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Année universitaire 2016-2017

er
1 semestre — épreuve du 15 novembre 2016

Licences Droit (Gr. A) et Droit-Langues


DROIT CONSTITUTIONNEL — Cours de M. Pierre MOUZET
Durée : 3 heures – aucun document autorisé
 
 
Veuillez  commenter  ces  dispositions  législatives,  extraites  du  Code  de  l’environnement,  
issues   de   l’ordonnance   n°2016-­‐488   du   21   avril   2016   «  relative   à   la   consultation   locale  
sur   les   projets   susceptibles   d'avoir   une   incidence   sur   l'environnement  »   et   mises   en  
œuvre  par  le  décret  du  23  avril  2016  et  le  scrutin  du  26  juin  2016  dans  les  communes  de  
Loire-­‐Atlantique  :  
 
«  Art.  L.  123-­‐20.-­‐  L'Etat  peut  consulter  les  électeurs  d'une  aire  territoriale  déterminée  afin  de  
recueillir   leur   avis   sur   un   projet   d'infrastructure   ou   d'équipement   susceptible   d'avoir   une  
incidence   sur   l'environnement   dont   la   réalisation   est   subordonnée   à   la   délivrance   d'une  
autorisation  relevant  de  sa  compétence,  y  compris  après  une  déclaration  d'utilité  publique.  
 
«  Art.  L.  123-­‐21.-­‐  L'aire  de  la  consultation  correspond  à  celle  du  territoire  couvert  par  l'enquête  
publique  dont  ce  projet  a  fait  l'objet  ou,  lorsque  plusieurs  enquêtes  publiques  ont  été  réalisées  
au  titre  de  législations  distinctes,  à  celle  de  l'ensemble  du  territoire  couvert  par  ces  enquêtes.    
«  Le  territoire  couvert  par  l'enquête  est  celui  des  communes  désignées  comme  lieux  d'enquête  
par   l'arrêté   d'ouverture   de   celle-­‐ci   ainsi   que,   lorsque   le   chef-­‐lieu   d'une   circonscription  
administrative   de   l'Etat   a   également   été   désigné   comme   lieu   d'enquête,   le   territoire   des  
communes  comprises  dans  cette  circonscription.    
«   Dans   les   autres   cas,   l'aire   de   la   consultation   est   celle   du   territoire   des   communes   dont  
l'environnement  est  susceptible  d'être  affecté  par  le  projet.    
«  L'aire  de  la  consultation  est  indiquée  par  le  décret  prévu  par  l'article  L.  123-­‐23.  
 
«  Art.  L.  123-­‐22.-­‐  Peuvent  seuls  participer  à  la  consultation  les  électeurs  de  nationalité  française  
inscrits,   dans   les   conditions   prévues   par   le   chapitre   II   du   titre   Ier   du   livre   Ier   du   code   électoral,  
sur   les   listes   électorales   des   communes   dans   lesquelles   est   organisée   la   consultation   et   les  
ressortissants   d'un   Etat   membre   de   l'Union   européenne   inscrits,   dans   les   conditions   prévues  
aux  articles  LO  227-­‐1  à  LO  227-­‐5  du  même  code,  sur  les  listes  électorales  complémentaires  de  
ces  mêmes  communes  établies  pour  les  élections  municipales.  
 
«  Art.  L.  123-­‐23.-­‐  La  consultation  est  décidée  par  un  décret  qui  en  indique  l'objet,  la  date  ainsi  
que   le   périmètre,   qui   définit   la   question   posée   et   qui   convoque   les   électeurs.   Il   est   publié   au  
plus  tard  deux  mois  avant  la  date  de  la  consultation.  
La  consultation  ne  peut  avoir  lieu  après  le  premier  jour  du  troisième  mois  précédant  celui  au  
cours   duquel   il   est   procédé   aux   élections   et   scrutins   énumérés   par   les   cinquième   à   dixième  
alinéas  de  l'article  LO  1112-­‐6  du  code  général  des  collectivités  territoriales    
[=   1°   Le   renouvellement   général   ou   le   renouvellement   d'une   série   des   membres   des   assemblées  
délibérantes   des   collectivités   territoriales   ;   2°   Le   renouvellement   général   des   députés   ;   3°   Le  
renouvellement   de   chacune   des   séries   des   sénateurs   ;   4°   L'élection   des   membres   du   Parlement  
européen  ;  5°  L'élection  du  Président  de  la  République  ;  6°  Un  référendum  décidé  par  le  Président  
de  la  République].    
(…)  »  
 
 
 
LIGNES CORRECTRICES

Disons le d’emblée : ce sujet est relativement difficile. C’est vrai d’abord en soi, dès lors que le texte
de l’ordonnance du 21 avril 2016 n’est pas d’une limpidité absolue (d’où notamment son
complément en italiques) ; c’est vrai surtout, ensuite, parce qu’il s’agit d’un cas volontairement éludé
tant en cours qu’en travaux dirigés : pédagogiquement, l’exercice consistait donc à confronter
l’inconnu au connu, sachant qu’on attendait des étudiant-e-s ce minimum de culture générale qui
supposait d’identifier le support de ce que les leaders politiques, la presse et les électeurs ont appelé
le « référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes » ; encore fallait-il, dira-t-on, savoir
où se situe la Loire-Atlantique…
Il se trouve, heureux hasard du calendrier, que la Cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la
veille de l’épreuve, le 14 novembre 2016, un nouveau recours dirigé contre ce projet de construction
aéroportuaire. Nul ne saurait l’ignorer, et surtout pas un étudiant en Droit : la Faculté, c’est
l’ouverture au monde et aux questions de sociétés. On pouvait piocher là matière à phrase d’attaque :
afficher d’emblée qu’on est (in)formé.
C’était donc d’abord un exercice de méthodologie : montrer qu’on a relié et montrer qu’on a bien lu.
La règle de base de ce type de commentaire est qu’on n’est évidemment pas interrogé sur ce que l’on
ne peut pas savoir (par exemple la signification et le régime juridique de la déclaration d’utilité
publique, étudiée en L2 et L3) mais qu’on l’est tout aussi évidemment sur ce que l’on doit savoir. Or
l’étude du droit de vote (notamment celui des étrangers) et du référendum est un des principaux
passages obligés de la théorie générale du droit constitutionnel.
Ces thèmes étant identifiés, le sujet — cela peut, voire cela doit, être dit dès son énoncé — consistait
à montrer que, juridiquement, le référendum sur l’aéroport Notre-Dame-des-Landes du 26 juin 2016
n’était pas un « référendum ». Dans le droit constitutionnel français positif, un référendum est en
effet un scrutin matériel (contrairement à l’élection, qui est personnelle) à l’issue décisoire
(contrairement à la consultation, dont il ne résulte en droit qu’un avis).
Plus un sujet est difficile, plus il convient de le traiter simplement. Lorsque la structure même du
texte à commenter donne celle d’un plan satisfaisant, autant ne pas s’en priver : en l’espèce,
l’ordonnance du 21 avril 2016 offre quatre articles qui formeront aisément quatre sous-parties
logiques. Il est de bonne méthode d’en dégager les idées fortes dès l’une des premières lectures et
l’analyse du sujet : ce seront les mots « L'Etat peut » et « leur avis » (Art. L. 123-20), « L'aire de la
consultation » (Art. L. 123-21), « électeurs de nationalité française » et « Union européenne » (Art.
L. 123-22) et, last but non least, « la date » et « la question posée » (Art. L. 123-23).
La problématique est la manière dont on choisit de répondre à la question posée par le sujet. Ici, que
penser du support du scrutin bas-ligérien de juin 2016 ? On peut parfaitement choisir de critiquer :
attention, il ne saurait s’agir de critiquer ledit aéroport — car l’opinion partisane est par définition
hors-sujet — mais de critiquer ce dispositif juridique spécialement inventé pour la cause, dans le
code de l’environnement, tout juste deux mois avant le vote. On ne s’attardera guère (puisque c’est le
programme du S2) à cet égard sur la méthode du Gouvernement, qui a utilisé la voie rapide de
l’ordonnance (art. 38 C) plutôt que la voie parlementaire de la loi.
La pensée de l’auteur du sujet — qui n’est qu’une opinion doctrinale et, donc, une suggestion
d’analyse et de plan — est que l’invention d’une telle consultation étatique (A) mais pas nationale
(B) est, d’une part, un opportun complément des référendums décidés par des élus locaux ou décidés
par le Président de la République (I) ; la seule vraie subtilité du texte, qu’on espérait à peine trouver
dans les copies, tient à la lecture a contrario de sa dernière ligne : si le « "référendum"
environnemental » n’est pas « décidé par le Président » mais l’est par décret, c’est qu’il l’est par le
Premier ministre. Opportune dans son principe notamment en ce que cette "consultation" n’est pas
décisoire — ce qu’on peut ne pas penser : voici une autre opinion (politique, mais non partisane) —
on peut cependant estimer, d’autre part, qu’elle ne l’est pas dans ses modalités : ces dernières sont
discutables (II) dès lors que ne sont concernés ni soit les seuls Français (si la souveraineté nationale
est en cause), soit (si l’affaire est locale) la totalité des habitants (A) et, en outre, que l’on prive la
participation (donc la démocratie ?) d’une de ses garanties qu’est le regroupement des scrutins, c’est-
à-dire des questions, à une même date (B)… comme le font les États-Uniens, ainsi que chacun le sait.

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