Chroniques lémuriennes 2

Achevé d’imprimer en janvier 2020

Imprimé en Italie par Pixartprinting
Dépôt légal : janvier 2020
ISBN 979-10-96814-03-9

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction strictement réservés.

« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, au terme des alinéas 2 et 3 de l’article
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Ludospherik Éditions
400 impasse des Drabons
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www.ludospherik.fr

2
 Le Dieu voilé
Barbarians of Lemuria
Crédits
Le Dieu voilé (Chroniques Lémuriennes 2) est une publication des
éditions Ludospherik, tous droits réservés, pour Barbarians of Lemuria,
le jeu de rôle de Sword & Sorcery.

Équipe éditoriale : Vincent Basset, Pascal Montagna, Frédéric Mouysset,

Arnaud Prié, Emmanuel Roudier et Andrea Salvatores.
Coordination éditoriale : Vincent Basset.
Auteurs : Vincent Basset (Satarla & Halakh, Les druides gris, Le Dieu voilé
avec la collaboration d’Arnaud Prié et Andrea Salvatores), Pascal Montagna (L’astrologue),
Frédéric Mouysset (Chapitre 3 : Le dieu dévoilé ) et Andrea Salvatores (Urceb).
Illustration de couverture : Emmanuel Roudier.
Illustrations intérieures, cartographie & maquette : Emmanuel Roudier.
Relecture : Vincent Basset, Michaël Croitoriu, Julien Drouet,
Félix Huet, Arnaud Prié, Olivia Roudier et Andrea Salvatores.

Playtest des aventures : Paul-Marie Alessandra, Lionel Beaupère, Stéphane Becker,

Michaël Croitoriu, Julien Drouet, Laurent Girodengo, Lou Honnart, Félix Huet,
Nathalie Huet, Philippe Joye, Sandy Julien, Philémon Lestra, Mélusine Nesme-Hamant,
Philéas Nesme-Hamant, Cédric Nicolas, Frédéric Mouysset, Julien Mouysset,
Olivia Roudier et Justin Simon.

Barbarians of Lemuria, Mythic edition, est un jeu de Simon Washbourne.

© Beyond Belief Games.

3
Table des matières

Table des matières

Nouvelle carrière : l'astrologue 5

Géographie de la Lémurie
Satarla 12
Halakh 24
Cultes de la Lémurie : les druides gris 33
Urceb 36

La saga du Dieu voilé 44

Introduction : La colère de Nemmereth 52
Chapitre 1 : L’oracle de Nemmereth 61
Chapitre 2 : Envolé le Corbeau ! 86
Chapitre 3 : Le dieu dévoilé 114
Chapitre 4 : Quand tombent les masques 140
Chapitre 5 : L’île de Kryphondus 166

Liste des aides de jeu

Aide de jeu I : L’oracle de Nemmereth 83
Aide de jeu II : Lettre d’Almar de Chebeg 113
Aide de jeu III : Bas-reliefs du sanctuaire de Kryphondus 134
Aide de jeu IV : Lettre de Chirzmar d’Urceb à Varana 164
Aide de jeu V : Chronologie récapitulative de la saga 195
Aide de jeu VI : Carte de l’île de Kryphondus 196
Aide de jeu VII : Profils des soldats de la nef volante 197

Les différentes aides de jeu ainsi que les plans des lieux importants sont disponibles
en téléchargement gratuit à l’adresse suivante :
http://www.ludospherik.fr/content/15-barbarians-of-lemuria-telechargements-et-liens

N.B. Les renvois aux autres ouvrages de la gamme sont indiqués comme suit :
BoL : Barbarians of Lemuria, livre de règles
ChL : Chroniques lémuriennes

4
 Nouvelle carrière
l'Astrologue
Lorsque les dieux veulent communiquer avec
les hommes, ils utilisent le plus souvent les
rêves ou les oracles. Mais leurs messages sont
généralement abscons, énigmatiques, mystérieux.
Pour les déchiffrer, il est nécessaire de faire appel
aux talents d’un voyant, d’un devin ou de quelque
autre interprète des volontés célestes. Encore
faut-il que les dieux aient le désir de révéler leurs
secrets aux simples mortels. La plupart du temps,
ils préfèrent s’amuser à fourvoyer les malheureux
plutôt que de tenter de les sauver de leur destin
tragique. En effet, les prêtres affirment que l’avenir
est écrit et que les dieux connaissent le début et la
fin de toute chose.
L’astrologie naquit lorsque les hommes, anxieux
de connaître leur sort sans devoir attendre la
bonne volonté des dieux, levèrent les yeux vers
leur domaine et scrutèrent les signes qui s’y
manifestaient. Car Hurm arbitre le destin de tout
être et de toute chose, et Sa’Tel a consigné les
décrets du roi des dieux sur la voûte céleste. Ils
découvrirent ainsi que le destin pouvait se laisser
augurer dans les étoiles du firmament, à condition
de savoir interpréter les conjonctions et les transits
des astres, et de connaître la signification de chaque
corps et phénomène célestes. Mais il n’est pas
donné à tout le monde de pouvoir déchiffrer les
Glyphes sacrés que constituent les constellations.
Les sages capables de lire l’avenir dans les
étoiles sont désignés sous le nom d’astrologues.
Leur art consiste à établir des cartes du ciel et à en
donner une interprétation afin de révéler le destin
d’un individu et le sort que lui réservent les dieux,
par exemple à l’occasion d’un voyage, d’un choix
à faire, d’une tâche à entreprendre. Qu’ils soient
princes, généraux, marchands, aventuriers ou
simples paysans, tous consultent des astrologues,
car même le héros le plus brave peut hésiter devant
une quête en apparence impossible, à moins
d’avoir l’assurance que les dieux lui souriront.
5
L'Astrologue
Attributs : étudier les conjonctions et analyser
le mouvement des astres requièrent une solide
érudition et une intelligence pénétrante. Tout
personnage voulant se lancer dans cette carrière
aura donc intérêt à privilégier l’esprit. Mais
pour l’astrologue qui serait moins doué dans
l’établissement d’un thème astral précis, une
bonne aura permettra d’énoncer des prédictions
avec conviction, même si lui-même n’est pas
vraiment certain de leur fiabilité…
À l’aventure : quitter son observatoire pour
parcourir des centaines de lieues, affronter des
dangers, risquer de se faire capturer et réduire
en esclavage ? Parfois la connaissance est à ce
prix. Même si un astrologue a plutôt tendance à
vouloir rester en ville pour vendre ses horoscopes
et examiner le ciel, il est des événements qui
ne peuvent s’observer qu’à un endroit et à un
moment précis. De plus, un groupe ne refusera
probablement pas la présence d’un astrologue
suffisamment doué pour déterminer si les
conjonctures sont favorables avant de s’engager
dans quelque périlleuse expédition.
Combat : pour sauver sa vie, un astrologue
en situation critique fera comme la plupart des
gens sensés : il cherchera à se cacher ou à fuir. Et
surtout, jamais il ne se risquera à provoquer une
réaction qui pourrait entraîner un affrontement
physique. À moins, peut-être, que son horoscope
ne lui prédise une issue favorable !
Idées d’avantages : amis haut placés, beau
parleur, bibliothèque savante, érudit, laboratoire
fourni, savant.
Idées de désavantages : chétif, distrait, foie
jaune, gars de la ville, non-combattant, obsession,
souffreteux.
L'Astrologue
Les astrologues
La création du ciel
Longtemps avant l’âge des Rois-Sorciers, avant
même que les sandales des premiers hommes
ne foulent la terre de Lémurie, Hurm, assis sur
son trône céleste, psalmodiait ses ordres qui
précisaient à chaque élément sa place dans le
grand ordonnancement de l’univers. Chaque
sentence était ponctuée d’un coup donné sur
la cloche qu’il brandissait dans sa main gauche.
C’est ainsi qu’il créa l’orbe solaire et confia à
Zalkyr le soin de régner sur tout ce qu’il éclairait.
À Fillana, il octroya de commander sur tout ce
que la lumière de Zalkyr ne pouvait atteindre.
Lorsqu’il eut achevé son agencement divin, il
continua de frapper sur sa cloche pour ponctuer
la marche du temps.
Mais Fillana était mécontente, car son domaine
se réduisait aux ombres et aux gouffres. Elle
protesta alors auprès de Hurm pour lui demander
un partage plus équitable. Celui-ci décida que
le Soleil se coucherait sous la Terre lorsque
sonnerait sa cloche, laissant les ombres s’étendre
sur le monde afin de permettre à Fillana de régner
sur la nuit, en exposant selon ses caprices la Lune,
le plus beau des joyaux que lui avait offert le dieu
Sa’Tel. Puis lorsque sonnerait la cloche à nouveau,
Zalkyr reviendrait, triomphant, brandir l’orbe du
jour éclatant.
Tout cela fut scrupuleusement gravé sur la voûte
céleste en lettres étincelantes par le dieu Sa’Tel,
qui y inscrivit également le rôle que devait jouer
chaque divinité dans l’organisation du monde
édictée par Hurm. Ainsi naquirent les étoiles,
dont l’agencement forme les Glyphes de Sa’Tel,
les constellations.
6
Ce savoir intéressa très tôt les Rois-Sorciers,
qui découvrirent que chaque déité pouvait
avoir une influence particulière sur le destin des
hommes, en fonction de l’emplacement de l’astre
qui la représente dans les Glyphes de Sa’Tel. Ces
présomptueux qui aspiraient à s’élever au rang de
dieux étudièrent longtemps l’alphabet des cieux,
et usèrent des connaissances que leur apportait
l’astrologie dans leur ambition démente et
sacrilège d’évoquer Hadron, le Seigneur Sombre.
Les plus sages d’entre eux sombrèrent dans la
folie lorsqu’ils comprirent toute l’aberration de ce
projet qui ne pouvait qu’entraîner leur ruine.
Après que Hrangarth eut rejeté Hadron dans
les ténèbres glaciales du Néant, Hurm ordonna
à Sa’Tel de tourner les pages du Grand Livre
de la voûte céleste de sorte que les Glyphes n’y
apparaissent plus tous en même temps, et il
confia à Piandra l’inconstante le soin de gérer le
mouvement des astres et des objets célestes afin
d’empêcher les mortels de pouvoir lire clairement
les intentions des dieux.
L’  on raconte que seul Knothakon est capable
de réciter par cœur toutes les pages du Grand
Livre de la voûte céleste, et ses prêtres ont
toujours considéré d’un œil favorable la science
astrologique.
Utiliser l’astrologie
Les prédictions de l’astrologue se font par
l’intermédiaire d’un horoscope qu’il établit en
observant le ciel nocturne afin de tenter de
savoir ce que les dieux réservent à un individu
ou une communauté. L’horoscope, qui prend la
forme de diagrammes et de symboles notés sur
un parchemin, une tablette de cire ou tout autre
support, doit ensuite être interprété comme
il convient par l’astrologue, afin d’établir une
prédiction la plus fiable possible. Cet horoscope
est lisible et compréhensible par n’importe quel
autre astrologue, qui peut tenter de le déchiffrer
en réussissant un jet d’esprit + astrologue.
L’art de l’observation
Pour établir un horoscope, il faut pouvoir
prendre le temps d’observer le ciel étoilé. En
apparence immuable, tout y est, en fait, en
mouvement. Différents objets célestes traversent
le ciel, des phénomènes étranges et lumineux
y apparaissent parfois, et même les Glyphes
de Sa’Tel peuvent changer d’une nuit à l’autre
lorsque le dieu tourne les pages de la voûte
cosmique. Enfin, deux luminaires, la Lune et le
Soleil, occultent partiellement ou totalement le
ciel de Lémurie aux différentes heures de la nuit
ou du jour.
Chaque corps céleste possède une symbolique et
chaque Glyphe une signification que l’astrologue
ne peut pas se permettre d’ignorer s’il souhaite
établir un horoscope fiable. Certains possèdent
une influence bénéfique tandis que d’autres
présentent une influence néfaste. Un astrologue
devra donc consacrer du temps à étudier
l’emplacement de tous ces astres afin d’analyser
leurs interactions.
Il existe deux écoles d’astrologues. Il y a ceux
qui pensent que Sa’Tel a déjà tout écrit et qu’il
serait possible de prévoir l’avenir avec précision si
l’on avait accès à un ciel limpide toutes les nuits,
en recensant soigneusement les pages du Grand
Livre de la voûte céleste. D’autres professent au
contraire que Sa’Tel continue d’écrire les pages et
que parfois il en laisse apparaître de nouvelles qui
n’ont encore jamais été observées.
7
Définir le ciel de Lémurie
Piandra règne sur le mouvement des astres et
L'Astrologue
ceux-ci peuvent se retrouver à des endroits du ciel
totalement différents d’une nuit à l’autre. De plus,
Sa’Tel ne laisse pas apparaître les mêmes Glyphes
suivant la page du Grand Livre qu’il a décidé de
dévoiler.
Avant que l’astrologue ne tente d’établir un
horoscope, il faut définir la nature du ciel au
moment de sa prédiction, c’est-à-dire déterminer
si les constellations et les conjonctions actuelles
sont globalement bénéfiques ou maléfiques pour
l’objet de l’horoscope. Pour ce faire, l’astrologue
doit effectuer un jet d’observation, en lançant 1d6.
Jet d'observation (d6) / Nature du ciel
1 Ciel néfaste : dé de malus au jet d’horoscope
2-5 Ciel neutre : aucun modificateur
6 Ciel faste : dé de bonus au jet d’horoscope
Le ciel observé reste valable pour tous les
horoscopes effectués durant la nuit et au cours de
la journée suivante.
Établir un horoscope
L’établissement d’un horoscope exige quelques
heures d’observation du ciel nocturne, à l’issue
desquelles l’astrologue est en mesure d’interpréter
les signes célestes. Un astrologue ne peut donc
établir d’horoscope que la nuit durant son
observation du ciel, ou au cours de la journée du
lendemain, à partir de ses observations de la veille.
Dès le coucher du soleil et le lever des premiers
astres, ses observations précédentes deviennent
caduques et il doit à nouveau observer le ciel pour
exercer son art.
Un astrologue dispose d’autant de points
d’astrologie que de rangs dans sa carrière
d’astrologue, qu’il peut utiliser pour établir un
horoscope (cf. page 8). L’astrologue récupère 1
point d’astrologie par nuit d’observation des
étoiles (au moins quelques heures à étudier le
ciel nocturne, à condition de bénéficier de bonnes
conditions d’observation ; si les étoiles sont
masquées par les nuages, par exemple, l’astrologue
ne pourra pas regagner de point d’astrologie).
 Modificateurs au jet d'horoscope
Horoscope mineur –
L'Astrologue

Horoscope majeur -2
Conditions d’observation (nouvelle lune ou pleine lune, ciel clair ou voilé) + ou - 1 ou 2
Emploi d’un télescope +1
Site propice (observatoire, haute altitude) +2
Établir un horoscope à l’insu du sujet -4
Établir un horoscope pour soi-même -2

N.B. : le temps d’observation nécessaire à l’éta-
blissement d’un horoscope ne fait évidemment
pas regagner de point d’astrologie !
Un personnage ne peut bénéficier que d’un seul
horoscope à la fois. Tant que la prédiction qui le
concerne ne s’est pas accomplie, en bien ou en
mal, toute autre tentative de lire son destin est
impossible.
Il existe deux types d’horoscope : l’horoscope
mineur (coût : 1 point d’astrologie) et l’horoscope
majeur (coût : 2 points d’astrologie), plus difficile
à réaliser. Comme indiqué dans le tableau ci-
dessus, des conditions particulières peuvent
augmenter ou diminuer les chances de succès
du calcul de l’horoscope (en plus de la nature du
ciel définie par le jet d’astrologie préalable à tout
horoscope). Ces modificateurs sont cumulatifs.
Horoscope mineur (1 point)
Un horoscope mineur permet de déterminer si
les astres se montrent favorables ou défavorables
aux entreprises de celui qui sollicite l’astrologue.
Un horoscope mineur doit répondre à une
question relativement précise, qui interroge
un succès ou un échec, concernant une tâche
ou un événement devant se dérouler dans les
24 heures suivantes. Par exemple : réussirai-je à
terrasser Grumzor le Boucher lors du duel dans
l’arène ? Arriverai-je à nous faire pénétrer dans le
palais sans que les gardes ne nous repèrent ? La
belle Shazira se montrera-t-elle sensible à mon
charme ?
L’astrologue effectue alors un jet d’horoscope
(esprit + astrologue, +/– modificateur de difficulté ;
cf. tableau ci-dessus). Si l’astrologue réussit son
horoscope, la réponse est positive et le personnage
bénéficie d’un dé de bonus qu’il pourra utiliser
lorsqu’il sera précisément confronté à la situation
en question. En cas d’échec, les signes sont
défavorables et le personnage subit un dé de malus,
qu’il appartiendra alors au MJ de lui infliger lors
de la situation en question. Une fois établi, cet
horoscope est valable pour les 24 heures qui suivent.

Le prix de la connaissance
Il est présomptueux de chercher à interpréter les signes célestes et les desseins des dieux. L’homme qui désire
connaître son destin doit être bien conscient qu’une fois une prédiction édictée, il est impossible de s’y soustraire.
Seul l’astrologue connaît le résultat d’un horoscope. Il peut le dévoiler ou non à la personne qui l’a sollicité.
Le personnage qui a tenté de connaître son avenir ne peut absolument pas échapper à son destin si celui-ci lui est
défavorable, même si l’astrologue décide de garder le résultat secret. Il devra donc subir sans rechigner l’infortune
que lui infligent les dieux. Il n’y a aucune échappatoire.
L’astrologue peut également faire croire qu’un horoscope est bénéfique alors que ses calculs lui montrent que
tout va mal se passer. S’il s’agit de l'horoscope d'un héros, l’effet positif attendu (par exemple un dé de bonus à une
action) ne s’appliquera pas le moment venu, ce qui ne manquera pas d’étonner le joueur qui aura foncé tête baissée
face au danger. De plus, le MJ appliquera à la place le malus associé à un horoscope néfaste.

8
Horoscope majeur (2 points)
L’horoscope majeur permet de lire le destin
d’un individu de manière plus globale, afin de
déterminer si les dieux lui sourient ou si quelque
ombre obscurcit son avenir. Cet horoscope vaut
pour une aventure entière (jusqu’à la prochaine
fois où le héros recevra des points d’expérience).
Un succès au jet d’horoscope indique que la faveur
des dieux accompagne le personnage ; celui-ci
bénéficie d’un point d’héroïsme supplémentaire, à
utiliser quand il le souhaite au cours de l’aventure
présente (s’il ne l’utilise pas, il perdra ce point
d’héroïsme supplémentaire à la fin de l’aventure).
À l’inverse, un échec signifie un destin funeste,
et le personnage perd immédiatement un point
d’héroïsme. Quand il récupérera ses points
d’héroïsme à l’issue de l’aventure, son nombre de
points d’héroïsme reviendra bien évidemment à
la normale.
W Horoscope de groupe
Un horoscope majeur peut également servir
à déterminer le destin collectif d’un groupe
de héros, dans le cadre de l’aventure qu’ils
entreprennent ensemble. En cas de succès, les
héros bénéficient d’un nombre de dés de bonus
égal au rang dans la carrière d’astrologue, à
utiliser au cours de l’aventure par n’importe quel
membre du groupe. Chaque joueur est libre de
puiser dans cette réserve de dés de bonus, jusqu’à
épuisement. En cas d’échec au jet d’horoscope,
le MJ dispose d’un nombre de dés de malus égal
au rang de l’astrologue, à infliger aux héros au
cours de l’aventure pour représenter la mauvaise
fortune qui s’abat sur eux.
9
Autres utilisations des
horoscopes
L'Astrologue
Dans bien des cités de Lémurie, l’astrologie
fait partie des sciences divinatoires couramment
employées pour affronter les aléas de l’existence.
On peut ainsi consulter un astrologue afin de
déterminer le jour favorable pour un mariage ou
le début des moissons, pour connaître l’issue d’une
maladie ou savoir si le voyage que l’on envisage
se passera sous de bons auspices. Les souverains
eux-mêmes recourent parfois à l’astrologie pour
prédire l’avenir de leur règne, le succès de leurs
armées ou s’informer d’éventuelles menaces
envers leur personne ou leur cité. L’établissement
des jours flottants du calendrier de Satarla relève
également de calculs astrologiques réalisés chaque
année par un collège d’astrologues de la cité (cf.
ChL, page 6-8).
À l’appréciation du MJ, ces utilisations de la
carrière d’astrologue pourront se faire avec ou sans
coût en points d’astrologie, selon l’importance (et
les possibles conséquences) de l’horoscope établi.
Un échec au jet d’astrologie résultera évidemment
en une prédiction plus ou moins erronée. Un
bon astrologue évitera donc de se montrer trop
péremptoire et affirmatif dans ses prédictions !
Si le joueur incarnant l’astrologue et le MJ le
souhaitent, il est possible d’utiliser un horoscope
de manière plus « narrative » : plutôt que d’offrir
un bonus relevant de la mécanique du jeu, le jet
d’astrologie dévoile à la place une information utile
pour la suite de l’aventure, annonce un événement,
prévient d’un danger, etc. Cela nécessite toutefois
que le MJ fasse preuve de discernement et de
bon sens : un horoscope ne doit jamais à lui seul
permettre aux joueurs de résoudre une enquête ou
d’éviter complètement un péril, mais simplement
de leur octroyer un avantage, plus ou moins
prononcé selon qu’il s’agit d’un horoscope majeur
ou mineur. En revanche, si le jet d’horoscope est
un échec, il donnera aux joueurs une fausse piste
ou une information erronée. L’association des
Glyphes du ciel de l’horoscope forme une phrase
quelque peu sibylline, plus précise toutefois dans
le cas d’un horoscope majeur, qu’il appartiendra
alors aux joueurs d’interpréter.

L'Astrologue
Astrologues,
alchimistes et sorciers
Les relations entre magie, alchimie et astrologie
sont très étroites. Ces arts peuvent bénéficier
mutuellement les uns des autres, et il n’est
d’ailleurs pas rare qu’un sorcier ou un alchimiste
possède quelques connaissances en astrologie.
Les préparations alchimiques les plus exigeantes
réclament parfois de mener certaines opérations
délicates (une distillation par exemple) au
moment d’une conjonction astrale particulière,
ou la récolte d’ingrédients sous des cieux
particulièrement fastes, quand il ne s’agit pas de
trouver un minerai issu d’une météorite, dont un
astrologue aurait pu observer la chute.
De la même manière, certains rituels magiques
puissants ne peuvent s’accomplir qu’à la faveur
d’un ciel spécifique. Ainsi, un sorcier souhaitant
lancer un sort du deuxième ou du troisième cercle
peut choisir parmi les conditions d’incantation la
nécessité d’une configuration lunaire ou astrale
particulière (cf. BoL, pages 152-153). Le sorcier
peut déterminer lui-même cette condition
d’incantation, mais s’il fait appel à un astrologue,
il bénéficiera alors d’une analyse plus précise des
conjonctions célestes, ce qui lui facilitera la tâche.
Dans ce cas, et sous réserve que l’astrologue en
10
question réussisse un jet d’horoscope (mineur
pour un sort du deuxième cercle et majeur pour
un sort du troisième cercle), la diminution en
points de pouvoir liée au respect de la condition
d’incantation sera égale au rang dans la carrière
d’astrologue de celui qui établit la prédiction.
Un échec au jet d’horoscope n’aura pas de
conséquence néfaste (a priori…), mais n’octroiera
aucune diminution supplémentaire de coût en
points de pouvoir.
Exemple : NurYunna le sorcier souhaite évoquer
un vaisseau fantôme (sort du deuxième cercle).
Il fait appel à Zorgal l’astrologue (astrologue 2).
Après avoir observé les astres, celui-ci effectue un
jet d’horoscope mineur. C’est un succès, et Zorgal
détermine que l’influence de la lune sera la plus
favorable à l’incantation de ce sortilège d’ici à trois
nuits. Quand NurYunna lancera son sort trois nuits
plus tard, la condition d’incantation « Influence de la
lune » lui permettra de diminuer le coût d’incantation
de 2 points de pouvoir, au lieu d’un seul.
À l’inverse, les astrologues font fréquemment
appel aux alchimistes pour les aider dans leurs
observations en leur fabriquant différents objets
capables d’affiner leurs calculs et d’améliorer leurs
connaissances des astres. Certains astrologues
scrutent ainsi le ciel grâce à des télescopes
(objet alchimique rare ; cf. BoL page 143) ou
possèdent de précieuses représentations du ciel
et du mouvement des astres, sous la forme de
sphères armillaires ou de planisphères célestes.
Citons encore les lunettes à masque lunaire
capables d’occulter le rayonnement de la lune et
qui permettent de voir sous la pleine lune sans la
moindre gêne (objet alchimique courant ; annule
tout malus au jet d’horoscope lié à une trop forte
luminosité de la lune).
De même, il se raconte que certains astrologues
peuvent nourrir la tentation de tricher avec les
conjonctions astrales et en appeler à un puissant
magicien afin d’influencer les mouvements des
astres ou l’apparition de phénomènes célestes
dans le but d’orienter leur prédiction. Mais cela ne
peut se faire qu’à un prix élevé (a-t-on déjà vu un
sorcier brader ses services ?) et seulement dans des
cas d’extrême nécessité, car l’on ne s’aventure pas
impunément à réécrire les Glyphes de Sa’Tel…
Trésors de l’astrologie antique
Des textes à l’authenticité parfois douteuse mentionnent certains artefacts ou sites liés à
l’astrologie pratiquée par les Rois-Sorciers, dont la trace a disparu dans les cataclysmes de
l’Histoire. Des astrologues ont passé une vie entière à la recherche de ces trésors perdus, sources
d’un savoir qui dépasse leurs rêves les plus fous.

Le glossaire de Magh’aâ
Ce grimoire aux pages entièrement noires couvertes de runes argentées contiendrait la liste de
tous les Glyphes de Sa’Tel observés par les Rois-Sorciers, ainsi que leur fréquence d’apparition.
On prétend que des runes secrètes y sont dissimulées, qui n’apparaissent que quand elles sont
exposées à la lumière d’une nuit étoilée et qui révèlent les secrets de l’interprétation des signes
célestes.

La Mécanique des orbes

Semblable à une sphère armillaire, cette machinerie aux rouages complexes reconstituerait le
mouvement des différents objets célestes afin de prédire leur passage avec une précision inégalée.

L’Astrodôme d’Ilalil Vargu

Le palais du Roi-Sorcier Ilalil Vargu, que la Geste d’Achimnor le Dément situe dans les
montagnes à l’extrémité sud de la chaîne des Besharoon, contiendrait une tour couronnée d’un
dôme hémisphérique construit dans un cristal transparent sur lequel seraient gravées toutes les
positions de tous les Glyphes de Sa’Tel à l’époque où Piandra n’avait pas encore mis son grain
de sel dans les mouvements des astres.

Les alignements de Toh’Kaha

Il s’agit d’un alignement mégalithique qui permettrait de connaître avec précision la signification
de toutes les conjonctions d’objets célestes. Il se trouverait quelque part dans les jungles de Qo,
recouvert depuis des siècles par la masse luxuriante des lianes et des palmiers fougères.

11

Un marin est toujours heureux de rentrer au port, mais l’arrivée sur les
quais de Satarla… C’est tellement beau que ça vous noue les tripes !
Nichée au fond du vaste golfe de l’océan
Oriental, la cité de Satarla affiche avec orgueil
l’opulence de ses temples et de ses palais, à l’abri
de hauts remparts qui témoignent de sa puis-
sance. C’est à l’aube du Nouvel Âge de l’Homme
qu’une première communauté s’installa sur l’île
fluviale d’Ajamba, en amont de l’embouchure du
Tyr. Depuis cette position avantageuse (aisément
défendable, l’île jouissait à la fois des ressources
du fleuve et d’un accès à la mer), la colonie connut
une croissance rapide et s’étendit sur les deux rives
pour se transformer en une ville prospère, deve-
nue désormais la plus importante cité-État du
continent. À en croire ses fiers habitants, ce serait
aussi la plus belle.
Vue d’ensemble
Qu’il arrive par voie de mer ou de terre, la
première chose qui frappe le voyageur est l’aspect
grandiose et majestueux de la ville.
Satarla embrasse le cours paresseux du Tyr à une
lieue environ de la côte. En aval, le fleuve s’évase
en un large estuaire pour se jeter dans le golfe
de Satarla. Les navires remontent l’embouchure
avec la marée pour aborder aux magnifiques quais
de marbre jaune qui se dressent au-dessus des
eaux vertes et limoneuses du fleuve. Des navires
marchands de tous les horizons s’y pressent en
un foisonnement coloré de voiles et de figures de
proue, sous l’œil vigilant de la citadelle du port
et des galères de guerre qui patrouillent l’estuaire.
12
Satarla
– Brutor le Béhémathon
La ville se déploie au-delà, de part et d’autre du
fleuve, en un paysage urbain dense aux demeures
en pierre de taille et aux toits de belles tuiles rouges,
dominé par les silhouettes altières des temples,
des résidences princières et des édifices publics.
Le palais royal, au cœur de la ville, s’aperçoit par-
dessus les toits, avec ses flèches dentelées et son
dôme qui chatoie sous le soleil de plomb. Parfois,
le passage gracieux d’une nef volante dans le ciel
attire les regards émerveillés des étrangers, pour
la plus grande satisfaction des Satarlans qui
éprouvent une fierté légèrement condescendante
devant le spectacle de leur air ébahi.
Côté terre, Satarla est ceinte d’une campagne
prospère aux champs quadrillés de canaux
d’irrigation, émaillée de bosquets et de forêts
pluviales. Les hameaux paysans alternent avec les
grands domaines fonciers de la noblesse satarlane
mis en valeur par des cohortes d’esclaves, où leurs
riches propriétaires se réfugient quand la ville
ploie sous les lourdes chaleurs estivales. Sur la rive
gauche du Tyr, une mangrove occupe une longue
portion du littoral de l’estuaire.
On approche des imposantes portes fortifiées
de l’enceinte urbaine en suivant des routes pavées,
édifiées sur de hauts talus pour les protéger des
inondations, fréquentes dans la plaine alluviale.
De grandes places bordées d’auberges, d’entrepôts
et d’enclos à bestiaux s’ouvrent derrière chaque
porte de la ville afin de faciliter l’entrée des
chariots et des caravanes marchandes.
Le voyageur, qui ne sait où porter le regard tant
Satarla compte de monuments, de statues et de
belles façades, se retrouve immédiatement happé
par un tourbillon de bruits et d’agitation, dans la
chaleur étouffante et moite du climat satarlan,
La ville des merveilles
qu’une brise marine bienvenue vient parfois
Ce n’est pas sans raison que Satarla est

rafraîchir.
La très prospère et cosmopolite Satarla attire
des gens de tous les horizons. On y rencontre
une grande variété de couleurs de peau et de
morphologies ; une diversité qu’accroît encore la
présence continuelle d’un important contingent
de marchands et de visiteurs étrangers. Les rues
animées sont engorgées d’un flot ininterrompu
de gens affairés qui se croisent et se bousculent
sous les devantures des échoppes et des tavernes.
Charrettes à bras, placides bubalus chargés de
caisses et de ballots, vendeurs ambulants proposant
toutes sortes de mets et de rafraîchissements,
chaises à porteurs des nobles dames se frayent
péniblement un passage dans la foule compacte.
Aux carrefours, musiciens et saltimbanques
s’adonnent à leur art et provoquent parfois – quand
le succès est au rendez-vous – des attroupements
qui bloquent la circulation, obligeant le guet de la
ville à mettre prématurément fin à leur spectacle.
Parfois, un tintement clair et métallique attire les
gens près d’une fontaine : un crieur public frappe
son maillet en forme de sceptre sur une cloche
en bronze pour rassembler la population avant de
proclamer une annonce royale. C’est un moment
privilégié pour les tire-laine qui savent profiter de
la distraction de l’assistance pour faire main basse
sur une bourse ou deux.
Satarla
surnommée le « Joyau de la Lémurie ». En effet,
la ville fascine par la profusion de ses monuments,
la qualité de ses aménagements et la richesse de
ses trésors architecturaux. Au fil de son histoire,
Satarla n’a cessé de s’embellir, prenant par endroits
l’aspect d’un véritable musée en plein air.
Des avenues spacieuses, pour certaines bordées
de portiques, relient les lieux importants de la
ville et facilitent les déplacements dans le lacis
de ses rues, pour la plupart pavées et équipées
d’une rigole centrale d’écoulement des ordures.
Les étages des maisons en pierre, dont le rez-
de-chaussée accueille généralement un atelier ou
une échoppe, s’ornent de colonnettes sculptées,
de loges, de petites fenêtres découpées en ogive
ou en trèfle, munies de claires-voies délicatement
ouvragées. Les façades des grandes demeures de
la noblesse, avec leurs galeries aux belles colonnes,
leurs terrasses, leurs frises et leurs pilastres, sont
si richement décorées que la pierre est devenue
dentelle sous le ciseau des meilleurs artisans de
la ville.
À la nuit tombée, les habitants placent une
petite lampe à huile dans la niche ménagée à
cet effet à droite de la porte de leur logis. Cette
veilleuse est destinée à conjurer les esprits néfastes
qui rôdent dans l’obscurité, et les rues de Satarla

Une terre bénie des dieux

La situation géographique de Satarla a joué un rôle fondamental dans sa prospérité, grâce à la profusion de
ressources qu’elle offre. L’estuaire du Tyr est une zone particulièrement poissonneuse, riche en crustacés (et
célèbre pour ses huîtres perlières), et le limon charrié par le fleuve et ses méandres secondaires confère aux terres
alentour une fertilité exceptionnelle, qui dépend toutefois beaucoup de la saison des pluies, après les étés longs
et secs, aux canicules éprouvantes. Malheureusement, les inondations sont un fléau récurrent contre lequel la cité
doit lutter par l’entretien soigneux de canaux, de digues et de talus destinés à modérer l’impact des caprices du
fleuve et du ciel. La mangrove et les jungles proches fournissent à profusion du bois de charpente ainsi que des
essences exotiques et précieuses, et des gisements de grès et de marbre au sud de la ville procurent les matériaux
de construction nécessaires à son développement. Son territoire compte également, en marge des jungles
de Qo, une importante mine d’or, dans laquelle des centaines d’esclaves et de condamnés se tuent à la tâche
dans des conditions épouvantables. Tyrus, la grande rivale de Satarla, lorgne avec envie cette mine ô combien
profitable ! Enfin, sa position à l’embouchure du Tyr, navigable sur une grande partie de son cours, a permis le
développement d’un commerce fluvial et maritime qui contribue grandement à l’opulence de la cité.

13
 Satarla

14
 Satarla
Satarla
1 Pont aux Navires 9 Palais Splendide
2 Arènes Neuves 10 Esplanade des Victoires
3 Temple de Fillana 11 Temple de Grondil
4 Grande bibliothèque 12 Temple de Nemmereth
5 Temple de Knothakon 13 Temple de Quathoomar
6 Citadelle du port 14 Académie militaire et temple de Charkond
7 Temple de Shazzadion 15 Parc du Jallallabar
8 Temple de Hurm

15
Satarla

prennent alors un air paisible et festif, avec tous L’avenue aux Cent Colonnes, chacune
ces lumignons qui éclairent timidement le seuil couronnée de la statue d’un souverain ou d’un
des maisons et repoussent un peu la noirceur de célèbre personnage, donne sur l’esplanade des
la nuit. Victoires où sont exposés les trophées de guerre et
monuments célébrant les faits d’armes de Satarla.
Aux carrefours, le long des artères principales
L’endroit exhibe notamment une collection de
et sur les places, de belles statues en bronze ou
totems grotesques et obscènes, pris en butin
en marbre côtoient les fontaines publiques,
aux tribus primitives des jungles de Qush et
elles-mêmes des œuvres d’art. Plusieurs jardins
qui forment un étrange ensemble, contrastant
publics – comme le parc du Jallalabar, nommé
violemment avec les édifices de belle pierre de
d’après l’immense arbre en son centre, dont la
la place. Certains esclaves originaires des jungles
cime dépasse les cinquante mètres – ainsi que
viendraient y honorer les esprits de la sylve à la
de nombreux thermes aussi somptueux que des
nuit tombée, et prier pour la chute de la cité qui
palais permettent à la population de se délasser et
les a privés de leur liberté…
d’oublier un instant l’agitation frénétique des rues,
dans cette ville qui semble ne jamais connaître le Le portail monumental du Palais Splendide,
repos. résidence des rois de Satarla, se dresse au bout de
l’esplanade, dans le prolongement de l’avenue aux
Les temples rivalisent de splendeur avec les
Cent Colonnes. Entouré de jardins d’agrément
résidences de la noblesse, offrant au regard
et protégé par sa propre enceinte, le palais forme
colonnes de marbre, frontons ornés de statues et de
une véritable ville dans la ville, avec sa caserne,
bas-reliefs peints de couleurs éclatantes, dorures et
ses bâtiments administratifs, ses logis et ses
portes de bronze étincelant. Mais la ville compte
annexes. Le palais proprement dit, tout de marbre
encore bien d’autres trésors architecturaux :
blanc, est d’une beauté à couper le souffle. Les
l’immense amphithéâtre des Arènes Neuves,
hautes tours qui encadrent sa coupole parée de
capable d’accueillir plusieurs dizaines de milliers
faïences polychromes (dont la paroi intérieure
de spectateurs, la Grande Bibliothèque et son
est entièrement dorée à l’or fin) servent de points
dôme ovoïde, ou encore l’impressionnant pont
d’amarrage à la flottille de nefs volantes qui fait la
des Navires qui enjambe le Tyr.
fierté de Satarla.

16
Les Satarlans
« Fier comme un Satarlan crotté » ; l’expression, qui a cours à Tyrus ainsi que dans d’autres cités, dit assez la
réputation de morgue que l’on prête aux Satarlans. Et il est vrai que leur fierté, somme toute légitime, à se
clamer citoyens de Satarla les amène souvent à faire preuve d’arrogance. Les Satarlans pensent que leur cité a
vocation à gouverner le monde et qu’ils sont un peuple béni des dieux, comme en témoigne leur prospérité.
La structure très inégalitaire de la société satarlane contribue certainement à ce tempérament. La noblesse
possède l’essentiel des terres agricoles sous la forme de grands domaines exploités par des métayers ou des
esclaves et s’arroge les hautes fonctions dans l’administration royale ainsi que dans l’armée. Ses fils servent
notamment dans la célèbre cavalerie de chevaliers montés sur kroarks, ainsi que dans le corps prestigieux (et
très restreint) des pilotes de nefs volantes. Sous l’autorité suprême du roi et de la famille régnante, elle dirige la
cité en droit et en fait.
La noblesse méprise cordialement les riches négociants et entrepreneurs – pourtant indispensables au dyna-
misme de Satarla – qui aspirent au faste et au pouvoir qu’elle confisque jalousement. L’influence grandissante
de ces « parvenus » dans la vie de la cité suscite de vives tensions avec la noblesse la plus conservatrice.
Bien entendu, les riches Satarlans méprisent à leur tour le « bas peuple » des artisans et des boutiquiers, qui
ont quant à eux le privilège de regarder de haut les étrangers résidant à Satarla sans appartenir à la cité et
affrontant à ce titre le dédain de tous les autres, en plus de jouir de moins de droits que les véritables citoyens
et de devoir s’acquitter d’un impôt supplémentaire.
Qu’il soit vêtu d’un simple pagne ou d’une riche tunique brodée, un Satarlan ne sort jamais sans avoir noué
autour de ses reins la cordelette tressée, teinte d’un beau vermillon (le fameux « rouge de Satarla », un pigment
réputé obtenu par broyage d’un petit crustacé de l’estuaire), qui indique son statut. Obtenir le titre de citoyen
de Satarla, et le privilège de porter cette cordelette, n’est pas chose aisée : il faut avoir rendu d’importants
services à la cité (par exemple en embellissant à ses frais la ville par l’érection d’un monument), être parrainé
par d’éminents citoyens (ce qui engendre des phénomènes de clientélisme), épouser un citoyen ou une
citoyenne, ou encore servir quinze ans dans les rangs de son armée. Il n’est donc guère étonnant que l’étranger
parvenu à devenir un citoyen ait tôt fait d’adopter la même attitude hautaine, ne serait-ce que pour mieux se
faire accepter des Satarlans de souche.

aperçoit à peine le fleuve quand on le franchit.

D’une rive à l’autre Plus en amont, le pont aux Navires enjambe le

La ville est divisée par le cours du Tyr que
traversent deux ponts majestueux, aux arches
assez hautes et larges pour permettre le passage
de galères de guerre ou de lourds navires
marchands. De nombreux bateliers offrent
également le passage du fleuve, contre quelques
piécettes, ou transportent sur de grandes barges
les marchandises d’une rive à l’autre.
Le pont de l’Île, qui relie le quartier insulaire
d’Ajamba aux deux rives, est un ouvrage large et
massif, dont la chaussée est bordée d’échoppes et
de maisonnettes qui bouchent si bien la vue qu’on
Tyr sur toute sa largeur. Les quatre piles de pierre
de ses travées sont sculptées en forme de galère,
comme une évocation de l’ancien pont de bateaux
qu’il est venu remplacer. L’ouvrage est magnifique,
mais guère apprécié des barges qui descendent le
fleuve ; en effet, les proues de pierre qui fendent
le courant créent des remous rendant le passage
hasardeux. À cet endroit, un fortin surveille le Tyr
et une lourde chaîne peut être tendue entre les
piles du pont afin d’interdire le fleuve aux navires
ennemis.
Les temples et les grands édifices servent de
points de repère pour délimiter les quartiers (on
parle par exemple du quartier des arènes ou de

17

Satarla
celui du temple de Hurm). Activités artisanales
et commerciales sont généralement réunies par
quartier, sur une ou plusieurs rues rassemblant
ateliers et échoppes d’une même corporation. Si
les fastueuses demeures de la noblesse sont plus
nombreuses aux abords du Palais Splendide, les
grandes familles sont présentes un peu partout
dans la ville et exercent souvent une autorité
officieuse à l’échelle locale, par le truchement de
leur réseau de clients et d’obligés.
Les deux rives (côté arènes et côté palais,
disent les Satarlans) entretiennent une rivalité,
généralement bon enfant, qui s’exprime lors
de certaines compétitions et festivités. Chaque
partie de la ville possède aussi son propre guet,
qui n’intervient que de son côté du fleuve (l’île
d’Ajamba dépend du guet du palais), et les
criminels savent qu’en cas de cavale, franchir le
Tyr est souvent un bon moyen de mettre fin à une
poursuite.
L’impression de richesse et d’opulence qui se
dégage des rues de Satarla est toutefois détrompée
dès que l’on se rapproche du fleuve. La majeure
partie de ses berges est en effet occupée par le
Cloaque, un amoncellement sordide de taudis où
18
se concentrent toute la misère de la ville, ainsi que
les activités artisanales les plus méprisées (tanneurs,
bouchers, teinturiers, etc.). Ici, les belles demeures
de pierre laissent place à des cabanes de bois, de
roseau et de chaume, pour beaucoup bâties sur de
courts pilotis, car le fleuve inonde fréquemment les
rues boueuses, surtout durant la saison des pluies.
Les crocators qui infestent le Tyr sont d’ailleurs
une plaie permanente, et les autorités offrent une
récompense substantielle à quiconque ramène la
dépouille d’un de ces terribles prédateurs. Plus
d’un courageux a perdu la vie en chassant l’énorme
reptile, dont les mâchoires sont capables de broyer
un homme adulte en une seule bouchée.
Mal famé et insalubre, le Cloaque se transforme
en véritable coupe-gorge à la nuit tombée et les
honnêtes Satarlans se gardent bien de s’y aventurer.
Ce qui n’empêche pas de jeunes inconscients de
venir s’encanailler dans ses bouges sordides, à
leurs risques et périls, bien sûr. En revanche, s’il
est question de se procurer des produits illicites,
de traiter d’affaires louches ou de recruter des
hommes de main, c’est au Cloaque qu’il faut se
rendre.
Le Cloaque possède son propre guet, qui est
le seul à intervenir dans le quartier. Les Calots
rouges, dont les membres se distinguent à leur
casque en cuir bouilli de couleur bordeaux, forment
un ramassis de soudards et de canailles qui impose
un ordre brutal et arbitraire dans le quartier,
non sans manifester une certaine complaisance
envers la pègre, généreuse en pots-de-vin. Tant
que la populace reste sous contrôle, le pouvoir
royal détourne pudiquement le regard de leurs
exactions, car malgré sa splendeur et son opulence,
la ville de Satarla, surpeuplée et profondément
inégalitaire, menace à tout moment d’exploser en
émeutes sanglantes aussi difficiles à prévoir qu’à
réprimer.
Violents et corrompus, les Calots rouges
sont détestés des habitants du Cloaque qui les
surnomment les « Chapons », à cause de leur
manière de parader comme des coqs de basse-cour
avec leur couvre-chef aussi rouge qu’une crête. Les
meurtres de Calots rouges ne sont pas rares dans le
quartier et le guet n’y opère qu’en force, craignant
de tomber dans une embuscade de gueux excédés
par leurs brimades.
La Grande Bibliothèque
Satarla, qui aime décidément les superlatifs, s’enorgueillit de posséder la plus riche bibliothèque
de Lémurie. Celle-ci doit son origine à la volonté du roi Cassian, un souverain érudit et éclairé,
conscient de l’importance de doter sa cité d’un lieu de savoir susceptible d’attirer les esprits
les plus brillants de son temps. L’idée en germa quand les prêtres de Knothakon, le dieu de la
sagesse, vinrent trouver le roi pour solliciter son aide financière afin de procéder à des travaux
d’agrandissement de la bibliothèque de leur temple. Cassian eut alors l’idée de constituer une
« Grande Bibliothèque », avec l’ambition de rassembler tout le savoir du monde en un lieu unique.
Les prêtres de Knothakon eurent le déplaisir d’apprendre que leur collection de manuscrits aurait
le privilège de former le premier fonds de la bibliothèque royale.
À cette époque, les nouvelles arènes de Satarla, dont la construction avait débuté sous l’impulsion
du père de Cassian, s’apprêtaient à ouvrir leurs portes. Le roi décida donc de réhabiliter les
anciennes arènes, devenues trop petites pour la population de la ville, afin de les transformer en
bibliothèque. Le bon souverain ne vit jamais la fin des travaux qui s’étendirent sur plus de trois
décennies, mais son œuvre fut heureusement poursuivie par ses successeurs, qui consacrèrent à
leur tour beaucoup de moyens à la recherche et à l’achat de manuscrits rares et à la copie de textes
précieux.
La Grande Bibliothèque de Satarla présente la forme originale d’un amphithéâtre ovale, couvert
d’un immense dôme qui relève d’une véritable prouesse architecturale. Les anciens gradins sont
creusés de niches qui accueillent plusieurs dizaines de milliers de manuscrits, de rouleaux de
parchemin, de xylographes de Shamballah, de tablettes d’argile exhumées des ruines d’Ygddar, de
plaquettes de pierre gravées en axien, et autres raretés scripturaires.
L’arène proprement dite, dans laquelle trône une statue du roi Cassian, est pavée d’une mosaïque
où les lettres de différents alphabets se déploient en spirale autour du visage de Knothakon, au
crâne enflé de tout le savoir du monde, et comprend de grandes tables de lecture à disposition des
érudits, où trônent les volumineux catalogues de la bibliothèque. Le sable de l’arène, rosi du sang
des derniers spectacles, a été récupéré pour remplir un sablier monumental monté sur un cadre en
bois à pivot qui permet de le basculer sans effort. Chaque jour, à l’aube, le sablier est retourné et la
bibliothèque ouvre ses portes, pour ne les refermer qu’une douzaine d’heures plus tard, lorsque les
derniers grains finissent de s’écouler.
La Grande Bibliothèque compte également un jardin arboré où l’on peut à loisir lire au grand air,
ainsi qu’un scriptorium réputé où une foule de scribes et d’enlumineurs s’affairent à produire des
copies pour le compte de riches particuliers ou d’autres bibliothèques, à restaurer des manuscrits
anciens ou à recopier des textes afin de les préserver quand leur support est trop dégradé.
Quelques bâtiments attenants offrent des salles d’étude et des logements pour les visiteurs de la
Grande Bibliothèque ainsi que pour son personnel. C’est là aussi, dans une haute tour, que siège le
collège des astrologues de Satarla.
La section occulte, installée dans des salles souterraines sous la Grande Bibliothèque, n’est
pas accessible au premier venu, mais on raconte qu’elle contiendrait de précieux volumes en
démonique que certains « érudits » donneraient cher pour pouvoir consulter, ou posséder. Par
ailleurs, une rumeur tenace prétend que parmi les milliers d’ouvrages de la Grande Bibliothèque se
trouverait un manuscrit qui ne figure pas sur les catalogues, un texte étrange et mystérieux dont la
lecture rendrait fou…

19
 La cité des dieux...
« Les vingt dieux sont chez eux à Satarla », ont
Satarla

coutume de dire les Satarlans. De fait, la ville

abrite un nombre impressionnant de temples
qui rivalisent de splendeur architecturale et
témoignent de la prospérité de la cité, capable de
consacrer autant de ressources à la célébration des
dieux. Le titre de « cité aux mille temples » qu’on
lui donne parfois est cependant très exagéré ;
chacun des vingt dieux et déesses du panthéon
lémurien possède son grand sanctuaire dans la
ville et les différents quartiers ainsi que les guildes
de marchands et d’artisans s’enorgueillissent tous
de temples plus modestes, mais le nombre des
lieux de culte que compte Satarla se rapproche
davantage de quelques centaines.
Les temples majeurs sont de puissantes
institutions qui disposent de vastes domaines
fonciers ainsi que d’autres sources de revenus
annexes, et le pouvoir royal se doit de prêter
une oreille attentive aux recommandations des
prêtres pour s’assurer de la bienveillance des
dieux. Illustration du cosmopolitisme de la cité,
les temples de Satarla présentent une stupéfiante
variété architecturale qui relève d’une volonté
délibérée de ses souverains et exprime leurs
ambitions hégémoniques. Les sanctuaires majeurs
ont été bâtis ou rénovés par des architectes de
renom originaires des quatre coins de Lémurie,
engagés à grands frais. Cette diversité des styles
architecturaux a l’ambition de symboliser, sous
l’égide des dieux, l’aspiration de Satarla à régner
un jour sur l’ensemble du continent.
Le temple de Nemmereth présente ainsi
une architecture typique de Malakut, avec son
enceinte aux tours pyramidales croulant sous les
moulures et les ornements peints de couleurs vives,
quand celui d’Afyra affiche la beauté austère des
sanctuaires de Lysor, avec son péristyle de marbre
blanc et ses murs en grand appareil. Le temple de
Quathoomar, le dieu du voyage, a été quant à lui
édifié par des céruléens, et les marches immenses
de son perron sont bien ardues à grimper pour des
hommes de taille normale. De forme circulaire, il
reproduit la disposition d’un campement nomade
et ses bâtiments en pierre sont sculptés pour
ressembler à ces grands chariots dans lesquels les
géants bleus traversent les plaines de Klaar.

Sous le manteau étoilé de Fillana

Le temple de Fillana, la déesse des cieux nocturnes, dresse son fameux portique aux colonnes de porphyre vert
non loin des Arènes Neuves. L’édifice est le théâtre d’une étonnante tradition, propre à Satarla. Les voleurs ont
le droit d’y trouver asile et, à condition de faire offrande à Fillana du fruit de leur larcin, ne peuvent plus être
punis pour leur crime. Les autorités de Satarla respectent cet interdit religieux, mais le guet des arènes, irrité de
voir des malandrins pris sur le fait courir se réfugier au temple, a installé un poste de garde en face, de l’autre
côté de l’esplanade, et patrouille très fréquemment les abords de l’édifice.
Cette présence renforcée du guet dans le quartier a incité en retour les bijoutiers, les orfèvres et les changeurs à
s’installer près du temple de Fillana, afin de profiter de patrouilles régulières. Ainsi, par un amusant paradoxe,
c’est auprès de la divinité qui protège les voleurs que se pressent ceux qui ont le plus à craindre d’eux…
Fait moins connu, le temple de Fillana abrite également le siège d’une discrète organisation, la Guilde du Juste
Retour, spécialisée dans la récupération d’objets volés afin de les rendre à leur propriétaire légitime. Il s’agit
d’une guilde de voleurs de voleurs, en somme, qui utilise des moyens tout aussi répréhensibles que ceux qu’elle
entend combattre. Elle fait parfois appel à des « éléments extérieurs », recrutés discrètement et sous couvert
d’anonymat, qui souvent travaillent pour la guilde sans même le savoir. Il arrive aussi qu’elle engage des voleurs
qui ont trouvé refuge au temple, en payant leurs services avec les biens qu’ils venaient de dérober et qu’ils ont
dû remettre aux prêtres en échange de leur asile. Les dieux ont décidément un sens de l’ironie bien cruel…

20
 Satarla
Le sanctuaire interdit de Shazzadion
L’île d’Ajamba abrite un temple vénérable, dédié à Shazzadion, le dieu des mers, qui passe pour
remonter à l’époque de la fondation de la cité. Il s’agit d’un petit édifice rectangulaire croulant,
en bois vermoulu à la patine sombre. Ses murs sont aveugles, sans le moindre ornement, et il ne
comporte qu’une simple porte de bois. Afin de protéger ce lieu éminemment sacré, les rois de
Satarla ont fait bâtir autour de lui un grand temple en pierre, au centre duquel trône désormais le
vieux sanctuaire, telle une modeste perle noire dans sa coquille de marbre clair.
Les fidèles s’approchent de ses vieilles parois avec révérence, humant timidement le curieux parfum
salé d’embruns et de bois flotté qui s’en dégage. Son entrée est interdite à tous, sauf aux prêtres
de haut rang qui gardent le secret le plus absolu sur les mystères qu’il abrite. Qui sait quels rites
étranges y sont célébrés, et quels trésors il peut bien renfermer ? La rumeur populaire parle de perles
grosses comme le poing, d’une couronne de nacre qui commanderait aux esprits marins, ou encore
d’une dent de Fulca, le serpent de mer qui sert de monture au dieu.
Chaque fois qu’une nouvelle galère de guerre est sur le point d’être lancée, le roi se rend en
procession au temple de Shazzadion pour que les prêtres lui remettent un infime fragment de bois
prélevé sur une paroi du sanctuaire, destiné à être inséré dans la figure de proue du navire, afin de
s’assurer de la bienveillance du maître des flots.

21
 figurer le désert de Beshaar, dont on a fait venir à
... et des jeux prix d’or des nomades montés sur leurs coursiers
des sables, d’y installer un décor éphémère de
jungle, ou encore d’y bâtir de fausses fortifications
Peuh ! Mille temples, peut-être, mais deux fois plus de
Satarla

pour rejouer la célèbre prise de la forteresse

tavernes et de tripots. Quand les Satarlans ne prient
pas, ils passent leur temps à s’enivrer et à parier !
– Bambou, chasseuse des marais de Festrel
Les Satarlans professent une véritable passion
pour les combats de gladiateurs et les jeux du
cirque et, s’il veut conserver la paix dans la cité,
le souverain se doit d’offrir régulièrement à ses
sujets des spectacles grandioses (et horriblement
dispendieux). Il arrive également qu’une famille
de la haute noblesse s’acquitte du coût d’un
spectacle afin de manifester sa puissance et de
renforcer son prestige auprès du peuple. La
plèbe, si elle est satisfaite du divertissement qui
lui a été offert, salue alors du titre honorifique
de « prince des arènes » le généreux donateur,
qui pourra désormais s’en vanter et l’ajouter à
son épitaphe parmi la longue liste de ses nobles
accomplissements.
Le roi et les riches puissants rivalisent donc
d’ingéniosité et de dépenses extravagantes pour
offrir les jeux les plus époustouflants et les mises
en scène les plus grandioses. Il peut s’agir de
transporter des tonnes de sable dans l’arène pour
d’Apûr.
Plus rarement, étant donné le coût faramineux
de tels spectacles, il arrive que le roi donne
une naumachie, un combat naval opposant de
véritables galères de guerre sur la partie du fleuve
entre le port et l’île d’Ajamba. À cette occasion,
les berges se couvrent de gradins provisoires et les
balcons ainsi que les toits des maisons riveraines
sont pris d’assaut par le public. Dans toute son
histoire, Satarla n’a connu que quatre de ces
spectacles grandioses, et tous sont restés gravés
dans les mémoires.
À Satarla, les gladiateurs de l’arène ne sont
ni des esclaves ni des condamnés à mort, mais
des hommes libres, parfois issus des rangs de
la noblesse elle-même, qui s'affrontent pour la
gloire et la fortune. Les combattants célèbres
sont adulés par la foule ; on donne leur nom à ses
enfants, on leur érige des statues, bref, on les traite
en véritables héros. Différentes « académies » de
gladiateurs existent dans la ville, par lesquelles il
faut passer pour espérer accéder un jour à l’arène.
La rivalité est grande entre ces établissements
qui fournissent des combattants pour les jeux,

Crimes et mendicité à Satarla

La condamnation aux galères, assortie d'une durée plus ou moins longue, constitue la peine ordinaire pour la
plupart des vols et des crimes ; à moins que le coupable ne soit envoyé trimer dans la grande mine d’or du roi,
ce qui équivaut à une condamnation à mort à plus ou moins brève échéance, tant le travail y est pénible. Seuls
les crimes contre le roi (comme la trahison) et les sacrilèges (la profanation d’un sanctuaire ou le meurtre
d’un prêtre, par exemple) sont punis de la peine capitale. Les pieds et les mains entaillés, le condamné est
enfermé dans une cage en roseau, suspendue ensuite à un palan et plongée à mi-hauteur dans le Tyr. Attirés
par le sang, les crocators du fleuve ne tardent pas à venir exécuter la sentence. La foule se presse sur la berge
et les paris vont bon train sur la durée que prendra l’affaire.
Bien que la mendicité soit interdite dans les rues de Satarla, un petit nombre de miséreux est tout de même
autorisé à quémander aux portes des temples. Ce sont les Calots rouges qui tiennent le Rôle des Mendiants,
le registre où sont inscrits les noms de ces « privilégiés ». Bien souvent, ceux-ci ont dû graisser la patte d’un
officier du guet (ou lui accorder d’autres faveurs) pour mériter la chance de voir leur nom ajouté à la liste des
mendiants officiels. Du fait de sa rareté, la mendicité est à Satarla une activité relativement lucrative et de
violents conflits éclatent parfois entre miséreux, qui n’hésitent pas à tuer pour libérer quelques lignes sur le
registre et obtenir à leur tour le droit de tendre leur sébile à l’entrée des grands sanctuaires.

22

car leurs services se négocient à prix d’or, sans
compter ce que peuvent rapporter les paris sur
leurs protégés.
Les combats entre gladiateurs ne se terminent
pas obligatoirement par la mort d’un des
adversaires. C’est plus généralement le cas dans
les affrontements contre des bêtes sauvages, qui
sont les spectacles les plus appréciés des Satarlans.
Prédateurs terrifiants et monstres exotiques sont
capturés et ramenés en ville à grands frais pour
régaler la foule. C’est un commerce dangereux
mais très lucratif, grâce auquel certains chasseurs
ont pu amasser des fortunes colossales.
Des courses sont aussi organisées chaque année.
La célèbre Charge, qui est l’occasion pour les jeunes
chevaliers montés sur leurs puissants kroarks de
se mesurer à leurs pairs, se déroule à l’extérieur, au
pied des remparts. La course de la Conque, quant à
elle, oppose des canots, partant du port pour re-
monter le Tyr jusqu’à hauteur du temple de Shaz-
zadion, sur l’île d’Ajamba. L’équipage vainqueur
reçoit autant de pièces d’argent qu’en peut contenir
la conque sacrée du temple.
Certaines célébrations religieuses s’accom-
pagnent également d’épreuves et de joutes
(le calendrier de Satarla en fournit quelques
exemples ; cf. ChL, pages 6 - 8) auxquelles les
Satarlans assistent – et participent – avec entrain.
Ce sont autant d’occasions de paris, et ce goût du
jeu (et notamment des jeux d’argent) se retrouve
dans les nombreux tripots que compte la ville.
23
Satarla
Une terre, un roi
Depuis son origine, la cité de Satarla est
gouvernée par des rois. La dynastie actuelle des
Tarv occupe le trône depuis plus d’un siècle.
L’actuel souverain, Davym Tarv, est un homme
dans la force de l’âge, dont l’autorité est encore
auréolée de l’écrasante victoire qu’il remporta
voici vingt ans sur les armées de Tyrus, même
si certains lui reprochent de ne pas avoir su en
profiter pour détruire définitivement cette cité qui
s’est toujours posée en grande rivale de Satarla.
Les membres de la famille régnante s’arrogent
bon nombre des grands offices de l’administration
royale, où servent également les représentants des
plus nobles et anciennes familles de la cité. Ces
postes prestigieux sont âprement disputés, tant
ils sont synonymes de pouvoir, de richesse et
d’influence.
Le roi se doit aussi d’accorder une oreille
attentive aux avis et conseils des prêtres des
grands sanctuaires, qui jouissent d’un important
crédit et savent en user pour orienter ses
décisions. Récemment, le souverain a mis en
place un conseil royal des guildes, qui regroupe
des représentants des différentes corporations
de marchands et d’artisans, au grand dam d’une
partie de la noblesse satarlane. Certains n’hésitent
pas à y voir l’influence néfaste de son épouse
Avnuby, qui fut longtemps sa concubine et qui
peine à faire oublier ses origines modestes, toute
reine qu’elle soit aujourd’hui.

Cette ville empeste plus le jasmin qu’une courtisane de Satarla !
Édifiée sur les hauts plateaux qui constituent
la limite orientale de la chaîne des Besharoon, la
cité d’Halakh domine un paysage de montagnes
et de vallées semi-arides, aux portes du désert de
Beshaar. Le mythe de fondation de la ville narre
la découverte du Sanctuaire Noir par un humble
berger d’une tribu nomade, laquelle décida de
s’établir sur le plateau venteux où se dressait
ce temple de Nemmereth, édifié en des temps
immémoriaux par des hommes dont les noms
sont perdus dans les limbes de l’Histoire.
Au fil des décennies, la modeste colonie se
transforma en une véritable métropole qui imposa
bientôt sa domination sur les terres alentour,
jusqu’à devenir une des principales cités de
Lémurie et l’un des centres de commerce majeurs
du sud.
Vue d’ensemble
De la plaine, la ville d’Halakh donne au
premier regard l’impression d’une termitière
géante. La cité couvre le versant d’un plateau
montagneux en une succession de terrasses
parcourues d’escaliers, de passages couverts et de
ruelles escarpées. Ses petites maisons carrées ou
rectangulaires s’agglutinent en rangs serrés sur
toute la hauteur de la pente en un paysage dont
l’étouffante uniformité n’est rompue çà et là que
par l’espace ouvert d’une place ou la silhouette
plus massive d’un édifice public. Une large
avenue pavée, la Chaussée des Princes, unique
voie réellement praticable pour les chariots et les
24
Halakh
— Torcol le Généreux
montures, serpente en lacets paresseux à travers
la ville jusqu’au sommet du plateau, dominé par
l’acropole où s’élève Az Amra, la citadelle des
souverains d’Halakh. Sur la vaste esplanade au
pied de l’acropole se dresse le célèbre Sanctuaire
Noir, siège de la secte des redoutés druides gris
(cf. page 33), dont le culte à Nemmereth sous
son aspect de dieu sombre jouit à Halakh d’une
reconnaissance officielle.
Les rues d’Halakh, étroites et montueuses,
offrent un aspect austère et monotone. Les
maisons halakhies traditionnelles se ressemblent
toutes : bâties en pierre ou en brique cuite, elles
sont petites et peu élevées (rares sont celles qui
possèdent plus d’un étage), aux murs badigeonnés
de chaux et percés de minces fenêtres. Le seuil
des maisons est généralement surélevé de deux ou
trois marches, afin d’éviter les inondations quand
les pluies torrentielles qui s’abattent parfois sur la
région dévalent les ruelles pentues. Les heurtoirs
de porte forment toutefois un moyen commode
de se repérer ; les Halakhis ont en effet coutume
d’orner leurs portes de beaux heurtoirs en bronze
sculpté où prédominent les motifs végétaux et les
représentations animales.
Les demeures des plus fortunés ne se distinguent
guère par leur façade ; tout au plus sont-elles plus
spacieuses, et organisées autour d’un patio. C’est
une fois le seuil franchi que s’affiche réellement
la prospérité du propriétaire, et certaines maisons
à première vue banales recèlent des intérieurs
raffinés dont la richesse des ornements et du
mobilier donne l’impression de pénétrer dans
quelque palais secret.
 Halakh
Les Halakhis
Ne t’y fie pas : si les Halakhis aiment cultiver des fleurs, c’est pour mieux fleurir ta tombe.
— Albane la Louve

Les habitants d’Halakh descendent de tribus nomades beshaaries qui se sont sédentarisées à l’époque de
la création de la ville. Même si la population s’est diversifiée par l’installation de robustes montagnards
des monts Besharoon ainsi que de familles originaires des marais de Kasht, l’héritage beshaari reste
prédominant, aussi bien dans la physionomie des Halakhis que dans leurs coutumes et leur façon de vivre.
De leurs ancêtres nomades, les Halakhis ont conservé la fierté digne et un sens de l’honneur pointilleux.
Accueillants et paisibles, rusés sans être retors, ils savent toutefois se montrer irascibles et, s’ils se sentent
insultés, cèdent aisément au désir de vengeance qui chez eux va parfois jusqu’à la folie. Même le plus
arrogant des Halakhis prend garde de ne pas offenser à la légère un de ses concitoyens, car les vendettas
qui peuvent en découler sont capables de décimer des familles et d’ensanglanter des quartiers entiers.
La puissante influence des druides gris sur la société halakhie et sur la vie politique de la cité se ressent dans
cette violence latente, dissimulée sous des dehors affables. Philosophes face à l’inéluctabilité de la mort,
les Halakhis considèrent le meurtre comme un moyen légitime de résoudre un conflit ou de rétablir son
honneur. Cette mentalité a formé un terreau fertile à la naissance de plusieurs confréries d’assassins, qui
ont élevé le meurtre au rang d’art. Sans doute associées à l’origine au culte de Nemmereth, ces confréries
ont depuis perdu leur dimension religieuse. Recrutées à prix d’or, elles interviennent dans les luttes de
pouvoir ou les vendettas familiales. Il arrive aussi qu’un chef tribal s’attache les services d’un maître assassin
pour le protéger des tentatives de meurtre fomentées par ses rivaux, ou pour instruire ses fils et ses filles au
maniement du kriss, l’arme traditionnelle des Halakhis.
Les tueurs à gages halakhis, très recherchés pour leur talent, opèrent également dans d’autres cités et de
lointaines contrées : Halakh a en effet la réputation de former les meilleurs assassins de Lémurie. Parmi
les différentes confréries aux noms lugubrement évocateurs (l’Ombre sanglante, les Crocs de Nemmereth,
la Dernière heure…), la Main grise est certainement la plus mystérieuse et la plus redoutée. Certains
prétendent qu’elle œuvre au service exclusif des druides, dont elle représenterait le bras armé (cf. page 35).
On raconte que la Main grise n’a jamais échoué et qu’aucun de ses membres n’a jamais été capturé vivant.

25
 Halakh
1 Temple de Karyzon 5 Chaussée des Princes
2 Porte des Dunes 6 Porte de la Tourbe
3 Ville Nomade 7 Porte de Malakut
4 Temple des vingt dieux 8 Sanctuaire Noir
Halakh

9 Citadelle d'Az Amra

26
27
Halakh
 Dans les zones les plus escarpées du versant,
les habitations comportent souvent une partie
troglodyte où l’on peut trouver un peu de fraîcheur
pendant les canicules estivales. La ville dispose
Halakh
tourbières en bordure des marais de Kasht font
ainsi l’objet d’une exploitation intensive pour
répondre à la demande de la cité, et les chariots
qui transportent les briques de tourbe séchée

d’ailleurs de nombreux entrepôts souterrains opèrent un va-et-vient incessant.

creusés à flanc de colline, destinés à accueillir les
L’autre ressource indispensable à la survie de
stocks de denrées périssables.
la population dans ces terres arides est bien sûr
l’eau. Halakh est alimentée par plusieurs khariz,

De tourbe et d’eau des aqueducs souterrains qui captent l’eau des

La morne uniformité des rues d’Halakh, qui
déroute souvent les étrangers, vite perdus dans
ce dédale de venelles aux murs blancs et sans
ornement, est toutefois égayée par la présence de
nombreux petits jardins potagers ou d’agrément,
entretenus sur les toits-terrasses des maisons. Cela
peut aller de quelques plates-bandes de légumes
et d’herbes aromatiques à de véritables massifs
de plantes à fleurs, dont les vrilles et les rameaux
retombent sur les façades en cascades luxuriantes
et odorantes.
Ces plantations hors-sol, qui fournissent
une part non négligeable de l’alimentation des
Halakhis, ne sont rendues possibles que grâce aux
chargements de tourbe qui arrivent régulièrement
des marais de Kasht, à l’est de la cité. Ce commerce
est essentiel à l’horticulture pratiquée par les
Halakhis, mais la tourbe sert aussi de combustible
pour la cuisine et le chauffage (le bois étant une
denrée rare dans la région), et les feux de tourbe
répandent sur la ville un parfum fade et entêtant
qui incommode souvent les étrangers. Les vastes
nappes phréatiques dans les hauteurs des monts
Besharoon et l’acheminent jusqu’à la ville.
Certaines de ces galeries creusées dans la roche
peuvent parcourir plus d’une vingtaine de lieues et
représentent une remarquable prouesse technique.
Des puits d’accès jalonnent le tracé des khariz, qui
font l’objet d’un entretien constant et soigneux
tant ils sont cruciaux à la survie de la cité.
Halakh comporte plusieurs citernes souterraines
pour stocker l’eau des khariz, dont la plus
importante se situe sous l’acropole. L’eau sert aux
besoins des habitants, qui peuvent la puiser à des
fontaines publiques, mais elle irrigue également
la ceinture de champs et de cultures qui entoure
la ville. Les Halakhis surnomment l’eau kali nata,
« le joyau liquide ». C’est dire toute la valeur qu’ils
lui accordent, et souiller l’eau d’une fontaine ou
pénétrer sans autorisation dans une citerne ou
un khariz est un crime passible de mort. Ornées
de délicates sculptures et de superbes faïences,
les fontaines d’Halakh agrémentent de touches
fastes la sobriété architecturale de la ville et
forment d’utiles points de repère dans le dédale
de ses rues.

Le souffle de Karyzon
Située aux portes du désert de Beshaar, Halakh connaît un climat très chaud et sec, caractérisé par
de fortes amplitudes de température entre le jour et la nuit (en hiver, les gelées nocturnes n’ont rien
d’exceptionnel). Il y pleut rarement, et presque toujours sous la forme de brefs et violents orages qui
déversent des pluies diluviennes sur la cité.
Mais le phénomène climatique le plus redouté des Halakhis reste le « souffle de Karyzon », un vent
de sud brûlant qui dessèche tout et charrie de terribles tempêtes de sable. Celles-ci peuvent durer
plusieurs jours et paralysent la ville, contraignant les habitants à se calfeutrer chez eux. Le soir, quand
le vent a tendance à faiblir à l’approche de la nuit, les femmes d’Halakh montent sur les toits des
maisons et entonnent une berceuse traditionnelle, censée apaiser le courroux de Karyzon, le seigneur
des vents, et mettre fin à la tempête. La ville prend en ces heures un aspect onirique et irréel, baignée
de la lueur orangée du ciel chargé de sable qu’embrasent les derniers feux du couchant, tandis que
s’élève de tous côtés le chant des femmes halakhies, dont les voix se mêlent en une étrange harmonie.

28

Une ville tribale
Halakh n’est pas organisée en quartiers
proprement délimités et clairement identifiables,
comme c’est souvent le cas d’autres cités. Ici,
pas de quartier riche et de quartier pauvre, ni de
concentration importante d’activités artisanales
dans une partie spécifique de la cité, même si
la plupart des échoppes, des auberges et des
entrepôts s’alignent le long de la Chaussée des
Princes, pour d’évidentes questions pratiques.
La ville est toutefois structurée en différents
« quartiers », aux frontières poreuses et fluctuantes,
définis par l’autorité du chef de famille qui y
détient le pouvoir. Héritière des nomades qui se
sont sédentarisés lors de sa fondation, Halakh
est sous l’autorité de treize familles, gouvernant
autant de « tribus ». Le chef de chacune de
ces grandes familles (il peut aussi bien s’agir
d’une matriarche que d’un patriarche) dirige
en pratique une partie de la ville et y exerce
une justice coutumière pour régler les litiges
entre habitants. L’autorité princière ne s’impose
qu’en dernier recours, si quelqu’un en appelle à
l’arbitrage du souverain, ou en cas de troubles
menaçant gravement la paix publique. Le guet
d’Halakh, constitué de mercenaires beshaaris au
service du prince, limite en général ses patrouilles
à la Chaussée des Princes et à ses abords, laissant
aux chefs de quartier le soin de faire régner l’ordre
chez eux.
Les quartiers de la ville sont ainsi désignés sous
le nom des différentes tribus : on parle du quartier
des Banouram, autour de la Porte de la Tourbe,
au sud de la ville, du quartier des Kalindhit, à
l’ouest, au pied du plateau, ou encore de celui des
Kurvata, des Laljakat, etc.
29
Halakh
La Chaussée des Princes
La Chaussée des Princes, surtout dans sa
partie basse, au pied du plateau, forme le cœur
marchand de la ville et bruisse en permanence
d’activité. Chariots et porteurs l’arpentent en
une noria ininterrompue, au milieu des cris
des vendeurs ambulants qui cherchent à attirer
le chaland et des palabres interminables des
marchands. Entrepôts et boutiques la bordent
sans discontinuer et on peut y trouver toutes
sortes d’échoppes et de tavernes ouvertes sur la
rue, abritées de grands auvents de bois que l’on
rabaisse le soir pour fermer son commerce. Les
auberges se situent principalement dans les rues
adjacentes, plus calmes bien qu’encore animées,
mais dès que l’on s’éloigne vraiment de l’artère
principale, l’ambiance se fait nettement plus
feutrée. Les habitants se retrouvent près des
fontaines, discutent sur le pas de leur porte ou
s’interpellent depuis leurs toits pour vanter la
beauté des fleurs de leurs jardins. De petites
tavernes de quartier servent des rafraîchissements
et quelques plats simples. Les vieux Halakhis y
devisent paisiblement en jouant aux neuf osselets,
tandis qu’un jeune garçon les régale d’un air de flûte
beshaarie pour gagner sa pitance. Les étrangers
qui s’aventurent dans les ruelles de la ville sont
dévisagés sans animosité, avec une curiosité polie
qui leur donne l’impression d’avoir fait irruption
dans l’ambiance paisible d’un village. À la nuit
tombée, la ville plonge dans le calme et, en dehors
de quelques établissements de quartier qui restent
ouverts le soir (dont de discrètes maisons closes
aux façades anonymes), c’est sur la Chaussée
des Princes qu’il faut se rendre pour goûter aux
plaisirs nocturnes qu’Halakh peut offrir.
La Ville nomade
Le seul quartier d’Halakh clairement délimité est celui de la « Ville nomade », qui se situe autour de la Porte
des Dunes, au pied des remparts sud. Une modeste enceinte intérieure circonscrit un vaste espace à l’abandon
qui n’est réellement occupé qu’un mois par an, quand les nomades du Beshaar se rendent à Halakh pour
la grande foire annuelle. En quelques jours, l’endroit se couvre de tentes et d’enclos à bestiaux alors que les
marchands beshaaris affluent en ville pour d’intenses semaines de tractations commerciales et de festivités.
Cette grande foire contribue grandement à la prospérité de la cité ainsi qu’à son rôle de plaque tournante du
négoce dans le sud de la Lémurie, car l’événement attire des marchands de tous horizons.
Aussitôt la foire terminée et les nomades repartis, les pauvres et les vagabonds réinvestissent l’espace déserté
de la Ville nomade, qui redevient un terrain vague mal famé, parsemé de cahutes et de tentes rapiécées.
Cependant, les miséreux savent qu’une semaine avant le début de la prochaine foire, le guet d’Halakh
descendra en force sur la Ville nomade pour y brûler les baraques et en chasser les mendiants, afin de faire
place nette aux marchands du désert.

Le choix de Nemmereth
Les Beshaaris qui viennent commercer à Halakh durant la grande foire annuelle y apportent notamment
des esclaves, fruits de razzias, prisonniers de guerres tribales, ou infortunés voyageurs capturés sur les routes
par les farouches nomades. Une ancienne tradition veut que le prince d’Halakh rachète à cette occasion
tout captif halakhi tombé aux mains des nomades (à condition que ce dernier puisse apporter la preuve de
son appartenance à la cité, par exemple par la production de témoins). Cette coutume a des conséquences
paradoxales : elle fait des Halakhis des cibles de choix pour les pillards beshaaris (qui ont la certitude de
pouvoir les revendre au prince à la prochaine foire), tout en leur garantissant un traitement de faveur en cas
de capture (puisque leurs ravisseurs ont l’assurance qu’ils en retireront un gain substantiel).
Mais cette générosité du prince se double toutefois d’une macabre contrepartie : une fois les captifs halakhis
rachetés, l’un d’eux est tiré au sort pour être sacrifié à Nemmereth sur l’autel du Sanctuaire Noir, renouvelant
ainsi l’allégeance de la cité au dieu. C’est, pour celui ou celle qui est choisi, un grand honneur et une façon
digne de quitter cette vie qui n’entraîne nul opprobre pour sa famille, bien au contraire. Mais tous les
candidats au sacrifice ne se réjouissent pas forcément de cette « chance »…

Prince un jour...
Halakh ne brille pas par sa stabilité dynastique.
Les treize familles peuvent toutes prétendre à
exercer le pouvoir suprême et se succèdent sur le
trône au gré des destitutions et des assassinats.
L’actuel souverain, le prince Zomat Deshkar,
a récemment conquis le pouvoir en éliminant
son prédécesseur. Les Halakhis considèrent le
meurtre comme une méthode de succession
parfaitement légitime ; « Nemmereth a tranché »,
ont-ils coutume de dire.
Il est rare qu’une même famille conserve le trône
sur plus d’une ou deux générations, et l’instabilité
politique (d’autant plus que les changements
dynastiques s’accompagnent souvent de vendettas
et de purges sanglantes) nuit aux capacités de la
cité à s’imposer comme un pouvoir incontestable
dans la région. Heureusement, il suffit qu’un
ennemi extérieur menace la cité pour que le
tempérament fier et insoumis des Halakhis
les incite à une « union sacrée » qui en fait des
adversaires redoutables, comme Malakut l’a
encore récemment appris à ses dépens.
Il arrive parfois que les luttes de pouvoir, ou
de simples conflits entre quartiers qui se sont
envenimés, menacent de faire basculer la cité
dans une véritable guerre civile ; les druides gris

30
interviennent alors pour rétablir la paix et mettre Halakh dispose d’une modeste armée régulière,
fin aux tueries (ce qui ne manque pas d’une cantonnée essentiellement à la garde des remparts
certaine ironie). Une procession de druides au de la ville et de la citadelle. Le gros de ses forces
visage couvert de cendre quitte le Sanctuaire Noir est constitué de mercenaires beshaaris qu’elle

et effectue un tour de la ville selon un parcours
erratique. La rumeur se répand aussitôt parmi la
population que la « procession de trêve » a lieu, ce
qui met fin sur-le-champ à tous les conflits et les
vendettas qui ensanglantent la cité. Et malheur à
celui qui n’obéit pas à l’injonction silencieuse des
serviteurs de Nemmereth...
Halakh
recrute parfois par tribus entières et qui forment
des unités de cavalerie légère chevauchant leurs
célèbres coursiers des sables, capables d’épuiser
des troupes aguerries par leurs tactiques de
harcèlement. Cavaliers émérites, les Beshaaris sont
toutefois indisciplinés et imprévisibles, tout aussi
susceptibles d’actes de bravoure incroyables que
de rompre le combat à la première déconvenue.

Le Sanctuaire Noir
Le Sanctuaire Noir est un lugubre édifice quadrangulaire aux pans légèrement inclinés vers l’intérieur,
formant la base d’une pyramide tronquée. Bâtis en blocs cyclopéens de pierre sombre, ses murs sont
aveugles, à l’exception d’étroits fenestrons percés à une dizaine de mètres de hauteur. Le bâtiment
comporte une seule entrée monumentale, renfoncée dans l’épaisseur de la muraille et encadrée de
deux pilastres sculptés. Les vantaux en bronze verdi de l’immense portail sont ornés de bas-reliefs aux
motifs macabres et restent toujours entrebâillés, de jour comme de nuit, car la mort ne connaît point le
repos… On raconte que ses portes n’ont jamais été fermées et que le jour où elles seront closes, ce sera
l’annonce d’un grand malheur.
L’entrée franchie, on pénètre dans une cour intérieure ceinte d’un large portique. La statue du dieu en
obsidienne luisante siège sur son trône dans une alcôve profonde, en face de l’entrée. Vêtu d’une longue
robe simple qui ne laisse apparaître que ses pieds et ses mains squelettiques, le dieu est assis dans
une pose hiératique et regarde au loin, indifférent au destin des hommes qui s’agitent à ses pieds. La
bouche et les orbites de son visage émacié vomissent des asticots qui semblent réellement grouiller à la
lueur vacillante des deux torchères dont l’éclat illumine timidement l’alcôve du dieu. Un autel se dresse
au pied de la statue, pour les sacrifices, juste à côté d’un puits entouré d’une margelle basse. C’est là que
sont précipitées les offrandes ; il se murmure que ce puits à la profondeur insondable communiquerait
avec le royaume souterrain de Nemmereth.
Sous le portique du côté droit de la cour, plusieurs portes ouvrent sur les autres parties du temple, dont
l’accès est interdit aux simples fidèles. Le portique de gauche est quant à lui destiné à l’exposition de
lugubres ex-voto : des centaines de kriss et de poignards sont fichés dans les joints des moellons qui
composent le mur intérieur. Les assassins halakhis ont coutume de déposer cette offrande avant une
mission pour s’attirer la faveur de Nemmereth le dispensateur de mort, ou en remerciement une fois
leur besogne achevée, mais toute personne qui le souhaite est libre d’accomplir ce geste de sinistre
dévotion.
Le Sanctuaire Noir est également réputé pour être le siège d’une antique pratique oraculaire. Ceux
qui l’osent peuvent solliciter l’oracle de Nemmereth, mais ce dernier n’accorde pas ses révélations à
n’importe qui, ni sans contrepartie…

31
 Cultes de la Lémurie
Les druides gris
Les druides gris servent Nemmereth du Long
Sommeil, le dieu de la mort, qui possède la
particularité unique d’appartenir au panthéon des
vingt dieux communément adorés en Lémurie,
mais d’être aussi compté au nombre des dieux
sombres, ces divinités maléfiques vouées à la
destruction et au mal. Cette spécificité brouille
quelque peu la perception que les autorités et
les cultes divins ont des druides gris, dont ils
condamnent les pratiques tout en reconnaissant
qu’ils servent, de manière dévoyée et sacrilège, un
dieu qu’il est légitime de vénérer.
Halakh, la cité des
druides gris
Alors que tous les cultes des dieux sombres
sont interdits dans les cités de Lémurie et
impitoyablement réprimés chaque fois qu’ils
sont découverts, ce qui est aussi le cas pour les
druides gris, ces derniers jouissent toutefois à
Halakh d’une existence officielle et reconnue,
matérialisée par leur temple situé en plein cœur
de la ville, le tristement célèbre Sanctuaire Noir
(cf. description, page 31). Halakh est le seul
endroit de Lémurie où il est possible de croiser
dans les rues animées la lugubre apparition d’un
homme vêtu de longues robes grises, le visage
couvert de cendre, devant lequel les Halakhis
s’écartent révérencieusement, une prière muette
sur les lèvres.
En dehors du havre que représente Halakh pour
les druides gris, où ils exercent l’autorité religieuse
suprême, l’adoration de Nemmereth sous son
aspect de dieu sombre est considérée partout
33
Les druides gris
ailleurs comme une infamie et châtiée comme il se
doit. Pour l’heure, le culte n’est guère implanté dans
d’autres cités, ou uniquement de façon réduite et
ponctuelle ; il se limite souvent à la présence d’un
ou de plusieurs pèlerins, ou d’une cellule secrète
du culte en quête d’une relique de Chamla Kirdat
(cf. encadré, page 34).
La face sombre d’un
dieu
Les druides gris ne s’occupent ni de cérémonies
funéraires ni de la consolation des vivants frappés
par le deuil ; ils laissent cela aux prêtres de
Nemmereth et honorent le dieu de bien d’autres
façons, plus sinistres et plus terribles. Si dans
toutes les cités de Lémurie, Nemmereth du Long
Sommeil est vénéré comme le dieu qui collecte
les âmes des défunts et règne sur le séjour des
morts, les druides gris l’adorent quant à eux sous
un aspect plus terrifiant et plus cruel, celui du
dieu indifférent à qui nul homme n’échappe, qui
ne se préoccupe ni d’âge, ni de justice, ni de vertu,
mais frappe les hommes ou les épargne pour des
raisons qui n’appartiennent qu’à lui. Dans ce
monde où règne l’éphémère, la mort représente
l’unique certitude : tôt ou tard, tout être finit par
mourir, et par revenir à Nemmereth.
De ce constat qu’ils pourraient aisément partager
avec des sages philosophant sur le sens de la vie,
les druides gris tirent des conséquences pour le
moins particulières. S’il est de notoriété publique
qu’ils pratiquent des sacrifices humains (et ils
considèrent que c’est un grand honneur d’être
ainsi offert à Nemmereth), beaucoup ignorent
que la longue tradition halakhie des confréries
d’assassins remonte à l’origine aux druides gris.
 Ces confréries, pour lesquelles dispenser la mort Ainsi, tous les donneurs de mort, qu’ils soient
revenait à célébrer le dieu, ont depuis perdu en soldat, tueur à gages, amant jaloux ou même fou
Les druides gris

partie leur dimension sacrée pour s’adonner à
leurs activités avec des motivations plus profanes,
même si certaines perpétuent encore la tradition
en considérant l’assassinat comme un acte de
dévotion mystique.
dangereux animé par le seul plaisir du meurtre,
servent le dieu chacun à leur façon. La souffrance
n’est jamais un but pour les druides gris, qui
diffèrent en cela des druides noirs adorateurs de
Tharungozoth. Une agonie pénible accompagne
parfois la mort, mais elle ne représente jamais

La mort pour seul
dessein
Pour les druides gris, offrir le don de Nemmereth
ne relève pas d’un crime, mais d’un devoir sacré
par lequel le meurtrier est – consciemment ou
non – l’instrument de la volonté divine, laquelle
échappe bien sûr à l’entendement humain.
une fin en soi et, à tout prendre, ils préfèrent la
beauté foudroyante d’un kriss planté en plein
cœur. Les druides gris croient que ceux qui ont
bien servi le dieu dans cette vie continueront à
le faire après leur trépas en devenant ses Passeurs,
ceux qui collectent pour lui les âmes des défunts
et l’assistent en son royaume souterrain.
Certains druides gris se font ainsi « pèlerins »
et parcourent le monde en dispensant la mort au
gré de leur inspiration, convaincus d’accomplir en

La prophétie des os
Le légendaire fondateur du culte des druides gris, Chamla Kirdat, dont on raconte qu’il fut le
premier homme à oser pénétrer dans les profondeurs du Sanctuaire Noir, laissa à sa mort de bien
étranges instructions à ses disciples. Il confia à trois d’entre eux le soin de recueillir ses ossements
une fois sa chair mortelle rongée par les vers, et de les graver de mystérieux symboles en copiant une
série de diagrammes qu’il avait préparés à leur intention. Chacun s’occupant d’une partie seulement
de son squelette, aucun d’eux ne put avoir une vision globale de la tâche qu’il accomplissait.
Une fois gravés, les os reçurent différents bains alchimiques destinés à leur conférer une résistance
comparable à celle du diamant, afin de garantir leur pérennité. La légende veut que ce traitement eut
également pour effet de leur donner un aspect lustré et légèrement opalescent.
Puis les trois disciples divisèrent ses ossements en cent trente-trois parts d’inégale importance,
qu’ils confièrent à autant de fidèles du culte. Chacun d’eux reçut pour mission d’emporter la relique
dont il avait la garde en un lieu de Lémurie associé à un épisode de la longue et aventureuse vie
de vagabondage que Chamla Kirdat avait menée avant de devenir maître des druides gris, de l’y
cacher soigneusement et de se donner la mort. Pareillement, les trois disciples qui avaient gravé les
ossements brûlèrent les parchemins d’instruction de leur maître vénéré et s’endormirent pour le
Long Sommeil.
Depuis lors, les druides gris étudient sans relâche les anciens récits de la vie de Chamla Kirdat afin
d’explorer tous les endroits susceptibles de receler une de ses précieuses reliques, dans le but de
reconstituer intégralement le squelette de leur fondateur. Une fois ce dessein accompli, on dit que les
signes cabalistiques gravés sur les os du maître prendront alors toute leur signification et révéleront
un message dont nul ne connaît la teneur exacte ni l’ampleur…
Il n’est donc pas de tâche plus sacrée pour un druide gris que d’apporter sa contribution au
dévoilement de ce qu’ils appellent « la prophétie des os ».

34
cela la volonté de Nemmereth. Malheur au village
ou à la ville qui, sans le savoir, ouvre ses portes à
Exemple de druide gris
(coriace)

Les druides gris

un pèlerin gris…
Il va sans dire que les druides gris ne craignent
pas non plus leur propre trépas et s’y préparent Attributs Aptitudes de combat
par toutes sortes de rituels et de méditations. Vigueur 0 Initiative 1
On raconte que la cérémonie d’initiation à leur Agilité 1 Mêlée 2
culte comporte une inhumation, qui n’a rien Esprit 1 Tir -1
de symbolique : le postulant est placé dans un Aura 0 Défense 0
cercueil qui est enterré dans une des grottes sous le
Carrières : druide 1, assassin 1
Sanctuaire Noir et laissé là un temps indéterminé,
de quelques heures à plus d’une journée – parfois Protection : aucune armure 0
même pour toujours –, à l’appréciation du maître
Armes : kriss halakhi d6M
du culte. Quand (et si) le candidat est déterré, il
arrive donc qu’il n’ait pas survécu, ou que l’épreuve Points de foi : 1
lui ait fait perdre la raison. Ainsi le dieu choisit-il
Vitalité : 6
ses serviteurs pour cette vie, et pour l’autre…

La Main grise Exemple d’assassin de

La Main grise est une confrérie sacrée la Main grise (rival)
d’assassins attachée aux druides gris. Ses services
ne se monnayent pas et elle œuvre exclusivement
au profit du Sanctuaire Noir, pour la plus Attributs Aptitudes de combat
grande gloire de Nemmereth. La confrérie Vigueur 1 Initiative 1
agit principalement à Halakh, mais il lui arrive Agilité 2 Mêlée 2
de dépêcher l’un des siens pour une mission Esprit 1 Tir 0
lointaine, si nécessaire. Aura 0 Défense 1
La Main grise a coutume d’annoncer à ses cibles Carrières
leur mort prochaine. La victime découvre un Assassin 3
matin sur la porte de sa demeure l’empreinte Druide 1
d’une main imprégnée de suie graisseuse : Noble 0
c’est l’annonce de son trépas, qui interviendra Médecin 0
désormais d’un jour à l’autre. Il arrive d’ailleurs
qu’une victime désignée se donne elle-même la Avantages
mort pour échapper à l’attente insupportable du Arme favorite (kriss), discret
kriss qui viendra lui ôter la vie. Désavantages
Avant toute mission, un assassin de la Main grise Fanatique
se doit d’avaler une boulette de cire contenant Protection : armure légère d6-3 (1)
un puissant poison. Lentement dissoute par les
sucs gastriques, la boule de cire (plus ou moins Armes : paire de kriss halakhis d6M+1
épaisse selon le délai désiré) finira par répandre Points de vilenie : 5
la toxine dans son organisme. Si sa mission est
couronnée de succès, l’assassin pourra recevoir Points de foi : 1
un contrepoison salvateur dès son retour au
Vitalité : 11
Sanctuaire Noir. Mais en cas de capture, cela
garantit qu’il ne survivra pas assez longtemps
pour révéler les secrets de la Main grise.

35

Urceb ? Une ville poussiéreuse ? C’est que l’on ne vous a pas fait visiter les bons quartiers !
Nichée dans une discrète baie ouvrant sur
l’océan Oriental, la modeste cité d’Urceb offre
deux visages : celui d’un port dynamique et
prospère, comme en témoigne le riche marché aux
étoffes du quartier des Cendres, mais aussi celui
d’une cité à la réputation sulfureuse en raison de
ses célèbres souterrains qui forment une véritable
ville sous la ville, baptisée l’Urceb-du-dessous,
dont les mystères attisent depuis toujours la
convoitise des aventuriers les plus téméraires de
la Lémurie.
Vue d’ensemble
Urceb se divise en sept grands quartiers, dont
deux sont situés dans la partie souterraine. Il
est remarquable de voir que cette frontière
physique se traduit réellement par deux types
d’habitants. À la surface, les gens sont plutôt
avenants et empreints de bienveillance, comme si
la position géographique un peu reculée d’Urceb
et son patrimoine enfoui avaient nourri chez
eux une certaine sérénité. La situation est plus
contrastée dans les entrailles de la ville : même
s’il est impossible de généraliser, ceux qui vivent
dans les profondeurs, une fois passés les quartiers
festifs affleurant la surface, deviennent de nature
plus discrète ; certains diront plus secrets, ou plus
fuyants, et souvent enclins aux coups bas, à l’affût
de l’inexpérience ou de la crédulité des habitants
de la surface.
36
Urceb
– Kempo, célèbre arpenteur de la Lémurie
La création d’Urceb remonte au début du
Nouvel Âge de l’Homme, après l’ultime défaite
des Rois-Sorciers au gouffre d’Hyrdral, dans un
monde dévasté par une guerre aux proportions
cataclysmiques. Des rescapés sortis des décombres
de Qeb et d’Ygddar fondèrent une ville nouvelle
à l’emplacement même de la cité qui fut, dit-on,
la première à tomber après que Kylarth eut perdu
l’Orbelame, un événement qui manqua de sceller
le destin des hommes. Sans doute était-ce pour
eux une manière d’affirmer symboliquement la
défaite des Rois-Sorciers et de célébrer l’humanité
renaissant de ses cendres.
Rapidement engorgée par le flot des réfugiés
qui se pressaient à ses portes, Urceb trouva
une solution à ce problème en réhabilitant une
partie des ruines souterraines de l’ancienne cité,
qui furent excavées et étayées afin d’offrir un
asile à tous ces malheureux. Avec le temps, ces
taudis sous la surface se transformèrent en un
quartier de la ville à part entière, le quartier de la
Rabouillère, avec ses habitations, ses tavernes et
ses ateliers d’artisans. Progressivement, alors que
d’audacieux explorateurs s’efforçaient d’accéder au
reste de la ville enfouie dans l’espoir de la piller, la
Rabouillère se prolongea d’un réseau tentaculaire
de tunnels entrecoupés de grottes naturelles ou
artificielles, qui ne tarda pas à devenir le refuge
des criminels en tout genre et le lieu de toutes
les activités illicites. C’est par ce dédale de boyaux
obscurs, que l’on appelle familièrement le quartier
de la Cautèle, qu’il est possible de pénétrer dans
la Cité oubliée, dont les vestiges renfermeraient
encore bien des trésors des temps anciens…
Quartier du Port
Le quartier du Port est emblématique de la
vitalité de la cité. Ici s’affairent des centaines
de marins et de commerçants à préparer ou à
débarquer des marchandises en provenance des
quatre coins de la Lémurie. Même si Urceb a
toujours été considérée comme une ville un peu
en retrait, elle n’en demeure pas moins une place
de négoce réputée, la dernière grande escale sur
la route maritime vers le Khanat. Le port est
connu pour son calme et le sérieux des échanges
qui y sont conclus. Le long des quais, bateaux
marchands et embarcations de pêche se mêlent
aux jonques raffinées en provenance de Liu dans
un entrelacs exotique de voiles et de mâts. La
partie sud du port accueille principalement les
plus gros navires, près du petit chantier naval
où les bâtiments soumis aux rudes épreuves de
l’océan Oriental viennent se faire radouber. Au
nord, il est impossible de ne pas s’attarder sur le
gigantesque marché aux poissons, le second de la
ville par son dynamisme. Les étals regorgent de
mille et une sortes de poissons que des vendeurs
ambulants proposent aux promeneurs et aux
marins fraîchement débarqués. Les fritures au
fameux miel noir d’Urceb sont, dit-on, une des
plus douces manières de commencer la journée !
Et combien de badauds se sont arrêtés pour assister
à la fameuse vente « au manchon, » en essayant
vainement d’en comprendre le fonctionnement.
Les plus perspicaces en ont déduit les règles
suivantes : le vendeur enfile un manchon noir qui
lui couvre la main et l’acheteur y glisse ensuite la
sienne. Par un subtil jeu de contacts du bout des
doigts, les deux interlocuteurs négocient le prix de
la transaction. Il n’est pas rare de voir se regrouper
autour d’un vendeur plusieurs marchands qui
s’échangent tour à tour le manchon dans un
silence surchauffé, en quête de la meilleure offre.
Les mauvais payeurs et les hommes de peu de
parole n’ont pas leur place sur ce marché, et le
manchon est aussi là pour le rappeler, que ce soit
par le classique « coup du scorpion » ou par un
doigt sectionné d’un coup de dague habilement
dissimulée.
37
Quartier des Cendres
Urceb ne serait rien sans son fabuleux quartier
Urceb
des tisserands, également appelé le quartier des
Cendres. Situé dans le prolongement nord du
marché aux poissons, celui des tissus est à Urceb
un véritable enchantement pour les yeux. Dans
les ruelles étroites du quartier, les échoppes et les
métiers à tisser se succèdent sans discontinuer.
Urceb bénéficie des échanges avec le Khanat et
en particulier de l’importation de ses magnifiques
soieries. Des ballots de tissus richement brodés
aux couleurs flamboyantes arrivent tous les jours
dans le quartier. Les étoffes sont redécoupées pour
être revendues à des grossistes venus expressément
de Satarla, quand elles ne sont pas directement
confectionnées en étoles ou en somptueux habits
de fête. Au fil du temps, les marchands se sont
regroupés en une guilde qui prospère dans la ville
entière. Ses membres sont facilement identifiables
aux rubans jaune et rouge noués fièrement à leur
poignet. Ils entretiennent d’excellents rapports
avec la guilde du Ponton.
Sur la grande place des Cendres se tient tous
les jours un énorme marché aux tissus. En fin
de journée, les étoffes abîmées et les chutes
inutilisables sont brûlées au centre de la place.
Les cendres sont recueillies avec les éventuels
résidus de fils d’or ou de pierres semi-précieuses,
pour être remises symboliquement au souverain
d’Urceb, en échange de quoi ce dernier assure la
sécurité et le bon fonctionnement du marché tout
au long de l’année.
La guilde du Ponton
La guilde du Ponton est constituée d’une trentaine de
membres. Pour être admis à cette prestigieuse confrérie de
notables, il faut avoir écumé les océans de la Lémurie, mais
surtout avoir accompli le pèlerinage des sept vierges aux
îles du Crâne. Cette guilde est omniprésente dans la ville ;
elle veille à ce que les marchés prospèrent, que les échanges
maritimes se fassent dans le plus grand respect des
coutumes locales et que les activités de la ville souterraine
n’entachent pas trop la réputation d’Urceb. Il n’est pas rare
que la guilde du Ponton engage des assassins pour régler
des différends et maintenir le calme dans la cité.
 Urceb
1 Quartier du Port 7 Quartier des Puits
2 Quartier des Cendres 8 Quartier de la Rabouillère
3 Place du marché 9 Quartier de la Cautèle
4 Quartier des Loges 10 La Cité Oubliée
5 Citadelle 11 Île de la Dent Noire
6 Quartier Royal
 Malheur aux aveugles !
À Urceb, les aveugles ont très mauvaise réputation.
On dit que rencontrer un aveugle en surface est
de mauvais augure. En effet, lors de l’occupation
Urceb
de la partie souterraine, le roi d’Urceb avait pour
habitude de s’en servir comme esclaves et de les
faire peiner dans les tréfonds de la ville dans des
conditions inhumaines. Aussi, croiser le regard vide
d’un aveugle est interprété par les gens d’Urceb
comme annonciateur d’une disparition ou de la
perte d’un objet cher. Il n’est pas rare, au lendemain
d’un enlèvement par exemple, de retrouver au
petit matin des corps d’aveugles roués de coups en
représailles du drame qui a frappé le quartier.
Quartier Royal
Le quartier royal abrite la résidence du roi
Negedzar Frome. Il s’agit d’un ensemble
d’édifices situé au nord-ouest de la ville, coincé
entre le riche quartier des Loges et le quartier
populaire des Cendres. De solides murs d’enceinte
délimitent les différents palais royaux et leurs
dépendances. Les bâtiments sont construits dans
une pierre ocre, une sorte de tuf que l’on a extrait
des collines avoisinantes. L’architecture est simple
et sobre, mais son dénuement lui confère une
sérénité qui impose le respect. Il est impossible
de rentrer dans le quartier sans un laissez-passer
délivré par le roi. Ce dernier est devenu avare de
ce privilège, car les récentes tentatives d’assassinat
dont il a été victime l’ont rendu particulièrement
méfiant. Negedzar est pourtant considéré par la
population comme un bon souverain, soucieux de
faire régner l’ordre et la tranquillité. Les mauvaises
langues diront que ce n’est qu’un homme de
paille et que la véritable personne qui gouverne
la ville est son médecin attitré, Rexel le sobre,
personnage d’une rare intelligence, mais dévoré
par des addictions plus ou moins avouables. Les
résidences du palais royal servent parfois de refuge
à de grands notables venus de toute la Lémurie
afin de profiter de la protection et de la discrétion
du lieu. Il se raconte par exemple que le roi
hébergerait une princesse de Shamballah en exil,
ainsi qu’un capitaine pirate cherchant à échapper
à la vengeance de ses frères des îles du Crâne, qu’il
40
aurait trahis. Qu’offrent donc ces personnages au
souverain en échange de son hospitalité ? Cela
reste un mystère…
Les Loges
Le quartier des Loges est le quartier résidentiel de
la ville situé sur les hauteurs à l’ouest d’Urceb. On y
trouve les demeures des riches familles, des grands
marchands du quartier des Cendres, mais aussi de
figures emblématiques du quartier souterrain de la
Cautèle qui viennent chercher ici la fraîcheur des
nuits et la quiétude. Les habitations comportent
souvent plusieurs étages et sont entourées de
jardins verdoyants. Aussi bizarre que cela puisse
paraître, une petite communauté de Valgardiens
s’est établie ici et y a prospéré au fil des années.
Grâce à leur légendaire force de caractère et leur
droiture, ils ont su se tailler une place à Urceb et
gèrent désormais plusieurs comptoirs prestigieux
et influents de la cité. Même si les raisons de leur
implantation dans cette région si éloignée de
leurs terres natales restent peu claires, ils forment
aujourd’hui une communauté très soudée et leurs
viriles virées dans les tavernes du quartier du Port
passent rarement inaperçues !
Quartier des Puits
Le quartier des Puits occupe la majeure partie de
la ville et s’étend à l’ouest de celui du port. Il forme
un véritable dédale de petits commerces de tous
les jours et d’habitations modestes. Construites
en torchis, celles-ci sont généralement conçues
sur une base carrée avec une grande pièce centrale
octogonale qui sert de lieu de convivialité et de
partage. Les quatre pièces triangulaires attenantes
font office de chambre à coucher, de lieu de culte
pour les offrandes et les prières quotidiennes, ou de
réserve. Cette dernière comporte d’ordinaire une
petite trappe qui mène aux parties inférieures de
la ville. Certaines conduisent aux établissements
animés du quartier souterrain de la Rabouillère,
tandis que d’autres, plus confidentielles, donnent
directement dans les tunnels de la Cautèle, une
facilité d’accès qui se monnaie à prix d’or auprès
des audacieux cherchant à s’y aventurer.

Quartier de la
Rabouillère
Il s’agit de la partie habitée juste sous la surface
d’Urceb. À l’origine, ce quartier avait très mauvaise
réputation et n’était qu’un ghetto pour réfugiés,
connu pour ses crimes, ses lieux de perdition et
son insalubrité. Aujourd’hui, la situation a bien
changé et la Rabouillère n’a rien de très différent
d’un quartier populaire de la surface. La vie s’y
est organisée autour de grandes familles sur un
modèle matriarcal. Tout au long de l’année,
l’ambiance y est joviale et festive, ce qui contraste
avec l’architecture austère des vieilles ruines
modestement rénovées et un environnement peu
lumineux. En plus de fameuses tavernes connues
pour leurs fêtes jusqu’au lever du jour (que l’on ne
voit jamais poindre, comme se plaisent à le dire
les habitués), ce quartier accueille, entre autres,
les stocks de tissus qui sont entreposés là par les
riches marchands de la surface. Ses habitants ne
manqueront pas de raconter l’effroyable incendie
qui a fait rage pendant plus d’une semaine dans
un de ces entrepôts, en emportant plusieurs
familles installées de longue date à la Rabouillère.
Depuis ce drame, l’utilisation des lampes à huile
a été bannie au profit de bougies faites avec la
célèbre cire d’Urceb dont la combustion est plus
lente et plus sûre.
Urceb
Quartier de la Cautèle
C’est un véritable cloaque… Il n’y a pas d’autre
mot pour décrire les dizaines de lieues de tunnels
et d’anfractuosités qui courent sous la ville. L’air y
est vicié, suffocant, et les rencontres dangereuses.
Le quartier de la Cautèle accueille les criminels,
les voleurs, les violeurs et toutes âmes corrompues
de la Lémurie, que l’on nomme en surface « les
blafards » en raison de leur teint livide et de la
couche de « pollen » qui s’est incrustée dans leur
peau au fil des longues années d’errance dans
cet enfer souterrain (cf. encadré en bas de page).
Inutile de dire que la lie de la société a trouvé ici
un refuge : tripots de la pire espèce, misérables
lupanars et gargotes minables sont les principaux
hauts lieux de la Cautèle ! Et pourtant cet
endroit suscite la convoitise : il est l’antichambre
qui permet d’accéder à la Cité oubliée, dont les
ruines obscures recèlent, raconte-t-on, des trésors
légendaires. Le quartier de la Cautèle grouille de
guides plus ou moins bien intentionnés, prêts à
conduire les aventuriers les plus téméraires vers
l’une des entrées de la ville morte. Certains se
contentent de proposer, à des prix exorbitants, des
plans plus ou moins complets des souterrains…
qui se révèlent souvent peu fiables. Il est donc
vivement déconseillé aux visiteurs de se rendre
dans ce quartier.

Le pollen
Une partie des fondations d’Urceb est constituée de sédiments de coquillages accumulés au fil du temps,
et le vaste réseau de tunnels et de grottes de la Cautèle a abondamment creusé dans ce matériau rela-
tivement friable. Ainsi, ceux qui se rendent dans la ville du dessous sont facilement repérables à la fine
pellicule de poudre jaune pâle qui recouvre leurs habits et imprègne leur peau. Le pollen, c’est ainsi que
les gens d’Urceb l’appellent en raison de sa couleur, a une odeur crayeuse et est légèrement abrasif, ce
qui finit par irriter les yeux et donne ce regard rouge sang caractéristique des habitués des souterrains.

41
 Les catacombes de la
Cité oubliée La Cité oubliée
L’ancien cimetière de la ville morte est un Nul ne connaît le nom de cette ville inhumée
Urceb

site réputé, mais dont les entrées connues (au
nombre de cinq) restent un secret jalousement
gardé des rares pilleurs à en avoir connaissance.
Les catacombes se présentent sous la forme
d’une succession sans fin de petites salles
funéraires au plafond bas, accueillant un
sarcophage de pierre en leur centre. On passe
d’une salle à une autre par des ouvertures
sans porte. Les salles à proximité des entrées
ont été visitées des milliers de fois, comme
l’attestent la patine des murs et la crasse, ainsi
que les sarcophages profanés. Mais après
quelques heures de marche dans un silence
macabre, les tombeaux retrouvent leur pureté
originelle, insondés. Dans ce lugubre dédale, il
n’est pas rare que des imprudents s’égarent et
finissent par y pourrir, ajoutant leur cadavre au
nombre des défunts que renferme cette illustre
nécropole.
Le lieu regorge de légendes sur la présence
d’artefacts plus fabuleux les uns que les autres,
qui remonteraient à un passé archaïque,
antérieur au retour des Rois-Sorciers.
Le folklore d’Urceb rapporte également
l’implantation d’une petite communauté de
morgal dans les catacombes. Comme tous
leurs congénères, ils vivent loin du regard de
la population et font l’objet des plus sombres
rumeurs. Certains prétendent qu’ils seraient
dépositaires d’une ancienne relique des
Rois-Sorciers capable de ramener à la vie les
victimes de mort violente. Parmi les aventuriers
les plus célèbres qui se sont engouffrés dans
les méandres de l’Urceb-du-dessous en quête
de cet objet mythique, on compte le valeureux
Krongar qui, après plusieurs semaines de
recherche infructueuse, affirma que tout ceci
n’était qu’une vaste supercherie destinée à
attirer de vaillants explorateurs, afin d’assurer à
ces créatures démoniaques un apport régulier
d’un sang plus vigoureux que celui des blafards
de la Cautèle.
sur laquelle Urceb s’est bâtie, et que l’on appelle
la Cité oubliée (une dénomination que les
étrangers donnent parfois à Urceb elle-même, par
assimilation). Les sages l’identifient généralement
à cette cité inconnue dont un fragment du fameux
Codex d’Ygddar relate la chute.
L’Orbelame venait d’être perdue dans les
marais de Festrel, et le cours de la guerre tournait
en faveur des Rois-Sorciers. Leurs armées se
lancèrent alors à l’assaut d’une grande cité
portuaire sur la côte de l’océan Oriental, qu’elles
investirent après d’âpres combats. Pour faire
étalage de leur puissance, à laquelle nul ne pouvait
désormais s’opposer, les Rois-Sorciers usèrent de
leur sombre magie afin de provoquer un terrible
glissement de terrain qui engloutit la ville, la
faisant littéralement disparaître de la surface de
la Terre. Pire, ils maudirent son nom, qui s’effaça
de la mémoire des hommes et de leurs archives,
annihilant jusqu’à son souvenir. Ils espéraient
ainsi briser toute velléité de résistance chez ceux
qui osaient encore leur tenir tête.
La Cité oubliée offre l’étrange spectacle d’une
ville morte, inhumée sous des tonnes de roche et
de glaise. Si elle est complètement détruite par
endroits, le cataclysme qui l’a emportée a créé
d’immenses cavernes dans lesquelles subsistent
des rues et des places, bordées de bâtiments et de
monuments plus ou moins délabrés, qui regorgent
encore de richesses perdues. Les tunnels du quartier
de la Cautèle permettent d’accéder à certaines
de ces « poches » de ruines, où s’aventurent les
explorateurs en quête de trésors et de reliques des
temps anciens. Il se murmure notamment que,
dans certaines parties de la ville où se déroulèrent
le gros des combats, gisent toujours les dépouilles
de héros légendaires, ainsi que de Rois-Sorciers et
de leurs monstrueux serviteurs, dont certains ne
seraient pas tout à fait morts…

42
Les environs d’Urceb plus intenses, signe d’un très long affinage, sont les
plus prisés). Mais les bois d’Urceb recèlent aussi
une plante plus funeste : l’aconit de Nemmereth.
En périphérie de la ville s’étend une immense Elle pousse à l’abri des regards dans les parties

forêt d’arbres à feuilles persistantes, dont le bois,
d’excellente qualité, a servi à construire les étais
de la ville souterraine ainsi que de nombreuses
embarcations. Juste avant la période des pluies,
leurs frondaisons se parent de milliers de petites
fleurs blanches au parfum délicieusement
douceâtre. En plus d’attirer les badauds et les
poètes en mal d’inspiration, ces fleurs font le
régal des essaims d’abeilles qui pullulent dans la
forêt. Certains débrouillards se sont lancés dans
la production d’un miel aux vertus prétendument
curatives, que l’on retrouve sur le marché d’Urceb
à des prix astronomiques (les miels aux noirs les
Urceb
les plus ombragées des clairières par bouquets de
quatre ou cinq fleurs, facilement reconnaissables à
leur bleu éclatant. Les fleurs possèdent six pétales
dont un seul renferme un poison extrêmement
toxique par ingestion. Mais la nature est bien
faite, et le poison n’est actif que pendant quelques
minutes une fois le pétale arraché. Aussi n’est-
il pas rare de retrouver dans les profondeurs du
sous-bois, près d’un pied d’aconit de Nemmereth,
le corps sans vie d’un amant déçu, d’un candidat
malchanceux à un pari insensé, ou tout simplement
d’un aventurier en quête d’un mortel refuge, lassé
par de longues années d’errance.

Les merveilles d’Urceb

Certaines reliques retrouvées dans la Cité oubliée ont alimenté la légende des trésors enfouis de
l’Urceb-du-dessous et attiré de nombreux héros, pas toujours recommandables, avides de gloire et de
fortune. Voici quelques exemples d’artefacts célèbres, ramenés par de téméraires pilleurs.

Les premières mentions de l’épée de Festus le Juste remontent à l’Edda pourpre. Elle a ensanglanté les
champs de bataille, fait tomber les plus valeureux héros de la Lémurie. Cette épée est réputée pour ses
coups mortels lorsqu’elle est maniée avec dextérité. Si son porteur obtient un résultat naturel de 9 à son
jet d’attaque, l’épée inflige des dégâts d’une catégorie supérieure (d6B au lieu de d6).
Les flèches de Nyce, un légendaire archer de Tyrus, furent forgées par son fameux armurier Lordhar.
Ces pointes au parfait équilibre et au tranchant rarement égalé offrent à un archer une précision de tir
presque surnaturelle (lui octroyant un dé de bonus au jet d’attaque). Meurtrières mais fragiles, ces flèches
ne peuvent être utilisées qu’une fois avec cet avantage.
Mais l’objet le plus fantasque ramené des catacombes et revendu dans le quartier des Loges est sans
conteste le sac de l’Oubli. Son origine remonte à une sombre histoire de vol : assoiffé de connaissances,
le sorcier Mordeck commit l’erreur de dérober le grimoire d’un druide noir. Celui-ci le retrouva et le
tortura toute une nuit pour remettre la main sur son bien. Roué de coups et encapuchonné dans un sac
de jute, le sorcier Mordeck ensorcela le sac pour qu’il lui vide l’esprit de tout souvenir de son méfait.
Porté durant une nuit, ce vulgaire sac de jute aurait la propriété de faire disparaître tous les souvenirs de
la veille. On dit que le sac de l’Oubli fut en possession du célèbre bourreau Ordal qui ne supportait plus
de voir mourir ses victimes ; d’autres disent que la Belle Ssiliene, courtisane à Oomis, s’en servait pour
oublier la misère humaine, tandis que d’autres prétendent qu’il alimenta les fantasmes d’un lubrique
marchand de Satarla qui souhaitait revivre éternellement l’excitation de la perte de son pucelage.

43
 Le Dieu voilé
Bienvenue dans Le Dieu voilé, une saga pour Barbarians of Lemuria !

La cité de Satarla est la proie de phénomènes étranges ayant trait à la mort : des décès aussi soudains
qu’inexpliqués, des défunts qui retrouvent la vie, des apparitions de fantômes, entre autres signes
funestes. Un vent de panique menace de s’emparer de la population et les prêtres de Nemmereth
échouent à comprendre les raisons de ces effrayants prodiges. Les héros vont devoir se confronter à ce
mystère et découvrir la raison du courroux de Nemmereth, qui semble punir Satarla d’un sacrilège
dont nul n’a connaissance.
Mandatés pour une importante mission à Halakh, la cité des assassins, il leur faudra ensuite mener
l’enquête à Satarla et à Urceb, avant de se lancer dans une périlleuse expédition au cœur des jungles
de Qush. Ils auront à affronter bien des périls pour sauver la cité de Satarla d’une grave menace et
apaiser le courroux d’un dieu.

Vous trouverez en page suivante une introduction générale à cette saga, qui vous en expliquera
l’intrigue, ainsi qu’un résumé des cinq aventures qui la composent. Les aides de jeu qui précèdent vous
proposent notamment une description de Satarla, d’Halakh et d’Urceb, que vous aurez profit à lire
avant de faire jouer les aventures qui s’y déroulent, de façon à vous en inspirer pour planter le décor dans
lequel vos joueurs vont évoluer.
N.B. : quand au cours de la saga il est fait mention d’un test sans précision d’un niveau de difficulté,
c’est qu’il s’agit d’un test normal, de difficulté Moyenne (+0).
L’encadré « Les héros ne sont pas éternels », page 65, vous propose quelques conseils pour gérer la
mort éventuelle d’un héros au cours de la saga.

44

L’histoire avant l’histoire
Kryphondus,
le dieu oublié
Le nom de Kryphondus apparaît dans certains
textes anciens au côté des grandes divinités du
panthéon lémurien, mais même les plus érudits
des prêtres ignorent tout ou presque de ce dieu
dont le culte est tombé en désuétude depuis fort
longtemps. Son nom reste toutefois connu des
astrologues, car il désigne aussi un petit astre de
la constellation de la Palme d’Afyra.
L’histoire tragique de Kryphondus prend place
au début du Nouvel Âge, alors que les cités des
hommes renaissaient lentement de leurs cendres
après la défaite finale des Rois-Sorciers à la
bataille du gouffre d’Hyrdral.
Au cœur des jungles de Qush, Kryphondus,
prêtre-roi d’Afyra, régnait sur une petite
communauté prospère malgré la rudesse des
temps. Ses gens le surnommaient « l’Aimé
d’Afyra », car la déesse de la vie lui accordait
plus qu’à tout autre ses bienfaits, et la grande
île qu’ils occupaient sur la boucle méandreuse
d’un affluent de l’Oom jouissait d’une nature
luxuriante et clémente. La maladie épargnait la
population, les enfants naissaient beaux et forts,
les champs offraient des récoltes abondantes et
la sylve n’était pas non plus avare de ses dons,
sous forme de plantes comestibles et de gibier.
Mais cet éden béni d’Afyra formait une enclave
que cernait la jungle hostile, peuplée de tribus
primitives belliqueuses et toujours hantée par
les monstruosités nées de la sorcellerie des Rois-
Sorciers. La communauté de Kryphondus devait
donc livrer fréquemment bataille pour protéger
son île des appétits de conquête des autres
habitants de la jungle, dont certains se vouaient à
l’adoration des dieux sombres.
Aimé d’Afyra, Kryphondus l’était plus encore
que ne l’imaginaient ses sujets. En effet, émue
par la profondeur de son dévouement et de sa foi,
la déesse s’était éprise de son serviteur, comme il
45
Le Dieu Voilé
arrive parfois aux êtres divins de s’enticher d’un
fragile mortel. Afyra s’inquiétait donc de voir
Kryphondus forcé de lutter sans relâche contre
de terribles adversaires et craignait le jour funeste
où Nemmereth, le dieu de la mort, tournerait son
regard vers lui.
Emportée par sa tendre inclination, la déesse
ne pouvait se résoudre à l’idée que Kryphondus
disparaîtrait un jour, comme c’est pourtant le lot
de tous les hommes, et elle décida donc de le
protéger de la mort.
La déesse subtilisa dans le jardin des dieux à
Mezzechesh un panier de cocons de vers à soie
qui fournissaient la matière première avec laquelle
étaient tissés les vêtements divins. Elle déroba
aussi les ciseaux d’une des tisserandes des dieux,
car la soie divine ne pouvait se travailler avec
des outils du monde mortel. Dans une glorieuse
épiphanie, elle apparut à Kryphondus en son
palais et lui remit ces dons divins, avec instruction
de récupérer le fil des cocons et de le tisser en un
voile léger, assez large pour lui couvrir la tête, qu’il
porterait pour aller au combat. Sous ce voile, son
visage et ses yeux – qui sont les portes de l’âme ;
c’est par là en effet qu’elle quitte le corps à la mort
– seraient dissimulés à Nemmereth. Même si
Kryphondus était mortellement atteint, le dieu
ne pourrait s’emparer de lui. Il survivrait ainsi
aux pires blessures et deviendrait invulnérable. Le
voile une fois sur sa tête, nul ne pourrait l’en ôter,
si ce n’était Kryphondus lui-même.
Kryphondus s’attela aussitôt à la tâche, et ne
partagea ce secret qu’avec son épouse Asharaa et
son vieux et fidèle serviteur Chaktar.
Mais une cruelle jalousie s’instilla dans le
cœur d’Asharaa : comment une simple mortelle
pouvait-elle rivaliser avec une déesse pour
l’affection de Kryphondus ? La crainte qu’Afyra
lui vole son époux, qui deviendrait bientôt l’égal
d’un dieu par l’immortalité, rongea tant Asharaa
qu’elle en perdit la raison.
 Folle de chagrin et furieuse envers la déesse,
elle ourdit le plus sinistre des complots. Alors que
Kryphondus mettait la dernière touche au voile,
Le Dieu Voilé
Asharaa lui suggéra d’aller se baigner dans le
bassin au pied du palais, afin de se purifier avant
de revêtir le voile sacré. Elle l’accompagna pour ce
bain rituel et lui servit une coupe de vin de palme
afin de célébrer la fin de son ouvrage. Kryphondus
étancha sa soif de bon cœur et partagea la coupe
avec son épouse, sans se douter un instant de ce qui
l’attendait. Déterminée à ne pas laisser la déesse
lui voler l’affection de Kryphondus, Asharaa
s’était résolue à tuer son aimé et à mourir avec lui :
le vin de la coupe était mêlé d’un puissant poison
de la jungle qui foudroya les deux époux. Ainsi
resteraient-ils unis dans la mort, à l’abri d’Afyra
qui ne pourrait jamais plus les séparer.
Mais la jalousie délétère d’Asharaa l’avait
entraînée plus loin encore, jusqu’à livrer l’île à des
tribus perverties menées par les druides jaunes de
Morgazzon, le roi-démon de la folie, afin de punir
la déesse en provoquant la ruine de son temple
et de ses adorateurs. Et alors que Kryphondus
agonisait et se noyait dans le bassin, trahi par son
épouse qui se mourait avec lui, les druides jaunes
investirent l’île et massacrèrent ses habitants avec
la plus abominable cruauté.
Asharaa avait pris soin d’éloigner Chaktar
avant de mettre son plan à exécution. Quand le
vieux serviteur revint aux appartements de son
maître, il les trouva vides. Le voile, enfin achevé,
était encore tendu sur le métier à tisser. Depuis
la terrasse, Chaktar assista impuissant à l’invasion
de l’île par les tribus de la jungle. Ignorant le sort
de son maître, Chaktar s’empara du voile sacré et
fuit l’île en compagnie de quelques rescapés.
Les assaillants pillèrent et dévastèrent le palais
du prêtre-roi. Les brutes de la jungle saccagèrent
tout dans les appartements de Kryphondus,
brisant le cadre du métier à tisser et délaissant
les ciseaux divins, simple outil sans valeur à leurs
yeux…
Ensuite de quoi, les druides jaunes maudirent
l’île bienheureuse, transformant la végétation
luxuriante en une forêt de démence, peuplée
d’aberrations.
46
Naissance d’un culte
Après bien des péripéties, Chaktar et quelques
survivants de la tribu de Kryphondus émergèrent
des jungles et errèrent dans les plaines de
Klaar jusqu’à rejoindre la côte orientale, où ils
s’établirent, avec d’autres réfugiés, dans les ruines
d’une cité détruite, sur lesquelles Urceb venait
d’être fondée. Là, brisé par le chagrin, Chaktar
entretint pieusement le souvenir de son maître et
fonda un culte qui lui était dédié. D’une fidélité
absolue à son maître et empreint de crainte
religieuse, Chaktar n’eut même pas l’idée de
s’approprier le voile. Dans son esprit, ce don de
la déesse était destiné à Kryphondus, qui seul
pouvait en bénéficier.
Car pour lui, Kryphondus, l’Aimé d’Afyra, ne
pouvait pas être mort : la déesse l’avait forcément
soustrait aux ennemis qui avaient dévasté son
palais. Chaktar prétendait qu’une nouvelle étoile
était apparue ce soir-là et que c’était l’âme de
Kryphondus que la déesse avait emporté au
firmament. Mais, disait-il encore, il reviendrait
un jour pour se coiffer du voile de la déesse et
embrasser son destin d’homme élevé au rang
de dieu. Et alors Kryphondus régnerait sur la
Lémurie et y ferait renaître la paix, la prospérité
et la joie.
Mais ce culte à Kryphondus ne survécut pas au-
delà des deux ou trois premières générations des
rescapés, et du prétendu dieu ne subsista bientôt
plus qu’un souvenir obscur et quelques mentions
sibyllines dans de vieux grimoires. Curieusement,
son nom resta toutefois associé à une petite étoile
de la constellation de la Palme d’Afyra, et se
perpétua chez les astrologues.
Le sanctuaire de Kryphondus s’enfonça dans les
ombres et la poussière de l’Urceb-du-dessous, ces
ruines qui occupent le sous-sol d’Urceb. Sa statue
y demeura, solitaire et abandonnée, toujours
coiffée de son voile sacré.
Quant à Afyra, elle fut durement peinée par la
mort de Kryphondus et la destruction de son île
bienheureuse. Mais la vie reprit bientôt ses droits
dans le cœur de celle qui la personnifiait, tant il
est vrai que dieux et déesses sont bien inconstants
quand ils s’amourachent d’infortunés mortels…
L’homme qui ne voulait
pas mourir

Le Dieu Voilé
Si la fonction première des prêtres de
Nemmereth est de présider aux funérailles et aux
cérémonies en mémoire des défunts, ils comptent
également dans leurs rangs des sages et des érudits
qui interrogent sans relâche le mystère de la vie et
de la mort.
Selon une antique coutume de Satarla, les
orphelins sans famille proche pour les recueillir
se voient confiés au clergé de Nemmereth. On
estime que la mort qui a frappé autour d’eux en
les épargnant représente un signe d’élection qui
les destine au service du dieu. C’est ainsi que,
soixante-cinq ans avant le début de cette saga,
un jeune garçon prénommé Jorkus entra au
temple de Nemmereth à Satarla après le décès
de ses parents durant une épidémie qui ravagea
le quartier miséreux du Cloaque. L’enfant au
physique disgracieux (son nez proéminent, ses
petits yeux enfoncés dans leurs orbites et ses
cheveux noirs ébouriffés lui valurent très tôt le
sobriquet de « Corbeau ») révéla rapidement des
capacités intellectuelles peu communes qui lui
permirent de suivre l’enseignement de maîtres
prestigieux. Il devint un membre éminent du
temple de Satarla, un savant respecté que ses
pairs sollicitaient fréquemment pour des avis Perchoir » demeurèrent davantage un sujet de
et des conseils. Ne trouvant de satisfaction que plaisanterie que de préoccupation, les prêtres
dans l’étude, Jorkus s’enferma peu à peu dans une pardonnant d’autant plus ses excentricités qu’il
misanthropie malsaine, délaissa ses obligations continuait à offrir au culte l’appui de son savoir
cultuelles au profit de ses livres et fuit la compagnie immense chaque fois que son aide était requise.
chaleureuse et quotidienne de ses frères pour lui
S’il délaissait la compagnie de ses frères, Jorkus
préférer les longs échanges érudits avec d’autres
continuait cependant à fréquenter d’autres
intellectuels partageant son goût du savoir. Mû
« chercheurs de vérité » à Satarla et entretenait
par ses obsessions, il perdit lentement contact
une abondante correspondance avec des savants
avec les réalités du monde et s’aventura dans les
et des philosophes d’autres cités. Au cours de ses
dangereux méandres de sciences interdites.
recherches toujours plus impies, qui l’entraînèrent
Car, par un étrange paradoxe pour un prêtre de dans des fréquentations de moins en moins
Nemmereth, la mort était devenue pour Jorkus recommandables, Jorkus se lia avec une secte de
un objet de terreur et de détestation. En secret, druides jaunes de Morgazzon, le roi-démon de la
il explora les savoirs alchimiques et magiques folie, qui commençait à s’implanter en secret dans
destinés à prolonger la vie humaine et se lança à la cité. Il trouva chez eux un accueil favorable à ses
corps perdu dans la quête de l’immortalité. Son obsessions, car toute velléité de perturber l’ordre
isolement choisi, dans les hauteurs d’une tour du naturel des choses ou de s’affranchir des règles
temple, empêcha ses frères de prendre réellement – qu’elles soient humaines ou divines – est pour
conscience de la démence qui s’était emparée les sectateurs de Morgazzon le meilleur moyen
de lui, et les bizarreries du « Corbeau dans son d’honorer le dieu dément.

47
 Le dieu voilé
Après de longues années de recherches
Le Dieu Voilé
infructueuses, alors qu’il lisait un jour la copie
d’un recueil de lettres anciennes remontant à
l’époque de la fondation d’Urceb, Jorkus tomba
sur la missive d’un prêtre d’Afyra qui relatait
sa découverte d’un culte inconnu et archaïque,
dans les ruines de la ville sur laquelle Urceb
était en train de se bâtir. Une poignée de fidèles
vieillissants perpétrait la célébration d’un dieu
baptisé Kryphondus, qu’ils considéraient comme
le promis d’Afyra. Ils l’appelaient « le dieu voilé »
et prophétisaient son retour.
La lettre faisait ensuite le récit de l’histoire de
Kryphondus et de son voile telle que ses adorateurs
se l’étaient transmise de génération en génération,
depuis le temps du fondateur de ce culte, un
certain Chaktar, qui passait pour avoir été le
serviteur de Kryphondus et le témoin oculaire de
ces événements. Ce Chaktar prétendait qu’Afyra
avait subtilisé Kryphondus à ses ennemis et
l’avait dissimulé dans la voûte céleste, parmi les
étoiles. Un jour, avait-il prophétisé, Kryphondus
reparaîtrait parmi les siens, il coifferait le voile
sacré qu’il avait tissé dans la soie divine et, devenu
lui-même un dieu, il régnerait sur les hommes
pour étendre à toute la Lémurie la prospérité et
le bonheur qu’avait connus son île bienheureuse.
Ce culte moribond se réunissait dans un petit
temple souterrain qui contenait la statue du dieu,
dont le visage était recouvert d’un simple voile
de soie blanche, censé être le voile divin tissé
par Kryphondus. Des bas-reliefs y relataient en
détail l’histoire de cet homme appelé à devenir
un dieu, depuis le moment où la déesse lui était
apparue jusqu’à la destruction de son royaume,
sur une île fluviale au cœur des jungles de Qush.
Le prêtre terminait sa missive en demandant
si ses éminents collègues avaient déjà entendu
parler d’un dieu nommé Kryphondus, associé à
Afyra, ou s’il convenait de laisser ce culte étrange
disparaître avec ses derniers dévots…
Cette histoire de voile conférant l’immortalité
enflamma l’imagination de Jorkus, qui savait par
ailleurs (du fait de sa grande érudition) que le nom
de Kryphondus apparaissait sur d’anciennes listes
divines, et qu’il s’agissait également du nom d’une
étoile de la constellation de la Palme d’Afyra.
48
Une confirmation de la possible véracité de cette
histoire lui vint bientôt de ses frères les druides
jaunes, dont une légende parlait d’un ancien site
sacré dédié à Morgazzon, caché dans la jungle
sur une île fluviale. Le lieu avait été « sanctifié »
par le dieu dément après avoir été arraché à des
adorateurs d’Afyra. Un des textes sacrés du culte
druidique conservait de vagues indications sur
l’emplacement de cette fameuse île sacrée.
Durant de longues années, Jorkus avait mené
des recherches de textes et de reliques perdus pour
le compte du temple de Nemmereth (et parfois
pour lui-même). Cela l’avait amené à mandater
fréquemment des groupes de mercenaires pour
diverses missions, et il ne manquait pas de contacts
parmi les aventuriers et les soudards de Satarla. Il
chargea donc un mercenaire du nom d’Hilario de
monter une expédition en quête de cette fameuse
île, tandis que lui-même cherchait activement
le moyen de localiser cet antique sanctuaire qui
avait peut-être perduré dans le dédale de ruines
qui s’étend sous la ville actuelle d’Urceb.
Les indices étaient maigres, mais à force de
persévérance la fortune finit par lui sourire. Il
parvint à retrouver la trace du sanctuaire perdu
de Kryphondus, grâce à l’aide d’un astrologue
d’Urceb, Almar de Chebeg, avec qui il était en
contact depuis quelques années. Il se rendit donc
là-bas accompagné d’un autre mercenaire, un
céruléen du nom de Lok Kozaar, et découvrit dans
le sanctuaire oublié le voile encore pieusement
déposé sur la tête de la statue de Kryphondus.
Il s’en empara et rentra à Satarla, où il retrouva
Hilario, revenu lui aussi de son expédition
couronnée de succès : le mercenaire était parvenu
à localiser la fameuse île, même si tous ses
compagnons avaient péri dans cette expédition
qui avait tourné au cauchemar. Cette mission
dans la jungle avait perdu tout son sens puisque
Jorkus avait entre-temps retrouvé le voile. Mais se
sentant appelé à devenir le nouveau Kryphondus,
il estima que c’était là-bas qu’il devait commencer
symboliquement sa nouvelle vie immortelle…
La disparition de une joie perverse à tuer Jorkus de toutes les façons
possibles, les druides jaunes ne peuvent que
Jorkus reconnaître qu’il est bien devenu l’égal d’un dieu.

Les prêtres de Nemmereth, quand ils sont lassés
de la vie et aspirent au repos auprès de leur dieu,
peuvent choisir de mettre fin à leurs jours. Jorkus,
qui a dépassé les soixante-dix hivers, annonce donc
à ses frères son intention « d’entrer dans le Long
Sommeil ». Selon la coutume, les prêtres préparent
son tombeau dans la nécropole royale de Satarla
qui accueille les défunts de la famille régnante
ainsi que certains dignitaires (dont les prêtres
éminents). Accompagné par une procession de
ses frères, Jorkus se rend à sa dernière demeure,
absorbe un poison spécialement fabriqué pour
cette cérémonie et se couche pour attendre la
mort, tandis que tous se retirent (car nul n’assiste
à la rencontre du dieu et de son prêtre).
Mais Jorkus passe alors le voile de Kryphondus
sur sa tête, ce qui l’empêche de mourir.
Puis il quitte son tombeau avec l’aide d’Hilario
et revient en secret se cacher chez les druides
jaunes de Satarla. Là, il leur proclame qu’il est le
« dieu voilé » et les enjoint à préparer son retour
en proclamant sa venue. Après s’être essayés avec
Le Dieu Voilé
Et comme les fidèles de Morgazzon n’aiment rien
moins que le chaos et la folie, ils voient dans ce
bouleversement de l’ordre naturel un événement
propre à réjouir le dieu dément.
Après quelques jours auprès d’eux, Jorkus
quitte discrètement Satarla pour gagner l’île de
Kryphondus, guidé par Hilario, tandis que les
druides jaunes de Satarla échafaudent des plans
afin de déstabiliser la cité en prévision de son re-
tour. Lok Kozaar, qui est un gredin sans foi ni
loi, les assiste, espérant se gagner ainsi une place
au côté de Jorkus/Kryphondus, dont il a pu
constater les pouvoirs surnaturels. Faisant valoir
son passé de militaire, Lok réussit à convaincre
Jorkus qu’il pourrait devenir le général de ses
armées et les conduire à la victoire. Dévoré d’am-
bition, le céruléen voit là une chance de devenir
enfin un personnage puissant et respecté, ce que
la vie lui a toujours dénié jusque-là. Il reste donc à
Satarla auprès de la secte des druides jaunes et les
assiste dans leurs manigances, en attendant que
Jorkus l’appelle à le rejoindre, quand sera venu le
temps de son avènement.

Les motivations de Jorkus

Le grand sage que Jorkus fut jadis a sombré dans la démence. Obsédé par l’idée d’échapper
à la mort, il s’est perdu dans des recherches sacrilèges, a frayé avec les druides fous de
Morgazzon et consommé leurs « plantes sacrées », s’est adonné à la sorcellerie la plus noire.
Ses recherches sur Kryphondus et son voile l’ont convaincu qu’il est appelé à devenir le
nouveau Kryphondus, ce que lui a confirmé un thème astral (féru d’astrologie, Jorkus est
sensible aux indications des astres). Pour ce faire, il doit mourir symboliquement en tant
que Jorkus, afin de pouvoir renaître en tant que Kryphondus, et il entend effacer tout ce
qui le relie à sa nature mortelle afin de devenir véritablement un dieu, sans plus rien pour le
ramener à son « ancienne » humanité. Ce délire de toute-puissance le conduit donc à mettre
en scène sa propre mort, puis à gagner l’île au cœur de la jungle où avait vécu le premier
Kryphondus, afin d’y amorcer son « grand pèlerinage » pour revenir triomphalement vers
la civilisation en étant devenu le nouveau Kryphondus, le dieu voilé. Son invulnérabilité
miraculeuse lui vaudra l’adoration des foules, et il conquerra tous les trônes de Lémurie
pour régner sans partage. Repartant symboliquement du lieu où tout a commencé, il compte
entraîner avec lui les tribus de la jungle et entamer son avènement en s’emparant de Satarla,
la plus puissante cité du continent, le Joyau de la Lémurie. De là, il pourra alors étendre sa
domination sur le reste du monde et instaurer un nouvel âge. Rien de moins…

49
 Le courroux de
Nemmereth Résumé des aventures
Le Dieu Voilé

Mais les actes de Jorkus ont eu une conséquence

qu’il n’avait pas prévue. Sitôt le voile posé sur son
visage, il s’est affranchi de sa condition de mortel,
sans pour autant devenir véritablement un dieu.
Dans les sombres cavernes de son domaine où
il suit la destinée de tous les hommes et préside à
l’heure de leur mort, Nemmereth ne tarde pas à
s’apercevoir qu’il lui manque une âme. Un mortel
a disparu du compte des vivants, sans pour autant
avoir rejoint le royaume des défunts. Perturbés, les
Passeurs de Nemmereth, manifestations éthérées
de la volonté du dieu qui parcourent le monde
pour collecter les âmes, s’agitent frénétiquement Introduction :
dans Satarla. En quête de cette âme manquante, la colère de Nemmereth
ils engendrent toutes sortes de présages funestes
Alors qu’ils assistent aux funérailles de leur
(des décès brutaux, des apparitions fantomatiques,
ami Min Tan à Satarla, les héros sont les témoins
des cauchemars, etc.) dans leur empressement à
d’un macabre prodige qui révèle que le dieu de la
apaiser l’ire du dieu, ulcéré par cet événement qui
mort est courroucé. Leur courageuse intervention
bouleverse l’ordre de l’univers et le dépossède de
convainc Nirmus, un éminent prêtre du temple
son dû. Ces mauvais présages et les événements
de Nemmereth, de leur confier une mission : se
troublants qui se manifestent depuis peu dans
rendre à Halakh afin d’interroger un oracle sur les
la ville déroutent les prêtres de Satarla et
motifs de la colère du dieu. Deux autres groupes
commencent à inquiéter les citoyens à mesure que
de mercenaires sont chargés par le temple d’aller
la rumeur se répand…
interroger de grands sages sur le même sujet.
C’est là que nos héros entrent en scène : Lok Kozaar, qui s’est fait lui aussi recruter par le
confrontés à la manifestation du courroux de temple mais œuvre secrètement pour les druides
Nemmereth, les voilà tout désignés pour chercher jaunes et pour Jorkus, envoie son âme damnée
à découvrir ce qui a bien pu offenser le dieu ! Kurta à Halakh, avec mission d’éliminer les héros.

Résumé de l’intrigue
W Jorkus découvre l’existence du voile de Kryphondus, possible source d’immortalité.

W Il envoie Hilario, un mercenaire, chercher l’île de Kryphondus dans les jungles de Qush.

W Il contacte Almar de Chebeg, un astrologue d’Urceb, qui l’aide à localiser le sanctuaire perdu des adorateurs de
Kryphondus, dans les souterrains de l’Urceb-du-dessous.
W Jorkus se rend à Urceb en compagnie de Lok Kozaar, un mercenaire céruléen à son service. Il trouve le voile
dans le sanctuaire et l’emporte à Satarla.
W Jorkus met en scène son suicide rituel pour « disparaître » et revêt le voile qui l’empêche de mourir. Il quitte
son tombeau avec l’aide d’Hilario, se cache chez la secte des druides jaunes de Satarla. Ces derniers, adorateurs du
désordre, accueillent avec joie l’idée d’un nouveau dieu venant bouleverser l’ordre divin.
W Jorkus part pour l’île de Kryphondus, guidé par Hilario, pour « revenir aux sources » et renaître symboliquement
en tant que « dieu voilé ».
W Les druides jaunes de Satarla préparent son retour en semant le trouble dans la cité, avec l’aide de Lok Kozaar.

W Des prodiges funestes expriment la colère de Nemmereth, privé de l’âme de Jorkus qui aurait dû lui revenir, et
entraînent l’implication des héros. 50
1. L’oracle de Nemmereth
Confrontés aux mystérieux druides gris de
Nemmereth, les héros sont autorisés à consulter
l’oracle, qui leur délivre un message sibyllin.
Durant leur séjour à Halakh, ils sont victimes
d’un empoisonnement et affrontent une secte
d’assassins recrutée par Kurta. Ils libèrent Qirmar,
un jeune alchimiste, emprisonné par la secte
d’assassins qui le forçait à travailler pour elle, et
reviennent à Satarla en sa compagnie.
2. Envolé le Corbeau !
Les héros rapportent le message de l’oracle à
Satarla, qu’ils décryptent avec l’aide de Nirmus.
Le courroux du dieu semble lié au récent suicide
rituel de Jorkus, un prêtre de Nemmereth.
Envoyés vérifier le tombeau de Jorkus, ils le
trouvent vide, mais font une sinistre rencontre
dans la nécropole où le repos des morts semble
bien troublé. Leur enquête les met ensuite sur
la piste d’Hilario, un mercenaire au service de
Jorkus, revenu récemment d’une mystérieuse
expédition dans la jungle de Qush, mais reparti
depuis. La fouille des appartements de Jorkus les
entraîne vers Urceb, où ils espèrent trouver le fin
mot de l’histoire auprès d’Almar de Chebeg, un
astrologue en relation épistolaire avec Jorkus.
3. Le dieu dévoilé
Après avoir affronté les hommes de Lok Kozaar
qui leur ont tendu un piège chez l’astrologue qu’ils
sont venus rencontrer, les héros doivent retrouver
le guide capable de les mener au sanctuaire que
cherchait Jorkus dans les souterrains d’Urceb.
Mais ce guide est prisonnier d’un énigmatique
seigneur, surnommé le Prêtre Rouge, qui accepte
de le libérer en échange d’un certain service…
Après bien des péripéties et des rebondissements,
les héros découvrent le sanctuaire et ses bas-reliefs
relatant la vie de Kryphondus et l’histoire du voile
d’Afyra. Le texte de l’oracle ainsi que les bas-
reliefs laissent penser qu’il leur faut à présent se
rendre sur l’île de Kryphondus afin d’y découvrir
le moyen de détruire ce voile divin dont Jorkus
s’est emparé, mais leurs informations sont encore
trop lacunaires. En revanche, ils ont une piste à
Satarla, pour retrouver ce Lok Kozaar qui a tenté
par deux fois de les faire tuer.
51
4. Quand tombent les
masques…
Le Dieu Voilé
De retour à Satarla, les héros doivent déjouer
les complots d’une coterie de druides jaunes
devenus les premiers fidèles du dieu voilé et
trouver les éléments leur permettant de localiser
l’île de Kryphondus, où ils espèrent récupérer une
« arme » susceptible de détruire ce voile qui rend
invulnérable. Les troubles ont continué à Satarla,
au point d’inquiéter les autorités royales qui
s’intéressent désormais à l’enquête des héros et
leur apportent leur soutien : une nef volante va les
conduire à Fort Junia, une forteresse frontalière
aux portes de la jungle, où les attendra une barge
pour remonter le fleuve à la recherche de l’île de
Kryphondus. Peu après leur arrivée, Fort Junia
est pris d’assaut par une armée de grooth et de
guerriers des jungles, sous la conduite du « dieu
voilé », qui n’est autre que Jorkus. Ils ont l’occasion
de constater de leurs yeux l’invulnérabilité de ce
dernier et sont contraints de fuir les lieux à bord
de la nef volante.
5. L’île de Kryphondus
Après avoir retrouvé l’île perdue dans les
jungles, les héros doivent affronter les horreurs
et la démence de ce lieu maudit par Morgazzon
et y récupérer les ciseaux remis à Kryphondus
par Afyra, seuls capables de déchirer « la trame
sacrée des dieux ». À bord de la nef volante, ils
reviennent vers le territoire de Satarla. L’armée
de Jorkus campe toujours à Fort Junia, offrant
l’occasion aux héros de frapper leur ennemi en un
lieu qu’ils connaissent déjà. Il faut faire vite, car
l’armée de Jorkus se renforce de jour en jour et,
à l’est, Tyrus mobilise ses forces dans l’espoir de
profiter de la situation pour attaquer Satarla, sa
grande rivale !
Confrontation finale
Les héros doivent trouver le meilleur moyen
d’approcher Jorkus/Kryphondus en une opération
qui a toutes les apparences d’une mission suicide,
afin de déchirer le voile qui le cache aux yeux de
Nemmereth et provoquer ainsi sa perte. La mort
du prétendu dieu entraînera la débandade de ses
armées, sauvant Satarla de la dévastation.
 Introduction
La colère de Nemmereth

La colère de Nemmereth
Note au MJ : la saga débute à Satarla, et les héros y passeront beaucoup de temps par la suite (deux
épisodes de la saga s’y déroulent presque exclusivement), aussi est-il important de bien en planter le
décor. Pour vous y aider, vous trouverez une description ainsi qu’un plan de la cité aux pages 12 à 23.

Les héros viennent d’arriver à Satarla à

l’invitation de Min Tan, un négociant xi lu qui
tient le comptoir satarlan de la Main de Jade,
Rendez-vous avec
une puissante maison commerciale originaire du
Khanat (cf. ChL, page 19 pour plus d’informations
sur la Main de Jade).
la mort
Les quais de marbre jaune de Satarla, le Joyau de
Min Tan est un personnage connu du groupe
la Lémurie, resplendissent sous le soleil printanier
(ou de certains de ses membres), avec lequel il
de ce mois de Vana. Comme à son habitude, le
a déjà eu l’occasion de travailler. L’homme est
quartier du port grouille de monde ; les langues
fiable, discret, et paie rubis sur l’ongle. Sa lettre
et les couleurs de peau s’y mêlent en une joyeuse
(les dieux seuls savent comment il a pu retrouver
cohue qui engorge les quais et les rues adjacentes
les héros !) parle d’une certaine affaire qu’il aurait
d’un flot continu de chariots, d’animaux de bât,
à leur proposer. Voilà sans doute pour nos héros
de files d’esclaves et de portefaix qui déversent
une chance de renflouer leurs finances, qui sont
dans la ville des produits venus des quatre coins
certainement en berne, comme à leur habitude…
de la Lémurie.
Note au MJ : en fonction de votre groupe de hé-
Le comptoir de la Main de Jade se trouve non
ros, efforcez-vous de personnaliser les relations de
loin du front de mer, rue de la Conque. Aisément
Min Tan avec tout ou partie de ses membres, afin
reconnaissable à son enseigne arborant une main
de rendre incontournable leur présence à ses funé-
verte, il consiste en un grand entrepôt flambant
railles (cf. page 54). Aventurier dans sa jeunesse,
neuf accolé à une belle demeure en pierre, dont
Min Tan a fait les quatre cents coups avec l’un
le rez-de-chaussée accueille la boutique et les
d’entre eux ; autrefois, l’homme les a sortis d’une
bureaux.
mauvaise passe et ils ont une dette envers lui ; c’est
un vieil ami d’un des héros, qui a fait sauter sur Quand les héros s’ enquièrent de Min Tan, le
ses genoux sa fillette Jia, qui doit être devenue jeune Xi Lu qui les reçoit ouvre de grands yeux
une jeune femme à présent, ce genre de choses. et leur bafouille d’attendre un instant. Il revient
Bref, les héros ne vont pas voir un commanditaire quelques minutes plus tard en compagnie de
quelconque et anonyme, mais quelqu’un qu’ils Jia, la fille de Min Tan. Ses longs cheveux noirs
considèrent plutôt comme un ami. luisants sont remontés en un chignon qui dégage

52
son visage aux traits d’une exquise finesse. Mais
la belle Jia a le teint pâle et les yeux bouffis. Un

La colère de Nemmereth
sanglot dans la voix, elle explique aux héros que
son père est décédé la veille. Alors qu’il vérifiait
un chargement dans l’entrepôt, il s’est effondré
brutalement. Le médecin qui l’a examiné a dit
que son cœur s’était arrêté de battre et que son
souffle vital l’avait quitté, comme cela arrive
parfois, même chez des gens qui paraissaient en
pleine santé.
Selon le tour que prendra la conversation avec
Jia, les joueurs pourront obtenir les informations
suivantes :
W Le médecin appelé à son chevet, maître
Almandus, n’a rien constaté d’étrange. C’est
une mort naturelle, certes brutale, mais qui n’a
rien de suspect. Rien ne laisse soupçonner un
empoisonnement ou un meurtre. En revanche,
Une alliée à Satarla
le médecin a laissé entendre que plusieurs décès Même si la saga va entraîner les héros dans
aussi brusques qu’inattendus ont affligé la ville de longs voyages, ils reviendront à Satarla
dernièrement. fréquemment et seront amenés à recroiser
Jia s’ils le souhaitent. Il serait donc judicieux
W Min Tan était égal à lui-même les jours
que des liens se tissent entre les héros et
précédents, pas particulièrement fatigué ou
elle. C’est une jeune femme intelligente,
préoccupé. Il n’y a eu au comptoir ni problème ni
un peu perdue et esseulée face au décès
visite étrange, rien qui sorte de l’ordinaire.
brutal de son père (d’autant plus après ce
W Jia, à son grand regret, ignore tout de qui se passera durant les funérailles), et
l’affaire dont son père souhaitait les entretenir. bien disposée à l’égard des héros (puisqu’ils
Il ne lui parlait jamais des activités les plus étaient des amis de son père et qu’elle a
« sensibles » du comptoir, dont il se chargeait peut-être eu l’occasion de les croiser durant
toujours seul. Elle n’a en l’état aucune mission son enfance). Elle représente donc un point
lucrative à leur confier. Mais elle insistera pour d’ancrage pour les héros à Satarla.
leur offrir au moins le gîte, navrée qu’ils aient fait
Mais elle pourra aussi, si les joueurs pensent
le voyage jusqu’à Satarla pour rien (« la maison
à la solliciter, devenir une alliée précieuse
est grande, et je serai heureuse d’avoir des amis de
dans leur quête. Elle connaît bien la ville,
mon père auprès de moi. »).
dispose d’informateurs et de ressources. Par
W Min Tan étant veuf, Jia se retrouve seule exemple, elle n’aura aucun mal à leur trouver
(avec les employés du comptoir) pour s’occuper un navire qui accepte des passagers pour la
des funérailles et faire tourner l’entrepôt. Elle destination de leur choix, à leur conseiller
assurera la transition, en attendant que la Main de un marchand susceptible de leur fournir ce
Jade envoie quelqu’un pour reprendre la direction. qu’ils recherchent, ou à se renseigner pour
Liu Liong, l’assistant de son père, est parti voici eux sur tel ou tel personnage de Satarla.
plusieurs mois pour ouvrir un nouveau comptoir
Sans être indispensable à la saga, Jia peut
de la Main de Jade à Halakh.
en devenir un PNJ récurrent qui donnera
Les funérailles de Min Tan doivent se du relief à l’histoire et même fournir
dérouler en fin d’après-midi, au grand temple éventuellement un PJ de remplacement en
de Nemmereth, et Jia invite bien évidemment cas de décès malheureux d’un des héros.
les héros à y assister.

53
 Une enquête sans
indices
La colère de Nemmereth
Si les héros veulent mettre à profit l’après-
midi pour enquêter, laissez-les faire, sans trop
prolonger cette étape ; la fin de journée arrive
vite, et ils sont attendus au temple de Nemmereth
pour les funérailles. Il n’y a pour le moment pas
grand-chose pour eux à se mettre sous la dent,
mais voici ce qu’ils pourront apprendre :
W Si un héros demande à examiner le corps,
Jia s’en étonnera un peu, mais ne s’y opposera pas.
Min Tan repose pour l’instant dans sa chambre,
vêtu de ses plus beaux habits, veillé par une vieille
domestique xi lu qui marmonne des prières. C’est
un homme solidement charpenté, qui était dans la
force de l’âge. Quelques fils gris marquent à peine
sa barbe et ses cheveux noirs, soigneusement
peignés. Il porte en pendentif une petite main en
jade, l’insigne de sa charge. L’examen ne révélera
absolument rien : aucun signe d’empoisonnement,
de maladie, ou de maléfice.
W Pareillement, une fouille rapide de
l’entrepôt ou des caisses que Min Tan était
en train de vérifier au moment de sa mort (un
chargement de brocarts de Khansan) n’apprendra
rien aux héros, pas plus que l’interrogatoire des
employés. Ils n’ont rien vu, rien entendu, rien
remarqué d’étrange. Leur maître s’est effondré
d’un coup, sans aucun signe avant-coureur.
W Le médecin qui a examiné Min Tan habite
non loin du comptoir, une maison cossue dans la
rue des Voileries. Maître Almandus accepte de
recevoir les héros et leur apprend, avec un peu de
réticence, que plusieurs cas de décès brusques et
inexpliqués se sont produits ces derniers temps.
Cela arrive toujours, de temps à autre, mais la
fréquence de ces morts brutales est assez inédite.
Les médecins ont commencé à en parler entre
eux, craignant l’apparition d’une nouvelle maladie,
mais cela reste peu probable car les défunts n’ont
manifesté aucun symptôme particulier. Cela
relève sans doute d’un malheureux hasard, tout
simplement.
Note au MJ : comme tous ces infortunés
qui sont morts brutalement, Min Tan a eu la
mauvaise fortune de croiser un Passeur cherchant
en vain l’âme manquante de Jorkus depuis le
54
moment où il a passé le voile sur sa tête (cf. « Le
courroux de Nemmereth », page 50). Son décès
est entièrement fortuit, mais il va permettre de
faire entrer les héros de plain-pied dans la saga.
Les funérailles
de Min Tan
En fin d’après-midi, les héros retrouvent Jia dans
la cour du temple de Nemmereth. L’édifice dessine
un grand quadrilatère aux angles couronnés de
quatre tours massives en forme de pyramides
tronquées, ornées de moulures et de bas-reliefs
sur toute leur hauteur. Le portail de l’enceinte
ouvre sur une vaste cour intérieure pourvue de
trois autels sacrificiels derrière lesquels se dresse
le sanctuaire proprement dit, dont les portes
ouvertes laissent entrevoir la statue du dieu sur
son piédestal. Les bâtiments latéraux sont quant
à eux dédiés aux logements des prêtres et à leurs
différents bureaux, salles d’études et ateliers.
Le corps de Min Tan, recouvert d’un linceul,
repose sur un brancard de bois, devant l’autel
de gauche. Une autre cérémonie funèbre a lieu
à l’autel central et réunit quelques personnes
modestement vêtues.
Jia, les employés du comptoir, quelques amis
et voisins, sont réunis pour les funérailles. Un
prêtre en toge blanche et au front rasé selon la
coutume des serviteurs de Nemmereth préside à
la cérémonie, assisté de plusieurs acolytes. Après
une longue litanie dans un lémurien archaïque, le
prêtre rabat un pan de sa toge sur son crâne (le
sacrificateur doit se couvrir la tête) et s’empare
d’un long couteau posé sur l’autel. Attaché par
son licol à une mince colonnette de pierre, un
beau bubalus à la robe beige, aux cornes ornées
de couronnes de fleurs, les flancs peints de
symboles mystiques, s’ébroue nerveusement. C’est
l’animal offert en sacrifice par la famille pour que
Nemmereth accueille Min Tan en son domaine.
Un jeune acolyte jette dans une cassolette
d’argent une brassée d’herbes odorantes qui
produisent aussitôt une fumée aux senteurs
capiteuses, et la passe en cercles lents sous le mufle
de l’animal. Le prêtre s’approche du bubalus

ombrageux, lui caresse le sommet du crâne avec
douceur et respect, puis d’un geste sec et assuré
tranche la gorge de l’animal, tandis qu’un des
desservants recueille le sang du sacrifice dans
une grande vasque en argent. La cérémonie se
poursuit par une aspersion du sang du bubalus sur
le défunt, accompagnée de prières pour le repos
de son âme.
Les funérailles touchent à leur fin. Les
équarrisseurs au service du temple attendent
pour emporter la dépouille du bubalus dont une
partie de la chair servira au banquet funéraire
donné par la famille, tandis que deux fossoyeurs
s’avancent déjà pour se charger du défunt. C’est
alors qu’il se produit un événement aussi terrifiant
qu’inattendu.
Dans un soubresaut violent, le bubalus exsangue
se relève brutalement en renversant un des
acolytes. Le corps frémissant, il toise l’assemblée
de ses yeux vides et baisse la tête en tapant du
sabot d’un air menaçant. L’ entaille pratiquée
sur son cou par le couteau du sacrificateur est
rouge et béante, laissant entrevoir l’intérieur de
sa gorge. Un peu de sang dégoutte encore aux
parois de la plaie.
Descendu au bas de l’estrade pour marquer du
sang du sacrifice le front de ceux qui ont assisté aux
funérailles, le prêtre de Nemmereth se retourne et
contemple d’un air interdit ce miracle sacrilège.
Le bubalus s’élance soudain vers la foule, droit sur
le sacrificateur qui se trouve juste devant Jia. À
moins d’une courageuse intervention des héros
(les autres personnes présentes fuient la créature
sans chercher à s’interposer), cette dernière risque
fort de finir piétinée…
55
La colère de Nemmereth
Le bubalus zombie
Taille : grande.
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 5 Attaque +0
Agilité -2 Dégâts d6B
Esprit -2 Défense 0
Force vitale 20 Protection d6-3 (1)
Devant l’autel central où se déroulait l’autre
cérémonie funèbre, des cris affolés éclatent à leur
tour, à la fois parce que les gens ont remarqué le
bubalus qui s’est relevé de la mort, et parce que
les deux pigeons sacrifiés qui gisaient sur un
plat d’argent – modestes offrandes de la famille
de cet autre défunt – sont pris de soubresauts et
s’envolent dans le ciel rougeoyant pour passer au-
dessus de la scène, la tête pendant mollement au
bout de leur cou brisé.
Au milieu du tumulte, un héros pourra
également remarquer que le corps de Min Tan
semble agité de convulsions… Puis, avec horreur,
il verra le défunt redresser le buste pour s’asseoir
en se contorsionnant comme s’il cherchait à se
libérer du linceul qui l’emmaillote étroitement,
avec la frénésie d’un homme paniqué.
Min Tan s’est réveillé de la mort ; il se retrouve
couvert d’un drap sans comprendre ce qui s’est
passé et se débat vigoureusement pour se libérer.
Mais ce n’est qu’un répit et aussitôt le bubalus
zombie abattu, Min Tan retombera lui aussi dans
la mort, pour de bon cette fois. Si un héros est allé
l’aider à se dégager de son linceul, tout au plus Min
Tan aura-t-il le temps de bafouiller quelques mots,
l’air confus, en demandant ce qui lui est arrivé…
 Une fois le combat contre le bubalus terminé,
une grande agitation continue à régner dans la
La colère de Nemmereth

cour du temple. De nombreux badauds ont assisté

à l’horrible prodige, les conversations affolées vont
bon train, et les prêtres de Nemmereth s’efforcent
de ramener l’ordre en faisant emporter la bête,
ainsi que le corps de Min Tan. Le prêtre qui a
présidé au sacrifice (ou un autre si ce dernier a
été tué) s’efforce de rassurer Jia et promet d’autres
cérémonies propitiatoires pour accorder à son
défunt père des funérailles décentes. Il désigne à
un haut dignitaire du culte les braves héros qui
sont intervenus pour rétablir la situation, et ce
dernier, après les avoir remerciés, les invite à le
suivre dans le temple.
dans un bois rare et imputrescible, aussi vieille
que Satarla elle-même, est souillée depuis peu par
Signes funestes à une étrange moisissure orangée qui se développe
Satarla à partir d’une petite fissure.
Note au MJ : Nirmus montrera le phénomène
Le prêtre se présente sous le nom de Nirmus.
aux héros s’ils en expriment le souhait. L’immense
Vêtu de robes noires aux manches ornées de galons
statue représente un homme en robes, au front rasé,
brodés, la taille ceinte de la cordelette rouge qui le
les bras grands ouverts dans un geste accueillant
désigne comme citoyen de Satarla, c’est un homme
qui adoucit un peu la sévérité de ses traits. Au bas
d’une cinquantaine d’années, au front rasé jusqu’à
de la statue, une mince fissure s’est effectivement
la moitié du crâne, comme il est de coutume chez
ouverte dans le bois et une sorte de lichen orangé,
les prêtres de Nemmereth. Il possède un visage
d’aspect malsain, en recouvre les bords.
aux traits austères et des yeux bleu-gris pénétrants.
Après avoir renouvelé ses remerciements aux Cet épisode avec le bubalus (sans oublier les
héros pour leur intervention opportune, il leur deux pigeons !) manifeste clairement que le dieu,
raconte que depuis un mois environ, la ville est courroucé, a brutalement refusé les sacrifices qui lui
la proie de phénomènes étranges et inquiétants. étaient offerts pour accorder le repos aux défunts.
Les décès brutaux et inexpliqués se sont multipliés C’est la première fois qu’une telle chose se produit,
dans des proportions inhabituelles, frappant des et Nirmus y voit un signe des plus néfastes. Bref,
gens (y compris des enfants) en pleine santé. cette multiplication de présages funestes inquiète
Plus déroutant encore, on a rapporté plusieurs sérieusement le culte de Nemmereth, d’autant
cas de personnes récemment décédées qui étaient plus que la rumeur commence à se répandre en
revenues brusquement à la vie, comme si elles se ville. Jusqu’ici, les prêtres ont été impuissants à en
réveillaient simplement d’une longue nuit, pour comprendre les causes, et cette situation ne peut
retomber presque aussitôt dans la mort, quelques plus durer.
instants plus tard. Inutile de dire que le phénomène
Considérant que la présence des héros à ces
a provoqué chaque fois la panique et l’angoisse
funérailles qui ont tourné au cauchemar ne relève
chez la malheureuse famille endeuillée…
pas d’une simple coïncidence, et impressionné
Le cadavre d’un défunt a également pourri en par leur intervention (gageons qu’ils auront su
l’espace d’une seule journée, pour ne plus laisser faire preuve de vaillance !), Nirmus leur demande
que son squelette, comme s’il avait passé un alors de venir en aide au temple. Il a une mission
siècle en terre. On rapporte aussi de nombreux à leur proposer ; bien sûr, leurs bons services
cas d’apparitions de « fantômes », et les morts seront dûment rémunérés. Qu’ils reviennent le
semblent peupler les rêves de leurs proches plus voir le lendemain matin, et il leur expliquera tout
que de coutume. Enfin, la statue du dieu, taillée cela en détail.

56
La malédiction de Nemmereth
Chaque héros qui est intervenu dans le combat contre le bubalus zombie (en le frappant, en s’interposant,
bref, en agissant plutôt que de fuir) rêve la nuit suivante de la bête au garrot tranché qui l’encorne brutalement.
Il se réveille alors en sursaut, avec un sentiment diffus de malaise. Au matin, sa main, son épaule ou son cou
le démange désagréablement et il y remarque une petite croûte sèche et orangée. Si les héros sont allés voir
la statue de Nemmereth (cf. page 56), cela ressemble très exactement à la moisissure qui en ronge le bois.
Si jamais ils montrent cette marque à Nirmus, celui-ci fera aussitôt le rapprochement.
Concrètement, les héros concernés se retrouvent temporairement affligés du désavantage maudit (ils perdent
1 point sur leur total de points d’héroïsme), et ce jusqu’à ce que la colère de Nemmereth soit apaisée, autrement
dit quand le voile de Kryphondus aura été détruit et que le dieu pourra réclamer son dû, l’âme de Jorkus.
Toutefois, si le joueur a l’idée que son personnage prenne l’engagement solennel auprès du dieu de résoudre la
crise qui provoque son courroux (par exemple en prêtant serment dans le temple de Nemmereth), la malédiction
cessera, la petite croûte disparaîtra en quelques jours, et le héros bénéficiera même de 1 point de foi dont il
pourra faire usage librement dans la suite de l’aventure (cf. BoL, page 146 pour l’utilisation des points de foi).
De plus, au début de chaque nouvel épisode de la saga, le héros obtiendra un nouveau point de foi. S’ils ne sont
pas dépensés, ces points de foi accordés par Nemmereth se conservent d’une aventure sur l’autre.
Le dieu entend ainsi exiger d’eux qu’ils mettent fin au sacrilège qui l’offense, ce qui leur donnera également
une raison plus personnelle de se lancer dans l’aventure. Pourquoi Nemmereth les a-t-il ainsi « désignés » ?
Sans doute parce qu’il les juge à même de trouver le moyen d’apaiser son légitime courroux !
L’effet peut se révéler toutefois sérieusement handicapant si les joueurs ne pensent pas à apaiser le dieu par un
serment solennel. Vous pouvez toujours décider de leur en suggérer l’idée lors d’une conversation avec Nirmus,
ou de mettre fin à la malédiction après un épisode ou deux de la saga, une fois qu’ils auront fait la preuve
de leur engagement à satisfaire le dieu injustement lésé d’une âme.

Une réunion de sacrificiels, et plusieurs Satarlans, qui semblent

mercenaires
Les héros n’ont pas grand-chose à faire avant
le lendemain, à part réconforter Jia, bouleversée
par l’événement, et se remettre de leurs émotions.
Toutefois, ils passeront sans doute une très
mauvaise nuit (cf. encadré « La malédiction de
Nemmereth »).
Quand ils se rendent au temple de Nemmereth,
le lendemain matin, il est possible qu’un héros
attentif entende, au hasard des rues, des gens
raconter qu’hier il se serait passé quelque chose
d’horrible au temple de Nemmereth, un signe de
très mauvais augure durant une cérémonie…
La grande cour du temple a retrouvé son calme
en ce matin ensoleillé. Quelques jeunes acolytes
sont occupés à laver à grande eau les autels
davantage venus en curieux qu’en dévots,
s’attardent dans la cour.
Dès qu’ils en font la demande, les héros sont
conduits par un serviteur jusqu’au bureau de
Nirmus et invités à patienter sur les bancs d’une
antichambre. Assise en face d’eux se trouve une
jeune femme blonde aux cheveux coupés courts,
vêtue d’un pantalon de cuir et d’un pourpoint
clouté, accompagnée d’un homme rondouillard en
robes, qui arbore un médaillon frappé du symbole
d’Afyra (une feuille de palmier) et un large sourire
avenant. La guerrière porte au côté un sabre à la
belle garde sculptée en forme de coquillage et à la
poignée représentant un hippocampe, dont la tête
recourbée dessine le pommeau de l’arme. (Note
au MJ : les PJ auront l’occasion de recroiser ce
sabre à la fin de la deuxième aventure, alors prenez
le temps de le décrire, sans trop insister non plus.)
La femme affiche une moue revêche et un air de
défi qui gâche un peu la beauté de ses traits.

57

La colère de Nemmereth
Les héros peuvent toujours tenter d’engager
la conversation ; elle les gratifiera à peine d’un
hochement de tête bourru, tout en jetant des
regards courroucés vers la porte du bureau, tandis
que son compagnon se présentera sous le nom
de Doros (« et voici Amrita », ajoutera-t-il, avec
un geste vers son amie). À cet instant, la porte du
bureau s’ouvre et en sort un céruléen solidement
bâti, au crâne rasé à l’exception d’une mèche au
sommet de son crâne, nattée et teinte en rouge,
qui lui retombe sur l’épaule. Il est vêtu simplement
et porte au côté un couteau qui a la taille d’une
petite épée. Un jeune homme d’une vingtaine
d’années, aux cheveux châtains et à l’allure canaille,
l’accompagne. Le céruléen fait sauter dans sa
grosse main une bourse en feutre noir, fermée
d’une cordelette scellée par un petit sceau en
plomb. La bourse rebondit dans sa paume avec un
tintement métallique. Les deux hommes jaugent
du regard les héros, puis le céruléen se tourne vers
la femme, qui s’est crispée dès qu’il est apparu, et
l’interpelle : « Amrita ! Que Shazzadion te mène
sur des mers favorables, il serait dommage que ton
navire coule encore une fois ! »
58
« Lok Kozaar, rends-nous service, et va donc te
perdre dans les Terres Désolées », rétorque Amrita,
tandis que le céruléen traverse l’antichambre avec
un sourire et, avant de sortir, jette la bourse à son
compagnon en lui glissant d’une voix forte : « Tu
vois bien qu’elle est folle de moi ».
Le rire des deux hommes résonne encore dans
le couloir qu’un serviteur invite déjà Amrita à
entrer à son tour dans le bureau. Son compagnon
et elle en ressortent dix minutes plus tard et
quittent sans attendre le vestibule. Doros, qui
range maladroitement dans sa besace un étui à
parchemin et une bourse en feutre noir, identique
à celle que tenait le céruléen, adresse un signe de
tête aux héros avant de franchir la porte derrière
Amrita, tandis que le serviteur leur indique
d’entrer à leur tour dans le bureau.
Un long voyage
pour une mystérieuse
rencontre
Debout derrière un grand bureau de bois
sombre, Nirmus salue les personnages et les invite
à s’asseoir sur un long banc garni de coussins.
Sans se faire prier, il leur explique que le
temple de Nemmereth a fait appel aux services
de plusieurs groupes d’aventuriers, envoyés en
quête de réponses quant aux présages funestes qui
affligent la ville. Les consultations que les prêtres
de Nemmereth ont menées ici à Satarla n’ont rien
donné, non plus que les recherches à la Grande
Bibliothèque. Il est temps de chercher ailleurs des
réponses.
Si les héros l’interrogent au sujet des autres
groupes et de leurs missions respectives, Nirmus
leur explique que Lok Kozaar – le céruléen – est
un mercenaire bien connu et efficace. Il a déjà été
employé par le temple à diverses occasions. Ses
hommes et lui sont envoyés remonter le Tyr, pour
interroger Jesharek Jool, un célèbre sage qui vit en
reclus dans les montagnes de l’Axos.
La capitaine Amrita et son groupe sont
mandatés pour aller prendre conseil auprès des
sages médecins de Lysor, dont la réputation n’est
plus à faire, ainsi qu’au grand temple d’Afyra qui
se trouve là-bas.
 Quant aux héros, Nirmus a pour eux une mission de lignes et de symboles. Il s’agit d’une relique
de la plus haute importance. Il souhaite les envoyer de Chamla Kirdat, le fondateur des druides gris

à Halakh, consulter l’oracle de Nemmereth.
Le sanctuaire d’Halakh, dont on raconte qu’il
s’agirait du premier temple de Lémurie édifié en
l’honneur du dieu de la mort, est le siège d’une
antique tradition oraculaire, dont la fiabilité ne
s’est jamais démentie. Malheureusement, le lieu
est sous la garde des druides gris, qui adorent
Nemmereth sous ses aspects les plus sombres.
Leur secte est interdite dans la plupart des cités
de Lémurie, mais elle jouit à Halakh d’une
reconnaissance officielle, malgré ses pratiques
condamnables (au rang desquelles les sacrifices
humains…).
Nirmus souhaite donc que les héros se rendent
au Sanctuaire Noir d’Halakh pour solliciter
l’oracle du dieu en leur nom propre, sans dévoiler
qu’ils sont envoyés par les prêtres de Satarla (ce
qui leur vaudrait certainement un accueil des
plus… mitigés). La question à poser à l’oracle
est simple : quelle est la raison du courroux de
Nemmereth qui se manifeste à Satarla par des
prodiges macabres ?
De ce que Nirmus sait, il n’est pas donné à
tout le monde de pouvoir consulter l’oracle ; cela
dépend du bon vouloir des druides gris, dont il
faut s’assurer par une offrande susceptible de les
agréer. Il remet donc aux héros un petit coffret
en bois laqué contenant un ossement, composé
de deux phalanges d’un doigt humain gravées
La colère de Nemmereth
(cf. l’encadré « La prophétie des os », page 34).
Les prêtres de Nemmereth recherchent eux aussi
ces reliques pour empêcher les druides gris de
mener à bien la prophétie des os (« Il ne pourrait
certainement en sortir rien de bon, connaissant les
druides gris »). C’est donc un grand sacrifice que
le temple consent là, mais la gravité de la situation
l’exige. À n’en point douter, un don aussi précieux
devrait garantir aux héros l’accès à l’oracle.
Puis Nirmus sort de son bureau une bourse
de feutre noir, que ferme un cordon scellé d’un
sceau en plomb frappé d’un côté du symbole de
Grondil, le dieu bâtisseur, et de l’autre de celui
de Nemmereth. Elle contient une livre d’argent ;
le sceau du temple de Grondil, qui préside
également aux poids et aux mesures, l’atteste.
Il suffit de l’apporter à un changeur pour la
convertir en espèces sonnantes et trébuchantes.
Cela devrait largement couvrir les frais de voyage
et fournir une confortable avance aux héros. La
même somme les attendra quand ils reviendront
avec l’oracle du dieu. Qu’ils fassent diligence, car
Nirmus et ses frères sont impatients de savoir
ce qu’il convient d’entreprendre pour apaiser la
colère de leur dieu !

Se renseigner sur la concurrence

À ce stade, les joueurs n’ont a priori aucun motif de s’intéresser plus que de raison à ces deux autres
groupes d’aventuriers recrutés par le temple, mais sait-on jamais…
La tâche n’est pas aisée dans une ville aussi grande que Satarla, mais vous pouvez toujours leur livrer
quelques informations, notamment s’ils pensent à faire appel à Jia pour se renseigner sur eux.
C’est dans les tavernes et les tripots du Cloaque qu’il est possible d’en apprendre plus sur Lok Kozaar
le céruléen. Il s’agit d’un mercenaire sans foi ni loi, qui s’est déjà taillé une solide réputation. Il a réuni
quelques gredins tout aussi peu recommandables que lui et son groupe entreprend fréquemment des
missions, plus ou moins légales, pour le compte de différents personnages fortunés de la cité.
C’est au port qu’il faut aller pour se renseigner sur Amrita et apprendre qu’elle est la capitaine d’un petit
voilier marchand, La reine d’écume, et contrebandière à ses heures. La rumeur dit qu’elle aurait flibusté avec
les pirates des îles du Crâne, mais qu’elle aurait pris le large après avoir tué un de leurs capitaines.

59
La colère de Nemmereth

Il charge donc Lok Kozaar de saboter les efforts

Un ennemi inattendu
Si le groupe mené par Amrita est, à l’image
de celui des joueurs, composé d’aventuriers qui
cherchent simplement la fortune et la gloire,
celui du céruléen Lok Kozaar est animé de plus
sombres intentions.
La « Compagnie des Masques », la secte
des druides jaunes de Satarla, compte parmi
ses membres un jeune acolyte qui sert au grand
temple de Nemmereth. Grâce à lui, le Prince
Jaune, le chef de la secte, apprend bientôt les
signes funestes qui se produisent dans la cité et
les interrogations qu’ils suscitent chez les prêtres.
Si la colère manifestée par Nemmereth le réjouit
(que règnent le désordre et la folie !), il s’inquiète
en revanche de l’enquête entreprise par le temple.
Il ne faudrait pas que soient empêchés les grands
bouleversements qui s’annoncent !
des prêtres de Nemmereth pour résoudre la crise.
Lok a travaillé par le passé pour Jorkus (qui à ce
stade, n’est pas encore soupçonné), un fait connu
du temple qui l’a payé pour ses services. Ainsi
informé que le temple de Nemmereth recherchait
des mercenaires, le céruléen s’y présente de
manière « innocente » en se recommandant de
ses précédentes missions auprès de Jorkus et en
prétendant être en quête d’un engagement. Les
prêtres, comptant justement faire appel à des
aventuriers, louent leur bonne fortune de le voir
ainsi les solliciter à point nommé !
Lok Kozaar est donc chargé par Nirmus
d’aller trouver Jesharek Jool ; il n’en fera rien. Au
contraire, il prévoit de tendre une embuscade à
Amrita, qui doit se rendre à Lysor (en plus, les
deux chefs de bande ont un vieux contentieux à
régler). Quant à l’autre groupe, celui des héros,
Lok confie à son âme damnée Kurta le soin de
se débarrasser d’eux. Kurta est un Halakhi, qui
a servi un temps au sein d’une des redoutables
confréries d’assassins qui pullulent à Halakh.
Même si cela fait plusieurs années qu’il a
quitté sa ville natale, il jouit encore là-bas de
nombreux contacts qui devraient lui permettre
de régler facilement le compte de ces « gêneurs »
fraîchement débarqués à Satarla.

Chronologie récapitulative
Un mois avant le début de la saga : Jorkus met en scène sa mort, revêt le voile et part pour l’île de
Kryphondus en compagnie d’Hilario. Début des signes de la colère de Nemmereth.
Une semaine avant le début de la saga : les druides jaunes de Satarla apprennent que les prêtres de
Nemmereth enquêtent sur les récents événements. Ils chargent Lok Kozaar de saboter les efforts des prêtres.
Début de la saga : les héros sont mandatés par le temple de Nemmereth pour aller à Halakh, consulter
l’oracle du Sanctuaire Noir.

60
 Chapitre 1

L'oracle de Nemmereth
L'oracle de Nemmereth
En apparence, la mission des héros est simple : ils doivent consulter l’oracle de Nemmereth au
Sanctuaire Noir et rapporter sa réponse à Satarla. Mais alors qu’ils s’apprêtent à repartir d’Halakh,
les héros sont victimes d’un empoisonnement, ourdi par Kurta. Ils disposent d’une journée pour
retrouver l’alchimiste qui a fabriqué le poison s’ils ne veulent pas mourir, tout en évitant les
poignards d’assassins désireux d’abréger leurs souffrances puisque le poison tarde à faire effet.

Les héros pénètrent dans Halakh par la Porte

Cap au sud
Les héros doivent donc se rendre sans délai
à Halakh. L’organisation du voyage est laissée
à leur appréciation, mais la solution la plus
rapide consiste à trouver un navire en partance
pour Malakut. Après avoir longé la côte sud du
golfe de Satarla, les galères marchandes passent
l’embouchure du Malak et remontent le fleuve
jusqu’à Malakut. Au-delà, le cours du fleuve
devient trop impétueux pour être vraiment
navigable.
Il faut quinze à vingt jours de navigation pour
rejoindre Malakut, puis encore deux semaines
de voyage en empruntant la route commerciale
qui suit le cours supérieur du fleuve, avant de
bifurquer au sud-est pour traverser les plateaux
arides au pied des monts Besharoon et arriver
enfin à Halakh.
Le voyage se déroule sans encombre ni
péripéties particulières (à moins bien sûr que vous
n’en décidiez autrement).
Note au MJ : vous trouverez une description
d’Halakh aux pages 24 à 32 du présent livre, qui
vous permettra de mieux planter le décor de cette
aventure.
de Malakut au milieu d’une longue file de chariots
de marchands et remontent l’impressionnante
Chaussée des Princes, noire de monde comme
toujours, qui grimpe à travers la ville. Le paysage
urbain d’Halakh est dominé par sa citadelle qui
se dresse au sommet du haut plateau et au pied
de laquelle s’aperçoit la silhouette lugubre du
Sanctuaire Noir.
Les héros chercheront sans doute une auberge
avant de se rendre au Sanctuaire Noir solliciter
l’oracle de Nemmereth. L’auberge du Coursier
bleu, située à mi-parcours de la Chaussée des
Princes, dans une rue attenante (plus calme
que la grande artère) est un petit établissement
cossu sans être luxueux, qui semble parfaitement
répondre à leurs attentes. Le patron Drajit, un
Halakhi replet aux cheveux poivre et sel, est un
homme sympathique, à l’abord facile. Il travaille
en famille avec son épouse Ardana, aussi revêche
que son mari se montre affable (heureusement,
celle-ci passe le plus clair de son temps en
cuisine), ses deux fils Drajiti et Kichal, et ses deux
filles Micha et Yanti.
Drajit se fera un plaisir de renseigner les héros
sur la ville, mais interrogé sur le Sanctuaire Noir,
il se contentera de répondre que « l’on ne parle pas
de ces choses-là ».

61

L'oracle de Nemmereth
Rendez-vous avec
l’oracle
Quel que soit le moment de la journée où les
héros se rendent au Sanctuaire Noir (dont vous
trouverez une description page 31), un druide
se tient dans la cour intérieure à côté du puits,
immobile dans sa longue robe grise, le visage
couvert de cendre, les mains dissimulées dans ses
larges manches. Quand les héros l’informent de
leur souhait de consulter l’oracle, il leur répond
poliment que celui-ci ne reçoit pas les simples
dévots. Mais si les héros lui présentent l’offrande
qu’ils ont apportée, les traits jusque-là impassibles
du druide laissent transparaître sa surprise. Il
examine l’ossement avec des gestes révérencieux,
puis demande aux héros de patienter et disparaît
par une porte latérale avec le petit coffret contenant
la relique. Il réapparaît quelques minutes plus
tard, les mains vides, pour leur annoncer que leur
offrande a été agréée et que l’oracle les recevra le
soir même, à la tombée de la nuit.
Lorsque les héros reviennent après le coucher
du soleil, la cour du temple est déserte et trois
druides en robes grises les attendent. Les deux
falots alimentés de tourbe qui encadrent l’autel
éclairent timidement la cour et projettent des
62
ombres mouvantes sur la statue de Nemmereth,
donnant l’impression que les asticots qui
emplissent sa bouche et ses orbites ondulent
lentement. Le frisson que ressentent les héros
n’est pas uniquement dû à la fraîcheur de la nuit…
Le druide qui les a reçus précédemment les
informe qu’il va à présent les conduire à l’oracle,
mais qu’ils doivent accepter de se dépouiller de
leurs armes et de leur équipement pour revêtir
une simple tunique de laine, et se mettre pieds
nus. Après quoi ils seront menés à l’oracle, les yeux
bandés. Il leur faut également s’engager à respecter
les règles du rituel : ils ne devront poser aucune
question, ne répondre que si on les interroge,
obéir sur-le-champ à la moindre instruction et
ne pas interférer dans le cours de la cérémonie,
quoi qu’il puisse arriver. Le sacrilège qui oserait
profaner le rituel sacré lavera cet affront de sa vie.
Les voilà prévenus.
Les héros sont conduits dans une salle latérale
meublée de bancs où ils laissent leurs affaires pour
revêtir leur tunique de laine écrue. Puis les trois
druides leur bandent les yeux et leur font franchir
une porte, pour les guider à travers plusieurs
couloirs et un interminable escalier en colimaçon
aux marches de pierre glaciales sous leurs pieds
nus, qui descend sous la terre à une profondeur
difficile à estimer. L’air fraîchit notablement
et une odeur de terre humide se fait de plus en
plus présente, avec l’inquiétante sensation de
s’enfoncer dans un tombeau.
Après ce qui leur semble une éternité, ils
parviennent au pied de l’escalier et leurs bandeaux
leur sont ôtés. Les héros se tiennent dans une
vaste caverne dont les parois irrégulières suintent
d’humidité. Un crâne immense (il doit mesurer
plus de trois mètres de haut) est sculpté dans le
fond de la caverne, saillant à demi de la paroi.
Sa bouche béante est un puits d’obscurité qui
forme une sorte de porte basse, et des flammes
vacillent dans ses orbites creuses en projetant une
lueur glauque et irréelle. Le crâne ivoirin semble
avoir été façonné par l’assemblage de centaines
de calottes crâniennes. Les autres parois de la
grotte sont creusées de dizaines de petites niches
accueillant des crânes décalottés et transformés en
lanternes. Éclairés de l’intérieur par une bougie,
les crânes grimacent et fixent de leurs orbites
flamboyantes les héros.
Le messager de
Nemmereth
Un homme émerge de la bouche ténébreuse du
grand crâne sans un bruit. Les motifs argentés de
sa robe de brocart gris scintillent d’un éclat froid
à la lueur vacillante des macabres lanternes. Il a
le crâne rasé et porte un curieux maquillage : les
lignes saillantes de son visage sont peintes en noir,
tandis que les creux sont blancs, ce qui brouille ses
traits de la plus troublante des façons. Il s’avance
dans la caverne, suivi de plusieurs hommes
et femmes (au même nombre que les héros)
sobrement vêtus de pantalons et de tuniques de
laine écrue, un kriss glissé dans la ceinture qui
leur ceint les reins, un foulard noué autour du cou.
Comme les héros et les autres druides, ils sont
pieds nus et se disposent en arc de cercle derrière
l’oracle, qui s’avance d’un pas vers les héros et
s’adresse à eux d’une voix atone :
« Qui vient consulter le dieu ? »
« D’où venez-vous ? »
« Quelle question vous amène ? » Messagers de
Une fois que les héros ont répondu à ces trois Nemmereth (coriaces)
questions rituelles, il hoche la tête à l’attention
des trois accompagnateurs, qui s’emploient alors Attributs Aptitudes de combat
à remettre le bandeau aux héros, mais cette fois Vigueur 1 Initiative 0
pour leur bâillonner le nez et la bouche. En face Agilité 2 Mêlée 1
d’eux, les assistants de l’oracle dénouent leur Esprit 0 Tir 0
foulard pour se bâillonner de même. Une fois que Aura 0 Défense 1
les druides ont solidement noué les bâillons, ils
Carrières : assassin 1, druide 1
fourrent dans la main de chaque héros un kriss,
puis se retirent dans les ombres. Protection : aucune armure 0
Le devin reprend alors la parole, en reculant Armes : kriss halakhi d6M+1
lentement :
Vitalité : 8
« À présent, le dieu va choisir son messager. »
Capacité spéciale :
Aussitôt sa phrase prononcée, ses acolytes Tueur sacré : dans le cadre du rituel oraculaire
bâillonnés dégainent leurs kriss et se jettent sur du Sanctuaire Noir, le messager de Nemmereth
les héros ! Leur attaque est coordonnée : ils sont bénéficie d’un dé de bonus à ses jets d’attaque.
aussi nombreux que les héros, et chacun affronte
celui qui lui fait face.

63
 Aussitôt qu’un combattant s’effondre, qu’il Nemmereth a accueilli favorablement votre
s’agisse d’un héros ou d’un de leurs adversaires, demande, grâce à notre intercession, pour laquelle
l’oracle se précipite au milieu des duellistes, les vous avez apporté une juste offrande. Mais vous êtes
L'oracle de Nemmereth

bras levés, en leur intimant de cesser le combat.
Ses acolytes baissent immédiatement leurs armes
et se reculent.
Il s’agenouille auprès de la victime et se penche
sur elle en scrutant son visage intensément. Les
trois druides accompagnateurs le rejoignent
aussitôt. L’un d’eux a dans les mains une tablette
de cire et un stylet ; il se place à côté de lui,
tandis que les deux autres encadrent l’agonisant.
Finalement, l’oracle ôte le bâillon du « messager »
et les deux druides appuient avec force sur la
poitrine du défunt qui exhale son dernier souffle
à l’oreille du célébrant. Les héros entendent un
râle indistinct s’échapper de sa poitrine et voient
avec horreur ses lèvres exsangues remuer comme
s’il murmurait à l’oreille de l’oracle, qui répète à
voix basse le message du dieu au druide à côté de
lui, lequel le note fiévreusement sur sa tablette.
Le célébrant se relève finalement, tandis que ses
acolytes soulèvent révérencieusement le cadavre
de leur frère et disparaissent en l’emportant par
la bouche béante du crâne. L’oracle se tourne vers
les héros, une étrange lueur exaltée dans les yeux,
et s’adresse à eux d’une voix solennelle :
« Le dieu a parlé. Son message va être porté au
maître de notre ordre, qui est toujours le premier à
le consulter. Revenez demain matin au Sanctuaire
Noir, il vous sera alors remis.
désormais en dette auprès du dieu. Il vous a apporté
son conseil ; il est juste qu’il reçoive quelque chose en
retour.
Un jour, demain, dans un mois ou dans dix ans,
quelqu’un se présentera pour vous rappeler la dette
que vous avez contractée auprès de Celui du Long
Sommeil. Il vous appartiendra alors d’honorer votre
dette, ou d’encourir le châtiment de Nemmereth. »
Note au MJ : si d’aventure un héros venait à
être tué par un des druides au cours du rituel, la
cérémonie se poursuit exactement de la même
manière et c’est donc lui qui « transmet » la parole
du dieu. Mais comme à ce stade de l’aventure il
lui restera forcément des points d’héroïsme, il
peut bien sûr utiliser l’option « défier la mort »
(cf. BoL, page 58). Dans ce cas, quand les acolytes
veulent disposer de son corps, ils constatent qu’il
est toujours en vie. Légèrement troublé, l’oracle
déclare que le dieu l’a rendu et laisse alors ses
compagnons prendre soin de lui et le ramener
avec eux. Le héros tombé ne se souviendra de rien,
et certainement pas d’avoir transmis le message
de Nemmereth alors qu’il se trouvait au seuil de
la mort.
Puis l’oracle s’incline, et quitte la caverne sans
plus rien ajouter. Toujours en silence, les trois
druides reprennent les kriss donnés aux héros,
sauf à celui qui a éventuellement porté le coup

La dette de Nemmereth
Le prêtre Nirmus de Satarla n’ignorait pas, même s’il s’en défendra, que la consultation de
l’oracle placerait les héros en dette auprès de Nemmereth ou, plus exactement, auprès des
druides gris.
Nos héros doivent désormais vivre avec l’idée qu’un jour prochain, les druides viendront leur
réclamer un service en paiement de l’oracle reçu. Cela n’interviendra pas dans le cadre de cette
saga, mais pourra donner prétexte à une prochaine aventure : un personnage énigmatique
se présente aux héros pour exiger qu’ils honorent leur dette auprès de Nemmereth, en
accomplissant une mission dangereuse, un assassinat, la quête d’une relique sacrée, etc.
Les héros seront libres de refuser, mais dans ce cas les druides gris décideront de les punir et
confieront à la Main grise (cf. page 35) la tâche de s’occuper de ces impies (concrètement, tous
les personnages se verront affligés du désavantage traqué – druides gris).

64

fatal, qui le conserve. Puis ils replacent le bandeau
sur leurs yeux et les ramènent par l’escalier et
les couloirs, jusqu’à la petite pièce attenante à la
cour du Sanctuaire où les attendent leurs affaires.
Les druides les laissent se rhabiller et réitèrent
l’invitation à revenir au matin récupérer le texte
de l’oracle. Les éventuelles questions quant à
la cérémonie ou à la dette qu’ils viennent de
contracter auprès de Nemmereth ne recevront
pour toute réponse qu’un silence poli.
Si, en ressortant dans la cour, le héros qui a
« désigné le messager » pense à aller offrir au dieu
son kriss en le plantant dans le mur du sanctuaire
(cf. la description du Sanctuaire Noir), il jouira
pour la suite de l’aventure de la faveur secrète
de Nemmereth. Lors d’un combat, ou dans une
situation impliquant une question de vie ou de
mort, au moment qui vous semble opportun,
offrez-lui un dé de bonus, sans plus d’explication
(comme s’il bénéficiait de l’utilisation d’un point
de foi). Si l’action est réussie, dans un flash, le héros
se revoit en train de ficher la dague ensanglantée
entre deux moellons du mur du Sanctuaire Noir.
Le retour à l’auberge par les rues silencieuses et
ténébreuses se fait dans un état second, comme si
les héros venaient de s’éveiller d’un rêve aux images
persistantes. Drajiti, un des fils de l’aubergiste,
somnole dans la salle commune et s’empresse de
venir leur ouvrir la porte de l’auberge, qui a fermé
pour la nuit.
Les événements macabres de l’étrange
cérémonie tournent encore dans leur esprit alors
qu’ils cherchent le sommeil. Mais demain, ils
récupéreront l’oracle et pourront repartir pour
Satarla.
65
Les héros ne sont pas
éternels
L'oracle de Nemmereth
Sur la longueur d’une saga, il est toujours
possible qu’un PJ connaisse un décès prématuré
(et espérons héroïque !), d’autant que
certains affrontements risquent de se révéler
particulièrement ardus. Un des intérêts d’une
saga est d’incarner sur un temps long les mêmes
personnages, de créer une dynamique de groupe
intéressante et de jouer sur les relations entre les
PJ. Afin de ne pas briser cette dynamique, il est
toujours mieux qu’un nouvel héros ne débarque
pas de façon trop artificielle dans le groupe, si
jamais se manifeste le besoin d’un personnage
de remplacement.
Dans ce cas de figure, une des options peut
être de transformer en personnage joueur un
des PNJ que les héros ont été amenés à croiser
au cours de leurs aventures. Voici quelques
suggestions de PNJ (dont certains vous sont
encore inconnus, puisqu’ils interviennent plus
tard dans la saga) qui pourraient fournir un
héros de remplacement, en ayant l’avantage
d’être déjà intégrés au paysage des joueurs. Mais,
bien sûr, n’imposez pas à un joueur d’incarner un
personnage dont il n’a pas envie !
Qirmar l’alchimiste, que les héros sauveront
certainement au cours de cette aventure, peut
facilement intégrer leur groupe.
À Satarla, Jia peut elle aussi devenir un PJ ;
elle connaît les héros et, inquiète du destin de
son père dans l’au-delà, a toute la motivation
nécessaire pour se joindre à eux dans leur quête.
Nirmus, de même, peut décider de prendre
une part plus active à l’enquête (et il suffira
alors d’inventer le nom d’un autre prêtre de
Nemmereth qui serve de contact au groupe,
pour remplacer Nirmus dans ce rôle de PNJ
récurrent).
Au cours de la troisième aventure à Urceb,
l’astrologue Almar de Chebeg ou Samazar le
Magnifique ont potentiellement de bonnes
raisons de rejoindre le groupe. Au cours de la
quatrième aventure, Maben le pilote de la nef
volante (ou l’un de ses soldats) peut aisément
devenir un PJ à part entière.

L'oracle de Nemmereth
Qirmar, l’alchimiste
de l’Ombre sanglante
Qirmar est un jeune alchimiste malakuti venu
s’installer à Halakh voici deux ans pour y
suivre l’enseignement de Cheptaki Mendaï, un
maître réputé. Originaire des marais de Kasht,
Cheptaki était particulièrement versé dans
le domaine de l’herboristerie, des philtres et
des potions. Extrêmement doué et travailleur,
Qirmar ne tarda pas à se rendre indispensable
au vieil alchimiste.
Il y a quelques mois, la confrérie de l’Ombre
sanglante approcha Cheptaki pour lui proposer
de travailler pour elle, ce que ce dernier refusa
avec véhémence. Vexé, le chef de la confrérie
décida d’enlever l’alchimiste pour le forcer à
mettre ses talents à leur service. Les assassins
firent ainsi irruption dans le laboratoire de
Cheptaki, qui tenta de résister tandis que
Qirmar était tenu en respect. Sous le coup
de l’émotion, le vieil homme fut foudroyé
par une crise cardiaque et périt sous les yeux
de ses ravisseurs dépités. Les assassins se
rabattirent donc sur son disciple Qirmar,
qu’ils forcèrent à les accompagner, après avoir
consciencieusement pillé le laboratoire.
Qirmar est depuis prisonnier dans la maison
de Bekti, sous bonne garde, et contraint de
préparer pour la confrérie des poisons, des
onguents et des potions. Mais il ronge son
frein et guette la moindre occasion de fausser
compagnie aux assassins halakhis.
66
L’ennemi ignoré
Les choses vont se compliquer singulièrement
au matin.
Lok Kozaar a dépêché Kurta à Halakh afin de
s’assurer que les héros n’en reviennent pas vivants
(cf. page 60). Parti juste avant les héros, Kurta est
parvenu à rejoindre Halakh un jour ou deux avant
eux, juste le temps nécessaire pour reprendre
contact avec ses amis. Halakhi d’origine, Kurta a
appartenu à la confrérie de l’Ombre sanglante,
une fraternité d’assassins qu’il a quittée en bons
termes après plusieurs années de loyaux services,
pour partir à la découverte du vaste monde.
Il retrouve donc ses anciens confrères et, les
poches bien garnies de l’or que Lok Kozaar a
reçu du temple de Nemmereth, les charge de se
débarrasser des héros. Kurta prévient ses frères :
leurs cibles sont des aventuriers chevronnés, de
robustes gaillards qui ne se laisseront pas égorger
comme une bande de marchands paniqués. De
plus, il est à parier qu’ils ne s’attarderont guère
à Halakh ; la confrérie aura très peu de temps
pour agir. Bekti, le chef de l’Ombre sanglante,
opte donc pour le poison : une méthode simple
et peu risquée, surtout quand les futures victimes
ignorent qu’on cherche à attenter à leur vie. Il se
trouve justement que la confrérie s’est récemment
attaché les services de Qirmar, un remarquable
alchimiste. « Attaché » est bien le mot : en
effet, l’alchimiste est prisonnier de la confrérie
et contraint de travailler pour elle, à son corps
défendant (cf. l’encadré « Qirmar, l’alchimiste de
l’Ombre sanglante »).
La confrérie guette donc l’arrivée des héros,
attend qu’ils choisissent une auberge, et passe
à l’action en profitant de leur visite nocturne
au Sanctuaire Noir. L’Ombre sanglante vient
discrètement trouver Drajit et lui remet une
petite fiole en grès, avec instruction de répandre la
poudre qu’elle contient dans les lits des héros. S’il
refuse de collaborer, c’est sa famille qui en paiera
le prix. Terrifié pour les siens, Drajit s’exécute
d’une main tremblante et se terre dans la cuisine
au retour des héros, de peur de se trahir.
Mais ce plan en apparence parfait ne va pas se
dérouler exactement comme prévu. Qirmar, qui
a surpris la conversation entre Kurta et Bekti, a
en effet décidé de tenter sa chance : puisque la
confrérie s’attaque, semble-t-il, à des aventuriers
dangereux, il élabore un plan tortueux dans
l’espoir de regagner sa liberté. À son poison
mortel, qui emporte normalement sa victime en
quelques heures, il ajoute un « retardateur » qui
inhibe partiellement ses effets, repoussant l’issue
fatale d’une douzaine d’heures. Il compte sur
ces aventuriers pour comprendre qu’il leur faut
retrouver celui qui les a empoisonnés s’ils veulent
vivre, en espérant qu’ils seront de taille à affronter
les poignards de la confrérie, et en priant pour
que Bekti ne découvre pas trop vite ce qu’il a
manigancé…
Un réveil pénible
Les héros se réveillent au matin après une nuit
agitée. Ils se sentent fatigués, les membres lourds, le
corps endolori. Des crampes musculaires pénibles
ne tardent pas à se manifester. La constatation de
présenter tous les mêmes symptômes devrait les
amener rapidement à une conclusion logique : ils
ont été empoisonnés.
Quand les héros descendent de leurs chambres,
quelques clients sont attablés dans l’auberge,
servis par les deux filles de Drajit l’aubergiste.
Celui-ci discute sur le seuil de son établissement
avec un homme, un Halakhi assez grand, au nez
busqué et aux yeux enfoncés dans leurs orbites,
dont le gauche a la blancheur laiteuse de la
cécité. Il porte des robes halakhies banales et une
sorte de turban sur la tête, duquel s’échappent
quelques mèches de cheveux noirs. Drajit a
l’air agité, ne cesse de s’éponger le front, et les
couleurs désertent son visage quand il aperçoit un
héros descendre l’escalier. Il se retourne vers son
interlocuteur en bredouillant d’un air implorant.
L’homme le foudroie du regard en passant un
pouce sur sa gorge en un geste sans équivoque,
avant de s’éclipser.
Note au MJ : même si un héros réagit sans
attendre, l’homme disparaît dans une allée
latérale et s’évanouit dans le dédale de passages
et de ruelles sans qu’il soit possible de le rattraper
(il dépense 1 point de vilenie pour ce faire). Il
s’agit de Rajka, le second de Bekti, chef l’Ombre
sanglante, qu’il s’empresse d’aller prévenir que
67
la tentative d’empoisonnement a échoué. Pour
l’instant, les assassins en concluent logiquement
que l’aubergiste n’a pas obéi à leur injonction.
L'oracle de Nemmereth
L’aubergiste est à la fois surpris et effrayé de
constater que les héros sont encore en vie. Nul
besoin de le malmener pour qu’il passe aux
aveux ; dans un état d’agitation extrême, les mains
tremblantes et les yeux hagards, Drajit expliquera
aux héros que des hommes ont menacé de le tuer,
ainsi que sa famille, s’il ne répandait pas une poudre
qu’ils lui ont donnée dans leurs lits pendant leur
absence. Drajit ne leur voulait aucun mal, mais il
se devait de protéger les siens. Ces hommes lui
avaient affirmé que les héros mourraient dans leur
sommeil, mais ce n’est manifestement pas le cas.
Et à présent, ils vont croire que Drajit n’a pas obéi
à leurs instructions. Bref, que les héros l’épargnent
ou pas, c’est un homme mort et il le sait, alors
autant parler.
Gérer
l’empoisonnement
Les effets usuels de l’alam-kali sont présentés
dans l’encadré de la page 68. La version modifiée
du poison que Qirmar a utilisée contre les héros
fonctionne quant à elle de la manière suivante :
Au réveil, tous les héros doivent réussir un test
de vigueur Difficile (-2) ou ressentir les premiers
effets de l’empoisonnement (qui dans leur cas a
mis plusieurs heures à se manifester).
Les héros ont désormais, bien qu’ils l’ignorent
encore, une dizaine d’heures devant eux avant de
subir une paralysie générale et fatale. Pendant ce
temps, le poison se répand lentement dans leur
organisme, risquant de les handicaper gravement
avant de provoquer leur trépas.
Concrètement, à l’issue de chaque nouvelle
scène, demandez aux joueurs un test de vigueur
Moyen (+0), y compris à ceux qui auraient réussi
le premier test. Un échec aggravera l’état des héros
selon le tableau de la page 68 (dont les effets sont
cumulatifs), tandis qu’une réussite indiquera une
stabilisation temporaire des symptômes. Prenez
le soin de demander à chaque joueur d’inscrire sur
sa fiche de personnage une petite croix à chaque
échec au test, de façon à savoir exactement où en
est chacun.
 Progression de l’empoisonnement
Nombre d'échecs au test de vigueur / Conséquences
L'oracle de Nemmereth

1 Perte de 1 point de vitalité (impossible à récupérer ou à soigner tant que dure l’empoisonnement)
2 -1 aux tests de vigueur et aux dégâts (y compris aux prochains tests contre le poison)
3 -1 aux tests d’agilité (et donc aux jets d’attaque)
4 -1 en défense
5 Dé de malus à tous les tests (se cumule avec les malus de -1 aux tests de vigueur et d’agilité)
6 Paralysie, asphyxie, coma et mort en d6M minutes.*

* À l’étape 6, un héros garde la possibilité de dépenser 1 point d’héroïsme pour rester stabilisé à l’étape 5
jusqu’au prochain test de vigueur.
Succès héroïque au test de vigueur : l’état du héros s’améliore et régresse d’un cran (il efface une croix
sur sa fiche et ne subit plus les effets associés à ce degré d’empoisonnement).
Échec critique au test de vigueur : l’état du héros se dégrade de 2 crans.

Vous pouvez bien sûr adapter le rythme de la
progression de l’empoisonnement si besoin est.
L’  objectif reste d’introduire une tension drama-
tique afin que les joueurs sentent qu’il y a urgence
à agir tout en s’inquiétant de la diminution des
capacités de leurs personnages. Rien n’empêche, si
les joueurs se montrent particulièrement rapides
dans leur enquête, de réduire un peu l’espacement
des tests de vigueur, afin que le danger reste bien
présent (même si des joueurs habiles devront tout
de même tirer bénéfice de leurs réussites dans
la conduite de l’enquête pour arriver le moins
diminués possible à la confrontation finale !). À
l’inverse, si les joueurs sont à la peine, leur accorder
un peu de répit peut être de bon aloi. À vous de
décider en fonction du déroulé de l’enquête.

L’alam-kali
La poudre d’alam-kali (« l’étreinte du serpent » en kashtien) est une préparation alchimique
légendaire à base de plusieurs racines des marais de Kasht extrêmement difficiles à se procurer.
Il s’agit d’un poison mortel qui agit par ingestion, inhalation ou simple contact avec la peau.
Une heure après exposition, la victime commence à ressentir les premiers signes de malaise
(crampes, tétanie partielle, vision brouillée, essoufflement), et décède trois à quatre heures plus
tard d’une paralysie générale qui provoque sa suffocation. Un héros empoisonné devra réussir
un test de vigueur Très difficile (-4) à l’issue de la première heure, sous peine de se retrouver
dramatiquement affaibli (il subit un dé de malus à tous ses jets d’action). Quatre heures plus tard,
il devra réussir un nouveau test de vigueur Difficile (-2) ou mourir asphyxié. Un héros qui réussit
son premier test de vigueur surmonte l’empoisonnement mais subira tout de même, pour les
quatre heures suivantes, un malus de -1 à tous ses jets d’action.
Ce poison alchimique possède en outre la propriété de résister aux antidotes classiques.
À moins de prendre un antidote universel (potion alchimique légendaire), ses effets ne peuvent
être soignés que par un contrepoison spécifique, dont un des ingrédients est justement une petite
quantité de poudre d’alam-kali. Sans une dose du poison, impossible de préparer son antidote.

68
Enquête sous
contrainte
À présent que l’empoisonnement est confirmé,
les héros devront agir rapidement pour repousser
l’issue fatale qui les guette. Les choses vont
désormais dépendre de leurs décisions et des
pistes qu’ils choisiront de suivre. Les chapitres
suivants présentent donc différents personnages
auprès desquels les héros pourront obtenir des
renseignements.
Ils devront finalement en arriver à la conclusion
qu’ils n’ont qu’un seul moyen de sauver leur peau :
retrouver l’alchimiste qui les a empoisonnés afin
de récupérer la dose de poison nécessaire à la
fabrication de l’antidote. Ce qui impliquera de
localiser le quartier général de l’Ombre sanglante,
alors même que les assassins se lanceront à leurs
trousses pour terminer ce que le poison n’a su
accomplir.
Sans compter que le temps joue contre eux,
puisque leur état risque de se dégrader d’heure
en heure…
Drajit l’aubergiste
Selon la manière dont les héros interrogent
Drajit, ce dernier pourra leur fournir les
informations suivantes :
W Le reste de sa famille ne sait rien de cette
affaire ni de ce qu’il a fait pour les protéger.
W L’homme à qui il parlait était un de ceux
venus le trouver la veille au soir. Drajit ignore leur
identité, mais ils se sont présentés comme des
membres de l’Ombre sanglante, une confrérie
d’assassins halakhis réputée. Il la connaît de nom,
mais ne sait rien de plus à son sujet.
W Ces hommes lui ont remis une petite fiole
en grès remplie d’une fine poudre blanchâtre,
qu’il a saupoudrée sur leurs couches (la poudre
a pénétré leur peau et s’est imprégnée dans
les draps ; impossible d’en récupérer dans la
literie). Il a suivi les instructions à la lettre ; mais
apparemment, les héros ont résisté à un poison
censé les tuer dans la nuit.
69
L'oracle de Nemmereth
W Il s’est débarrassé de la fiole dans l’arrière-
cour de l’auberge, dans un ancien puits désaffecté
qui lui sert de dépotoir. (Note au MJ : la fiole est
assez facilement récupérable, en descendant dans
le puits peu profond où s’entassent des débris de
vaisselle et de poteries. Elle est brisée, mais un peu
de poudre blanche en parsème encore les parois.
Par ailleurs, le fond de la fiole est gravé d’une fleur
de jasmin, accompagnée d’un monogramme :
« CM ».)
W Il connaît un herboriste, le vieil Amchak,
qui habite dans le quartier et chez qui il peut
les envoyer. Peut-être sera-t-il en mesure de les
soigner ?
W Interrogé sur l’Ombre sanglante, il
affirmera tout ignorer de cette secte d’assassins. En
revanche, son cousin lui a parlé d’une taverne mal
famée, installée dans un vieil entrepôt désaffecté,
au nord des remparts de la Ville nomade (cf. page
30 pour plus de détails sur ce quartier). Il paraît
que Jembal le Roseau, le patron de ce bouge, est
très informé des affaires louches de la ville. Sans
doute en saurait-il plus sur l’Ombre sanglante ?
W Si les héros essaient d’interroger les autres
occupants de l’auberge, personne n’a rien vu de
ce qui s’est passé hier soir. Dans les ruelles qui
encadrent l’établissement, personne n’a rien vu
non plus parmi les voisins.
Note au MJ : récupérer la fiole qui a contenu
le poison facilitera grandement l’enquête. Si les
joueurs n’ont pas eu la présence d’esprit de s’en
préoccuper, vous pourrez toujours le leur suggérer
au cours d’une autre rencontre, avec Amchak
l’herboriste ou Amaston de Lysor par exemple,
sous la forme d’une remarque « innocente » :
« Quel dommage de n’avoir aucun résidu de cette
poudre, cela aurait été bien utile pour identifier
le poison. »
 Mener l’enquête
Le schéma ci-dessous retrace le cheminement des pistes que peuvent suivre les héros. En cherchant
L'oracle de Nemmereth

une issue à leur empoisonnement, les joueurs seront amenés à comprendre qu’il leur faut retrouver
l’alchimiste qui a préparé l’alam-kali, ce qui implique de localiser le repaire de l’Ombre sanglante et
de se jeter dans la gueule du loup…
Parmi les indices que peuvent fournir les différents informateurs, certains sont optionnels. Ils vous
permettront d’accélérer l’enquête ou de remettre les joueurs sur de bons rails si ceux-ci ont négligé
jusque-là une piste importante.
Enfin, n’oubliez pas de faire intervenir une embuscade de l’Ombre sanglante à un moment ou un autre
(cf. l’encadré « Pendant ce temps, à la confrérie de l’Ombre sanglante… », page 78), afin de maintenir
les joueurs sous pression. Certaines situations propices à une embuscade vous sont proposées, mais
n’hésitez pas à improviser au gré des actions des joueurs, pour frapper au moment le plus opportun,
quand ils s’y attendent le moins. Il faut qu’ils repartent d’Halakh avec de très mauvais souvenirs de
leur séjour, et quelques cicatrices…

Drajit, aubergiste
du Coursier bleu
Madri la potière

Amchak l'herboriste
Comptoir
de la
Main de
Jade Amaston de Lysor

Jembal
le Roseau

Maison de Cheptaki Temple des 20 dieux

Guilde du Lendemain

Matriarche Rassa

Taverne du Puits Sec

Maison de Bekti

70
Amchak l’herboriste
L’échoppe de l’herboriste se trouve à trois rues
de l’auberge de Drajit. Dès la porte franchie, la
petite boutique exhale une fragrance fraîche et
complexe où se mêlent les parfums de différentes
herbes et fleurs. Derrière le comptoir, plusieurs
rangées de pots en terre s’alignent sur des étagères
poussiéreuses. Le vieil Amchak, au visage plus
parcheminé que celui d’une momie, a des traits
farouches qui trahissent ses origines nomades.
Bourru au premier abord, il répondra néanmoins
avec diligence aux questions des héros, et
s’empressera de les examiner.
W Il confirmera l’empoisonnement, sans être
en mesure d’identifier le poison ni de préciser
ses effets ou sa durée d’action. Il peut fournir
une fiole d’antidote (deux doses)… qui restera
malheureusement sans effet (il s’agit d’un antidote
aux poisons naturels, et les héros sont victimes
d’un poison alchimique).
W S’ils lui apportent le débris de la fiole, il
en examinera le contenu et décrétera qu’il s’agit
d’un poison alchimique et que sa science est
impuissante contre ce genre d’empoisonnement.
Toutefois, il identifiera à l’odeur la présence
d’alnath, une plante des marais (une liane)
éminemment rare et terriblement dangereuse. Le
monogramme ne lui dit rien, mais il reconnaît
par contre le travail de Madri, une talentueuse
potière chez laquelle il se fournit en pots et fioles.
La fleur de jasmin est sa signature, et elle inscrit
aussi dans l’argile les initiales de l’acheteur, quand
elle travaille à la commande ; il possède lui-même
plusieurs jarres et pots fabriqués par Madri,
qu’il peut leur montrer. Elle devrait pouvoir leur
apprendre à qui appartiennent ces initiales. Madri
habite sur le plateau, dans une rue à main gauche
du Sanctuaire Noir, juste après la fontaine aux
cathgans (une fontaine en porphyre rouge dont
l’eau jaillit par la bouche de deux vipères du désert
entrelacées).
W Si les héros s’enquièrent d’un médecin,
il leur conseillera de se rendre de sa part chez
Amaston de Lysor, un brave savant qui réside
dans la Ville nomade et jouit d’une excellente
réputation.
71
Amaston de Lysor
Une étrange petite demeure, qui tranche
L'oracle de Nemmereth
singulièrement avec le style traditionnel des
maisons halakhies, se dresse contre le mur
d’enceinte de la Ville nomade. Au pied du perron,
plusieurs miséreux sont assis sur des bancs de
pierre et ont l’air de patienter, qui se tenant le bras,
qui crachant ses poumons de la plus inquiétante
des façons.
Un serviteur halakhi ouvre justement la porte
de la maison pour laisser sortir une femme et sa
fillette au moment où arrivent les héros. Avec un
peu de persuasion (un test d’aura par exemple), il
est possible de se faire accueillir par le médecin
sur-le-champ, sinon il faudra patienter une bonne
heure avant d’être reçus.
Amaston de Lysor est un petit homme d’une
soixantaine d’années au teint clair et aux cheveux
blonds cendrés. Il pose un regard bienveillant sur
les héros quand ils pénètrent dans son office et les
invite à exposer le motif de leur venue. Après les
avoir examinés, Amaston pourra leur révéler les
informations suivantes :
W Un poison court effectivement dans leurs
veines. Difficile de dire de quoi il s’agit et quels
peuvent être ses effets à plus ou moins long terme,
mais il est évident qu’ils sont en grave danger.
W Si les héros sont en possession des restes
de la fiole en grès, il pourra leur en apprendre
davantage. Il s’agit à l’évidence d’un puissant
poison alchimique, une préparation complexe
qui n’est certainement pas à la portée du premier
alchimiste venu. Il n’est pas expert en ce domaine,
mais s’étonne toutefois de la lenteur de son action,
peut-être due à son mode d’administration ?
W Amaston a connaissance d’une étrange
confrérie, connue sous le nom de « Guilde
du Lendemain ». Il s’agirait, lui a-t-on dit,
d’une confrérie d’alchimistes offrant leurs
services aux gens empoisonnés (une pratique
malheureusement courante à Halakh, en raison
des traditions propres à cette cité). Il ne sait pas
exactement comment contacter cette guilde, mais
a ouï dire que les prêtres d’Afyra, qui officient au
temple des vingt dieux, auraient des accointances
avec la Guilde du Lendemain.
 Le « bon docteur » ne fait pas payer ses services,
mais laisse chaque patient libre de donner ce qu’il
juge bon. Il pourra aussi apporter des soins si
L'oracle de Nemmereth

les héros ont subi précédemment des blessures ;

considérez alors qu’il possède 3 rangs dans la
carrière de médecin. Il est également en mesure
de fournir aux héros une potion fortifiante,
qui devrait aider l’un d’eux à mieux résister à
l’empoisonnement (le héros qui la boit obtient un
dé de bonus à son prochain test de vigueur contre
le poison).

Madri la potière
Une servante ouvre la porte aux héros et les
fait traverser un ravissant petit patio aux belles
faïences, abondamment garni de fleurs (un
chèvrefeuille odorant se déverse depuis le toit
en une magnifique cascade de minuscules fleurs
jaune pâle au doux parfum), pour les mener sur la
partie arrière de la maison, à l’atelier de poterie de
sa maîtresse.
Madri est une femme d’âge mûr au visage sévère,
buriné par le soleil du désert. Elle a un physique
sec et menu (elle mesure à peine 1,50 m). Sa main
gauche est atrophiée et ne compte que trois doigts
(une malformation de naissance, sans doute), ce
qui ne l’empêche pourtant pas d’exercer son art
avec un talent consommé.
W Si les héros sont chez Madri, c’est qu’ils
ont récupéré le tesson de poterie de la fiole
qui contenait la poudre empoisonnée. Elle
reconnaîtra immédiatement son travail, ainsi que
le monogramme CM gravé sur le fond. Il s’agit
de celui de Cheptaki Mendaï, un alchimiste de
renom, décédé il y a quelques mois. Il est mort
chez lui, victime d’un malaise dû à son grand âge.
Mais, à ce qu’elle a entendu dire, son laboratoire
avait été consciencieusement pillé et son disciple
(« un jeune homme brillant, originaire de Malakut,
dont je ne me rappelle plus le nom ») avait disparu.
Nul ne l’a revu depuis, et tout le monde s’accorde
à penser que, constatant la mort soudaine de son
maître, il en a profité pour s’emparer sans vergogne
des richesses de son laboratoire et s’enfuir faire
carrière dans une autre ville.
W Madri peut indiquer aux héros que
Cheptaki vivait dans le quartier des Kalindhit,
au pied du plateau, la porte au heurtoir en forme
de cornue, sur une placette en face de la fontaine
publique. Elle ignore en revanche si quelqu’un y
réside encore.
Jembal le Roseau
Les portes de l’entrepôt décrépit et miteux sont
grandes ouvertes et un brouhaha se fait entendre
à l’intérieur. Des hommes à la mine patibulaire
traînent devant l’entrée, ainsi que plusieurs
femmes au visage fardé qui hèlent sans vergogne
les passants. L’endroit est un bouge sombre, saturé
de fumée et de relents de sueur et de mauvaise
bière. Il semble essentiellement fréquenté par
des manœuvres, des portefaix et de modestes
artisans. Une large mezzanine, divisée en étroites
chambres fermées par un simple rideau, s’étend
sur près de la moitié de la salle ; apparemment le
lieu fait également office de lupanar.
Les clients se pressent contre le long comptoir,
mais la foule est surtout massée autour d’une
estrade en bois de forme carrée sur laquelle un
colosse torse nu lève les poings dans un geste de
triomphe sous les vivats des spectateurs. L’homme
à la musculature impressionnante a la lèvre fendue
et un hématome sur la joue, mais ce n’est rien en
comparaison de l’état de son adversaire, évacué
inconscient par deux esclaves qui peinent sous
son poids.
Il suffit de demander Jembal le Roseau au bar ou
à une fille de joie pour se voir désigner un homme
accoudé au bout du comptoir, qui sirote son verre
d’un air maussade. D’un roseau, Jembal n’a que

72
le nom, ou le sobriquet, plutôt : l’homme est très
petit et trapu, avec un visage rond et glabre. Il a
également la peau pâle, ce qui contraste vivement
avec le teint brun des Halakhis. Sans doute n’est-
il pas originaire de la ville.
Interpellé par les héros, il relève la tête avec une
expression renfrognée et les examine en plissant les
yeux. Malgré son physique peu impressionnant, il
émane de lui quelque chose de dangereux, comme
une aura de menace.
Après avoir demandé aux héros d’un air bourru
(et avec un vocabulaire fleuri) qui ils sont et ce
qu’ils lui veulent, une lueur d’intérêt s’éveille
dans les yeux de Jembal. Oui, il connaît l’Ombre
sanglante, et beaucoup de choses dans cette ville.
Mais Jembal n’aide que ses amis ; que sont-ils
donc prêts à faire pour devenir ses amis ?
À ce moment, la conversation est interrompue
par l’arrivée inopinée d’un gros homme
passablement éméché qui vient passer un bras
potelé sur l’épaule de Jembal, que ce dernier
repousse d’un air contrarié.
« Allez, quoi, Jembal, ne tire pas cette tête, voyons !
Personne ne peut battre mon champion, tu devrais le
savoir depuis le temps ! Note, moi, ça ne me dérange
pas. Je sais toujours quoi faire de ton argent ! »
En grommelant, Jembal sort une bourse de sa
tunique et la tend à l’importun, qui s’incline d’une
courbette mal assurée et repart en titubant.
« Ce fumier de Parchak, que Nemmereth lui
ronge les entrailles », maugrée Jembal avant de
s’interrompre, pour se tourner vers les héros en les
détaillant du regard. Un sourire amusé s’épanouit
sur son visage.
« Je vous donnerai les informations que vous
cherchez sur l’Ombre sanglante, à condition que l’un
d’entre vous monte sur l’estrade et fasse cracher ses
dents au lutteur de ce sac à vin de Parchak. Voilà qui
ferait de nous les meilleurs amis du monde ! »
Sa décision prise, Jembal restera sourd à toute
autre proposition, et la menace n’aura aucun
effet sur lui. D’un geste, il éveillera l’attention
de plusieurs hommes de main qui convergeront
vers les héros. Par ailleurs, ces derniers pourront
apercevoir au bar une patrouille du guet, constituée
de farouches guerriers beshaaris, qui semble avoir
73
ici ses habitudes et qui risque d’intervenir si une
rixe éclate. Jembal chassera alors les héros de
son établissement en les prévenant de ne plus y
L'oracle de Nemmereth
remettre les pieds.
Si un héros accepte son offre et parvient à défaire
à mains nues Chemdi, le champion de Parchak,
Jembal explosera de joie et décrétera une tournée
générale sous les ovations. Il ne manquera pas de
railler Parchak avec délectation, et récupérera sa
bourse avec un grand sourire.
Puis, après avoir trinqué avec plusieurs dizaines
de personnes et tapé joyeusement sur les fesses
d’une de ses filles, il retrouvera les héros au bout
du comptoir pour honorer sa part du marché
(Note au MJ : évidemment, si par malheur le
héros perdait le combat, Jembal chasserait les
héros de son établissement d’un air écœuré, sans
consentir à les aider.)
Chemdi (coriace)
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 2 Initiative 0
Agilité 1 Mêlée 2*
Esprit 0 Tir -1
Aura -1 Défense 1
Carrières : ouvrier 2
Protection : aucune armure 0
Armes : mains nues d3+1
Vitalité : 8
* Chemdi bénéficie de l’avantage bagarreur, qui
lui confère un dé de bonus à ses jets d’attaque à
mains nues.
W L’Ombre sanglante est une confrérie
d’assassins halakhis qui jouit d’une assez bonne
réputation (« Bon ce n’est pas non plus la Main grise,
hein ! »). Celui qui la dirige se nomme Bekti,
un gaillard qui ne paie pas de mine, plus tout
jeune et sec comme un coup de trique, mais aussi
dangereux qu’une vipère rouge du Beshaar. Il
ignore en revanche où il loge. En revanche, Jembal
sait que l’Ombre sanglante peut être contactée
à la taverne du Puits sec, dans le quartier des
Banouram, près de la Porte de la Tourbe.
 Le temple des vingt
dieux
L'oracle de Nemmereth
Les héros peuvent s’y rendre spontanément
(dans leur situation, chercher le secours des
dieux n’aurait rien d’aberrant) ou sur les conseils
d’Amaston de Lysor. Le grand édifice proche du
cœur de la cité est rectangulaire avec une grande
entrée à colonnade et plutôt sobre (rien à voir avec
les temples de Satarla). Les vingt dieux y disposent
tous d’une alcôve, avec leur autel et leur statue.
Il y a même une chapelle dédiée à Nemmereth
desservie par un prêtre, concession des druides
gris aux exigences du commerce (la ville accueille
de nombreux marchands étrangers, qui doivent
pouvoir y prier les dieux selon leurs coutumes).
Il est de notoriété publique que les prêtres
d’Afyra, déesse de la vie et patronne des
herboristes, des sages-femmes et des médecins, se
font un devoir d’apporter leur aide aux nécessiteux
et aux malades (d’ailleurs, les temples d’Afyra
sont fréquemment flanqués d’un hospice). Sebki,
le prêtre d’Afyra, ne peut pas grand-chose contre
le mal des héros, mais en fonction de la manière
dont ils se comportent, il promettra d’intercéder
pour eux auprès de la déesse (au prochain test de
vigueur que les héros auront à faire pour résister au
poison, deux d’entre eux – choisis aléatoirement,
ou en fonction de leur attitude dans le temple –
bénéficieront d’un dé de bonus).
W Interrogé sur la Guilde du Lendemain (cf.
ci-dessous), le prêtre confirmera son existence et
acceptera de les y conduire.
La Guilde du Lendemain
La Guilde se trouve dans une petite maison ba-
nale située non loin du temple des vingt dieux, à
la porte ornée d’un heurtoir en forme de ganuc.
La servante qui vient ouvrir introduira sans tar-
der les héros dans le laboratoire de Rimshak, le
maître de la Guilde. Cet Halakhi entre deux âges,
à la longue barbiche noire et au sourire édenté,
est un expert en poisons (notamment pour les
avoir amplement utilisés du temps de sa jeunesse,
quand son activité principale consistait à provo-
quer des trépas plutôt qu’à les prévenir, mais ceci
est une autre histoire…).
74
W Sans la fiole et son résidu de poudre,
Rimshak ne pourra que confirmer l’empoison-
nement, subodorer sa nature alchimique, et
proposer aux héros de leur vendre (à un prix
scandaleux) deux doses d’un antidote aux poisons
alchimiques.
Note au MJ : cet antidote ne guérira pas
l’empoisonnement, mais aura tout de même la
vertu d’accorder à celui qui le boit une réussite
automatique au prochain test de vigueur
pour résister au poison (l’antidote stabilise
temporairement la progression du mal).
W Si les héros sont en possession de la fiole
en grès, Rimshak pourra leur fournir, après avoir
procédé à quelques expériences sur les résidus de
poison (ce qui prendra un peu de temps ; une bonne
heure, au moins) de précieuses informations.
Il confirmera qu’il s’agit d’un poison alchimique
puissant, à base de racines de plantes des marais
de Kasht, qu’il connaît bien. Il sera en mesure
de donner son nom et ses propriétés exactes
(cf. encadré « L’alam-kali », page 68). Cependant,
il expliquera qu’on a ajouté au poison un élément
qui possède un effet temporaire d’inhibition des
composés toxiques, ce qui devrait laisser quelques
heures (une dizaine, tout au plus) aux héros avant
que le poison ne recouvre sa pleine capacité de
nuisance. D’après lui, cet ajout paraît délibéré et
non le fruit d’une erreur, ce qui semble paradoxal :
pourquoi instiller un poison mortel à quelqu’un
tout en ralentissant ses effets ?
Par ailleurs, il expliquera à regret aux héros
que ce poison ne peut être contré que par un
contrepoison spécifique, préparé avec une dose du
poison lui-même (mais les résidus de la fiole ne
sont pas suffisants, malheureusement). Il leur faut
donc retrouver leur empoisonneur, et au plus vite,
s’ils veulent survivre à cette journée. Rimshak
peut commencer à préparer le contrepoison pour
eux, mais ils doivent absolument lui ramener
une petite quantité d’alam-kali pour parfaire sa
mixture s’ils veulent éviter une mort certaine.
Note au MJ : si les PJ sont arrivés jusqu’à
lui sans passer par Madri (et qu’ils sont en
possession de la fiole en grès), Rimshak pourra
identifier le monogramme et leur livrer les mêmes
informations qu’elle au sujet de Cheptaki Mendaï
(cf. « Madri la potière », page 72).
Le Sanctuaire Noir
De retour au Sanctuaire Noir, les héros
retrouvent dans la cour le druide qui les a reçus
précédemment. Comme convenu, il leur remet
un étui à parchemin contenant l’oracle délivré par
le dieu (cf. « l’oracle de Nemmereth », page 83).
Il les prévient toutefois que l’esprit sublime
d’un dieu ne se révèle pas immédiatement à
l’entendement limité des hommes, et qu’il leur
faudra certainement un peu de temps pour
dénouer l’écheveau des paroles divines.
S’ils s’ouvrent à lui de leur problème
d’empoisonnement, le druide gris les scrute
attentivement et leur confirme qu’effectivement
l’ombre du dieu plane sur leur visage. Il ne peut
rien pour eux, car il ne lui appartient pas de se
mêler de savoir s’ils vivront ou pas. Nemmereth
en est seul juge.
La maison de Cheptaki
Une fois dans le quartier des Kalindhit, qui
s’étend à l’ouest de la ville, au pied du plateau, il
suffit d’arpenter les rues ou de poser la question
à des passants pour localiser sans trop de mal la
petite place à la fontaine au bassin de marbre
sculpté de rinceaux où se trouve la demeure de
Cheptaki Mendaï, dont la porte s’orne d’un
heurtoir en forme de cornue. La bâtisse à un
étage présente la même façade impersonnelle
et blanchie à la chaux que les autres maisons de
la ville. Les fenêtres sont trop étroites pour s’y
faufiler, la porte est fermée à clef (mais facile à
crocheter ou à enfoncer), et personne ne répond
si les héros y toquent. Il est également possible de
passer par la trappe du toit-terrasse, dont le jardin
d’herbes médicinales est un peu à l’abandon,
même si manifestement quelqu’un a continué à
l’arroser depuis la mort du propriétaire des lieux.
La petite maison halakhie traditionnelle
s’organise autour d’une cour intérieure. L’endroit
sent le renfermé et la poussière ; clairement, les
lieux n’ont pas été habités depuis plusieurs mois.
L’étage est occupé presque entièrement par
un laboratoire d’alchimie à l’abandon. Il reste
quelques bocaux d’herbes séchées et de poudres
diverses, quelques instruments, pots et fioles en
verre ou en grès, un brasero sur une table, deux
75
L'oracle de Nemmereth
livres (un herbier de plantes des montagnes et
un traité d’alchimie sur les vertus des différentes
roches et minéraux). Quelques débris de verre
craquent sous les pieds des héros, près de la table.
Il n’y a rien à trouver ici, juste un peu de temps
précieux à perdre…
En revanche, quand les héros ressortent de
la maison, ils sont attendus par une troupe de
huit miliciens de la tribu des Kalindhit dont le
chef leur enjoint poliment, mais fermement, de
les accompagner. Plusieurs autres sont déployés
alentour sur les toits. La matriarche aimerait bien
savoir pourquoi des étrangers ont voulu entrer dans
la maison d’un mort. Si les héros se sont contentés
de toquer à la porte et de poser des questions au
voisinage, ils seront pareillement abordés par la
milice du quartier et informés que la matriarche
des Kalindhit souhaite leur parler. Que les héros
aient demandé ou non leur chemin, la présence
d’étrangers n’a pas échappé aux habitants, et de
toute façon ils peuvent difficilement s’introduire
chez Cheptaki en plein jour sans se faire repérer
par un passant ou un voisin.
Note au MJ : c'est évidemment une mauvaise
idée que d’engager le combat ou de tenter de
fuir (les miliciens connaissent parfaitement leur
quartier). Si cela se produit, comptez les miliciens
comme un mélange de piétaille et de coriaces ayant
le même profil que les soldats du guet d’Halakh
(cf. page 84). Les joueurs perdront alors toute
chance de bénéficier de l’appui de la matriarche,
et mieux vaut qu’ils ne reviennent pas dans le
quartier. De plus, ils seront désormais recherchés
activement par le guet dans le reste de la ville…
L'oracle de Nemmereth

Rassa, la matriarche le long banc installé en face d’elle. Elle écoute leur
histoire et leurs questions concernant Cheptaki
des Kalindhit d’un air faussement distrait, concentrée sur son
enfant, qu’elle finit de nourrir avant de le confier
La demeure de la noble Rassa, quelconque de
à une servante, qui quitte aussitôt la pièce. Elle
l’extérieur, révèle un intérieur cossu, aux pièces
pose une ou deux questions, pour se faire préciser
ornées de faïences et de mosaïques délicates. Il
une chose ou répéter une autre, puis accepte, après
faudra que les héros rongent leur frein parmi
avoir échangé un regard avec les deux vieillards,
d’autres solliciteurs qui patientent dans le patio (à
de renseigner les héros.
moins de réussir à se montrer convaincants pour
être reçus immédiatement). Cheptaki appartenait à la tribu des Kalindhit, et
était un ami personnel du père de Rassa ; elle l’a
Les héros sont finalement introduits dans
donc bien connu. C’était un homme très érudit, un
une grande pièce à demi troglodyte où règne
alchimiste renommé dont le talent honorait toute
une fraîcheur bienvenue ; deux hauts fenestrons
la tribu. Il était réputé pour sa connaissance des
fermés de vitraux laissent filtrer une douce
simples, particulièrement des plantes des marais
lumière ambrée qui atténue la pénombre des
de Kasht, où il avait passé une partie de sa vie.
lieux. Étonnamment, la matriarche Rassa est une
Nemmereth l’a emporté voici deux mois ; on l’a
jeune Halakhie qui ne doit pas avoir plus d’une
retrouvé mort dans son laboratoire. Il n’y avait pas
trentaine d’années. Son visage potelé s’illumine
de traces de lutte, mais on avait dérobé une grande
du feu sombre de ses grands yeux noirs, et un pli
partie des instruments de son art, et son disciple
amer donne à sa bouche un air maussade. Deux
Qirmar avait disparu. Elle connaît bien Qirmar,
vieillards sont assis de part et d’autre du divan où
un jeune Malakuti entré au service de Cheptaki
elle se tient, et un géant blond armé d’un lourd
il y a deux ans. L’hypothèse la plus probable reste
gourdin (certainement un esclave venu du nord
que Qirmar a profité du décès de son maître pour
lointain) est adossé au mur derrière elle, avec l’air
s’enfuir avec le précieux matériel de son laboratoire,
de s’ennuyer ferme.
mais Rassa n’y croit guère ; Qirmar ne lui a pas
Rassa est en train de donner le sein à un donné l’impression d’être capable de commettre
nourrisson et fait signe aux héros de s’asseoir sur un acte aussi vil.

76
 Cheptaki l’avait informée qu’il avait eu une Il affiche un air éternellement sérieux et concentré,
altercation avec une confrérie d’assassins qui mais sait se montrer affable et courtois. Il sera
souhaitait qu’il fabrique des poisons pour elle, ce très attristé d’apprendre le décès de Min Tan (et

L'oracle de Nemmereth
qu’il avait refusé. Il n’avait pas voulu dire à Rassa s’enquerra en rougissant légèrement de la belle Jia,
de qui il s’agissait afin de ne pas envenimer la navré du deuil qui la frappe).
situation, mais lui avait promis de la prévenir si
Liu Liong ne réside à Halakh que depuis
ces hommes revenaient le trouver. Rassa est donc
quelques mois, mais il pourra néanmoins fournir
très intéressée de savoir qu’une fiole provenant
certaines informations, selon les questions qui lui
du laboratoire de Cheptaki était en possession
seront posées. (Note au MJ : selon le moment de
d’assassins de l’Ombre sanglante…
l’enquête où les joueurs auront l’idée de contacter
Cela ne suffit pas pour que Rassa implique sa le comptoir de la Main de Jade, les informations de
tribu, mais c’est bien assez pour qu’elle accepte Liu Liong peuvent se révéler plus ou moins utiles.
d’aider les héros. Elle les invite donc à se reposer Si les joueurs sont déjà en possession des noms
chez elle, le temps de réunir quelques informations. qu’il peut leur communiquer, vous pouvez aussi
Après une à deux heures d’attente, Rassa sera en bien décider que Liu Liong n’a malheureusement
mesure d’indiquer aux héros que la taverne du rien à leur apprendre d’utile.)
Puits sec, dans le quartier des Banouram, près
W Sur l’Ombre sanglante, il ne sait pas grand-
de la Porte de la Tourbe, semble être un lieu
chose, à part qu’il s’agit d’une des nombreuses
de rendez-vous pour les membres de l’Ombre
confréries d’assassins halakhis.
sanglante. Un jeune garçon pourra les y conduire
s’ils le souhaitent. W Si les joueurs lui parlent de leur
empoisonnement, après un instant de réflexion, il
Note au MJ : si les héros sont arrivés ici direc-
évoque le nom d’Amaston de Lysor, un médecin
tement, sans avoir cherché pour l’heure à soigner
réputé qui vit dans la Ville nomade. Il peut aussi
leur empoisonnement, Rassa leur conseillera d’al-
mentionner Cheptaki Mendaï, un alchimiste à
ler consulter la Guilde du Lendemain pendant
qui il a vendu il y a plusieurs mois de la poudre
qu’elle se renseigne sur l’Ombre sanglante. Le
de pa-lo, un ingrédient excessivement rare (et
passage chez le maître alchimiste de la Guilde
très onéreux), aux grandes vertus médicinales.
du Lendemain est nécessaire pour que les joueurs
L’homme venait du quartier des Kalindhit, se
puissent commencer à comprendre que leur em-
souvient-il. Peut-être serait-il en mesure de les
poisonnement comporte une part de mystère.
aider ? (En revanche, Liu Liong ignore que ce
dernier est mort.)
Le comptoir de la Main W Liu Long peut également, si on lui en fait la
de Jade demande, préparer pour les héros une fuite rapide
et discrète de la cité. L’industrieux représentant de
Si les joueurs ont été attentifs durant
la Main de Jade dispose déjà de ses filières pour
l’introduction à Satarla, ils savent que Liu Liong,
faire entrer et sortir différents produits au nez et à
l’assistant de feu Min Tan, est parti voici quelques
la barbe des gardes de la ville.
mois pour Halakh afin d’y ouvrir le premier
comptoir de la Main de Jade. Ils pourraient donc
avoir idée de faire appel à lui.
Le comptoir de la Main de Jade se trouve non
loin de la Porte de Malakut, après le premier lacet
de la Chaussée des Princes. Il ne s’agit encore pour
l’heure que d’une modeste échoppe qui propose
des produits rares importés du lointain Khanat.
Liu Liong est un jeune homme d’une trentaine
d’années au visage assez ingrat, grêlé de petites
cicatrices, séquelles d’une maladie infantile.

77
 Pendant ce temps, à la
confrérie de l’Ombre
sanglante…
L'oracle de Nemmereth
Quand au matin Rajka voit les héros en vie, sa
première conclusion est de penser que l’aubergiste
du Coursier bleu lui a désobéi. Il prend la fuite (il
dépense un point de vilenie pour disparaître sans
laisser à un héros la possibilité de le rattraper) et
court prévenir maître Bekti. Très contrarié, celui-
ci sonne aussitôt le rassemblement de la confrérie
et envoie ses hommes s’occuper des héros « à la
manière traditionnelle ».
Un groupe de cinq ou six assassins* est envoyé
à l’auberge et y arrive après le départ des héros.
L’aubergiste Drajit, si les héros l’ont laissé libre de
ses mouvements, s’empresse de mettre sa famille à
l’abri chez des parents et, en désespoir de cause, se
pend dans sa cuisine, espérant par là apaiser la soif
de vengeance de l’Ombre sanglante et protéger sa
femme et ses enfants de leur vindicte.
Si les héros reviennent à l’auberge à un moment
donné de leur enquête, ils tomberont donc dans
une embuscade de la confrérie.
Deux autres groupes d’assassins s’efforcent
pendant ce temps de retrouver la trace des héros.
Ils connaissent la ville, disposent de nombreux
contacts, la tâche n’est pas très compliquée.
La taverne du Puits sec
Située dans une petite rue latérale non loin des
remparts et de la Porte de la Tourbe, la taverne
occupe une maison rectangulaire à un étage. Deux
étroites fenêtres percent sa façade, encadrant une
porte peinte en rouge sombre, précédée de trois
marches. Une enseigne représentant un squelette
allongé près de la margelle d’un puits se balance
doucement dans la brise chaude, un choix bien
curieux pour inviter le client à venir se désaltérer !
Au moment où les héros arrivent en vue de
l’auberge, la porte s’ouvre justement et Rajka,
celui qu’un des héros a aperçu ce matin parler
avec Drajit l’aubergiste, sort de l’établissement
en compagnie de trois hommes. Ils s’attardent un
78
Ils pourront donc tenter, à une ou deux reprises,
à l’appréciation du MJ, de fondre par surprise sur
leurs cibles, afin de régler l’affaire par une attaque
aussi soudaine que brutale. Si l’enquête piétine,
ce peut être un bon moyen de relancer l’intérêt
des joueurs !
Des héros méfiants peuvent également décider
de surveiller leurs arrières et s’apercevoir qu’ils
sont suivis. La proie pourra alors essayer de se
faire chasseur. Mais n’oubliez pas que les assassins
halakhis sont des professionnels aguerris et qu’ils
sont dans leur ville qu’ils connaissent comme leur
poche (octroyez-leur un dé de bonus aux tests de
discrétion pour filer les héros sans se faire repérer,
ou pour leur échapper en cas de poursuite).
Libre à vous d’imaginer votre propre piège,
mais vous trouverez ci-après quelques idées
d’embuscade.
Bien sûr, si le groupe venait à se séparer pour
gagner du temps, un ou deux héros isolés feraient
des proies bien plus faciles ; dans ce cas, mettez
deux assassins par héros pris à partie, et n’hésitez
pas à faire payer aux joueurs cette imprudence !
Piège en pleine rue
Au détour d’une venelle, les héros tombent sur
une dispute entre deux portefaix (soudoyés par
les assassins) : une petite charrette à bras bloque
instant pour répondre à quelqu’un à l’intérieur,
puis s’éloignent dans la rue.
Note au MJ : cette scène va créer un petit
dilemme pour les joueurs. Vont-ils tenter de suivre
cet homme dont ils savent que c’est un membre
de l’Ombre sanglante ? Ou pénétrer dans cette
taverne qu’on leur a indiquée comme possible
repaire ou lieu de réunion de la confrérie ?
Il n’est pas très difficile de suivre Rajka et ses
hommes, qui n’ont pas de raison particulière de
se méfier, et qui finissent par pénétrer dans une
maison, trois rues plus loin (cf. « La demeure de
Bekti », page 80).
Si en revanche les héros décident d’entrer dans
la taverne, ils découvrent une salle commune basse
le bout de la ruelle, un panier est renversé au sol
et les deux hommes s’insultent copieusement.
Une seule petite allée latérale permet de quitter
la ruelle en évitant l’esclandre, mais celle-ci est
un cul-de-sac. Derrière les héros, quatre assassins
surgissent soudain de l’ombre, tandis que deux
d’entre eux, armés d’arbalètes, apparaissent sur les
toits, de part et d’autre de la ruelle…
La maison de Cheptaki
Si les héros s’introduisent dans la maison
déserte de Cheptaki, les assassins en profitent
pour leur tendre une embuscade, d’autant qu’ils
connaissent déjà les lieux. C’est l’occasion de se
débarrasser d’eux plus discrètement qu’en pleine
rue. Les héros doivent gérer les assassins, puis
l’arrivée des miliciens de la tribu des Kalindhit.
La Ville nomade
Si les héros se rendent là-bas au cours de leur
enquête, l’Ombre sanglante tire parti de ce lieu
mal famé et peu fréquenté par les gardes de la
cité. Ils paient un groupe de vagabonds et de
mendiants (deux par héros ; piétaille à 1 point
de vitalité, armée de bâtons et de gourdins, d3
dégâts) pour s’en prendre aux héros et profitent
de cette diversion pour frapper, cachés au milieu
du groupe de miséreux.
*Profil des assassins de la confrérie de l’Ombre sanglante en page 84.
et sombre, éclairée par un petit puits de lumière
en plus des deux fenêtres donnant sur la rue. Une
cheminée, un comptoir et quelques tables, un
escalier dans le coin droit pour accéder à l’étage :
l’endroit est modeste et sans attrait.
La salle se prolonge d’une deuxième pièce
troglodyte, en léger contrebas, précédée par une
volée de trois longues marches taillées dans la
roche (cf. plan en page suivante). Un tapis dans le
coin gauche recouvre une trappe menant à la cave
qui, outre les provisions d’alcool de l’établissement,
abrite une autre issue sous la forme d’un étroit
passage dissimulé simplement derrière deux vieux
tapis roulés et posés contre le mur. Creusé dans
la roche, le passage ressemble plus à une faille
qu’à un véritable couloir, et quelques marches
79
Note au MJ : si un assassin est capturé vivant
durant une embuscade, il aura la volonté de ne
rien révéler sur sa confrérie, mais pourra craquer
L'oracle de Nemmereth
sous la menace, et livrer au moins son lieu de
rassemblement, à savoir la taverne du Puits sec.
Il ignore tout de l’identité de celui qui les a recrutés
pour s’en prendre aux héros et pourra seulement
confirmer qu’un alchimiste travaille pour eux,
si on lui pose la question. Il pourra également
identifier Rajka comme étant le lieutenant du
« maître », dont il s’efforcera de taire le nom.
À force de suivre les pérégrinations des héros,
les assassins iront interroger certaines des
personnes à qui ils ont parlé et comprendront que
leurs cibles sont bien empoisonnées, même si elles
ne sont pas mortes comme on pouvait l’espérer.
Quand la nouvelle parvient à Bekti, celui-ci
s’irrite contre Qirmar qu’il accuse de négligence
dans la préparation du poison, et il le rosse pour
se défouler. Le jeune alchimiste joue habilement
le désarroi et jure ses grands dieux qu’il ne
comprend pas ce qui a pu se passer, tout en
jubilant intérieurement du succès de son plan.
Ne lui reste plus qu’à espérer que les héros
seront de taille face aux assassins de l’Ombre
sanglante et qu’ils sauront le retrouver. Il a déjà
préparé pour eux le contrepoison dont ils ont
désespérément besoin.
grossières permettent de rejoindre un soupirail
donnant dans la ruelle adjacente.
C’est dans l’arrière-salle que les membres de
l’Ombre sanglante ont coutume de se retrouver.
Daruk le tavernier est de mèche, lui-même un
ancien membre de la confrérie. Amputé du bras
gauche à la suite d’une blessure qui s’est infectée,
il s’est depuis « retiré des affaires », mais reste un
dangereux adversaire malgré son handicap.
Quel que soit le moment de la journée où les
héros s’y rendent, ils trouveront toujours trois
ou quatre membres de la confrérie attablés. Ils
ne portent pas d’habits ou de signes distinctifs,
même si un regard acéré pourra déceler chez eux
quelque chose dans leur port ou leurs gestes qui
évoque des combattants aguerris.

L'oracle de Nemmereth
Vers la rue
Taverne du Puits sec
Si les héros pénètrent dans l’estaminet, ils
seront aussitôt identifiés par les assassins (ou du
moins soupçonnés d’être les cibles de la confrérie,
cf. encadré page 78). Selon une pratique bien
rodée, il suffira d’un signe au fils de l’aubergiste,
qui sert en salle, pour que ce dernier fasse mine
d’aller remplir des cruchons à la cave et s’éclipse
par le passage afin de prévenir Bekti et le reste
de la confrérie. Le tavernier jouera les naïfs pour
mieux tromper les héros et intervenir par surprise
si la situation dégénère. Interrogé, il tentera de
faire porter leurs soupçons vers une autre tablée
que celle de ses confrères, afin de leur donner le
temps d’agir.
Si un combat éclate dans la taverne, les autres
clients fuiront les lieux sans intervenir, mais
courront prévenir une patrouille du guet. Les
héros ne devront pas trop s’attarder à la taverne
à l’issue de l’affrontement, au risque d’avoir à
s’expliquer avec les autorités.
Note au MJ : un assassin capturé refusera de
parler, même sous la menace, mais n’est pas à
l’abri de craquer (ce ne sont ni des surhommes
ni des fanatiques). Le tavernier quant à lui restera
d’une loyauté à toute épreuve. Le plus facile à
faire parler est son fils, surtout si on menace de
s’en prendre à son père. Il est dès lors possible
d’apprendre où se trouve la demeure de maître
Bekti : elle se situe à trois rues d’ici en remontant
80
vers le plateau, la grande maison rectangulaire
au mur couvert d’une plante grimpante à petites
fleurs carmin. Il faudra en revanche se montrer
très précis dans ses questions pour apprendre que
l’alchimiste est prisonnier de la confrérie, et aucun
d’eux ne connaît l’identité de leur commanditaire
(qui n’a traité qu’avec maître Bekti).
Les héros peuvent aussi opter pour une approche
moins directe, intercepter à l’extérieur un client
ou le fils de l’aubergiste sortant les ordures par
exemple, ou surveiller discrètement les lieux.
Après un certain temps (à vous de décider…), ils
pourront voir revenir Rajka, en compagnie d’un
de ses hommes.
La demeure de Bekti,
maître de l’Ombre
sanglante
La maison de maître Bekti présente une
façade aveugle au rez-de-chaussée, partiellement
couverte par les vrilles d’une plante grimpante
aux petites fleurs rouges. L’étage est surmonté
d’un toit plat où s’aperçoivent depuis la rue les
branches d’arbustes fleuris. La porte en bois, qui
possède un judas, n’est pas particulièrement solide
ni munie d’une serrure compliquée à crocheter.
Son heurtoir en bronze représente une branche
recourbée aux fleurs en boutons.
Un long couloir divise le rez-de-chaussée et
donne à gauche sur une grande pièce d’habitation
luxueuse, à droite sur une chambre pour les
domestiques et une salle d’armes au parquet
ciré, équipée d’une cible et d’un mannequin
d’entraînement. Le salon comme la salle d’armes
disposent d’une grande fenêtre cintrée donnant
sur le patio. Un simple rideau ferme le bout
du couloir, qui débouche sur une petite cour
intérieure ornée en son centre d’une plate-bande
fleurie. Un portique occupe le côté droit du
patio, où se trouve l’escalier menant à l’étage. Des
coussins moelleux s’entassent sous le portique
autour d’une table basse. L’étage comporte une
sorte de dortoir, prolongé de trois chambres (celle
de Bekti, de son épouse et de leurs trois enfants).
La porte au fond du patio donne sur un petit
bâtiment de plain-pied dans lequel Bekti a
installé Qirmar et son laboratoire (équipé du
 Mezzanine
Laboratoire
Cuisine et
réserve vers l'étage
Patio
Salon & Salle
Salle à d'armes
manger
Domes-
tiques
Rez-de-chaussée
matériel volé chez Cheptaki). Deux grandes
tables, un établi et une étagère croulent sous les
instruments alchimiques, les bocaux et les fioles.
Une mezzanine occupe le tiers gauche de la salle
et comporte un lit, un broc et une bassine. C’est
dans cette aile de la maison que Qirmar dort et
travaille. Le jour, il est attaché par une longue
chaîne à un pied de la lourde table, ce qui lui
permet de se déplacer dans toute la pièce et de
sortir jusqu’au milieu du patio. La nuit, la chaîne
est fixée à un anneau au mur, sur la mezzanine. La
pièce comporte deux petites fenêtres, fermées par
des volets en bois qui ont été cloués.
La maisonnée comprend trois serviteurs (deux
hommes et une femme), Ajisha l’épouse de Bekti
et leurs trois enfants (une fillette de neuf ans et
deux garçons de sept et trois ans), ainsi que trois
assassins qui demeurent en permanence auprès de
leur maître. Rajka pourra également s’y trouver
selon le moment où les héros passeront à l’action.
Tous les membres de l’Ombre sanglante sont
d’une loyauté à toute épreuve et combattront
jusqu’à la mort. Si un des serviteurs en a l’occasion,
il s’enfuira de la maison pour courir prévenir
les autres membres de la confrérie à la taverne.
La demeure
de Bekti
L'oracle de Nemmereth
Escalier
Escalier
vers le toit
Chambre
de Bekti Dortoir
Chambre Enfants
d'Ajisha
1er étage
Ceux-ci (au nombre de quatre) débouleront dans
la maison dix rounds plus tard.
Bekti, quant à lui, se battra jusqu’à la mort,
même si tout espoir est perdu, et s’efforcera de
protéger sa famille (Ajisha essaiera de fuir avec
ses enfants par le toit).
Sitôt l’alerte donnée, les hommes de Bekti se
regrouperont auprès de leur maître, qui se trouve
dans le patio. Ils tenteront éventuellement de se
retrancher dans le laboratoire pour tenir la porte,
en attendant des renforts.
Selon la situation, si Bekti comprend que les
héros veulent avant tout l’alchimiste, il pourra
tenter de négocier en menaçant de le tuer. Qirmar
hurlera alors aux héros qu’il peut les soigner s’ils
le libèrent.
Sur la table basse du patio, les héros
retrouveront une bourse en feutre noir, dont
le cordon scellé par un sceau en plomb frappé
d’un côté du symbole de Grondil, et de l’autre
de celui de Nemmereth a été défait, et qui
contient de petits lingots d’argent. La bourse
est en tous points semblable à celle qui leur a
été remise par Nirmus...
81
 Qirmar
En supposant que l’issue du combat soit
L'oracle de Nemmereth
favorable aux héros, ceux-ci découvriront Qirmar,
le visage tuméfié et enchaîné à sa table. Il se
confond aussitôt en excuses et explique le plan
qu’il avait conçu dans son désespoir (cf. page 66).
Il cherche derrière un rang de bocaux remplis
d’herbes séchées et sort un petit sac contenant
des fioles (autant qu’il y a de héros) au liquide
ambré ; il a préparé le contrepoison à l’alam-kali,
dans l’espoir qu’ils réussiraient à le trouver. Il
enjoint les héros à le boire aussitôt et les presse de
partir de cette maison le plus vite possible, avant
que d’autres assassins ne reviennent. Il se dépêche
de récupérer quelques fioles, pots et instruments
qu’il fourre dans une sacoche.
Sitôt le contrepoison bu, les héros n’ont plus à
effectuer de nouveau test de vigueur, et les malus
qui les affligent disparaissent progressivement au
cours des heures suivantes.
Une fois qu’ils ont quitté la maison de Bekti,
Qirmar raconte son histoire aux héros (cf.
encadré « Qirmar, l’alchimiste de l’Ombre
sanglante », page 66) et leur dit tout ce qu’il sait.
Il n’a fait qu’apercevoir Kurta, le commanditaire
de leur assassinat, et ne peut en fournir qu’une
description sommaire : un Halakhi, aux cheveux
et à la barbiche noire, d’âge moyen, pas très
grand, vêtu d’un pourpoint de cuir. Bekti et lui
semblaient bien se connaître. Apparemment, cela
faisait longtemps que ce Kurta n’était pas venu à
Halakh et sa rencontre avec Bekti sonnait comme
des retrouvailles.
Traumatisé par sa mésaventure, Qirmar ne
compte pas rester à Halakh et veut quitter la
ville le plus vite possible. Peut-être les héros
accepteraient-ils qu’il reparte avec eux pour
Satarla ? Il a un oncle là-bas, qui a fait fortune
dans le négoce et qui pourra certainement
l’accueillir.
Il remercie chaleureusement les héros pour leur
aide et leur offre deux précieuses préparations
alchimiques :
W Un minuscule flacon en argent orné de
petits cabochons, rempli d’une poudre à base de
pa-lo, des baies miraculeuses qui ne se trouvent
que dans le lointain Khanat. Versée sur la langue
82
d’un mourant, cette poudre stimule le souffle de
vie dans sa poitrine (poudre de pa-lo, préparation
alchimique légendaire ; administrée à un mourant,
la poudre annule tout malus au test pour le
stabiliser. Cf. « Secourir un mourant », BoL page
66). Le flacon contient une dose.
W Une potion de perspicacité (préparation
alchimique rare ; +1 en esprit ; durée : une scène).
Épilogue
Il ne reste plus aux héros qu’à récupérer l’oracle
au Sanctuaire Noir (si ce n’est pas déjà fait) et à
quitter Halakh le plus vite possible, avant que les
autorités ne se mettent à poser trop de questions,
ou que les rescapés de la confrérie de l’Ombre
sanglante ne cherchent à se venger…
Si jamais la situation a dégénéré au point de
compromettre le départ des héros de la cité (par
exemple s’ils ont affronté des gardes de la ville et
sont activement recherchés), Qirmar pourra se
révéler d’une grande utilité en les amenant chez
Kitcha, un marchand dont les chariots chargés
de tourbe malodorante lui servent à faire de la
contrebande. Cheptaki faisait parfois appel à ses
services pour certains produits illicites, et l’homme
pourra, contre rémunération, les cacher dans son
entrepôt et leur faire quitter discrètement la ville.
Les joueurs peuvent aussi faire appel à Liu
Liong, au comptoir de la Main de Jade, qui sera
en mesure de leur offrir le même genre de service
(mais gratuitement, cette fois).
Confiant dans les talents de ses anciens
confrères, Kurta a profité de son séjour à Halakh
pour rendre visite à sa famille et ne découvre que
trop tard le fiasco. Il repart aussitôt pour Satarla
en essayant de devancer les héros afin de prévenir
Lok Kozaar de son échec.
Ceci conclut le premier épisode de la saga. Les
héros récupèrent les points d’héroïsme dépensés
et reçoivent chacun 1 point d’expérience.
 L'Oracle de Nemmereth

Les funérailles sont célébrées,

Mais le sépulcre est déserté.

Envolé le Corbeau,
Il avait pourtant choisi son lot.

Il n’est plus parmi les vivants,

Et les défunts cherchent l’absent.

Que son courroux ne soit pas vain :

Qui rendra au dieu ce qui lui appartient ?

La trame sacrée des dieux

N’est pas faite pour ces cieux.

Pour dénouer le fil de la divine,

À contre-courant, cherchez à l’origine.

Ce qui le tissa pourra le défaire,

Don ignoré d’une habile filandière.

83
 Soldats du guet
Les protagonistes d’Halakh (coriaces, x5)
L'oracle de Nemmereth

Le guet d’Halakh se compose de mercenaires

beshaaris chargés de patrouiller la ville.
Unanimement détestés par les habitants, les
hommes du guet le rendent bien à la population
et ont la réputation d’être brutaux et corrompus.
Une patrouille classique se compose de 5 hommes.

Attributs Aptitudes de combat

Vigueur 1 Initiative 0
Agilité 2 Mêlée 1
Esprit 0 Tir 1
Aura -1 Défense 0
Carrières : barbare 1, mercenaire 1
Daruk, tavernier du Protection : armure légère d6-3 (1)
Puits sec (rival) Armes : cimeterre d6+1, 2 javelots d6M
Attributs Aptitudes de combat Vitalité : 6
Vigueur 2 Initiative 1
Agilité 1 Mêlée 2
Esprit
Aura
1
0
Tir
Défense
0
1
Assassins de l’Ombre
Carrières :
sanglante (coriaces)
Fermier 0
Attributs Aptitudes de combat
Mercenaire 1
Vigueur 0 Initiative 0
Assassin 1
Agilité 1 Mêlée 1
Marchand 2
Esprit 1 Tir 0
Protection : aucune armure 0 Aura 0 Défense 1
Armes : gourdin clouté d6+2 Carrières : assassin 2
Vitalité : 14 Protection : aucune armure 0
Armes : kriss d6M, couteaux de lancer d6M*
Avantages
Amis dans la pègre : Daruk connaît beaucoup de Vitalité : 6
monde dans les bas-fonds d’Halakh.
* Suivant la situation, certains pourront
Dur à cuire : Daruk est une force de la nature également être équipés d’une arbalète (dégâts d6,
(+2 en vitalité ; déjà inclus dans son profil). portée : 30 m ; rechargement : 1 round)
Fêtard : celui qui le fera rouler sous la table n’est Note au MJ : quand la situation s’y prête (parce
pas encore né ! Daruk bénéficie d’un dé de bonus qu’il prend par surprise son adversaire), un assassin
pour résister aux effets de la boisson. peut bénéficier de son rang de carrière d’assassin
comme bonus ponctuel à un jet d’attaque ou de
Désavantages
dégâts (au choix).
Illettré : Daruk ne sait ni lire ni écrire.
Manchot : Daruk a perdu son bras gauche (il
subit un dé de malus quand la situation l’impose).

84
Rajka, lieutenant de Bekti, maître de la
l’Ombre sanglante confrérie de l’Ombre

L'oracle de Nemmereth
(rival) sanglante (rival)
Attributs Aptitudes de combat Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 1 Initiative 1 Vigueur 0 Initiative 2
Agilité 2 Mêlée 2 Agilité 3 Mêlée 2
Esprit 1 Tir 1 Esprit 2 Tir 0
Aura 0 Défense 1 Aura 1 Défense 1
Carrières : Carrières :
Ouvrier 1 Marchand 1
Mercenaire 0 Mercenaire 1
Voleur 1 Gladiateur 0
Assassin 2 Assassin 3
Protection : baudrier de guerre d6-2 (2) Protection : armure de cuir d6-3 (1)
Armes : cimeterre d6+1, kriss d6M+1 Armes : kriss halakhi d6M*
Points de vilenie : 5 (4)* Points de vilenie : 5
Vitalité : 11 Vitalité : 10

Avantages
Baudrier de guerre : le pourpoint de cuir de
Rajka le protège comme s’il portait une armure
moyenne.
Gamin des rues : Rajka a grandi dans les rues
d’Halakh, qu’il connaît comme sa poche. Il
bénéficie d’un dé de bonus dans ses interactions
avec les gens des bas-fonds, ou pour se fondre
dans le paysage urbain en toute discrétion (pour
filer ou semer quelqu’un, par exemple).
Désavantage
Borgne : Rajka a perdu l’usage de son œil gauche
quand il était enfant. Dans certaines circonstances
(à l’appréciation du MJ), cela peut lui faire subir
un dé de malus.
*Rajka a dépensé un point de vilenie le matin à
l’auberge, pour disparaître sans que les héros ne
puissent lui mettre la main dessus.
Avantages
Arme favorite : Bekti possède un kriss halakhi
de belle facture, qui est l’insigne du maître de sa
confrérie. Il bénéficie d’un dé de bonus aux jets
d’attaque avec cette arme.
Inspirateur : chef charismatique, il peut utiliser
cet avantage pour motiver ses hommes. Pour le
round qui suit, ceux-ci bénéficient d’un dé de
bonus à tous leurs jets d’attaque (cf. BoL page 41).
Désavantages
Arrogant : l’attitude hautaine de Bekti ne lui a
pas valu que des amis à Halakh, et nombreux sont
ceux qui aimeraient voir quelqu’un lui rabattre
son caquet.
Gars de la ville : Bekti n’a jamais quitté Halakh
et déteste les grands espaces. Il subit un dé de
malus dans les situations concernant la survie en
milieu sauvage.
*Le kriss de Bekti est une arme de grande qualité,
travail d’un forgeron de Badhasar, une bourgade
des monts Besharoon réputée pour la qualité de ses
poignards. Une fois par round, ce kriss permet de
relancer un 1 obtenu sur un jet de dégâts.

85
 Chapitre 2
Envolé le corbeau !

Envolé le Corbeau !
Les héros sont de retour à Satarla avec le texte de l’oracle, et une bonne dose de soupçons (qui donc a
essayé de les faire tuer à Halakh, et pourquoi ?). Après avoir décrypté le message du dieu avec l’aide de
Nirmus, ils comprennent que la colère de Nemmereth a sans doute un rapport avec la mort de Jorkus,
un vénérable prêtre du temple qui a mis fin à ses jours il y a quelques mois de cela. Afin de s’en assurer,
ils vont devoir mener l’enquête sur ses agissements et vérifier à la nécropole que son corps repose bien
dans son tombeau...

Retour à Satarla (les tavernes louches du Cloaque et autres lieux

Le voyage de retour d’Halakh à Satarla
demande un mois et demi environ. Partis au début
du printemps, les héros retrouvent donc Satarla
alors que la saison touche à sa fin (nous sommes
dans les derniers jours du mois de Sadha) et que
s’annoncent bientôt les grandes chaleurs de la
saison sèche.
Les héros doivent livrer l’oracle de Nemmereth
à Nirmus, mais il est possible qu’ils se montrent
méfiants : après tout, les assassins de l’Ombre
sanglante ont été payés avec de l’argent qui
provenait du temple !
Leurs soupçons peuvent se porter sur un traître
au sein du temple, sur Nirmus lui-même, ou
sur les autres groupes d’aventuriers recrutés en
même temps qu’eux. Selon les choix des joueurs,
vous aurez peut-être à improviser : ils peuvent
décider de rentrer secrètement à Satarla pour
se renseigner avant de recontacter Nirmus, par
exemple. Mais ils n’ont que le nom de celui qui
a payé l’Ombre sanglante (un certain Kurta),
et la vague description que Qirmar en a faite.
Dans une ville aussi immense, autant chercher
une aiguille dans une botte de foin. Il faudrait
poser les bonnes questions dans les bons endroits
similaires où les mercenaires et aventuriers ont
leurs habitudes) pour apprendre qu’un Halakhi
du nom de Kurta est un associé de Lok Kozaar.
Difficile d’en apprendre davantage ; Kurta est
un homme discret qui n’est pas du genre à se
lier d’amitié avec le premier venu. Quant à le
retrouver, c’est peine perdue car Kurta n’est déjà
plus à Satarla.
Les joueurs voudront certainement revoir
Jia, qui sera toujours disposée à les loger s’ils
le souhaitent. C’est que la maison paraît bien
vide sans son défunt père, et elle se réjouirait de
profiter à nouveau de leur compagnie.
Interrogée sur la situation à Satarla, Jia (ou
Nirmus, s’ils se rendent directement au temple de
Nemmereth) peut apprendre aux héros les choses
suivantes :
W Les signes néfastes ont continué à affliger
la ville et les faits sont désormais largement
connus de la population qui commence à s’en
inquiéter sérieusement. Les histoires de morts
revenus brièvement à la vie ont affolé les gens,
qui veillent leurs défunts pendant plusieurs jours
contrairement à la tradition qui veut que l’on
procède à l’inhumation un jour ou deux seulement
après le décès.

86
Qirmar
Si Qirmar a survécu et que les héros ont accepté qu’il rentre à Satarla avec eux, il pourra devenir un
allié précieux. Durant le long voyage de retour, ils constateront que Qirmar est un bon compagnon,

Envolé le corbeau !
extrêmement brillant et très érudit pour son jeune âge. Une fois à Satarla, il raccompagnera les héros au
comptoir de la Main de Jade s’ils s’y rendent directement, puis les quittera pour aller chez son oncle, non
sans promettre de revenir leur rendre visite et en leur rappelant de ne pas hésiter à faire appel à lui en cas
de besoin. Qirmar leur doit la vie, et ce n’est pas un ingrat.
Au cours de l’enquête qu’ils doivent mener, les joueurs vont avoir l’occasion de réclamer l’aide de Qirmar,
s’ils pensent à le solliciter. Tâchez donc de laisser Qirmar dans le paysage, par exemple en le faisant passer
au comptoir de la Main de Jade pour saluer ses amis (d’autant qu’il est resté sans voix la première fois qu’il
a vu la belle Jia ; peut-être ne revient-il pas uniquement pour voir les héros ?).
Les joueurs peuvent aussi penser à faire appel à ses talents d’alchimiste pour qu’il leur fournisse de
l’équipement. Dans ce cas, considérez que Qirmar possède 2 rangs dans la carrière d’alchimiste et 3 en
esprit, et appliquez les règles de création habituelle (cf. BoL, page 138). Qirmar est plutôt spécialisé
dans les potions et onguents ; il ne saurait pas créer d’arme ou d’armure alchimique, à moins de longues
recherches qui prendraient trop de temps dans le cadre restreint de cette saga. Mais, entre deux aventures
des héros, il pourrait toujours trouver le moyen de leur concocter une potion rare ou deux potions
courantes, à votre appréciation.
L’oncle de Qirmar, Gilkos d’Azmur, est un Satarlan d’adoption, originaire de Malakut. Il a fait fortune
dans le négoce et possède une belle maison dans le quartier du port (à quelques rues du comptoir de la
Main de Jade), ainsi qu’une petite villa à la campagne. Citoyen de Satarla depuis peu, c’est un notable qui
siège au conseil royal des guildes parmi les représentants des marchands, mais il a su rester simple et facile
d’abord, n’ayant pas encore complètement oublié l’époque où il était moins fortuné.
Si l’occasion s’en présente, il recevra les héros à dîner pour les remercier d’avoir sauvé son neveu.
Lui aussi peut devenir un contact utile à Satarla.

W Les rumeurs de « spectres » aperçus dans
les rues vont bon train, et beaucoup de gens se
plaignent de rêves troublants où apparaissent leurs
chers disparus. Certains commencent à montrer
du doigt les prêtres de Nemmereth, pensant qu’ils
ont dû commettre un sacrilège qui expliquerait
tous ces signes funestes. D’autant que depuis les
funérailles de Min Tan, le temple n’a plus procédé
à aucun sacrifice pour les défunts, de crainte de
voir le dieu les refuser aussi spectaculairement.
W Bref, la ville est la proie d’une inquiétude
croissante et le moindre événement malheureux
est interprété comme un mauvais présage par
les Satarlans, qui sont dans l’ensemble un peuple
assez superstitieux. Ainsi, il y a un peu plus
d’un mois, le jour de la fête de la fondation de
Satarla, qui célèbre également Grondil, le dieu
bâtisseur, une tourelle de son temple, qui était en
réparation, s’est effondrée. La coïncidence a été
vue par la population comme un signe funeste,
annonciateur d’un grave péril pour la cité.
L’oracle décrypté
Nirmus se réjouit du retour des héros et les
accueille chaleureusement, impatient de découvrir
enfin le message du dieu. C’est que la situation
ne s’est pas arrangée durant leur absence ; il leur
répétera en substance les mêmes informations
que Jia, en ajoutant que la statue du dieu dans le
sanctuaire continue de pourrir, au grand désespoir
des prêtres. L’étrange moisissure se propage
lentement sur le bois, malgré tous les efforts
déployés pour l’éliminer.
Note au MJ : si les héros sont toujours maudits
(cf. page 57), ce sera une nouvelle occasion de

87
 faire le rapprochement entre la croûte orangée
sur leur peau (qui n’a pas disparu) et la moisissure
sur la statue, et de comprendre qu’un serment
à Nemmereth pourrait certainement régler ce
Envolé le corbeau !
problème.
Le palais a commencé à s’inquiéter de la
situation, aussi les prêtres de Nemmereth sont-ils
impatients d’obtenir des réponses. Si les joueurs
posent la question, Nirmus leur indiquera qu’il
n’a toujours pas reçu de nouvelles des deux autres
groupes. Cela n’a rien d’anormal pour Lok Kozaar
(« Vous savez, le céruléen ? »), car le voyage jusqu’à
la retraite de Jesharek Jool est particulièrement
long et périlleux. En revanche, il est plus étrange
qu’Amrita ne soit pas encore revenue ; par bateau,
Lysor n’est pas si éloignée que cela…
Dans un premier temps, la lecture de l’oracle
plonge Nirmus dans la confusion. Profitez de la
conversation pour inciter les joueurs à émettre des
hypothèses et à réfléchir avec lui. Autant que faire
se peut, laissez-les parvenir à leurs propres conclu-
sions en orientant subtilement la discussion. Nir-
mus est là pour leur apporter les éléments qui leur
manquent afin de percer le mystère des premières
strophes de l’oracle, et il sera plus satisfaisant pour
les joueurs si ce sont leurs questions et leurs dé-
ductions qui les conduisent à la solution. Pour au-
tant, inutile de les laisser patauger trop longtemps
s’ils peinent à aboutir aux bonnes conclusions, et
Nirmus pourra toujours énoncer des hypothèses
qui les aideront à y voir plus clair.
Note au MJ : à ce stade de la saga, seules
les quatre premières strophes de l’oracle sont
susceptibles d’être décryptées par les joueurs.
Elles font référence à la mort volontaire à laquelle
Jorkus s’est soustrait, et au fait qu’il manque une
âme dans les comptes de Nemmereth. Le reste
demeurera pour le moment mystérieux, et fera
certainement l’objet de nombreuses conjectures !
La compréhension de la seconde partie de l’oracle
ne viendra que plus tard, à l’issue de la troisième
aventure de la saga.
Dès que l’occasion s’en présente, notamment si
un des joueurs souligne le fait que ce « Corbeau »
(avec une majuscule) pourrait être le nom d’une
personne, Nirmus évoque en souriant un vieux sage
du temple que les jeunes disciples surnommaient
le Corbeau à cause de son physique disgracieux et
88
de ses longs cheveux noirs, et parce qu’il passait le
plus clair de son temps « perché » au sommet de
la tour où se trouvait sa chambre. Aux questions
des héros, Nirmus répondra que Jorkus était
un grand érudit, éminemment respecté dans le
temple pour l’étendue de sa science. Il est mort
voici quelques mois ; il était âgé et avait pris la
décision d’entrer volontairement dans le « Long
Sommeil », selon la coutume qui a cours chez les
prêtres de Nemmereth. Nirmus a lui-même assisté
au suicide rituel de Jorkus (il pourra expliquer le
détail de la cérémonie ; cf. page 49).
Si aucun joueur ne fait le lien avec les premières
strophes de l’oracle, Nirmus pâlit et les relit alors
en bredouillant. La colère du dieu aurait-elle un
rapport avec le décès de Jorkus ?
Nirmus ne tirera de lui-même aucune
hypothèse ou conclusion ; laissez cela aux joueurs,
qui risquent d’émettre différentes idées (le corps
de Jorkus a été enlevé de son tombeau, il s’est
soustrait au trépas qu’il avait promis de se donner,
il est devenu mort-vivant, etc.).
Profondément troublé par cette interprétation
des premiers vers de l’oracle, Nirmus finira par
admettre qu’il faut vérifier cette hypothèse avant
d’en tirer des conclusions hâtives. À partir de là,
deux démarches devraient logiquement venir en
tête des joueurs :
W se rendre au tombeau de Jorkus pour
s’assurer que son corps est toujours bien là et que
tout est en ordre ;
W enquêter sur Jorkus et fouiller ses
appartements.
Nirmus suggère de vérifier d’abord le tombeau
et demande alors aux joueurs s’ils veulent bien
s’en charger. Il préfère leur confier cette tâche
de manière à agir discrètement et à ne pas
troubler davantage ses frères sur la base d’une
simple supposition. Il leur prépare une lettre
d’introduction pour Efradus, le prieur qui dirige la
petite communauté attachée à la nécropole royale
(en effet, les prêtres éminents ont l’honneur d’être
inhumés auprès des tombes de la famille royale de
Satarla et des grands dignitaires de la cité).
Bien évidemment, Nirmus est tout à fait
disposé à continuer de rémunérer les héros pour
leurs services.
 Note au MJ : il est possible que des joueurs
souhaitent d’abord enquêter au temple et fouiller
les appartements de Jorkus. Nirmus préférerait
que le tombeau soit d’abord vérifié afin d’écarter
immédiatement cette interprétation de l’oracle,
mais s’ils insistent, il ne s’y opposera pas. Ces
deux parties de l’enquête sont indépendantes
et peuvent par conséquent se dérouler dans
n’importe quel ordre.
La nécropole royale
de Satarla
Sise hors les murs, à quelques minutes de
marche des remparts, l’antique nécropole royale
accueille les défunts des familles régnantes de
Satarla depuis plusieurs siècles. Par privilège
royal, les prêtres éminents y sont également
inhumés, en compagnie des représentants de la
haute noblesse satarlane.
Un mur d’enceinte délimite le large périmètre
de la nécropole dont le coin sud-est est occupé
par un bâtiment fortifié en L, à deux étages.
Carré clôturé des
mausolées royaux
Nécropole
royale de Satarla
89
L’entrée de la nécropole est fermée par une grille,
derrière laquelle deux gardes sont en faction.
Comme Nirmus a pu l’expliquer aux héros, une
petite communauté de prêtres de Nemmereth
Envolé le corbeau !
réside à la nécropole pour veiller à l’entretien des
tombes et présider à l’inhumation des défunts.
Une garnison d’une quinzaine de soldats est
également cantonnée ici, car les riches tombes
royales attirent bien des convoitises…
Dès que les héros demandent à voir Efradus,
les gardes ouvrent la grille et l’un d’eux les escorte
jusqu’au fortin. Juste à côté de l’entrée, un grand
chariot en bois sculpté, orné de dorures et sans
doute destiné aux processions funèbres, est remisé
sous un hangar ouvert. Une large allée pavée
conduit au centre de la nécropole, occupée par
un temple de Nemmereth juché sur une petite
éminence. Plusieurs tertres herbeux entourent le
pied de cette colline artificielle. Partout ailleurs,
les tombeaux s’alignent sur plusieurs rangées.
Même les plus modestes présentent des décors
de pierre foisonnants ; certains sont ornés de
statues, d’autres couverts de bas-reliefs. Le carré
des tombes royales, peu visible depuis la grille
d’entrée, se situe dans la partie nord-ouest, séparé
Temple de Nemmereth
entouré de tertres
funéraires
Fortin -
Monastère
Grille d'entrée
Auvent du
char funéraire
 du reste de la nécropole par une clôture basse en
pierre. De véritables mausolées s’élèvent là à la
gloire des souverains de Satarla.
Le bâtiment fortifié accueille les prêtres dans
Envolé le corbeau !
une aile, et la garnison dans l’autre. Dans sa cour,
une patrouille est en train de se préparer au départ,
et les soldats lèvent les yeux d’un air maussade
vers les nuages noirs qui s’accumulent dans le ciel
d’après-midi. On dirait bien qu’ils risquent de
finir leur ronde trempés jusqu’aux os !
Les héros sont conduits à l’étage de l’aile des
prêtres, dans un grand scriptorium où sont
conservées les archives de la nécropole. Maître
Efradus, un petit homme courtaud, au front rasé
comme tous les prêtres de Nemmereth, les reçoit
poliment et s’enquiert du motif de leur visite.
Il prend connaissance de la lettre de Nirmus
avec une perplexité croissante, mais ne fait pas
de difficultés à accéder à sa requête, malgré son
trouble. Il précise tout de même que tout a été
effectué dans les règles : le vénérable Jorkus a
été conduit en procession jusqu’au tertre, qui
avait été préalablement ouvert et purifié selon
les rites prescrits. Il a bu la coupe du Long
Sommeil, préparée par l’apothicaire du temple,
et s’est couché sur son lit mortuaire après avoir
fait ses adieux à ses frères. Ensuite de quoi,
la dalle fermant le tertre a été remise en place.
En temps voulu, le tombeau sera rouvert et ses
restes déposés dans un enfeu (une niche murale),
comme les autres dépouilles des saints prêtres.
« Tout a été soigneusement consigné dans les
archives, comme à chaque cérémonie », ajoutera-
t-il avec un geste éloquent vers une bibliothèque
où s’alignent de gros livres reliés.
Si les héros interrogent Efradus pour savoir
si les prêtres n’ont rien remarqué d’inhabituel
ces derniers temps, il expliquera – non sans une
certaine réticence – qu’il y a bien eu quelques
phénomènes étranges. Certains frères ont cru
voir une forme sombre errer dans la nuit parmi
les tombeaux, et un soldat a entendu un soir un
cri rageur qui lui a glacé le sang. La garnison
vient d’être remplacée ; les soldats en poste
précédemment s’étaient mis à devenir craintifs
et se plaignaient de cauchemars (« des peurs
superstitieuses qui leur sont montées à la tête,
rien de plus ! »). Pour Efradus, toutes ces choses
s’expliquent par une recrudescence d’intrusions
90
de pilleurs de tombes dans la nécropole ; les
patrouilles ont d’ailleurs été doublées.
Note au MJ : si un héros demande à consulter
les archives, Efradus n’y verra pas d’inconvénient.
Il est ainsi possible de remonter jusqu’à la
cérémonie d’inhumation de Jorkus, qui s’est
déroulée il y a un peu plus de quatre mois. Tout
est soigneusement consigné, y compris le moindre
événement fortuit (comme une forme aperçue
dans la nuit, l’apparition d’une lumière étrange,
ce genre de choses). Un examen rapide conclura
que ces phénomènes semblent avoir débuté dans
les jours suivant les funérailles de Jorkus…
Le tombeau de Jorkus
Un jeune prêtre du nom de Jarnius est chargé
d’accompagner les héros au tertre où Jorkus a été
inhumé. Il se munit d’une lanterne ainsi que d’un
pied-de-biche, et leur demande de le suivre.
L’après-midi est déjà bien entamé et le lourd
plafond nuageux plonge la nécropole dans un
demi-jour lugubre. Quelques gouttes de pluie
commencent à tomber tandis qu’au loin le
tonnerre gronde.
Jarnius guide les héros au cœur de la nécropole,
jusqu’à un des petits tertres herbeux qui entourent
le grand temple au centre. Dans la paroi légèrement
inclinée du tertre, entre deux montants sculptés,
une lourde dalle en ferme l’accès. Une encoche
permet d’insérer la tête du pied-de-biche pour
soulever la dalle et la faire basculer sur le côté.
La pierre est pesante et Jarnius sollicite l’aide d’un
des héros pour la faire basculer sans risquer de la
laisser tomber. La tâche n’est pas impossible pour
un homme seul, à condition qu’il s’agisse d’un
solide gaillard. Si un héros examine la dalle et
l’entrée, il ne remarquera aucun signe manifeste
d’effraction ou d’ouverture récente.
Une courte volée de cinq marches descend à
l’intérieur du tertre, dans la chambre mortuaire.
Une odeur de renfermé et de poussière s’en
dégage, mais aucun relent de putréfaction.
Quand les héros pénètrent dans le tombeau,
éclairés par la lanterne de Jarnius, ils ont le
temps d’embrasser du regard une salle ronde de
cinq mètres de diamètre, au centre de laquelle
se dresse un catafalque en pierre, recouvert d’un
drap noir et d’un petit coussin de velours noir.
Une coupe en argent posée sur le sol au pied de
la table en pierre renvoie la lumière avec un éclat
métallique. Les parois sont creusées de grandes
niches rectangulaires, fermées pour la plupart par
une dalle gravée. Trois d’entre elles sont ouvertes
et vides, attendant de recevoir les restes d’un
prochain défunt. À première vue, le cadavre de
Jorkus n’est pas là…
Mais à peine les héros ont-ils eu le temps
d’observer les lieux qu’une silhouette surgit
des ombres du tombeau. Cela ressemble à un
spectre noir qui vole dans les airs en ouvrant
des bras immenses. Dans un silence… sépulcral,
l’apparition fonce sur eux.
Tous les héros ont droit à un jet de réaction,
avec un malus de -2. Ceux qui le réussissent
peuvent alors effectuer un test d’agilité et esquiver
la forme fantomatique qui se jette sur eux ou
tenter de lui porter un coup (qui passera au
travers de son corps éthéré). Les autres n’ont tout
simplement pas le temps de réagir.
Tous ceux qui ont été surpris (ou qui ont raté leur
test d’agilité) sont alors traversés par l’ectoplasme.
Un frisson glacé les étreint et leur cœur se fige. Ils
doivent réussir un test de vigueur. Un héros ayant
échoué tombe immédiatement au sol, comme
foudroyé. Il reprend connaissance quelques
instants plus tard, dans une brusque inspiration,
comme un homme qui remonte à la surface alors
qu’il était sur le point de se noyer. Annoncez-
lui alors la perte de 1 point d’héroïsme, en lui
laissant en deviner la raison. Dès que le Passeur sent une présence vivante
dans le tombeau de Jorkus, il s’y précipite. Mais
Quant à l’infortuné Jarnius (qui n’est pas un
l’âme manquante n’est toujours pas là. Furieux et
héros, lui), il restera étendu par terre, bel et bien
dérouté, il ressort aussitôt et laisse éclater sa rage
mort.
dans la nécropole, avec des conséquences funestes
Note au MJ : il s’agit du Passeur de Nemmereth qui ne vont pas tarder à se révéler.
qui était venu emporter l’âme de Jorkus au
Concrètement, les héros traversés par la forme
moment où le poison aurait dû le tuer. Perturbé
fantomatique du Passeur viennent, au sens propre,
de ne pas trouver l’âme manquante (puisque
de rencontrer la mort. L’échec au test de vigueur
Jorkus avait mis le voile qui l’a protégé de la
entraîne la perte de 1 point d’héroïsme, comme
mort en le masquant aux yeux de Nemmereth
si le joueur avait pris la décision de « Défier la
et de ses serviteurs), le Passeur erre depuis dans
mort » (cf. BoL, page 58).
la nécropole et revient régulièrement dans le
tombeau, cherchant sans relâche l’âme qui lui De plus, les héros victimes du Passeur
manque. C’est sa présence récurrente en ces reprennent connaissance avec le souvenir d’une
lieux qui a provoqué les phénomènes étranges troublante vision (cf. encadré page suivante
rapportés par Efradus. « Dans les sombres cavernes du dieu... »).

91
Dans les sombres cavernes du dieu…
Traversé par le « spectre », un héros qui a raté son test de vigueur sent sa respiration se bloquer et
son cœur se glacer. Au moment du contact, son regard a plongé dans les ombres de la capuche de
la créature et il y a vu défiler en une succession stroboscopique des visages de son passé, des êtres
aimés, des compagnons, des ennemis, tous les gens à la mort desquels il a assistée.

Puis, le noir complet, et soudain, une vision. La vision d’une immense caverne pénombreuse,
vaguement éclairée de torches, aux parois ocre, au sol de terre rougeâtre. Dans la caverne, à
perte de vue, s’alignent de petites figurines posées au sol. Il remarque sur celles qui sont les plus
proches que ces statuettes d’argile rouge sont incroyablement détaillées et représentent des
hommes, des femmes ou des enfants, en de véritables portraits miniatures. Il y a en des milliers,
des centaines de milliers…

En certains endroits, des figurines sont brisées et gisent en petits tas poussiéreux, à leur place
dans l’alignement.

Parmi les rangées de figurines se déplacent des créatures semblables à l’ectoplasme que les héros
viennent de voir dans le tombeau de Jorkus. L’une d’elles s’arrête parfois pour toucher d’un geste
solennel la tête d’une statuette, qui tombe alors en poussière.

En un endroit de la caverne, plusieurs de ces êtres circulent frénétiquement entre les rangées de
figurines, en renversent certaines dans leur précipitation, qui se brisent aussitôt. L’agitation se
déploie autour d’un point central, comme éclairé par un rayon de lumière filtrant des hauteurs
de la caverne. Au milieu d’une rangée de figurines, un petit espace vide rompt l’ordonnancement
régulier des statuettes d’argile et forme une béance qui apparaît confusément au héros comme
une absence atrocement anormale, et sacrilège. Il relève alors la tête et aperçoit au fond de la
caverne une forme humaine immense, vêtue de longues robes grises, de laquelle émane un
sentiment de puissance écrasante et de colère glaciale. L’être, qui est de dos, va pour se retourner
et le héros sent déjà qu’il ne pourra jamais supporter de contempler son visage, quand soudain il
reprend connaissance en hoquetant, couché sur les dalles froides de la chambre funéraire…

Note au MJ : passé un instant « de l’autre côté », le héros a reçu une vision symbolique et
fugitive du domaine de Nemmereth et des âmes des vivants, représentées par les figurines, au
destin desquels il préside et qui tombent en poussière quand la mort les touche. L’espace vide est
bien évidemment celui où devrait se trouver la figurine de Jorkus, qui a disparu des comptes de
Nemmereth (« Il n’est plus parmi les vivants, et les défunts cherchent l’absent », comme dit le
texte de l’oracle).

Si jamais tous les héros ont évité le Passeur ou ont réussi leur test de vigueur, octroyez tout
de même cette vision à l’un d’entre eux, car elle peut les aider à comprendre les raisons de la
colère de Nemmereth. À l’inverse, si plusieurs membres du groupe risquent de perdre 1 point
d’héroïsme (surtout s’ils sont encore maudits), vous pouvez décider de n’infliger ce malus qu’à un
seul d’entre eux, qui s’effondre au sol et bénéficie de la vision, tandis que les autres restent juste
choqués par le contact troublant de cet être spectral qui vient de les traverser.

92
Maigres indices
Passé le choc de la rencontre avec le Passeur, les
héros peuvent examiner les lieux plus en détail.

Envolé le corbeau !
Un héros pourra remarquer que le drap noir qui
couvre la table mortuaire penche davantage d’un
côté, comme s’il avait glissé. La coupe en argent
contient un résidu de liquide qui a séché, duquel
s’exhale encore un léger parfum végétal. Les
niches oblongues des parois sont pour la plupart
fermées de plaques de marbre gravées d’un nom,
parfois accompagné d’un titre et d’une date se
référant à une année de règne d’un roi de Satarla.
Certaines inscriptions semblent très anciennes.
Trois niches sont ouvertes et vides. Il n’y a rien
d’autre à découvrir ici.
Note au MJ : il est possible de récupérer la coupe
pour faire analyser son résidu (par Qirmar, par
exemple). L’examen confirmera qu’elle contenait
bien un poison mortel à base de plantes. Mais,
bien sûr, il serait toujours possible que Jorkus ait
absorbé un antidote qu’il avait dissimulé sur lui…

Debout les morts !

La frustration et la colère du Passeur ont eu
un effet désastreux. Sur son passage, les morts
commencent à se relever et à sortir de leurs
tombeaux pour s’attaquer aux vivants. Les gardes
en patrouille parmi les tombes royales vont
notamment en faire les frais. Le Passeur quant à
lui disparaît sans laisser de traces.
Dès que les héros ressortent du tertre,
immédiatement après la rencontre avec le Passeur
ou après avoir fouillé les lieux, ils retrouvent la
nécropole baignant dans un demi-jour glauque
sous le plafond de nuages noirs qui ne tardent pas
à déverser une pluie abondante. Le ciel tonne et
un éclair illumine soudain les lieux, révélant une
silhouette qui s’approche du tertre : un cadavre
squelettique, vêtu de lambeaux de vêtements qui
collent encore à ses os, s’avance en silence vers les
héros, tandis que d’autres apparaissent entre les
tombes pour converger vers eux.
Six squelettes (piétaille, cf. page suivante)
s’attaquent aux héros, qui devraient en venir à
bout sans difficulté.
Dès que les héros s’éloignent du tombeau de
Jorkus, ils perçoivent, malgré les grondements du
tonnerre, des éclats de voix et des bruits de combat
non loin, en direction des tombes royales. S’ils
s’en rapprochent, ils ne tarderont pas à distinguer
sous la pluie battante, à la lumière des éclairs
qui zèbrent le ciel, une scène cauchemardesque :
la patrouille des gardes s’est retranchée sous le
portique d’entrée d’un mausolée royal, précédé
d’une volée de marches. Un groupe important de
morts-vivants monte à l’assaut de la patrouille qui
lutte pour les repousser. Derrière les soldats, un
prêtre de Nemmereth lève d’une main tremblante
une lanterne qui éclaire son visage livide. Au
premier rang des squelettes qui s’agglutinent sur
les marches du mausolée, plusieurs êtres momifiés
semblent mener l’attaque…

93
 Note au MJ : les joueurs sont libres d’intervenir
pour aider les soldats ou de prendre la fuite pour
regagner le fortin. Dans ce cas, ils ne rencontreront
plus de morts-vivants sur leur chemin. L’effet
Envolé le corbeau !
de la colère du Passeur s’est limité à une partie
seulement de la nécropole, et ne durera pas. Au
bout d’un moment, les morts-vivants retomberont
soudainement au sol, privés de l’énergie qui
les anime. Si la situation s’y prête, vous pouvez
d’ailleurs faire en sorte que les joueurs assistent à
la scène en mettant fin brusquement au combat
(« Soudain, autour de vous, les morts-vivants
s’effondrent au sol l’un après l’autre, fauchés
comme les blés, sans rien pour l’expliquer »), ce
qui devrait susciter encore plus leur perplexité…
Les morts inapaisés
La patrouille de la nécropole (5 soldats menés
par le capitaine Malcar, accompagnés d’un prêtre)
est attaquée par un groupe de 10 squelettes, menés
par 4 momies royales.
94
Note au MJ : mettez en scène la défense
désespérée des soldats et décrivez la mort de
plusieurs d’entre eux sous l’assaut des squelettes
et des momies, dont les coups sont assez puissants
pour broyer la gorge d’un homme ou fracasser un
crâne. Le capitaine Malcar, la joue ravagée par
les griffes d’une créature, se battra vaillamment.
Faites en sorte qu’il survive au combat (sauf si
les héros laissent la patrouille se faire massacrer,
bien sûr), car dans ce cas ils auront l’occasion de le
recroiser plus tard dans la saga.
N’oubliez pas qu’il pleut à verse, ce qui infligera
un malus de -2 à l’utilisation des armes de jet ou
de tir.
Squelettes
(piétaille, x10)
Attaque +0
Dégâts 1 (mains nues)
Force vitale : 2
Capacité spéciale :
Règle de horde (cf. BoL, page 132).
Momies royales
(coriaces, x4)
Ces quatre momies aux membres minces et
desséchés sont emmaillotées de bandelettes de lin
qui portent de vagues traces de teinture pourpre
et de peintures ornementales. Des bracelets d’or
et d’argent luisent à leurs poignets et des bijoux
ainsi que des talismans sont insérés entre les
bandelettes qui entourent leur corps. L’une des
momies porte au front un cercle d’or rehaussé de
pierreries ; une autre, manifestement une momie
de femme, arbore une tiare aux pendeloques de
perles qui retombent devant son visage. Leur
corps possède la dureté du vieux bois et semble
animé d’une force surhumaine.
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 2 Attaque +3
Agilité 2 Dégâts d6
Esprit 0 Défense 0
Force vitale 10 Protection d6-2 (2)
Capacité spéciale : vulnérable au feu (qui leur
inflige des dégâts doublés).
 Une fois les héros dans la mêlée, deux autres
momies se joindront au combat, mais pour
rajouter à l’horreur, il s’agit de deux momies
d’enfants ! Faites effectuer un test d’esprit à un
héros qui pourra alors remarquer les deux petites
formes qui s’approchent de lui pour se jeter
dans ses jambes et le mordre (en cas d’échec, les
enfants momies bénéficient d’un dé de bonus de
surprise pour leur première attaque). Couvertes
de bandelettes et parées elles aussi de bijoux, les
deux momies sont les cadavres d’enfants de quatre
ou cinq ans à peine, qui s’attaquent aux vivants
avec la même frénésie que les autres.
Momies d’enfants
(coriaces, x2)
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 1 Attaque +2
Agilité 1 Dégâts d6M
Esprit 0 Défense 0 d’une des tours d’angle du temple, où logeait
Force vitale 5 Protection d6-2 (2)
Capacité spéciale : vulnérable au feu (qui leur
inflige des dégâts doublés).
Épilogue à la
nécropole
Si les héros ont aidé la patrouille, le capitaine
Malcar les remerciera vivement, en déclarant
qu’il saura se souvenir qu’il leur doit la vie.
Efradus est bien évidemment horrifié des
récents événements, et dévasté d’apprendre que le
tombeau de Jorkus est vide. Il supplie les héros de
garder le silence sur ce dont ils ont été témoins et
de ne s’en ouvrir qu’à Nirmus. Si la nouvelle que
des morts se sont relevés dans la nécropole royale
venait à se répandre dans la ville, cela ne ferait
qu’amplifier l’inquiétude de la population.
95
Enquête à Satarla
Envolé le corbeau !
Le tombeau est donc vide ; mais où est Jorkus ?
Son cadavre a-t-il été emporté ? Est-il seulement
mort ? Ces questions, et d’autres, devraient
occuper l’esprit des héros comme de Nirmus, que
le récit de la découverte du tombeau déserté et
des terribles événements qui ont eu cours à la
nécropole laissera dans une stupéfaction atterrée.
Il est donc temps d’enquêter sur Jorkus.
Les appartements de
Jorkus
Ses affaires ont été laissées dans la chambre qu’il
occupait, les prêtres n’ayant pas eu encore besoin
de débarrasser cette pièce pour l’attribuer à un
autre. Nirmus conduit donc les héros au sommet
Jorkus. Il ouvre la porte, fermée à clef, et les héros
découvrent une grande chambre modestement
meublée d’un lit, d’un coffre, d’un bureau et d’une
bibliothèque. Un examen des lieux pourra révéler
plusieurs choses :
W Il n’y a rien à trouver dans le coffre,
seulement des habits, et rien non plus dans le lit.
W La bibliothèque comprend une dizaine
d’ouvrages, principalement de théologie et
d’histoire ancienne. Des traces de poussière
laissent supposer qu’il manque sans doute
plusieurs livres et quelques bibelots. Une fouille
attentive révélera une petite niche secrète (guère
difficile à trouver en réussissant un test d’esprit).
Celle-ci est vide. Tout au plus y flotte-t-il encore
une vague odeur d’encens, et quelques restes de
bougie fondue s’y aperçoivent.
W Le bureau, qui est rangé, comprend
plusieurs piles de parchemins où se mêlent notes
manuscrites et missives de différentes provenances
(cf. page suivante).
Si les joueurs ne pensent pas à demander si le
vieux prêtre avait un serviteur, Nirmus suggérera
qu’il serait peut-être intéressant de faire venir
Sartol, le jeune disciple attaché au service de
maître Jorkus.
 Sartol
Le jeune garçon roux (qui doit avoir dans les
treize ans) est un peu intimidé, mais encouragé
Envolé le corbeau !
par Nirmus, il répond de bonne grâce aux
questions des héros. En fonction de ce qu’ils
demandent à Sartol et à Nirmus, ils peuvent
glaner les informations suivantes :
W Sartol décrit son maître comme un vieil
homme très absorbé dans ses recherches, un
travailleur infatigable malgré son grand âge,
peu communicatif et plutôt renfermé, mais pas
méchant non plus et peu exigeant. Sartol l’a servi
durant les six ou sept mois qui ont précédé sa
mort. Le précédent serviteur de Jorkus, un autre
disciple du temple, est mort d’une mauvaise fièvre.
(Note au MJ : rien de suspect en cela.)
W Sartol peut confirmer qu’il manque
certains objets, ainsi que plusieurs livres. Ce sont
des bibelots (une dague sacrificielle provenant du
Khanat, à ce que Jorkus lui a raconté ; une petite
boîte en argent, très ancienne, au couvercle cassé ;
un œuf fossilisé d’une couleur rouge sombre).
Pour les livres, il ne saurait en donner les titres,
mais il doit en manquer deux ou trois.
W Jorkus passait le plus clair de son temps
dans sa chambre, le nez dans ses livres, mais il
lui arrivait fréquemment de se rendre à la Grande
Bibliothèque de Satarla, ou de visiter des amis
(« d’autres savants, je suppose, mais je ne l’ai jamais
accompagné »). Il rentrait parfois fort tard, même
si c’était plutôt rare.
W Nirmus leur confirmera que Jorkus
était un grand érudit, une sommité au sein du
culte, et en contact régulier avec des sages de
Satarla comme d’ailleurs (ainsi que le montre
son abondante correspondance). Il œuvrait
notamment à retrouver certaines reliques sacrées
ou des manuscrits perdus intéressant le culte de
Nemmereth, et il employait parfois pour cela des
mercenaires, payés par le trésorier du temple.
W Sartol se souvient que, peu avant sa
mort, maître Jorkus a reçu la visite d’un de ces
mercenaires, un certain Hilario. Un grand
blond à l’allure militaire, courte barbe, yeux
bleus. Mais l’homme était très amaigri et avait
le regard fiévreux d’un homme malade et épuisé.
En apprenant qu’il était là, maître Jorkus s’était
96
exclamé avec enthousiasme (« Ce qui n’était pas
vraiment son genre ») et l’avait aussitôt reçu. Sartol
se souvient que cet Hilario est revenu quelques
jours après, la veille de la mort de Jorkus. Il l’a
croisé alors qu’il sortait des appartements de son
maître, avec une grosse sacoche. (Note au MJ :
il s’agit de quelques affaires et documents que
Jorkus a confiés à Hilario pour les récupérer après
son « faux » suicide rituel.) Ensuite, Jorkus a reçu
Sartol pour lui faire ses adieux (« Il m’a promis, avec
un grand sourire, que j’allais avoir une vie palpitante
et que j’assisterai à un événement grandiose qui allait
bouleverser la vie de tous les gens de Lémurie »).
W Si les héros demandent à examiner les livres
de comptes du Trésor du temple, ils trouveront
effectivement mention d’un paiement conséquent
effectué à la demande de Jorkus, quelques jours
avant sa mort, à Hilario de Chertu, résidant à
l’auberge du Poisson d’or, quartier du Port,
avec la mention « solde de tout compte ». S’ils
remontent plus loin, ils trouveront mention d’un
autre paiement à Hilario, cinq mois avant la mort
de Jorkus (simplement libellé « mission d’enquête
pour le compte de maître Jorkus ») et, à deux
reprises les trois dernières années, mention d’un
paiement à un nom qu’ils connaissent bien : Lok
Kozaar. Son dernier paiement remonte à cinq
mois environ, et précise « escorte de maître Jorkus
pour son voyage à Urceb ».
W Nirmus comme Sartol pourront confirmer
que Jorkus a effectué un voyage à Urceb à cette
période. Il a pris la décision de son suicide rituel
quelques jours seulement après son retour.
La correspondance de
Jorkus
L’étude des documents rangés sur son bureau
demande un certain temps. Divers courriers
émanent d’érudits des quatre coins de la Lémurie
et abordent des sujets variés, comme une demande
de copie d’un texte sacré, une question sur une
chronique ancienne ou des discussions savantes
sur des débats théologiques. Les courriers les plus
récents (sur les deux dernières années) concernent
principalement des discussions sur les mythes
anciens, les hiérarchies divines, les cultes perdus.
Un nom revient fréquemment : Kryphondus.
 De cette abondante correspondance, les héros
peuvent tirer les informations suivantes :
W Un héros possédant une carrière d’astrologue
saura immédiatement que Kryphondus est le nom
d’un astre de la constellation d’Afyra. Un héros
possédant une carrière appropriée (érudit, prêtre,
sorcier) pourra se souvenir, avec un test d’esprit Très
difficile (-4) qu’il s’agit aussi du nom d’un dieu
ancien et oublié, qui figure dans certaines listes
divines archaïques, mais ne saura rien de plus à
son sujet. (Note au MJ : d’éventuelles recherches
complémentaires à la Grande Bibliothèque
de Satarla ne permettront pas d’en apprendre
davantage à son sujet.)
W Parmi les documents se trouve la copie
d’une portion de carte qui ressemble à un réseau
de galeries souterraines ou au plan d’une ville en
ruine, annotée de la mention suivante « plan de
l’Urceb-du-dessous, partie sud-est ». (Note au
MJ : l’Urceb-du-dessous est le nom donné au ré-
seau de souterrains, véritable ville sous la ville, qui
fait la réputation de la petite cité d’Urceb.)
W Enfin, une intrigante lettre d’un astrologue
d’Urceb, qui remonte à huit mois environ, pourra
attiser la curiosité des héros. Cette lettre mentionne
notamment la réalisation d’un thème astral à la
demande de Jorkus (que les héros ne retrouveront
pas parmi les documents, Jorkus l’ayant emporté
avec lui), ainsi que des informations précieuses.
Note au MJ : transmettez aux joueurs la
lettre d’Almar de Chebeg, que vous trouverez
page 113.
À ce moment de l’enquête, les joueurs devraient
donc savoir que :
W Jorkus a disparu de son tombeau (est-il
mort ou vivant ? C’est une autre question), et que
cette disparition joue un rôle dans la colère de
Nemmereth.
W Il menait apparemment des recherches sur
Kryphondus, un dieu ancien et inconnu.
W Jorkus a effectué un voyage à Urceb en
compagnie de Lok Kozaar, et reçu là-bas l’aide
d’Almar de Chebeg qui lui avait trouvé un guide
pour le mener dans l’Urceb-du-dessous. Il a
décidé de son suicide rituel quelques jours à peine
après son retour.
97
W Pendant ce temps, il avait mandaté un
certain Hilario pour une mystérieuse mission, qui
a duré plusieurs mois. Cet Hilario est revenu, très
diminué semble-t-il, peu après que Jorkus lui-
Envolé le corbeau !
même ait regagné Satarla, de retour d’Urceb.
Ces indices devraient donc conduire les joueurs
à partir pour Urceb afin de rencontrer cet Almar
de Chebeg et tenter de découvrir ce que Jorkus a
fait là-bas. Mais avant cela, ils ont tout intérêt à
essayer de retrouver Hilario afin de l’interroger.
La piste d’Hilario
L’auberge du Poisson d’or, située non loin
des quais, est un établissement de qualité,
sans toutefois le luxe des meilleures maisons.
Maître Hirk, l’aubergiste, est un grand homme
chauve qui affiche un léger embonpoint et une
sympathique bonhomie. Il ne se fera pas prier
pour parler d’Hilario, tant que l’on s’adresse à lui
de manière courtoise.
« Hilario ? Oui, c’est un bon client de mon
auberge ! Un ancien soldat à ce qu’il m’en a dit, pas
mauvais bougre pour un sou, et qui paie toujours
rubis sur l’ongle. Il loge ici quand il est en ville, mais
il voyage souvent, pour escorter des marchands, ce
genre de choses. Il gagne sa vie à la pointe de son
épée, comme on dit.
Ça fait un moment que je ne l’ai pas vu. Il
était revenu d’un voyage il y a quelques mois – je
ne sais plus trop, quatre ou cinq ? – absolument
méconnaissable, maigre et malade, très affaibli.
Un soir qu’il avait trop bu, il m’a parlé d’une
expédition dans la jungle qui avait tourné au
cauchemar, où tout le monde était mort, sauf son
frère et lui. “Encore que Matius aurait mieux fait
d’y rester”, qu’il a ajouté d’une voix qui m’a fait
cailler le sang.
Mais il n’a logé ici que quelques jours, à peine
le temps de se retaper, puis il a payé sa note et m’a
informé qu’il repartait pour un bon bout de temps.
Je dois dire qu’il avait pas l’air très jouasse à l’idée
de ce nouveau voyage. »
Interrogé sur ses fréquentations ou ses amis,
maître Hirk pourra ajouter :
 « Non, je ne sais pas trop avec qui il faisait
affaire. J’ai vu son frère, Matius, une fois, mais
il y a longtemps. Un jeune gaillard, la vingtaine,
aussi brun qu’Hilario est blond ! Je sais qu’Hilario
Envolé le corbeau !
avait ses habitudes à la Taverne de l’Échange,
dans le Cloaque, près du Pont aux Navires, comme
beaucoup de soldats à louer. Vous connaissez pas ?
Ah, on dit que c’est un endroit spécial, pas très bien
famé et plutôt dangereux, mais qu’on peut y trouver
les meilleurs mercenaires de Satarla. J’ai cru
comprendre qu’il avait une bonne amie par là-bas »,
ajoute maître Hirk sur le ton de la confidence.
La taverne de L’Échange
Ce n’est qu’à la nuit tombée qu’ouvre la taverne
de L’Échange. (Note au MJ : n’oubliez pas de
vous reporter à la description de Satarla, page
18, pour plus d’informations sur le quartier
du Cloaque.) L’établissement se trouve en
haut d’une rue légèrement en pente qui donne
directement sur la berge du fleuve. Le rez-de-
chaussée du bâtiment, bâti en pierre (ce qui n’est
pas fréquent dans le quartier) est plus bas que
le niveau de la rue. Un étage en bois et torchis
s’élève au-dessus. Trois marches descendent
jusqu’à la porte de l’établissement. Deux solides
gaillards sont postés devant l’escalier, un gourdin
au côté. Quelques clients sont attroupés dans la
rue, devant la taverne. Certains semblent hésiter à
entrer, brocardés par leurs compagnons. Tous ont
des mines plus ou moins patibulaires, un mélange
de gredins et de mercenaires.
Un homme vêtu de guenilles, mais au port
altier, la barbe et les cheveux soigneusement
taillés, accompagné d’un homme musculeux en
pourpoint clouté qui porte l’épée au côté, salue
de la tête les deux gros bras à l’entrée, qui lui
répondent de même et le laissent pénétrer dans
la taverne.
Les deux gardes dévisagent les héros quand ils
se présentent devant eux.
« J’connais pas vos trognes, leur lance l’un d’eux.
Première visite à L’Échange ? Vous savez comment
ça fonctionne, ici ? Non ? Une fois à l’intérieur,
si quelqu’un veut quelque chose que vous avez sur
vous, vous devrez vous battre pour le garder, ou
accepter de le lui donner. En général, ça se règle à
98
coups de poing, ou des fois à un défi d’adresse ; mais
on évite les coups de surin, et quand quelqu’un a
sa dose, on arrête les frais. Si vous ne respectez pas
la règle, c’est à nous que vous aurez affaire, et on
est suffisamment nombreux pour vous faire cracher
toutes vos dents, avant de vous balancer dans le
fleuve. C’est clair ?
Si vous cherchez un engagement, c’est l’endroit
où venir. Les gus friqués qui cherchent des hommes
de main sont faciles à repérer », ajoute-t-il avec
un sourire canaille. « Quand ils viennent ici, ils
s’habillent comme des pouilleux pour éviter les
ennuis ! Allez, bonne soirée ! »
Sur cette présentation (qui pourrait donner
l’envie à certains héros d’aller se délester de
quelques affaires avant de rentrer !), il leur fait
signe de passer.
Une vague de chaleur et de bruit enveloppe
les héros dès la porte franchie. L’endroit est
assez pauvrement meublé, un comptoir et une
quinzaine de robustes tables en bois, mais la
salle est haute de plafond et les murs dans leur
moitié supérieure sont peints de larges fresques
dans des tons rouges et sombres. Elles dépeignent
des combats d’arène et semblent mettre en scène
les exploits de célèbres gladiateurs de Satarla
avec un réalisme cru. Ces peintures sont d’une
grande qualité artistique qui détone quelque peu
avec le lieu. Trois réduits, que l’on peut isoler de
la pièce principale par un lourd rideau, offrent la
possibilité de mener des conversations à l’abri des
oreilles indiscrètes.
L’endroit est bondé et de nombreuses têtes se
tournent pour dévisager les héros à leur entrée.
Les regards sont appuyés et calculateurs, ceux
de prédateurs cherchant à jauger l’intérêt et la
dangerosité d’une proie. La salle réunit un ramassis
de coupe-jarrets et de soudards qui se toisent d’un
air de défi, le torse bombé, la main sur la garde
de leur épée. L’ambiance n’est pas glacée pour
autant ; un ménestrel joue du luth dans un coin,
assis sur un haut tabouret, et les conversations
et les rires vont bon train parmi les habitués.
À une petite table presque au centre de la salle, un
colosse à la longue tignasse blonde est assis seul,
une énorme chope de bière à la main, et porte
un toast à la cantonade en riant à pleines dents.
Il a l’allure farouche d’un barbare du Valgard et
le tissu de sa chemise d’un blanc douteux se tend
sur l’impressionnante musculature de ses épaules.
Sur la table devant lui, un capucin lape un bol
de bière sous l’œil amusé du barbare. Mais ce
qui attire immédiatement le regard chez ce petit
singe, c’est l’étonnant collier qu’il porte autour
du cou : une rivière de diamants qui scintille à
la lueur des lampes à huile de la taverne. Il s’agit
d’un bijou magnifique qui doit valoir une véritable
fortune, et bien des clients y jettent des regards
de convoitise frustrée. Curieusement, la table du
Valgardien semble isolée du reste de la salle, et
de robustes gaillards se serrent les uns contre les
autres pour éviter de trop s’en approcher…
Des servantes circulent entre les tables et
plusieurs gardes, adossés à un mur ou derrière le
comptoir, surveillent manifestement les lieux, un
solide gourdin à la ceinture.
Note au MJ : vous pouvez bien sûr mettre en
scène un combat entre deux mercenaires (« Elle
est belle ta bague, ce s’rait pitié qu’elle reste sur
tes doigts crasseux ! ») ou décider qu’un fier-
à-bras aille chercher des noises à un des héros,
histoire d’ajouter à l’ambiance. À moins bien
sûr que l’un d’eux ne décide qu’il serait vraiment
trop dommage de laisser à un singe un collier de
diamants (cf. « Angus le Bubalus », page suivante).
99
À la recherche d’Hilario
Il suffit d’interroger intelligemment une
serveuse ou un des gardes de la taverne ; Hilario
est bien connu ici, et si les héros n’ont pas l’air
de lui vouloir des noises, les gens n’ont aucune
raison de refuser de leur parler. Le plus simple est
évidemment de prétendre chercher à le voir en
vue d’un recrutement ; après tout, c’est pour ça que
tout le monde vient à la taverne de L’Échange.
Hilario n’a pas été vu ici depuis plusieurs
mois, mais il faut demander à Albel, indiquera
la personne interrogée, en montrant une jeune
serveuse brune d’une vingtaine d’années, aux
grands yeux noirs et au joli sourire, qui sert une
table en évitant habilement les mains baladeuses
des clients.
Si les héros approchent Albel, celle-ci se
montrera plus méfiante, et un peu réticente à
parler ouvertement d’Hilario. Il faudra faire
preuve de diplomatie ou réussir à lui faire croire
qu’ils connaissent Hilario et sont à sa recherche
pour qu’elle accepte de s’ouvrir à eux. Elle jaugera
du regard les héros en se mordillant la lèvre d’un
air hésitant, puis ira parler au patron derrière le
bar avant de leur faire signe de la suivre dehors,
dans l’arrière-cour de la taverne, qui embaume les
relents d’urine.
 Angus le Bubalus
Le géant valgardien et son petit singe au collier
de diamants sont bien connus des mercenaires
Envolé le corbeau !

qui fréquentent la taverne de L’Échange.

Nombreux sont les inconscients qui ont tenté
de se frotter aux poings du barbare en réclamant
le collier de Jiko, son fidèle petit compagnon
poilu. Après quelques mâchoires brisées, les
habitués de l’établissement ont perdu toute
envie de s’y essayer. Mais il est toujours
possible qu’un nouveau venu…
Truculent, bon vivant, prompt à la colère mais
pas rancunier pour un sou, Angus est en réalité
plutôt facile d’abord, malgré son physique
intimidant. Il n’est pas impossible de se gagner
l’amitié du barbare, en le complimentant sur son
singe par exemple ou en le faisant rire, même
si la meilleure méthode reste tout de même
d’échanger quelques horions avec lui. Rien de tel
que de se frotter un peu les oreilles et de partager
ensuite une bière pour souder une amitié de
taverne ! D’autant qu’Angus s’ennuie ferme et ne
crachera pas sur une bonne distraction. Angus le bubalus (rival)
Si un héros s’y essaie, rossez-le comme il
Attributs Aptitudes de combat
convient ; n’hésitez pas à utiliser les points
Vigueur 5 Initiative 0
d’héroïsme d’Angus. Mais aussitôt que le héros
Agilité 2 Mêlée 3
finit inconscient ou qu’il reconnaît sa défaite,
Esprit 0 Tir 1
Angus le relève joyeusement et l’installe à sa
Aura 0 Défense 1
table pour boire un coup avec lui en le félicitant
de s’être bien battu. Carrières :
Barbare 2
Si après avoir discuté avec Albel (cf. page
Gladiateur 1
suivante), les joueurs décident d’aller s’en prendre
Mercenaire 1
à Nobur et qu’ils se sont liés à Angus, il est
Voleur 1
possible de le convaincre de les accompagner.
Le meilleur moyen reste de lui raconter les Protection : aucune armure 0
déboires d’Albel pour enflammer le cœur tendre
Armes : épée à deux mains d6B+5, poings d3+2*
du barbare, qui déteste l’injustice et aime les
histoires d’amour qui finissent bien. Points d'héroïsme : 6
Par ailleurs, Angus connaît Hilario de vue, mais Vitalité : 17
ne sait rien de plus à son sujet. Il ne connaît pas
Avantages
Amrita ; en revanche, Lok Kozaar ne lui est
Bagarreur*, dur à cuire, marqué par les dieux,
pas inconnu. Il ne l’a pas vu depuis un bout de
vigueur céruléenne
temps, mais Angus vient à peine de revenir à
* l’avantage bagarreur confère à Angus un dé de
Satarla, et doit en repartir sous peu. Le nom de
bonus quand il se bat à mains nues.
Kurta lui dit quelque chose (« Oui, une petite
fouine d’Halakhi qui traîne avec cette crevure de Désavantages
Lok. Non, pas vu non plus, celui-là »). Impétueux, incapable de mentir

100
 Albel n’ira pas par quatre chemins : ils ont
besoin de ce qu’elle sait, et elle, elle a besoin
d’aide. Ce sera donnant-donnant. Hilario lui
avait laissé de l’argent pour quitter le Cloaque,

Envolé le corbeau !
mais on l’a dépouillée de tout ce qu’elle avait. Elle
ne peut plus rester ici, il faut qu’elle ait de quoi
changer de vie.
Une fois que les héros l’auront assurée de leur
intention de l’aider, après une dernière hésitation,
elle acceptera de leur dire ce qu’elle sait.
Note au MJ : un héros attentif (test d’esprit)
pourra remarquer que pendant la conversation
Albel a posé une main protectrice sur son ventre,
dont le léger renflement indique un début de
grossesse (elle est enceinte d’Hilario).

Albel et Hilario
Albel a fait la connaissance d’Hilario il y a un
peu plus d’un an. Elle travaillait alors dans un
lupanar à quelques rues d’ici (« Il faut bien gagner
son pain »). Il est revenu la voir souvent et ils ont
fini par s’attacher l’un à l’autre.
Il y a huit ou neuf mois, Hilario a été engagé
par le temple de Nemmereth pour monter une
expédition dans la jungle de Qush. C’était
dangereux, mais très bien payé, et il lui a promis
qu’à son retour il aurait assez d’argent pour qu’ils
puissent s’installer tous les deux et commencer
une nouvelle vie loin du Cloaque.
« Il est revenu il y a cinq mois environ, malade
et épuisé, terriblement marqué par cette expédition.
Il n’a pas voulu me raconter en détail ce qui s’était
passé. Il m’a juste dit que tous ses compagnons étaient
morts, à l’exception de son frère Matius, qu’il a pu
ramener avec lui. Mais le pauvre Matius a perdu
complètement la tête, et il a dû le confier aux bons
soins d’un hospice des prêtres d’Afyra. “Et tout ça
pour remuer les rêves poussiéreux d’un vieux rat de
bibliothèque”, a-t-il ajouté, sans vouloir m’en dire
plus.
Mais il avait effectivement été grassement
payé, et il avait rapporté de son expédition un
joli médaillon en argent avec un cristal bleu, qui
dessinait une feuille de palmier, le symbole d’Afyra.
“C’est un bijou très ancien, m’a-t-il dit ; porte-le,
comme ça la déesse te protégera”. Bizarre de trouver
ça dans des ruines au milieu de la jungle, non ?
Bref, avec l’argent qu’il avait gagné, Hilario
est allé trouver Nobur, le patron de la maison de
plaisir où je travaillais afin de lui racheter ma
liberté. Nobur possède plusieurs établissements dans
le coin et tient tout le quartier sous sa coupe. Il a
payé Nobur, qui a accepté de me laisser partir ; c’est
qu’on ne fait pas ce qu’on veut, par ici.
Et puis, quelques jours à peine après son retour,
Hilario m’a annoncé qu’il devait retourner dans la
jungle. Je l’ai supplié de rester, mais il a tenté de me
rassurer en m’ expliquant qu’il devait juste servir
de guide, qu’il connaissait le chemin cette fois, que
ce serait moins dangereux parce qu’il savait quels
endroits éviter. D’ici deux ou trois mois, il serait de
retour, avec assez d’argent pour qu’on puisse quitter
le Cloaque et s’acheter une petite boutique ou une
taverne, et qu’on pourrait enfin vivre en paix.
Il m’a laissé une bourse qui contenait une livre
d’argent, ce qui suffisait amplement pour quitter
le quartier et attendre son retour. Il m’a aussi
demandé de m’en servir pour payer l’hospice pour
son frère, et d’aller le voir régulièrement. (Note au
MJ : quelques questions suffiront à y reconnaître
une bourse du temple de Nemmereth, semblable à
celle reçue par les héros.)

101
 Et il est reparti. Je lui ai offert un bracelet de
voyage, vous savez, ceux que tressent les prêtres de
Quathoomar ? On leur fait offrande d’une mèche de
cheveux et les prêtres tressent un bracelet avec vos
Envolé le corbeau !
cheveux entremêlés d’une cordelette bleue, la couleur
de Quathoomar, et on le donne à celui qui part en
voyage, pour que le dieu le protège. Je suis sûr qu’il
reviendra bientôt.
Mais peu après son départ, j’ai commis l’erreur
de montrer l’argent à cette traînée de Zaïra, qui est
allée le dire à Nobur. Il a débarqué avec ses hommes
et m’a dit qu’Hilario n’avait pas payé assez cher
pour ma liberté. Il m’a pris tout mon argent, ainsi
que le médaillon que m’avait rapporté Hilario, puis
il m’a mise à la porte. Depuis, je travaille comme
serveuse à la taverne de L’Échange, grâce à une
amie qui m’a trouvé cette place.
J’attends qu’Hilario revienne à présent, mais j’ai
peur de ce qui va se passer quand il apprendra ce que
Nobur m’a fait. »
Une fois son récit terminé, les larmes aux yeux,
Albel demandera aux héros de l’aider, comme
ils s’y sont engagés. Elle peut préciser les choses
suivantes :
W Elle est déjà allée visiter Matius, qui est
enfermé dans une chambre et semble être la proie
d’une terreur constante. Il délire sans cesse, et il
est impossible d’avoir une conversation normale
avec lui. Elle s’inquiète de ce qu’il adviendra de
lui, car elle n’a plus d’argent pour payer l’hospice.
Elle peut évidemment y conduire les héros s’ils
souhaitent le voir.
W Nobur est un chef de bande qui a la
mainmise sur le quartier. Il traîne généralement
à l’auberge du Crocator, pas très loin d’ici, qui lui
appartient. Elle ignore combien d’hommes il y a
dans sa bande ; une dizaine, au bas mot.
Les joueurs ont deux options : ils peuvent
décider de donner de l’or à Albel (après tout, ils
ont été généreusement payés par le temple), assez
pour lui permettre de quitter le Cloaque et de se
loger en attendant le retour d’Hilario. Ou bien ils
peuvent jouer les justiciers et aller trouver Nobur
pour qu’il lui rende ce qu’il lui a volé. S’ils ont
bien écouté le récit d’Albel, ils devraient vouloir
récupérer ce médaillon ramené par Hilario
de sa mystérieuse expédition dans la jungle.
102
Ce n’est pas indispensable à l’histoire, mais
cela leur offrira une aide précieuse au cours du
cinquième épisode de la saga, qui les entraînera
sur l’île de Kryphondus. Il faudra éventuellement
convaincre Albel de leur laisser le médaillon, mais
celle-ci ne se fera pas trop prier, compte tenu de
l’aide que les héros viennent de lui apporter.
Note au MJ : les contacts que les héros ont
commencé à nouer à Satarla peuvent aussi se
révéler utiles. Ils peuvent par exemple solliciter
Jia, qui acceptera de prendre Albel sous son toit et
de lui donner du travail, ou faire de même appel à
l’oncle de Qirmar pour caser la jeune femme et lui
permettre de quitter sa vie de misère.
Nobur
L’auberge du Crocator se trouve à une centaine
de mètres de la taverne de L’Échange, dans une
ruelle adjacente. Il s’agit d’un grand bâtiment
en bois d’apparence miteuse. Un ivrogne est jeté
dans la rue au moment où les héros y arrivent.
Quatre hommes à la mine patibulaire, vêtus de
cuir, discutent, adossés à la façade près de la porte,
et jaugent du regard les héros quand ils passent
devant eux.
L’entrée donne directement dans une grande
salle de taverne, avec un comptoir dans le fond.
À l’étage, une large galerie soutenue par des
poteaux en fait le tour sur trois côtés, et plusieurs
filles de joie sont accoudées à la balustrade. Elles
interpellent les nouveaux venus en les invitant à
monter prendre du bon temps. À plusieurs tables,
des hommes jouent aux dés ou aux dominos. Un
énorme crocator empaillé (la bête doit mesurer
quatre mètres de long) est suspendu au plafond
par des chaînes et ouvre sa gueule hérissée de
crocs, entre lesquels s’aperçoivent des brins de
paille du rembourrage qui lui conserve sa forme.
Une grande table rectangulaire, à droite de la
salle, est installée sous la galerie. Deux hommes
en armure de cuir, un gourdin au côté, sont ados-
sés aux poteaux qui encadrent la table, où est assis
devant son repas un homme corpulent, vêtu d’un
pourpoint noir, qui porte une lourde chaîne dorée
autour du cou. Il a des cheveux bruns coupés au
bol, et ses petits yeux chafouins se portent immé-
diatement sur les héros qui viennent d’entrer. Il
continue son repas, tout en les suivant du regard.
 Une jeune femme rousse en robe rouge sombre
est penchée sur son épaule et lui parle à l’oreille. Un
Le médaillon de
héros pourra remarquer à son cou un médaillon Kryphondus
en argent auquel elle porte fréquemment la main,
Durant son exploration de l’île au cœur

Envolé le corbeau !
et qui luit d’un éclat bleuté à la lueur chiche des
des jungles de Qush, Hilario a retrouvé le
bougies de mauvais suif (il s’agit de Zaïra, qui
médaillon de Kryphondus, curieusement
porte le fameux médaillon dérobé à Albel).
préservé des ravages du temps, près du bassin
Il est possible de s’adresser directement à où le prêtre-roi d’Afyra a été sournoisement
Nobur, même si ses deux gardes ne laisseront pas empoisonné par son épouse (cf. introduction,
les héros s’approcher trop près de sa table. page 46). Il a eu le loisir de le ramasser
avant que le fangeux tapi sous les nénuphars
La négociation sera difficile. Nobur est chez lui,
ne surgisse pour s’emparer d’un de ses
entouré de ses hommes, et même si les héros ont
malheureux compagnons.
certainement l’air dangereux (surtout si Angus
les accompagne), il ne se laissera pas facilement Le médaillon consiste en un cristal bleu
impressionner. Sa bande est bien rodée et, dès serti dans une feuille d’argent ajourée pour
l’entrée des héros, ses hommes se sont mis sur le dessiner une feuille de palmier, le symbole
qui-vive, prêts à intervenir sur un signe de leur d’Afyra. Il s’agit manifestement d’un bijou
chef. Ils sont dix en tout (en comptant les quatre très ancien.
à l’extérieur devant la porte de l’auberge), dont
Un héros qui porte le médaillon autour du
deux positionnés sur la galerie, prêts à jeter sur les
cou bénéficie de l’avantage mains guérisseuses,
héros un tabouret ou un lourd cruchon. Si Nobur
même s’il ne possède pas de carrière de
l’appelle, Bambam son lieutenant apparaîtra par
médecin. Par ailleurs, le médaillon lui offrira
une porte derrière le bar et s’avancera dans la salle,
une certaine protection contre les maléfices
son lourd gourdin clouté nonchalamment posé
de l’île maudite, quand les héros s’y rendront
sur l’épaule. C’est un colosse d’au moins cent vingt
au cours du cinquième épisode de la saga
kilos, au front défiguré par une vilaine cicatrice et
(ce qui sera expliqué à ce moment-là).
au sourire édenté.
Nobur n’a pas l’intention de rendre l’argent
qu’il a pris à Albel, et il conseillera aux héros de
décamper avant que ça tourne mal pour eux. Si
ces derniers ne lui réclament que le médaillon,
il y a moyen de discuter, même si Zaïra se
récriera, avant d’être sèchement rappelée à l’ordre
par Nobur. En revanche, il faut accepter de le
« racheter » et Nobur en demandera une coquette
somme, sans trop exagérer non plus.
Si les choses tournent mal, un combat
s’ensuivra. Nobur et Bambam se battront jusqu’à
la mort (sauf si tout semble rapidement perdu),
mais leurs hommes n’hésiteront pas à fuir dès que
la situation tournera vraiment au vinaigre. Zaïra
participera au combat, puis tentera de fuir ou de
négocier sa vie si elle est acculée. Si jamais Nobur
parvient à s’échapper, vous pourrez décider que
cela vaudra quelques ennuis futurs aux héros. Le
criminel cherchera forcément à se venger de ceux
qui ont eu le front de venir l’attaquer chez lui !

103
 Si un combat éclate, les héros auront intérêt à
ne pas trop s’attarder à l’auberge, au risque de voir
Nobur (rival)
débarquer une patrouille des Calots rouges, car le
Attributs Aptitudes de combat
guet corrompu du Cloaque prendra fait et cause
Vigueur 2 Initiative 2
Envolé le corbeau !

pour le malfaiteur qui lui graisse la patte depuis

Agilité 2 Mêlée 2
des années.
Esprit 1 Tir 0
Note au MJ : si les joueurs ont convaincu Aura 1 Défense 1
Angus de les accompagner, ce dernier n’est pas
Carrières :
venu pour discuter et il risque de déclencher les
Voleur 2
hostilités de manière fracassante au beau milieu
Ouvrier 1
des négociations. Angus déteste s’ennuyer, et il
Mercenaire 0
s’ennuie très, très vite…
Marchand 1

Bambam, lieutenant Protection : armure légère d6-3 (1)

de Nobur (rival) Armes : gourdin d6M+2, dague d6M+2

Vitalité : 12
Attributs Aptitudes de combat
Avantages
Vigueur 3 Initiative -1
Agilité de l’homme-oiseau, amis dans la pègre,
Agilité 1 Mêlée 3
intimidant
Esprit 0 Tir 1
Aura 0 Défense 1 Désavantages
Gars de la ville, phobie (feu)
Carrières :
Mendiant 0
Gladiateur 1 Zaïra (rivale)
Ouvrier 1
Voleur 1 Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 0 Initiative 1
Protection : armure légère + peau dure d6-2 (2)
Agilité 2 Mêlée 1
Armes : gourdin clouté d6+3, dague d6M+3 Esprit 0 Tir 1
Aura 2 Défense 1
Vitalité : 13
Carrières :
Avantages
Courtisane 2
Colosse, peau dure
Voleuse 1
Désavantage Marchande 0
Pataud Danseuse 1
Protection : aucune armure 0
Hommes de main de Armes : deux poignards d6M
Nobur (piétaille, x10) Vitalité : 10
Voleur 1 Avantages
Attaque +1 Athlète, attirante
Dégâts : d3 (dagues, gourdins)
Désavantage
Vitalité 2
Indigne de confiance
Capacité spéciale :
Règle de horde (cf. BoL, page 132).

104

Visite à l’hospice
La piste d’Hilario a donc apporté aux héros
plus de questions que de réponses. Il ne leur
reste plus qu’à se rendre à Urceb pour tenter de
comprendre ce qui a bien pu arriver à Jorkus (ou
ce qu’il a bien pu faire…). Mais avant cela, ils
auront certainement à cœur d’essayer d’interroger
Matius.
L’hospice tenu par le culte d’Afyra se trouve
à l’extrémité ouest de l’île d’Ajamba, dans les
rues derrière le temple de Shazzadion. Albel
accompagnera les héros et les introduira auprès
de dame Cassa, prêtresse d’Afyra. Celle-ci leur
expliquera que Matius est en proie à des délires
et des terreurs qui ne lui laissent aucun répit. Il
a certainement vécu un traumatisme grave, qui
l’a plongé dans un état chronique de démence.
Les médecins ont tenté diverses cures, sans grand
succès pour le moment (« Mais nos moyens sont
malheureusement limités ; certains remèdes
coûteux et délicats à préparer permettent parfois
d’améliorer l’état de gens atteints de ce genre de
mal, mais rarement de les guérir, et il faudrait
faire appel aux services d’un herboriste ou d’un
alchimiste expérimenté… »).
Assis par terre, prostré dans un coin de sa
petite chambre, Matius est un jeune homme
brun émacié, aux joues creuses couvertes d’une
barbe clairsemée, au regard fuyant et halluciné.
Il bredouille à mi-voix des propos incohérents.
« Les lianes, éviter les lianes… il faut partir d’ici…
Il y a quelque chose dans l’eau… Reculez !
Non, pas par là, pas par là, il y a en a partout, elle
accouche, elle n’arrête pas d’accoucher ! Non !
105
Envolé le corbeau !
Hilario, ne me laisse pas là, Hilario, je t’en prie…
La mort blanche, elle va venir, non… Elle ronge la
pierre, elle mange les murs… »
Il est impossible d’amener Matius à dire autre
chose que ce charabia, tandis qu’il se bascule
d’avant en arrière, en se cognant doucement la
tête contre le mur. Il s’apaise un peu quand Albel
le serre dans ses bras et lui chuchote à l’oreille
qu’Hilario va bientôt revenir et qu’il va tout
arranger.
Note au MJ : les paroles délirantes de Matius
prendront un peu plus de sens quand les héros
auront à explorer l’île de Kryphondus, au cours
de la dernière aventure de cette saga. Traumatisé
par les horreurs de l’île et empoisonné par les
maléfices de Morgazzon, Matius n’est pour
l’instant pas en mesure d’informer utilement
les héros. Les joueurs peuvent toutefois penser
à solliciter Qirmar. Ce dernier a étudié auprès
d’un maître herboriste renommé et il acceptera
volontiers de s’occuper de Matius. Cela lui
prendra du temps, en revanche, mais d’ici à ce
que les héros reviennent d’Urceb, peut-être aura-
t-il trouvé un remède capable d’apaiser un peu
ses troubles.
Parvenir à une conversation cohérente avec un
Matius qui aurait retrouvé un peu de sa lucidité
n’est pas indispensable à la suite de la saga, mais
cela offrira aux joueurs la chance de savoir un peu
mieux ce qui les attend sur l’île de Kryphondus, et
de pouvoir s’y préparer en conséquence.
La menace de Lok Kozaar
Pendant que les héros étaient à Halakh, précédés de peu par Kurta chargé de les éliminer,
Lok Kozaar et le reste de son groupe sont partis pour Lysor afin de se débarrasser d’Amrita.
Les choses se sont bien passées pour le céruléen, qui est même reparti en s’emparant de
La reine d’écume, le navire d’Amrita, dont la carrière s’est terminée bien tristement.
Puisque Lok et ses hommes sont censés être en train de remonter le Tyr pour retrouver Jesharek
Jool, il décide de ne pas rentrer à Satarla et fait relâche dans un petit port de pêcheurs, à quelques
heures de la ville. Il laisse là ses compagnons et retourne seul et discrètement à Satarla chez
maître Casmar, dont la maison abrite la secte des druides jaunes (cf. page 49).
Il attend ensuite que Kurta vienne lui apporter la confirmation que le groupe dépêché à Halakh
ne reviendra pas de sa mission. Mais le Halakhi, qui a réussi à précéder les héros de quelques
jours, doit lui avouer son échec. Maître Casmar, qui paie Lok pour le compte de Jorkus, insiste
pour qu’il mette bon ordre à l’enquête des héros. Le céruléen, qui a accompagné Jorkus lors de
son voyage à Urceb, sait où la piste des héros risque de les conduire. Lui-même doit rester à
Satarla (il a certaines affaires en cours pour le compte des druides jaunes), mais il dépêche Kurta,
qui rejoint ses camarades au petit village de pêcheurs. Ils font aussitôt voile pour Urceb, avec
mission de régler une fois pour toutes le compte des héros et, pour faire bonne mesure, d’éliminer
l’astrologue Almar de Chebeg. Ainsi, nul ne devrait être en mesure de soupçonner Jorkus d’être à
l’origine des troubles qui affligent Satarla, ni de savoir que c’est lui qui reviendra « sous le voile »,
en tant que nouveau Kryphondus.
Kurta et ses compagnons s’introduisent sans difficulté chez l’astrologue, qu’ils emprisonnent avec
ses gens. L’appât du gain les incite à les garder en vie, avec l’intention de les revendre comme
esclaves. Un lettré comme le vieil astrologue pourra toujours tenir les comptes dans une mine des
plaines de Klaar. Il n’y a pas de petit profit, comme on dit… En attendant, ils l’enferment dans la
cave de sa maison, en compagnie de ses trois domestiques (deux adolescents et leur mère).
Puis ils attendent les héros, sur lesquels ils n’ont que quelques jours d’avance ; et puisque ces
derniers ne connaissent pas Almar de Chebeg, l’un d’eux se fera passer pour l’astrologue tandis
que les autres joueront ses serviteurs, afin de mettre leurs ennemis en confiance et de pouvoir les
prendre par surprise.

Départ pour Urceb

Vos joueurs devraient s’attendre à ce que vous
annonciez la fin de l’épisode et que vous leur
octroyiez leurs points d’expérience avant leur
départ pour Urceb. Mais pas encore…
Il leur faut donc se rendre à Urceb, ou en tout
cas au village de Chebeg, non loin de la ville,
afin d’y rencontrer l’astrologue Almar pour
comprendre ce que Jorkus pouvait bien chercher
dans les catacombes de l’Urceb-du-dessous.
Le plus rapide est de trouver un bateau en
partance pour Urceb ; Jia ou l’oncle de Qirmar
pourront les y aider. La sirène de Satarla lève
l’ancre dans trois jours et son capitaine accepte de
les prendre à son bord et de les déposer au petit
port de Chebeg, à trois lieues au sud d’Urceb, sur
la route côtière qui va à Lysor. Il faudra quinze
à vingt jours de navigation pour s’y rendre,
en fonction de l’état de la mer et des escales
commerciales.

106
Maître Almar va vous
recevoir…
Le voyage maritime jusqu’à Urceb se déroule
sans anicroche. Ne vous y attardez pas ; avec un
peu de chance, vos joueurs baisseront la garde
en pensant qu’il ne leur reste plus qu’à glaner
quelques informations pour passer à l’épisode
suivant.
Leur navire les dépose donc au port de Chebeg,
un petit village côtier. Les héros peuvent se
renseigner auprès de n’importe quel villageois :
la demeure de maître Almar se trouve à une
heure de marche du village. Il faut prendre la
route d’Urceb, puis tourner à gauche au premier
carrefour et suivre le chemin de terre qui monte
au sommet d’un plateau boisé.
La demeure d’Almar de Chebeg est un petit
manoir propret, entouré d’un mur d’enceinte peu
élevé au-dessus duquel s’aperçoivent les frondai-
sons d’arbres fruitiers. C’est une bâtisse rectangu-
laire à un étage, flanquée d’une tour ronde un peu
plus élevée que le reste de l’édifice. Une cloche est
suspendue à côté de la grille d’entrée. Sitôt que
les héros ont sonné, un petit homme courtaud,
au teint bistre et à la barbiche noire, vêtu simple-
ment, trottine jusqu’à la grille pour s’informer de
ce qu’ils désirent (il s’agit de Kurta, déguisé en
serviteur). L’homme repart en sens inverse en leur
demandant de patienter, puis revient quelques mi-
nutes plus tard leur ouvrir la grille en annonçant
que son maître consent à les recevoir.
Note au MJ : le plan de la maison d’Almar
de Chebeg sera utile pour mettre en scène
l’affrontement à venir, mais gardez-vous de le
montrer pour l’instant aux joueurs. Les lieux ne
sont pas décrits en détail, à dessein. Improvisez
une description sommaire (« Il s’agit de la
demeure d’un homme fortuné, confortable et
bien meublée ») comme si l’endroit n’avait pas de
réelle importance, afin de ne pas mettre la puce à
l’oreille des joueurs.
Le serviteur les introduit donc dans la maison,
les conduit dans la grande salle et les invite à
s’asseoir dans de confortables fauteuils, avant
de s’éclipser vers la cuisine. Des pas résonnent
dans un escalier et un homme arrive depuis le
vestibule. Il est vêtu de lourdes robes de brocart,
107
un peu chaudes pour la saison, et ne correspond
pas vraiment au portrait que l’on peut se faire
d’un astrologue. L’homme doit avoir quarante ans
passés, une courte barbe blonde, le teint hâlé par
Envolé le corbeau !
le grand air et une solide carrure. Manifestement,
c’est un érudit qui ne passe pas tout son temps
enfermé dans sa bibliothèque !
Il se présente et s’enquiert du motif de la visite des
héros (qui ont dû certainement donner quelques
précisions au « serviteur » qui les a accueillis à la
grille d’entrée). Almar se désolera d’apprendre le
décès de Jorkus et tous ces événements étranges.
Il confirmera avoir effectivement réalisé un
thème astral pour lui, et l’avoir rencontré il y a
quelques mois. Si un personnage du groupe se
distingue comme érudit ou astrologue, Almar se
proposera de lui montrer ce fameux thème astral
(« N’ennuyons pas vos amis avec nos discussions
scientifiques ») et ordonnera à son serviteur, qui
revient avec du vin, de faire préparer des chambres
pour ses hôtes. Les héros peuvent apercevoir
alors un grand homme noir, qui porte une huche
remplie de bûches, franchir la porte d’entrée et
se diriger vers la cuisine. L’odeur d’une soupe qui
mijote flotte d’ailleurs dans l’air.
Jouer l’embuscade
Le but de toute cette mise en scène est de
parvenir à séparer les héros afin de les éliminer ou
de les mettre hors de combat un par un.
Kurta et Roumal jouent les serviteurs, tandis
que Solmus se fait passer pour Almar lui-même.
Coren, qui accompagnait Lok Kozaar au temple
de Nemmereth au début de la première aventure
et a donc croisé les héros (cf. page 58), se cache
dans la tourelle de la salle d’astrologie pour ne pas
être reconnu.
Les mercenaires savent que la mascarade ne
tiendra pas longtemps. Le faux Almar tente
d’isoler un personnage lettré en lui offrant de le
suivre dans sa salle d’études à l’étage. La pièce
croule sous les livres, les cartes du ciel, et divers
instruments d’astrologie. Une sphère armillaire
en cuivre trône sur la table au centre. Une fois là-
bas, il invite le héros à examiner une grande carte
céleste dépliée sur la table, et en profite pour lui
coller sa dague contre les reins en lui intimant le
silence, tandis que Coren sort de sa cachette en
 La maison
Salon
Cuisine Puits d'Almar de Chebeg
1er étage
Envolé le corbeau !

Salle
Domestiques d'astrologie
Terrasse

Chambre
Grande salle
Domestiques

Chambre Chambre
Rez-de-chaussée

Bibliothèque
le mettant en joue. Si le héros ne tente rien, ils le
ligotent sur une chaise pour aller ensuite s’occuper
de ses compagnons.
Kurta laisse un instant les autres héros au joueurs à ce stade, afin d’équilibrer les chances.
salon et fait semblant de s’activer à l’étage, C’est un combat particulièrement difficile qui
appelle Roumal pour qu’il monte du bois pour les attend, contre des adversaires aussi puissants
la cheminée du maître, ce genre de choses. qu’eux, et qui ont l’avantage de la surprise !
Il proposera ensuite à un personnage du groupe
Quand le combat éclatera, les hommes de Lok
de lui montrer sa chambre.
Kozaar se battront farouchement. Roumal Jânn
Bref, vous allez devoir improviser en fonction combattra jusqu’à la mort. Kurta cherchera à fuir
des réactions des joueurs. Vous pouvez toujours si les choses tournent vraiment mal, mais préfére-
glisser quelques indices discrets (par exemple : ra mourir plutôt que de se rendre. Coren et Sol-
le serviteur leur sert à boire sans beaucoup de mus en revanche, s’ils voient que la situation est
distinction ; l’autre domestique – un grand gail- désespérée, pourront tenter de négocier leur vie
lard à la peau d’ébène, dont les bras sont couverts en échange d’informations. Si tous meurent, cela
de scarifications – jette un regard furieux quand privera les joueurs d’un renseignement précieux,
son comparse le houspille pour qu’il ne lambine mais Almar de Chebeg, une fois libéré, pourra
pas, n’appréciant manifestement pas de recevoir tout de même leur apprendre ce qu’il a entendu
des ordres). des conversations de ses ravisseurs.
Mais c’est un groupe expérimenté, qui a
l’habitude de travailler ensemble ; ces hommes
sont capables de se comprendre d’un regard et de
coordonner efficacement leurs actions.
Note au MJ : les profils de la page 109
indiquent le nom de chaque personnage ainsi
que le rôle qu’il tient dans le piège. Par ailleurs,
le nombre actuel de points de vilenie dont chacun
dispose est noté entre parenthèses ; ils ont dû en
dépenser durant leur combat contre Amrita, et
leur aventure à eux non plus n’est pas terminée !
Adaptez éventuellement ces chiffres en fonction
du nombre de points d’héroïsme qu’il reste à vos

108
Solmus (rival) /
Almar de Chebeg Kurta (rival) /
Solmus est un Satarlan, ancien soldat de l’armée
Taruk, serviteur

de la cité. Il est armé d’une dague et a caché son
sabre dans la salle d’astrologie, sabre qu’il a pris
sur le cadavre d’Amrita. Fidèle à ses compagnons,
il saura néanmoins accepter la défaite en soldat et
se rendre si tout est perdu.
Envolé le corbeau !
Courtaud, une fine barbiche et les cheveux
noirs, Kurta a le teint brun et les yeux sombres
typiques des Halakhis. Au combat, il se déplace
avec l’aisance souple d’un cobra cornu du Beshaar.

Attributs Aptitudes de combat Attributs Aptitudes de combat

Vigueur 2 Initiative 0 Vigueur 1 Initiative 1
Agilité 2 Mêlée 1 Agilité 2 Mêlée 2
Esprit 1 Tir 2 Esprit 1 Tir 0
Aura 0 Défense 1 Aura 0 Défense 2
Carrières : Carrières :
Soldat 2 Assassin 3 * N’oubliez pas de lui
faire utiliser l’option
Fermier 0 Mercenaire 1 « combat à deux armes »
Ouvrier 1 Marchand 0 (cf. BoL, page 65).
Mercenaire 1 Médecin 1
Protection : armure légère d6-3 (1) Protection : aucune armure 0
Armes : arc d6+2, sabre d6+2 (cf. encadré) Armes : 2 Kriss halakhis d6M+1*
Points de vilenie : 5 (3) Points de vilenie : 5 (4)
Vitalité : 12 Vitalité : 11

Avantages
Tireur puissant : Solmus a servi dans une
compagnie d’archers. Il ajoute sa vigueur aux
dégâts de ses attaques à l’arc.
Vigilant : prompt à réagir, Solmus bénéficie
d’un dé de bonus à ses jets de réaction.
Désavantage
Addiction (alcool)
Avantages
Arme favorite (paire de kriss halakhis) : Kurta
bénéficie d’un dé de bonus aux jets d’attaque
quand il utilise ses kriss.
Discret : Kurta bénéficie d’un dé de bonus quand
il essaie de ne pas se faire remarquer.
Désavantage
Inadapté au froid

Le sabre d’Amrita
Ce sabre d’abordage à la garde sculptée en forme de coquillage possède une poignée représentant un hippocampe,
dont la tête recourbée dessine le pommeau de l’arme (un test d’esprit permettra à un héros de se souvenir d’avoir
vu cette arme en possession d’Amrita, quand ils l’ont croisée au temple de Nemmereth, au début de la saga).
Il s’agit d’une arme magnifique et de grande qualité. Amrita l’a dérobée à Vornor « Beau Brun », un capitaine
pirate des Îles du Crâne dont elle a partagé un temps la vie et les aventures de flibuste. Lassée des infidélités de
Vornor qui prenait au pied de la lettre l’adage disant que les marins ont une femme dans chaque port, elle a fini
par le quitter en emportant son sabre en guise de cadeau de rupture.
Le sabre à l’hippocampe est une arme alchimique qui permet une fois par round de relancer un 1 obtenu sur un
jet de dégâts. De plus, sur un résultat naturel de 12 au jet d’attaque, le succès héroïque ainsi obtenu est transformé
en succès légendaire sans qu’il soit besoin de dépenser 1 point d’héroïsme. Cependant, Vornor cherche activement
à retrouver son célèbre sabre ; un héros qui porte cette arme subit le désavantage traqué (pirates des Îles du Crâne).
109
Envolé le corbeau !

Roumal Jânn (rival) /

Damba, serviteur
Roumal Jânn est originaire des jungles de Qush.
C’est un colosse qui dépasse le mètre quatre-
Coren (rival) /
vingt-dix, à la peau d’ébène. Ses bras sont couverts caché dans la tourelle
de scarifications rituelles. Il a fui sa tribu après en
Pas très grand, les cheveux châtains, un sourire
avoir tué le prince lors d’une querelle. Il dissimule
en coin, Coren est un jeune homme originaire du
dans sa huche à bûches sa lourde massue ainsi que
Cloaque, qui a dû lutter dès son enfance pour sa
son petit bouclier en peau de crocator.
survie. Il est rusé, très habile, et n’hésitera pas à
abandonner ses camarades pour sauver sa peau, ni
Attributs Aptitudes de combat
à se rendre le cas échéant.
Vigueur 3 Initiative 0
Agilité 1 Mêlée 2
Attributs Aptitudes de combat
Esprit 0 Tir 1
Vigueur 0 Initiative 1
Aura 1 Défense 1
Agilité 3 Mêlée 1
Carrières : Esprit 1 Tir 1
Noble 1 Aura 0 Défense 2
Barbare 1
Carrières :
Chasseur 2
Mendiant 1
Mercenaire 0
Serviteur 1
Protection : baudrier de guerre d6-2 (2), Voleur 2
Petit bouclier (-1 à une attaque ; 1/round) Colporteur 0
Armes : casse-tête d6+3, javeline d6M+1 Protection : aucune armure 0
Points de vilenie : 5 (3) Armes : dague d6M, arbalète d6
Vitalité : 13 Points de vilenie : 5 (3)
Vitalité : 10
Avantages
Baudrier de guerre (cf. ci-dessus), roi de la jungle,
Avantages
vigueur céruléenne (déjà inclus dans son profil)
Amis dans la pègre
Désavantages
Doigts de fée : Coren bénéficie d’un dé de bonus
Lent à la détente : Roumal manque parfois de
pour toutes les tâches exigeant une grande
rapidité. Il subit un dé de malus à ses jets de
dextérité.
réaction.
Désavantage
Traqué (noble en fuite, recherché par sa tribu
Gars de la ville
de Qush)

110

Épilogue
Après le combat, une fouille rapide de la
maison permet de retrouver Almar de Chebeg et
ses serviteurs, ligotés à la cave. Le vieil homme
rabougri et grisonnant, au front large et au regard
pénétrant, correspond mieux à l’idée que l’on peut
se faire d’un éminent astrologue ! Il se confondra
en remerciements et sera bien évidemment plus
que disposé à dire tout ce qu’il sait aux héros et à
leur apporter son aide.
Si les héros ont fait un prisonnier (plus
probablement Coren ou Solmus), celui-ci accepte
de parler en s’efforçant de négocier pour sauver
sa peau. En fonction des questions des joueurs,
ceux-ci peuvent apprendre différentes choses :
W Le prisonnier ne connaît pas tout dans
le détail, mais il pourra au moins préciser leur
mission (cf. l’encadré « La menace de Lok
Kozaar », page 106). Il explique simplement
qu’ils ont éliminé Amrita et son groupe pendant
que Kurta partait pour Halakh afin de se charger
des héros avec l’aide de son ancienne confrérie
d’assassins. Ensuite, ils ont attendu dans un petit
village près de Satarla, tandis que Lok retournait
discrètement en ville. Puis Kurta les a rejoints et
ils ont fait voile de toute urgence vers Urceb, afin
de tendre un piège aux héros, et de régler aussi son
compte à l’astrologue. Le prisonnier en ignore les
raisons exactes ; il sait juste qu’ils ont été payés
pour saboter l’enquête du temple de Nemmereth.
Il ne sait pas non plus qui est leur commanditaire ;
c’est Lok qui négocie seul les contrats du groupe.
W Une fois la mission accomplie, ils devaient
retrouver Lok à Satarla, chez maître Casmar, rue
des Chandeliers, la maison décorée d’une frise
de turales (des roses de la jungle). Ils étaient
supposés s’y rendre le soir et donner un mot de
passe : « Sous le voile, le dieu revient ». Il n’a
aucune idée de la signification de cette phrase.
W « Il y a plusieurs mois de ça, Lok Kozaar
a reçu un soir un message qui l’a troublé. Je me
souviens qu’il a dit en partant : “Je vais voir un
revenant”. Il est rentré dans la nuit, l’air vraiment
chamboulé, et il a picolé en silence jusqu’au petit
matin. Il avait vraiment la tête de quelqu’un qui
a vu un fantôme. Il est resté très pensif le jour
111
suivant, puis nous a annoncé le soir même qu’il
avait du boulot pour nous, et que ce serait peut-être
l’affaire de notre vie. “On va jouer un sacré coup
de dés, garçons, mais si c’est un coup gagnant, on
Envolé le corbeau !
remportera le gros lot. Sinon, ben, il faudra changer
d’air vite fait.” Il n’a rien voulu nous dire de plus,
en prétendant que les choses devaient rester secrètes
pour l’instant, et qu’on devait lui faire confiance.
On avait l’habitude que Lok gère les contrats
pour nous ; la plupart du temps, il était le seul à
rencontrer nos employeurs, alors ça nous a pas gênés
plus que ça. Mais quand même, il a été bizarre tous
ces derniers mois, plus calme et plus réfléchi que
d’habitude. » (Note au MJ : des questions plus
précises permettront de déterminer que cela s’est
produit un mois environ avant le départ des héros
pour Halakh, ce qui correspond au moment du
suicide rituel de Jorkus.)
« Puis, un jour, il a annoncé qu’il allait au
temple de Nemmereth pour un contrat ; Kurta
lui a demandé si c’était encore pour Jorkus, mais
Lok a pâli et lui a répondu que Jorkus était mort
et enterré, et qu’il devait oublier ce nom et ne plus
jamais le prononcer. Quand il est revenu, il nous a
expliqué que le temple l’avait embauché pour aller
rencontrer un vieux sage, dans un coin perdu, mais
qu’en fait, on en ferait rien, et c’est là qu’il nous a
expliqué qu’à la place, on allait s’occuper d’Amrita,
et de vous autres. »
W Interrogé sur la mission de Lok Kozaar
à Urceb, le prisonnier pourra révéler les choses
suivantes : « Quelques mois avant cette histoire,
Lok avait fait un voyage à Urceb pour escorter
un vieux prêtre de Nemmereth, Jorkus, pour qui
il avait déjà travaillé par le passé. Il n’a trop
rien dit quand il est revenu, juste que le vieux
l’avait obligé à crapahuter dans des souterrains
poussiéreux en compagnie d’un gars d’Urceb fort
en gueule qui lui avait tapé sur les nerfs, tout ça
pour aller s’extasier devant les ruines d’un temple
miteux. “Ces prêtres, qu’il a soupiré, ils sont prêts à
traverser la moitié du monde pour un bout d’os ou
un vieux drap sans valeur”. »
W Si la question lui est posée, le prisonnier
révèlera que Lok Kozaar ou son commanditaire
dispose certainement d’un informateur au temple
de Nemmereth. Il ignore son identité, mais Lok
bénéficiait clairement de renseignements qui
venaient de l’intérieur.
 Si les héros n’ont pas fait de prisonnier, ils
peuvent tout de même apprendre certaines choses
par Almar de Chebeg, devant qui les hommes de
Lok Kozaar ont parlé. Ils attendaient les héros
Envolé le corbeau !
et semblaient savoir exactement qui ils étaient.
Ils ont mentionné fréquemment un certain Lok,
qu’ils devaient aller retrouver à Satarla, chez
maître Casmar (« ou était-ce Cassar ? »), rue des
Chandeliers. Almar a tenté de savoir pourquoi ils
en avaient après lui, mais ces hommes semblaient
l’ignorer eux-mêmes, et ne faire qu’obéir aux
ordres de ce Lok.
Ce nom a troublé Almar, car il a croisé il y a
quelques mois un céruléen du nom de Lok Kozaar,
qui avait accompagné chez lui un éminent érudit,
un prêtre de Nemmereth à Satarla…
En dehors de ces informations, Almar de
Chebeg est bien entendu tout disposé à raconter
aux héros ses échanges avec Jorkus, ainsi que la
visite à Urceb de ce dernier.
W Almar et Jorkus ont entretenu des relations
épistolaires au cours de la dernière décennie,
concernant divers sujets. Il y a un an environ,
Jorkus lui a écrit pour solliciter de sa part un
horoscope. La demande était assez originale :
Jorkus souhaitait qu’il étudie son thème astral en
se concentrant sur l’influence d’un astre particulier,
une petite étoile de la constellation d’Afyra (« Oui,
cet astre porte le nom de Kryphondus, c’est exact ! Vous
êtes astrologue vous-même, pour savoir ce détail ? »).
« L’étoile paraissait effectivement exercer une
puissante influence sur sa destinée, ouvrant la
possibilité d’un accomplissement exceptionnel dans
un futur relativement proche. En revanche, certaines
conjonctions en opposition semblaient indiquer
que cette voie risquait de provoquer la réaction de
puissantes forces, des forces souveraines – cela pourrait
évoquer l’autorité d’un roi, ou l’influence d’une
divinité, pourquoi pas ? – qui se manifesteraient
alors avec hostilité. D’autres signes astraux, moins
clairs à interpréter, indiquaient la nécessité d’un
voyage, d’un pèlerinage, peut-être, d’une mort et
d’une renaissance – symbolique, évidemment. D’un
retour à l’origine, si l’on peut dire.
112
En tout cas, l’accomplissement de ce destin
impliquait également le risque de grands
bouleversements, d’une perturbation d’ampleur,
des signes plutôt évocateurs de cataclysme, ou de
guerre. Un horoscope très énigmatique, en somme,
et des plus troublants.
Jorkus m’avait également demandé de lui trouver
un guide connaissant les plus anciennes parties
de l’Urceb-du-dessous. Il cherchait notamment
les vestiges d’une “porte aux banths”, une entrée
monumentale sans doute ornée de bas-reliefs ou
de statues représentant ces créatures des plaines de
Klaar, et qui semblait être une des antiques portes
de la ville sur les ruines de laquelle Urceb s’est bâtie.
Cela m’a pris du temps, mais j’ai pu lui trouver
quelqu’un qui prétendait connaître ce monument.
Un certain “Samazar le Magnifique”, un fieffé
gredin, grand explorateur de l’Urceb-du-dessous,
et un voleur notoire dont la carrière – à ce qu’on
m’a raconté – est émaillée de brillants exploits.
J’ai donc transmis la nouvelle à Jorkus, qui s’est
présenté chez moi deux mois plus tard, accompagné
de son garde du corps, un céruléen du nom de Lok
Kozaar. Il n’a passé qu’une nuit ici, et s’est montré
peu disert quant à ses recherches, à cet horoscope,
et à la signification de tout cela. Je n’ai pas voulu
me montrer trop insistant, et Jorkus m’a fait la
promesse de tout m’expliquer en temps voulu, si
ses intuitions venaient à se confirmer. Je l’ai donc
accompagné à Urceb pour le présenter à Samazar,
ensuite de quoi, j’ai regagné ma demeure.
J’espérais qu’il repasse me voir avant de regagner
Satarla, mais il n’en a rien fait, et cela fait des mois
que j’attends en vain une lettre de lui m’informant
du résultat de ses recherches. »
Bien évidemment, Almar de Chebeg est tout
prêt à accompagner les héros à Urceb afin de
leur faire rencontrer ce Samazar, qui en aura
certainement plus à leur apprendre !
Ceci conclut le deuxième épisode de la saga.
Les héros récupèrent (enfin !) leurs points
d’héroïsme dépensés et reçoivent chacun
1 point d’expérience.
 Lettre d’Almar de Chebeg à Jorkus
Vénérable Jorkus,

Je prie les dieux que cette missive vous trouve en bonne santé et toujours désireux d’honorer
Urceb de votre prochaine visite.
Conformément à votre souhait, je vous fais parvenir le thème astral dont vous m’avez fait la
demande. J’en ai établi un commentaire détaillé, même si je sais que l’art de l’interprétation
des signes célestes n’échappe pas à l’étendue de votre sainte érudition. Ainsi que vous le
constaterez, les conjonctions astrales sont délicates à interpréter, et quelque peu effrayantes par
la portée des bouleversements qu’elles semblent annoncer. Certes, le thème offre la promesse
d’une destinée extraordinaire, mais qui paraît périlleuse par son outrance même. Faute de plus
amples informations, mon interprétation ne peut évidemment se cantonner qu’à des généralités,
et j’espère ardemment que nous aurons prochainement l’occasion d’en discuter plus avant.
Concernant votre autre demande : il a fallu du temps, mais je crois que Piandra nous a
enfin souri. Après avoir interrogé de nombreux explorateurs, mes contacts ont trouvé quelqu’un
qui prétend savoir où se situe la fameuse « Porte aux Banths » que vous recherchez.
L’homme est un fieffé gredin, un voleur et un pilleur de tombes notoire, mais on le dit honnête
à sa manière et assez érudit, et il n’y a pas meilleur connaisseur des parties les plus anciennes
de l’Urceb-du-dessous. Il serait prêt à vous y mener, contre rétribution, bien évidemment.
J’attends avec impatience de vos nouvelles et espère que votre prochaine missive m’apportera
l’annonce de votre venue. Ma propriété se trouve à une heure de chariot d’Urceb, sur la
route de Lysor, juste à l’extérieur du village de Chebeg. Peut-être préférerez-vous loger
dans la ville même, mais sachez que ma demeure s’honorerait de vous accueillir.

Dans l’attente de vous rencontrer, bien cher maître, acceptez mes salutations les plus
dévotes. Que Nemmereth et l’ensemble des vingt dieux veillent sur vous.

Almar de Chebeg
 Chapitre 3
Le Dieu Dévoilé

Le Dieu Dévoilé

Aidés par l’astrologue Almar de Chebeg qu’ils viennent de sauver, les héros se rendent à Urceb
afin d’y rencontrer Samazar le Magnifique, le guide que Jorkus a payé pour le mener dans la ville
souterraine. Mais la situation se complique rapidement : ce Samazar est prisonnier d’un puissant
personnage de la cité, avec qui il va falloir négocier sa libération…

Rendez-vous à Urceb Guidés par Almar, les héros franchissent les

Après s’être remis de leurs émotions et de leurs
blessures, Almar de Chebeg et les héros quittent
donc le manoir de l’astrologue pour se rendre à
Urceb, qui n’est qu’à une bonne heure de marche.
La veille, Almar a proposé au groupe d’étudier
le ciel pour eux, afin de savoir ce que leur réserve
le destin dans les jours prochains. S’ils acceptent,
Almar se présente le matin du départ avec quelques
nouvelles, plus ou moins encourageantes :
les signes sont globalement favorables, mais
annoncent toutefois des embûches, un chemin
qui prendra des détours, la nécessité de revenir
sur ses pas pour surmonter un obstacle qui
semble infranchissable. Les astres évoquent aussi
la rencontre d’un ennemi qui n’en est pas un, et
le feu (ou la lumière) qui se montre tour à tour
protecteur et destructeur…
Concrètement, en plus de ces interprétations
sibyllines, le groupe reçoit 3 dés de bonus à utiliser
au cours de cette aventure (cf. Horoscope de
groupe, page 9).
portes de la petite ville d’Urceb dans la matinée et
traversent ses rues animées ainsi que son marché
aux tissus pour se rendre directement au port.
Almar les conduit dans une auberge non loin des
quais, L’anguille d’argent. L’établissement, simple
mais soigné, n’a rien d’un bouge pour marins en
goguette ; il est fréquenté par des habitués du
quartier et loge principalement des capitaines
de navire ainsi que des voyageurs aisés. Sa friture
d’anguilles au miel est réputée, et un fumet
appétissant flotte dans la salle aux tables cirées.
Almar laisse les héros s’installer pour aller parler
à l’aubergiste, qui le salue amicalement. Il revient
quelques minutes plus tard, la mine déconfite.
« Mes amis, j’ai de mauvaises nouvelles. Ektar,
l’aubergiste, est un ami de Samazar ; il vient de
m’apprendre qu’il y a trois jours, Samazar aurait
essayé de s’introduire sur la Dent Noire, l’île dans
la baie d’Urceb, sur laquelle nul n’a le droit de
poser le pied. C’est le fief d’Oda Unjab, un puissant
seigneur qui se fait appeler le Prêtre Rouge. C’est
un adorateur d’Yrzlak, le dieu forgeron, et lui-même
possède des forges réputées, d’où sortent les meilleures
armes d’Urceb. Samazar a dû vouloir cambrioler

114

sa forteresse, fou qu’il est ! La rumeur dit qu’il
croupirait depuis dans les geôles du Prêtre Rouge.
Suivez-moi dehors, je vais vous montrer l’île. »
Face au port, au milieu de la baie d’Urceb, à
quelques encablures de la côte, se dresse un bloc
sombre de roche basaltique, frangé d’écume
bouillonnante là où les vagues se brisent sur les
récifs au pied de ses hautes falaises. Le sommet de
l’île est couvert d’un bois de résineux aux formes
noueuses, façonnées par les puissants vents marins.
La forteresse d’Oda se trouve de l’autre côté de
l’île, face au grand large, leur explique Almar.
« Impressionnant, n’est-ce pas ? On dit que l’île
serait le vestige d’un ancien volcan qui se serait en
partie effondré dans la mer voici des siècles.
L’île est le domaine du seigneur Oda et il est
interdit d’y aborder sans sa permission. Il dispose
d’une importante garnison et de plusieurs navires,
et je crois savoir qu’il a déjà rendu de fiers services
à Urceb en traquant des vaisseaux pirates qui
menaçaient la prospérité du commerce maritime
dans la baie. C’est un homme énigmatique, qui ne
vient que rarement à Urceb, mais je l’ai déjà aperçu
à la cour de notre roi, Negedzar Frome. Je crois qu’il
115
Le Dieu Dévoilé
fournit au souverain une bonne partie des armes et
des armures de ses soldats, et on le dit très riche.
Je suis navré de ce contretemps. Ah, les astres
avaient bien annoncé des embûches…
Oh, regardez, ce chebek aux voiles rouges, là, ancré
face au port. C’est justement le navire du seigneur
Oda ! Je sais qu’il traite souvent ses affaires sur son
navire, tant il n’aime pas accueillir de gens sur son
île, ni venir en ville. »
Almar ne peut plus grand-chose pour les héros ;
il ne connaît pas personnellement le Prêtre Rouge
et ne voit pas comment les aider davantage. Il ne
pourra que leur suggérer d’essayer d’entrer en
contact avec lui. Sans doute y aura-t-il moyen de
le convaincre de les laisser parler à Samazar, en
espérant que ce dernier soit toujours en vie ? Mais
surtout, qu’ils se pressent d’agir : le seigneur Oda
n’est pas réputé pour sa compassion, et il y a fort
à parier que les jours de Samazar soient comptés.
Sur ces entrefaites, Almar de Chebeg renouvellera
ses remerciements aux héros, leur souhaitera
bonne chance et prendra congé pour rentrer chez
lui. Voilà nos héros livrés à eux-mêmes…
 Promenade en mer
Le temps qu’Almar fasse ses adieux aux héros,
un grand canot s’éloigne du chebek pour se
diriger vers le port. Propulsée par six rameurs,
Le Dieu Dévoilé
l’embarcation se rapproche rapidement des
quais, pour débarquer les trois passagers à son
bord. Un homme élancé, aux cheveux noirs et au
teint pâle, vêtu d’une robe brune aux manches
ornées de galons dorés, donne quelques ordres
aux deux domestiques qui l’accompagnent, un
jeune garçon et une femme, qui s’empressent de
partir vers le marché, un panier à la main. Suivi
de trois rameurs – qui ont la tenue de soldats –,
l’homme s’avance vers l’échoppe d’un marchand
qui l’accueille avec obséquiosité. Rapidement, les
soldats s’affairent à transporter plusieurs sacs et
tonnelets jusqu’au canot, sous l’œil attentif de leur
maître, qui a remis une bourse au marchand.
Note au MJ : si un héros s’en va interroger des
gens sur le port, il apprendra que cet homme n’est
autre que Lothar, l’intendant du Prêtre Rouge.
Les héros tiennent là l’occasion de prendre
contact et de demander audience auprès du
seigneur Oda. Lothar s’enquerra du motif pour
lequel les héros souhaitent rencontrer son maître.
Il ne répondra en revanche à aucune question
concernant Samazar, en se contentant de jauger
du regard les solliciteurs, les yeux légèrement
plissés. Après une hésitation, Lothar leur propose
la chose suivante : son maître se trouve à bord de
son navire et a terminé ses audiences du matin ;
qu’ils trouvent donc un pêcheur qui voudra bien
les mener jusqu’au navire ancré au large et qu’ils le
suivent quand lui-même repartira dans son canot.
Il ira porter leur demande à son maître. Si celui-ci
accepte de les recevoir, ils pourront monter sur le
chebek ; dans le cas contraire, ils devront rentrer
au port.
Il n’est guère difficile de dénicher un pêcheur
prêt à les transporter dans sa barque en échange
de quelques piécettes. Au bout d’une demi-
heure, les domestiques sont revenus du marché,
leurs paniers remplis de fruits et de légumes, et
les marchandises sont chargées à bord du canot.
Lothar fait signe aux héros et remonte dans son
embarcation tandis que les soldats se réinstallent
aux rames.
116
Il faut une dizaine de minutes pour rejoindre
le chebek à l’ancre. Interrogé durant le trajet, le
pêcheur est en mesure de donner les informations
suivantes :
W Le seigneur Oda est un homme craint et
respecté, mais mal connu de la population. Il ne
vient que rarement à terre. Il règne en maître sur
son île, où nul n’a le droit de se rendre. De toute
façon, la Dent Noire est difficile d’approche à
cause de ses récifs et de ses falaises abruptes.
W Les forges de son île crachent souvent des
panaches de fumée noire et l’on peut entendre
parfois dans le vent le tintement des marteaux sur
les enclumes.
W Sa forteresse, du côté du large, dispose
d’un grand ponton de bois où sont arrimés ses
vaisseaux. En plus de son chebek personnel, il
possède deux petites galères de guerre. On dit que
c’est un homme très riche, et très influent. Il doit
bien avoir cinquante ou soixante soldats sous ses
ordres, sans compter les marins qui servent sur
ses navires.
Rencontre avec le
Prêtre Rouge
Arrivé au chebek, le canot se colle à son flanc et
des hommes s’activent sur le pont pour transborder
les marchandises. Lothar fait signe à la barque
des héros de se rapprocher et de s’arrimer au
canot. Il va informer son maître, et leur demande
d’attendre ici. Puis il grimpe à l’échelle de corde et
disparaît sur le pont du navire.
Le chebek est un magnifique voilier fin et
élancé, à trois mâts aux voiles triangulaires d’un
rouge éclatant. La coque acajou est équipée
de sabords de nage pour permettre aussi de
naviguer à l’aviron. Plusieurs marins s’activent au
déchargement des provisions et quelques soldats
s’alignent au bastingage pour surveiller les héros
d’un air impassible. Ils portent des pourpoints de
cuir bouilli d’un beau rouge sombre, cloutés de
rivets de cuivre rutilants. Leurs uniformes comme
leurs armes semblent de qualité, et soigneusement
entretenus.
Après quelques minutes, Lothar réapparaît au
bastingage et annonce aux héros que son maître
consent à les recevoir. Ils peuvent monter à bord ;
quant au pêcheur, qu’il les attende dans sa barque.
Le pont du chebek est étincelant, lavé et brossé
de frais. Plusieurs marins s’affairent à rouler des
cordages, descendre la cargaison par l’écoutille de
cale, tandis qu’une douzaine de soldats, répartis

Le Dieu Dévoilé
sur la longueur du navire, observent d’un œil
vigilant les visiteurs. Sur le gaillard d’arrière,
auquel on monte par deux escaliers encadrant
une porte donnant accès à la cabine, le capitaine
surveille l’activité de ses hommes. Au milieu du
pont, entre les deux mâts principaux, un large
dais protège du soleil un divan garni de coussins
moelleux, installé sur un grand tapis soyeux. Une
coupe de fruits et une carafe de vin sont posées sur
une table basse, à côté d’un brasero sur les braises
duquel se consument des herbes qui libèrent une
fine fumée blanche à l’odeur fraîche et citronnée.
Lothar guide les héros jusqu’à cet espace et vient
se placer à côté du divan avant de leur présenter est vêtu d’une armure, une cotte de mailles sans
Sa Seigneurie Oda Unjab. doute. En revanche, le héros ne parvient pas à
distinguer son visage, qui est caché par le linteau
L’homme confortablement installé sur les
de la porte, ce qui semble indiquer que l’homme
coussins est vêtu d’un pantalon bouffant de soie
doit être particulièrement grand… (Il s’agit en
rouge et d’une large chemise de lin blanc aux
réalité de Kamatt, le garde kalukan d’Oda.)
manches retroussées. C’est un homme dans la
force de l’âge, solidement charpenté, au crâne rasé
et aux sourcils épilés. Ses avant-bras, imberbes, Échange de bons
s’ornent de tatouages abstraits et géométriques,
qui couvrent également sa poitrine, largement
procédés
révélée par l’ample ouverture du col de sa tunique Le Prêtre Rouge laisse les héros se présenter
(un héros possédant une carrière appropriée – et lui exposer leur requête, tout en les étudiant
sorcier, érudit ou alchimiste – pourra y reconnaître, du regard d’un air faussement nonchalant. Les
avec un test d’esprit, des signes cabalistiques qui joueurs vont logiquement lui demander si Samazar
ressemblent à des sceaux de protection). Il porte est toujours en vie et s’il y aurait un moyen de
au poignet gauche un bracelet d’argent serti de négocier sa libération, ou au moins d’être autorisés
petits rubis et une volumineuse bague à la main à lui parler. Ils ont en effet cruellement besoin de
droite, représentant une tête de salamandre tenant lui pour retrouver l’endroit que cherchait Jorkus
dans sa gueule un rubis. Son visage hâlé est rond lors de sa venue à Urceb !
et un peu empâté, mais la mollesse de ses traits est
Oda posera quelques questions sur le motif
démentie par l’acuité de ses yeux noirs au regard
de l’intérêt des héros pour Samazar, mais ne se
pénétrant. Un léger sourire flotte sur ses lèvres
montrera pas exagérément curieux et se satisfera
charnues, et il salue d’un signe de tête les héros.
même d’un mensonge, à condition qu’il soit
Note au MJ : si un héros déclare observer un minimum crédible. Les histoires des héros
attentivement les lieux, il pourra effectuer un test l’indiffèrent quelque peu, lui-même étant engagé
d’esprit. En cas de succès, il apercevra dans les dans l’affaire de sa vie (ce qui sera expliqué plus
ombres de la porte de la cabine, qui se trouve en loin). En revanche, ces étrangers aventureux, qui
léger contrebas par rapport au pont, la silhouette ont certainement l’air d’hommes et de femmes
indistincte d’un homme corpulent. Quelques fort capables, peuvent représenter pour lui une
reflets argentés sur son corps laissent penser qu’il occasion intéressante…

117
 L’onyx de feu
Cette variété d’onyx, excessivement rare, recèle effectivement de grands pouvoirs, mais qu’Oda s’est
bien gardé de révéler aux héros. Un personnage possédant une carrière de sorcier ou d’alchimiste
pourra, en réussissant un test d’esprit Difficile -2 (Très difficile -4 pour un érudit), se rappeler que
l’onyx de feu est une pierre réputée pour ses vertus bénéfiques et protectrices, notamment contre les
Le Dieu Dévoilé

puissances du Néant, et à laquelle on prête aussi d’importantes propriétés divinatoires. Un alchimiste

pourrait potentiellement l’utiliser dans la fabrication d’une arme de grande qualité, mais le personnage
ne sait rien de précis à ce sujet.

Une légende raconte que les onyx de feu proviendraient d’escarbilles jaillies de la forge d’Yrzlak, un
jour que son disciple Jarnur avait mis trop d’entrain à activer le puissant soufflet pour ranimer les
braises. Les étincelles de feu divin, tombées sur la terre, se seraient enfoncées profondément dans le
sol, donnant naissance aux onyx de feu, où couve encore l’incandescence de la forge d’Yrzlak.

Après avoir écouté les héros, Oda leur
confirmera donc que Samazar est toujours en
vie. Le gredin a été capturé il y a trois jours, alors
qu’il s’était introduit sur son île, en compagnie
de quelques filous de son espèce. Mais ses gardes
les ont interceptés et Samazar attend désormais
son bon vouloir dans une geôle de son château.
Il expliquera, avec un sourire à glacer le sang, être
encore en train de réfléchir au châtiment adéquat
afin de décourager les velléités des autres voleurs
d’Urceb ; il songeait à l’attacher à la proue de son
navire et à naviguer dans le port, au vu et au su de
tous, jusqu’à ce que Samazar finisse par se noyer,
et à le laisser pourrir là, dévoré par les poissons,
en guise d’avertissement. Toutefois, il n’aurait rien
contre l’idée de céder son prisonnier aux héros, en
échange d’un juste dédommagement.
Après s’être fait confirmer par les héros que
ce sont des étrangers et qu’ils comptent repartir
d’Urceb aussitôt leur affaire réglée, il leur propose
l’arrangement suivant :
« Il existe à Urceb un riche négociant qui a
pour nom Elistar. Il possède plusieurs mines
prospères dans les plaines de Klaar, d’où ses esclaves
extraient diverses gemmes et pierres précieuses. On
le surnomme “le Filonier”, car il semble avoir un
véritable don des dieux pour identifier les filons
les plus riches et les plus prometteurs. Il vend
principalement ses pierres aux joailliers, mais il
s’est fait aussi une spécialité dans les cristaux, les
minéraux et les pierres possédant des propriétés
intéressant les alchimistes et les forgerons. Il possède
notamment une mine où l’on trouve différents types
d’onyx, dont une pierre particulièrement rare que
l’on nomme l’onyx de feu. Il s’agit d’un onyx noir
à bandes concentriques orangées autour d’une tache
ronde d’un rouge vif et translucide. Une pierre
certes de toute beauté, mais qui possède de grandes
vertus pour un habile forgeron versé dans la science
alchimique. Je ne rentre pas les détails, mais disons
que l’utilisation d’une telle pierre, au cours de la
fonte de l’acier, permet d’obtenir un métal d’une
qualité à toute épreuve.
Il se trouve que les mineurs d’Elistar ont
récemment découvert un onyx de feu d’une taille
et d’une eau exceptionnelles. Ce dernier s’est
fait un malin plaisir à me la montrer, avant de
refuser obstinément de me la vendre, malgré mes
offres répétées et plus que généreuses (un spasme de
contrariété crispe un instant les traits indolents du
Prêtre Rouge). C’est qu’Elistar et moi ne sommes
pas en très bons termes, voyez-vous. Enfin, ceci est
une autre histoire…
Bref, il se trouve qu’Elistar est absent d’Urceb,
et que je sais en quel endroit de sa demeure il
conserve ses gemmes les plus précieuses. Vous êtes
des étrangers à Urceb, sans lien avec moi, et vous
quitterez bientôt cette ville. Si vous dérobez cette
pierre et me la rapportez, j’accepterai en échange
de vous remettre Samazar, et vous serez libres de
faire ce que vous voulez de lui. Il y a toutefois deux
conditions : vous devrez faire en sorte que nul ne
se rende compte de ce vol. Je vous fournirai une
réplique exacte de l’onyx de feu qu’il vous faudra

118
substituer à la pierre originale, en veillant à ce que
cette effraction demeure inaperçue, ou qu’au pire
cela passe pour un cambriolage ou une tentative
de cambriolage tout à fait banale, sans que le
Filonier puisse se douter que l’onyx de feu en était
l’objet. Il n’aura ainsi aucune raison de douter de
l’authenticité de sa pierre – il existe un moyen très
simple de reconnaître un véritable onyx de feu – et
ne devrait pas s’apercevoir de la supercherie avant
un bon moment.
De plus, vous n’aurez que cette nuit pour agir ;
d’après mes informations, le Filonier sera de retour
demain, dans la journée. J’avais renoncé à ce
projet, faute de disposer des bonnes personnes pour
le mener à bien ; ce sont donc les dieux qui vous
envoient à point nommé !
Je dispose d’informations sur sa demeure et ceux
qui la gardent en son absence, que Lothar vous
communiquera si vous acceptez ce marché. »
Oda laisse un moment aux héros pour discuter
en privé de cette proposition, s’ils en expriment
le souhait. Il devrait vite apparaître aux joueurs
qu’ils n’ont pas vraiment le choix : ils ont à tout
prix besoin de Samazar, et pas vraiment le temps
de trouver un autre moyen de le libérer.
Une fois que les héros ont accepté le marché,
Oda s’absente pour disparaître dans la cabine du
chebek et revient quelques dizaines de minutes
plus tard avec une petite bourse, un parchemin,
une plume et un encrier. Il reprend place sur son
divan, sort de la bourse une pierre ovale, d’un beau
noir luisant, cerclée de lignes orangées autour
d’un rond rouge translucide. Il la contemple un
instant d’un air satisfait, avant de la remettre aux
héros. C’est, leur affirme-t-il, la copie exacte de
l’onyx de feu du Filonier.
Puis il écrit son nom sur le parchemin et
demande à chacun des héros d’y inscrire le sien :
« Une petite garantie supplémentaire, pour
sceller notre accord. Par mon nom sur ce parchemin,
je m’engage à vous remettre Samazar si vous me
rapportez la pierre aux conditions énoncées, et à
ne pas chercher à vous nuire. En retour, vous vous
engagez à accomplir cette mission, ainsi qu’à ne
pas chercher à me faire faux bond, par exemple en
prévenant les hommes du Filonier. Après tout, je
ne vous connais pas… Yrzlak, le dieu forgeron,
119
sera témoin de notre pacte ; celui qui viendrait à y
manquer subirait sa malédiction. »
Une fois les noms inscrits sur le parchemin,
Oda le roule et le dépose sur le brasero. Le vélin
se racornit et noircit, mais, étrangement, ne brûle
pas…
Le Dieu Dévoilé
« Le dieu restera témoin de notre accord, jusqu’à
ce que vous m’ayez rapporté le véritable onyx de
feu. Je vous souhaite bonne chance. Lothar va vous
raccompagner et vous expliquer les derniers détails. »
Note au MJ : le parchemin qui ne brûle pas est
un tour de passe-passe (un simple charme) destiné
à impressionner les héros (Oda sait combien les
esprits faibles se montrent influençables). S’ils
brisent le pacte conclu avec le Prêtre Rouge, il
ne se passera absolument rien ; mais courront-ils
ce risque, alors que leur nom est inscrit sur un
parchemin qui, déposé sur des braises, ne prend
pas feu ? Quant à la copie de l’onyx de feu, Oda
a enchanté une pierre banale afin qu’elle lui
ressemble comme deux gouttes d’eau. Voilà qui
devrait garantir que le Filonier ne se doute pas du
vol pendant au moins quelque temps.
Lothar demande aux héros de l’attendre près de
l’échelle de corde qui descend au canot et reste
au côté de son maître, le temps de recevoir ses
instructions. Puis il les rejoint au bastingage, et
fait signe aux soldats qui se trouvent à proximité
de s’éloigner.
De nouvelles
informations
Lothar livre donc de plus amples informations
aux héros concernant le Filonier. Il prend la
peine de parler à mi-voix, afin de ne pas se
faire trop entendre des soldats restés à distance
respectueuse, mais ne s’embarrasse pas de
précautions supplémentaires (le Prêtre Rouge
doit avoir manifestement une grande confiance
dans ses hommes).
W Le Filonier réside dans une belle villa
entourée d’un jardin et d’un mur d’enceinte, rue
de l’Abondance, dans le quartier des Loges. Le
portail en fer forgé est surveillé par deux gardes
et deux autres patrouillent le jardin, en effectuant
plusieurs rondes par nuit. La maison compte dix
Oda Unjab, le Prêtre Rouge
De prêtre, Oda n’en a que le nom et se prétend dévot d’Yrzlak pour se donner de la prestance.
Aventurier, soldat et alchimiste, il a hérité du titre de seigneur de la Dent Noire il y a plus de vingt ans,
pour service rendu, après avoir éliminé le précédent maître de ce fief, qui s’était voué à Zaggath. L’île,
vestige d’un ancien volcan, où une faille profonde donne encore accès à un conduit magmatique, était
en effet un lieu propice à l’adoration du sombre seigneur du feu.
Peu porté sur les choses de la religion, Oda étudia toutefois les textes impies de son prédécesseur, entre
autres recherches cabalistiques. Il fit prospérer son domaine, créa de grandes forges qui bâtirent sa
richesse, s’essaya à la création alchimique d’armes et d’armures exceptionnelles.
Récemment, il s’est senti prêt à tenter un rituel dangereux d’évocation d’un forgeur de Zaggath, un
esprit démoniaque au service du seigneur du feu. Il espère parvenir à contrôler le démon afin de le
contraindre à forger pour lui une arme mythique. Il a œuvré de longues années à préparer tous les
éléments du rituel et à en répéter les incantations complexes. Il dispose du lieu adéquat (la faille
donnant sur le conduit de lave), a réuni les assistants en nombre nécessaire, et sait qu’il lui faudra
psalmodier de longues heures avant la conclusion du rituel. Il ne lui manque plus qu’une victime
humaine pour le sacrifice rituel, mais il ne peut s’agir de n’importe qui. Certaines caractéristiques sont
indispensables : des cheveux couleur de feu, des yeux noirs comme l’obsidienne, et une naissance dans
les flammes…
Une semaine avant l’arrivée des héros, Oda assista à une soirée réunissant l’élite de la ville dans la
propriété du seigneur Narubio, maître du guet d’Urceb. Un jeune serviteur roux, aux yeux noirs, servait à
table ; Oda posa quelques habiles questions à Narubio et apprit que le jeune garçon, Menni, était un sien
cousin, orphelin de père et de mère, né dans des circonstances dramatiques, au milieu de la fumée et des
cendres d’un grand incendie qui avait ravagé une partie du quartier des Puits, onze ans plus tôt.
Oda tenait enfin le dernier élément nécessaire à son rituel ! Faisant mine d’être touché par le cruel
destin du garçon, il offrit à Narubio de le prendre comme apprenti à son service, lequel refusa poliment,
mais fermement. Frustré et impatient, Oda organisa le rapt du garçon quelques jours plus tard.
Alors que Menni était tenu enfermé dans une chambre de son donjon, Oda entama les longs
préparatifs du rituel. Mais, deux nuits après l’enlèvement du garçon, des hommes tentèrent de
s’introduire dans sa forteresse ; ses gardes les éliminèrent et firent un prisonnier, le fameux Samazar
le Magnifique, un gredin célèbre à Urceb. Occupé à son grand œuvre, Oda ne fit pas le lien, croyant à
une vulgaire tentative de vol (ce n’était pas la première fois), sans se douter que Samazar était venu pour
sauver Menni (ce qui sera expliqué plus tard ; cf. page 125).
Oda est donc désormais sur le point de se lancer dans la dernière phase du complexe rituel d’évocation.
Mais il n’est pas inconscient des dangers de frayer avec un puissant démon, et il aurait bien aimé
pouvoir compter sur les pouvoirs protecteurs de l’onyx de feu que ce diable de Filonier lui a montré,
avant de refuser de le lui vendre. Aussi, quand les héros viennent le trouver, il saisit cette occasion de
récupérer la pierre en mandatant ces étrangers pour la lui ramener. Samazar lui importe peu et le libérer
serait peu cher payé pour un onyx de feu. Oda a déjà entamé son rituel ; si les héros lui apportent la
pierre comme convenu, tant mieux. Dans le cas contraire, il poursuivra tout de même l’incantation,
à présent qu’il a réuni tous les éléments requis. Et tant pis s’il ne peut bénéficier de ce surcroît de
protection. Il n’a donc, croit-il, rien à perdre et tout à gagner à traiter avec les héros !

120
gardes en tout, ainsi que six domestiques. Le
Filonier est veuf, et ses deux fils adultes n’habitent
plus chez lui. En son absence, la maisonnée est
laissée aux bons soins de son intendant Julak. C’est
un gros homme glabre, aux cheveux blonds coupés
au bol. Julak est un joueur invétéré, qui profite
des absences de son maître pour s’encanailler au
Sourire de Piandra, un établissement de bonne
réputation qui fait office à la fois de tripot et de
maison de passe, à quelques rues de là. Ce Julak ne
quitte jamais son trousseau de clefs, qui ouvrent
toutes les portes de la maison de son maître.
W Le seigneur Oda sait que le Filonier
conserve ses pierres les plus précieuses dans une
chambre secrète souterraine, à laquelle on accède
par un passage dissimulé dans son bureau, au rez-
de-chaussée (« la deuxième porte dans le couloir
après l’escalier »). Il ignore en revanche quel type
de protection peut bien veiller sur ses trésors
(« mais le Filonier est un homme plein de
ressources, aussi restez sur vos gardes »).
W Lothar rappelle bien aux héros qu’ils
doivent opérer la substitution sans se faire repérer
et sans rien déranger, dans l’idéal. Au pire, ils
doivent faire passer leur intrusion pour un
cambriolage ordinaire (ou une tentative avortée),
sans que rien n’indique que l’onyx de feu était
leur cible.
Avant de les laisser regagner la barque du
pêcheur par l’échelle de corde, Lothar les informe
que le chebek reviendra demain matin. Le canot
les attendra au port, pour les conduire à son maître
quand ils auront accompli leur tâche. Samazar leur
sera alors livré, conformément à l’accord conclu.
Casse chez le Filonier
Fort de ces informations, il ne reste plus aux
héros qu’à étudier les lieux et à mettre au point
un plan. Vos joueurs vont devoir faire preuve
d’inventivité, car le temps leur est compté. Leurs
personnages n’ont qu’une nuit pour agir !
La demeure du Filonier est aisée à trouver, et
conforme à la description de Lothar. Le mur
d’enceinte mesure deux mètres cinquante de haut,
dominé par les arbres du jardin. Depuis la grille
d’entrée, il est possible de voir que la villa comporte
121
un étage, surmonté de combles, où logent sans
doute les domestiques. Avec ses grandes fenêtres
et ses deux larges balcons à l’étage, la maison n’a
rien d’un bastion imprenable.
Deux gardes en armure de cuir se tiennent
effectivement en faction derrière la grille, avec
Le Dieu Dévoilé
l’air de s’ennuyer ferme. Il est possible d’observer
les lieux et d’apercevoir un homme blond ventri-
potent donner des instructions au jardinier, deux
servantes sortir faire des achats, trois gardes dis-
cuter au soleil, assis sur les marches du perron,
bref, la vie normale d’une maisonnée. Julak l’in-
tendant sort dans l’après-midi pour une course,
s’arrête dans une taverne pour se désaltérer, puis
retourne à la demeure. Il ressort après le dîner
pour se rendre au tripot Le sourire de Piandra en
frottant ses mains avides d’un air d’impatient, un
grand sourire aux lèvres, non sans avoir aboyé sur
les gardes à la grille, en leur enjoignant d’ouvrir
l’œil. Deux autres gardes patrouillent dans le jar-
din et font le tour de la propriété à intervalles plus
ou moins réguliers (une fois par heure, environ),
s’arrêtent à la grille discuter avec leurs camarades
en faction, avant de rentrer dans la maison pour
s’installer à la cuisine en attendant leur prochaine
ronde. Les gardes logent dans un dortoir dans les
combles (où dorment aussi les domestiques).
Note au MJ : le vol de l’onyx de feu n’est
qu’un petit avant-propos à la véritable intrigue
de cette aventure, mais qui aura toutefois des
conséquences majeures sur la suite. La demeure
du Filonier n’est pas décrite dans le moindre
détail et, à condition que les joueurs trouvent
une bonne solution, faites en sorte que l’affaire se
déroule sans trop d’accrocs. L’accès à la chambre
secrète du Filonier n’a pas vocation à représenter
un défi complexe et tortueux. Il vous faudra donc
réagir en fonction des décisions des joueurs, sans
trop leur compliquer la tâche.
Plusieurs options s’offrent à eux : ils peuvent se
faufiler discrètement dans le jardin, entre deux
patrouilles, sans se faire voir des gardes à la grille
d’entrée. Ou neutraliser les gardes et simuler
le cambriolage de la maison, afin de masquer la
substitution de la pierre. La bâtisse compte deux
portes secondaires sur le jardin, en plus de la porte
principale. Elles sont verrouillées pour la nuit, mais
guère difficiles à crocheter (avec un test d’agilité).
Les fenêtres sont également simples à forcer.
 Les héros peuvent aussi s’intéresser à Julak pour
lui voler ses clefs, ou trouver un moyen de le faire
chanter (par exemple en trichant contre lui au
tripot afin de lui faire perdre une forte somme,
avant de proposer d’effacer sa dette contre un
certain « service »). Ils peuvent enfin tenter
Le Dieu Dévoilé

de soudoyer les gardes ; ces derniers détestent

en effet leur maître et son intendant, qui leur
aboient dessus à la moindre occasion. Il faudra les
convaincre que leur intrusion passera inaperçue
et leur offrir un pot-de-vin conséquent, mais la
chose reste possible.

L’onyx de feu La cave

En admettant que les ingénieux héros soient
parvenus à pénétrer dans la demeure du Filonier
sans se faire repérer, ils découvrent à la maigre
clarté de la lune un riche intérieur, où s’accumulent
meubles précieux, tapisseries et bibelots rares.
Passés le vestibule et l’escalier qui monte à l’étage,
un couloir ouvre sur plusieurs salles et salons. La
deuxième porte est fermée à clef (test d’agilité
Ardu, -1 pour la crocheter). Elle donne sur un
grand cabinet d’étude, meublé d’un bureau, d’une
bibliothèque et d’une commode où s’aligne une
collection de roches et de minéraux curieux ou
précieux. Informés de l’existence d’un passage
dérobé, les héros n’auront aucun mal à découvrir
une trappe dans le sol, accolée au mur et dissimulée
sous un tapis sur lequel est posé un petit guéridon.
La trappe n’est pas verrouillée et donne sur un
escalier qui s’enfonce dans les ténèbres. Les héros
auront sans doute besoin d’une source de lumière
; si un joueur en fait la demande, il trouvera sur
le bureau une chandelle, fichée sur un bougeoir
macabre en forme de crâne humain.
Une volée d’une dizaine de marches creusées à
même la roche débouche dans une petite pièce
rectangulaire aux murs maçonnés et au sol pavé
(cf. plan). Face à l’escalier se dresse une lourde
porte en bois, verrouillée. Un rai ténu de lumière
filtre sous la porte, mais aucun bruit ne se fait
entendre de l’autre côté.
Si les héros disposent du trousseau de Julak, ils
constateront qu’aucune clef ne correspond à cette
serrure, qui est de bonne facture (test d’agilité
ou de vigueur Difficile, -2 pour la crocheter ou
l’enfoncer).
du Filonier
La porte ouvre sur une petite pièce similaire, avec
un passage voûté dans le mur de gauche. L’arche
est encadrée de deux chandeliers d’un mètre de
haut, en métal ouvragé, portant chacun un gros
cierge allumé. La flamme des deux bougies vacille
un instant dans le courant d’air à l’ouverture de
la porte, faisant danser d’inquiétantes ombres sur
les murs. Le passage donne sur une autre salle, au
sol également pavé, dont le mur du fond est une
paroi de roche naturelle. Depuis l’entrée, seule
une petite partie de la pièce, qui se prolonge sur la
gauche, est visible.
Note au MJ : si un héros s’intéresse aux
chandeliers, il remarquera que la cire des bougies
contient des impuretés, des filaments, des grains
sombres. Il notera aussi qu’aucune coulure ne
macule le cierge ou le chandelier. Il y a clairement
quelque chose d’étrange, comme si ces bougies
brûlaient sans se consumer…
Si un héros franchit le passage voûté, il découvre
une longue salle rectangulaire de cinq mètres sur
deux, qui s’enfonce sur la gauche. Le mur de droite
n’est pas maçonné comme le reste de l’endroit
et se compose d’une paroi rocheuse irrégulière,
légèrement inclinée vers le sol, présentant en son
milieu une étroite faille verticale, d’une vingtaine
de centimètres de large, qui court sur presque
toute sa hauteur. Au fond de la pièce se trouve
une table en pierre, derrière laquelle s’aperçoit une
grosse commode qui comporte plusieurs rangées
de petits casiers à poignée de cuivre.

122

C’est ici que le Filonier conserve ses trésors
minéraux, sous la garde vigilante d’un démon de
fumée qu’un sorcier a évoqué pour lui. Ce démon
des ombres habite dans la faille de la paroi et
surgit pour attaquer quiconque outrepasse cette
limite. Les deux cierges à l’entrée de la pièce sont
enchantés et peuvent brûler perpétuellement,
mais ils ont également une autre fonction :
leur lumière repousse le démon et l’empêche de
quitter la pièce. Quand le Filonier descend en ce
lieu, il se munit du bougeoir en forme de crâne
sur son bureau, dont la bougie possède les mêmes
pouvoirs, ce qui lui permet de passer devant le
démon sans crainte.
Dès qu’un héros s’aventure au-delà de la faille,
le démon surgit et attaque toute personne dans
la pièce. Il ne peut sortir de la pièce tant que les
cierges se trouvent à l’entrée (et sont allumés). Si un
héros a pris le bougeoir dans le bureau du Filonier
et entre dans la pièce avec celui-ci, le démon sort
de la faille, pour y refluer aussitôt, mais resurgira
pour s’en prendre à toute autre personne se tenant
au-delà du cercle protecteur de la lumière de la
bougie (3 m de diamètre environ). Si les joueurs
ont l’idée d’approcher un des gros chandeliers, le
démon fuit pareillement la zone de lumière ; il
suffit de le déposer (ou le bougeoir) à l’entrée de la
faille pour bloquer le démon à l’intérieur.
123
Démon fuligineux
(démon inférieur)
Ce démon se présente sous la forme d’un nuage
bouillonnant de suie opaque qui jaillit de la faille et
envahit la pièce en étouffant toute lumière autre que
celle des bougies enchantées. Intangible, le démon de
fumée s’insinue dans le corps de sa victime et la tue
de l’intérieur.
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 2 Initiative 4
Agilité 4 Mêlée 2
Esprit 0 Tir 0
Aura 0 Défense 0
Protection : 0
Dégâts : d6 + 2
Vitalité : 22
Pouvoirs démoniaques :
Intangible : le démon n’a pas de corps physique et
ne peut être blessé que par la sorcellerie ou l’alchimie.
Suffocation : le démon effectue une attaque normale ;
en cas de succès, il s’insinue dans le corps de sa cible
en pénétrant par sa bouche, ses narines, ses yeux et
ses oreilles, et inflige ses dégâts (il asphyxie sa cible et
bloque ses fonctions vitales). Il continue à être visible
sous la forme d’un nuage obscur et bouillonnant qui
s’agite dans la salle, mais des filaments ombreux et
mouvants le relient à sa proie. À chaque round suivant,
le démon n’effectue plus d’attaque, se concentrant sur
sa victime, qui a droit à un test de vigueur Difficile (-2)
pour réussir à expulser le démon de son corps. En cas
d’échec, elle subit de nouveau les dégâts, et le même
processus se poursuit chaque round, jusqu’à réussite
du test ou que mort s’ensuive. La fumée ténébreuse
s’échappe alors du cadavre, pour s’en prendre à une
nouvelle cible.
Si la victime du démon se retrouve dans le périmètre
lumineux d’une des bougies enchantées, le démon est
automatiquement chassé de son corps.
 Quand tout bascule
À condition d’avoir réglé le problème du démon,
les héros sont en mesure d’accéder au fond de la
salle. Il n’y a rien sur la table de pierre ; quant aux
petits casiers du meuble, dont certains sont vides,
Le Dieu Dévoilé
ils contiennent une impressionnante collection
de cristaux, de minéraux, de géodes et de pierres
précieuses… dont l’onyx de feu. Le héros qui
opère la substitution et s’empare de l’onyx ressent
une vive chaleur dans sa main en se saisissant de
la pierre, mais la sensation ne dure qu’un instant.
À partir de ce moment, les pouvoirs de
prescience de l’onyx de feu viennent de s’activer,
et tout ce qui va suivre relèvera en réalité d’une
vision prémonitoire reçue par le héros qui a
touché la pierre en premier. Les joueurs, bien
sûr, ne doivent rien soupçonner de tout ceci.
Poursuivez donc l’aventure normalement,
jusqu’au moment où un événement « ramènera »
les héros à cet instant précis où l’un d’eux a posé
la main sur l’onyx de feu rangé dans son petit
casier et où ils auront la révélation que tout ce
qu’ils viennent de vivre appartenait en réalité à
une vision reçue par leur camarade !
Notez discrètement sur un papier les points
d’héroïsme, de foi, de pouvoir, ainsi que les
ressources qu’ils utiliseront à partir de cet
instant, puisqu’ils ne les dépenseront pas
réellement. Et prenez soin de bien retenir la
scène au moment où le héros se saisit de la pierre
(où se trouvent ses camarades, le démon, quelle
est la situation), de manière à pouvoir la décrire
à nouveau fidèlement, quand les joueurs seront
ramenés à cet instant de l’aventure.
La pierre contre
Samazar
Une fois que les héros ont quitté la demeure
du Filonier, dans l’idéal sans se faire repérer, il ne
leur reste plus qu’à attendre le matin. Une heure
après le lever du soleil, les voiles rouges du chebek
d’Oda apparaissent sur la mer et le navire vient
jeter l’ancre face au port. Le canot rejoint les quais
et Lothar invite les héros à monter à bord.
124
De retour sur le chebek, les héros découvrent
une scène similaire à la première fois. Le seigneur
Oda est vêtu aujourd’hui d’une longue tunique
de brocart noir à large ceinture de soie écarlate.
Debout devant le bastingage, il contemple son
île d’un air concentré, avant de se tourner vers les
héros. Sur la table basse, le brasero est toujours là,
avec le parchemin racorni et fumant qui rougeoie
sur son lit de braises. Une épée dans son fourreau
ouvragé est posée à côté.
Le Prêtre Rouge s’informe du succès de la
mission et demande à voir l’onyx de feu. Il examine
la pierre avec un sourire avide, puis la dépose sur
les braises chaudes. Au bout d’un instant, le rond
rouge qui orne la pierre se met à luire d’un éclat
rouge-orangé, comme illuminé de l’intérieur. Oda
hoche la tête d’un air satisfait ; il s’agit bien d’un
onyx de feu.
« C’est parfait. À mon tour de remplir ma part
du marché », déclare-t-il en claquant des doigts.
Deux soldats émergent de la cabine à l’arrière en
portant une forme enroulée dans un drap blanc,
qu’ils déposent devant les héros. Un homme est
allongé dedans. Il a la quarantaine et le physique
maigre et musclé d’un chat de gouttière. Ses
vêtements de cuir noir sont déchirés et tachés de
sang. Il ouvre des yeux fiévreux et hantés, en serrant
contre sa poitrine le moignon de son poignet
droit, recouvert d’un linge poisseux de sang. Son
visage aux joues creusées, livide et crasseux, n’est
cependant pas sans beauté ni noblesse.
« Comme convenu, voici Samazar, dit le
Magnifique, ajoute-t-il avec un petit rire cruel.
Je ne pouvais tout de même pas le libérer sans
lui laisser un souvenir de son incursion sur mon
île. Mais, comme vous le voyez, il pourra encore
répondre à vos questions et vous aider dans
votre quête. Ceci conclut donc notre affaire ;
nous n’avons plus besoin de cette garantie. » Oda
s’empare du parchemin noirci et le broie dans
son poing, répandant une pluie de cendres sur
le pont ciré. Il frotte ses mains dans un geste
théâtral et salue les héros d’un signe de tête,
avant de se détourner.
Lothar ordonne aux soldats d’installer Samazar
dans le canot et invite les héros à y prendre place.
Un ennemi qui n’en est
pas un…
Revenus au port, les héros doivent s’occuper
de Samazar qui, bien que vivant, est assez mal
en point, et à peine conscient. Ils l’amèneront

Le Dieu Dévoilé
sans doute à leur auberge afin de le soigner, ou
se mettront en quête d’un médecin. La suite de
ce chapitre part de ce principe ; mais quel que
soit l’endroit où s’installent les héros, la scène se
déroulera de manière similaire.
Quelques dizaines de minutes après leur arrivée
à leur auberge, les lieux sont investis par un fort
parti de gardes de la ville en pourpoint de cuir
noir, menés par un homme d’une cinquantaine
d’années, solidement charpenté et imposant, au
visage sévère, rasé de frais. Il porte une tunique
noire sur une chemise de mailles et une épée au
côté. Ses hommes se déploient, menaçants, sans
pour autant se jeter immédiatement sur les héros.
Si ceux-ci dégainent et font mine de vouloir
combattre, le capitaine lève une main en signe
rapidement, puis se rapproche de Samazar pour
d’apaisement.
examiner sa blessure. Il sort de sa petite sacoche
« Du calme, étrangers. Je suis Narubio, Protecteur quelques instruments, des bandages propres, et
de la ville et chef du guet. Mes hommes encerclent fait boire au blessé le contenu d’une fiole.
le bâtiment, inutile d’en venir à un bain de sang.
Pendant ce temps, Narubio demande aux héros
Je sais que vous vous êtes introduits hier soir chez
de lui expliquer ce qu’ils trafiquent pour le Prêtre
le seigneur Elistar le Filonier. Je devrais vous faire
Rouge et quel était le but de leur intrusion chez
jeter en cellule pour ça, mais nous allons d’abord
le Filonier. Les joueurs ont intérêt à jouer franc
parler. »
jeu : s’ils tentent de noyer le poisson, Narubio leur
Narubio fait signe à son sergent, qui ordonne montrera en quelques remarques qu’il sait qu’ils
aux soldats de quitter la pièce, laissant le capitaine ont rencontré Oda sur son chebek la veille, et
seul avec les héros. Sans manifester le moindre leur détaillera leurs actions du soir. Narubio a des
signe d’inquiétude, Narubio s’approche de yeux et des oreilles dans toute la ville ; il a parlé
Samazar, qui a perdu connaissance, et serre sa au tavernier de L’anguille d’argent, et même avec
main valide dans la sienne en murmurant « Mon Almar de Chebeg, qu’il a rattrapé à sa sortie de
ami ». Il fronce les sourcils en voyant le moignon la ville, et qui lui a raconté tout ce qu’il sait sur
de son bras droit et appelle en direction de la les héros. Amrazh, qui est un magicien attaché au
porte, sur le seuil de laquelle se tient encore son service de Narubio, interviendra éventuellement
sergent : « Marek, fais venir Amrazh. » d’une remarque, sans lever les yeux de sa tâche
(par exemple, si les héros ne mentionnent pas
Le sergent s’éclipse, pour revenir quelques
l’onyx de feu, il pourra lancer d’un air détaché :
minutes plus tard en compagnie d’un homme
« ils cherchaient une pierre, une pierre spéciale »).
maigre et très grand (il doit frôler les deux
mètres), au visage émacié et glabre, vêtu de Finalement, Narubio s’assiéra avec un soupir et
longues robes bleu pastel. Son front s’orne en son expliquera qu’il soupçonne le Prêtre Rouge d’avoir
centre d’un tatouage bleuté en forme d’œil, rempli enlevé Menni, un jeune garçon de sa maison-
d’arabesques délicates. Il tourne son regard pâle, née (cf. encadré « Oda Unjab, le Prêtre Rouge »,
presque laiteux, vers les héros, qu’il dévisage page 120).

125
 « Oda est un personnage mystérieux. Il a la
confiance de notre roi et règne en maître sur son île,
qui échappe à mon autorité. Je n’ai aucun pouvoir
là-bas. Mais nous savons, dit-il avec un regard vers
Amrazh, que c’est un praticien des arts magiques,
en plus d’être un alchimiste réputé. Je suis sûr que
Le Dieu Dévoilé
Menni a été enlevé par Oda ; ce dernier a montré
trop d’intérêt pour ce garçon, et sa disparition
quelques jours après qu’il m’a offert avec autant
d’insistance de le prendre à son service ne me laisse
aucun doute. Amrazh, qui est lui-même doté de
certains talents, sent qu’il se passe quelque chose
sur la Dent Noire ; Oda s’est lancé dans quelque
projet funeste, et je n’ose penser au rôle que pourrait
y tenir Menni…
Mais il est une chose qu’il ignorait, un secret connu
de quelques personnes seulement : Menni est le fils
de Samazar. Ce gredin et moi nous connaissons
de longue date ; la vie nous a fait prendre des
chemins différents, mais nous sommes restés amis
malgré tout. Quand la mère du garçon est morte
en lui donnant naissance, Samazar m’a confié son
fils afin qu’il grandisse dans une bonne maison. La
vie que mène Samazar n’est pas vraiment propice
à l’éducation d’un enfant, et je lui devais bien ça…
Le garçon ignore qui est son père ; il croit être
le fils d’un lointain cousin à moi, mort avant sa
naissance. Je tanne Samazar pour qu’il lui dise la
vérité ; il argue que Menni est encore trop jeune
pour comprendre, mais je crois que c’est surtout lui
qui n’est pas prêt.
Quand Menni a disparu, j’en ai évidemment
averti Samazar et lui ai fait part de mes soupçons.
Il a résolu de s’infiltrer dans la forteresse du Prêtre
Rouge pour retrouver son fils, avec le succès que
l’on sait, malheureusement. Ces derniers jours,
mes hommes ont surveillé en permanence l’île et
les moindres mouvements du Prêtre Rouge. Aussi,
depuis que vous l’avez rencontré sur son navire
hier matin, je ne vous ai pas quittés des yeux. »
À ce moment-là, Samazar reprend connaissance,
grâce aux bons soins d’Amrazh et à son remède, et
Narubio se porte immédiatement à son chevet. Il
relate d’une voix hachée et balbutiante qu’il a été
capturé par les soldats du Prêtre Rouge sans avoir
pu retrouver son fils. Mais, alors qu’on le sortait
de sa geôle ce matin, juste avant qu’on lui tranche
126
la main, il a entendu un garde raconter qu’il avait
emmené l’enfant à la grotte, où il l’avait remis aux
apprentis du Prêtre Rouge.
« Je crains le pire pour lui, Narubio. Le garde a
dit que les enclumes résonnaient en permanence
dans la grotte, qu’Oda y passait le plus clair de
son temps, et que les soldats avaient interdiction
de s’en approcher. En arrivant sur l’île, j’ai aperçu
une lueur rougeoyer entre les arbres, comme celle
d’un feu ardent s’échappant par une cheminée, au
sommet des falaises. C’est là qu’il est emprisonné,
j’en suis sûr ! »
Les héros ont à présent l’occasion de discuter
avec Samazar, qui pourra leur confirmer qu’il a
bien conduit Jorkus et Lok Kozaar dans l’Urceb-
du-dessous, il y a plusieurs mois de cela. Il se
rappelle parfaitement l’endroit et pourra les y
mener… mais il a besoin d’eux pour aller sauver
son fils ! Désespéré, il monnaie son assistance :
la vie de son fils contre les informations qu’il
détient sur Jorkus. Narubio se joindra à lui pour
tâcher de convaincre les héros : s’ils les aident
dans cette affaire, il oubliera le cambriolage chez
le Filonier. Narubio est pieds et poings liés ;
il n’a aucune preuve pour aller voir le roi et ne
peut envoyer officiellement ses hommes sur l’île,
où il n’a pas autorité. De toute façon, tout cela
prendrait trop de temps. D’après Amrazh, le
Prêtre Rouge manigance quelque chose, et un
maléfice est à l’œuvre.
Il faudra passer par les falaises afin d’éviter
la forteresse du Prêtre Rouge, et Samazar sait
d’expérience quel endroit est le plus propice à une
escalade. Narubio va mettre à leur disposition un
canot, ainsi que quelques hommes fidèles pour
les aider à aborder et à couvrir leur fuite. L’un
d’eux est un habile grimpeur, qui pourra leur
ouvrir la voie.
Bref, encore une fois, nos malheureux héros
n’ont guère le choix : s’ils veulent découvrir ce
que Jorkus a fait à Urceb, il va leur falloir aider
Samazar en sauvant son fils !
Note au MJ : si les joueurs ne savent rien de
l’onyx de feu et que l’un d’eux pose la question,
Amrazh peut leur apporter les informations
données dans l’encadré, page 118.

Forteresse
L'île de la Dent Noire
Échelle : 30m
La Dent Noire
Après avoir sans doute pesté et rechigné contre
le destin, et cherché en vain une autre solution,
nos héros disposent de quelques heures pour se
reposer et se préparer. Une partie des hommes
du guet est repartie, mais Narubio, son mage et
une dizaine de soldats restent à l’auberge. En fin
d’après-midi, quatre d’entre eux, dont le sergent
Marek, ôtent leurs tenues de la garde pour revêtir
des vêtements sombres et anonymes. Narubio
serre chaleureusement la main de chacun d’eux et
échange quelques mots à mi-voix ; manifestement,
il inspire à ses hommes un grand respect et une
loyauté sans faille.
Aussitôt la nuit tombée, les héros sont accom-
pagnés jusqu’à une discrète petite crique où les
attend un grand canot. Ils prennent place à bord,
en compagnie des quatre soldats, qui se mettent
aux avirons. Marek les rassure : il connaît bien la
baie d’Urceb et saura guider le canot au pied des
falaises de la Dent Noire en évitant les récifs.
La nuit est noire – c’est la nouvelle lune – et
les falaises basaltiques de l’île se dressent tel
un bloc solide d’obscurité contre le ciel poudré
d’étoiles. La clarté des astres suffit néanmoins à
se repérer et, après une courte traversée, le canot
glisse doucement entre les récifs qui ceinturent
la Dent Noire. Marek s’est positionné à la proue
et guide l’embarcation vers la face nord de l’île
où une partie de la falaise se compose de hautes
colonnes hexagonales de roche noire, serrées les
unes contre les autres et formant des gradins
naturels. La barque vient se ranger au pied de ces
127
Entrée de Fissure
Sentier la grotte
Récifs
Vers Urceb
Le Dieu Dévoilé
Falaise
Bois de pins
Orgues basaltiques
orgues basaltiques et Michka, un jeune gaillard
au physique sec et nerveux, se prépare à l’escalade,
un rouleau de corde autour de la poitrine.
Agile comme un lémurien, le jeune garde grimpe
la falaise avec aisance, aidé par le relief particulier
de cette étonnante formation rocheuse. En une
quinzaine de minutes, il a atteint le sommet de la
falaise, une vingtaine de mètres plus haut, et lance
sa corde, qu’il a attachée à un arbre.
Marek monte avec les héros (vous pouvez leur
réclamer un test d’agilité si le cœur vous en dit),
tandis que les deux autres gardes restent pour
maintenir le canot en position et éviter que les
vagues le fracassent contre les récifs.
Après l’escalade, les héros débouchent à mi-
chemin du sommet pentu de l’île, au milieu du
bois clairsemé de résineux qui s’accrochent à la
roche de leurs longues racines noueuses. Vers
l’est, en contrebas, ils aperçoivent les tours de
la forteresse du Prêtre Rouge. Des flambeaux
brûlent en certains endroits des fortifications, et
quelques lumières brillent aux fenêtres. Le port,
qui se trouve au pied de l’édifice, est invisible
depuis leur position. Vers l’ouest, le sol monte
en pente douce ; une lueur rougeâtre et diffuse
est clairement visible entre les arbres, à quelques
dizaines de mètres de là. La brise légère, qui souffle
du large, n’empêche pas d’entendre le tintement
ténu du métal contre le métal, qui évoque le bruit
d’un forgeron au travail.
Marek a apporté une arbalète pour Michka et
s’empare de la sienne ; ils attendront les héros ici,
près de la corde, afin de couvrir leur retraite si
besoin.

Le Dieu Dévoilé
Vers la
forteresse
Vers le
haut
de l'île
Dans la forge du
Prêtre Rouge
Les héros peuvent se rapprocher discrètement
de l’origine de la lumière. Aucun soldat ne
patrouille le petit bois, qui est traversé par un
sentier serpentant vers le sommet des falaises.
Il suffit de le suivre. À mesure que les héros
progressent, le tintement se fait plus fort ;
manifestement, il semble provenir de plusieurs
marteaux (au moins quatre ou cinq) frappant à
l’unisson sur des enclumes.
Le sentier passe à côté d’une trouée dans le roc,
large de cinq mètres environ, avant de poursuivre
son ascension. Une légère clarté monte de cette
ouverture dans le sol, mais une lumière plus vive
encore s’échappe d’une fissure, quelques mètres
plus haut dans la pente. Une odeur de fumée et
de métal chaud flotte dans l’air.
Le trou, aux parois naturelles de roche noire et
lisse, est équipé d’un escalier de lourds madriers
de bois qui prend appui contre la paroi. Au fond,
trois à quatre mètres plus bas, la lumière filtre
d’un passage qui s’enfonce dans la roche.
Si un héros va jusqu’à la fissure pour y jeter
un coup d’œil, il est accueilli par une bouffée
128
de fumée et de chaleur. La fissure irrégulière
mesure une vingtaine de centimètres de large
pour deux mètres de long. Une lumière jaune et
vive éclaire ce qui ressemble à une vaste grotte,
et le héros aperçoit en bas trois hommes, torse
nu, qui abattent en cadence leur marteau sur
l’enclume posée devant eux. Il semble y en avoir
d’autres à côté d’eux, mais la taille de la fissure ne
permet pas d’en voir davantage. Il n’y a rien sur
leurs enclumes, pas de métal à façonner ; ils se
contentent de taper dessus.
Dans le grand trou, au bas de l’escalier, un
passage voûté s’enfonce sur trois mètres, pour
déboucher dans une vaste caverne naturelle, d’une
vingtaine de mètres de long sur une dizaine de
large. La seconde moitié de la grotte se trouve en
léger contrebas par rapport au niveau de l’entrée.
Neuf hommes en cercle frappent à l’unisson sur
des enclumes, en suivant le rythme d’un dixième
homme, qui se tient au centre. Ils sont uniquement
vêtus d’un pantalon rouge et leurs torses nus
sont trempés de sueur. Leur visage affiche un
air un peu hagard, comme s’ils étaient en transe.
Manifestement, cela doit faire des heures qu’ils
abattent leur marteau de forge sur leur enclume.
Le tintement sonore est aussi entêtant que les
battements de tambours.
Au fracas régulier des marteaux se mêle
une voix puissante qui prononce des paroles
incompréhensibles (un héros maîtrisant le
démonique reconnaîtra toutefois certains mots au
milieu du vacarme ambiant). Seul le haut du torse
du Prêtre Rouge s’aperçoit depuis l’entrée, au fond
de la salle en contrebas. Son crâne luit de sueur et
il lève les bras, les paupières closes, absorbé par
son incantation. Il porte une cuirasse rutilante,
sur laquelle scintille l’onyx de feu, enchâssé dans
un pendentif au bout d’une chaîne en or.
La salle est coupée en deux par un petit dévers
abrupt, de moins de deux mètres de profondeur.
Sur le côté gauche, quelques marches taillées dans
la pierre permettent de descendre dans la partie
en contrebas. Une statue d’homme en pierre noire
s’aperçoit au pied des marches, contre la paroi, les
mains à hauteur de poitrine, posées sur un long
manche. La statue, qui n’a apparemment plus
de tête, renvoie quelques éclats scintillants, sans
doute dus à des incrustations d’argent.
 Note au MJ : il s’agit en réalité de Kamatt, le
kalukan d’Oda, dont la pose figée évoque plus une
statue qu’un être vivant.
La lumière jaune et rougeoyante qui éclaire
la salle monte d’une large faille au pied de la
dénivellation. Elle irradie des profondeurs de la
La cage est suspendue à trois mètres du sol,
au-dessus de la faille d’où s’élève une chaleur
suffocante et une lumière vive : de la lave
bouillonne là-dessous, à quelques mètres à
peine de la surface. Il faut atteindre le système
d’engrenages de la paroi pour faire descendre la

Le Dieu Dévoilé
cage, mais un héros audacieux pourrait aussi sauter
terre dans une brume de chaleur et semble palpiter
depuis le niveau supérieur de la grotte pour s’y
au rythme des battements des marteaux. Une cage
agripper et l’ouvrir afin de libérer le pauvre Menni,
en fer est suspendue au-dessus de la faille à une
terrifié et déshydraté par l’intense chaleur. La cage
chaîne fixée à la paroi. Deux petits pieds blancs
est fermée par un cadenas, qu’il est possible de
pendent dans le vide entre les barreaux, et l’on peut
crocheter (test d’agilité Ardu, -1) ou de briser avec
apercevoir au gré du flux et du reflux de la lumière
une arme adéquate, à moins de le forcer à mains
la silhouette d’un enfant aux cheveux roux.
nues (test de vigueur Très difficile, -4).
L’affrontement Dès qu’Oda est averti de l’intrusion des héros, il
cesse son incantation et dégaine son épée pour les
Cela fait trois jours que les apprentis d’Oda
affronter. Si les héros s’en sont pris aux « joueurs
se relaient pour frapper sur les enclumes, dont
d’enclume », il remarquera la rupture de rythme et
chacune est gravée d’une rune en démonique,
les bruits de combat et sortira de sa transe en leur
qui représente une des dix syllabes qui forment
criant de continuer à frapper, d’une voix où perce
le nom imprononçable du démon. Après diverses
une certaine panique. Si au contraire les héros ont
incantations préparatoires, le Prêtre Rouge vient
laissé ses apprentis poursuivre leur « musique »,
d’entamer l’ultime formule d’évocation.
il leur hurlera de cesser, mais ses cris affolés se
Ses acolytes sont en transe, épuisés et à moitié perdront dans le vacarme ambiant…
sourds ; ils subissent un dé de malus pour repérer
Trois ou quatre rounds après le début de l’assaut
quelque chose d’anormal autour d’eux et mettront
des héros, où au moment que vous jugerez le
du temps à réagir, à la fois en raison de leur état
plus opportun, un grondement tonitruant s’élève
et parce qu’Oda leur a enjoint de ne pas s’arrêter,
soudain de la faille. La lave se met à sourdre
tant qu’il n’en donne pas l’ordre. Le Prêtre
des entrailles de la terre en éclaboussant le sol
Rouge, quant à lui, est entièrement concentré
de la caverne et une silhouette se dresse dans la
sur son incantation et sera complètement pris au
fumée et l’éclat aveuglant de la roche en fusion,
dépourvu par un assaut. En revanche, il se tient
tel un plongeur émergeant de l’eau : le forgeur de
au centre d’un puissant pentacle de protection,
Zaggath a répondu à l’appel, mais le rituel a été
destiné à l’origine à le protéger du démon.
perturbé par l’arrivée des héros, et le démon est
Dessiné sur le sol avec une poudre charbonneuse,
hors de contrôle…
le pentacle s’embrasera en un bref rideau de
flammes violacées, annulant la première attaque
(au corps à corps ou à distance) qui le touche.
Kamatt, son garde kalukan, est en revanche
Le forgeur de Zaggath
parfaitement vigilant et tournera son œil unique L’être monstrueux qui s’extirpe de la faille bouillonnante de
vers les intrus, en s’efforçant de s’interposer pour lave a un corps râblé, à la large poitrine et aux bras puissants,
protéger son maître. qui semble constitué de minerai en fusion. Son visage, aux
traits odieusement humains, possède une bouche immense
Dans le recoin de la salle, invisible depuis
et béante, aux crocs diamantins. Ses petits yeux, enfoncés
l’entrée, se trouvent un foyer de forge, une enclume
dans leurs orbites, sont deux perles noires d’obsidienne
et un atelier. Une vieille statue de Zaggath, le
luisante, et une crinière de flammes nimbe son crâne bosselé
maléfique seigneur du feu, trône dans une niche.
et difforme. Il mesure au bas mot trois fois la taille d’un
Assis sur un tabouret, Lothar assiste au rituel, et
homme adulte et l’air ondule autour de lui, troublé par la
interviendra bien évidemment dans le combat.
chaleur ardente qui se dégage de son corps brûlant.

129
Un plaisir coupable
pour le MJ…
Bien que les joueurs l’ignorent encore, la scène
ne se déroule que dans l’esprit du héros qui s’est
emparé de l’onyx de feu dans la cave du Filonier,
comme tout ce qui s’est produit depuis cet instant.
Cette vision prémonitoire va permettre aux héros
de savoir comment agir pour éviter le pire quand
ils affronteront réellement ce moment.
Ainsi, pour que la surprise garde tout son intérêt,
il est nécessaire que les héros échouent pour cette
« première fois ». Ils interviennent au beau milieu
d’un rituel puissant et terriblement dangereux, où
la moindre erreur peut engendrer une catastrophe.
S’ils interrompent les apprentis battant le rythme
sur les enclumes, cela provoque la venue inopinée
du démon, mais sans qu’Oda le contrôle. S’ils les
laissent au contraire continuer leur « musique »,
cela entraînera aussi la venue du démon. Bref,
la solution qu’ils adoptent sera forcément la
mauvaise, afin de leur offrir l’occasion de « rejouer
la scène », avertis de la chose à ne pas faire !
Il est donc crucial de bien jouer la panique
d’Oda, hurlant à ses hommes de cesser de frapper
en cadence (« Arrêtez de l’appeler, l’incantation
n’est pas terminée ! »), ou au contraire de continuer
(« N’arrêtez surtout pas, où le rituel va être
brisé ! ») afin que les joueurs puissent deviner que
là est la clef de l’arrivée prématurée du démon.
À la suite de quoi, faites-vous plaisir, et
massacrez les chers personnages de vos joueurs
sans la moindre pitié ! La faille vomit de la
lave incandescente et un grondement terrible
fait vibrer le sol, tandis que des morceaux de
roche commencent à se détacher de la voûte,
provoquant bientôt l’effondrement du passage qui
mène à l’escalier, piégeant tout ou partie des héros
avec le démon ! Ce dernier s’occupe d’abord de
prendre la victime qui lui est offerte et, si nul ne
s’interpose, broie la cage de fer entre ses mains
puissantes pour se gorger du sang de Menni qui
s’écoule dans sa gueule brûlante en sifflant, dans
un panache de vapeur blanche. Puis il s’attaque
indifféremment à ceux qui passent à sa portée, en
rechignant toutefois à frapper Oda en raison de
l’onyx de feu qu’il porte à son cou (sauf s’il s’agit
de la seule cible ; la pierre protégera le Prêtre
131
Rouge de la première attaque du démon, mais
explosera sous l’impact en une gerbe de lumière
qui repoussera le poing colossal ; cela fonctionnera
Le Dieu Dévoilé
aussi si un héros s’est emparé de l’onyx, bien sûr).
La scène prend fin au moment où meurt le
héros qui a touché le premier l’onyx de feu.
Si les choses durent trop, ne vous sentez pas
obligé d’attendre que celui-ci ait épuisé toute sa
réserve de points d’héroïsme. Si la panique s’est
suffisamment emparée du groupe et que cela
a assez duré, décrivez l’attaque qui terrasse le
personnage, puis…
… revenez à la description du moment où ce
dernier a posé la main sur l’onyx de feu dans la
chambre souterraine de la maison du Filonier :
décrivez à nouveau la scène, en précisant où
chacun se trouve et, pour celui qui s’est emparé
de l’onyx, la sensation de brûlure dans sa paume,
qui reflue doucement. La tête lui tourne ; dans un
flash, comme un rêve qui semble s’étirer sur des
heures mais n’a duré que quelques secondes, il a
vu tout ce qui les attend, ses camarades et lui…
(Dans l’absolu, lui seul a bénéficié de cette vision,
il faudra donc considérer qu’il raconte ce qu’il a vu
au reste du groupe.)
Note au MJ : le démon apparaissant alors que
les héros sont déjà aux prises avec de sérieux
adversaires, il devrait représenter un combat
impossible à gagner. Si, par miracle, les héros
semblent en passe de réussir à le vaincre, n’hésitez
pas à leur compliquer encore la tâche : un séisme
soulève le sol, projetant les frêles humains à terre,
alors que l’énorme démon reste solidement campé
sur ses pieds ; les vapeurs toxiques et la chaleur
leur brûlent les yeux et la gorge, imposant un dé
de malus à leurs actions ; des rochers tombent de
la voûte qui menace de s’effondrer, assommant
un héros tandis qu’ils rebondissent sans effet sur
le corps minéral du démon. Bref, transformez
ce combat en scène d’apocalypse. Il faut que les
joueurs goûtent au désespoir de combattre un
adversaire trop puissant pour eux afin de connaître
le soulagement de découvrir que ce n’était qu’une
vision prémonitoire, et avoir l’occasion de faire ce
qu’il faut pour éviter cet affrontement.
 Et maintenant ?
Une fois passé le choc de cette révélation, les
joueurs devront décider de ce qu’il convient de
faire. Leurs personnages ont donc bénéficié, grâce
à l’onyx de feu, d’une vision de l’avenir qui leur
Le Dieu Dévoilé
permet de savoir exactement ce qui les attend et
quelles erreurs éviter.
Plusieurs solutions s’offrent désormais à eux :
1. Refaire tout pareil ou presque : porter l’onyx
de feu à Oda sur son chebek, récupérer Samazar,
attendre la venue de Narubio (et lui expliquer –
ou pas – tout ce qu’ils savent), attaquer le Prêtre
Rouge durant son incantation pour sauver Menni
en veillant à ne pas commettre la même « erreur »
(interrompre les apprentis aux enclumes ou au
contraire les laisser jouer, selon l’option qu’ils ont
prise la première fois). Le combat se déroulera
alors sans l’apparition du démon, ce qui leur
facilitera grandement la tâche !
2. Ils peuvent aussi décider d’aller trouver
directement Narubio, dès leur sortie de chez le
Filonier. Celui-ci les écoutera et croira à leur
histoire, notamment grâce à Amrazh, qui a
entendu parler des vertus de l’onyx de feu. Cette
pierre bénéfique, liée à Yrzlak, a dû « décider » de
faire profiter de cette vision aux héros, afin d’éviter
l’évocation d’un démon de Zaggath. Toutefois,
une vision n’est pas une preuve, et Narubio n’aura
pas grand-chose de mieux à proposer aux héros.
Et ces derniers ont toujours besoin de récupérer
Samazar, qui exigera d’eux qu’ils sauvent son fils
en échange de son aide…
Les héros pourraient alors envisager d’attaquer
dès cette nuit la Dent Noire afin de libérer
Samazar ainsi que Menni. Il y a toutefois un
problème : ils savent que Samazar croupit dans
une geôle du donjon, mais sans être tout à fait
certains que son fils soit déjà enfermé dans la
cage au-dessus de la faille. Il pourrait fort bien
être prisonnier dans une chambre de la forteresse,
par exemple. Est-ce bien raisonnable de tenter de
pénétrer dans un château occupé par une pleine
garnison de soldats pour libérer le père, en ayant
aussi le fils à libérer, sans savoir avec certitude où
se trouve ce dernier ?
132
3. Ils peuvent enfin décider de se rendre sur
le chebek d’Oda au matin, sachant que Samazar
se trouve sur le navire pour l’échange, avec dans
l’idée de tenter d’éliminer le Prêtre Rouge. L’idée
n’est pas forcément mauvaise, surtout s’ils n’ont
pas clairement compris ce qu’ils doivent éviter
de faire pour interrompre le rituel, sans pour
autant provoquer l’arrivée du démon. Mais il y a
sur le chebek 12 soldats et 8 marins, en plus du
capitaine Galor, de Lothar et du garde kalukan
dissimulé dans la cabine. Autant dire que le
combat s’annonce des plus rudes ! L’effet de
surprise peut jouer bien sûr, mais Oda est tout de
même sur ses gardes et ses soldats sont dévoués
et vigilants.
Oda est un puissant sorcier ; il se battra avant de
prendre la fuite en dépensant un point de vilenie
(si bien sûr il en a l’occasion) : dans une explosion
de flammes, son corps se dissipera en un nuage
charbonneux qui filera au-dessus des eaux en
direction de la Dent Noire. Leur seigneur enfui
(ou vaincu), marins et soldats chercheront à cesser
le combat (ce ne sont pas des fanatiques).
Ignorant a priori que les héros cherchent à
sauver Menni, le Prêtre Rouge rameutera alors
ses troupes et reviendra à bord d’une galère de
guerre. Sans équipage, les héros auront bien du
mal à manœuvrer le chebek. Ils peuvent toutefois
utiliser le canot pour gagner l’île (ils ont largement
le temps de disparaître avant qu’Oda soit en
mesure de revenir avec sa galère et ses soldats)
afin de se faufiler discrètement dans la grotte pour
libérer Menni (en n’ayant alors qu’à combattre
les dix apprentis devant leurs enclumes). Il leur
faudra toutefois faire diligence, s’ils ne veulent pas
rencontrer la galère d’Oda en pleine mer, ou le
voir revenir sur l’île une fois son chebek récupéré.
Quand les héros reviennent avec Menni,
Narubio dispose désormais d’un témoin et pourra
du coup dénoncer le Prêtre Rouge auprès du roi.
L’affaire risque de durer – un seigneur tel qu’Oda
ne manque pas d’appuis dans la cité – mais cela
empêchera ce dernier de s’en prendre aux héros
le temps qu’ils resteront encore à Urceb ; il aura
bien d’autres chats à fouetter dans l’immédiat,
mais une chose est sûre : les héros viennent de se
faire là un ennemi mortel…
 S’ils parviennent à tuer Oda lors du combat
sur son navire, il sera évidemment simple d’aller
ensuite libérer Menni, d’autant que Narubio
pourra alors arguer de la mort du Prêtre Rouge
pour justifier d’une intervention à sa forteresse
(dont la garnison ne fera pas de difficultés, à
présent que son seigneur a rendu l’âme).
Note au MJ : il est bien sûr inutile de tout
« rejouer » dans le détail, notamment les scènes
qui n’ont qu’un intérêt secondaire pour l’aventure
(comme la sortie de la demeure du Filonier).
Allez à l’essentiel.
Le sanctuaire de
Kryphondus
Samazar exprime toute sa reconnaissance aux
héros quand ils lui ramènent son fils sain et sauf,
de même que Narubio, qui s’est naturellement
beaucoup attaché à l’enfant. Les héros sont
accueillis, soignés et choyés chez le maître du
guet, le temps que Samazar retrouve ses forces.
Trois jours plus tard, il se sent suffisamment solide
pour guider les héros dans l’Urceb-du-dessous
et les conduire à l’endroit où il a mené Jorkus,
quelques mois auparavant. Narubio leur fournit
une escorte de soldats du guet, afin de leur éviter
tout problème dans les souterrains mal famés du
quartier de la Cautèle.
Samazar explique aux héros que Jorkus
cherchait les vestiges d’une porte monumentale de
l’ancienne ville, ornée de sculptures représentant
des banths. Par chance, Samazar connaissait
l’endroit, dans une des parties les plus vieilles
de la Cité oubliée. Il a guidé Jorkus, qui était
accompagné de Lok Kozaar, un céruléen revêche
et patibulaire, et ils sont restés deux jours entiers
dans les souterrains, à fouiller les ruines des
maisons autour de la fameuse porte. Finalement,
dans le sous-sol d’une bâtisse en ruine, ils ont
enfin trouvé ce que Jorkus cherchait : la cave de
la demeure abritait une sorte de petit temple,
aux murs ornés de bas-reliefs. Jorkus a interdit
à Samazar d’y pénétrer, mais celui-ci a pu voir
qu’une statue se dressait au fond du sanctuaire,
dont la tête était recouverte d’une sorte de linge.
133
Il est donc resté dehors, en compagnie de Lok
Kozaar. Quand le vieux prêtre est ressorti, il avait
un regard halluciné et triomphant, et marmonnait
dans sa barbe avec agitation, un sourire extatique
sur les lèvres. Samazar a bien tenté de lui poser
quelques questions, en vain. Jorkus l’a payé
Le Dieu Dévoilé
grassement pour ses services, et est reparti sans
rien dire.
Samazar guide donc les héros dans le dédale
souterrain de l’Urceb-du-dessous. Ils découvrent
un monde étonnant de galeries et de catacombes,
de bâtiments anciens à moitié effondrés, rénovés
et réhabilités par toute une population qui a fait
de ce lieu un prolongement de la ville à la surface.
Ils passent ensuite par un dédale de tunnels et
de grottes où, leur explique Samazar, se terrent
des groupes de gredins et de miséreux, mais dont
certains boyaux conduisent à d’autres parties
désertées de la Cité oubliée.
Le trajet se déroule sans incident, notamment
grâce à la présence intimidante des hommes du
guet, et Samazar amène finalement les héros dans
une zone de ruines souterraines, pour les mener à
une maison croulante, dans la cave de laquelle une
longue pièce rectangulaire se révèle à la lueur des
torches. La poussière et les gravats au sol portent
les traces d’un passage relativement récent.
La statue d’un homme barbu en pagne, les
bras ouverts en un geste d’orant, se dresse sur
un piédestal. Il possède un beau visage aux traits
empreints de noblesse et porte autour du cou
un médaillon qui est l’exacte réplique de celui
qu’Hilario a offert à Albel (cette remarque ne
vaut bien sûr que si les héros ont vu – et peut-
être récupéré – ledit médaillon à Satarla !).
Le piédestal est gravé d’un nom : Kryphondus.
Nul voile ne couvre la tête de la statue qui,
remarquera un héros perspicace, est cependant
bien moins couverte de poussière que le reste de
sa personne…
Les murs du temple sont ornés de longs bas-
reliefs, découpés en plusieurs panneaux, qui
semblent raconter une histoire.
Note au MJ : montrez aux héros la reproduction
des bas-reliefs du sanctuaire, que vous trouverez
aux pages 134 et 135.
Le Dieu Dévoilé
Décrypter les
bas-reliefs
Les voici enfin face à l’histoire de Kryphondus,
telle que racontée par Chaktar (le fidèle serviteur
de Kryphondus) et gravée dans la pierre. Les bas-
reliefs relatent donc le point de vue de ce dernier,
qui n’a pas su le destin tragique de son maître
(pour vous remettre l’histoire en tête, vous pouvez
relire l’introduction à la saga, page 45-46).
Les joueurs vont devoir tirer leurs propres
conclusions de l’analyse des bas-reliefs ; voici
une explication détaillée de ces derniers, panneau
par panneau. Cela vous aidera à orienter
éventuellement les réflexions des joueurs.
1. Ce panneau représente Kryphondus
(reconnaissable à son médaillon) haranguant la
foule de ses sujets. L’île, où l’on voit des habitations,
semble se trouver au milieu d’un grand fleuve,
dans les jungles. La statue derrière Kryphondus
est aisément identifiable à la palme qui couronne
sa tête : il ne peut s’agir que de la déesse Afyra.
2. La scène montre Mezzechesh, le royaume des
dieux, avec son grand escalier gardé par Fyrzon, le
dieu à tête de bubalus, et ses bâtiments entourés
136
d’étoiles qui indiquent que l’endroit se trouve dans
le ciel (n’importe quel héros un tant soit peu érudit
saura reconnaître Fyrzon, le gardien du domaine
des dieux). La servante est assoupie sur son métier
à tisser, tandis qu’Afyra subtilise un panier rempli
de cocons de ver à soie ainsi qu’une paire de forces
(des ciseaux d’un seul tenant).
3. Afyra apparaît à Kryphondus et lui remet
ses présents. Kryphondus extrait le fil de soie et
s’applique à tisser le voile, sous le regard d’un
vieux serviteur à la longue barbe (qui n’est autre
que Chaktar).
4. Le panneau montre Kryphondus, qui a passé
le voile sur sa tête, en train de défaire monstres
et ennemis (en une représentation fantasmée de
l’invulnérabilité que lui promettait le voile).
5. L’île de Kryphondus est détruite et la proie des
flammes, sa population massacrée. Kryphondus est
emporté dans les cieux par Afyra, qui le sauve du
péril (ce panneau est l’interprétation de Chaktar,
qui ignorait tout de la mort ignominieuse de son
maître, trahi par son épouse).
 6. La scène suivante montre les rescapés de
l’île, menés par Chaktar qui porte solennellement La trame sacrée des dieux
le voile dans ses bras, quitter les jungles pour
N’est pas faite pour ces cieux.
traverser les plaines de Klaar, en direction
d’Urceb. Les indices géographiques sont minces,

Le Dieu Dévoilé
mais puisque la ville ne peut être qu’Urceb, l’on
Pour dénouer le fil de la divine,
peut en déduire logiquement que l’île se trouve
quelque part dans les jungles de Qush, à l’ouest du À contre-courant, cherchez à l’origine.
fleuve Oom qui borde les plaines de Klaar, même
si le bas-relief n’a absolument rien d’une carte
permettant de localiser l’endroit avec précision. Ce qui le tissa pourra le défaire,
7. Ce panneau montre le sanctuaire souterrain Don ignoré d’une habile filandière.
d’Urceb, et les fidèles de Kryphondus adorant la
statue du « dieu », la tête couverte du voile sacré.
Le voile doit être détruit ; pour ce faire, il faut
8. Le dernier panneau représente l’annonce
remonter à l’origine (comme on « remonte » un
prophétique du retour de Kryphondus, qui viendra
fleuve), et donc aller sur l’île, retrouver ce qui a
reprendre son voile pour régner sur l’ensemble de
permis de tisser le voile (cette partie reste encore
la Lémurie (ce qui est symbolisé par les rois à
soumise à interprétation à ce moment de la saga).
genoux devant lui).
Les joueurs pourraient être tentés de partir
Les joueurs ne peuvent évidemment pas
directement pour les jungles de Qush. Rappelez-
décrypter aussi précisément les bas-reliefs ; il
leur l’immensité de la forêt et l’imprécision de
leur manque encore des informations, qu’ils
la carte schématique du bas-relief, de surcroît
découvriront au cours de l’aventure suivante.
gravé il y a plusieurs siècles. Ils manquent encore
Ils doivent toutefois en arriver à peu près aux
d’informations, mais disposent d’une piste qui
conclusions suivantes (en quoi vous pouvez
pourrait leur permettre de retrouver Lok Kozaar
subtilement les aider, s’ils peinent à aboutir aux
à Satarla, ce qui serait sans doute une chance d’en
bonnes analyses) :
apprendre davantage. Par ailleurs, une expédition
Ce Kryphondus était apparemment un prêtre dans les jungles se prépare, et engendrera des coûts
d’Afyra. Il a reçu de sa déesse de quoi tisser un importants. La raison devrait donc les pousser
voile de soie qui, une fois sur sa tête, le rendait… à retourner d’abord à Satarla afin de solliciter
immortel ? Invulnérable ? Faisait de lui un dieu ? l’aide de Nirmus et du temple de Nemmereth,
de chercher des précisions sur l’emplacement
Mais son île a été détruite, la déesse l’a sauvé
de cette mystérieuse île fluviale (peut-être à la
(ou il est mort ?), et des survivants ont fui à travers
Grande Bibliothèque ?), et surtout de régler son
les plaines de Klaar avec ce voile. Ils ont fini à
compte à ce céruléen qui a par deux fois essayé
Urceb, où ils lui ont rendu un culte, en attendant
de les faire tuer, sans qu’ils sachent exactement
qu’il revienne chercher le voile, pour devenir… un
pourquoi !
dieu ? Le roi des rois ?
Ceci conclut le troisième épisode de la saga.
Manifestement, Jorkus s’est emparé de ce voile
Les héros récupèrent les points d’héroïsme
qui couvrait la tête de la statue. Ce voile l’aurait
dépensés et reçoivent chacun 1 point
transformé, au point de provoquer la colère de
d’expérience.
Nemmereth, à en croire les premières strophes de
l’oracle, dont la seconde partie devrait désormais
prendre tout son sens :

137
 Protagonistes
Oda Unjab, le Prêtre
Le Dieu Dévoilé

Rouge (rival)
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 1 Initiative 0
Agilité 2 (1) Mêlée 2
Esprit 2 Tir 0
Aura 1 Défense 1
Carrières :
Kamatt, sentinelle
Soldat 1 kalukan (coriace)
Forgeron 2
Ce kalukan (cf. BoL, page 93) a la peau noire
Alchimiste 2
de jais, ornée de tatouages argentés. Son corps est
Sorcier 1
aussi solide que du minerai et insensible au feu,
Protection : cuirasse* d6-1 (3) même le plus ardent. Il manie un énorme marteau
de forge et possède la force d’un bubalus.
Armes : épée longue d6+1
Points de vilenie : 5 Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 3 Initiative 0
Points de pouvoir : 13 (2**)
Agilité 1 Mêlée 3
Vitalité : 11 Esprit 0 Tir 0
Aura 0 Défense 1
Avantages
Carrières : esclave 1, forgeron 1
Amis haut placés, intimidant, pouvoir du Néant
(déjà inclus dans son profil) Protection : d6-1 (3)
Désavantages Armes : maillet de forge d6B+3
Arrogant, mauvaise réputation, signe distinctif
Vitalité : 13
(tatouages)
* Oda porte une magnifique cuirasse, forgée par
ses soins. Il s’agit d’une armure alchimique rare :
elle offre la même protection qu’une armure lourde
Apprentis d’Oda
et diminue de moitié les dégâts supplémentaires (coriaces, x10)
infligés par un succès héroïque ou légendaire. De
plus, elle n’augmente pas le coût en points de Attributs Aptitudes de combat
pouvoir quand il lance un sortilège. Vigueur 1 Initiative 0
Agilité 1 Mêlée 1
** Quand Oda est attaqué alors qu’il achève son
Esprit 0 Tir 0
rituel d’évocation (durant la vision prémonitoire,
Aura 0 Défense 1
et éventuellement dans la réalité, si les héros
décident de « rejouer la scène » à l’identique), il Carrière : forgeron 2
a dépensé 11 points de pouvoir pour lancer ce
Protection : aucune armure 0
sortilège de troisième cercle et ne dispose donc
plus que de 2 points de pouvoir. Armes : marteau de forge d6M+1
Vitalité : 6

138
Lothar (coriace)
Forgeur de Zaggath
Attributs
Vigueur 0
Aptitudes de combat
Initiative 0
(démon majeur)
Agilité 2 Mêlée 1
Attributs Aptitudes de combat
Esprit 1 Tir 0

Le Dieu Dévoilé
Vigueur 5 Initiative 2
Aura 0 Défense 1
Agilité 4 Mêlée 6
Carrière : serviteur 1, scribe 1 Esprit 1 Tir 1
Aura 2 Défense 3
Protection : aucune armure 0
Vitalité : 35 Dégâts : d6B+5
Armes : dague d6M
Protection : d6 (4)
Vitalité : 5
Pouvoirs démoniaques :
Aura ardente : toute personne à proximité du
Soldats du Prêtre démon (en mesure de lui de porter une attaque
au corps à corps) perd 1 point de vitalité au
Rouge (coriaces) début de chaque round en raison de la chaleur
insoutenable qui émane de son corps. Une
Ils sont au nombre de douze sur le chebek, vêtus
armure ne protège évidemment pas contre ces
d’armures de cuir et portant des armes diverses.
dégâts.
La moitié d’entre eux est équipée d’arbalètes.
Cuirassé : le démon bénéficie d’une protection
Attributs Aptitudes de combat d6 (4).
Vigueur 1 Initiative 0
Savoir spécial : le démon possède la carrière
Agilité 1 Mêlée 1
de forgeron au rang 6.
Esprit 0 Tir 1
Aura 0 Défense 0 Souffle de feu : au lieu d’effectuer une attaque
normale, le démon peut cracher un jet de
Carrière : soldat 2
flammes à 6 mètres de distance. La cible doit
Protection : armure légère d6-3 (1), bouclier réussir un test d’agilité Ardu (-1) ou subir d6B
(+1 en défense contre une attaque par round) dégâts de feu (sans la protection éventuelle
d’une armure).
Armes : épée ou lance d6+1, arbalète d6
Vulnérabilité : le démon de Zaggath est blessé
Vitalité : 6
par l’eau, qui lui inflige des dégâts normaux
(d6M à d6, selon la quantité).

Marins du Prêtre
Rouge (piétaille)
Huit marins sont à la manœuvre sur le chebek.
Galor, leur capitaine, possède le même profil
qu’un soldat (cf. ci-dessus).

Attaque : +0
Dégâts : d3
Vitalité : 2
Spécial : Règle de horde (cf. BoL, page 132).

139
Quand tombent les masques

Chapitre 4

Quand tombent les masques

De retour d’Urceb, les héros retrouvent Satarla qui bout sous un soleil écrasant. La tension est
palpable dans les rues, semblable à un orage sur le point d’éclater. Il est temps de régler leurs comptes
avec Lok Kozaar et de comprendre quel but poursuit Jorkus exactement. Mais la conclusion de
toute cette affaire est encore loin, alors même que la menace se précise et se révèle d’une ampleur
inattendue…

Un point sur l’enquête commencé) le moyen de « défaire » ce voile divin

La découverte des fresques du sanctuaire
perdu de Kryphondus à Urceb doit avoir permis
aux joueurs de se faire une idée plus précise des
événements qui sous-tendent la saga et d’éclairer
au moins partiellement les dernières strophes de
l’oracle. À ce stade, ils devraient avoir réussi à tirer
les conclusions suivantes :
W Jorkus est la cause du courroux de
Nemmereth. Il a (volontairement ?) commis un
acte qui a perturbé l’ordre naturel et provoqué l’ire
du dieu.
W Jorkus a retrouvé dans le sanctuaire à
Urceb une sorte de voile, a priori d’origine
divine, qui ferait de lui un dieu, ou lui conférerait
l’immortalité (la chose n’est sans doute pas encore
très claire pour les joueurs). Ce voile aurait été
tissé par un prêtre d’Afyra des temps anciens,
nommé Kryphondus, à qui la déesse aurait remis
la matière et les outils nécessaires à sa fabrication.
Ce Kryphondus aurait été sauvé par la déesse alors
que son île était détruite, mais le voile, emporté
par des réfugiés, a dû rester des siècles durant sur
sa statue dans son sanctuaire oublié, à Urceb.
W Les trois dernières strophes de l’oracle de
Nemmereth semblent indiquer qu’il faut aller
chercher « à l’origine » (à l’endroit où tout a
qui n’a rien à faire sur la terre des hommes. Mais
retrouver une île sur un affluent d’un fleuve, en
pleine jungle de Qush, avec pour seule indication
un plan sommaire gravé sur un bas-relief qui
remonte à plusieurs siècles, cela relève d’une tâche
impossible, ou presque. Il faut encore à ce stade
recueillir de plus amples informations.
W Lok Kozaar, un mercenaire qui a déjà
travaillé par le passé pour Jorkus (et l’a accompagné
à Urceb quand ce dernier a retrouvé le sanctuaire
de Kryphondus), tente depuis le début d’empêcher
l’enquête du temple de Nemmereth. Ses hommes
de main ont essayé par deux fois d’éliminer les
héros. Ces derniers savent désormais que Lok se
trouve chez maître Casmar, rue des Chandeliers,
où ses comparses devaient venir le rejoindre (en
donnant un mot de passe, si les héros ont pu
leur soutirer cette information ; cf. page 111).
D’ailleurs, Jorkus lui-même se trouve peut-être
encore à Satarla ?
Note au MJ : au cours de cette aventure, les
joueurs auront l’occasion d’en apprendre un peu
plus sur l’histoire de Kryphondus et de son voile.
S’ils ne sont pas encore parvenus aux conclusions
évoquées ci-dessus, cela n’est pas très grave en soi ;
les prochains indices qu’ils découvriront devraient
leur permettre de mieux comprendre les tenants
et les aboutissants de cette histoire.

140
Un peu de folie dans
votre vie
Tandis que nos héros se trouvent à Urceb, la
situation a empiré à Satarla, par la faute de la
secte clandestine de druides jaunes qui œuvre en
son sein (cf. « Maître Casmar et la Compagnie
des Masques », page 144).
Depuis que leur frère Jorkus les a visités après
son « faux » suicide rituel et qu’il leur a révélé ses
pouvoirs divins (cf. l’introduction à la campagne,
page 49), les druides jaunes s’activent à préparer
son retour triomphal en semant le chaos dans la
cité. Les membres de la secte sont un peu divisés
quant à l’interprétation à donner à l’événement :
certains se sont mis à adorer « Kryphondus, le
dieu voilé » comme une nouvelle divinité appelée
à régner sur la Lémurie, tandis que d’autres y
voient seulement la main de Morgazzon, le grand
fauteur de troubles, qui s’amuse à perturber l’ordre
naturel et à irriter les autres dieux. Quoi qu’il en
soit, le Prince Jaune, qui préside aux destinées de
la secte, a décidé que c’était l’occasion de célébrer
le dieu dément par une série d’actions d’éclat,
pour ajouter du désordre au désordre.
Maître Casmar, un respectable fabricant de
chandelles dont la demeure abrite le temple
secret des druides jaunes, est resté en contact avec
Lok Kozaar depuis le départ de Jorkus pour son
« pèlerinage » à l’île de Kryphondus. Ensemble, ils
ont manœuvré habilement pour contrer l’enquête
du temple de Nemmereth et empêcher quiconque
de découvrir la vérité. La secte bénéficie d’un
espion chez les prêtres de Nemmereth, en la
personne d’un discret serviteur qui les renseigne
sur leurs progrès.
Après l’échec d’Halakh, Lok envoie Kurta
et ses hommes tendre un piège aux héros chez
l’astrologue Almar de Chebeg, tandis qu’il reste
à Satarla pour aider la secte dans ses manigances,
en attendant un message de Jorkus/Kryphondus
qui doit l’appeler auprès de lui pour devenir le
général de ses armées, comme il le lui a promis.
Quelques jours avant le retour d’Urceb des
héros, la nouvelle tant attendue lui parvient enfin :
Kryphondus s’apprête à sortir des jungles pour se
révéler au monde et lui intime de le rejoindre. Lok
quitte Satarla ; ses camarades devraient bientôt
141
revenir d’Urceb (du moins le pense-t-il), et Casmar
Quand tombent les masques
trouvera bien à les employer pour continuer de
« préparer » la ville à accueillir son nouveau dieu.
Note au MJ : si Kurta (ou un de ses camarades)
est parvenu à s’échapper durant la confrontation
chez Almar de Chebeg à la fin de la deuxième
aventure, il file tout droit rejoindre Lok Kozaar
à Satarla. Le voyage est long et difficile (parti
dans l’urgence, il n’a pas pu s’organiser), mais il
arrive avant le retour des héros, et juste à temps
pour accompagner Lok Kozaar qui part rejoindre
Jorkus. Ce qui signifie aussi que maître Casmar
est désormais conscient que les héros risquent de
débarquer chez lui…
Une ville sens dessus
dessous
À leur retour d’Urceb, les héros retrouvent
Satarla dans un état de tension qui est palpable
dès l’arrivée au port. S’il règne sur les quais la
même activité débordante qu’à l’ordinaire, les
visages sont maussades, les rires plus discrets, et
les conversations prennent l’air de conciliabules.
Les patrouilles du guet, dont les soldats paraissent
sur le qui-vive, sont inhabituellement nombreuses
dans les rues de la ville.
C’est que pendant l’absence des héros (qui aura
duré deux mois environ), la cité a continué à
s’enfoncer dans le désordre. Quand ils iront revoir
Nirmus, qui attend avec anxiété leur retour (et
tient prête la récompense sonnante et trébuchante
pour leurs efforts), ce dernier peut les informer
plus précisément :
W Les mêmes phénomènes étranges persistent
à troubler le repos des morts et le sommeil des
vivants, et l’affaire est désormais devenue un sujet
d’inquiétude parmi l’ensemble de la population.
Les prêtres de Nemmereth sont montrés du doigt,
et certains d’entre eux ont été pris à partie par des
gens en colère. La gangrène continue de ronger
la statue du dieu, malgré toutes les cérémonies de
purification et les prières.
W Un drame horrible a ensanglanté le
temple de Lilandra ; une crise de folie meurtrière
 Du côté de Jorkus…
Quand tombent les masques

Tandis que les héros remontent la piste de Jorkus, ce dernier n’est pas resté inactif. Parti de Satarla un
mois avant le début de la saga, en compagnie d’Hilario, il rejoint les marais de Festrel pour prendre
contact avec une communauté de druides jaunes qui y réside. S’étant assuré de son soutien, il franchit
sans encombre les marais pour remonter l’Oom et retrouver l’île de Kryphondus, guidé par Hilario et
accompagné de celle qui se fait appeler la Mégère, une sorcière adepte de Morgazzon qui a décidé de
mettre ses pouvoirs à son service.
En chemin, le petit groupe traverse le territoire de différentes tribus, où Jorkus fait la preuve de ses
« pouvoirs divins » et enjoint aux guerriers de le suivre, n’hésitant pas à massacrer les récalcitrants qui
refusent de l’adorer comme le dieu qu’il est.
Après deux longs mois de voyage, il contemple enfin les rives de l’île de Kryphondus. Mais sa
jubilation le quitte bien vite et, après en avoir foulé le sol, il estime avoir accompli, conformément au
destin annoncé par les astres dans le thème établi par Almar de Chebeg, son « retour aux origines »,
sans même prendre la peine d’explorer les ruines envahies par la végétation (que pourrait-il y trouver
d’intéressant ? Jorkus aspire à faire table rase du passé, pour engendrer une nouvelle ère).
Le temps est enfin venu de préparer son avènement. Il consacre donc les mois suivants à rallier les
tribus de grooth qui pullulent au cœur de la jungle, ainsi que différentes tribus humaines, tout en
rebroussant chemin vers le sud à travers la sylve. Au fur et à mesure de sa progression, son armée se
renforce donc régulièrement, jusqu’à réunir une troupe de quelques milliers de farouches guerriers.
Il n’y a pas encore là de quoi faire trembler Satarla, mais il compte désormais accroître son armée en
enrôlant de force tous les villages de la bande côtière au sud de la jungle, sur le territoire de Satarla,
et peut aussi espérer le renfort de quelques tribus perverties des marais de Festrel tombées sous
l’influence des druides jaunes.
Parvenu à l’orée de la jungle, il fait porter un message à Lok Kozaar pour que ce dernier le rejoigne
afin de devenir son général, et l’ancien soldat dévoré d’ambition et de rancœur n’hésite pas un instant
à lier son sort à celui qui lui promet la richesse et la gloire qu’il a toujours estimé mériter. Quand, à
la fin de cette aventure, les héros s’apprêtent à partir à la recherche de l’île, l’armée de Jorkus a déjà
commencé son offensive sur les petits hameaux en lisière de la jungle afin de récompenser en armes et
en butin les farouches guerriers tribaux qui la composent et d’incorporer de force les hommes en état
de se battre. Lok compte sur l’effet de surprise pour renforcer ses positions avant que Satarla ne soit
en mesure de rassembler son armée au grand complet. Fin stratège, il sait que les forces de Satarla les
écraseront sans mal, quels que soient les pouvoirs (pourtant bien réels) de Jorkus. Mais il a alors l’idée
machiavélique de faire prévenir Tyrus qu’une armée sortie des jungles attaque le territoire de Satarla
par le sud-est ; nul doute que Tyrus saura saisir l’occasion de prendre sa revanche sur son orgueilleuse
rivale ! Obligée de diviser ses forces pour faire face aux deux menaces, minée de l’intérieur par les
manigances des druides jaunes, Satarla deviendra ainsi une proie bien plus facile.
Quant à Jorkus, il n’a aucune pensée stratégique : convaincu d’être un dieu vivant, il ne doute pas
un instant que tous les royaumes de Lémurie tomberont face à son avancée triomphale, car tel
est son destin…

142

s’est emparée de certains dévots ainsi que de
prostituées sacrées, et la célébration des plaisirs
s’est transformée ce soir-là en scène de carnage.
Plusieurs notables de la ville y ont laissé la vie, ainsi
que nombre de courtisanes sacrées, sans que l’on
sache ce qui a pu se produire exactement. Entre
les funestes événements arrivés au temple de
Nemmereth, l’effondrement de la tour du temple
de Grondil (cf. page 87) et ce nouvel incident, les
citoyens commencent à croire que les vingt dieux
se détournent de Satarla. Les rumeurs vont bon
train, qui prétendent que Satarla est maudite
et certains citoyens ont déjà pris la décision de
quitter la ville, craignant que la situation ne fasse
qu’empirer.
W Un incendie a éclaté aux arsenaux royaux
et partiellement détruit deux galères de guerre
en construction. On raconte que le sinistre serait
parti du petit autel dédié à Shazzadion où les
charpentiers de marine avaient coutume de faire
leurs dévotions, ce qui est là aussi interprété par la
population comme un mauvais présage.
W Pour arranger encore les choses, Astanius
l’Invincible, un célèbre gladiateur qui totalisait
plus de quinze victoires dans l’arène, a été
lâchement assassiné il y a deux semaines, alors
qu’il se délassait aux thermes. Le drame a donné
lieu à de véritables émeutes. Une foule enragée a
voulu prendre d’assaut les geôles où avaient été
emmenés deux suspects, d’ailleurs innocents, et il
y a eu plusieurs morts. Un maître des arènes dont
les gladiateurs avaient perdu plusieurs combats
contre Astanius a été lynché à la sortie d’une
taverne, après que la rumeur avait couru qu’il était
le commanditaire de cet assassinat.
143
Quand tombent les masques
W Depuis quelques semaines, de mystérieux
graffitis apparaissent dans les rues, représentant un
visage indistinct, recouvert d’une sorte de voile ou
de linceul et proclamant « Kryphondus revient ».
Note au MJ : en dehors des phénomènes
associés à la mort résultant de l’agitation des
Passeurs de Nemmereth, le reste des troubles
est dû aux agissements de la « Compagnie des
Masques », la secte des druides jaunes de Satarla
(cf. page 144).
Les joueurs devraient logiquement se rendre à la
demeure de maître Casmar, rue des Chandeliers,
qui représente à l’heure actuelle leur seule piste
concrète. Au nom du temple, Nirmus les enjoint
bien sûr à poursuivre l’enquête, et attendra avec
impatience de savoir ce qu’ils auront découvert.
Si, avant leur départ pour Urceb, ils ont sollicité
Qirmar afin qu’il s’occupe de Matius, l’alchimiste
aura de bonnes nouvelles pour eux : il pense
avoir réussi à concocter un élixir qui devrait aider
provisoirement le frère d’Hilario à recouvrer sa
lucidité, au moins le temps d’une conversation.
Rue des Chandeliers
Il est aisé de trouver, rue des Chandeliers, non
loin des arènes de Satarla, la maison de maître
Casmar, une belle bâtisse en pierre près de la
fontaine publique, dont la façade est ornée d’une
frise sculptée représentant des turales (des roses
de la jungle). La rue des Chandeliers regroupe
plusieurs ateliers et boutiques de fabricants de
bougies et il flotte dans l’air un parfum épais de
graisse brûlée mêlé des relents doucereux de la
cire chaude.
 Maître Casmar et la Compagnie des Masques
Quand tombent les masques

La demeure de maître Casmar abrite les réunions secrètes d’une secte de druides jaunes de
Morgazzon qui s’est implantée à Satarla depuis une décennie, à l’instigation de son défunt père. Si
Casmar fait partie des membres éminents de ce culte, dont il est un des principaux financiers, il n’en
est pas le chef. Par une inversion des rapports sociaux qui est du goût des adeptes du dieu dément,
c’est son domestique Toursa, le vieux majordome de la famille au pied bot, qui dirige la secte. Le jour,
Toursa accomplit les corvées de sa charge et obéit docilement aux ordres de son maître ; mais la nuit,
les soirs de cérémonie, il revêt le masque du Prince Jaune, préside aux offices à Morgazzon et décide
des actions de la secte. Casmar devient alors un fidèle parmi d’autres, qui se plie de bonne grâce aux
ordres du maître.
Durant les réunions dans le petit temple au sous-sol de la demeure de Casmar, les druides arborent
d’étranges masques à la mystérieuse symbolique, qui indiquent un rang ou une fonction au sein du
culte. Le masque sacré vient recouvrir cet autre « masque », celui qu’ils doivent porter tout le jour,
quand ils se comportent en bons et honnêtes citoyens menant une vie banale et sans relief parmi le
reste de la population ; il les libère de cette mascarade du quotidien et leur permet enfin d’exprimer
pleinement leur vénération du roi-démon de la folie, dont les bienfaits affranchissent l’homme du
carcan étouffant des règles et de la bienséance.
La « Compagnie des Masques » se réunit tous les trois jours, à la nuit tombée, chez Casmar. Les
membres de la secte gagnent sa demeure par un passage souterrain secret, dont l’entrée se situe dans
l’arrière-cour de ses ateliers, à laquelle on accède par une petite venelle peu fréquentée. Les soirs de
réunion, Casmar prend soin de laisser déverrouillée la porte de la cour. Certains membres se rendent
parfois chez lui sans se dissimuler, comme des amis ayant coutume de dîner régulièrement ensemble.
La Compagnie des Masques compte une vingtaine de membres, dont Casmar et ses trois
domestiques. Elle forme une assemblée hétéroclite de femmes et d’hommes qui représentent toutes
les couches de la société. On y trouve des domestiques, des artisans, des marchands, mais aussi
plusieurs prêtres ou prêtresses de différents dieux (dont un jeune disciple du temple de Nemmereth)
ainsi que quelques membres de la haute noblesse satarlane.

L’ennemi intérieur
Ces derniers mois, la Compagnie des Masques a donc mené plusieurs opérations clandestines à
Satarla, parmi lesquelles le sabotage d’une tour du temple de Grondil, l’incendie aux chantiers navals
et l’assassinat d’un célèbre gladiateur (à Satarla, les jeux du cirque sont un sujet encore plus sérieux
que la religion !). Le massacre au temple de Lilandra a été perpétré grâce à des cierges vendus par
Casmar et imprégnés d’un puissant hallucinogène qui se répand dans l’air à mesure que la cire fond,
déclenchant chez les personnes présentes une crise de folie meurtrière. La secte prévoit de réutiliser
bientôt ce sinistre stratagème, entre autres projets malsains.

Pour se renseigner sur le propriétaire de cette
demeure, il suffit de poser quelques questions
dans le quartier, auprès des marchands de la rue
ou de domestiques d’autres maisons (l’occasion de
quelques tests d’aura, en glissant une piécette ou
deux, au besoin). Maître Casmar est un marchand
qui appartient à la guilde des chandeliers et des
ciriers. C’est un notable respecté, au commerce
prospère. Ses ateliers fabriquent de belles bougies
et des cierges en cire d’abeille, et il a parmi ses
clients plusieurs temples de la ville, ainsi que de
grandes familles de la noblesse. Les ateliers de
maître Casmar se trouvent dans une rue adjacente
et consistent en un hangar en pierre précédé de
l’échoppe où s’entassent en faisceaux de modestes
chandelles de suif et de belles bougies de cire.

144
 Quand tombent les masques
Les questions des héros peuvent également leur
permettre d’apprendre que l’épouse et la fille de
Casmar sont parties pour la campagne, comme
chaque été, quand la chaleur transforme la ville en
fournaise irrespirable. La maisonnée est réduite
à trois domestiques : Toursa, un vieux boiteux
(l’homme est affligé d’un pied bot), une cuisinière
(Ilsda) et une servante (Atti).
Il est possible de suivre ces derniers dans les
rues quand ils vaquent à leurs occupations, mais
leur comportement ne trahit rien de suspect.
Note au MJ : si Kurta ou un autre compagnon
Quant à maître Casmar, il semble mener une
de Lok Kozaar s’est enfui à l’issue du combat
vie bien réglée et routinière. Il part le matin
chez Almar de Chebeg, il a regagné Satarla
pour ses ateliers, s’occupe de ses affaires tout
pour retrouver Lok chez maître Casmar, puis
au long du jour, déjeune dans une taverne en
est reparti avec lui rejoindre Jorkus. Les druides
compagnie d’autres chandeliers et rentre en fin
jaunes savent désormais que les héros sont
d’après-midi à sa demeure, sans ressortir de la
toujours en vie, qu’ils risquent de revenir à Satarla
soirée (du moins durant les quelques jours où les
et qu’ils savent peut-être (si un des hommes du
héros peuvent surveiller ses allers et venues). Il
céruléen a parlé) que le rendez-vous était fixé
reçoit régulièrement quelques amis à dîner, des
avec Lok chez maître Casmar. La secte sera donc
marchands comme lui, à ce qu’il semble.
particulièrement méfiante et vigilante, et prête à
Des questions à propos d’un céruléen qui réagir à la moindre intrusion (bref, les héros ne
aurait été aperçu chez maître Casmar pourront bénéficieront pas de l’effet de surprise).
éventuellement confirmer qu’un nomade bleu
W Si les héros ne sont pas en possession
a été vu plusieurs fois sortant de chez lui ces
du mot de passe que Lok Kozaar a transmis à
dernières semaines. Une surveillance des lieux
ses hommes (cf. page 111), ils devront tenter de
ne permettra pas de repérer Lok Kozaar, puisque
s’introduire discrètement (ou brutalement…)
ce dernier est parti avant que les héros soient
dans la maison.
revenus à Satarla.
De jour, le quartier commerçant est très
Entrer chez Casmar fréquenté, ce qui ne facilitera pas la tâche des
héros. La maison n’est occupée que par les trois
Selon les informations dont disposent les
domestiques qui, s’ils sont capturés et interrogés,
joueurs, plusieurs options s’offrent à eux. S’ils
joueront l’incompréhension et l’innocence.
possèdent le mot de passe, ils peuvent tenter de
Toursa est un fanatique absolu qui ne révélera
se faire passer pour les hommes de Lok Kozaar,
rien. Ilsda et Atti sont davantage susceptibles de
bien qu’ils ignorent tout de ce qui les attend dans
craquer, mais il faudra se montrer particulièrement
cette maison.
convaincant (ou menaçant). Si les domestiques
Sans le mot de passe, différentes approches repèrent des intrus, leur première réaction sera
restent possibles, entre l’entrée discrète ou de descendre au temple chercher l’aide des
l’irruption brutale, de jour ou de nuit. membres du culte présents (cf. la description du
temple souterrain), puis d’envoyer un acolyte par
Il vous faudra donc improviser un peu, en fonc-
le passage secret prévenir Casmar.
tion de la manière dont les joueurs s’y prennent.
Vous trouverez ci-après différents éléments pour Il reste bien sûr possible, en explorant
vous y aider, et notamment une description des soigneusement la maison, que les héros découvrent
lieux et des différents protagonistes, ainsi que de par eux-mêmes, dans la cave, l’entrée secrète du
leurs possibles réactions. temple de Morgazzon.

145
 Et si…
Quand tombent les masques

Il est possible que les joueurs aient l’idée de s’en remettre aux autorités de Satarla pour investir la
maison de Casmar, afin de s’épargner cette peine. Nirmus est un prêtre de haut rang, parfaitement à
même de solliciter le palais… à condition de disposer de suffisamment de preuves ou de suspicions
pour justifier une intervention du guet.
Par exemple, si les héros rencontrent Casmar chez lui grâce au mot de passe et jouent la comédie
de manière convaincante, ils peuvent en ressortir avec le stock de chandelles empoisonnées (une
preuve irréfutable) et penser alors à faire appel à Nirmus et aux autorités de la cité.
L’idée n’a rien d’absurde et, grâce aux relations de Nirmus, le maître du guet des arènes, averti de
l’affaire, acceptera d’intervenir, en exigeant tout de même la présence des héros en tant que témoins
(ce qui évitera de les priver de la découverte du temple secret à Morgazzon et des indices qui s’y
trouvent). Vous pouvez même laisser les joueurs monter l’opération avec le guet et décider de la
meilleure façon de s’y prendre. Les druides jaunes ne se rendront pas sans combattre, et de
simples gardes de la ville auront fort à faire contre eux si les héros ne leur prêtent pas main-forte.
Certains druides peuvent aussi chercher à fuir par le passage secret, ce qui peut se terminer
en course-poursuite dans les rues de Satarla.

De nuit, considérez que le soir où les héros
passent à l’action est justement un soir de
réunion de la Compagnie des Masques, histoire
de pimenter la chose. Ils découvrent alors une
maison étrangement vide, aux lits inoccupés. La
seule lumière provient d’une bougie qui brûle
dans la cuisine, où Ilsda somnole sur la table (Atti
et elle se relaient les soirs de réunion pour rester
de garde dans la maison, au cas où quelqu’un
frapperait à la porte ou qu’il se produirait un
événement nécessitant que maître Casmar
remonte du temple souterrain). La trappe menant
à la cave, qui est éclairée par une autre bougie, est
curieusement ouverte…
En plus des personnes toujours présentes au
temple (cf. description), ajoutez 4 druides (coriaces)
et 5 acolytes (piétaille) dans le complexe souterrain.
Note au MJ : des joueurs pourraient aussi
avoir l’idée de surveiller ou de fouiller les ateliers
de maître Casmar à la faveur de la nuit et, dans
ce cas, avoir une chance de trouver le passage
secret menant au temple (pourquoi pas en voyant
plusieurs personnes entrer par l’arrière-cour pour
ne plus en ressortir…).
Jouer la comédie
Si les héros ont connaissance du mot de passe,
ils peuvent essayer de se faire passer pour les
compagnons de Lok Kozaar. Une fois le mot
de passe donné à la porte de la maison (les trois
domestiques – et Toursa mieux que les autres –
sont informés de la venue prochaine des sbires du
céruléen), les héros sont conduits au salon où ils
sont invités à patienter.
Note au MJ : si les héros se présentent à la porte
de Casmar dans la journée, une fois le mot de
passe donné, il leur sera demandé de revenir en fin
d’après-midi, car le maître est à ses affaires.
Une dizaine de minutes plus tard, maître
Casmar les rejoint au salon, en compagnie de
son vieux domestique. Casmar demande « Lequel
d’entre vous est Kurta ? », et remet alors à celui qui
se désigne comme tel une petite bourse d’or, solde
du paiement pour la mission à Urceb. Il demande
si tout est réglé, puis les informe que Lok Kozaar
a dû partir, mais qu’il reviendra bientôt, ajoute-t-
il avec un sourire entendu. Ce dernier lui a affirmé
que ses camarades seraient certainement prêts à
continuer à travailler pour lui, contre rétribution,
bien sûr, en attendant son retour.
Si les héros acceptent, Casmar les informe qu’il
aurait une mission pour eux. Son « groupe » a
connu plusieurs succès récents, se vantera-t-il, et
quelques opérations d’envergure sont actuellement
en préparation. Un héros attentif (et réussissant
un test d’esprit) pourra remarquer qu’un spasme de
contrariété déforme un instant les traits du vieux
domestique debout derrière Casmar.

146
 Ce dernier fait signe à son serviteur qui s’éclipse
en claudiquant, pour revenir quelques instants
plus tard avec un gros sac contenant douze
grosses bougies de cire blanche. Le travail est
simple, et requiert seulement de la discrétion : il
faut s’introduire dans les ateliers de dame Farla, à
deux rues d’ici. Trois faisceaux de douze bougies
semblables à celles-ci sont entreposés sur une
table à gauche de l’entrée des ateliers ; il suffit de
remplacer douze bougies par celles-ci, et de tout
remettre en place pour que nul ne se doute de la
substitution. S’ils s’acquittent avec succès de ce
premier travail, Casmar aura d’autres tâches à leur
confier par la suite. Interrogé sur les raisons de
cette manœuvre, Casmar se contentera de sourire,
en répondant qu’il s’agit d’une surprise…
Note au MJ : les bougies de dame Farla doivent
être livrées le lendemain pour le banquet de
mariage de la fille de Rufin d’Aquilius, grand
capitaine des chevaliers de Satarla. Celles que
Casmar remet aux héros sont imprégnées du
même poison hallucinogène que celui utilisé au
temple de Lilandra peu de temps auparavant.
Rififi chez les druides
jaunes
À un moment ou un autre, les joueurs devraient
décider que la comédie a assez duré et passer à
l’action. Il n’est guère difficile de maîtriser Casmar
(et éventuellement son vieux serviteur), mais plus
délicat de l’amener à trahir ses frères les druides
jaunes en révélant l’entrée du temple secret. Atti
laisse traîner une oreille près du salon, attentive
à ce qui s’y passe, et ira prévenir au temple si elle
craint pour Casmar.
Si Toursa, qui est plus perspicace que Casmar,
a le moindre doute sur l’identité des héros, il
s’excusera auprès de Casmar et quittera le salon.
Quelques minutes plus tard, Atti se présentera
et informera Casmar que « le maître » demande
à voir ses hôtes. Casmar affichera une surprise
perplexe, mais se lèvera en invitant les héros à
le suivre (eux aussi seront sans doute perplexes
de découvrir que Casmar n’a pas l’air d’être le
véritable chef ).
Il les mènera à la cuisine, puis à la cave et ouvrira
le passage secret pour les faire entrer dans le
147
temple. À ce moment-là, la salle de garde (n° 1)
Quand tombent les masques
est vide. Un seul homme, vêtu de sa robe jaune,
mais sans son masque, se tient dans le couloir et
fait signe au groupe de le rejoindre ; le maître les
attend. Aussitôt que les héros se sont engagés dans
le couloir, l’homme abaisse le levier qui ferme la
herse derrière eux, leur bloquant toute retraite. Des
portes latérales et du fond du couloir surgissent
alors les druides masqués, qui les balaient du
« souffle de Morgazzon » (cf. page 154).
Mais si les joueurs s’y prennent bien, il est
possible de maîtriser Casmar et ses domestiques,
puis de trouver le temple et d’en surprendre ses
occupants, ce qui facilitera grandement le combat.
Note au MJ : si les héros investissent les lieux
le soir, n’oubliez pas d’ajouter 4 druides jaunes
(coriaces) et 5 acolytes (piétaille) en plus des
personnes présentes au temple à toute heure
(comme indiqué dans la description, ci-après).
La demeure de maître
Casmar
Il s’agit d’une grande maison bourgeoise en
pierre, à un étage. Une lourde porte en bois ferme
l’entrée (Difficile -2 à enfoncer ou à crocheter).
Une petite cour, ceinte d’un mur de deux mètres
de haut, s’étend sur l’arrière de la bâtisse et
accueille quelques plantations d’agrément. Les
pièces sont confortablement meublées, sans
avoir le luxe d’une demeure de la noblesse, et
de beaux tapis réchauffent les planchers du
salon, du bureau et des chambres. La maison
renferme une véritable collection de bougeoirs
et de chandeliers de formes et de tailles diverses.
Le bureau contient des livres de comptes, de la
correspondance d’affaires, des relevés de stock,
bref tout ce qui concerne l’activité de Casmar.
Une bourse pansue peut être récupérée dans le
tiroir du secrétaire. Les quelques livres sur les
étagères sont principalement des ouvrages de
poésie ou des chansons de geste célèbres.
La cuisine et les quartiers des domestiques
offrent un décor banal, sans rien qui sorte de
l’ordinaire. Une trappe dans la cuisine permet
de descendre à la cave où les victuailles et le vin
sont conservés. Un héros fouillant attentivement
les lieux pourra remarquer sur le sol, devant une
Quand tombent les masques

La demeure de maître Casmar 5

Escalier vers
Escalier vers le sous-sol
Balcon la cour Garde-
manger
4

Cuisine
Chambre Chambre Domestique
du maître
Domestique 2 3

Grand Petit
salon salon
Chambre Chambre

Bureau
Domestique Domestique Cave

1er étage Rez-de-chaussée

2 mètres Sous-sol

étagère chargée de bocaux, une marque en arc de
cercle qui griffe le sol de pierre. Montée sur de
discrètes charnières, l’étagère pivote pour révéler
un trou dans le mur qui donne accès au temple de
Morgazzon.
Les chambres à l’étage sont celles de Casmar, de
son épouse et de leur fille ; la quatrième chambre,
destinée aux invités, est inoccupée. Il n’y a rien
d’intéressant à y trouver, et rien de plus dans les
combles, auxquels on accède par une trappe au
plafond du palier.
Le temple secret de
Morgazzon
1. Salle de garde
Le trou dans le mur de la cave donne dans une
pièce souterraine de 5 mètres sur 3. L’endroit,
éclairé par des bougies dans des appliques murales,
comporte deux paillasses, une table et plusieurs
tabourets. Un broc de vin et quelques verres sont
posés sur la table. Une odeur étrange et capiteuse,
mélange d’effluves végétaux, flotte dans l’air, en
provenance du couloir.
Quatre fidèles (piétaille) vêtus de longues robes
jaunes sont présents dans cette pièce de jour
comme de nuit. Ils portent des masques de cuir
peints du faciès grotesque d’animaux contrefaits :
un singe à la bouche démesurée qui occupe la
moitié du visage, un bubalus aux yeux énormes
et exorbités, un serpent à crinière d’andrak, un
kroark cornu et peint en bleu.
Si l’arrivée des héros est une intrusion (c’est-à-
dire s’ils ne sont pas conduits par Casmar ou un
domestique), l’un de ces acolytes se précipitera
dans le couloir pour déclencher le mécanisme qui
commande la chute de la herse bloquant l’accès
au temple, isolant les héros dans la salle d’entrée
et les empêchant de pénétrer plus avant dans le
complexe souterrain. Ce mécanisme se situe près
des portes du temple, dans un petit renfoncement
du mur. Il consiste simplement en une roue crantée
sur laquelle s’enroule la chaîne retenant la herse,
et un petit levier permettant de la libérer. Une fois
la herse tombée, il faut réussir un test de vigueur
Très difficile (-4) pour parvenir à la soulever
suffisamment et permettre à un compagnon de se
faufiler dessous ou de la bloquer, par exemple en
se servant d’un tabouret.

148

2. Vestiaire
Cette salle en longueur comporte deux longs
bancs et des patères au mur, sur lesquelles sont
pendus des vêtements de ville, ainsi que plusieurs
robes jaunes. Un meuble en bois occupe le fond
de la pièce et consiste en plusieurs rangées de gros
pommeaux sur lesquels sont accrochés différents
masques d’aspect et de matériaux variés. Tous
présentent des visages grotesques, hideux et
difformes, animaux ou humains.
3. Laboratoire
Il s’agit d’un laboratoire d’alchimie, qui
comprend un athanor, plusieurs cornues et
récipients en verre, un soufflet, un grand
chaudron de cuivre où bouillonne de la cire
chaude, surmonté d’un dispositif permettant d’y
faire tremper des mèches de bougie. Dans un
panier d’osier, une brassée de cierges de cire est
soigneusement empilée. Des bouquets d’herbes
sèches pendent du plafond et des bocaux remplis
de feuilles, de fleurs, de racines, de poudres et
de liquides divers s’alignent sur des étagères.
Un soupirail assure au lieu une bien modeste
ventilation. C’est le laboratoire de travail du
« Bon Docteur » que les héros trouveront à pied
d’œuvre, de jour comme de nuit.
149
Quand tombent les masques
4. Temple de Morgazzon
Une belle mosaïque géométrique, dans des
tons de rouge, décore le sol de cette longue salle.
Au centre, la mosaïque se compose de différents
registres représentant les mêmes visages
grotesques que ceux des masques des druides.
Chaque représentation semble réalisée sur un carré
de mosaïque amovible (Note au MJ : ces portraits
indiquent les différents « grades » des adorateurs.
Mais, de temps à autre, l’ordre des portraits est
changé, ce qui bouleverse par la même occasion la
hiérarchie au sein de la secte. Morgazzon aime le
changement...). De chaque côté, deux banquettes
de pierre courent sur presque toute la longueur
de la salle, où vingt à trente personnes doivent
pouvoir se réunir.
Au fond de la salle se dressent un autel et la statue
d’un vieil ermite au regard fou et à la longue barbe.
Au pied de la statue se trouve une petite idole
d’argile, grossièrement façonnée mais de facture
récente, qui représente un homme bedonnant,
au visage couvert d’un petit voile blanc dont les
coins sont pris dans la glaise, plaquant le tissu
contre ses traits. Derrière la statue, une mosaïque
murale représente un œil jaune au centre d’une
masse informe de tentacules entremêlés. Ici aussi,
des bougies dans des appliques murales éclairent

Quand tombent les masques
brillamment les lieux. Une épaisse fumée s’élève
d’un petit brasero près de l’autel et une odeur
étouffante d’encens sature le sanctuaire.
Une porte à gauche, au bout de la salle, ouvre
sur l’office du Prince Jaune. Deux druides jaunes
(coriaces) portant des masques sont assis sur la
banquette de gauche et discutent à voix basse.
Au pied de l’autel, occupé à marmonner ses
prières, se trouve un druide en robe jaune, le visage
couvert non d’un masque, mais d’un voile de gaze
légère. Le voile a été cousu à son front et sur toute
la circonférence de son crâne rasé. La peau est
gonflée et suppurante aux endroits où le fil lui
rentre dans la peau, et le voile est taché de sanie.
L’homme a des yeux fiévreux et un filet de bave
dégoutte de son menton. Sa robe est crasseuse
comme s’il ne l’avait pas ôtée depuis des mois.
Note au MJ : il s’agit du « druide voilé », un
fanatique qui s’est cousu un voile sur la tête après
avoir assisté aux « miracles » de Jorkus, et qui a
décidé de rester dans le temple jusqu’à son retour.
Son isolement dans ce temple souterrain n’a rien
arrangé à son état mental, et il est littéralement
fou à lier. Qui sait, les joueurs pourraient croire en
le voyant qu’ils ont retrouvé Jorkus ?
150
5. Office du Prince Jaune
L’endroit ressemble à un petit scriptorium, avec
deux pupitres d’écriture et un grand bureau au
fond de la salle. Plusieurs tapisseries décorent les
murs et de beaux tapis couvrent les dalles du sol.
Une étagère chargée de livres et de rouleaux de
parchemin occupe le mur du fond, derrière un
petit bureau en bois noir.
Une porte fermée par un loquet et simplement
dissimulée derrière une tapisserie donne sur un
passage secret (n° 6). Cet étroit couloir creusé
dans la roche et la terre, étayé de poutres, remonte
par quelques marches grossières dans une cave
située dans l’arrière-cour des ateliers de Casmar.
Le puzzle se
complète… presque
Si les druides font preuve dans l’ensemble
d’une grande fidélité à leurs frères et sœurs et se
battent avec acharnement, une fois que tout est
perdu, un éventuel survivant ne se donnera plus
la peine de chercher à protéger les secrets de
la secte. Au contraire, il se glorifiera même des
actions accomplies en l’honneur de Morgazzon
et répondra aux questions des héros avec des
gloussements réjouis.
W Oui, Jorkus était un des leurs, mais il est
mort, et son nom ne se prononce plus. Il est
revenu parmi eux sous le nom de Kryphondus, le
dieu voilé. Il est devenu un être divin, invulnérable
et invincible, aux traits à peine reconnaissables
sous le voile qui lui couvre le visage. Pendant une
nuit entière, les druides ont tenté de le tuer, à
son invitation, de toutes les manières possibles :
ils l’ont poignardé, empoisonné, brûlé, mais rien
à faire. Les lames refusent de pénétrer sa chair
divine, il a bu un poison mortel sans en subir la
moindre conséquence et le feu n’a pas plus d’effet
sur lui que sur un bloc de pierre. Quelle nuit
glorieuse ce fut !
W Kryphondus est parti pour la jungle,
retrouver l’île bénie de Morgazzon où son
histoire a commencé. Il reviendra bientôt, pour
se révéler au monde et régner sur la Lémurie.
Oh, comme Hurm et les vingt dieux vont être
en colère ! Morgazzon s’en réjouit d’avance ! (Si
un joueur pense à poser la question, le prisonnier
révélera que Kryphondus est effectivement parti
en compagnie d’Hilario, « le Guide », qui doit le
conduire à l’île sacrée, au cœur de la jungle.)
W La Compagnie des Masques a préparé
son retour en semant le trouble dans la cité (cf.
encadré « Maître Casmar et la Compagnie des
Masques », page 144). Le céruléen ? Oui, il a été
invité à assister aux prodiges de Kryphondus et
il le sert fidèlement. Il est parti le rejoindre pour
être à ses côtés dans les batailles à venir.
W Parmi les druides jaunes tués durant
l’affrontement se trouve Direl, un jeune acolyte
du temple de Nemmereth, qui espionnait là-bas
pour le compte de la secte.
Une fouille du temple souterrain révélera
plusieurs choses. Le laboratoire comprend de
nombreuses poudres et plantes hallucinogènes,
donc beaucoup proviennent des marais de
Festrel. Il est possible d’y récupérer trois doses du
« souffle de Morgazzon » dans de petites pailles
(cf. page 154), entre autres préparations étranges
qui mériteraient d’être étudiées. Qirmar saura
certainement faire bon usage de tout ceci.
L’office du Prince Jaune contient, outre une
bonne quantité d’or, différents parchemins
anciens relatant des mythes et des légendes
associés à Morgazzon et à son culte. La lecture
de ces parchemins permettra de retrouver la
mention d’une île sur un affluent de l’Oom, au
cœur des jungles de Qush, qui serait un lieu sacré
dédié à Morgazzon, béni par le dieu après avoir
été arraché à des adorateurs d’Afyra. Cette île se
situerait à l’ouest du Pic d’Urghuul, ce sommet
isolé qui perce la jungle, à l’ouest d’Oomis.
Un tiroir du bureau, fermé à clef, renferme
également une sacoche de cuir dans laquelle est
rangée une copie manuscrite relativement récente
d’une compilation de la correspondance de Varana,
grande prêtresse d’Afyra du temple de Lysor, qui
remonte aux premiers temps de cette cité. Si
un héros prend le temps de parcourir l’ouvrage,
il y découvrira une lettre particulièrement
intéressante (cf. pages 164 et 165).
151
Rencontre royale
Quand tombent les masques
La découverte (et la destruction) de la secte des
druides jaunes est évidemment une affaire qui
intéresse au premier plan les autorités de Satarla.
Les héros peuvent décider de prévenir d’eux-
mêmes le guet de la ville ou, solution plus simple,
d’en informer Nirmus afin qu’il relaie la nouvelle.
Quoi qu’il en soit, le lendemain matin,
Nirmus fait mander les héros toute affaire
cessante. Lorsqu’ils le rejoignent au temple de
Nemmereth, ils découvrent dans la cour une
forte escorte militaire de cavaliers en armure. Un
jeune domestique tient timidement la bride d’un
magnifique parvalus au harnachement luxueux.
Ils sont conduits dans une salle du temple
meublée d’une grande table rectangulaire
encadrée de bancs où les attend Nirmus en
compagnie d’un homme d’une soixantaine
d’années, à l’allure martiale malgré ses cheveux
gris et son léger embonpoint. Il est richement
vêtu d’un pourpoint brodé et porte autour du cou
une lourde chaîne en or.
Nirmus s’empresse de présenter aux héros
Embran Tarv, oncle et ministre du roi Davym,
qui a tenu à les rencontrer. Le dos droit, le menton
fièrement dressé, Embran jauge un instant du
regard les héros, puis les invite à s’asseoir.
Après les avoir remerciés de leur courageuse
intervention qui a permis l’élimination de la secte
des druides jaunes, ainsi que pour leur discrétion
au sujet des malheureux événements à la nécropole
royale, Embran les informe que Nirmus lui a
rapporté en détail toute l’affaire, attendu que Sa
Majesté commence à s’inquiéter de ces signes de
colère divine.
Note au MJ : ce peut être l’occasion, si les
joueurs en éprouvent le besoin, de faire un point
sur l’enquête et de se remettre en tête les différents
éléments à leur disposition. Les informations
glanées lors de la destruction de la Compagnie
des Masques doivent avoir permis aux joueurs de
comprendre, en lien avec l’oracle de Nemmereth
ainsi que les fresques du sanctuaire de Kryphondus,
que Jorkus a retrouvé un voile d’origine divine, qui
semble lui conférer l’immortalité, ce qui n’est pas
du goût de Nemmereth. Les dernières strophes
Quand tombent les masques

Conversation avec Matius

Si les joueurs ont eu l’idée de faire appel à Qirmar pour tenter de soigner Matius avant leur
départ pour Urceb, celui-ci est parvenu à mettre au point une décoction capable d’apaiser
temporairement les frayeurs et les hallucinations de Matius. Sans être indispensable à la
poursuite de la saga, cette conversation avec Matius offrira aux joueurs quelques indices sur ce
qui les attend sur l’île de Kryphondus.
Le traitement s’avère efficace ; au bout de quelques dizaines de minutes, Matius semble
retrouver un peu de lucidité. Il garde l’air hagard d’un homme qui vient de s’éveiller d’un
cauchemar et ses propos sont encore hésitants, mais il devient possible de lui demander de
raconter ce qu’il a vécu là-bas. Dans un discours haché, entrecoupé de balbutiements, Matius
relate d’une voix tremblante l’expédition, en roulant follement des yeux.
« Oui, l’expédition dans la jungle… Nous étions dix, plus l’équipage du navire. Nous avons remonté
le cours de l’Oom, avant de nous engager dans son affluent principal, qui sort de la jungle. Hilario
dirigeait l’expédition. Nous devions retrouver une grande île et les ruines d’un temple très ancien,
pour le compte d’un prêtre de Nemmereth. Jorkus, oui, c’est ça… Pourquoi ? Je ne sais pas… C’est
Hilario qui savait, mais il ne savait pas où il allait nous mener, oh, non, ça, il ne le savait pas…
Des mois ! Nous avons navigué des mois sur ces eaux maudites, à remonter des bras secondaires qui
partaient vers l’ouest ou le sud, à la recherche de cette île. On savait que c’était quelque part au sud-
ouest du grand affluent de l’Oom qui sort de la jungle, dans la région du Pic d’Urghuul…
Puis, enfin, en interrogeant les tribus de la région, on a trouvé l’île, au milieu d’un grand lac
marécageux, coupé de l’affluent de l’Oom. Sans doute le cours de la rivière s’était modifié avec le
temps… Nous avons dû marcher longtemps, et puis construire des radeaux pour explorer l’île…
Il ne faut pas aller là-bas, les dieux ont maudit cet endroit ! La végétation est folle, et ces fleurs
jaunes ! Je sens encore leur parfum qui me faisait tant tourner la tête. Et le grondement de l’essaim
qui bourdonne dans le ventre de Drokko !
Non, il y a des choses là-bas… Non, je ne veux pas en parler… Morts, ils sont tous morts… Hilario
m’a sauvé, et nous avons fui, fui la mort blanche qui rôde là-dedans et qui dévore le monde comme
un asticot dévore un cadavre… Et la chose dans l’eau ! Ses gémissements, jamais je ne les oublierai…
Kryphonduuus, Kryphonduuus…
Et tout ça pour quoi ? Il n’y avait rien là-bas, rien que la mort et la folie… Non, laissez-moi, je ne
veux plus en parler, laissez-moi, je vous en prie… »
(Note au MJ : si les héros ont récupéré le médaillon rapporté par Hilario et qu’ils pensent à
le montrer à Matius, celui-ci pourra leur indiquer qu’Hilario l’a trouvé « près du bassin aux
nénuphars », sans plus de précision.)
En dehors de ce bref monologue, d’autres tentatives pour questionner Matius se révéleront
vaines. Il retombe rapidement dans son état catatonique et incohérent.

152
de l’oracle invitent à chercher l’île où tout a Note au MJ : d’éventuelles demandes en équi-

Quand tombent les masques

commencé, dans l’espoir d’y trouver le moyen pement pourront obtenir une réponse favorable
de détruire le voile. Et, de ce qu’ils en savent (dans la limite du raisonnable, il va sans dire).
actuellement, Jorkus lui-même serait parti pour
l’île de Kryphondus…
Une fois ce point sur la situation terminé,
Embran s’adresse aux héros : Protagonistes
« Même si cette affaire concerne au premier chef
les prêtres de Nemmereth, elle a provoqué beaucoup
de désordre dans la ville, et notre roi Davym est
La Compagnie des
un homme pieux, soucieux d’honorer les dieux et de Masques
veiller à ce qu’ils comblent Satarla de leurs bienfaits.
Tous les druides de la secte (rivaux et coriaces)
Nirmus et ses confrères pensent que le dieu vous a
disposent d’une dose du « souffle de Morgazzon »
choisis pour mettre fin au sacrilège qui provoque sa
(cf. encadré page 154), dont ils feront usage au
colère ; c’est du moins ainsi qu’ils interprètent votre
début du combat. Malgré la folie qui les anime, ce
implication dans cette affaire, et vos succès en la
sont des adversaires efficaces, capables par exemple
matière. Après tout, il semble que Nemmereth ait
de se mettre en posture défensive ou de battre en
détourné son regard de vous à bien des occasions
retraite le temps que le poison fasse son œuvre.
ces derniers mois ! J’ai tendance à y voir plutôt le
résultat de vos talents et de votre courage – sans Note au MJ : n’oubliez pas d’utiliser les points
vouloir vous offenser, vénérable Nirmus –, mais il de foi des druides, notamment pour infliger un dé
est vrai que même le plus valeureux des guerriers de malus à leurs ennemis sur leurs tests d’esprit pour
ne dédaigne pas la Fortune quand elle a l’heur de résister au souffle de Morgazzon. Mais ce peut
lui sourire. être aussi un reflet lumineux sur un masque qui
gêne une attaque, un comportement imprévisible
Je vous avoue que je ne crois guère à cette histoire
ou erratique qui déstabilise l’adversaire et accorde
d’invulnérabilité ; je n’ai pas encore rencontré de
un dé de bonus au druide, etc.
problème qui ne puisse être résolu par quelques
pouces de bon acier plantés là où il faut. Et si ce
Jorkus a offensé son dieu, le mieux est de l’expédier Druides jaunes
promptement s’expliquer avec lui. Enfin, ce que
j’en dis…
(coriaces)
De jour, 2 druides jaunes se trouvent dans le
Quoi qu’il en soit, Sa Majesté porte un grand
temple. De nuit, rajoutez-en 4.
intérêt à cette affaire et vous pouvez compter
sur son soutien ainsi que sa reconnaissance, qu’il
Attributs Aptitudes de combat
exprimera avec sa prodigalité coutumière.
Vigueur 0 Initiative 0
Je vous ai préparé un laissez-passer à destination Agilité 0 Mêlée 1
du commandant de la garnison de Fort Junia, une Esprit 2 Tir 0
petite forteresse frontalière en limite des marais Aura 0 Défense 1
de Festrel. Il a ordre de vous fournir une gabarre
Carrières : druide 1, marchand (ou autre) 1
avec son équipage, et tout ce qu’il vous faudra pour
remonter le fleuve Oom et chercher cette fameuse Protection : aucune armure 0
île. Je vais faire plus, afin de vous faire gagner du
Armes : coutelas d6M,
temps : demain matin, une nef volante doit partir
1 dose de souffle de Morgazzon
pour Fort Junia et vous prendrez place à son bord.
Cela vous épargnera une bonne dizaine de jours Points de foi : 1
de voyage. Présentez-vous demain matin à l’aube
Vitalité : 6
aux portes du palais pour embarquer. »

153
Quand tombent les masques

Le souffle de Morgazzon
Il s’agit d’une poudre alchimique qui se souffle au visage de l’adversaire à l’aide d’une petite
paille. Le nuage volatile pénètre par la bouche, les yeux, les oreilles, et même les pores de la
peau.
Le poison met deux rounds à agir. La victime doit alors effectuer un test d’esprit. En cas
d’échec, le héros commence à avoir des hallucinations visuelles et auditives. L’effet, déterminé
par un jet sur la table ci-dessous, persiste d6 rounds, à l’issue desquels il a droit à un nouveau
test d’esprit pour retrouver sa lucidité. En cas d’échec, il effectue un second jet sur la table et
subit les nouveaux effets pour d6 rounds, après quoi le poison cesse d’agir.
Un héros qui a le réflexe d’essayer de retenir sa respiration doit réussir un jet de réaction
(initiative + esprit) pour y parvenir ; en cas de succès, il bénéficie d’un dé de bonus au test pour
résister au poison.
Selon les circonstances, il est possible que le druide qui l’emploie inhale lui aussi le poison,
mais comme cette préparation hallucinogène est utilisée dans les rituels du culte, les druides
sont accoutumés à ses effets ; ils bénéficient d’un dé de bonus pour y résister.
Un personnage qui résiste au poison ne ressent qu’une légère euphorie, une tendance à
trouver les choses comiques et risibles. Il subit aussi quelques déformations auditives et
visuelles ; les lumières sont un peu plus éclatantes, les sons résonnent étrangement, mais rien
de très gênant. C’est plutôt joli et agréable, en fait.
En cas d’échec au test d’esprit, en revanche, le héros tire d6 sur la table suivante :
1 Cauchemar éveillé. Le héros est victime d’horribles hallucinations. Il se recroqueville dans
un coin en hurlant, pris de panique et incapable de réagir. Il ne peut rien faire d’autre que se
défendre, et les attaques qui le prennent pour cible bénéficient d’un dé de bonus.
2-4 Fascination. Le héros ouvre de grands yeux émerveillés et regarde autour de lui avec
étonnement et ravissement. Il ne peut entreprendre aucune action, et les attaques qui le
prennent pour cible bénéficient d’un dé de bonus. En revanche, dès qu’il subit des dégâts, il a
aussitôt droit à un test d’esprit ; en cas de succès, il sort de son hébétude et les effets du poison
prennent immédiatement fin. Il peut de nouveau agir normalement dès le round suivant.
5-6 Rage destructrice. Le héros attaque la personne la plus proche (ami ou ennemi) au corps
à corps en effectuant une attaque intrépide (+2 à l’attaque, -2 à la défense), ou peut aussi s’en
prendre à du mobilier, en s’acharnant sur sa cible (même quand celle-ci est morte ou réduite à
l’état de débris) tant que dure l’effet du souffle de Morgazzon, totalement imperméable à tout
ce qui se passe autour de lui.

154
Toursa (rival) / Casmar (rival) /

Quand tombent les masques

le Prince Jaune
Le vieil homme claudiquant porte un masque
doré représentant un visage déformé et penché de
côté, aux yeux ronds et à la langue pendante dans
une bouche au sourire dément.
le Bambin
Maître Casmar porte un masque représentant
dans sa moitié supérieure les traits poupins d’un
nourrisson, et dans sa moitié inférieure le visage
ridé et édenté d’un vieillard.

Attributs Aptitudes de combat Attributs Aptitudes de combat

Vigueur 0 Initiative 0 Vigueur 0 Initiative 1
Agilité 1 Mêlée 2 Agilité 1 Mêlée 1
Esprit 1 Tir 0 Esprit 2 Tir 0
Aura 2 Défense 2 Aura 1 Défense 0
Carrières : Carrières :
Serviteur 1 Noble 1
Fermier 0 Marchand 2
Druide 3 Druide 2
Assassin 1 Scribe 1
Protection : aucune armure 0 Protection : aucune armure 0
Armes : dague d6M, Armes : dague d6M,
1 dose de souffle de Morgazzon 1 dose de souffle de Morgazzon
Points de foi : 3 Points de foi : 2
Points de vilenie : 5 Vitalité : 10
Vitalité : 12
Avantages
Amis haut placés, bien né, fortuné
Avantages
Dur à cuire (déjà inclus dans son profil). Désavantages
Gars de la ville, non-combattant (déjà inclus dans
Inspirateur : le Prince Jaune sait galvaniser ses
son profil)
frères par quelques paroles bien senties. Pour le
round suivant l’utilisation de cet avantage, ses
compagnons bénéficient d’un dé de bonus à leurs
jets d’attaque (1 fois/jour ; possibilité de réutiliser
ce pouvoir, au prix de 1 point de vilenie).
Acolytes (piétaille)
De jour, 4 acolytes se trouvent dans la salle à
Désavantages
l’entrée du temple. De nuit, rajoutez-en 5 répartis
Fanatique : Toursa ne reculera devant rien et est
dans différentes pièces du complexe souterrain.
prêt à mourir pour son dieu.
Unijambiste (boiteux) : son pied bot handicape Attaque : +0
Toursa, qui subit un dé de malus quand la situation Dégâts : d3 (poignard)
l’exige. Carrière : druide 1
Vitalité : 2
Capacité spéciale :
Règle de horde (cf. BoL, page 132)

155
 Le druide voilé (rival) Le Bon Docteur (rival)
Quand tombent les masques

Cet alchimiste dément porte un masque

Attributs Aptitudes de combat
représentant un visage couvert de pustules, aux
Vigueur 1 Initiative 0
yeux suintants, la partie droite déformée par une
Agilité 1 Mêlée 2
énorme tumeur. Il dissimule un vieil homme frêle
Esprit 1 Tir 0
et menu, aux traits débonnaires.
Aura 1 Défense 2
Carrières : Attributs Aptitudes de combat
Druide 2 Vigueur 0 Initiative 1
Noble 0 Agilité 2 Mêlée 0
Médecin 1 Esprit 3 Tir 1
Érudit 1 Aura -1 Défense 2
Protection : aucune armure 0 Carrières :
Alchimiste 2
Armes : dague d6M+1
Médecin 1
Points de foi : 2 Druide 1
Scribe 1
Vitalité : 11
Protection : aucune armure 0
Avantages
Armes : dague d6M, spécial *
Érudit
Points de foi : 1
Intrépide : la peur (naturelle ou magique) n’a
aucune prise sur le druide voilé. Vitalité : 8
Résistant aux poisons : dé de bonus pour résister
Avantages
aux drogues et poisons.
Discret : habile à ne pas se faire remarquer, le
Désavantages Bon Docteur bénéficie d’un dé de bonus quand il
Malédiction de Morgazzon, fanatique cherche à se faire discret.
Laboratoire fourni
Ouïe fine : le Bon Docteur bénéficie d’un dé de
bonus pour tous les tests de perception basés sur
l’ouïe.
Désavantages
Chétif (déjà inclus dans son profil), souffreteux

* Spécial : le Bon Docteur dispose de 3 petits pots en grès

qui répandent en se brisant un nuage de spores étouffantes
et urticantes. La cible effectue un test de vigueur ; en cas
d’échec, elle se met à étouffer et est prise de démangeaisons
insupportables. Elle subit un dé de malus à tous les tests
pendant d6M rounds. Si le jet d’attaque du Bon Docteur
est raté de 1 ou 2 points, le pot se brise près de la cible,
qui effectue alors son test de vigueur avec un dé de bonus.
Le nuage de spores affligera éventuellement un adversaire
au corps à corps avec la cible, qui devra lui aussi effectuer
un test de vigueur pour échapper à ses effets (avec un dé de
bonus si le pot en grès a bien touché sa cible).

156
 Quand tombent les masques
Fort Junia Maben est plutôt facile d’abord et discutera
volontiers avec les héros, surtout s’ils posent des
questions sur sa nef volante, au sujet de laquelle il
Introduits à l’aube dans l’enceinte du Palais
est intarissable. Il pourra également leur expliquer
Splendide, les héros sont conduits au sommet
que son équipage et lui sont envoyés pour
d’une des hautes tours qui servent de quais
patrouiller aux abords de la jungle et des marais.
aériens à la petite flottille de nefs volantes (pour
La zone est agitée ces derniers temps, on rapporte
plus d’informations sur les nefs volantes, cf. BoL,
plusieurs attaques de hameaux par les tribus
page 81). Ils sont présentés au capitaine Maben,
de la jungle. Cela n’a rien de vraiment inédit,
un jeune et fringant officier issu de la noblesse
mais il convient de protéger les communautés
satarlane qui les invite sans attendre à monter à
frontalières qui exploitent le bois de la jungle et
bord. L’équipage de la nef volante compte deux
approvisionnent la capitale.
autres « marins des airs », ainsi que cinq soldats.
En fin d’après-midi, la nef arrive enfin à Fort
Le survol de Satarla alors que la lumière dorée
Junia. Perchée sur une falaise qui surplombe la
du soleil levant caresse les toits des maisons et les
mer, la forteresse – de taille modeste – possède
frontons des temples offre un spectacle à couper
un petit port où sont amarrés plusieurs navires. À
le souffle, et une occasion unique d’embrasser
quelques lieues plus au nord, on aperçoit l’étendue
d’un seul regard la ville entière. La gigantesque
morne des marécages, ainsi que la ligne continue
agglomération avec ses édifices somptueux et
et impénétrable des arbres qui dessinent l’orée de
ses temples mérite certes son titre de Joyau de la
la jungle.
Lémurie !
La nef vient s’arrimer à un ponton de bois qui
Il faut à peine une journée de voyage par la voie
fait saillie au niveau du toit du donjon, au-dessus
des airs pour rejoindre Fort Junia en longeant la
de la mer.
côte du golfe de Satarla. À tribord, la mer infinie
scintille sous le soleil, tandis qu’à bâbord s’étend Accompagné de quelques hommes, le
à perte de vue la canopée vert sombre de la commandant du fort est venu accueillir la nef.
jungle, océan végétal encore plus intimidant que Si, au cours du chapitre 2, les héros se sont portés
l’immensité bleue des flots. au secours de la patrouille de soldats assaillis par

157
 les momies royales dans la nécropole (cf. page 94),
Un « léger » imprévu
Quand tombent les masques

ils auront la surprise de reconnaître le capitaine

Malcar, qui sera tout aussi surpris qu’eux ! Il
les saluera chaleureusement, en amis, et leur
expliquera que ses actions à la nécropole lui ont
valu une promotion et le commandement de ce
fort frontalier.
Si les héros ne se sont pas portés à son secours
dans la nécropole, Malcar ne sera alors pour eux
qu’un commandant de forteresse anonyme, qui se
contentera d’obéir aux ordres de la lettre qu’ils lui
remettent.
Malcar accueille les héros à sa table pour le repas
du soir, auquel assistera aussi Maben, le pilote de
la nef, qui doit repartir dès le lendemain pour
commencer ses vols de patrouille. Le commandant
informe les héros qu’il leur fait préparer une
gabarre avec son meilleur pilote, tout ce qu’il
faut de provisions pour une expédition dans les
jungles, et même quelques soldats d’escorte. Ils
devraient pouvoir partir en fin de matinée, une
fois les préparatifs terminés. Si les héros ont
sauvé Malcar à la nécropole, il leur offrira aussi
une fiole contenant une dose d’antidote contre les
venins animaux et les poisons végétaux (soigne
l’empoisonnement en une heure). Les bonnes
actions reçoivent parfois leur récompense…
Note au MJ : vous trouverez en page 184 un
plan de Fort Junia ainsi qu’une description plus
précise des lieux. L’endroit est une place forte
militaire, fonctionnelle et sans attrait. Il ne s’agit
que d’une étape sans grande importance dans le
voyage des héros… ou du moins doivent-ils le
penser. Vous pouvez donc vous contenter d’une
description sommaire, sans trop insister sur
l’organisation et la disposition des salles, à moins
bien sûr qu’un héros décide d’explorer les lieux
pour tuer le temps. En revanche, veillez bien à lire
la description de Fort Junia avant de faire jouer
cette aventure ; vous en aurez besoin car la suite
des événements va détromper les héros. C’est ici
qu’ils vont être confrontés pour la première fois à
Jorkus, et ici aussi qu’ils le retrouveront à l’issue
de la dernière aventure, pour enfin l’affronter.
Alors que les héros dînent dans le grand
réfectoire du donjon et que le commandant
Malcar leur explique qu’il règne une certaine
agitation parmi les tribus de la jungle, qui se
sont attaquées récemment à quelques fermes
et hameaux, un soldat arrive justement pour le
prévenir que des paysans se sont présentés aux
portes de la forteresse pour y chercher refuge
après la destruction de leur village. Malcar fronce
les sourcils, s’excuse auprès des héros, et se lève
pour aller s’occuper de cette affaire.
Si un des héros décide de l’accompagner, il voit
dans la cour une dizaine de personnes serrant
de maigres ballots, le visage couvert de crasse et
de suie, certains blessés. Dans un récit confus et
brouillon, ils racontent à Malcar que leur village
(qui n’est qu’à deux heures de marche de Fort
Junia) a été attaqué par une armée composée de
grooth, ces humanoïdes primitifs et brutaux qui
infestent les jungles de Qush (cf. BoL page 91) et
de guerriers des tribus de la jungle. À les écouter,
il s’agirait d’une grande armée, mais Malcar pense
que la frayeur leur fait exagérer les choses. Il ne
s’agit certainement que de pillards, même si la
mention de grooth et d’hommes de la jungle
agissant de concert le laisse perplexe ; en général,
ils s’affrontent plus qu’ils ne s’allient. Demain, il
enverra une patrouille vérifier tout ça.
Quelques dizaines de minutes plus tard,
une sonnerie de cor retentit sur les remparts.
Au réfectoire, les soldats penchés sur leur
soupe relèvent aussitôt la tête, tandis que les
conversations meurent. Le silence se fait, puis
une deuxième sonnerie retentit. Avec des jurons,
les soldats se lèvent précipitamment pour courir
à l’extérieur. Nul doute que les héros rejoindront
eux aussi les remparts pour retrouver Malcar qui
est monté au sommet de la porte fortifiée.
Dans les dernières lueurs du soleil couchant,
une troupe gravit l’éminence sur laquelle se dresse
la forteresse. Plusieurs centaines d’hommes
s’avancent en un front compact qui s’élargit à
mesure de leur progression pour occuper toute la
largeur du promontoire. La troupe est composée
d’un mélange de grooth à l’allure simiesque et de
guerriers de différentes tribus de la jungle, armés
d’arcs, de sagaies, de boucliers et de massues.

158
 Passé le premier moment de surprise, Malcar
Quand tombent les masques
ordonne de sonner le branle-bas de combat et
beugle une série d’ordres à ses soldats médusés. Le
fort ressemble soudain à une fourmilière tandis
que les hommes courent aux remparts, s’équipent
dans la précipitation, allument des flambeaux,
s’interpellent nerveusement, transportent des
tonnelets remplis de flèches, etc.
La troupe hétéroclite s’est déployée au pied des
remparts, hors de portée d’arbalète. Ses rangs ne
cessent de se renforcer de nouveaux arrivants.
Il doit bien y avoir deux milliers de combattants,
alors que la garnison de Fort Junia compte moins
de deux cents soldats…
Mais ses remparts crénelés sont hauts et épais ;
sans engins de siège, l’endroit est imprenable,
assure Malcar, avec l’intonation d’un homme
qui cherche à se convaincre lui-même autant
qu’à rassurer les hommes qui l’entourent. Il fait
néanmoins appeler Maben, et lui ordonne de
rassembler son équipage et de préparer sa nef
volante au départ, afin d’aller donner l’alerte.
(Note au MJ : arrangez-vous pour qu’un des héros
soit témoin de cette scène, de façon à rappeler aux
joueurs qu’une nef volante se trouve arrimée sur
le toit du donjon…)
Le dieu voilé
Le temps que Fort Junia se mette en état d’alerte,
le soir est tombé et les assaillants ont allumé
plusieurs grands feux, dont la lumière éclaire les
visages farouches des guerriers de la jungle et les
faciès simiesques des grooth anthropophages.
Parmi eux s’aperçoivent plusieurs hommes vêtus
d’armures et de vêtements plus civilisés, au visage
souvent hagard. L’armée primitive brandit des
étendards sordides qui consistent en une tête
fichée au bout d’une pique et recouverte d’un
voile. Il règne un silence inquiétant et lourd de
menaces, comme avant un orage.
Puis la troupe s’écarte et une sorte de palanquin
en bois mal équarri et peint en rouge rejoint
les premiers rangs, porté par huit grooth. La
silhouette qui y siège est masquée par les ombres
profondes d’un dais. Une femme en robe jaune,
le visage caché derrière un masque représentant
la face ridée et grimaçante d’une vieille femme
hideuse se tient à côté du palanquin, que les
160
porteurs déposent au sol avec soin. La femme est
accompagnée d’un colosse vêtu d’une cuirasse,
un céruléen au crâne chauve, à l’exception d’une
tresse rouge qui tombe du sommet de son crâne.
Malgré la distance et la pénombre, il n’est pas
difficile de reconnaître Lok Kozaar. Il semble
donner des ordres à différents hommes autour de
lui, qui se dispersent parmi les combattants.
Un vieillard petit et trapu se détache des
premiers rangs et s’avance vers le fort. Il porte lui
aussi une robe jaune crasseuse sur laquelle sont
cousus divers talismans et colifichets, et marche
en s’appuyant sur un bâton. Arrivé à une dizaine
de mètres des remparts, il les contemple un instant
en silence, puis prend la parole d’une voix forte :
« Bienheureux êtes-vous, hommes de Satarla !
Ainsi que les signes célestes l’ont annoncé,
Kryphondus, le dieu perdu, est revenu parmi nous !
Il abattra les trônes des nations pour établir son
juste règne sur la Lémurie et vous avez le privilège
d’être les témoins de son avènement ! Ouvrez les
portes de votre maison de pierre, adorez le dieu et
rejoignez son ost afin de combattre en son nom,
pour sa plus grande gloire, et il fera pleuvoir sur
vous ses bienfaits ! »
« Nous servons le roi Davym Tarv, légitime
souverain de Satarla », répond Malcar d’une voix
tonitruante, « et vous êtes ici sur ses terres. Fuyez
tant que vous le pouvez, ou sa fureur s’abattra
sur vous ! »
Le vieillard hoche la tête, d’un air presque
satisfait, et repart en claudiquant vers les siens.
Pendant ce temps, huit prisonniers aux mains
liées dans le dos – des soldats, manifestement –
ont été amenés et agenouillés pour former une
haie d’honneur devant le palanquin, quatre d’un
côté, quatre de l’autre. Les huit porteurs se sont
placés derrière les prisonniers. La femme en jaune
se tient au bout de cette petite allée et clame des
paroles incompréhensibles, les bras levés vers le
ciel. Cela dure quelques minutes, puis la silhouette
assise sous le dais se lève et s’avance dans la lumière
dansante des brasiers. Autour, hommes et grooth
ploient le genou dans une attitude d’adoration.
L’homme est nu, à l’exception d’un pagne rouge
qui lui ceint les reins, et de sandales. Il a le corps
flasque et ridé d’un vieillard, mais sa démarche est
hautaine et assurée. Son torse scintille étrangement
d’un éclat doré à la lueur des flammes, comme s’il

Quand tombent les masques

était couvert de poudre d’or. Il porte sur la tête un
voile qui semble coller à son visage, rendant ses
traits étrangement flous et vaporeux. Il s’avance
à pas lents entre les deux rangées de prisonniers,
qui sont sauvagement égorgés par les grooth à
chaque fois qu’il arrive à leur hauteur. Une giclée
de sang éclabousse l’homme, tandis que la voix
de la femme, qui a poursuivi ses incantations, se
mue en un cri aigu quand l’homme voilé arrive
au bout de l’allée processionnelle, rougi du sang
des victimes sacrifiées. Il s’avance alors vers Fort
Junia, tandis que la sorcière en jaune s’effondre
au sol. Derrière lui, les soldats de son armée se
relèvent et se mettent à le suivre en scandant
« Kryphondus ! Kryphondus ! Kryphondus ! »
Tétanisés par le spectacle, les soldats sur les
remparts sont ramenés à l’ordre par les cris de
Malcar qui enjoint ses hommes de se préparer
à l’assaut ! Les premières flèches pleuvent sur
l’armée qui progresse à quelques pas derrière la
silhouette dorée et ensanglantée de l’homme
voilé, qui se dirige droit vers la porte fortifiée
de l’enceinte.
Plusieurs flèches frappent ce dernier, mais les
projectiles ricochent sur son corps sans pénétrer
sa chair ; à peine a-t-il un petit sursaut à chaque
impact…
Il arrive indemne au pied des portes, reçoit sur
la tête une pierre assez lourde pour fracasser le
crâne d’un kroark – ce qui le déstabilise à peine –
et pousse du plat de la main les lourdes portes de
chêne cloutées. Dans un craquement sec, le bois se
fendille et éclate comme un rondin sous l’impact
d’une lourde cognée. La fissure se propage en
s’élargissant sur toute la hauteur du vantail, qui se
brise en mille morceaux !

La Mégère
La druidesse au masque de vieille femme est une adepte de Morgazzon qui a accompagné Jorkus depuis
Satarla. Malgré son jeune âge, c’est une sorcière accomplie, qui a décidé de mettre ses talents au service
du « dieu voilé », tant que cela contribue à propager le désordre en ce monde.
Sous son voile, Jorkus est invulnérable, mais il n’a en revanche ni la force ni les pouvoirs d’un dieu.
La Mégère utilise donc un sortilège (de deuxième cercle) afin de lui conférer la puissance nécessaire pour
briser les portes de la forteresse, ce qui permettra d’investir les lieux tout en renforçant aux yeux de ses
adeptes comme de ses ennemis son statut d’être divin.

161
 Jouer l’assaut
Quand tombent les masques
Les héros ne voudront certainement pas assister
à ces événements sans réagir. Tandis que la scène
se déroule, ils peuvent bien sûr entreprendre
différentes actions pour contribuer à la défense
ou analyser plus clairement la situation, y compris
tenter eux-mêmes d’abattre ce fameux « dieu
voilé » quand il s’avance vers les portes. Laissez-
les agir, mais les choses doivent rapidement
s’emballer, pour ne leur laisser plus qu’un seul
choix : fuir au plus vite.
Dès que les portes de l’enceinte cèdent,
l’armée ennemie investit la cour, menée par un
Jorkus/Kryphondus qui se révèle véritablement
invincible. Vous pouvez le mettre en scène dans
la cour, s’offrant aux lames de soldats incapables
de le blesser ou de le tuer et aussitôt submergés
par d’horribles grooth et des guerriers de la jungle
complètement fanatisés.
Malcar ne tarde pas à ordonner à ses hommes
de se replier vers le donjon par le chemin de
ronde, tandis que tous ceux dans la cour se font
impitoyablement massacrer.
Les héros ont certainement parlé de leur mission
à Malcar, et ils lui ont de toute façon transmis
la lettre lui intimant de leur fournir toute l’aide
possible. Il les enjoint donc à fuir pendant qu’il
est encore temps !
Note au MJ : si les héros ont sauvé Malcar à la
nécropole (cf. page 94), il confiera à l’un d’eux son
épée, une arme de famille, en lui demandant de la
rapporter à son jeune fils Elbius, à Satarla. Malcar
n’abandonnera pas son poste, en fier soldat qu’il
est, mais aimerait que son épée, qui s’est transmise
dans sa famille depuis trois générations, ne tombe
pas aux mains de ces sauvages. L’épée de Malcar
est une arme alchimique (une fois par round,
elle permet de relancer un 1 obtenu sur un jet de
dégâts).
Les héros peuvent avoir l’idée de rejoindre le
port au pied de la falaise pour prendre, comme
prévu, la gabarre qui les y attend. Mais arrivés à
l’escalier qui y descend (cf. la description de Fort
Junia, page 184-185), ils découvriront qu’une
bande de guerriers a contourné le promontoire
sur de petites barques pour occuper le port et
interdire toute fuite. Marins et soldats ont été
162
massacrés sur place, et il faudrait livrer un âpre
combat pour parvenir à s’emparer de la gabarre,
sans pilote ni marins pour la manœuvrer, d’autant
que les assaillants ont sabordé l’embarcation, qui
commence à prendre l’eau.
Évidemment, la meilleure solution consiste à
réquisitionner la nef volante avec laquelle ils sont
venus. Si les joueurs n’y pensent pas d’eux-mêmes,
Malcar leur enjoindra de partir à bord de la nef
volante, ou ils apercevront son capitaine rameuter
ses hommes pour monter sur le toit du donjon,
par exemple.
Quand les héros grimpent au sommet du
donjon pour partir avec la nef, ils découvrent
qu’une bande de grooth a investi le toit en
escaladant les murs ; le capitaine Maben et ses
hommes d’équipage se sont retranchés sur la nef,
et il faudra que les héros rompent l’assaut des
grooth pour permettre à la nef volante de prendre
enfin les airs. Mettez en scène la défense de la nef
par les soldats et Maben, qui tuent un ou deux
grooth et subissent également des pertes, tandis
que les héros doivent se frayer un chemin jusqu’à
l’embarcadère et larguer les amarres de la nef pour
lui permettre de s’éloigner.
En tout état de cause, une fois la cour investie,
ce serait une mauvaise idée de rester là : Fort
Junia est perdu !
Note au MJ : L’ aventure suivante part du
principe que les héros ont quitté Fort Junia
à bord de la nef volante. Si tel n’ est pas le cas,
vous pouvez toujours vous arranger pour qu’ils
voient la nef de Maben s’envoler dans la nuit,
afin de leur offrir la possibilité de lui signaler
leur présence. Sinon, le pilote des airs pourrait
les repérer durant leur fuite et venir à eux pour
les prendre à son bord.
Ceci conclut le quatrième épisode de la saga.
Les héros récupèrent leurs points d’héroïsme
dépensés et reçoivent chacun 1 point
d’expérience.
Protagonistes

Quand tombent les masques

Les assaillants de
Fort Junia
Barbares de Qush
(coriaces, x 15)
Les quais au pied du fort ont été investis par
une bande de guerriers d’élite de la jungle. Ils se
battront furieusement, mais fuiront dès qu’ils se
retrouvent en infériorité numérique.
Graak Deux-Crânes
(rival)
Attributs Aptitudes de combat
Ce grooth massif, armé d’une grande hache
Vigueur 1 Initiative 0
en pierre qui ressemble davantage à une massue,
Agilité 1 Mêlée 1
possède une allure absolument bestiale, même en
Esprit 0 Tir 1
comparaison de ses congénères. Il porte autour du
Aura 0 Défense 0
cou un sinistre collier de cuir auquel pendent des
Carrières : barbare 1, chasseur 1 bouts d’os ainsi qu’un crâne humain.
Protection : aucune armure 0, petit bouclier
Attributs Aptitudes de combat
(+1 en défense contre une attaque par round)
Vigueur 2 Initiative 1
Armes : javelot d6M, casse-tête ou lance d6+1 Agilité 2 Mêlée 2
Esprit 1 Tir 0
Vitalité : 7
Aura 0 Défense 1
Carrières :
Chasseurs grooth Barbare 1
(coriaces, x 8) Chasseur
Dresseur
2
1
D’agiles grooth du clan des falaises, habiles Bourreau 1
grimpeurs et terribles anthropophages, ont investi
Protection : 1 (peau dure)
le toit du donjon et s’attaquent aux soldats qui
défendent la nef volante. Ils sont menés par leur Armes : hache en pierre d6+2
chef Graak Deux-Crânes.
Points de vilenie : 5
Attributs Aptitudes de combat Vitalité : 12
Vigueur 2 Initiative 0
Agilité 1 Mêlée 1 Avantages
Esprit 0 Tir 0 Athlète : Graak bénéficie d’un dé de bonus pour
Aura -1 Défense 1 toute activité athlétique (grimper, courir, sauter,
etc.).
Carrières : barbare 1
Peau dure, roi de la jungle
Protection : aucune armure 0
Désavantages
Armes : gourdin d6M+2
Bouseux, repoussant
Vitalité : 8

163
 Lettre de Chirzmar d’Urceb à Varana,
grande prêtresse d’Afyra du temple de Lysor

Vénérable Varana,

Je viens faire appel à votre sagesse et solliciter votre conseil

concernant une affaire touchant aux cultes divins dans ma bonne cité

d ’Urceb-la-neuve.

Vous n’êtes pas sans savoir, je crois, que la ville s’élève sur les vestiges

d’un précédent établissement, dont les ruines souterraines sont encore

partiellement habitées par des miséreux. J’y ai découvert dernièrement une

bien étrange communauté se réunissant dans une maison près de la Porte

aux Banths, l ’ancienne entrée fortifiée qui donnait sur les plaines de

Klaar. Ils s’y rassemblent pour adorer un dieu qui m’est inconnu, qu’ils

nomment Kryphondus, l ’Aimé d’Afyra.

Je me suis longuement entretenu avec eux, afin d’en apprendre davantage

sur leurs croyances. Il s’agit d’un culte familial, qui s’est transmis sur

plusieurs générations. Ses adeptes racontent qu’ils descendent d’une tribu

qui vivait jadis sur une île bienheureuse d’un grand fleuve au cœur de

la jungle de Qush, sous l ’autorité d’un prêtre-roi d’Afyra, du nom de

Kryphondus. C’était un homme d’une grande piété, qui jouissait de la

faveur de la déesse. Celle-ci l ’instruisit un jour de tisser un voile qui,

quand il le porterait, le préserverait de la mort et ferait de lui l ’égal

d’un dieu, car elle s’était éprise de lui et souhaitait l ’avoir à ses côtés

pour toujours.

Mais l ’île où vivait Kryphondus et les siens fut attaquée par des

tribus hostiles alors que ce dernier mettait la dernière touche à son voile.

Chaktar, son vieux serviteur, voyant l ’île investie, s’empara du voile

sacré afin qu’il ne tombe pas entre des mains impies et fuit les lieux

en compagnie d’une poignée de fidèles. La petite bande de rescapés erra

ensuite dans les plaines de Klaar, jusqu’à rejoindre la ville qui porte

aujourd’hui le nom d’Urceb. C’est de ces survivants que les membres

de ce culte prétendent descendre.

Ce Chaktar, qui était leur fondateur, affirmait qu’Afyra avait

subtilisé Kryphondus à ses ennemis et l ’avait dissimulé parmi les étoiles

des cieux. Un jour, avait-il prophétisé, Kryphondus reparaîtrait parmi

les siens, il coifferait le voile sacré et règnerait heureusement sur les

hommes, pour étendre à toute la Lémurie la prospérité et le bonheur

que connaissait son île bienheureuse du temps où il n’était encore

qu’un homme.

Leur sanctuaire est décoré de bas-reliefs qui remonteraient à l ’époque de

ce Chaktar et qui relatent l ’histoire de Kryphondus, depuis l ’apparition

de la déesse lui remettant les instruments pour tisser le voile jusqu’à la

destruction de son royaume et la fuite des rescapés. La statue de leur dieu

est coiffée d’un voile de soie blanche qui, selon leurs dires, ne serait autre

que le voile sacré tissé par Kryphondus d’après les instructions d’Afyra,

et que Chaktar avait emporté en fuyant l ’île. Ils conservent pieusement

cette relique, espérant que Kryphondus descendra bientôt du ciel pour

venir la reprendre et qu'il récompensera alors leur fidélité.

Ce culte moribond ne compte plus qu’une dizaine de dévots vieillissants,

aussi je m’interroge sur ce qu’il convient de faire. Avez-vous jamais

eu connaissance d’un dieu du nom de Kryphondus, associé à la prodigue

Afyra ? Faut-il laisser ce culte disparaître avec ses derniers disciples,

ou au contraire veiller à préserver ses rites et ses enseignements ? J’espère

en votre infinie sagesse pour m’éclairer à ce propos.

Chirzmar d’Urceb
 Chapitre 5
L'île de Kryphondus

L’île de Kryphondus
Fuyant Fort Junia à bord de la nef volante, les héros sont à présent pleinement conscients de
l’ennemi qu’ils affrontent : ils ont vu de leurs yeux le vieux prêtre de Nemmereth, au visage affublé
d’un voile divin qui le rend invulnérable.
Mais désormais, il n’est plus seulement question d’apaiser la colère de Nemmereth : le faux dieu
Jorkus/Kryphondus a soulevé les tribus de la jungle et une guerre sanglante menace Satarla.
Le moyen de mettre fin à ce péril doit se trouver sur l’île de Kryphondus ; du moins l’espèrent-ils.

Rappel des faits
Au cours des précédentes aventures, nos
héros ont découvert l’histoire de Kryphondus et
l’existence d’un « voile sacré » qui préserverait de
la mort. L’enquête à Satarla et le démantèlement
de la secte des druides jaunes leur ont confirmé
que Jorkus a retrouvé ce voile et qu’il est devenu
invulnérable, ce qu’ils viennent de constater en
personne lors de l’assaut sur Fort Junia.
Les premières strophes de l’oracle de
Nemmereth ont dû être décryptées par les joueurs
depuis un certain temps déjà : il manque une âme
au dieu, ce qui provoque son courroux. Jorkus, qui
n’est pourtant qu’un simple mortel, échappe au lot
de tous les êtres vivants en ne mourant pas alors
qu’il le devrait.
La deuxième partie de l’oracle devrait
désormais faire sens, tout en restant encore un
peu mystérieuse : il faut se rendre sur l’île de
Kryphondus où se trouve le moyen de détruire
le voile.
Il faut trancher !
Si les joueurs ont examiné attentivement les
bas-reliefs du sanctuaire de Kryphondus, ils
peuvent déjà avoir des idées (en ayant remarqué
qu’Afyra remet à Kryphondus une paire de forces
de couturière, en plus des cocons de ver à soie),
mais il est fort possible qu’ils partent un peu à
l’aveuglette, sans trop savoir exactement ce qu’ils
doivent chercher. Cette incertitude rajoutera un
peu de piment, car ce n’est qu’une fois sur l’île
qu’ils pourront comprendre quelle est la solution
à leur problème.
Sur l’île, deux moyens de déchirer la soie divine
du voile attendent nos sagaces héros. La paire de
ciseaux remis à Kryphondus par Afyra est un outil
à première vue banal, mais qui provient du royaume
des dieux et peut donc aisément trancher dans la
trame du voile. C’est là le moyen le plus évident de le
détruire, mais il en existe également un autre. Dans
le panier de cocons qu’Afyra remit à Kryphondus,
un petit ver à soie s’était glissé. Kryphondus n’a
pas tué la précieuse petite chenille, bien sûr, et l’a
laissée dans son panier d’osier tandis qu’il prenait
les cocons pour en extraire le fil. Après l’assassinat

166
La nef volante
À bord de la nef volante, les héros pourront, à l’appréciation du MJ, trouver de l’équipement de base,
comme de la corde, un grappin, un pied-de-biche, un bouclier de rechange, un carquois de flèches ou des
javelines, ce genre de choses.

L'île de Kryphondus
Le vaisseau est muni à la proue d’une arbalète lourde, qui dispose d’une provision de vingt carreaux (ou
moins si l’arme a été utilisée au cours de l’affrontement pour fuir Fort Junia). La nef emporte également
deux tonnelets au contenu particulier :
W Un tonnelet d’une poudre rougeâtre (préparation alchimique courante) qui, jetée sur un feu, produit
une fumée rouge, épaisse et persistante, utile pour signaler l’emplacement d’une nef en péril. Utilisée dans
un lieu clos, la poudre dégage une fumée opaque et étouffante, aussi impénétrable qu’un épais brouillard.
W Un tonnelet de poix alchimique (préparation alchimique rare) qui brûle en produisant une puissante
chaleur, et que le capitaine a ordre d’utiliser pour détruire la nef au cas où elle risquerait de tomber aux
mains de l’ennemi. La poix s’embrase au contact d’une simple flamme et brûle vivement pendant 10
rounds, infligeant d6 dégâts de feu à chaque round. Quelqu’un couvert de cette poix enflammée aura bien
du mal à étouffer les flammes, à moins de pouvoir plonger dans l’eau ou d’être recouvert d’une cape ou
d’une couverture. Seul, il lui faudra 3 rounds pour éteindre le feu qui le ronge, contre 2 rounds seulement
s’il reçoit de l’aide.

de Kryphondus, le ver à soie a perduré sur l’île
maudite et abandonnée à l’influence délétère de
Morgazzon, à laquelle il n’a pu échapper. Au fil
du temps, la petite créature s’est pervertie elle
aussi pour devenir une chose monstrueuse et
gigantesque, dont les mandibules restent toutefois
capables de sectionner la soie divine, offrant une
seconde option pour détruire le voile. Lors de leur
exploration du temple-palais de Kryphondus, les
joueurs auront l’occasion de le comprendre. La
dernière strophe de l’oracle (« ce qui le tissa pourra
le défaire/Don ignoré d’une habile filandière »)
pourrait effectivement s’appliquer aussi bien à la
paire de ciseaux dérobée par Afyra à la servante
dans le jardin des dieux qu’aux mandibules
du ver à soie (« l’habile filandière » pouvant
être interprétée comme désignant la chenille).
Les héros auront donc la possibilité de quitter l’île
avec un ou plusieurs instruments leur permettant
d’affronter Jorkus, en fonction de leurs actions et
de leurs déductions.
Fuite dans la nuit
Nos héros ont donc quitté précipitamment Fort
Junia, tombé aux mains de l’armée du « dieu voilé ».
La nef volante glisse dans le ciel nocturne au son
vrombissant de ses rotors, laissant rapidement
derrière elle les lueurs d’incendie et le fracas
des combats. L’ambiance à bord est morose ; les
soldats, la mine grave, ont l’esprit tourné vers les
camarades qu’ils ont abandonnés à leur sort, aux
mains des grooth et des guerriers de la jungle.
Le capitaine Maben ne fera pas de difficultés
à mettre son bâtiment et son équipage au service
des héros (après tout, ceux-ci sont en mission pour
le roi, comme l’atteste la lettre que leur a remis
Embran Tarv, et Maben a pu constater de ses
yeux le danger majeur que représente désormais
Jorkus pour Satarla).
Il est temps d’estimer la situation. La nef
compte trois hommes d’équipage (dont Maben),
auxquels s’ajoutent six soldats rescapés ; les autres
ont été tués dans les combats à Fort Junia, ou
n’ont pu rejoindre la nef à temps. Tous sont armés
et équipés, et les provisions à bord sont suffisantes
pour nourrir tout ce petit monde pendant quatre
à cinq jours. La nef possède également d’autres
ressources, si un héros se donne la peine de poser
la question (cf. encadré ci-dessus).
Après environ une heure de vol, la nef atteint
l’orée de la jungle, dont l’étendue sombre de la
canopée se distingue à la clarté pâle des étoiles.
Maben fait jeter deux grappins pour arrimer
la nef à la cime des arbres et impose une halte
jusqu’au lever du jour.

167
L'île de Kryphondus
Trouver l’île
Les héros disposent normalement d’un certain
nombre d’indications susceptibles de les aider à
localiser l’île de Kryphondus, qui se situerait dans
un lac marécageux séparé d’un affluent de l’Oom
par un bras mort envahi depuis longtemps par
la végétation, quelque part au nord-ouest du Pic
d’Urghuul, ce mont qui perce l’océan végétal de
Qush à l’ouest d’Oomis (cf. ci-dessus). Depuis le
ciel, la cime de la montagne est facile à repérer ;
en revanche, trouver le lac marécageux est une
autre affaire. Ce peut être l’occasion de quelques
tests de perception, ou de laisser vos joueurs faire
preuve d’inventivité. Ils savent que le temps presse
(que vont donc faire Jorkus et son armée ?) et une
première journée de recherches infructueuses
mettra leurs nerfs à rude épreuve.
Au cours de son exploration, la nef passe au-
dessus d’une clairière défrichée où s’aperçoivent
les huttes d’un village qui semble presque dé-
peuplé. Si les héros décident de s’y arrêter, ils n’y
trouvent que quelques femmes, enfants et vieil-
lards. Le reste de la tribu a suivi le « dieu voilé »,
leur apprendront les villageois, qui connaissent
168
également le « lac tabou », hanté par les mauvais
esprits, où ils se gardent bien d’aller. C’est là que
le dieu voilé a rassemblé les tribus, avant de se
mettre en route. Ils peuvent donc indiquer aux
héros la direction générale et la distance qui les
sépare du lac.
Finalement, à peine discernable dans la jungle
environnante, un héros repérera enfin une zone
plus clairsemée, le regard attiré par un miroitement
de l’eau ou l’éclat blanc d’un massif rocheux au
milieu de la végétation impénétrable…
L’île perdue
Un lac fangeux, envahi de plantes aquatiques et
d’arbres noueux qui jaillissent des eaux sombres et
boueuses, abrite en son centre une grande île, aussi
couverte de végétation que la jungle alentour. Sur
la berge sud du lac, des arbres ont été coupés sur
une large zone et les plantes piétinées. Des traces
de campement s’aperçoivent çà et là, comme si un
nombre important de gens avait bivouaqué en ce
lieu (c’est là que Jorkus et ses premiers « fidèles »
avaient installé leur campement).
 L’île noyée sous la végétation mesure environ doucement dans l’air pourtant immobile. Les
six cents mètres sur quatre cents mètres dans sa fougères arborescentes éploient des frondes d’un
partie la plus large. Un épaulement rocheux de vert anis lumineux, tandis que d’autres affichent un
forme triangulaire, aux parois abruptes et au feuillage sombre, aux reflets pourpres. Il se dégage

sommet pentu qui disparaît sous un abondant
couvert végétal d’arbres et de fougères géantes,
occupe le centre de l’île. Côté est, les vestiges d’un
large édifice en pierre saillent de la paroi rocheuse.
Des ouvertures dans les autres pans de la falaise,
partiellement masquées par la végétation mais
trop régulières pour être naturelles, semblent
indiquer que l’endroit abrite des habitations
troglodytes. Au sud de l’éminence, dans une
petite crique naturelle, se distinguent les contours
rectangulaires d’anciens murs qui circonscrivent
un bassin. À la pointe ouest de l’île, une autre
saillie rocheuse beaucoup plus modeste forme
un promontoire au sommet relativement plat et
dénudé, qui surplombe le lac telle une tour de
guet. Un escalier taillé dans la pierre en descend,
pour se perdre dans la végétation.
Note au MJ : vous pouvez donner aux joueurs
la carte de l’île vue du ciel (cf. page 196) afin qu’ils
se fassent une meilleure idée des lieux.
Dès qu’ils se rapprochent de l’île, les héros
peuvent constater que la végétation paraît
différente de celle de la jungle alentour. Les
arbres ont des formes exagérément noueuses et
tortueuses, ou s’élancent au contraire vers le ciel
avec une rectitude trop parfaite. Les lianes et les
racines aériennes pendent des frondaisons en
chevelures denses qui semblent frémir et onduler
L'île de Kryphondus
de cette jungle quelque chose de profondément
malsain, une apparence de corruption et
d’anormalité qui donne le frisson. D’ailleurs, les
héros remarquent un silence étrange en survolant
l’île, à peine rompu par l’appel d’un oiseau ou
le cri d’un singe. L’atmosphère est lourde d’une
présence diffuse, insidieuse ; c’est le silence d’un
prédateur à l’affût, comme si l’île elle-même était
un être animé, guettant sa prochaine proie…
Explorer l’île
L’île n’ est pas facile d’accès et Maben
proposera aux héros de l’aborder par le petit
promontoire à l’ouest, le point le plus dégagé
pour faire descendre la nef et l’arrimer près du
sol afin de permettre aux héros de débarquer.
Mais les joueurs sont bien sûr libres d’opter pour
une autre solution, par exemple d’amener la nef
volante vers une berge du lac et de gagner l’île
sur un radeau de fortune.
Les soldats de la nef n’ont pas l’intention de
faire de la figuration et, sur l’ordre de Maben,
deux ou trois d’entre eux se préparent à débarquer
avec les héros. Vous trouverez leur profil en
page 197, que vous remettrez aux joueurs. Ces
soldats sont l’équivalent de suivants, comme si les

La malédiction de Morgazzon
Après le massacre de la communauté de Kryphondus et le saccage du temple d’Afyra
(cf. l’introduction à la campagne, page 46), les druides jaunes de Morgazzon ont consacré l’île à leur
dieu. Au fil du temps, l’influence du roi-démon de la folie a corrompu la faune et la flore, souillé les
bâtiments, profané le temple d’Afyra. L’endroit est devenu un lieu cauchemardesque
et chaotique, dément et périlleux. La mainmise de Morgazzon s’y exerce puissamment.
Dès l’instant où les héros s’enfoncent dans la jungle de l’île, ils sont victimes d’une distorsion
sensorielle qui brouille leur perception de l’environnement. Les sons ne se propagent pas
normalement, leur appréhension de la profondeur et des distances est perturbée, etc.
En termes de jeu, tant qu’ils se trouvent sur l’île, ils subissent un dé de malus à tous leurs tests de
perception ainsi qu’à leurs jets de réaction (à l’exception d’un héros portant le médaillon d’Afyra
qui appartenait à Kryphondus ; cf. page 170).

169
 héros les avaient recrutés en dépensant des points
d’expérience (vous aurez profit à relire les règles
sur les suivants ; cf. BoL, page 165). Maben, ses
deux hommes d’équipage et les autres soldats
L'île de Kryphondus
resteront quant à eux sur la nef pour la garder et se
préparer à repartir dès que les héros reviendront.
Bien évidemment, les joueurs peuvent refuser
que tout ou partie des soldats les accompagnent
et préférer qu’ils protègent la nef. À l’inverse,
notamment si votre groupe de joueurs est peu
nombreux, vous pouvez décider que chaque héros
sera escorté d’un soldat.
Note au MJ : la présence de ces suivants sera
pour vous l’occasion d’exprimer pleinement la
dangerosité extrême de ce territoire livré aux
bénédictions démentes de Morgazzon. Si les
soldats représentent un surcroît de force non
négligeable pour le groupe, ce sont aussi des
victimes toutes désignées, dont l’horrible trépas
devrait mettre les nerfs de vos joueurs à rude
épreuve.
Le déroulé des événements va désormais
dépendre des décisions des joueurs et des lieux
de l’île qu’ils choisiront d’explorer. Différentes
rencontres vous sont proposées ci-après ;
certaines sont associées à des lieux précis de l’île
et ne se produiront que si les héros s’aventurent
en certains endroits ; d’autres relèvent davantage
de la « rencontre aléatoire », pouvant se produire
n’importe où. Prenez toutefois garde à ne pas trop
épuiser les héros, car la suite de l’aventure va leur
imposer de rudes épreuves !
Le médaillon de
Kryphondus
Un héros qui porte autour du cou le
médaillon de Kryphondus bénéficie tout le
temps qu’il reste sur l’île d’une protection
particulière : il reçoit un dé de bonus à tous
les tests d’esprit ou de vigueur pour résister
aux horreurs, aux poisons et aux charmes
mortels des créatures de Morgazzon.
Ceci s’ajoute au fait que le porteur du
médaillon bénéficie de l’avantage mains
guérisseuses, comme cela a été indiqué
précédemment, page 103.
170
Le promontoire
Le petit éperon rocheux s’élève à une vingtaine
de mètres au-dessus du marécage, masse de
calcaire blanc saillant de la jungle épaisse qui
recouvre l’île. Son sommet plat, envahi de mousses
et de lichens, est propice à un débarquement. La
nef peut en effet s’en approcher sans risquer de se
prendre dans les arbres et se stabiliser au-dessus,
suffisamment bas pour utiliser l’échelle de corde.
Une fois débarqués, les soldats accrochent à des
reliefs rocheux les grappins qui maintiendront la
nef en position, l’empêchant de dériver.
Des marches taillées dans la paroi du
promontoire permettent d’en descendre. L’endroit
servait certainement de poste de garde, du temps
où l’île était habitée.
La jungle
La progression est difficile dans le sous-bois
touffu, envahi par les lianes. La jungle luxuriante
a quelque chose d’oppressant, une densité presque
surnaturelle qui occulte la lumière du soleil et
plonge les héros dans un demi-jour verdâtre
exhalant des relents puissants de pourriture
végétale. Certains troncs suintent d’une humeur
huileuse ; mousses et champignons pullulent
et rongent le bois mort qui jonche l’épaisse
couche d’humus noir et élastique. Des fleurs
jaune vif aux larges pétales presque luminescents
s’épanouissent dans les ombres profondes et de
petits buissons épineux se couvrent de boutons
safran sur le point d’éclore. De lourdes calebasses
orange, tachetées de noir, font ployer les branches
d’arbustes jusqu’au sol et répandent dans l’air un
parfum doucereux et écœurant. Curieusement,
les fleurs et les fruits de l’île offrent tous
différentes nuances de jaune, du paille le plus
pâle à l’orangé le plus sombre, sans la variété de
couleurs qui se rencontre habituellement chez
les plantes de la jungle.
L’endroit, qui semblait d’un calme surnaturel
quand les héros l’ont survolé à bord de la nef
volante, s’emplit désormais de mille petits bruits
troublants. Le bourdonnement et le crissement
d’insectes animent les ombres glauques de la sylve
qui résonne aussi d’étranges échos, tintements de
carillons, chuchotements inaudibles, craquements

L'île de Kryphondus N Temple-palais
Promontoire
Bassin
qui roulent entre les arbres comme le grondement
d’un tonnerre lointain ; parfois, un seul membre
du groupe croit entendre un bruit étrange, et
parfois tous tendent l’oreille au même son.
Les feuilles de certaines plantes présentent un
aspect irisé et leur couleur semble changer selon
l’angle de vue. Dans la pénombre verte, les arbres
et les lianes prennent des formes grotesques et
inquiétantes, qui se dérobent aussitôt quand on
y regarde de plus près. Les scintillements de la
lumière qui filtre par endroits à travers la canopée
brouillent étrangement la vision, et le ballet des
insectes dans ces puits de clarté a quelque chose
d’hypnotique. Les soldats qui accompagnent les
héros serrent nerveusement la main sur leurs
armes, en observant les lieux avec une méfiance
anxieuse.
Çà et là, des vestiges engloutis émergent de
leur linceul de végétation, traces ténues d’une
ancienne occupation humaine : un tas de pierres
moussues, aux formes trop régulières pour être
naturelles, un chaudron de bronze verdi et percé,
un crâne jauni par le temps, le fût brisé d’une
171
Parvis du
L'île de Kryphondus
50 mètres
colonnette, une barre métallique rouillée, etc.
Les anciennes habitations, qui devaient être en
bois, ont entièrement disparu, rongées depuis
longtemps par les insectes et l’humidité.
Le druide fou
Au début de leur exploration, les héros auront
l’occasion de faire une bien étrange rencontre.
Tandis qu’ils progressent péniblement dans la
densité étouffante du sous-bois, l’un d’eux reçoit
sur la tête un fruit trop mûr qui éclate en lui
souillant les cheveux d’un jus putride. Un rire aigu
résonne alors au-dessus d’eux.
Perché dans les branches d’un arbre, un vieil
homme au visage ridé et tanné par le soleil les
dévisage en riant à gorge déployée. Il a une barbe
blanche hirsute et une tignasse crasseuse où
s’accrochent des feuilles et des brindilles. Sa robe
n’est plus qu’une guenille informe et déchirée, d’un
jaune fané et maculée de taches brunâtres. Assis
sur sa branche, il balance ses pieds nus, à la corne
épaisse, dans un geste curieusement enfantin.
 L’homme interpelle aussitôt les héros d’une Son monologue achevé, le vieil homme se
voix aigrelette : désagrège en une nuée de papillons jaunes qui
s’envolent en tous sens et disparaissent dans les
« Eh bien, eh bien, encore des visiteurs !
ombres de la sylve.
Décidément, ça n’arrête pas en ce moment !
L'île de Kryphondus

D’abord, les explorateurs inquiets, menés par le Qui est-il donc ? Un vieux druide dément ?
blondinet… Oh, ils n’ont pas aimé mon île, ceux- Une manifestation de Morgazzon ? Ce mystère
là ! Pourtant, plusieurs d’entre eux ont choisi d’y restera entier…
rester pour toujours, oui pour toujours. (Il glousse
d’un air réjoui.) Et puis, il y a eu le vieil homme
au visage caché, mais moi j’ai vu sous son voile, et
j’ai lu la peur dans son âme ! La peur, oui, oh oui !
Rencontres dans la
Faut-il être fou pour craindre autant la mort ; la
vie n’est que le rêve ivre des dieux.
jungle
Qu’est-ce qu’il a fait, celui-là ? Oh, pas grand- Note au MJ : vous pouvez jouer tout ou partie
chose. Il s’est dressé devant l’entrée du temple, pour de ces rencontres durant l’exploration de l’île par
crier d’une voix forte (le vieil homme prend une les héros, à votre discrétion. Placez la rencontre
grosse voix et déclame sur un ton moqueur) : « Le campement » non loin de l’entrée du temple,
“Je suis Kryphondus et voici que je reviens parmi pour plus de logique.
vous ! Je suis le dieu voilé qui régnera sur la terre
des hommes !’’ Oh, vous auriez dû voir la scène : aux
pieds des marches, les grooth qui s’agenouillaient
Les singes hurleurs
devant lui, le nez dans la boue, le cul vers le ciel ! Une bande de macaques au pelage beige rongé
Hi, hi, c’était si drôle ! Et puis il est reparti, comme de gale bondit des arbres pour se jeter soudain
ça, sans même visiter le temple. Il y a pourtant sur les héros avec des cris assourdissants. Leurs
plein de choses intéressantes, là-bas, vous devriez yeux sont jaunes et luisants, leur bouche armée
aller y faire un tour, vous savez… de longues canines. Ils fuient dès que la moitié de
leur groupe a été tuée.
Kryphondus, peuh ! La bonne blague ! Je sais
bien, moi, que Kryphondus est mort, et depuis Vous pouvez aussi les faire attaquer la nef, si
longtemps ! Elle m’a tout raconté, voyez-vous, celle-ci s’est arrimée au promontoire, justement
susurre-t-il sur le ton de la confidence. Pauvre au moment où les héros reviennent vers celle-ci…
chose, elle se languit au bassin, en ressassant le
passé. Ah, le remords d’Asharaa est plus profond
que ce lac… Ce que l’amour blessé peut faire à une
Macaques hurleurs x10
Taille : petite
âme, tout de même… (Il soupire théâtralement.)
C’est qu’elle l’aimait son Kryphondus. Alors, Attributs Aptitudes de combat
quand cette peste d’Afyra s’est entichée de lui, au Vigueur 0 Attaque +0
point de vouloir le rendre immortel, qu’est-ce qu’elle Agilité -1 Dégâts d6M
pouvait bien faire, je vous le demande ? Comment Esprit -1 Défense 0
une pauvre femme peut garder le cœur de son époux Vitalité 5 Protection 0
quand sa rivale est une déesse ? Oh, mais elle
a trouvé un stratagème, oui, à la hauteur de son Capacité spéciale :
désespoir. Elle l’a empoisonné, son Kryphondus, et Hurlements : au début du combat, la troupe
elle est morte avec lui… Unis dans la mort, et tant de macaques pousse des cris assourdissants qui
pis pour Afyra ! Ah, le bon tour qu’elle lui a joué, à déstabilisent l’adversaire. Chaque héros doit
la déesse ! Pauvre Kryphondus, il n’aura même pas réussir un test d’esprit ou se retrouver incapable
eu le temps de le mettre, ce voile de soie divine qui d’agir au cours du premier round du combat,
devait le cacher aux yeux de Nemmereth ! Enfin, dérouté par les cris aigus des singes qui semblent
c’est du passé, tout ça… Mais l’est-ce vraiment ? » se réverbérer sans fin.

172
L’arbre aux crânes racines et des branches de l’arbre (qui sont devenus
une extension de lui-même) pour emprisonner sa
Un cliquètement léger attire les héros vers une proie et la retenir. Un héros qui a cédé au parfum
petite clairière dominée par la forme d’un grand du blob est comme hypnotisé et incapable d’agir.

banian dont les racines aériennes retombent
en un épais rideau. Plusieurs crânes humains,
traversés par une racine qui s’est frayé un chemin
dans leur bouche et leurs orbites, sont suspendus
étrangement et s’entrechoquent doucement avec
un tintement sourd, alors qu’aucune brise n’agite
la touffeur de la jungle…
Le pied de l’énorme arbre est entouré sur toute
sa circonférence d’une large moisissure ou d’un
lichen jaune et verruqueux, qui recouvre le sol et
monte jusqu’à un mètre de hauteur sur son tronc.
Un parfum musqué, étonnamment plaisant,
flotte dans l’air. Tout personnage qui se tient à
l’orée de la clairière ou qui s’approche de l’arbre,
s’il reste là plus de quelques dizaines de secondes,
doit effectuer un test d’esprit Ardu (-1). En cas
d’échec, il est attiré irrésistiblement vers l’arbre
qui exhale cette fragrance délicieuse. Dès qu’il
touche les racines aériennes du banian, celles-ci
se mettent à s’enrouler doucement autour de ses
bras, de ses jambes et de son cou, tandis qu’un
frémissement parcourt la moisissure, qui se
dresse telle une vague visqueuse pour déferler sur
le malheureux.
L'île de Kryphondus
Il ne reprend ses esprits que s’il est frappé (une
simple gifle suffit), ou quand le blob l’engloutit.
Enveloppement : il faut à peine un round au
blob pour entourer sa proie, qui se retrouve prise
dans la masse gélatineuse de la créature et meurt
étouffée et écrasée au bout de 5 rounds. La victime
peut lutter et se débattre, mais elle subit un dé de
malus à tous ses jets. Seule la destruction du blob
peut la sauver de cet horrible trépas.
Lianes cinglantes : le blob n’attaque qu’une
cible ayant succombé à son odeur envoûtante.
Mais une fois qu’il a enveloppé une proie, il
défend son déjeuner avec agressivité et anime
les lianes et les racines aériennes de son arbre-
hôte pour repousser d’éventuels ennemis qui lui
contesteraient son repas. Les lianes de l’arbre
s’agitent en tout sens et fouettent violemment
tous ceux qui tentent de s’approcher. Trancher les
lianes ne sert pas à grand-chose tant il y en a qui
pendent des branches ; mieux vaut tuer le blob
lui-même.
Attaque (x5) +2
Dégâts d6M

Blob attrapeur
Taille : grande
Cette énorme moisissure attire ses proies
par son odeur envoûtante et en profite pour les
dévorer. Elle parasite un arbre par les canaux qui
transportent la sève dans son tronc et en prend
le contrôle.

Attributs Aptitudes de combat

Vigueur 4 Attaque spécial
Agilité -1 Dégâts spécial
Esprit -4 Défense 0
Vitalité 20 Protection 0

Capacités spéciales :
Odeur envoûtante : le blob excrète un parfum
suave qui attire les créatures pourvues d’un odorat.
En cas d’échec à un test d’esprit Ardu (-1), la proie
s’approche, fascinée. Le blob se sert alors des

173
 Le cadavre de Drokko
Un des soldats qui accompagnent les héros
marche sur quelque chose qui cède sous son poids
L'île de Kryphondus
avec un craquement sec, et un nuage jaunâtre de
spores s’élève du sol. L’homme s’écarte en toussant,
la gorge et les yeux irrités, tandis que le petit nuage
se dissipe rapidement.
À y regarder de plus près, il a marché sur un
squelette envahi de végétation, et ce sont les côtes
de l’homme que son pied a brisées. À l’intérieur de
la cage thoracique du cadavre, une masse grisâtre
et alvéolée, semblable à une grosse morille, a été
écrasée. Si un héros examine la chose de plus
près, il découvre des centaines de minuscules
carapaces chitineuses et translucides, pareilles à
des mues d’insectes, qui tapissent le sol entre les
os. La chair du squelette a été dévorée, mais seuls
des insectes nécrophages semblent s’en être pris
à lui, à en croire les milliers de petites marques
de mandibules qui couvrent ses os. Quelques
lambeaux de vêtements, une boucle de ceinture
ornée d’une pierre semi-précieuse, un arc et son
carquois de flèches, ainsi qu’une dague gisent
autour de lui. Une besace à moitié rongée contient
des restes de provisions, un rouleau de corde, ainsi
qu’une petite fiole en grès cachetée (il s’agit d’une
dose d’antidote contre les venins animaux et les
poisons végétaux ; potion alchimique courante,
soigne l’empoisonnement en une heure).
Note au MJ : le soldat qui a marché sur le ca-
davre a inhalé les minuscules larves d’une espèce
de coccinelles, qui vont bientôt éclore en lui. Il ne
présente aucun symptôme jusqu’à ce que, au beau
milieu d’un combat ou alors que les héros tentent
une approche discrète (à vous de choisir le meil-
leur moment), l’homme se mette à hurler, pris de
convulsions et littéralement dévoré de l’intérieur
par les petits insectes qui viennent d’éclore. Son
agonie abominable est de courte durée, et un es-
saim de coccinelles jaunes à points noirs jaillit par
tous les orifices de son corps pour s’envoler briève-
ment avant de fondre sur son cadavre et se mettre
à le dévorer avec une voracité terrifiante.
Il n’y a rien à faire pour sauver le malheureux.
Les insectes ne s’en prennent pas aux vivants (ce
sont des charognards), et les héros n’auront plus
qu’à s’éloigner du spectacle horrible, en veillant dé-
sormais à bien regarder où ils mettent les pieds…
174
Le campement
Une toile écrue et salie pend au bout d’une
corde à une branche, au milieu d’un bosquet. La
végétation porte des traces évidentes de coups de
machette et un cercle de cailloux noircis délimite
les restes d’un feu de camp. Des ossements de
petits animaux, des bandages pourrissants et
souillés de sang délavé sont tout ce que l’on peut
trouver à proximité.
Un morceau d’écorce a été découpé sur un tronc
et des noms grossièrement gravés dans l’aubier :
Hilario, Matius, Drokko, Jalus, Herpo, Aletius,
Diallo, Zaratos, Doamna, Sertu.
Note au MJ : il s’agit des restes du campement
d’Hilario et de ses hommes. L’un d’eux s’est amusé
à inscrire le nom de ses compagnons d’expédition
sur le tronc.
Le bassin
Une petite crique naturelle a été fermée par
une digue de pierre et entourée de murets pour
former une piscine. Mousses et lierres couvrent
les murets, ainsi que la volée de trois marches
qui descend dans l’eau calme, envahie de grands
nénuphars et de roseaux. Le cadavre d’un homme
gît près du bassin. Les bêtes et les insectes ont
déjà rongé la chair de ses os, mais les lambeaux
d’armure et de vêtements qui s’accrochent encore
à lui laissent penser que la mort est relativement
récente ; quelques mois, une année tout au plus.
Depuis le bassin, il est possible d’apercevoir à
flanc de falaise une large ouverture dans la paroi, à
demi masquée par les lianes. Des marches taillées
dans la pierre en descendent, mais s’interrompent
à une bonne dizaine de mètres du sol. Des trous
carrés, creusés dans la roche, laissent penser que
les marches se prolongeaient jusqu’au sol par une
structure en bois, sans doute afin de pouvoir isoler
cette entrée en cas d’attaque en effondrant la partie
basse de l’ouvrage (cf. « 3. L’escalier extérieur »,
page 179). L’escalade jusqu’aux marches n’est pas
impossible, mais des plus périlleuses (test d’agilité
Très difficile, -4).
Dès qu’un héros (ou un soldat) s’approche du
bassin, par exemple pour examiner le cadavre, l’eau
se met à bouillonner et un fangeux crève la surface
 L'île de Kryphondus
Fangeux
Taille : grande.
dans une gerbe d’écume pour saisir l’imprudent
Attributs Aptitudes de combat
dans ses tentacules (cf. BoL, page 116 pour une
Vigueur 2 Attaque (x2) +2 (+0*)
description du fangeux). La créature, déjà en
Agilité 1 (-1*) Dégâts cf. ci-dessous
elle-même abominable, possède quelque chose
Esprit -1 Défense 1 (0*)
de plus ignoble encore : le visage d’une femme,
Vitalité 20 Protection 0
incrusté d’algues et de petits coquillages, est pris
*sur la terre ferme.
dans la masse luisante et caoutchouteuse de son
corps. Ses yeux aveugles roulent dans leurs orbites
Capacités spéciales :
et sa bouche aux lèvres exsangues et à la langue
Attaques multiples : le fangeux effectue deux
noire s’ouvre sur un gémissement gargouillant :
jets d’attaque, généralement contre la même
« Kryphondus, Kryphondus… »
cible. Il doit toucher avec ses deux tentacules
Note au MJ : il s’agit d’une rémanence pour attraper une proie afin de pouvoir la mordre.
d’Asharaa, l’épouse meurtrière de Kryphondus. La victime peut se libérer en réussissant un test
L’ampleur de son crime lui a interdit de trouver le de vigueur Difficile (-2), ou subir une morsure
repos et la vase du bassin s’est agrégée autour de automatique au round suivant.
son cadavre pour donner naissance à un fangeux.
Morsure venimeuse : le venin tue sur-le-
Si un héros porte le médaillon de Kryphondus champ une proie de taille petite ou moins. Les
de manière visible, le fangeux concentrera ses héros doivent réussir un test de vigueur Très
attaques sur lui, en cherchant à l’emporter sous difficile (-4) à chaque round pour ne pas mourir.
l’eau dans une étreinte mortelle. En cas d’échec, la mort survient en 3 rounds.

175
 Échelle : 1 carreau = 3 mètres

1 Temple d'Afyra
2 Salle du puits
3 Escalier extérieur
4 Appartements de Kryphondus
L'île de Kryphondus

5 Caverne du ver à soie

5
3

Le temple-palais 1. Le temple d’Afyra

Un large parvis à degrés, qui s’élève à plus de
cinq mètres du sol, précède l’entrée monumentale
d’un temple faisant saillie dans la falaise. Couvert
de végétation, le temple est partiellement masqué
par un rideau de lianes. Herbes et lichens ont
envahi le parvis et disjoint les dalles par endroits.
L’érosion a rongé les reliefs et les décors sculptés
de la façade, devenus informes. L’édifice possède
la beauté nostalgique des ruines anciennes.
Une large entrée, dont les portes de bois sont
depuis longtemps tombées en poussière, bée à
l’ombre des lianes. Sur le côté gauche de l’entrée
principale, un couloir obscur s’enfonce dans la
roche ; une petite fenêtre s’ouvre en hauteur, à
la gauche du couloir. L’endroit est plongé dans
un silence sépulcral qui donne l’impression de
contempler un mausolée…
Il suffit d’écarter les lianes qui masquent l’entrée
pour pénétrer dans une vaste salle creusée dans
la falaise. Deux rangées de colonnes aux fûts
sculptés pour ressembler à des troncs de palmiers,
aux chapiteaux en forme de grandes palmes de
pierre qui s’incurvent contre le plafond, dirigent
le regard vers le fond enténébré du temple.
Une estrade de pierre précédée d’une volée de
marches s’y distingue à peine, surmontée de la
forme d’une statue couchée. Son large piédestal
est entouré d’une masse sombre, sans doute un
tas de décombres. Les restes démembrés de trois
cadavres pourrissants sont éparpillés sur le sol du
temple, qui luit de traces baveuses s’entrecroisant
sur les dalles de calcaire blanc. Un bruit de
succion, de gargouillis se fait entendre au fond de
la salle…

176
 L'île de Kryphondus
Il est possible de s’approcher sans lumière, mais visage mou et lisse, sans yeux ni bouche, qui se
le demi-jour qui filtre par l’ouverture de la porte dressent pour faire face aux intrus…
diminue rapidement pour laisser place à une
Ce spectacle cauchemardesque impose aux
pénombre profonde, à peine percée par la clarté
héros ainsi qu’à leurs compagnons un test
pâle qui émane du passage latéral de gauche.
d’esprit. Un échec signifie que le personnage
L’air est frais sous la roche, une bénédiction
est, pour ce combat, affligé du désavantage foie
après la chaleur étouffante du dehors, mais une
jaune (il est incapable de faire autre chose que de
odeur fade, mêlée de relents de putréfaction,
se défendre pendant d3 rounds). En cas d’échec
agresse les sens.
critique, il subit ce désavantage tout le temps que
Le fond du sanctuaire révèle un spectacle de les héros restent sur cette île maudite.
cauchemar. Un piédestal bas et large occupe le
Tandis que ces petites créatures se jettent sur les
centre de l’estrade, sur lequel est couchée une
héros, la statue se met à accoucher à un rythme
statue de femme en longue toge, le ventre arrondi
impossible, produisant un de ces « nourrissons »
par la grossesse. Elle est appuyée sur ses coudes,
contrefaits tous les rounds, à moins que l’on s’en
les jambes légèrement écartées, dans la position
prenne à elle directement, au corps à corps (elle
d’une parturiente. La palme qui couronne son
subira des attaques à distance sans broncher, en
front évoque Afyra, souvent représentée sous
continuant à enfanter). En revanche, confrontée à
les traits d’une femme enceinte ; mais le visage
un adversaire en combat rapproché, elle cessera sa
de la statue n’ est qu’une masse de tentacules
tâche pour se défendre. Son corps mêle la dureté
enchevêtrés, au milieu de laquelle s’ouvre un œil
minérale à une élasticité odieusement organique,
unique. Son corps marbré de veines jaunâtres
et un sang jaune fluorescent s’écoule de ses plaies.
s’anime soudain, et la statue se penche en avant
pour extirper d’entre ses cuisses un paquet gluant L’estrade est couverte d’une épaisse couche de
et informe qu’ elle laisse tomber au sol. L’ estrade mucus (restes visqueux des rejetons dont la durée
est couverte d’un épais mucus qui forme de gros de vie est brève). Chaque round, un héros qui s’y
caillots sanguinolents, lesquels sont en réalité de trouve doit réussir un test d’agilité Facile (+1),
petits êtres vaguement humanoïdes de moins d’un sous peine de glisser et de perdre son action du
mètre de haut, au corps suintant et grumeleux, au round pour se remettre sur ses pieds.

177
 Rejetons de la
parturiente maudite
(piétaille, x10)
L'île de Kryphondus
Attaque +0
Dégâts 1 (mains nues)
Protection 0
Vitalité : 3
Capacités spéciales :
Règle de horde (cf. BoL, page 132).
Vulnérable au feu : le feu leur inflige des dégâts
doublés.
Ichor malsain : chaque fois qu’un rejeton est
tué, son corps éclate comme un fruit trop mûr en
éclaboussant de pus sanguinolent son adversaire.
Dès qu’un même héros a tué plus de rejetons que
sa valeur d’esprit, il doit réussir un test d’esprit.
En cas d’échec, l’horreur de la scène, l’odeur
repoussante de sanie et l’influence pernicieuse
de Morgazzon le font basculer momentanément
dans la folie. Tant qu’il demeure sur l’île, il est
affligé d’une phobie ou d’un désordre mental
handicapant, sans être totalement invalidant.
Il peut par exemple entendre en permanence des
chuchotements dans sa tête et en devenir obsédé,
cherchant à tout prix à en trouver l’origine ;
il peut se mettre à craindre l’obscurité, ou passer
son temps à se gratter furieusement, pris de
démangeaisons nerveuses insupportables ; il peut
perdre momentanément la faculté de parole,
incapable d’émettre autre chose qu’un charabia
incohérent, ou ressentir l’impulsion irrépressible
de pousser un cri, de temps à autre, notamment à
des moments inopportuns…
Une fois qu’un héros a réussi ce test, il n’y est plus
soumis, sauf en cas d’explosion de la parturiente
elle-même (cf. ci-contre). Ce désordre mental est
passager, et cessera dès que le héros quittera l’île
maudite.
Note au MJ : un suivant qui rate ce test
s’effondre complètement et sombre dans un état
catatonique, semblable à celui de Matius. Il ne sera
plus d’aucune utilité pour le reste de l’exploration,
mais pourra être ramené à la nef.
178
La parturiente
maudite (rivale)
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 8 Attaque +1
Agilité -2 Dégâts d6M
Esprit - Défense 0
Vitalité 30 Protection d6 (4)
Capacités spéciales :
L’ œil de Morgazzon : lutter au corps à corps
contre la parturiente maudite est une épreuve
pour les sens. Son œil unique, qui luit d’un éclat
jaune phosphorescent, attire immanquablement le
regard et les ondulations de ses tentacules semblent
déformer l’espace autour d’elle et provoquer des
réfractions de lumière en un kaléidoscope qui
déroute ses adversaires directs. Tout personnage
qui combat au corps à corps la parturiente subit
un malus de -2 à ses jets d’attaque et voit son score
de défense réduit de 2 points.
Grossesse à terme : si la parturiente est
empêchée d’accoucher parce qu’engagée dans un
combat, son ventre se met à enfler de manière
visible (test d’esprit pour repérer le phénomène).
Après 4 rounds consécutifs de combat, son ventre
explose au début du 5e round en une gigantesque
gerbe de caillots sanglants et de pus qui touche
toute personne dans un rayon de 6 mètres et
impose immédiatement un test d’esprit similaire
à la capacité d’ichor malsain de ses rejetons (cf. ci-
contre). Un héros qui a déjà eu à effectuer un test
contre l’ichor malsain et qui l’avait réussi reçoit un
dé de bonus pour ce test. Cette explosion a pour
autre conséquence de provoquer la mort de la
parturiente, peu importe le nombre de points de
vitalité qu’il lui restait.
La salle du temple comprend deux ouvertures
latérales aux linteaux sculptés de motifs végétaux.
Celui de droite est couvert de traces luisantes
(comme le temple) ; celui de gauche en revanche
n’est pas souillé.
Note au MJ : les rejetons ne s’aventurent
habituellement que dans quelques salles du côté
droit du sanctuaire. Ils n’empruntent pas le passage
de gauche, évitant instinctivement le territoire de
prédilection du ver à soie. Si les héros fuient le
temple par le couloir de gauche, les horribles petits
golems purulents ne les y poursuivront pas.
Le palais de
Kryphondus
Derrière le temple s’ouvrent les salles troglo-
dytes du palais de Kryphondus. Couloirs et salles
ont été taillés à même la roche de la falaise et s’y
enfoncent profondément. Les ouvertures sont
ornées de linteaux sculptés et aucun battant ne les
ferme. Plusieurs petits puits de lumière, envahis
par la végétation, adoucissent par endroits la
pénombre ambiante. Les salles se ressemblent
toutes peu ou prou, aux murs rongés par le salpêtre,
sans décors ni ornements particuliers en dehors
des linteaux sculptés des portes. Leur fonction
est impossible à déterminer ; tout le mobilier a
disparu depuis longtemps et tout au plus peut-on
retrouver au sol, parmi la poussière et les débris,
quelques restes rouillés d’objets métalliques et des
ossements humains en quantité, qui témoignent
du massacre de la population qui vivait ici en des
temps reculés.
À mesure que les héros avancent dans le com-
plexe, ils tombent bientôt sur des souterrains qui
crèvent les murs maçonnés pour s’enfoncer dans
les ténèbres. Des gravats jonchent l’entrée de ces
passages, qui ressemblent à des boyaux creusés par
quelque animal fouisseur de grande taille capable
d’entamer la roche dure du massif…
2. La salle du puits
Cette grande salle rectangulaire, au plafond
ouvragé en caissons, soutenu par quatre colonnes
au fût cannelé, comporte en son centre un puits
entouré d’une margelle à hauteur de taille. Au-
dessus du puits, un conduit naturel perce la roche
jusqu’au sommet et une pâle lumière filtre par
l’ouverture encombrée de végétation.
Un héros qui regarde dans le puits aperçoit de
petites lumières, semblables à des lucioles, briller
dans l’obscurité. Elles chatoient et dansent, hyp-
notiques ; fasciné, le héros se mettra à se pencher
vers elles sans s’en rendre compte. Il devra réussir
un test d’esprit Difficile (-2), sous peine de bas-
culer dans le puits. Un autre héros proche de lui
pourra s’en rendre compte et le retenir en réussis-
sant un jet de réaction pour intervenir à temps.
179
Si un personnage tombe dans le puits, il atterrit
cinq mètres plus bas dans une eau boueuse et subit
d6M dégâts (sans la protection d’une éventuelle
armure), ce qui lui fait immédiatement reprendre
L'île de Kryphondus
ses esprits. La boue est si épaisse et visqueuse
qu’il a du mal à surnager ; à partir du deuxième
round où il patauge dans le puits, il devra réussir
à chaque round un test de vigueur pour parvenir à
rester à la surface alors qu’il est aspiré par la boue
comme dans des sables mouvants. Mieux vaut
espérer que ses compagnons seront prompts à le
secourir, par exemple en lui lançant une corde à
laquelle s’agripper…
3. L’escalier extérieur
Cette petite salle comporte une galerie donnant
sur l’extérieur, de laquelle part un escalier creusé à
flanc de falaise qui descend sur cinq mètres avant
de s’interrompre dans le vide. Le bassin de la
crique s’aperçoit depuis la galerie.
4. Les appartements
de Kryphondus
Ces deux grandes pièces reliées par un petit
couloir comportent chacune une loggia et la
lumière du jour filtre à travers le rideau de lianes
qui pend sur la falaise. Des fresques aux couleurs
fanées, rongées de salpêtre, ornent les murs. Elles
sont si abîmées qu’il est difficile de déterminer
ce qu’elles représentent ; tout au plus peut-on y
discerner des paysages de jungle, une procession
de personnages vêtus de pagnes, quelques animaux
et oiseaux. Les plafonds sont sculptés en caissons
et en rosaces délicatement ouvragés. Deux boyaux
grossiers percent de part en part la grande pièce.
Des gravats et quelques vestiges de mobilier
jonchent le sol, ainsi que plusieurs squelettes
anciens, dont l’un a le crâne défoncé tandis qu’une
pointe de lance en bronze est encore fichée dans
la colonne vertébrale d’un autre.
Au milieu des décombres, un héros remarquera
un éclat métallique et découvrira une paire de pe-
tites forces en acier, miraculeusement épargnées
par la rouille. Il s’agit d’un objet simple et utili-
taire, mais il est en parfait état, comme s’il avait
été oublié là depuis quelques jours ou quelques
heures à peine. Parmi les débris de bois tombés en

L'île de Kryphondus
poussière où gisaient les ciseaux se trouve égale-
ment un cadre brisé, en un bois rare qui s’est fos-
silisé, auquel s’accrochent encore quelques brins
d’un fil blanc et moiré. Le fil est doux, soyeux,
légèrement chaud au toucher, et semble lui aussi
avoir été épargné par les ravages du temps. Il est
aussi, si les joueurs pensent à en faire l’expérience,
d’une solidité à toute épreuve. Les quelques cen-
timètres de fil qu’ils peuvent récupérer sont incas-
sables, et impossibles à couper… à moins d’user
des forces, qui sectionnent le fil sans la moindre
difficulté.
Note au MJ : il s’agit évidemment des vestiges
du métier à tisser sur lequel Kryphondus avait tissé
le voile, et des ciseaux que lui avait remis Afyra en
même temps que les cocons de soie. Voilà donc
nos héros avec une « arme » capable d’entamer le
voile (dont les caractéristiques sont détaillées dans
l’encadré « Les armes de la victoire », page 190).
Un héros opportuniste pourra penser à
récupérer les quelques débris du fil divin… Nul
doute qu’un alchimiste ou un prêtre serait prêt à
payer une fortune pour une telle relique !
5. La caverne du
ver à soie
Cette large grotte creusée dans la roche sert de
nid au ver à soie divin, devenu sous l’influence
de Morgazzon une créature de cauchemar. Les
passages qui y mènent sont bouchés par de gros
fils de soie entrelacés. Contrairement au débris
de soie pure qui s’accroche encore au cadre brisé
du métier à tisser de Kryphondus (cf. ci-dessus),
ces fils-là sont plus grossiers, grumeleux et
légèrement jaunâtres. Ils possèdent en revanche la
même solidité surnaturelle et ne peuvent pas être
détruits, ni par le feu ni par l’épée. Les ciseaux, en
revanche, pourront les couper aisément.
180
À travers l’entrelacs de fils, les héros distinguent
une forme dans la pénombre de la grotte, où
quelques gros fils de soie qui pendent du plafond
scintillent à la lumière diffuse : une énorme
masse blême enroulée sur elle-même, au corps
composé de segments, marqués d’un point jaune
et équipés de courtes pattes membraneuses. La
créature redresse sa tête grisâtre, qui présente six
ocelles au-dessus d’une bouche aux mandibules
tranchantes ; elle paraît avoir repéré la présence
des héros. La monstruosité déroule ses segments
boursouflés pour se dresser à demi sur ses petites
pattes qui semblent peiner à porter son poids :
c’est une immonde chenille, qui doit mesurer
dans les six mètres de long pour près d’un mètre
cinquante de hauteur ! Elle ondule vers les héros
en tranchant d’un coup sec de ses mandibules
les fils de soie qui la gênent dans sa progression.
Apparemment, elle n’aurait rien contre le fait de
varier son menu frugal de roche par un peu de
chair fraîche !
Note au MJ : des joueurs attentifs devraient
remarquer que les mandibules de la créature
sont capables de couper les fils de sa soie comme
rien, à l’instar des ciseaux divins, et qu’il y a
peut-être là un autre moyen de détruire le voile
qui rend Jorkus immortel. Ce n’est toutefois pas
indispensable, s’ils ont récupéré les ciseaux, et il
est fort possible d’éviter d’affronter le ver à soie,
qui n’est pas très rapide et rechigne à s’exposer à la
lumière, préférant les ténèbres de sa caverne.
Épilogue
Une fois munis d’un ou plusieurs instruments
capables de détruire le voile, les héros peuvent
enfin quitter cette île de cauchemar. S’il ne devrait
pas être difficile de retrouver Jorkus et son armée,
le plus dur reste encore à faire : approcher le dieu
voilé pour le ramener à son statut d’homme en
déchirant la soie qui le rend invulnérable.
Note au MJ : cette partie de l’aventure a
certainement contraint les joueurs à puiser
abondamment dans les ressources de leurs
personnages. En vue du combat final, chaque
héros lance d6M et récupère autant de points
d’héroïsme que le résultat du jet (sans pouvoir
bien sûr dépasser son score maximum de points
d’héroïsme).
 L'île de Kryphondus
Capacité spéciale :
Ver à soie corrompu Crachat filandreux : en lieu et place d’une
attaque, le ver à soie peut projeter par un conduit
Taille : énorme qui s’ouvre près de sa bouche un jet d’une substance
gélatineuse, matière première de son fil. Elle
Perverti par Morgazzon, le petit ver à soie divin
effectue un jet d’attaque à +3 contre un adversaire,
est devenu une immonde et gigantesque chenille,
qui a le droit à un test d’agilité pour éviter de
bloquée dans son évolution (elle ne deviendra
se faire engluer dans l’énorme crachat. En cas
jamais papillon) et tellement omnivore qu’elle
d’échec, le héros se retrouve au sol, recouvert par
se nourrit de roche (et de héros imprudents,
la substance poisseuse qui l’empêche de bouger.
éventuellement). Créature issue du royaume des
Il doit réussir un test de vigueur Impossible (-6)
dieux, elle a survécu pendant des siècles, le temps
pour s’en dégager. S’il reçoit des secours, chaque
n’ayant pas sur elle la même emprise que sur les
compagnon (jusqu’à trois maximum) qui consacre
êtres ordinaires de ce monde.
un round à l’aider diminue la difficulté du test
d’un cran. Si les héros ont déjà récupéré les ciseaux
Attributs Aptitudes de combat
et que l’un d’eux s’en sert pour découper dans la
Vigueur 8 Attaque +1
masse gluante, la victime sera libérée après deux
Agilité -2 Dégâts d6x2*
rounds d’effort.
Esprit -2 Défense 0
Vitalité 40 Protection d6-2 (2) Si les héros affrontent le ver à soie et le tuent, ils
peuvent alors prélever ses mandibules tranchantes,
* Les mandibules de la créature, particulièrement dans le but de s’en servir ultérieurement pour
puissantes, ne font qu’une bouchée des simples détruire le voile. Ces grosses pièces chitineuses ne
armures, qui ne protègent pas contre ses attaques. sont pas d’un emploi aisé, mais sont effectivement
Une armure alchimique, en revanche, protégera capables, avec un peu moins d’efficacité que les
normalement son porteur. ciseaux, de couper la soie divine.

Récolte de soie
Il est possible que des joueurs décident de récupérer les gros fils jaunâtres produits par le ver
à soie corrompu. Si leur aspect est un peu répugnant, ils restent au demeurant d’une solidité à
toute épreuve, et peuvent par exemple servir à fabriquer une longue corde en les nouant bout à
bout. Quoi qu’il en soit, cette soie perdra progressivement ses qualités, une fois éloignée de l’île
maudite. Les héros pourront s’en servir jusqu’à la fin de cette saga, mais la soie finira ensuite par
se déliter en filaments grumeleux et friables, perdant toutes ses propriétés.

181

Confrontation finale
L'île de Kryphondus
Désormais en possession d’une « arme » capable
de ramener Jorkus à son statut d’homme mortel, les
héros doivent agir sans attendre, car ils savent que
la guerre menace.
L’exploration de l’île de Kryphondus n’a pas dû
réclamer plus d’un jour ou deux, et grâce à la nef
volante, il est aisé de retrouver l’armée de Jorkus
dans les meilleurs délais. Il suffit de se diriger vers
les colonnes de fumée noire qui s’élèvent dans le ciel
au sud, depuis le littoral…
État des lieux
L’armée de Jorkus campe autour de Fort Junia,
qu’elle a investi. Elle a lancé depuis cette position
une série de raids sur les communautés alentour,
ramenant du butin et des prisonniers, dont
certains sont enrôlés de force dans ses rangs. Elle
a défait la petite armée du gouverneur régional
qui s’était avancée inconsidérément à sa rencontre,
croyant n’avoir affaire qu’à un ramassis de pillards
de la jungle, juste un peu plus nombreux que de
coutume. L’arrogance du gouverneur lui a valu
une défaite écrasante, et de finir la tête couverte
d’un voile, fichée au bout d’une pique.
Pour l’instant, Jorkus – ou plutôt Lok Kozaar, qui
a pris la tête des opérations militaires – consolide
ses positions, en attendant de marcher sur Satarla.
Tous les jours, de petits groupes de guerriers des
jungles sortent de la forêt pour rejoindre son
armée, attirés par les promesses de butin.
À Satarla, les autorités commencent à peine à
prendre la mesure de l’ampleur de la menace, qui
dépasse de loin les raids et les pillages auxquels
les tribus du Qush s’adonnent habituellement.
Une forte armée est en cours de mobilisation
pour se porter face au danger, mais la situation
se complique à cause de Tyrus, la grande rivale
de Satarla. Son roi Syton, informé des troubles
que connaît Satarla au sud-est de son territoire,
semble vouloir en profiter pour prendre enfin sa
revanche et venger la mort de son père, tombé au
combat durant la dernière guerre qui a opposé les
deux cités.
182
Les espions du roi de Satarla l’ont informé que
les émissaires de Syton parcourent les villages de
Tyrus en brandissant la fameuse flèche rouge, qui
convoque les archers à la guerre… Il faut donc
régler rapidement la menace venue de la jungle,
sous peine de risquer de se retrouver pris entre
deux feux.
Vu du ciel
Voguant dans les cieux à bord de leur nef
volante, les héros ont tout loisir d’observer
l’armée ennemie d’assez loin pour le faire sans
trop de risques. Il est clair que le gros des forces
est massé au pied des remparts de Fort Junia,
dont les murailles s’ornent du sinistre emblème
du dieu voilé : des têtes coupées, recouvertes
d’un morceau de tissu et fichées au bout d’une
pique. Des groupes de maraudeurs convergent
vers le fort pour y ramener provisions, butins et
prisonniers. Les rochers au pied du promontoire
sont rougis du sang des cadavres jetés dans le
vide, dont plusieurs dizaines gisent sur les récifs
ou flottent mollement dans les vagues, entourés
de nuées d’oiseaux marins venus à la curée.
Il paraît logique de penser que Jorkus se trouve
à Fort Junia. Si les joueurs ont besoin d’un
encouragement supplémentaire, ils pourront
toujours apercevoir la grande silhouette de Lok
Kozaar à la porte de l’enceinte, ou même assister
à une apparition du dieu voilé dans la cour.
Toutefois, si les héros s’approchent trop près,
restent en vol stationnaire au-dessus de Fort Junia,
bref, se montrent imprudents, ils se préparent
des ennuis. Sollicitée par Lok Kozaar, la Mégère
(la sorcière qui accompagne Jorkus) lancera
un sortilège de premier cercle pour évoquer
un azhdarkho (cf. BoL page 111) et l’envoyer à
l’assaut de la nef.
Raid sur Fort Junia
L’occasion de frapper Jorkus alors qu’il se
trouve dans un lieu connu devrait sembler trop
belle pour la laisser passer. Non seulement les
héros sont passés brièvement à Fort Junia, mais
les soldats de la nef (s’il reste toutefois des
survivants après l’île de Kryphondus) connaissent
parfaitement les lieux et peuvent leur en faire une
Et si…
Il est possible que les joueurs décident de retourner à Satarla afin d’informer les autorités, avant de tenter
une infiltration désespérée à Fort Junia pour frapper Jorkus au milieu de son armée. Dans ce cas, ils seront

L'île de Kryphondus
accueillis à leur arrivée par Embran Tarv (cf. page 152) qui fera quérir Nirmus et écoutera attentivement
le récit des héros. Il leur apprendra en retour ce qu’il sait de la situation militaire, et du risque d’être pris en
tenaille entre l’armée de Tyrus et celle de ce « dieu voilé » (cf. page 182).
Il garantira aux héros une récompense à la hauteur des risques et de l’importance de leur mission, et leur
demandera de terminer leur tâche en allant se débarrasser de Jorkus ; il faut agir vite avant que son armée,
qui grossit de jour en jour, se remette en marche. Il sera certainement plus difficile de s’en prendre à lui au
milieu d’une armée en mouvement.
Les joueurs peuvent réfléchir à différentes stratégies et solliciter l’aide de Satarla : ce sera à eux de proposer
des choses, et à vous de décider ce qui peut être mis en place ou pas. Voici quelques exemples :
W Toute demande raisonnable de matériel (armes, armures, et même produits rares, tels que de l’acide ou
de la poix alchimique) recevra une réponse favorable.
W Il est possible de se renseigner plus avant sur la disposition de Fort Junia et d’en obtenir une description
détaillée, qui complétera ce que les héros en connaissent par leur bref passage.
W Les joueurs peuvent solliciter l’appui de plusieurs nefs volantes pour un assaut groupé sur Fort Junia ;
Embran refusera. Les nefs sont trop précieuses pour être risquées ainsi, et elles sont en outre nécessaires pour
espionner les mouvements de troupes du côté de Tyrus. Il pourra en revanche accorder aux héros l’appui
d’une seconde nef pour couvrir leur retraite une fois leur mission accomplie.
W Les joueurs peuvent réclamer une diversion, sous la forme d’une attaque contre l’armée de Jorkus, afin
de réduire le nombre de ses soldats dans le fortin. Satarla n’est pas prête pour un assaut d’envergure – il
faudrait encore plusieurs jours pour réunir et acheminer des forces suffisantes, et le temps est compté –, mais
il est possible d’organiser un raid nocturne avec une troupe réduite afin de semer le trouble dans le camp
ennemi en faisant croire à une attaque.
Note au MJ : le choix d’un passage préalable par Satarla s’accompagnera toutefois d’un revers ; ce délai
offrira à la Mégère l’occasion de récupérer 4 points de pouvoir supplémentaires, dépensés pour lancer son
sortilège de deuxième cercle lors de l’assaut sur Fort Junia (comme indiqué sur son profil, page 193).

description précise. Une approche en nef volante reconnaissable). La supercherie a de bonnes

à la faveur de la nuit reste l’option la plus logique,
mais des joueurs pourront imaginer de débarquer
ailleurs que directement sur le toit du donjon.
La description de Fort Junia ci-après explore
différentes approches possibles et indique en
détail la présence d’éventuels gardes.
L’armée de Jorkus forme un rassemblement
hétéroclite de grooth, de tribus de la jungle et
de paysans enrôlés de force ou ralliés après avoir
assisté aux prodiges du « dieu voilé ». Il n’est donc
pas très difficile, si cette approche est privilégiée,
de s’infiltrer discrètement dans le camp en se
faisant passer pour des soldats de l’armée (à
moins de posséder un physique particulièrement
chances d’opérer, à condition de faire preuve
de prudence et d’ingéniosité : une armure trop
sophistiquée, trop « civilisée », risque par exemple
d’attirer l’attention, même si des soldats satarlans
ont rejoint plus ou moins volontairement les
rangs de l’armée de Jorkus.
Les joueurs peuvent également opter pour une
approche plus directe et plus brutale, dans laquelle
il leur faudra gérer le risque de voir l’alerte donnée
prématurément et de se retrouver submergés par
les guerriers de Jorkus. Quelle que soit l’option
retenue, la chose a toutes les apparences d’une
mission suicide, et les risques sont grands de ne
pas en sortir vivants (mais à vaincre sans péril…).

183
 1er étage
Fort Junia - plan du fort et du donjon
7
L'île de Kryphondus

11
8

9
13 12 10
N
b a

Rez-de-chaussée
d c
e
2
1 Sous-sol
3
f a. Armurerie
14 b. Corps de garde
6 5 4 c. Logis
15 d. Écuries
e. Donjon
f. Escalier et Port
1. Salle commune 7 à 10. Chambres
2. Armurerie 11. Dortoir des soldats
3. Réserve 12. Oratoire
4. Cuisine 13. Salle de garde
5. Salle de réunion 14. Cave
6. Domestiques 15. Cellules

de joie, ils célèbrent bruyamment leur victoire en

Fort Junia
L’extérieur
Le promontoire sur lequel se dresse Fort
Junia est envahi par les tentes, les chariots et les
feux de camp de l’armée qui campe au pied de
ses remparts. Les vantaux fracassés de la porte
fortifiée ont été ôtés et une barricade de fortune
bloque partiellement l’entrée, ne laissant qu’un
étroit passage, sous bonne garde. Des têtes voilées,
fichées sur des piques, s’alignent sur les remparts,
macabres étendards du maître des lieux.
La cour
La cour du fort est elle aussi encombrée de
campements de soldats ; des grooth occupent
le côté est, autour du palanquin du dieu, et des
tribus de la jungle le côté ouest. À la lueur de feux
vidant les réserves de bière du fortin. Certains
dansent au rythme hypnotique de tambours,
tandis qu’un petit groupe s’amuse à lancer des
sagaies sur un soldat de Satarla suspendu au bout
d’une corde qu’un homme sur les remparts fait
osciller pour ajouter de la difficulté. Chaque coup
au but est suivi d’un cri de douleur du malheureux
et des vivats ou des grognements de contrariété
des spectateurs, tandis que le butin parié change
de main.
Une odeur de viande brûlée flotte dans l’air,
mais le morceau de choix qu’un grand grooth
dévore à belles dents ressemble affreusement à la
cuisse d’un homme. La tension est palpable entre
les grooth et les Qushites, qui semblent parfois
tout près d’en venir aux mains. L’écurie (d) a
brûlé, ainsi que le corps de garde (b) de la porte
d’enceinte.

184
Les remparts
La porte fortifiée de l’enceinte ainsi que les
remparts sont occupés par de petits groupes
dispersés de guerriers des jungles, qui ne
patrouillent pas vraiment et surveillent l’extérieur
– et le ciel – d’un œil distrait, plus occupés à jouer
aux osselets, à bavarder ou à boire.
La tour sud-ouest et le port (f)
La tour sud-ouest du rempart abrite l’escalier
qui permet d’accéder au petit port, au pied de la
falaise. Son toit plat est équipé d’une large trappe
avec une corde à poulie et d’un palan destiné à
descendre les marchandises jusqu’au ponton
installé au pied de la falaise, quinze mètres
plus bas. Trois guerriers (profil ci-dessous) sont
adossés aux remparts et surveillent l’immensité
sombre de la mer.
L’escalier s’enfonce dans la roche sur une dizaine
de mètres avant de se prolonger par des marches
creusées à flanc de paroi et protégées d’un parapet.
Un quai de pierre, équipé de deux pontons de bois,
accueille une gabarre et une petite galère de guerre.
Un groupe de six guerriers, installé autour d’un
brasero, est de garde sur le quai de pierre. L’un
des hommes joue d’une flûte au son aigrelet,
tandis que ses compagnons trompent leur ennui
en buvant un tonnelet de rhum récupéré dans le
pillage de la galère.
Si un combat éclate, l’un d’eux se précipite
aussitôt vers l’escalier pour monter donner l’alerte.
Barbares de Qush
(coriaces, x 6)
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 1 Initiative 0
Agilité 1 Mêlée 1
Esprit 0 Tir 1
Aura 0 Défense 0
Carrières : barbare 1, chasseur 1
Protection : aucune armure 0, petit bouclier
(+1 en défense contre une attaque par round)
Armes : javelot d6M, casse-tête ou lance d6+1
Vitalité : 7
185
Le donjon : rez-de-chaussée
L’austère donjon carré, en solide pierre de
taille, ne comporte que deux hauts étages et un
toit plat crénelé, qui s’élève à trois mètres au-
L'île de Kryphondus
dessus des remparts. Ses fenêtres se résument à
des meurtrières, à l’exception du grand vitrail de
l’oratoire (n° 12), qui donne sur la mer.
La lourde porte du donjon pend misérablement
sur ses gonds, réduite à l’état de débris fracassés.
Le vestibule, au sol et aux murs maculés de sang
séché, témoignages de la violence des combats,
donne accès au reste du donjon. Un large escalier
en colimaçon permet de monter au premier étage
ou de descendre dans les geôles.
La porte de l’armurerie (n° 2) a été enfoncée, et
les râteliers d’armes consciencieusement pillés. La
cuisine et le cellier (n° 3 et 4) sont relativement
préservés et les serviteurs s’y affairent, forcés de
travailler pour le nouveau maître des lieux. La
salle commune (n° 1) comme la salle de réunion
(n° 5) sont occupées par des Qushites qui festoient
sur les réserves du château. Là aussi, des traces
de sang et un cadavre décapité, encore affalé
contre une des colonnes de la salle, rappellent
la brutalité de l’assaut. Les guerriers des jungles
rassemblés ici sont une quarantaine (piétaille) ;
six guerriers d’élite (coriace) se sont approprié la
petite salle attenante (n° 5). Les quartiers des
domestiques (n° 6) ont été reconvertis en lupanar,
où d’infortunées captives de guerre subissent les
outrages des soudards de l’armée.
Le donjon : premier étage
Le vestibule de l’étage est gardé par quatre
solides grooth, dont le chef s’exprime dans un
lémurien approximatif. Ils interdisent l’accès à
l’étage, réservé au dieu voilé et à ses lieutenants, à
moins d’avoir une bonne raison à leur offrir.
Si les héros descendent du toit (après une
arrivée par nef ), les grooth connaîtront un instant
d’hésitation et les examineront en fronçant
leur front proéminent, surpris de la présence
« d’hommes sans poil », alors que le toit est
normalement gardé par des grooth. Il est possible
de profiter de ce moment de flottement pour
prendre l’avantage (dé de bonus au jet de réaction,
à l’appréciation du MJ). Leur profil se trouve en
page 194 (« gardes grooth »).

L'île de Kryphondus
Un lourd rideau doublé (qui étouffera en partie
les bruits de combat) ferme le dortoir (n° 11). Les
échos ténus d’un luth proviennent de la grande
salle, mêlés de relents d’encens et de plantes
odorantes.
Note au MJ : si les héros ont pénétré dans le
dortoir (n° 11) en évitant les gardes du vestibule,
ceux-ci s’y précipiteront aux premiers signes de
grabuge.
Chambres (n° 7 à 10)
Les chambres (n° 7 à 10) ont été partiellement
pillées et réoccupées par quelques chefs de clan et
membres importants de l’armée.
Un colosse à la peau sombre couverte de
scarifications ronfle d’un sommeil aviné dans
la chambre n° 8 qui empeste l’alcool et la sueur.
Une jeune femme au visage tuméfié est prostrée
dans un coin de la pièce. Le guerrier est facile à
maîtriser (ou à éliminer) tant il est ivre.
Il est possible, avec un peu d’attention et de
délicatesse, de parler avec la jeune femme, qui se
prénomme Filna. Il s’agit d’une paysanne d’un
186
village voisin qui a vu toute sa famille massacrée
par les Qushites et a été emmenée comme captive.
Elle pourra apprendre aux héros que le « dieu »
occupe la grande salle de l’étage, et que la sorcière
et le géant bleu se trouvent avec lui.
La porte de la chambre n° 9 est fermée et un
rai de lumière filtre dans le couloir sombre. La
porte n’est pas verrouillée ; si les héros l’ouvrent,
ils découvriront un homme assis sur un lit, les
coudes sur les genoux et la tête entre les mains.
Une lampe à huile est posée à côté du lit et la
lumière se reflète sur ses cheveux blonds. Il
est vêtu d’un pourpoint de cuir qui laisse ses
avant-bras nus, permettant de remarquer à son
poignet gauche un bracelet tressé où se mêlent
des fils noirs et bleus. L’homme relève la tête en
entendant la porte s’ouvrir ; il a une courte barbe
blonde, des yeux bleus cernés et rougis, le visage
creusé, le teint cireux.
Note au MJ : il s’agit d’Hilario, que les joueurs
pourront reconnaître à sa description, et surtout
au bracelet de voyage qu’Albel lui a donné avant
son départ (cf. page 102).
Si les héros ne le reconnaissent pas, il leur
demandera ce qu’ils veulent, avec l’air intrigué
d’un homme qui ignore l’identité de ceux qui
viennent de faire irruption dans sa chambre. Si
un combat éclate, il se défendra.
Sinon, il est possible d’engager la conversation,
surtout en évoquant Albel et Matius, dont il brûle
d’avoir des nouvelles. Hilario affiche l’air hagard
d’un homme qui manque de sommeil et qui est
rongé par un conflit intérieur. Il expliquera qu’il
s’est retrouvé embarqué malgré lui dans cette
folie, et ne sait plus comment en sortir. Dès le
début, les choses ont mal tourné et il aurait dû
prendre le large, mais il ne l’a pas fait…
Il pourra expliquer aux héros son histoire,
comment Jorkus l’a recruté pour retrouver une
mystérieuse île dans les jungles, dans le but de
confirmer, lui avait-il dit, la véracité d’une antique
légende, et comment l’expédition a tourné au
cauchemar. Comment il l’a ensuite aidé, après que
Jorkus a mis en scène son suicide rituel, à sortir
de son tombeau pour revenir clandestinement à
Satarla chez maître Casmar, et découvrir qu’il se
retrouvait acoquiné avec une secte d’adorateurs
de Morgazzon. Comment Jorkus l’a grassement
payé pour le guider jusqu’à l’île (et menacé de le
tuer quand il a refusé), et comment ce dernier
a entraîné les tribus de la jungle en faisant la
preuve de son invulnérabilité. Comment depuis
son armée n’a cessé de grossir, et comment
Kryphondus (il ne faut plus l’appeler Jorkus) a
l’intention de s’emparer de Satarla et de toute la
Lémurie pour y régner en dieu.
Hilario a vu Jorkus/Kryphondus défier tant de
fois la mort qu’il ne sait plus que penser. Depuis
qu’il l’a aidé à quitter son tombeau, le visage
recouvert de ce voile étrange, il ne sait plus s’il
a affaire à un homme ou véritablement à un
dieu ; rien de tout cela ne lui plaît (ce n’est pas un
mauvais bougre), mais qui est-il pour s’opposer à
la volonté d’un dieu ?
Les héros n’auront pas grand mal à le convaincre
de les aider, surtout s’ils lui expliquent qu’ils ont
le moyen de mettre un terme aux ambitions
malsaines du prétendu dieu. Il pourra alors les
informer de ce qui les attend dans la grande salle
(n° 11), leur offrira la possibilité de passer par la
chambre (n° 10) que s’est appropriée Lok Kozaar,
et acceptera de combattre avec eux (en restant au
début un peu en retrait). Il pourra aussi leur parler
de la Mégère, si les joueurs pensent à l’interroger
à son sujet. Il leur expliquera qu’il s’agit d’une
sorcière, une adepte de Morgazzon qui s’appelle
Jessinda, et qui les accompagne depuis Satarla.
Sous son masque horrible de vieille harpie se
dissimule une belle jeune femme au teint clair,
aux cheveux bruns et aux yeux verts.
Note au MJ : si les héros ne passent pas par
la chambre d’Hilario, ajoutez ce dernier aux
personnages présents dans le dortoir. Dans ce cas,
Hilario n’interviendra pas immédiatement dans
le combat, rechignant à protéger Jorkus, mais
craignant de s’attaquer directement à lui. Accordez
alors une chance aux héros de le reconnaître par
sa description. Directement interpellé, Hilario
pourra être incité à se joindre à eux pour le
combat, notamment si un héros évoque Albel
ou son frère Matius. Sinon, s’il voit que les héros
ont une chance de l’emporter, il pourra décider
de lui-même de les soutenir en intervenant à leur
profit (par exemple en poignardant dans le dos
la Mégère, ou en ceinturant Jorkus pour aider un
héros qui s’attaque à lui).
187
Le dortoir des soldats (n° 11)
Le dortoir a été reconverti en une sorte de salle du
trône. Les lits des soldats ont été débarrassés, ainsi
que leurs affaires, et remplacés par un ensemble
L'île de Kryphondus
hétéroclite et criard de tapis, de tentures, de peaux
de bête. Le coin nord-ouest de la salle est occupé
par un amoncellement de coussins et de paillasses
recouvertes de draps précieux où s’alanguissent
une dizaine de jeunes hommes et femmes dans
les vapeurs épaisses et odorantes qui s’élèvent d’un
brasero. Un garçon aveugle est assis près d’eux et
joue du luth. Ces jeunes gens forment le « harem »
du dieu voilé ; même si le dieu en question n’a plus
vraiment l’âge de jouir des attraits de la chair, il
prend plaisir à assister à leurs ébats.
Entre les deux colonnes du fond de la pièce,
un siège recouvert de draperies est occupé par un
homme âgé, au corps ridé et flasque, uniquement
vêtu d’un pagne rouge et de sandales. Il a la peau
dorée et scintillante, comme recouverte d’or ; une
femme agenouillée à côté de lui est d’ailleurs en
train d’étaler sur ses jambes une mixture dorée
qu’elle puise dans un bol en bois. Le visage de
l’homme est à peine discernable sous le voile qui
colle à sa peau comme un linge humide et brouille
ses traits.
À une table, côté nord, Lok Kozaar sirote un
cruchon de bière en étudiant la carte étalée devant
lui. Sa grande hache est posée sur la table, à portée
de main. Face à lui est assis Mishart, le vieillard à
la robe jaune cousue de talismans et de colifichets
qui avait joué les hérauts lors de l’attaque de Fort
Junia. Son bâton cérémoniel, orné de breloques et
de talismans, est appuyé contre le bord de la table.
Le coin sud-ouest est occupé par différentes
caisses en bois et une petite table sur laquelle
s’entassent différents instruments et bocaux. Un
héros attentif pourra remarquer une robe jaune,
négligemment jetée sur des caisses empilées. Le
masque de la Mégère est posé sur la table, mais ce
détail est impossible à voir depuis l’entrée.
La porte vers la salle de garde (n° 13) est
entrouverte. Quatre gardes grooth s’y sont
installés ; avec les quatre autres qui surveillent le
palier, ils ont l’honneur de porter le palanquin du
dieu et de garder sa porte. Ils interviendront au
moindre bruit de combat (cf. page 189 pour la
gestion détaillée du combat final).
 L’oratoire (n° 12)
La petite chapelle a été profanée, et les statuettes
des vingt dieux descendues des niches qu’elles
occupaient pour être alignées au sol, au pied de
L'île de Kryphondus
La cave (n° 14)
et les geôles (n° 15)
Plusieurs cellules fermées par des portes
équipées d’un judas s’alignent le long d’un couloir

l’autel, sur lequel trône un crâne humain, au visage creusé dans la falaise. Une fenêtre à barreaux a été
modelé dans l’argile et recouvert d’un voile. Une ménagée dans la paroi. La cave a été pillée et deux
grande fenêtre au vitrail partiellement brisé gardes grooth (coriaces) s’y sont installés au calme.
s’ouvre dans le mur derrière l’autel.
Les cellules sont vides ; le dieu voilé ne fait pas
Note au MJ : cette fenêtre est la seule de l’étage de prisonniers, ne laissant aux vaincus que le choix
par laquelle il est possible d’entrer dans le donjon. de rejoindre son armée ou d’affronter la mort.
Les héros pourraient songer, s’ils arrivent par
le toit, à passer par là pour éviter d’emprunter Le toit du donjon
l’escalier, et à laisser une corde pendre jusqu’à la Le large toit plat et crénelé, prolongé côté falaise
fenêtre, afin de se ménager une issue. d’une passerelle de bois destinée à l’arrimage
d’une nef volante, est gardé par une troupe de
grooth du clan des falaises, ceux-là mêmes qui
Chef grooth (coriace) l’ont investi au cours de l’assaut. Connaissant
l’existence des nefs volantes, ils ne manquent pas
Attributs Aptitudes de combat de regarder de temps à autre vers le ciel, mais ne
Vigueur 2 Initiative 0 se montrent pas particulièrement attentifs, tant
Agilité 1 Mêlée 1 ils sont sûrs de la force de leur armée qui marche
Esprit 0 Tir 0 aux ordres d’un dieu.
Aura -1 Défense 1
Les gardes du toit comptent un chef et cinq
Carrières : barbare 2 sous-fifres (cf ci-contre). Sitôt attaqués, les gardes
enverront l’un d’eux rejoindre l’escalier pour
Protection : aucune armure 0
descendre donner l’alerte.
Armes : lance d6+2
Vitalité : 8 Gérer l’approche
Les héros disposent donc de plusieurs options
Guerriers grooth pour atteindre leur cible. Selon la manière dont
(piétaille, x5) ils s’y prennent et le succès de leurs actions, les
choses peuvent évoluer de différentes façons.
Attributs Aptitudes de combat L’option la plus évidente consiste à user de
Vigueur 1 Initiative 0 la nef volante pour débarquer sur le toit. Cela
Agilité 0 Mêlée 0 impliquera de réussir à éliminer les gardes avant
Esprit 0 Tir 0 qu’ils puissent donner l’alerte. Peu visible dans
Aura -1 Défense 0 la nuit, la nef n’est toutefois pas très discrète :
sans produire un vacarme assourdissant, ses
Carrières : barbare 1
rotors battent tout de même bruyamment l’air.
Protection : aucune armure 0 Une fois arrimée à la passerelle du toit, la nef est
relativement peu visible ; la passerelle se trouve
Armes : d3 (lances et gourdins)
côté mer, et le donjon dépasse de plusieurs mètres
Vitalité : 3 le haut des remparts. Le danger peut néanmoins
venir des hommes de garde au pied de la falaise ;
Capacité spéciale :
l’un d’eux pourrait apercevoir la forme de la nef se
Règle de horde (cf. BoL, page 132).
détacher sur le fond étoilé du ciel nocturne.

188

Des joueurs inventifs pourraient envisager
d’autres solutions, comme d’approcher à fleur
d’eau pour attaquer le port avant de remonter
dans la cour du fort par l’escalier pour se faufiler
dans le donjon, ou bien encore s’infiltrer par le
campement de l’armée en essayant de se fondre
dans la masse hétéroclite des guerriers qui la
composent. Des audacieux pourraient même
échafauder un plan pour passer par la fenêtre des
geôles, à flanc de falaise !
Le grand vitrail de l’oratoire offre également
une possibilité, mais là encore les gardes du
toit (ainsi que ceux du port, dans une moindre
mesure) risquent à terme de repérer la nef.
Bref, il vous faudra réagir en fonction des
intentions de vos joueurs et de l’ingéniosité de
leur plan.
189
L'île de Kryphondus
Affronter le dieu voilé
Si tout s’est bien passé, les héros devraient
surprendre Jorkus dans ses appartements. Et ils
auront bien besoin de l’effet de surprise s’ils veulent
une chance de survivre à la confrontation finale !
S’ils n’ont pas été éliminés au préalable, les
quatre grooth dans le vestibule et les quatre autres
dans la salle de garde (n° 13) viendront au secours
de leur maître sans se préoccuper de donner
l’alerte. Il n’en sera pas de même de Lok Kozaar,
qui beuglera aussitôt le combat commencé pour
rameuter des renforts. Mishart, le vieux druide
des marais de Festrel assis face à lui, tentera de
fuir les lieux pour aller appeler à l’aide.
La Mégère, quant à elle, a délaissé son masque
pour se prélasser parmi les suivantes du dieu.
 Les armes de la victoire
Selon ce qu’ils ont fait sur l’île de Kryphondus, les héros seront munis de la paire de ciseaux et/ou des
deux mandibules du ver à soie monstrueux.
L'île de Kryphondus

La paire de ciseaux compte comme une arme improvisée (dégâts d3 + vigueur), mais avec des
caractéristiques équivalentes à celles d’une arme alchimique légendaire : elle ignore les armures et
accorde un dé de bonus aux dégâts. Ses lames sont incassables et restent toujours coupantes, capables
d’entamer n’importe quelle matière (même si tailler dans de la pierre, par exemple, demanderait de
longues heures d’effort !).
Une mandibule du ver à soie compte comme une arme improvisée (dégâts d3 + vigueur), lourde et
peu pratique à manier (malus de -1 aux jets d’attaque).
Note au MJ : conserver les deux mandibules à l’issue de la saga ne présente pas d’intérêt particulier.
Passé un certain temps, la chitine commencera à s’effriter et à se désagréger ; loin de l’influence néfaste
de l’île, le temps et l’ordre naturel reprennent leurs droits sur cette monstruosité. Il est en revanche
possible de garder la paire de ciseaux divine, outil inaltérable au tranchant exceptionnel. En revanche,
si un joueur a l’idée de la faire fondre afin d’utiliser le métal pour forger une arme digne de ce nom,
ce sera peine perdue : même dans le feu de forge le plus ardent, le métal des ciseaux ne fond pas.

Aussitôt l’attaque lancée, elle tentera – en jouant
la demoiselle apeurée qui cherche à se cacher –
de rejoindre le coin de la pièce où se trouve son
masque. En effet, ce n’est qu’en dissimulant son
visage derrière celui de la Mégère qu’elle se sent
capable d’user de sa magie noire. Si les héros ont
eu l’occasion de parler avec Hilario, ils pourront
reconnaître Jessinda parmi les autres femmes, qui
sont principalement des filles de la jungle, au teint
plus mat. Si elle est attaquée, elle usera alors d’un
charme (pour deux points de pouvoir) afin de
faire voler son masque jusqu’à elle et de pouvoir
enfin recourir à une magie plus puissante.
Parmi les hommes et femmes du harem du dieu,
seuls quatre d’entre eux sont assez fanatisés pour
venir entourer Jorkus et tenter de le protéger, en
se sacrifiant au besoin (ce qui permettra à Jorkus
l’utilisation de l’option « bouclier humain » ;
cf. BoL, page 135). Considérez-les comme de
la piétaille, attaque +0, vitalité : 1. Les autres,
complètement terrorisés, se terrent dans le coin
de la pièce.
Le dieu voilé, passé la première surprise,
s’avancera en raillant ses misérables adversaires
qui ont l’inconscience de se croire capables de lui
nuire ! Il s’offrira à leurs coups, les bras grands
ouverts, afin de leur prouver qu’ils ne peuvent rien
contre lui. Mais dès qu’une attaque entamera le
voile, son attitude changera du tout au tout : pris
d’une panique affreuse, il essaiera de fuir leurs
assauts en appelant à l’aide d’une voix aiguë et
pathétique.
Déchirer le voile
Tissé dans la soie divine, le voile possède le
pouvoir de masquer à Nemmereth l’âme de
celui qui le revêt, empêchant le dieu de s’en
emparer quand les circonstances l’exigeraient.
Concrètement, le porteur du voile devient
invulnérable : toute blessure ou situation qui
devrait entraîner sa mort reste sans conséquence
sur lui. Tant que le voile n’est pas détruit, les
attaques ne lui infligent aucun dégât, les armes
rebondissent sur lui, le feu ne le brûle pas, etc.
Il est également impossible de l’arracher à son
porteur (seul celui-ci peut décider de l’ôter).
Si un héros possède une carrière de sorcier, les
sortilèges destinés à blesser Jorkus restent sans
effet sur lui ; de même, aucune magie de contrôle
mental ne peut l’affecter (le voile protège aussi son
esprit). Il reste toutefois soumis aux autres formes
de magie (un sortilège d’entravement pourrait par
exemple l’affecter).
Muni des ciseaux divins ou d’une mandibule
du ver à soie, un héros peut tenter de réduire en

190
lambeaux le voile de soie qui colle au visage de
Jorkus. Il faut pour ce faire réussir un jet d’attaque
avec un malus de -4, ou réussir une attaque sans
malus et dépenser un point d’héroïsme pour
utiliser l’option « coup précis », qui n’aura dans ce
cas que pour seul effet de permettre d’atteindre
Jorkus à la tête et de trancher dans le voile.
Il faut trois coups au but avec les ciseaux ou
une mandibule pour réduire le voile en charpie,
sachant que la première attaque touchera
automatiquement, puisque Jorkus s’offre à ses
adversaires sans se défendre, afin de leur prouver
son invulnérabilité. Les deux premières attaques
ouvrent de larges déchirures dans le voile qui
couvre son visage sans le blesser pour autant,
mais dévoilent en partie son visage ridé, aux yeux
déments, soudain écarquillés par une terreur
abjecte. La troisième et dernière attaque achève
de détruire le voile qui tombe de la tête de Jorkus
en lambeaux diaphanes.
191
Nemmereth réclame
son dû
Sitôt le voile détruit, une pénombre surnaturelle
L'île de Kryphondus
envahit la pièce. Une présence immense et
ténébreuse, glaciale et irréelle, semble s’étendre
sur la salle, étouffant les bruits et la lumière. Jorkus
pousse un cri de désespoir terrifié et est soulevé
du sol, comme saisi par une main colossale. Son
corps se couvre soudain de plaies, se racornit en
moignons de chair calcinée, éructe du sang, se
décompose et se reconstitue pour éclater encore
comme sous l’impact de coups violents, tandis
qu’il hurle sans discontinuer. Rattrapé par la
mort, il subit à rebours tous les trépas auxquels
il a échappé tant qu’il était dissimulé par le voile,
en une ignoble agonie sans cesse renouvelée. Le
spectacle horrible et fascinant se prolonge pendant
une minute qui semble durer une éternité ; tous
les protagonistes ont cessé le combat et assistent à
l’abominable prodige, comme hypnotisés.
Puis le corps de Jorkus retombe soudain au sol,
indemne mais bel et bien mort (tel qu’il aurait
été après avoir consommé le poison du Long
Sommeil, lors de son suicide rituel). L’ombre
immense disparaît (était-ce un Passeur, ou le dieu
de la mort lui-même ?), et la lumière revient à
la normale. Si des grooth sont encore présents,
ils fuient sans demander leur reste. Passé un
instant d’incompréhension, la Mégère comme
Lok Kozaar voudront eux aussi prendre la fuite,
à présent que tout est perdu. La sorcière n’est pas
du genre à négocier (elle est trop folle pour ça),
mais le céruléen pourra éventuellement tenter
de convaincre les héros de le laisser partir afin
d’éviter le combat. Il essaiera de sauver sa peau
mais, s’il est acculé, se battra jusqu’à la mort.
 Épilogue
Le terrible prodige du trépas de Jorkus a Nirmus quant à lui ajoutera d’un air soulagé
L'île de Kryphondus

été ressenti jusque dans le campement de son
armée. Tous ont tourné les yeux vers le donjon
de Fort Junia, sentant la présence écrasante de
Nemmereth qui s’y est manifestée, et terrifiés par
les hurlements inhumains de Jorkus. Un grand
trouble règne dans leurs rangs, et la nouvelle de
la mort du dieu voilé ne tarde pas à se répandre
comme un feu de brousse, provoquant une
panique généralisée. Dans le désordre qui s’ensuit,
les héros n’auront aucun mal à quitter les lieux,
personne ne songeant à les arrêter.
De retour à Satarla, ils sont accueillis par
Embran Tarv et Nirmus à leur descente de la
nef volante (s’ils ont pu revenir par ce moyen-
là) et chaudement félicités pour leur exploit. Ils
peuvent enfin prendre quelques jours de repos
bien mérité, avant d’être reçus par Embran Tarv
pour un petit banquet au Palais Splendide,
auquel assiste Nirmus. Embran leur transmet les
remerciements du roi Davym, qui a quitté Satarla
à la tête d’une armée afin de décourager les forces
de Tyrus de s’engager dans la guerre, à présent
que la situation dans les territoires de l’est connaît
un rapide apaisement. Les héros auront en effet
le plaisir d’apprendre que l’armée de Jorkus s’est
débandée à la suite de la mort de leur prétendu
dieu. Satarla a envoyé des troupes pour rétablir
l’ordre dans la région, mais les tribus de Qush,
de nouveau divisées, s’égaillent sans attendre et
refluent dans les profondeurs de leurs jungles.
Le pire a été évité, et à présent que Satarla n’est
plus menacée de ce côté-ci, Tyrus n’osera plus
déclencher la guerre, Embran en a la certitude.
que la pourriture qui rongeait la statue de
Nemmereth a séché en une nuit, et que le dieu
semble agréer à nouveau les sacrifices de ses
prêtres. Depuis lors, plus aucun signe funeste n’a
été signalé au temple.
Embran Tarv exprimera aux héros la
reconnaissance de Satarla, en leur annonçant que
le roi leur a octroyé la citoyenneté (s’ils n’étaient
pas déjà originaires de la cité) et leur remettra
solennellement un diplôme officiel, ainsi que la
petite cordelette rouge qui indique leur nouveau
statut (cf. encadré « Les Satarlans », page 17). De
surcroît, le souverain leur fait don de la maison de
maître Casmar, qui a été saisie par les autorités.
Le titre de propriété s’accompagne d’une
généreuse récompense sonnante et trébuchante,
en remerciement de leurs loyaux services.
Grâce à leurs actions d’éclat et aux contacts
qu’ils ont noués au cours de la saga, tous les
héros bénéficient désormais de l’avantage amis
haut placés (Satarla). Ils reçoivent également
2 points d’expérience chacun, ainsi que la
faveur de Nemmereth, sous la forme d’un point
d’héroïsme supplémentaire utilisable une seule
fois, et uniquement pour l’option « Défier la
mort » (ils peuvent le noter sur leur fiche par un
astérisque dans la case des points d’héroïsme).
En remerciement pour lui avoir rendu l’âme
qui lui avait injustement échappé, Nemmereth
acceptera de détourner une fois (et une fois
seulement) le regard…
Ainsi s’achève la saga du Dieu voilé !

192
 Jessinda, dite la Mégère
Protagonistes (rivale)
Jorkus, le dieu voilé

L'île de Kryphondus
Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 0 Initiative 0
(rival) Agilité 2 Mêlée 2
Esprit 2 Tir 0
Attributs Aptitudes de combat Aura 1 Défense 2
Vigueur 0 Initiative 1
Carrières :
Agilité 1 Mêlée 0
Noble 0
Esprit 4 Tir 0
Guérisseuse 1
Aura 1 Défense 1
Druidesse 2
Carrières : Sorcière 3
Érudit 3
Protection : aucune armure 0
Prêtre 2
Sorcier 1 Armes : dague d6M
Druide 0
Points de vilenie : 5 (4)
Alchimiste 1
Points de foi : 2
Protection : aucune armure 0
Points de pouvoir : 13 (7 ou 11)*
Armes : dague d6M
Vitalité : 10
Points de vilenie : 4
Points de foi : 0* Avantages
Attirante, bien née, perspicace
Points de pouvoir : 11
Désavantages
Vitalité : 10
Arrogante, fanatique, lubrique
Avantages * Si les héros lancent directement l’assaut sur
Beau parleur : Jorkus sait se montrer persuasif. Fort Junia dès leur retour de l’île de Kryphondus,
Il bénéficie d’un dé de bonus pour mentir ou il ne restera à la Mégère que 7 points de pouvoir ;
convaincre quelqu’un. s’ils attaquent après un délai de plusieurs jours (et
un passage par Satarla), elle bénéficiera alors de
Résistant à la magie : quand Jorkus est visé par
11 points de pouvoir (ayant récupéré une partie
un sortilège, lancez un d6. Sur un 6, le sortilège
des points dépensés pour lancer son sortilège de
n’a aucun effet sur lui.
deuxième cercle durant l’assaut sur Fort Junia).
Bibliothèque savante, érudit, savant
Spécial : Jessinda associe ses pouvoirs à son
Désavantages masque. Ce n’ est qu’en le portant qu’elle devient
Âgé, gars de la ville, non-combattant, « la Mégère », une puissante sorcière, et c’est
malédiction de Morgazzon, maudit seulement sous cette identité qu’elle se sent
capable d’user de magie véritable. Privée de son
* Ayant trahi Nemmereth en se tournant vers
masque, elle ne recourra qu’à des charmes, se
le culte des dieux sombres, Jorkus ne bénéficie
pensant (faussement) incapable d’utiliser des
logiquement d’aucun point de foi.
sortilèges plus puissants.
Équipement : la Mégère possède une petite
paille emplie d’une dose de souffle de Morgazzon
(cf. page 154).

193
 Lok Kozaar (rival) Mishart (coriace)
Attributs Aptitudes de combat Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 4 Initiative 1 Vigueur 0 Initiative 0
L'île de Kryphondus

Agilité 2 Mêlée 3 Agilité 0 Mêlée 1

Esprit 0 Tir 0 Esprit 2 Tir 0
Aura 0 Défense 1 Aura 0 Défense 1
Carrières : Carrières : druide 2
Barbare 1
Protection : aucune armure 0
Dresseur 1
Soldat 1 Armes : bâton cérémoniel d6M + poison*
Gladiateur 2
Points de foi : 2
Protection : d6-1 (3)
Vitalité : 6
(baudrier de guerre + peau dure)
Armes : hache de bataille d6B+4, * La pointe aiguisée du bâton cérémoniel de
masse d’armes d6+4 Mishart est enduite d’un puissant poison des
marais. La première attaque qu’il porte avec
Points de vilenie : 5 (3)
succès impose à sa cible un test de vigueur
Vitalité : 16 Difficile (-2). En cas d’échec, la plaie se met à
saigner abondamment en une hémorragie qui lui
Avantages inflige la perte de d3 points de vitalité au début
Baudrier de guerre, dur à cuire, peau dure des trois rounds suivants, après quoi le poison
cesse de faire effet.
Désavantages
Illettré, marin d’eau douce
Hilario (rival)
Gardes grooth Attributs Aptitudes de combat
(coriaces, x8) Vigueur 1 Initiative 0
Agilité 2 Mêlée 2
Ces robustes grooth portent de petits ossements
Esprit 1 Tir 1
tressés dans la tignasse crasseuse qui couvre leur
Aura 0 Défense 2
crâne et ont le visage couvert d’une croûte d’argile
blanchâtre, sans doute pour imiter le voile de leur Carrières :
dieu. Ils sont quatre dans le vestibule du premier Fermier 0
étage, et quatre dans la salle de garde (n° 13). Voleur 1
Marin 1
Attributs Aptitudes de combat Soldat 2
Vigueur 2 Initiative 0
Protection : armure légère d6-3 (1), petit
Agilité 1 Mêlée 2
bouclier (+1 en défense contre 1 attaque par
Esprit 0 Tir 0
round)
Aura -1 Défense 0
Armes : épée longue d6+1, poignard d6M+1
Carrières : barbare 1
Points d’héroïsme : 6 (4)
Protection : aucune armure 0
Vitalité : 11
Armes : gourdin clouté d6+2
Vitalité : 8 Avantages
Arme favorite (épée longue), marqué par les dieux
Désavantage
Addiction (jeux d’argent)

194
 Chronologie récapitulative de la saga du Dieu voilé
Voici une courte chronologie des événements de la saga, décrivant succinctement les aventures des héros, en indiquant
la durée approximative de chacune d’elles, ainsi que les actions concomitantes entreprises par leurs adversaires.
Aventures des héros
Introduction : la colère de Nemmereth
Funérailles de Min Tan. Les héros sont mandatés par
le temple de Nemmereth pour aller à Halakh, consulter
l’oracle du Sanctuaire Noir. Deux à trois jours avant le
départ pour Halakh.
1. L’oracle de Nemmereth
Les héros gagnent Halakh, consultent l’oracle, et luttent
contre les assassins de l’Ombre sanglante. Les héros
reviennent à Satarla au bout de deux mois et demi.
2. Envolé le Corbeau !
Les héros enquêtent à Satarla, visitent le tombeau de
Jorkus, cherchent à retrouver Hilario. Les indices recueillis
les conduisent à partir pour Urceb, afin d’y rencontrer
un astrologue, Almar de Chebeg. De quelques jours à une
semaine.
3. Le dieu dévoilé
Après l’embuscade chez Almar de Chebeg et de nouvelles
péripéties à Urceb, les héros découvrent, dans les ruines
de l’Urceb-du-dessous, le sanctuaire de Kryphondus et ses
bas-reliefs, dont la lecture les éclaire sur les événements en
cours. Les héros reviennent à Satarla au bout de deux mois.
4. Quand tombent les masques
Les héros mettent fin aux manigances de la Compagnie
des Masques et découvrent la localisation précise de l’île
de Kryphondus, où doit se trouver le moyen de détruire le
voile qui rend Jorkus invulnérable. Lors d’une étape à Fort
Junia, ils sont contraints de fuir face à l’armée de Jorkus et
poursuivent leur voyage en nef volante pour rejoindre l’île.
De quelques jours à une semaine.
5. L’île de Kryphondus
L’exploration de l’île permet aux héros de découvrir les
armes qui leur permettront de s’attaquer au « dieu voilé ».
Confrontation finale avec Jorkus à Fort Junia.
195
Actions des adversaires
Jorkus met en scène son « suicide » rituel, puis
part en secret pour l’île de Kryphondus, guidé
par Hilario. Un mois avant le début de la saga.
Lok Kozaar, qui sert Jorkus en secret, se fait
engager par le temple de Nemmereth pour
aller trouver Jesharek Jool. Il envoie Kurta à
Halakh, qui charge une confrérie d’assassins de
se débarrasser des héros.
Lok Kozaar élimine le groupe d’Amrita et
revient en secret à Satarla. Jorkus traverse la
jungle en ralliant les tribus sous l’étendard du
« dieu voilé ».
Lok Kozaar envoie ses hommes tendre une
embuscade aux héros chez Almar de Chebeg, à
Urceb. Jorkus achève son « pèlerinage » à l’île de
Kryphondus et entame son grand retour.
Lok Kozaar aide la Compagnie des Masques
dans ses plans visant à déstabiliser Satarla. Juste
avant le retour d’Urceb des héros, il rejoint
Jorkus pour prendre la tête de son armée qui
redescend au sud vers le territoire de Satarla.
L’armée de Jorkus, menée par Lok Kozaar,
entame ses attaques sur le territoire de Satarla,
qui culminent avec la prise de Fort Junia.
L’armée de Jorkus défait les forces du
gouverneur local et consolide ses positions à
Fort Junia.
L'île de Kryphondus N
50m
Nom : Nom :
Soldat de la nef volante Soldat de la nef volante
(coriace) (coriace)
Attributs Aptitudes de combat Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 1 Initiative 0 Vigueur 1 Initiative 0
Agilité 1 Mêlée 1 Agilité 1 Mêlée 1
Esprit 0 Tir 1 Esprit 0 Tir 1
Aura 0 Défense 0 Aura 0 Défense 0
Carrières : soldat 2 Carrières : soldat 2
Protection : armure légère d6-3 (1) Protection : armure légère d6-3 (1)
Armes : lance ou épée d6+1, arbalète d6 Armes : lance ou épée d6+1, arbalète d6
Vitalité : 7 Vitalité : 7

Notes : Notes :

Nom : Nom :
Soldat de la nef volante Soldat de la nef volante
(coriace) (coriace)
Attributs Aptitudes de combat Attributs Aptitudes de combat
Vigueur 1 Initiative 0 Vigueur 1 Initiative 0
Agilité 1 Mêlée 1 Agilité 1 Mêlée 1
Esprit 0 Tir 1 Esprit 0 Tir 1
Aura 0 Défense 0 Aura 0 Défense 0
Carrières : soldat 2 Carrières : soldat 2
Protection : armure légère d6-3 (1) Protection : armure légère d6-3 (1)
Armes : lance ou épée d6+1, arbalète d6 Armes : lance ou épée d6+1, arbalète d6
Vitalité : 7 Vitalité : 7

Notes : Notes :