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M.

Gareche / Cours de Mécanique des Fluides en Milieux Poreux 2020‐2021

Chapitre 3

Phénomènes de capillarité

Comme, nous l’avons indiqué en introduction, nous nous intéressons aux milieux poreux en
fonction des fluides qui sont susceptibles d’occuper l’espace poreux et des phénomènes de
transport et transfert qui les affectent. Lorsque deux (ou plusieurs) fluides immiscibles se partagent
l’espace poreux, leur distribution spatiale est gouvernée par les phénomènes capillaires. On
désigne par là les effets de la tension interfaciale qui règne dans les couches moléculaires qui
constituent la frontière entre deux fluides ou entre un fluide et la paroi solide, et les propriétés de
mouillage du solide qui en découlent. Il est donc clair que la morphologie de l’espace poreux est
l’élément structurant de la distribution spatiale des phases fluides en son sein, avec tout ce qui en
découle pour les phénomènes de transport et de transfert.

L’espace poreux peut être totalement occupé par un fluide unique. C’est le cas par exemple
dans les nappes phréatiques. Les hydrologues parlent alors de milieu poreux saturé. Du point de
vue des états d’équilibre, il y a peu à dire sur les poreux saturés, sinon que la loi de l’hydrostatique
s’applique au fluide et détermine la répartition spatiale de la pression. Les choses sérieuses
commencent lorsque deux fluides immiscibles se partagent l’espace poreux (nous nous limiterons
à deux). Ils peuvent être tous deux liquides, comme c’est le cas par exemple dans la récupération
secondaire du pétrole, où l’on chasse le pétrole en injectant de l’eau dans la roche. L’espace
poreux peut également être partagé entre un liquide et le vide. L’un des deux fluides peut être un
gaz, comme dans de très nombreuses situations dans le milieu naturel, où on a affaire au couple
eau (plus ou moins pure) et air atmosphérique contenant de la vapeur d’eau sous pression partielle
plus ou moins élevée.
Le sujet de l'écoulement multiphase immiscible est traité ici en deux parties: on discute d'abord
des principes de l'hydrostatique qui contrôle la répartition à l'équilibre des fluides immiscibles
immobiles dans les milieux poreux, pour ensuite traiter plutard de l'hydrodynamique qui décrit
l'écoulement simultané des fluides immiscibles.

1- Tension interfaciale

La tension interfaciale (, N/m) est l'énergie (travail) requise pour créer une nouvelle unité de
surface à l'interface entre deux fluides immiscibles. On distingue la tension interfaciale, qui est
présente entre deux fluides immiscibles, de la tension de surface, qui se produit entre un liquide et
sa vapeur.
dx

S dS

Fig. 1- Définition de la tension interfaciale.

Pour créer une unité d'aire dS, on exerce une force F sur une distance dx:

dW = σ dS (1)
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Cette interface résulte du déséquilibre des forces d'attraction entre les molécules différentes au
contact des deux fluides immiscibles (fig. 2). Lorsque l'un des deux fluides est complètement
entouré par l'autre fluide, il formera une sphère puisque c'est la forme qui minimise la surface entre
les deux fluides et ainsi minimise l'énergie de surface.

Interface
Phase 1 Phase 2

Fig. 2- Causes moléculaires de la tension interfaciale.

Lorsqu'une interface entre deux fluides immiscibles est courbe, la pression est toujours plus élevée
du côté concave par une valeur qui dépend de la tension interfaciale et de la courbure de
l'interface. Ce phénomène résulte du fait que le déplacement de l'interface courbe implique une
augmentation de la surface entre les deux fluides immiscibles et un travail doit être fait pour créer
cette nouvelle surface. Ainsi, la tension interfaciale peut être mesurée par la pression qui doit être
exercée dans un tube capillaire placé à l'interface de deux fluides immiscibles pour briser cette
interface (injecter des bulles du fluide léger dans le fluide plus dense) (fig. 3).

Air

Capillaire
P

P0

Eau P0

Fig. 3- Mesure de la tension interfaciale par un tube capillaire.

À la figure 3, on représente un tube capillaire placé à l'interface entre de l'eau et l'atmosphère. La


pression au-dessus et au-dessous de l'interface est la même lorsque celle-ci est plane et est alors
égale à la pression atmosphérique plus la pression de vapeur au-dessus de l'interface P0. Si on
applique une pression P sur l'interface dans le tube capillaire, une bulle d'air se forme à la base du
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tube. Lorsque la bulle devient instable presque au point de se briser, sa forme est hémisphérique
avec un rayon R. La surface de la bulle S est alors de 2R2 et, si le rayon est augmenté à R+dR,
l'augmentation de la surface sera de:
dS = 4 π R dR (2)
et le travail dW requis pour créer cette surface dépend de la tension interfaciale:

dW = 4 π σ R dR (3)

Maintenant, on détermine le travail exercé par la différence de pression (P-Po). La force nette
exercée sur un élément de surface dS de l'hémisphère est de [(P-Po) dS]. Le travail (F d) résulte
du déplacement dR de l'interface fait par cette force, soit [(P-Po) dS dR]. Le travail total sur
l'ensemble de l'hémisphère est obtenu en substituant dS par l'aire totale :

dW = (P – P0) 2 π R2 dR (4)

Le travail fait par la différence de pression est égal au travail fait par l'augmentation de la surface
contre la tension interfaciale. Le rayon R de l'hémisphère est aussi égal au rayon du tube capillaire
r, de sorte que l'on obtient la relation:

4 π σ R dR = (P – P0) 2 π R2 dR (5)

(P – P0) = 2 σ/R = 2 σ/r (6)

La table1 donne des valeurs typiques de tension interfaciale pour quelques systèmes. Dans la
pratique, la tension interfaciale est déterminée par l’une des trois méthodes suivantes :

1) La goutte en rotation (spinning drop):  par la déformation d'une sphère de liquide immiscible en
rotation.
2) La goutte sessile (sessile drop):  par la forme d'une goutte isolée en contact avec un solide.
3) La goutte pendante (pending drop):  par la forme d'une goutte attachée à une seringue.

Table 1- Valeurs typiques de tension interfaciale 

Systèmes de fluides σ (x10-3 N/m) T (oC)


Eau-Air 76 0
Eau-Air 73 20
Eau-Air 59 100
Eau savonneuse-Air 25 20
Sang-Air 58 37
Mercure-Air 465 20
Alcool-Air 22 20
Eau-huile 30 -
Huile-Air 20-50 -
Verre-Air 200-300 -

2- Mouillabilité

La mouillabilité est la tendance relative d'un fluide à s'étendre ou à adhérer à une surface solide en
présence d'un autre fluide immiscible. Dans un système huile-eau-solide, on distingue plusieurs
types possibles de mouillabilité dont voici les définitions.

• Mouillabilité à l'eau, à l'huile, intermédiaire: exprime l'attraction relative de l'eau ou de l'huile pour
les surfaces solides. Quand l'attraction de l'eau et de l'huile pour les surface minérales est la
même, on parle de mouillabilité intermédiaire (ou neutre).
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• Mouillabilité uniforme (ou homogène): se rencontre lorsque toutes les parties du milieu poreux ont
la même attraction pour les fluides présents. Cette condition implique la présence de surfaces
solides d'énergie égale dans tout le milieu poreux. Cette situation n'est pas réaliste pour les milieux
géologiques mais peut être présente dans certains matériaux poreux artificiels.
• Mouillabilité mixte: lorsque différentes parties du milieu poreux ont différents degrés ou types de
mouillabilité. Cette condition est la plus probable dans les réservoirs pétroliers.
• Mouillabilité complète: se dit d'un fluide qui recouvre (mouille) entièrement et également toute la
surface des pores (angle de contact de 0º ou 180º). On suppose souvent que l'eau mouille
complètement les pores lorsqu'elle est en présence d'air.

Plusieurs facteurs contrôlent le type de mouillabilité présent entre l'huile et l'eau:


1) le type de surfaces solides (minéralogie, charge, énergie, géométrie, rugosité),
2) la composition des fluides (asphaltènes, acides, métaux traces, contenu en gaz),
3) les conditions de température et de pression.

2.1- Equilibre au contact de trois fluides


Déposons une petite quantité de liquide 2 sur
un autre liquide 1 plus dense. L’ensemble des
points de contact avec les deux liquides et l’air air
forment une ligne, dite ligne triple. Intéressons σ23 liquide 2
nous aux forces capillaires s’exerçant sur cette σ13
ligne triple. L’équilibre n’est possible que si la θ θ
résultante des forces capillaires peut s’annuler
ce qui définit l’angle de contact θ : liquide 1 σ12

σ12 + σ23 + σ31 = 0

Où le vecteur σij = dFij/dl désigne la densité linéique de force capillaire. Cet équilibre suppose que
l’on puisse former un triangle (dit triangle de Neumann) avec les trois vecteur σij ce qui n’est
possible qu’à condition que chaque tension de surface soit inférieure à la somme des deux autres.
Dans le cas contraire, le liquide 2 s’étale sur le liquide 1 : on dit qu’il y a mouillage total.
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2.2- Equilibre d’un liquide au contact d’un solide


Déposons une goutte de liquide sur un support plan. En général, le liquide adopte la forme sur la
figure ci-dessous, résultat d’un compromis entre le poids de la goutte et les forces capillaires qui
tendent à minimiser l’aire de la surface libre. Puisque chaque système tend vers une énergie
minimale, une goutte d'eau aura tendance à déplacer l'air d'une surface de verre et à la mouiller
puisque la tension interfaciale entre le verre et l'eau est moindre qu'entre le verre et l'air. De façon
générale, les gaz (l'air ou la plupart des gaz) ne sont pas les fluides mouillants par rapport aux
liquides (eau et huiles) sur les minéraux.

A l’équilibre, la résultante des forces capillaires en un point de la ligne triple s’annule.


σow

Huile
θc Eau θc θc
σos Surface
σws Eau Huile

Fig.4- Angle de contact et tension interfaciale (Craig, 1971).

Dans un système huile(o)-eau(w)-solide(s), on a la relation suivante projetée sur le plan de la


surface du solide :
σos – σws = σow cos θc (7)

C'est l'équation de Young-Dupré trouvée en 1805, qui exprime la relation entre les tensions de
surface  et la mouillabilité relative des fluides pour le solide représentée par l'angle de contact c
(figure 4).
Dans les réservoirs pétroliers, on croit que l'eau est originalement le fluide mouillant mais que
l'huile peut devenir le fluide mouillant par la déposition de résidus d'hydrocarbures sur les parois
des pores ou la présence de molécules chargées dans l'huile (ou l'eau). Dans les cas des
épanchements d'hydrocarbures dans les aquifères, il y a relativement peu de temps pour que les
surfaces des pores soient modifiées et les hydrocarbures devraient être non mouillants surtout si le
minéral dominant est le quartz. La présence de calcite peut parfois provoquer des conditions où
l'eau est non mouillante parce que la surface de la calcite est chargée positivement tandis que la
surface du quartz (et autres silicates) est chargée négativement.

3- Capillarité
La pression capillaire est définie comme la différence de pression générée à travers une interface
courbe entre deux fluides immiscibles.
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La pression capillaire dans un milieu poreux est définie comme la différence de pression entre les
deux phases fluides immiscibles à leurs interfaces lorsqu'elles sont distribuées sous un équilibre
statique dans le milieu (figure 5a):
Pc = P1 – P2 (8a)

P1

P2
b) Milieu poreux
a) Tube capillaire

Fig. 5- Définition de la pression capillaire

Dans les cas de systèmes avec une phase d'eau (w) en présence d'huile (o) ou de gaz (g), on a les
relations suivantes pour la pression capillaire:

Eau-huile : Pc = Po - Pw
Eau-gaz : Pc = Pg - Pw (8b)

L'équation de Laplace relie la pression capillaire Pc à la tension interfaciale  qui existe entre les
deux fluides immiscibles et les rayons de courbures principaux de l'interface des deux fluides
immiscibles, r1 et r2 (figure 5b):

1 1
Pc      (9)
 r1 r2 

Le rayon de courbure moyen de l'interface R est défini comme suit:

1 1 1 1 
    (10)
R 2  r1 r2 

En combinant les relations (9) et (10) on obtient l’équation de Young-Laplace :

2
Pc  (11)
R

Le rayon de courbure moyen R demeure constant en tous points de l'interface pour une pression
capillaire donnée. Dans un tube capillaire, l'interface entre les fluides immiscibles est supposée
sphérique (r1=r2). On a la relation suivante entre le rayon de courbure de l'interface R, le rayon du
tube capillaire rc et l'angle de contact c (Loi de Young):
rc
R (12)
cos c
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La pression capillaire dans un tube capillaire est donc (figure 6):

2 cos c
Pc  (13)
rc

Lorsque cette expression est utilisée pour représenter la pression capillaire dans les milieux
poreux, cela implique que ceux-ci sont représentés par un ensemble de tubes capillaires dont la
distribution des rayons est contrôlée par la géométrie des pores et la texture du milieu.

Huile

R
θ h
r
θ
Eau

Fig. 6- Pression capillaire pour un tube capillaire.

La pression capillaire peut aussi être dérivée de la hauteur de remontée du fluide mouillant dans le
tube capillaire h et de la différence de densité  entre les fluides immiscibles (figure 6), où g est
l'accélération gravitationnelle:

Pc = ∆ρ g h (14)

Dans le cas d’une bulle, l’expression (11) devient :

4
Pc  (15)
R

Le facteur 4 est dû au fait que la bulle de savon présente deux interfaces liquide-gaz. Ainsi la
surpression est d’autant plus importante que la courbure moyenne C= 2/R est importante.
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3.1- Loi de Laplace-Young

La généralisation à une géométrie quelconque est donnée par la loi de Laplace-Young qui stipule :
la différence de pression entre deux milieux non miscibles séparés par une interface de tension
superficielle σ est donnée par :

1 1
P1  P2     
 r1 r2 

Où r1 et r2 sont les rayons de courbures principaux de la membrane au point considéré. Ces rayons
sont définis positifs quand le rayon de courbure est du côté du milieu 1. Dans le cas d’une interface
sphérique, ces deux rayons de courbure s’identifient au rayon de la sphère.

Ordre de grandeur :

Pour une bulle de savon de rayon R~ 1 cm et σ = 25.10-3 N/m, on obtient ∆P~10 Pa.
Pour faire de grosses bulles, il faut fournir beaucoup d’énergie (surface importante) et générer une
faible surpression; il faut donc souffler tout doucement et longtemps.

3.2- Rôle des tensio-actifs

Les tensio-actifs (ou surfactants) sont des molécules amphiphiles qui possèdent à la fois une partie
hydrophile (une tête ionique par exemple) et une partie hydrophobe (une chaîne aliphatique). Cette
double affinité attire ces composés vers les interfaces eau/huile ou eau/air. Lorsqu’un tensioactif
est ajouté à de l’eau il vient se placer immédiatement à la surface, avec la queue hydrophobe
pointant à l’extérieur de la surface. Ce processus s’accompagne d’une stabilisation de la surface et
donc d’une chute de la tension superficielle.
Les tensio-actifs sont le principal ingrédient des lessives, savons ou liquides vaisselle. Ils sont
également largement utilisés pour stabiliser suspensions et émulsions.

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