t
alp h a, d es d iu rétiqu es h yp okalié- l’ad rén alin e et la n orad rén alin e sécré-
m ian ts et d e bien d ’au tres. tées p ar les su rrén ales. Ces n eu ro-
tran sm etteu rs stim u len t les cellu les
Les bêtabloqu an ts on t m au vaise alp h a et bêta situ ées au n iveau d es d if-
p resse en m atière d e p réven tion car- féren tes cellu les d e l’organ ism e
d iovascu laire ces d ern ières an n ées. (ta b le a u I).

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Tissus Récepteurs Effet qu es en traîn e leu r ap op tose (p h én o-


mène de lipopotoxicité) [1, 2] (fig. 1).
Cœur Chronotrope positif
Densité du récepteur B1, B2 Dromotrope positif
De cet excès d e graisses au n iveau d es
B1 > B2 > B3 Inotrope positif
m u scles et d u tissu ad ip eu x d écou le
B3 Inotrope négatif u n e in su lin orésistan ce. En effet, le
stockage et l’u tilisation d e glu cose
Vaisseaux sanguins B2 Vasodilatation son t d im in u és au n iveau m u scu laire
(artères, veines, artérioles alors qu ’au n iveau h ép atiqu e la n éo-
du muscle squelettique) Vasodilatation glu cogen èse est stim u lée. Tou t cela est
B3 endothélium
resp on sable d e l’ap p arition d ’u n e
dépendant ;
angiogenèse h yp erglycém ie [4] (fig. 2). Ain si, d e
façon in d irecte, les bêtabloqu an ts
Tissu adipeux B1 Lipolyse p eu ven t favoriser l’in stallation d ’u n e
B3 Thermogenèse in su lin orésistan ce p u is d ’u n d iabète.

Pancréas (cellules de B2 Sécrétion d’insuline


Aujourd’hui, les facteurs favorisant l’in-
Langerhans bêta) et de glucagon
su lin orésistan ce son t bien id en tifiés :
Foie B2 Glycogenèse et l’âge, l’obésité abd om in ale, la rép arti-
néoglucogenèse tion sous-cutanée et viscérale des grais-
ses, la sédentarité, l’hypertension arté-
Muscle squelettique Augmentation de rielle, l’hypertriglycéridémie et la baisse
la contractilité d u HDL. Les bêtabloqu an ts, com p te
B2 Glycogénolyse
tenu de leur action sur le métabolisme
Absorption du K+
cellulaire lip id o-glu cid iqu e, sem blen t jou er u n
rôle non négligeable dans sa survenue,
TABLEAU I : Effets médiés par les récepteurs bêta adrénergiques. B1 : récepteur bêta-1, B2 : récepteur bêta-2,
certes chez des patients prédisposés.
B3 : récepteur bêta-3.
Tou tefois, on est en d roit d e se d em an -
Les bêtabloqu an ts agissen t d on c su r Effets métaboliques spécifiques d er si ces effets ad verses son t valables
les récep teu rs bêta qu i se d istin gu en t des bêtabloquants p ou r tou s les bêtabloqu an ts, et ce
en trois sou s-u n ités. Les récep teu rs d ’au tan t qu ’ils agissen t d ifférem m en t
bêta-1 et bêta-2 son t bien con n u s alors En marge de tous ces effets, les bêtablo- su r u n ou d eu x récep teu rs en fon ction
qu e les p rop riétés d es récep teu rs bêta- quants réduisent la libération des aci- d e leu r classe.
3 son t en core u n p eu m écon n u es. En des gras libres induite par les
effet, l’étu d e d es récep teu rs bêta-3 est catéch olam in es au n iveau d u
ren d u e d ifficile p ar le fait qu ’ils d iffè- tissu ad ip eu x. Cela p erm et Chaîne respiratoire
ren t d ’u n e esp èce à l’au tre. Cep en - d’améliorer l’énergétique mus- NO I II III IV V
d an t, il est im p ortan t d e n oter qu e l’ef- culaire : d’une part les bêtablo-
Découplage
fet d ’u n n eu rotran sm etteu r ou d ’u n qu an ts in h iben t d e façon Gonflement
m éd icam en t d ép en d d e la d en sité d u im p ortan te l’oxyd ation d es Ouverture du MTP
iNOS MTP
récep teu r et d e l’affin ité d u n eu ro- lipides, favorisant le stockage Mitochondrie
tran sm etteu r ou d u m éd icam en t p ou r de graisses et la prise de poids
ce récep teu r. et, d’autre part, les concentra-
Cytochrome C
tion s élevées d ’acid es gras Céramides
Ain si, les bêtabloqu an ts son t su r- libres en traîn en t volon tiers Caspases
tou t con n u s p ou r leu rs effets in o- une diminution de l’utilisation
trop e, ch ron otrop e et d rom otrop e musculaire du glucose et une Acyl-CoA Apoptose
n é ga t i fs . Ce s e ffe t s l e u r c o n fè r e n t accu m u lation d ’acétyl CoA
d e s p r o p r i é t é s a n t i -h y p e r t e n s i v e , dans les cellules bêta du pan-
FIG. 1 : Mécanismes biochimiques impliqués dans la lipotoxi-
a n t i -i s c h é m i q u e , t o n i c a r d i a q u e e t créas. Cet excès d’acétyl CoA cité [3]. NO : monoxyde d’azote ; MTP : pore de perméabilité de
an ti-aryth m iqu e. d an s les cellu les p an créati- transition ; iNOS : inducible nitric oxide synthase.

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teurs bêta-1 et bêta-2 (bêta- Tou tefois, p lu s les d oses d e bêtablo-


Glucose
bloqu an ts d e p rem ière qu an ts bêta-1 sélectifs son t im p ortan -
génération), tes, p lu s l’affin ité bêta-2 p eu t se révé-
– les bêtabloquants bêta-1 ler. Ain si, p ou r d e fortes d oses d e
Oxydation des sélectifs qui ont une affi- bêtabloqu an ts bêta-1 sélectif, l’effet
acides gras nité plus importante pour n éfaste d u blocage d es récep teu rs
P-glycéraldéhyde
NAD le récepteur bêta-1 par rap- bêta-2 p eu t d on c s’exercer su r le m éta-
Triose-phosphate p ort au récep teu r bêta-2 bolism e lip id o-glu cid iqu e, in d u isan t
déshydrogénase (bêtabloqu an ts d e d eu - la gen èse d u d iabète d e typ e II
NADH xième génération). (ta b le a u II).
P-glycérate

De p lu s, on d istin gu e 2. Propriétés vasodilatatrices des


NADH
égalem en t d es bêtablo- bêtabloquants
Acétyl-CoA qu an ts vasod ilatateu rs
Oxalo-acétate p lu s récem m en t d éve- Les bêtabloqu an ts ayan t u n e activité
ATP
lop p és (bêtabloqu an ts d e sym p ath om im étiqu e in trin sèqu e
Pyruvate troisièm e gén ération ) [5]. (ASI) p eu ven t avoir u n e action vaso-
carboxylase
d ilatatrice p ar u n effet bêta-2 agon iste.
Pyruvate 1. La bêta-1 sélectivité Le bu cin d olol a, en p lu s d e son ASI,
d es p rop riétés alp h a-bloqu an tes.
Pyruvate Les bêtabloqu an ts bêta-1
déshydrogénase sélectifs son t m ieu x tolé- Le labétolol est u n bêtabloqu an t n on
rés, m ais su rtou t on t d es sélectif ayan t u n effet vasod ilatateu r
Acétyl-CoA
effets n égatifs m oin d res p ar alp h a-blocage. Cep en d an t, son
qu e les bêtabloqu an ts action est p lu s cou rte qu e celle d es
FIG. 2 : Rôle des acides gras dans la régulation de la néoglucogenèse n on sélectifs su r le m éta- trois bêtabloqu an ts vasod ilatateu rs
hépatique [3].
bolism e lip id iqu e et la récem m en t d évelop p és : le n ébivolol,
Classes et spécificités résistan ce à l’in su lin e. Cep en d an t, au le carvéd ilol et le célip rolol. Ces d er-
des bêtabloquants sein m êm e d e la classe d e bêtablo- n iers bêtabloqu an ts son t d its d e troi-
qu an ts sélectifs, il su bsiste d es d iffé- sièm e gén ération et on t u n e action
Les bêtabloqu an ts p eu ven t être clas- ren ces au n iveau d e la sélectivité bêta- vasod ilatatrice p lu s p u issan te qu e les
sés en d eu x grou p es selon leu r affin ité 1. Ain si, l’in d ice d e sélectivité d es p récéd en ts (ta b le a u III).
p ou r les récep teu rs : bêtabloqu an ts reflète le d egré d ’affi-
– les bêtabloquants non sélectifs qui blo- n ité p ou r le récep teu r bêta-1 p ar rap - Le n ébivolol se d istin gu e p ar sa p u is-
quent de façon compétitive les récep- p ort au récep teu r bêta-2. san ce vasod ilatatrice d ’au m oin s d e

Bêtabloquants bêta-1 sélectifs Bêtabloquants non sélectifs

Nom Indice de sélectivité Effet bêta-3 Nom Indice de sélectivité Effet bêta-3

Névibolol Agoniste Labétolol 0


Bisoprolol ++ Carvédilol 0
Céliprolol + Propanolol 0
Bétaxolol ++ Pindolol 0 Agoniste
Aténolol ++ Cartéolol 0
Métoprolol ++ Nadolol 0 Agoniste
Bévantolol ++ Alprénolol Agoniste
Esmolol ++ Bucindolol 0 Agoniste
Acébutolol + Oxprenolol 0 Agoniste

TABLEAU II : Sélectivité des bêtabloquants et effets bêta-3.

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Bêtabloquants Carvédilol Céliprolol Névibolol

Principale propriété VD A-bloquant Agoniste B2 Agoniste B3


Autres propriétés VD VD directe VD directe Agoniste B2
Puissance VD Modérée Modérée Forte (> 50% )
Sélectivité B1 Non sélectif B1 sélectif Hautement B1 sélectif
Lipides Neutre Amélioré Neutre
Résistance à l’insuline Améliorée Améliorée Améliorée
Fonction endothéliale Améliorée Améliorée Améliorée

TABLEAU III : Propriétés des bêtabloquants de troisième génération. VD : vasodilatation, A-bloquant : alpha-bloquant, B1 : récepteur bêta-1, B2 : récepteur bêta-2,
B3 : récepteur bêta-3.

50 % selon les d on n ées d e la littéra-


Bêtabloquants Dose Lipides Résistance à l’insuline
tu re. Il est h au tem en t bêta-1 sélectif et
son action vasod ilatatrice est liée à Aténolol 100 mg  
l’agon ism e bêta-3 qu i in d u it u n e libé- 50 mg 
ration en d oth éliale d e l’oxyd e d ’azote
(NO) m ais au ssi à u n agon ism e bêta-2. Bisoprolol 10 mg Non 
Le carvéd ilol est u n bêtabloqu an t n on 5 mg
Non
sélectif, son action vasod ilatatrice se
fait p ar alp h a-blocage. Carvédilol 25 mg Non 

Le célip rolol est u n bêtabloqu an t bêta- Propanolol  


1 sélectif m oin s vasod ilatateu r qu e le
n ébivolol, car son action vasod ilata- Nébivolol 5 mg Non 
trice est d u e à l’agon ism e bêta-2 res-
p on sable d ’u n e au gm en tation d e l’ac- TABLEAU IV : Effets métaboliques de quelques bêtabloquants.
tivité d e syn th èse d u NO.
4. La lipophilie et les effets cet. Cette m éta-an alyse a m on tré
Ce s t r o i s d e r n i e r s b ê t a b l o q u a n t s stabilisateurs de membrane qu ’u n traitem en t p ar bêtabloqu an t et
vasod ilatateu rs am élioren t l’in su li- d iu rétiqu e vs p lacebo au gm en tait
n orésistan ce et d on c n e son t p oten - Le d egré d e lip op h ilie d es bêtablo- sign ificativem en t le risqu e d e su rve-
t i e l l e m e n t p a s d i a b é t o gè n e s . Le qu an ts p eu t in flu en cer le m étabo- n u e d u d iabète. A l’in verse, u n traite-
n ébivolol et le carvéd ilol n ’on t p as lism e h ép atiqu e. Il n ’y a p as d e d on - m en t p ar IEC ou ARA 2 réd u isait
d ’e ffe t s d é l é t è r e s s u r l e s l i p i d e s n ées su r leu r éven tu el effet sign ificativem en t ce risqu e. Les an ta-
a l o r s q u e l e c é l i p r o l o l a u n e ffe t d iabétogèn e. De m êm e, les effets stabi- gon istes calciqu es avaien t, qu an t à
favorable su r les triglycérid es et le lisateu rs d e m em bran e d e certain s eu x, u n effet n eu tre su r la su rven u e d u
HDL-ch olestérol, m ais n eu tre su r le bêtabloqu an ts n e sem blen t p as in flu er d iabète.
ch olestérol total (ta b le a u IV). su r le m étabolism e lip id o-glu cid iqu e
(ta b le a u V). Cep en d an t, cette m éta-an alyse p ré-
3. L’activité sympathomimétique sen te d es lim ites. En effet, la su rven u e
intrinsèque (ASI) Les effets sp écifiqu es d es bêtablo- d u d iabète n ’était p as le critère p rin ci-
qu an ts su r le m étaboliqu e glu cid o- p al d e ju gem en t d e tou tes ces étu d es
Les bêtabloqu an ts ayan t u n e ASI son t lip id iqu e on t été corroborés p ar p lu - an alysées en sem ble, m ais u n critère
m ieu x tolérés et on t m oin s d ’effet sieu rs essais th érap eu tiqu es et secon d aire, lim itan t ain si la p ortée
m étaboliqu e qu e les bêtabloqu an ts d e m éta-an alyses. Ain si, afin d e qu an ti- d ’u n e in terp rétation cau sale. De p lu s,
p rem ière gén ération n on sélectif. Peu fier le risqu e d e su rven u e d u d iabète la d éfin ition d u d iabète a ch an gé
d e d on n ées son t d isp on ibles d an s la ou le n iveau d e p rotection con tre sa d ep u is 1993, la lim ite su p érieu re d e
littératu re su r leu r effet sp écifiqu e su r su rven u e, u n e m éta-an alyse en réseau glycém ie est p assée d e 7,8 m m ol/ L à
l’in su lin orésistan ce (ta b le a u V). a récem m en t été p u bliée d an s le Lan - 7 m m ol/ L. En fin , on p eu t rep roch er à

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Environ 20 000 patients hypertendus à


Stabilisation
Bêtabloquants Lipophilie ASI h au t risqu e card iovascu laire on t reçu
de membrane
de façon randomisée soit une associa-
Acébutolol Modérée + + tion amlodipine et perindopril, soit une
association aténolol et diurétique thia-
Aténolol Basse 0
zid iqu e. Ap rès 5 an s d e su ivi, les
Bétaxolol Modérée ± +
patients randomisés amlodipine-perin-
Bisoprolol Modérée 0 d op ril avaien t p résen té sign ificative-
Bucindolol Modérée + m en t m oin s d ’évén em en ts card iovas-
Cartéolol Basse + cu laires, la m ortalité était égalem en t
Carvédilol Modérée 0 + plus faible dans ce groupe. Cette étude
Céliprolol Basse + a d on c laissé p résager d e l’in fériorité
Esmolol Basse 0 d es bêtabloqu an ts p ar rap p ort au x
autres anti-hypertenseurs en termes de
Labétolol Basse ±
prévention du risque cardiovasculaire,
Métoprolol Haute 0
m êm e si p ou r le critère d e ju gem en t
Nadolol Basse 0 principal, à savoir le risque de surve-
Névibolol Haute 0 nue d’événement coronaire, la signifi-
Oxprénolol Modérée + cativité statistiqu e n ’a p as été stricte-
Penbutolol Modérée + ment atteinte.
Pindolol Haute ++
Propanolol Haute 0 +
Ces d on n ées on t été corroborées p ar
d es m éta-an alyses [8, 9] qu i se son t
Sotalol Basse 0
p en ch ées su r la p ertin en ce d es bêta-
Timolol Haute 0
bloqu an ts en m atière d e p réven tion
d u risqu e card iovascu laire ch ez les
TABLEAU V : Lipophilie et effets stabilisateurs de membrane des bêtabloquants. ASI : activité sympathomi- p atien ts h yp erten d u s. Il en ressort qu e
métique intrinsèque.
les bêtabloqu an ts son t in férieu rs au x
cette m éta-an alyse, le m an qu e d ’h o- Dan s le cad re d e l’h yp erten sion arté- au tres classes d ’an tih yp erten seu rs en
m ogén éité au sein d ’u n e m êm e classe rielle (HTA), les bêtabloqu an ts son t term es d e d im in u tion d e la m orbi-
th érap eu tiqu e an tih yp erten sive. p a r m i l e s p l u s a n c i e n n e s d r o gu e s m ortalité card iovascu laire. Cep en -
u tilisées et on t lon gtem p s été p res- d an t, on p eu t n oter d an s ces travau x
Mais la qu estion im p ortan te à laqu elle crits en p rem ière in ten tion d an s qu e la com p araison d es bêtabloqu an ts
n e rép on d en t p as ces d ifféren ts tra- c e t t e i n d i c a t i o n . Ce p e n d a n t , l e u r au p lacebo n ’a p as m on tré d ’effets
vau x est d e savoir si l’au gm en tation i n fé r i o r i t é p a r r a p p o r t a u x a u t r e s d élétères ch ez les p atien ts ran d om isés
d u risqu e d e su rven u e d e d iabète se an tih yp erten seu rs a été récem m en t bêtabloqu an t.
trad u it obligatoirem en t p ar u n e au g- m ise en cau se d an s p lu sieu rs essais
m en tation à term e d u risqu e card io- th érap eu tiqu es. Tou tefois, ces d ifféren ts résu ltats s’ac-
vascu laire. cord an t su r l’in fériorité d es bêtablo-
Ain si, d an s l’étu d e LIFE [6], p rès d e qu an ts en m atière d e p réven tion d u
9 000 p atien ts h yp erten d u s avec risqu e card iovascu laire d oiven t être
Pertinence des effets h yp ertrop h ie ven tricu laire gau ch e on t m is en exergu e. Car, d an s la gran d e
métaboliques des bêtabloquants été ran d om isés en d eu x grou p es, trai- m ajorité d es étu d es su s-citées, l’até-
sur le risque cardiovasculaire tem en t p ar bêtabloqu an ts (atén olol) vs n olol a été u tilisé com m e bêtablo-
traitem en t p ar ARA 2 (losartan ). Les qu an t d e référen ce. Or on sait qu e les
Malgré leu rs effets m étaboliqu es p atien ts sou s ARA 2 on t p résen té effets d es bêtabloqu an ts varien t selon
ad verses, les bêtabloqu an ts resten t sign ificativem en t m oin s d e com p lica- leu rs classes. Ain si, la m éta-an alyse
in d iqu és d an s p lu sieu rs situ ation s : tion s card iovascu laires qu e ceu x qu i d e Lin d h olm [9] a p erm is d e ran d om i-
l’h yp erten sion artérielle, la card iop a- étaien t traités p ar bêtabloqu an ts. ser p lu s d e 100 000 p atien ts h yp erten -
th ie isch ém iqu e, l’aryth m ie card ia- d u s traités soit p ar atén olol, soit p ar
qu e et p lu s récem m en t l’in su ffisan ce Plus récemment, l’étude ASCOT-BPLA bêtabloqu an ts n on atén olol. Ce travail
card iaqu e. [7] a m on tré d es résu ltats sim ilaires. a m on tré qu e les bêtabloqu an ts n on

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atén olol n ’étaien t p as in férieu rs au x m on tré qu e les p atien ts ran d om isés le fait qu e ceu x-ci d iffèren t beau cou p
au tres an tih yp erten seu rs en m atière atén olol et d iu rétiqu e th iazid iqu e en fon ction d e leu rs action s sp écifi-
d e p réven tion d u risqu e cérébro-vas- avaien t p ou r u n e m êm e baisse d e la qu es. De p lu s, la p lu p art d es étu d es
cu laire, d e l’in farctu s d u m yocard e p ression artérielle brach iale, u n e su r l’effet d iabétogèn e d es bêtablo-
(IDM) et d e m ortalité totale, con traire- m oin d re d im in u tion d e la p ression qu an ts son t d es m éta-an alyses d ’étu -
m en t à l’atén olol. artérielle cen trale. d es u tilisan t les bêtabloqu an ts m oin s

Au vu d e ces résu ltats, il est facile et Tou tes ces d on n ées con cou ren t à
ten tan t d e p en ser qu e les effets m éta- exp liqu er l’in fériorité d es bêtablo- POINTS FORTS
boliqu es d élétères d es bêtabloqu an ts qu an ts p ar rap p ort au x au tres an tih y-
exp liqu en t leu r in fériorité en m atière p erten seu rs en term es d e p réven tion
d e p réven tion card iovascu laire p ar card iovascu laire. Les bêtabloquants inhibent de
rap p ort au x au tres an tih yp erten seu rs. façon importante l’oxydation des
En effet, on p eu t voir ch ez certain s lipides, favorisant ainsi
l’accumulation d’acides gras libres,
p atien ts h yp erten d u s traités p ar bêta- Conclusion puis l’apoptose des cellules
bloqu an ts ap p araître u n e d étérioration pancréatiques. Cet excès de graisse
d e leu r équ ilibre glycém iqu e, voire Les bêtabloqu an ts, p ar leu r effet su r le se cristallise essentiellement au
l’in stallation d ’u n d iabète. Ces m étabolism e lip id o-glu cid iqu e, favo- niveau des muscles et du tissu
p atien ts p eu ven t égalem en t voir s’in s- risen t le stockage d es graisses et la adipeux, expliquant
taller p ar les effets ad verses d es bêta- p rise d e p oid s. Cela se trad u it ch ez l’insulinorésistance.
bloqu an ts u n e h yp ertriglycérid ém ie et d es p atien ts p réd isp osés p ar le d éve-
au ssi u n e baisse d u HDL-ch olestérol. lop p em en t d ’u n e in su lin orésistan ce, Cependant, les effets des
Cep en d an t, on p eu t se d em an d er si ces voire d ’u n d iabète d e typ e II. Les bêta- bêtabloquants diffèrent selon leur
effets m étaboliqu es d es bêtabloqu an ts bloqu an ts son t d on c in d irectem en t classe. En effet, les bêtabloquants
bêta-1 sélectifs ainsi que les
à eu x seu ls exp liqu en t leu r in fériorité d iabétogèn es.
bêtabloquants vasodilatateurs dits
p ar rap p ort au x au tres an tih yp erten -
de troisième génération
seu rs en m atière d e p réven tion card io- Les d on n ées d e la littératu re m on tren t améliorent l’insulinorésistance et
vascu laire. Dan s l’étu d e ASCOT-BPLA égalem en t qu e l’association d ’u n bêta- ne sont donc pas diabétogènes.
[7], l’aju stem en t d e tou s ces p aram è- bloqu an t et d ’u n d iu rétiqu e th iazid i-
tres m étaboliqu es n ’exp liqu e qu ’en qu e p ou rrait être p articu lièrem en t d ia- Dans le cadre de l’HTA, l’infériorité
p artie la d ifféren ce d ’efficacité n otée bétogèn e. Mais on sait égalem en t qu e des bêtabloquants par rapport aux
en tre les d eu x grou p es en term es d e les bêtabloqu an ts son t m oin s efficaces autres antihypertenseurs décriée
p réven tion card iovascu laire. qu e les au tres classes th érap eu tiqu es dans de récentes études est
su r la baisse d e la p ression artérielle probablement liée à leur moindre
Les d on n ées d e la littératu re p rêten t cen trale, laqu elle est étroitem en t liée à efficacité sur la baisse de la
pression artérielle centrale. Cette
au x bêtabloqu an ts u n e m oin d re la m orbi-m ortalité card iovascu laire.
dernière est étroitement liée à la
réd u ction d e la p ression artérielle Ces p rin cip ales d on n ées exp liqu e- morbi-mortalité cardiovasculaire.
cen trale p ou r u n e m êm e réd u ction d e raien t en m ajorité leu r in fériorité en
la p ression artérielle brach iale. On m atière d e p réven tion card iovascu - Les bêtabloquants restent
sait grâce à d e n om breu x travau x qu e laire ch ez les p atien ts h yp erten d u s. fortement recommandés dans le
la p ression artérielle cen trale est p lu s Ain si, le Nation al In stitu te of Clin ical post-infarctus et dans
étroitem en t liée à la su rven u e d ’évé- Excellen ce [13, 14] (NICE) a révisé les l’insuffisance cardiaque.
n em en ts card iovascu laires qu e la d irectives con cern an t l’h yp erten sion
p ression artérielle brach iale [10, 11]. artérielle. Les bêtabloqu an ts n e son t Les prochaines études devront
Cela p ou rrait d on c exp liqu er l’in fério- d on c p lu s recom m an d és en p rem ière répondre aux questions qui
subsistent sur la non infériorité
rité d es bêtabloqu an ts d an s la p réven - in ten tion d an s l’h yp erten sion arté-
des bêtabloquants de troisième
tion d u risqu e card iovascu laire. rielle n on com p liqu ée en Gran d e-Bre-
génération par rapport aux autres
Ain si, l’étu d e CAFE [12] a m on tré qu e tagn e, sau f excep tion s (fem m e antihypertenseurs en termes de
le p ron ostic card iovascu laire était en cein te, tach ycard ie n otam m en t). prévention cardiovasculaire.
p lu s lié au x p aram ètres h ém od yn am i-
qu es cen trau x qu ’à la p ression arté- Cep en d an t, cette réflexion su r les
rielle p érip h ériqu e. Elle a égalem en t bêtabloqu an ts d oit être p on d érée p ar

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réalités en nutrition et en diabétologie # 23_Jan vier 2010

Revues générales

sélectifs et p lu s an cien s tel qu e l’até- m eilleu re action d e p réven tion d es cen tre ran d om ised con trolled trial.
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Sh ou ld beta-blockers rem ain first ch oice
lism e glu cid iqu e qu e les bêtablo- m olécu les d on t on vien t d e m on trer in th e treatm en t of p rim ary h yp erten -
qu an ts n on sélectifs d its d e p rem ière tou s les effets m étaboliqu es ad verses sion ? A m eta-an alysis. Lan cet, 2005 ; 366 :
gén ération . ain si qu e leu r in fériorité en term es d e 1 545-53.
10. A SMAR R, LONDON G, O’ROURKE ME et al.
p réven tion card iovascu laire, et,
Im p rovem en t in blood p ressu re, arterial
Mais est-ce qu e p ou r au tan t ils son t con cern an t les m olécu les d e d ern ière stiffn ess an d w ave reflection s w ith a very
p lu s efficaces qu e les p récéd en ts et gén ération , on atten d qu e les résu ltats low d ose p erin d op ril/ in d ap am id e com bi-
p eu t-être équ ivalen ts au x au tres an ti- d es étu d es en cou rs soien t p u bliés. n ation in h yp erten sive p atien t : a com p a-
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