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er
1 semestre — épreuve du 15 novembre 2016
Disons le d’emblée : ce sujet est relativement difficile. C’est vrai d’abord en soi, dès lors que le texte
de l’ordonnance du 21 avril 2016 n’est pas d’une limpidité absolue (d’où notamment son
complément en italiques) ; c’est vrai surtout, ensuite, parce qu’il s’agit d’un cas volontairement éludé
tant en cours qu’en travaux dirigés : pédagogiquement, l’exercice consistait donc à confronter
l’inconnu au connu, sachant qu’on attendait des étudiant-e-s ce minimum de culture générale qui
supposait d’identifier le support de ce que les leaders politiques, la presse et les électeurs ont appelé
le « référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes » ; encore fallait-il, dira-t-on, savoir
où se situe la Loire-Atlantique…
Il se trouve, heureux hasard du calendrier, que la Cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la
veille de l’épreuve, le 14 novembre 2016, un nouveau recours dirigé contre ce projet de construction
aéroportuaire. Nul ne saurait l’ignorer, et surtout pas un étudiant en Droit : la Faculté, c’est
l’ouverture au monde et aux questions de sociétés. On pouvait piocher là matière à phrase d’attaque :
afficher d’emblée qu’on est (in)formé.
C’était donc d’abord un exercice de méthodologie : montrer qu’on a relié et montrer qu’on a bien lu.
La règle de base de ce type de commentaire est qu’on n’est évidemment pas interrogé sur ce que l’on
ne peut pas savoir (par exemple la signification et le régime juridique de la déclaration d’utilité
publique, étudiée en L2 et L3) mais qu’on l’est tout aussi évidemment sur ce que l’on doit savoir. Or
l’étude du droit de vote (notamment celui des étrangers) et du référendum est un des principaux
passages obligés de la théorie générale du droit constitutionnel.
Ces thèmes étant identifiés, le sujet — cela peut, voire cela doit, être dit dès son énoncé — consistait
à montrer que, juridiquement, le référendum sur l’aéroport Notre-Dame-des-Landes du 26 juin 2016
n’était pas un « référendum ». Dans le droit constitutionnel français positif, un référendum est en
effet un scrutin matériel (contrairement à l’élection, qui est personnelle) à l’issue décisoire
(contrairement à la consultation, dont il ne résulte en droit qu’un avis).
Plus un sujet est difficile, plus il convient de le traiter simplement. Lorsque la structure même du
texte à commenter donne celle d’un plan satisfaisant, autant ne pas s’en priver : en l’espèce,
l’ordonnance du 21 avril 2016 offre quatre articles qui formeront aisément quatre sous-parties
logiques. Il est de bonne méthode d’en dégager les idées fortes dès l’une des premières lectures et
l’analyse du sujet : ce seront les mots « L'Etat peut » et « leur avis » (Art. L. 123-20), « L'aire de la
consultation » (Art. L. 123-21), « électeurs de nationalité française » et « Union européenne » (Art.
L. 123-22) et, last but non least, « la date » et « la question posée » (Art. L. 123-23).
La problématique est la manière dont on choisit de répondre à la question posée par le sujet. Ici, que
penser du support du scrutin bas-ligérien de juin 2016 ? On peut parfaitement choisir de critiquer :
attention, il ne saurait s’agir de critiquer ledit aéroport — car l’opinion partisane est par définition
hors-sujet — mais de critiquer ce dispositif juridique spécialement inventé pour la cause, dans le
code de l’environnement, tout juste deux mois avant le vote. On ne s’attardera guère (puisque c’est le
programme du S2) à cet égard sur la méthode du Gouvernement, qui a utilisé la voie rapide de
l’ordonnance (art. 38 C) plutôt que la voie parlementaire de la loi.
La pensée de l’auteur du sujet — qui n’est qu’une opinion doctrinale et, donc, une suggestion
d’analyse et de plan — est que l’invention d’une telle consultation étatique (A) mais pas nationale
(B) est, d’une part, un opportun complément des référendums décidés par des élus locaux ou décidés
par le Président de la République (I) ; la seule vraie subtilité du texte, qu’on espérait à peine trouver
dans les copies, tient à la lecture a contrario de sa dernière ligne : si le « "référendum"
environnemental » n’est pas « décidé par le Président » mais l’est par décret, c’est qu’il l’est par le
Premier ministre. Opportune dans son principe notamment en ce que cette "consultation" n’est pas
décisoire — ce qu’on peut ne pas penser : voici une autre opinion (politique, mais non partisane) —
on peut cependant estimer, d’autre part, qu’elle ne l’est pas dans ses modalités : ces dernières sont
discutables (II) dès lors que ne sont concernés ni soit les seuls Français (si la souveraineté nationale
est en cause), soit (si l’affaire est locale) la totalité des habitants (A) et, en outre, que l’on prive la
participation (donc la démocratie ?) d’une de ses garanties qu’est le regroupement des scrutins, c’est-
à-dire des questions, à une même date (B)… comme le font les États-Uniens, ainsi que chacun le sait.