Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
- SAMABAC
Analyse du sujet
Les mots du sujet
Les deux mots à souligner ici sont « pouvoir » et « répressif »
Pouvoir : ce mot se dit en deux sens :
Les micro-pouvoirs sont dispersés, disséminés dans la société. Il s’agit du pouvoir de certains
individus sur d’autres (parents, professeurs, médecins, etc.), du pouvoir de certains organismes ou de
certaines institutions (asiles, prisons, casernes etc.), de certains discours (autrefois le discours du
prêtre qui définissait le bien et le mal, aujourd’hui celui du médecin qui définit le normal et le
pathologique etc.). Ces pouvoirs sont divers et n’ont pas forcément d’intérêt commun. Ils ont
tendance à s’opposer et la hiérarchie des pouvoirs ne suffit pas à régler tous les conflits. Il faut donc
un pouvoir supérieur qui fixe les droits et devoirs de ces différents groupes et possède les moyens de
les faire respecter.
Le pouvoir politique est ce pouvoir supérieur. Il est souverain c’est à dire qu’il ne saurait tolérer de
pouvoir au-dessus de lui. Il dispose du » monopole de la violence légitime » (Max Weber), exercé
par l’intermédiaire d’un appareil de coercition (police, gendarmerie, arsenal judiciaire etc.). C’est lui
qui octroie aux micro-pouvoirs une parcelle de pouvoir.
Si le pouvoir politique énonce la loi, les micro-pouvoirs énoncent des normes. Le pouvoir politique
est juridique quand les micro-pouvoirs utilisent des techniques.
infractions etc.). Mais il ne suffit pas qu’il y ait délit, résistance ou révolution pour qu’il y ait
répression, il faut en plus que le pouvoir réagisse, qu’il se défende, que, face à la violation des règles
qu’il a imposées, il punisse celui qui en est l’auteur de façon à rétablir sa loi. La répression a donc
deux conditions :
Le sens du problème
Les deux mots à entourer sont « nécessairement » et « tout ».
Nécessaire signifie ce qui ne peut pas ne pas être (attention à la double négation). Dire que le
pouvoir est nécessairement répressif, c’est dire qu’il ne saurait ne pas l’être, qu’il serait dans la
nature même du pouvoir d’être répressif et qu’on ne peut concevoir une forme de pouvoir qui ne le
soit pas. On ne demande pas si le pouvoir est répressif (il est évident que certains pouvoirs le sont)
mais si tout pouvoir l’est. Il s’agit donc de prendre en compte tous les pouvoirs possibles. Il ne suffit
même pas, pour répondre affirmativement à la question, de montrer que tous les pouvoirs existant
ou ayant existé sont ou ont été répressifs. Il faudrait pour cela montrer que tous les pouvoirs
concevables, pensables le sont. Par conséquent si je peux penser ne serait-ce qu’un seul pouvoir
(même n’ayant pas existé) qui ne soit pas répressif, la réponse à la question sera négative. En
revanche si je peux montrer que la notion même de pouvoir implique par sa nature la répression
alors je pourrais répondre affirmativement à la question.
Présupposé de la question
Il est présupposé que certains pouvoirs sont répressifs sinon on ne demanderait pas s’ils le sont tous
nécessairement.
https://samabac.com/tout-pouvoir-est-il-necessairement-repressif/ 2/10
30/11/2023 12:00 Tout pouvoir est-il nécessairement c? - SAMABAC
Réponse spontanée
Elle est affirmative. On a l’impression que tout pouvoir réprime parce qu’on voit mal ce que serait un
pouvoir qui ne réagirait pas à la désobéissance (serait-ce encore un pouvoir ?) et qu’on a du mal à
imaginer un pouvoir auquel tout le monde obéirait, ce qui rendrait la répression inutile.
Plan rédigé
I La fonction répressive du pouvoir.
Beaucoup de sociétés disposent d’un organe propre de décision que l’on appelle le pouvoir politique.
Or, si l’on se demande pourquoi cet organe existe, on peut penser qu’il a pour fonction même de
réprimer.
Quelqu’un enfreint la règle, la loi, imposée par le pouvoir. Il existe donc une violence première qui ne
vient pas du pouvoir lui-même mais des individus ou des groupes sur qui s’exerce ce pouvoir.
Le pouvoir, se sentant attaqué, va réagir en sanctionnant, en punissant celui qui a enfreint la loi. La
répression, c’est exactement cette sanction, cette punition qui frappe celui qui a violé la loi. Ainsi la
répression procède toujours du pouvoir. Seul il peut réprimer dans la mesure où seul il va vouloir
protéger les règles qu’il a édictées en punissant celui qui s’y soustrait.
On remarquera qu’il ne faut pas confondre l’oppression et la répression. Un pouvoir oppressif est un
pouvoir qui rend esclave ses sujets, qui leur fait violence même si ceux-ci sont obéissants. Un pouvoir
oppressif exerce une violence première envers ceux sur qui il s’exerce. L’oppression concerne tous
les sujets. La répression, au contraire, ne concerne que ceux qui désobéissent. Elle est une violence
seconde réagissant à une violence première.
https://samabac.com/tout-pouvoir-est-il-necessairement-repressif/ 3/10
30/11/2023 12:00 Tout pouvoir est-il nécessairement c? - SAMABAC
créer le pouvoir politique. Celui-ci va imposer la paix et la sécurité par la loi et sanctionnera le crime.
Son rôle est essentiellement répressif. Il est créé pour cela. Il permettra ainsi aux hommes de vivre
en bonne entente et, de ce point de vue, le despotisme lui-même est préférable à l’absence de
pouvoir dans la mesure où, grâce à lui, les hommes cessent de se faire la guerre.
Bien entendu la thèse de Hobbes suppose de se référer à un état de nature où les hommes sont
naturellement violents, ce qui est discutable. Il n’en reste pas moins vrai que tout pouvoir impose des
règles et réprime celui qui ne les respecte pas. Les hommes ne sont pas des saints. Éric Weil
soulignait qu’il n’y a pas de police au paradis, mais nous ne vivons pas au paradis. N’est-il pas
légitime que face à la violence des hommes, le pouvoir rétablisse le droit par une violence qui, pour
reprendre le mot de Max Weber est une violence légitime dont il a le monopole. Comme le montre
Hegel, le pouvoir instaure un droit valable pour tous dans la mesure où chacun est soumis à la loi.
Mais le droit est susceptible d’être violé. Le crime est la violation du droit. Or, dit Hegel, cette
violation exige le châtiment, la sanction (et donc la répression). Il ne s’agit pas de moraliser la peine
(du reste la morale ne parle pas de crime mais de mal) mais de dire que la peine est nécessaire pour
rétablir le droit. Le crime est la négativité première qui détruit le droit. La peine est négation de cette
négation. La sanction fait partie du droit : il s’agit du droit du criminel. Le criminel a le droit d’être
puni et c’est même lui faire l’honneur, en ne l’excluant pas totalement de la sphère du droit, de le
considérer comme un être doué de raison, libre, responsable de ses actes.
De ce point de vue donc, le pouvoir se doit d’être répressif. C’est par une sorte de légitime défense
que le pouvoir se doit de réprimer.
Il semble donc bien que le pouvoir politique soit toujours répressif. Nous ne devons pas nous étonner
qu’à côté des pouvoirs législatif et exécutif existe le pouvoir judiciaire dont la fonction est la
répression. L’État a bien le monopole de la violence légitime.
Mais le pouvoir ne fait-il que réprimer la délinquance ou le crime ? Ne va-t-il pas plus loin dans son
entreprise de répression ?
coercition (et donc de répression), car » on ne saurait obliger la majeure partie de la société à
travailler pour l’autre sans appareil coercitif permanent » (Lénine).
Dès lors le rôle du pouvoir politique n’est pas tant de réprimer le crime (même s’il le fait aussi)
puisqu’il existe des sociétés sans pouvoir politique où le crime est cependant réprimé, mais de
réprimer tout ce qui mettrait en péril un certain ordre social et économique. Par exemple, le pouvoir
féodal avait pour but de maintenir la division serf / seigneur et de réprimer tout ce qui mettrait cette
division en péril. Quant à l’État actuel, il aurait pour but de maintenir le régime capitaliste et de
réprimer tout ce qui menacerait ce système. On pourrait ici citer de nombreux exemples : les
massacres de juin 1848, ceux qui suivirent la Commune de Paris, le dimanche sanglant de mai 1905 à
Petrograd, Charonne etc. Chaque fois que le système est en péril, le pouvoir politique réplique par la
répression, parce qu’il est là pour cela : c’est sa fonction même.
Il semble bien que tout pouvoir au moins politique soit répressif. Cependant, nous avons dit qu’il y a
répression là où il y a désobéissance à la règle et sanction. Ne peut-on envisager des situations où
l’une au moins de ces deux conditions n’existerait pas, sinon dans le domaine des pouvoirs ayant
existé, au moins dans celui des pouvoirs concevables, imaginables ?
https://samabac.com/tout-pouvoir-est-il-necessairement-repressif/ 5/10
30/11/2023 12:00 Tout pouvoir est-il nécessairement c? - SAMABAC
l’existence de racines sociales à l’origine de la délinquance se sont efforcés de construire des cités
parfaites où les causes des délits (misère, pauvreté, solitude etc.) n’existeraient plus et où, par
conséquent, nul crime ne serait plus possible. La société serait tellement bien agencée que tous se
convaincraient aisément de son bien fondé, de sa contribution au bonheur humain et nul n’aurait
même l’idée de commettre quelque délit qui compromettrait ce bonheur ou qui remettrait en cause
une organisation aussi parfaite.
Les penseurs de ce genre d’utopie n’ont pas manqué dans l’histoire. Le premier est d’ailleurs Platon
qui construit une république où tout est harmonieux et bien agencé. Aux yeux de Platon « nul n’est
méchant volontairement. » Celui qui recourt à la violence est un ignorant et le criminel fait sans le
savoir son propre malheur. On ne peut être heureux que si l’on respecte la raison et par conséquent
des lois raisonnables. Mais il ne saurait y avoir d’hommes raisonnables sans société raisonnable.
Ainsi la cité parfaite, la cité juste, sera celle aussi où les hommes seront justes c’est à dire où chacun
sera à sa place et exercera sa tâche. Nul n’essaiera de transgresser l’harmonie sociale puisque tous
seront contents de leur sort et auront conscience de vivre dans la meilleure cité possible. Dans une
telle société la désobéissance (et donc la répression) n’existe pas. Le pouvoir politique (exercé par
les philosophes rois) n’est pas répressif. C’est un pouvoir exercé par des sages, des hommes
raisonnables qui n’exercent pas, par conséquent, la violence (la répression).
Le modèle platonicien n’est pas le seul modèle possible de société où le pouvoir serait non répressif.
On a pu imaginer d’autres sociétés fondées sur le bonheur individuel de telle sorte que nul ne songe
à se révolter. On peut songer aux thèses de Babeuf, des socialistes utopiques comme Fourier. Tous
rêvent d’une société harmonieuse.
Enfin, on pourrait envisager une société où tous seraient non seulement heureux mais aussi sages.
Imaginons une société où n’existent que des hommes raisonnables qui, s’assemblant ensemble, se
donnent des lois justes. Ici encore, ils seraient tous d’accord pour les suivre. Il n’y aurait nulle
désobéissance et donc nulle répression. Ce serait une sorte de démocratie idéale. Une telle utopie
existe chez un auteur de science-fiction, Van Vogt, dans le cycle des Ã. Il imagine une société idéale
installée sur Vénus où ne vivent que des gens raisonnables (ils sont sélectionnés pour cela) et où la
police n’a plus lieu d’exister.
Avons-nous donc découvert ce pouvoir non répressif que nous cherchons ? Ce n’est en fait nullement
le cas. Nous sommes ici dans l’hypothèse des penseurs utopistes mais une des caractéristiques de
l’utopie est qu’il n’y existe pas de pouvoir à proprement parler : l’utopie participe d’un refus de tout
ordre proprement politique et est incompatible avec la notion même d’un pouvoir constitué. Ainsi,
dans aucune utopie on ne rencontre d’institutions proprement politiques. Tout au plus y trouvent-on
des magistrats qui s’emploient à gérer la production, à surveiller l’éducation des jeunes gens, à
organiser les fêtes etc. Aucune instance ne détient l’autorité souveraine c’est à dire le pouvoir de
faire des lois, de modifier celles qui existent et de les faire exécuter. Une telle autorité ne servirait
d’ailleurs à rien parce que dans l’utopie les lois existent pour toute éternité, ne sont pas amendables
puisqu’elles sont parfaites. Les utopies n’ont pas besoin de pouvoir mais seulement d’une
administration. Ces sociétés sans répression sont aussi des sociétés sans pouvoir.
Quant à l’ultra démocratie envisagée par Van Vogt, il s’agit d’une société sans État c’est à dire sans
pouvoir. Des hommes raisonnables se conduisent selon la raison sans qu’on le leur dise. Il n’est pas
https://samabac.com/tout-pouvoir-est-il-necessairement-repressif/ 6/10
30/11/2023 12:00 Tout pouvoir est-il nécessairement c? - SAMABAC
besoin de leur imposer des lois à respecter : la loi est en eux. Nous n’avons pas trouvé un pouvoir
non répressif.
https://samabac.com/tout-pouvoir-est-il-necessairement-repressif/ 7/10
30/11/2023 12:00 Tout pouvoir est-il nécessairement c? - SAMABAC
d’exclusion leurs officiants et leurs ouailles. Il ne s’agit donc pas de pouvoirs non répressifs.
Néanmoins la répression n’est pas ici dominante. Les AIE utilisent la répression parce qu’une classe
ne peut se maintenir au pouvoir sans utiliser l’arme idéologique.
Chacun des AIE fonctionne selon ses propres modalités. Par exemple, l’AIE d’information gave les
citoyens de nationalisme, de libéralisme etc., l’appareil culturel dispense le chauvinisme (exemple du
sport), l’appareil religieux dit de s’aimer les uns les autres etc. Selon Althusser l’AIE dominant
autrefois était l’Église. Aujourd’hui, c’est l’école. Elle enseignera non seulement des techniques, des
savoir-faire mais aussi les règles du bon usage que chacun doit avoir dans son poste pour que le
capitalisme demeure. On enseignera aux futurs ouvriers la conscience professionnelle et aux futurs
cadres comment bien commander.
Ainsi, si le pouvoir politique est surtout répressif, les autres pouvoirs sont davantage idéologiques.
L’idéologie est un moyen plus subtil (parce qu’inconscient) et donc plus efficace d’assurer le maintien
en place du pouvoir.
détermine par la loi les droits et devoirs des uns et des autres ? Quoi qu’il en soit, le pouvoir central a
besoin des micro-pouvoirs pour subsister.
Conclusion
S’il semble bien que le pouvoir soit surtout répressif, il ne saurait être seulement cela. Le pouvoir
politique règne par la répression mais il arbitre les micro-pouvoirs qui, eux, sont productifs, qui
agissent par l’idéologie. Un pouvoir non répressif serait un pouvoir qui ne marcherait qu’à l’idéologie
et qui ne serait que productif. Il aurait plus d’efficacité et serait le totalitarisme par excellence, la
perfection du pouvoir. Un pouvoir parfait n’a plus besoin de réprimer parce qu’il serait l’oppression
par excellence. Peut-on envisager un pouvoir exempt d’oppression ou la liberté suppose-t-elle
l’absence de pouvoir ? Si la perfection du pouvoir réside dans l’ultra totalitarisme sommes-nous pour
autant autorisés à penser que l’ultra démocratie est dans l’abolition du pouvoir ?
sos philosophie
https://samabac.com/tout-pouvoir-est-il-necessairement-repressif/ 10/10