Vous êtes sur la page 1sur 5

1

Pragmatique et analyse d’interactions. KUNICHKIN Grigory.Licence 3, UGA 2021-2021, I semestre. Fiche d’étudiants.

Cours 7. Qu’est-ce qu’une interaction (verbale) ?

Exercice 1 : Comment comprenez-vous la notion d’ « interaction » ?

I. Une définition de l’interaction.

« […] tout au long du déroulement d’un échange communicatif quelconque, les différents
participants, que l’on dira donc des « interactants », exercent les uns sur les autres un réseau
d’influences mutuelles – parler, c’est échanger, et c’est changer en échangeant » ( Catherine Kerbrat-
Orecchioni, Les interactions verbales, t.1, Armand Colin, Paris, 1990, p. 17).

« Pour qu’il y ait un échange communicatif, il ne suffit pas que deux locuteurs (ou plus) parlent
alternativement ; encore faut-il qu’il se parlent, c’est-à-dire qu’ils soient tous deux « engagés » dans
l’échange, et qu’ils produisent des signes de cet engagement mutuel, en recourant à divers
procédés de validation interlocutoire :

« Les participants se servent d’un ensemble de gestes significatifs, afin de marquer la période de
communication qui commence et de s’accréditer mutuellement. Lorsque des personnes effectuent cette ratification
réciproque, on peut dire qu’elles sont en conversation : autrement dit, elles se déclarent officiellement ouvertes les
unes aux autres en vue d’une communication orale et garantissent conjointement le maintien d’un flux de paroles »
(Goffman 1974a : 33, dans Catherine Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, t.1, Armand Colin, Paris,
1990, p. 17-18). »

Comment attirer l’attention de l’interlocuteur ?

« L’émetteur doit non seulement parler, mais parler à quelqu’un, et le signaler par l’orientation de
son corps, la direction dominante de son regard, et la production de marqueurs verbaux
d’allocution ; il doit en outre s’assurer, par des coups d’œil intermittents, que l’autre écoute, et
qu’il est bien « branché » sur le circuit communicatif ; il doit enfin maintenir son attention par des
« captateurs » tels que « hein », « tu sais », « tu vois », « dis », « je te dis pas », « je vais te
dire », « n’est-ce pas », etc., et éventuellement « réparer » les défaillances d’écoute ou
problèmes de compréhension par une augmentation de l’intensité vocale, des reprises, ou des
reformulations : appelons phatiques1 l’ensemble des procédés dont use le parleur pour s’assurer
l’écoute de son destinataire » (ce sont des « locutions d’appel à l’attention » de André-Larochebouvy (1984a :
131-2, dans Catherine Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, t.1, Armand Colin, Paris, 1990, p. 18).

Les quatre question du parleur (le rôle des captateurs d’attention) : « tu m’entends ? », « tu
m’écoutes ? », « tu me comprends ? », « qu’est-ce que tu en penses ? ».

1 LING. Fonction phatique. Fonction du langage dont l'objet est d'établir ou de prolonger la communication entre le
locuteur et le destinataire sans servir à communiquer un message. Il y a des messages qui servent essentiellement à
établir, prolonger ou interrompre la communication, à vérifier si le circuit fonctionne («Allo, vous m'entendez?»), à
attirer l'attention de l'interlocuteur ou à s'assurer qu'elle ne se relâche pas («Dites, vous m'écoutez?») ou, en style
shakespearien, «Prêtez-moi l'oreille!» −et à l'autre bout du fil, «Hm-hm!». Cette accentuation du contact −la
fonction phatique, dans les termes de Malinowski (...) −peut donner lieu à un échange profus de formules
ritualisées, voire à des dialogues entiers dont l'unique objet est de prolonger la conversation (R. Jakobson, Essais
de ling. gén., trad. par Ruwet, Paris, éd. de Minuit, t.1, 1963, p.217). (https://www.cnrtl.fr/definition/phatique).
2
Pragmatique et analyse d’interactions. KUNICHKIN Grigory.Licence 3, UGA 2021-2021, I semestre. Fiche d’étudiants.

Comment l’interlocuteur doit-il agir ?

« De son côté, le récepteur doit lui aussi produire des signaux que nous dirons régulateurs (ou
« signaux d’écoute »), et qui apparaissent dans la littérature sous des habillages divers ; procédés
de « feed-back » ou de « back-channel » (Yngve, Duncan et Fiske, Tannen etc.), de
« monitoring » ou de « reinforcement », « continuers » (Schegloff) ou « uptakers » (Edmonson)

Ces régulateurs ont des réalisations diverses, non verbales (regard, hochement de tête, froncement
des sourcils, bref sourire, léger changement postural), vocales (« mmh » et autres vocalisations), ou
verbales (avec différents degrés d’élaboration : morphème exclamatif, ou à valeur d’approbation -
« oui », « d’accord » -, reprise avec ou sans reformulation ».

La fonction des régulateurs/signaux d’écoute :

1. « je te suis » (faire acte de sa présence dans l’interaction, ratifier l’autre dans son rôle de
parleur, et l’assurer que le message « passe ») ;
2. « j’ai un problème communicatif » (« hein ? », « quoi ? »: demande de répétition ou
d’éclaircissement) ;
3. « je ne suis plus présent dans l’interaction » (des régulateurs négatifs) : un regard erratique2,
une posture manifestant un évident désengagement de la conversation (on se « détourne »),
l’absence des signes vocaux ». (Catherine Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, t.1, Armand
Colin, Paris, 1990, p. 19).

II. Une typologie des interactions.

1. Des interactions symétriques et complémentaires.

« Dans le premier cas, les partenaires ont tendance à adopter un comportement en miroir, leur
interaction peut donc être dite symétrique […] Dans le second cas, le comportement de l’un des
partenaires complète celui de l’autre pour former une « Gestalt » de type différent : on l’appellera
complémentaire. Une interaction symétrique se caractérise donc par l’égalité et la minimisation
de la différence, tandis qu’une interaction complémentaire se fonde sur la maximisation de la
différence. Dans une relation complémentaire, il y a deux positions différentes possibles. L’un des
partenaires occupe une position qui a été désignée comme supérieur, première ou « haute » (one-
up), et l’autre la position correspondante dite inférieur, seconde ou « basse » (one-down) […]. Le
contexte social ou culturel fixe dans certains cas une relation complémentaire (par exemple mère-
enfant, médecin-malade, professeur-étudiant), ou bien ce style de relation peut être propre à une
dyade déterminée. Soulignons dans les deux cas la solidarité de cette relation, où des
comportements, dissemblables mais adaptés l’un à l’autre, s’appellent réciproquement » (Watzlawick,
Beavin & Jackson 1972 : 66-67, dans Robert Vion, La communication verbale. Analyses des interactions, Hachette,
Paris, 1992, p. 124).

2. Formelles et informelles.

Des critères de formalité et d’informalité d’une interaction :

• le nombre de participants

2 Qui erre, qui n'a pas de localisation fixe. (https://www.cnrtl.fr/definition/erratique).


3
Pragmatique et analyse d’interactions. KUNICHKIN Grigory.Licence 3, UGA 2021-2021, I semestre. Fiche d’étudiants.

• la nature du cadre interactif


• la nature des rituels d’ouverture ou de clôture
• la nature des signaux d’écouter
• l’espace où se déroule l’interaction
• les rôle sociaux des interactants etc. (Robert Vion, La communication verbale. Analyses des
interactions, Hachette, Paris, 1992, p. 128).

2.1. Interactions complémentaires.

La consultation, l’enquête, l’entretien, la transaction (« vendeur/client » : libraire-client, chauffeur


de taxi-client, garçon de café-client, guichetier-client, commerçant-client, administration-
administré).

2.2. Interactions symétriques

La conversation.
Ses propriétés spécifiques :
➔ caractère « immédiat », dans le temps et dans l’espace (proximité des participants, contact
direct, réponse spontanée) ;
➔ caractère « familier » (ou « non formel »), spontané, improvisé et décontracté […] la
conversation s’oppose aux autres formes d’interactions en ce qu’aucune de ses composantes
n’est fixée à l’avance – nombre des participants (variable d’une conversation à l’autre, et
même au cours d’une même conversation, ce nombre doit toutefois rester relativement
réduit), thèmes traités (également variables, et prêtant à « dérive » ; une conversation se fait
« à bâtons rompus), durée de l’échange et des différentes répliques qui la composent ;
alternance des tours de parole : tout cela se détermine au coup par coup, de façon « libre »
ou du moins, « minimalement contrainte » […] ;
➔ caractère « gratuit » et « non finalisé » : la conversation est « coupée de tout but
instrumental » (Goffman), elle n’a pas de « but avoué autre que celui de converser » (André-
Larochebouvy (1984a : 18), c’est-à-dire qu’elle comporte elle-même sa propre finalité ;
➔ caractère « égalitaire » : même s’ils n’ont pas en fait le même statut, les participants se
comportent dans l’interaction comme des égaux ; ils disposent du même ensemble de droits
et de devoirs, et se situent, en tant que sujets conversants à la même « place » (Catherine
Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, t.1, Armand Colin, Paris, 1990, p. 114-115).

La discussion ;
Le débat ;
La dispute.

EXEMPLE de dispute :

Lisa : Arrête de me parler de ma mère à chaque fois ! On est en train de parler de tes chaussettes, là !
Gilles : Tu parles de mes chaussettes ! A croire qu’il n’y a que ça qui t’intéresse dans la vie.
Lisa : Mais je vais te les faire bouffer !
Gilles : Tu ferais mieux de les laver non ?
Lisa : AHHHHH, fiche-moi la paix ! Non ! Non ! Ne parle pas ! Tu te tais ! Tu fermes ta grosse bouche et tu sors !
Gilles : Je les pose sur le lit.
Lisa : Ta bouche ! (Exemple De Dispute Entre Deux Personne - Bing images , consulté le 18.10.2021).
4
Pragmatique et analyse d’interactions. KUNICHKIN Grigory.Licence 3, UGA 2021-2021, I semestre. Fiche d’étudiants.

III. Des éléments à prendre en considération lors d’une analyse d’interaction.

1. La nature de l’interaction : une interaction orale, écrite ; authentique ou bien préfabriquée


(un dialogue littéraire, p.e.). Le caractère spontané ou prédéterminé de l’interaction.
2. La nature du « site » (le cadre spatio-temporel) : lieu public (bureau de poste, magasin ou marché
en plein air, restaurant, bistrot…) ou privé ;
3. Le nombre de participants et leurs rôles. Le nombre réduit (conversation, entretien…), le
nombre important (cérémonie, réception, colloque, meeting) ;
4. Le but de l’interaction. Des conversations « finalisées » (orientées vers un but, une finalité
précise (consoler, séduire, convaincre ; des transactions ; une finalité d’obtenir (un conseil, un
renseignement, une consultation) et de fournir (une information, des savoirs…). Des conversations
« gratuites », « non finalisées » (« parler c’est pour parler ») ;
5. La formalité et l’informalité. Des échanges « familiers » vs des échanges « formels ».
6. Le ton de l’interaction :

➢ sérieux vs ludique ;
➢ consensuel vs conflictuel (caractère « agonal3 » : « altercation4 », « dispute », « prise de
bec », « chamaillerie5 », « qeurelle », « démêlé6 », « polémique », «scène de ménage »,
« engueulade7 , « empoignade8 » etc. ;
7. La durée ou le rythme de l’interaction ;
8. Le contenu de l’interaction : les thèmes abordés (interactions monothématiques vs
plurithématiques, à thème imposé vs libre, privé vs non privé, futile vs sérieux…). (Kerbrat-Orecchioni,
t1. p. 125-128).

Exemple d’une conversation.


Exercice 2 : Lisez l’exemple d’une conversation proposé et dites s’il s’agit d’une conversation
formelle ou informelle, identifiez le ton de la conversation, repérez des composantes de la
conversation (le début, le déroulement, la fin de la conversation), observez les indicateurs du
temps et dites quelle est leur importance pour l’analyse de la conversation, dites s’il s’afit
d’une conversation « gratuite » ou « finalisée », identifiez le contexte où se passe la
conversation et le nombre d’interactants, observez l’emploi des émojis et dites quel est leur
rôle. Toutes les réponses doivent être justifiées !

Attention ! Il est interdit de copier et de transmettre l’exemlpe de la conversation ci-dessous


à des personnes ne faisant pas partie de la formation Licence 3 Sciences du langage UGA.

A. Bonsoir 22.20
B. Salut 23.07
A. Moi c’est (le nom propre)
De passage pour le boulot 23.07
3 ANTIQ. Relatif aux jeux publics. PHILOS., PSYCHOL. « Qui concerne la lutte, le combat (...) peut caractériser
certaines formes de jeu. » (CNRTL).
4 Dispute vive et généralement brève, survenant entre deux ou plusieurs personnes. (Ibid.)
5 Fam., souvent au plur. Action de se chamailler. Synon. dispute, querelle. (Ibid.)
6 Subst. masc., gén. au plur. Contestation, querelle sur une affaire qui demande à être éclaircie et qui est l'objet de
débats entre deux parties. Un simple démêlé, de fréquents démêlés; avoir des démêlés avec l'administration, la
police. (Ibid.)
7 Pop. Action d'engueuler ou de s'engueuler*; p. méton. suite de propos violents, souvent injurieux, adressés à
quelqu'un en manière de reproches, ou échangés entre deux ou plusieurs personnes en opposition. Une bonne
engueulade; une engueulade magistrale; une engueulade maison; avoir une engueulade avec qqn. (Ibid).
8 Lutte ardente où les adversaires en viennent aux poings. P. ext. Discussion violente; querelle. (Ibid.).
5
Pragmatique et analyse d’interactions. KUNICHKIN Grigory.Licence 3, UGA 2021-2021, I semestre. Fiche d’étudiants.

B. D’accord. 23.08
A. Tu es d’ici ? 23.09
B. Oui, oui. 23.09
A. Good
A. Du coup je ne peux proposer que rencontre ponctuelle…:) 23.11
B. Tu n’es pas de mon goût, mon cher 23.24
A. J’en avais l’intuition 23.24
B. Pourquoi ? 23.25
A. Ta manière de ne pas nourrir le dialogue 23.26
B. Ah, oui. Mais toi non plus, tu n’es pas éloquent… 23.27
A. Alors c’est doublement de ma faute
Ne pas te plaire
Ne pas savoir te parler
…:) 23.28
B. Le fait de ne pas être de mon goût ne veut absolument pas dure que c’est de ta faute, hein. 23.29
A. Je taquine
Aucun soucis
J’abrège
Bonne suite à toi 23.31
B. Bonne continuation

Vous aimerez peut-être aussi